Traitement des fistules bronchopleurales par épiplooplastie en première intention
Axel Plaisant*, Sebastian Sandu, Gonzague Delepine, Maud-Emmanuelle Olivier, Vito-Giovanni Ruggieri
Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, hôpital Robert Debré, CHU Reims, France.
*Correspondance : aplaisant@chu-reims.fr
DOI : 10.24399/JCTCV21-4-PLA
Citation : Plaisant A, Sandu S, Delepine G, Olivier ME, Ruggieri VG. Traitement des fistules bronchopleurales par épiplooplastie en première intention. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(4). doi: 10.24399/JCTCV21-4-PLA
Résumé
Objectif : la fistule bronchopleurale est une complication rare dont la prise en charge reste complexe. Nous partageons notre expérience dans le traitement des fistules bronchopleurales par épiplooplastie en première intention, c’est-à-dire sans thoracostomie.
Méthodes : entre avril 2007 et septembre 2015, 12 patients avec une fistule bronchopleurale et ayant été opérés par épiplooplastie ont été inclus rétrospectivement. Le traitement consistait à réaliser dans la même intervention le débridement de la cavité pleurale par thoracotomie, suivi du prélèvement du grand épiploon par une courte laparotomie. L’épiplooplastie du moignon bronchique était réalisée avant fermeture du thorax.
Résultats : sur 12 patients (âge moyen 62 ans), 9 ont été traités avec succès. Deux patients ont présenté une récidive de la fistule et ont été traités secondairement par thoracostomie. Un patient est décédé d’un choc septique. La durée moyenne d’hospitalisation a été de 25 jours.
Conclusion : l’épiplooplastie en première intention offre des résultats satisfaisants pour le traitement des fistules bronchopleurales en évitant les désagréments de la thoracostomie. Elle peut être proposée à tous les patients sans antécédent de chirurgie abdominale et dans un contexte septique maîtrisé. En cas d’échec, la thoracostomie doit cependant être réalisée sans délai.
Abstract
Treatment of bronchopleural fistula by first-line omentoplasty
Objective: Bronchopleural fistula is an uncommon complication whose management remains a clinical challenge. We’d like to share our experience in the treatment of bronchopleural fistula by omentoplasty as first-line treatment (i.e., without open window thoracostomy).
Methods: From April 2007 to September 2015, 12 patients with bronchopleural fistula who were operated on by omentoplasty were retrospectively included. The treatment was to perform (at the same time) the debridement of the pleural space by thoracotomy and then to take an omental flap by medial laparotomy. Reconstructive omentoplasty was performed before closing the thorax.
Results: From our 12 patients (median age 62 years), 9 were successfully controlled. Two patients had recurrence of the fistula and were treated secondarily by an immediate open window thoracostomy. One patient died of septic shock. The median hospitalization time was 25 days.
Conclusion: First-line omentoplasty is an effective method for the treatment of bronchopleural fistula and avoids open window thoracostomy in most cases. All patients without a history of abdominal surgery and whose septic condition is previously controlled can be eligible for this method. In case of failure, the open window thoracostomy must be carried out without delay.
1. Introduction
La fistule bronchopleurale (FBP) postchirurgie d’exérèse est une complication peu fréquente et grave. Son incidence a baissé de façon significative au cours du temps, en raison d’une meilleure connaissance des facteurs de risque et d’une prise en charge adaptée [1]. En cas de chirurgie à haut risque comme la pneumonectomie droite, de lobectomie ou de pneumonectomie bronchoplastique, de radiothérapie préopératoire ou de diabète, des mesures préventives sont à mettre en œuvre et font d’ailleurs l’objet de recommandations [2]. Malgré cela, il persiste un faible nombre de FBP postchirurgicales ou d’origine septique dont le traitement reste complexe. L’objectif n’est pas seulement la fermeture de l’orifice fistuleux, il a aussi pour but de protéger les voies aériennes et de contrôler l’infection. Il est ainsi possible d’avoir recours à diverses techniques endoscopiques et chirurgicales, seule ou en association, sans qu’aucun schéma n’ait montré la preuve de sa supériorité. Parmi les différentes approches possibles, l’épiplooplastie a déjà fait l’objet de plusieurs travaux encourageants. Le grand épiploon possède en effet des qualités immunologiques et angiogéniques remarquables dans ce contexte. Il est ainsi utilisé pour la réalisation d’épiplooplastie de couverture du moignon bronchique ou encore de comblement après thoracostomie.
Nous rapportons notre expérience dans le traitement des fistules bronchopleurales par épiplooplastie en première intention, c’est-à-dire sans traitement chirurgical préalable et notamment sans thoracostomie. L’objectif de cette étude était de juger l’efficacité d’une telle approche.
2. Patients et méthodes
Entre avril 2007 et septembre 2015, nous avons inclus rétrospectivement 12 patients âgés de 38 à 79 ans (moyenne 62 ans) qui ont bénéficié d’une épiplooplastie de couverture pour le traitement d’une FBP à l’hôpital Robert Debré du centre hospitalier universitaire de Reims. Sur les 12 patients, aucun geste chirurgical visant à la fermeture de la fistule n’a été réalisé avant l’épiplooplastie et notamment aucune thoracostomie. Trois (25 %) patients ont cependant été traités préalablement et sans succès par endoscopie : 2 fistules persistantes après nitratage et 1 après encollage biologique.
Les douze patients étaient tous de sexe masculin. Onze patients présentaient un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) et un patient présentait une FBP compliquant une pleuropneumopathie gauche à Streptococcus pneumoniae. Parmi les onze CBNPC, on retrouvait 6 (55 %) carcinomes épidermoïdes et 5 (45 %) adénocarcinomes. Selon la classification TNM/AJCC de 2009, les patients étaient répartis de la façon suivante : 1 patient stade IA, 3 stades IB, 3 stades IIB et 4 stades IIIA. Parmi eux, 5 (45 %) patients avaient été opérés d’une pneumonectomie droite dont 4 de totalisation, 2 (18 %) patients d’une pneumonectomie gauche dont 1 de totalisation, 3 (27 %) patients d’une lobectomie inférieure droite et 1 (9 %) patient d’une bilobectomie inférieure et moyenne. Ces patients avaient tous été opérés par thoracotomie postérolatérale épargnant le muscle dentelé antérieur et avec un curage radical. Un lambeau de couverture du moignon bronchique avait été réalisé chez tous les patients opérés d’une pneumonectomie droite : 3 lambeaux de muscle intercostal, 1 lambeau de plèvre médiastinale et 1 lambeau de la crosse de la veine azygos. Concernant les facteurs de risque de FBP rapportés dans la littérature, dans notre série, 9 (75 %) patients ont été opérés du côté droit et 7 (58 %) d’une pneumectomie. Cinq (42 %) patients étaient tabagiques actifs, 3 (25 %) patients étaient diabétiques et 6 (50 %) patients avaient été traités préalablement par chimiothérapie dont 1 en néoadjuvant et 5 en adjuvant.
Il s’agissait toutes de fistules classiques ou intermédiaires selon la classification modifiée de Le Brigand avec un délai d’apparition compris entre le 7e et le 26e jour postopératoire. Toutes les fistules étaient symptomatiques. Le diagnostic a été suspecté sur des signes de sepsis pour 8 patients et parmi eux 2 ont présenté un choc septique préopératoire et 1 patient a présenté une insuffisance respiratoire aiguë. La FBP a été diagnostiquée pour 3 autres patients dans les suites d’une hémoptysie, d’un emphysème sous-cutané et d’une vomique pleurale. La fibroscopie bronchique a été réalisée systématiquement avant chaque épiplooplastie excepté dans un cas, celui du patient ayant présenté la vomique pleurale. Cet examen a permis de montrer la visualisation directe de la fistule pour 7 patients, des signes indirects à type de bullage pour 1 patient et uniquement des sécrétions purulentes pour les 3 autres.
Dans plus de la moitié des cas, c’est-à-dire 7 patients, l’épiplooplastie a été réalisée le jour même du diagnostic. Pour les autres, les interventions ont eu lieu à 4, 8, 9, 27 et 37 jours après le diagnostic. Une intervention a été retardée de 8 jours après évolution favorable d’un choc septique et pour les trois valeurs les plus élevées, ils s’agissaient des patients traités initialement par endoscopie [tableau 1].
Tableau 1. Caractéristiques des patients.
Délai après chir. initiale (jours)
Patient
Âge
Diagnostic
Côté
Chirurgie initiale
Couverture
pTNM
Endosc.
Diagnostic
Épiplooplastie
1
47
Adénocarcinome
D
Pneumonectomie (T)
PM
IIIA
Colle bio
13
50
2
67
Épidermoïde
D
Lobectomie inférieure
/
IIIA
/
15
23
3
59
Épidermoïde
D
Pneumonectomie (T)
CVA
IIB
Nitratage
26
53
4
70
Adénocarcinome
G
Pneumonectomie
/
IB
Nitratage
13
22
5
79
Épidermoïde
D
Lobectomie inférieure
/
IB
/
7
7
6
38
Pleurésie purulente
G
/
7
73
Épidermoïde
G
Pneumonectomie (T)
/
IB
/
10
10
8
65
Adénocarcinome
D
Bilobectomie inf. et moy.
/
IIB
/
18
18
9
64
Adénocarcinome
D
Pneumonectomie (T)
MIC
IIIA
/
10
14
10
59
Adénocarcinome
D
Lobectomie inférieure
/
IA
/
9
9
11
61
Épidermoïde
D
Pneumonectomie
MIC
IIB
/
19
19
12
63
Épidermoïde
D
Pneumonectomie (T)
MIC
IIIA
/
12
12
T : de totalisation ; PM : plèvre médiastinale ; CVA : crosse de veine azygos ; MIC : muscle intercostal ; Endosc : traitement endoscopique.
2.1. Technique chirurgicale
L’intervention consistait à reprendre la thoracotomie postérolatérale afin de réaliser le débridement complet de la cavité, que ce soit après lobectomie ou pneumonectomie. Dans un deuxième temps, une courte laparotomie médiane susombilicale permettait l’abord de la cavité abdominale et la réalisation du lambeau de grand épiploon selon les techniques déjà décrites [3]. Le lambeau était laissé pédiculé sur une seule artère gastroépiploïque droite ou gauche, choisie en fonction du calibre des artères et du côté de la fistule. Le lambeau était ensuite mobilisé dans la cavité pleurale à travers une phrénotomie. L’incision diaphragmatique était suffisamment large pour ne pas compromettre la vascularisation et suffisamment étroite pour éviter tout risque herniaire. Le lambeau était alors suturé soit directement aux berges du moignon bronchique et de la fistule, soit au tissu péribronchique adjacent réalisant ainsi une épiplooplastie de couverture.
3. Résultats
Le geste chirurgical par épiplooplastie comme décrit précédemment a été réalisé intégralement sur l’ensemble des 12 patients. Chez 9 (75 %) patients, l’épiplooplastie en première intention a permis la fermeture de la fistule sans geste chirurgical supplémentaire et aucune récidive n’a été constatée. Pour 2 (17 %) patients, il a été réalisé secondairement une thoracostomie pour une récidive de la fistule. Enfin 1 patient est décédé le lendemain de l’intervention dans les suites d’un choc septique, il s’agit du seul décès observé dans les 30 jours postopératoires.
Les patients 8 et 11 ont présenté une récidive de la FBP respectivement au 28e et au 7e jour après l’épiplooplastie. Ils ont été opérés tous les deux d’une thoracostomie sans délai. Dans le premier cas, il a été réalisé une thoracoplastie droite six mois après, sans parvenir à la fermeture de la fistule. Par la suite, le patient a présenté une rechute tumorale avec évolution métastatique aboutissant au décès. Dans le second cas, un comblement par lambeau de muscle grand dorsal libre controlatéral a été réalisé un an après. Devant la persistance de la fistule, il a été entrepris la pose d’une prothèse de carène [tableau 2].
Tableau 2. Résultats après épiplooplastie.
Durée hospit. (j)
Statut
Patient
Fermeture fistule
En
réanimation
Totale après
épiplooplastie
À 30 jours
Dernières nouvelles
Durée de suivi (j)
1
Succès
2
10
Vivant
Vivant
1400
2
Succès*
13
67
Vivant
Décédé, récidive tumorale
699
3
Succès
10
22
Vivant
Décédé, récidive tumorale
462
4
Succès
3
10
Vivant
Décédé, AVC massif
1385
5
/
Décédé
Décédé, choc septique
1
6
Succès
3
10
Vivant
Vivant
2130
7
Succès
5
21
Vivant
Décédé, récidive tumorale
532
8
Échec
4
40
Vivant
Décédé, récidive tumorale
750
9
Succès
5
33
Vivant
Décédé, récidive tumorale
251
10
Succès
5
12
Vivant
Vivant
1094
11
Échec
13
33
Vivant
Vivant, exclusion de la fistule par prothèse de carène
821
12
Succès
1
20
Vivant
Vivant, récidive tumorale
730
*après nitratage par endoscopie.
Parmi les complications observées durant le séjour hospitalier, il y a eu selon la classification de Clavien-Dindo :
1 complication grade V : 1 décès ;
2 complications grade IIIb : 2 fistules récidivantes traitées par thoracostomie ;
1 complication grade IIIa : une fistule résiduelle résolutive après nitratage endoscopique ;
2 complications grade II : une pneumopathie et un épisode de fibrillation auriculaire [tableau 3].
La durée moyenne du séjour en réanimation a été de 5,8 jours (min 1, max 13) et la durée moyenne d’hospitalisation après épiplooplastie a été de 25,3 jours (min 10, max 67).
Les complications extrahospitalières comprenaient :
1 complication grade IIIb : une éventration nécessitant un traitement chirurgical ;
1 complication grade I : un abcès de paroi nécessitant des soins locaux [tableau 3].
La durée du suivi moyen a été ainsi de 854,6 jours (ET = 577,3).
Tableau 3. Complications intra et extrahospitalières.
Classification
Clavien-Dindo
Détails
Gestes complémentaires
Grade I
1
Abcès de paroi (patient 4)
Soins locaux
Grade II
2
Fibrillation auriculaire (patient 7)
Antiarythmique IV (Cordarone)
Pneumopathie (patient 10)
Antibiothérapie
Grade III
IIIa
1
Fistule résiduelle (patient 2)
Nitratage par endoscopie
IIIb
3
Éventration (patient 6)
Traitement chirurgical avec mise en place
d'une prothèse pariétale
Fistule récidivante (patient 8)
Thoracostomie puis thoracoplastie
Fistule récidivante (patient 11)
Thoracostomie puis couverture par un lambeau de muscle grand dorsal (échec), mise en place d'une
prothèse de carène
Grade IV
IVa
0
IVb
0
Grade V
1
Choc septique (patient 5)
Réanimation, décès J1
4. Discussion
Le traitement des FBP reste un challenge lié à la difficulté du contrôle de l’infection et à l’obtention de la fermeture de la fistule. Dans notre série, l’analyse des 3 échecs montre que sur les deux récidives de FBP, l’épiplooplastie n’a pas entravé la réalisation d’une thoracostomie dans un second temps. De même, le seul décès dans notre série imputable à la FBP concernait un patient opéré d’une lobectomie inférieure droite avec une sonde d’intubation trachéale classique, l’intubation sélective ayant échoué. La FBP était apparue au 7e jour postchirurgical, d’emblée sous la forme d’un sepsis grave. La fibroscopie avait montré une déhiscence en fente de la suture motivant la réalisation de l’épiplooplastie le jour même du diagnostic. Malgré cela, l’évolution s’était faite vers un choc septique et le patient était décédé le lendemain de l’intervention. A posteriori, l’indication de l’épiplooplastie dans ce contexte septique avancé, et compte tenu de surcroît de l’âge du patient, est critiquable, la thoracostomie seule était ici recommandée.
La thoracostomie reste l’intervention de référence pour le traitement de l’empyème avec des résultats proche de 100 % pour le contrôle local de l’infection, comme le montrent plusieurs études [4-6]. Lorsqu’une FBP était présente, Pairolero et al. préconisaient d’associer dans le même temps opératoire un lambeau de couverture, généralement en utilisant le muscle dentelé antérieur. Par cette technique, 24 patients sur 28 avaient été traités avec succès [7]. En 2006, Zaheer et al., toujours à la Mayo Clinic, ont publié des résultats complémentaires concernant la transposition musculaire simultanée [6]. Sur 55 patients, ils retrouvaient un taux de récidive de 18 % et surtout ils réalisaient un nombre d’actes chirurgicaux moyens de 7. Concernant la durée de séjour, elle était plus élevée que dans notre étude avec une moyenne de 30 jours. Pourtant, la fermeture spontanée de la fistule est possible, elle a été observée chez 16 patients sur 24 (66 %) dans l’étude de Regnard et al. [5] et chez 21 patients sur 30 dans une étude plus récente, amenant les auteurs à privilégier la thoracostomie seule dans un premier temps [8]. Cependant, la thoracostomie n’est généralement qu’une première étape. Elle implique au minimum un geste chirurgical supplémentaire de fermeture de la fenêtre, la réalisation de soins locaux plurihebdomadaire impactant directement sur la qualité de vie du malade ainsi qu’un traumatisme psychique souvent important.
Aucune étude de grande ampleur n’a été réalisée à ce jour concernant l’épiplooplastie dans le traitement des FBP mais elle fait l’objet de plusieurs publications [9-12]. Shrager et al. ont ainsi traité avec succès 11 patients sur 13 par épiplooplastie en association avec une thoracostomie [10]. En 2005, Chichevatov et al. proposaient de réaliser uniquement l’épiplooplastie de façon précoce. Sur 12 patients opérés d’une pneumonectomie et présentant une FBP, 1 patient a présenté une récidive de la fistule et 3 patients ont développé un empyème sans fistule. Pour ces derniers, l’évolution a été favorable après drainage et lavage de la cavité [11]. Enfin, une étude suisse et polonaise publiée en 2008 rapporte de bons résultats pour 18 épiplooplasties dans le traitement des fistules postpneumonectomie en association à une reprise chirurgicale itérative et jusqu’à l’obtention d’une cavité macroscopiquement propre [12].
L’avantage du grand épiploon est qu’il possède des qualités anatomiques et physiologiques remarquables notamment en contexte septique, ce qui explique son intérêt dans le traitement des FBP. Il adhère rapidement et fortement au tissu inflammatoire et lutte contre l’infection par plusieurs mécanismes, entre autres par la sécrétion de lysozyme et la synthèse d’anticorps. L’épiploon favoriserait aussi la néoangiogénèse locale par l’intermédiaire du VEGF sécrété par les adipocytes [13,14].
Les limites au développement de l’épiplooplastie en chirurgie thoracique sont liées notamment au prélèvement du lambeau. Les patients aux antécédents de péritonite, de chirurgie abdominale itérative, ou intéressant le grand épiploon constituent des contre-indications. En outre, la qualité et le volume du grand épiploon ne sont pas évalués en routine. Son poids n’est pas directement corrélé au poids du patient, même si les personnes obèses présentent généralement un tablier graisseux plus important. Dans notre expérience, aucun patient ne présentait d’IMC inférieur à 18,5, 5 patients étaient de corpulence normale, 5 en surpoids et 2 patients obèses. La qualité du lambeau était variable mais toujours suffisante pour la réalisation de l’épiplooplastie. De plus, bien que relativement simple, la laparotomie médiane et la libération du grand épiploon nécessitent de fait une formation en chirurgie générale. Les complications les plus fréquentes sont la dilatation gastrique, elle-même la conséquence d’une traction excessive du pylore et le risque d’éventration. Dans notre série, un patient de 38 ans toxicomane, traité pour une FBP d’origine septique, a présenté dans les suites de l’épiplooplastie une éventration qui a nécessité une reprise chirurgicale. Certains auteurs ont proposé une alternative à la laparotomie. Zurek et al. ont traité 8 patients pour empyème dont 3 avec une FBP associée en réalisant une épiplooplastie dont le lambeau avait été prélevé par laparoscopie [15]. De façon plus surprenante, D’Andrilli et al. décrivent le prélèvement transdiaphragmatique du grand épiploon par thoracotomie. Ils rapportent avec cette technique 43 renforcements de suture bronchique et 2 succès de fermeture de FBP [16].
Les alternatives au traitement chirurgical essentiellement représentées par la fibroscopie et la bronchoscopie interventionnelle regroupent diverses techniques et font l’objet actuellement de nombreuses publications. En 2007, West et al. publiaient une revue de la littérature et montraient que sur 90 patients porteurs d’une FBP (dont 85 patients postpneumonectomie), seulement 30,1 % avaient été traités avec succès sur la fistule et le pyothorax. La mortalité restait relativement élevée à 39,6 % [17]. Plus récemment, Cardillo et al. ont présenté les résultats de 35 patients traités par endoscopie, essentiellement par injection sous muqueuse d’agent sclérosant (Polidocanol) et de colle (Cyanoacrylate) dans la fistule. Sur les 18 fistules dont le diamètre était inférieur ou égal à 2 mm, seul un échec a été observé, et sur les 17 fistules supérieures à 2 mm, ils obtenaient une guérison dans 65 % des cas [18]. On constate que les résultats sont fortement influencés par la taille de la fistule. Le traitement endoscopique est à privilégier selon les auteurs pour des FBP dont le diamètre ne dépasse pas 5 ou 6 mm [18,19]. Les échecs au traitement endoscopique ne semblent pas influencer ultérieurement les résultats du traitement chirurgical [18]. D’autres techniques sont utilisées, notamment les valves endobronchiques, mais peu de données sont disponibles et elles semblent offrir de moins bons résultats [20].
5. Conclusion
En conclusion, l’épiplooplastie en première intention offre des résultats satisfaisant chez des patients préalablement sélectionnés, sans antécédent de chirurgie abdominale et en l’absence de sepsis grave. Cette attitude permet dans la plupart des cas la guérison rapide du malade et évite les désagréments de la thoracostomie. En cas d’échec du traitement par épiplooplastie, la thoracostomie que l’on pourrait qualifier ici de rattrapage doit cependant être réalisée sans délai. Au vu de la littérature actuelle et comme nous l’avons expérimenté dans cette étude, le traitement par fibroscopie ou bronchoscopie interventionnelle peut être proposé préalablement pour des fistules dont le diamètre est inférieur ou égal à 5 mm sans entraver a priori la suite de la prise en charge [figure 1].
[caption id="attachment_3934" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Arbre décisionnel. Stratégie de prise en charge des fistules bronchopleurales.[/caption]
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https://doi.org/10.1097/MCP.0000000000000063
Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.
Date de soumission : 11/09/2017. Acceptation : 09/11/2017.
décembre 8, 2017