Intérêt du drainage par VAC dans les pneumopathies nécrosantes : à propos d’un cas
Christophe Peillon, Edouard Roussel, B. Bottet, A. Witte, S. Lachkar, Jean-Marc Baste
Service de chirurgie générale et thoracique, CHU Charles Nicolle, Rouen, France.
Correspondance : christophe.peillon@chu-rouen.fr
Résumé
Nous rapportons l’observation clinique d’un cas de pneumopathie nécrosante lobaire moyenne traitée efficacement par une minithoracostomie et application d’un VAC (vacuum assisted closure) sans exérèse pulmonaire ni réintervention.
Abstract
This case reports a successful treatment of a necrotizing lung infection with an application of a mini thoracostomy with VAC, without pulmonary resection.
1. INTRODUCTION
La pneumopathie nécrosante est une pathologie grave qui engage le pronostic vital et qui nécessite parfois une résection du parenchyme pulmonaire nécrosé pour maîtriser le sepsis. Ces interventions sont lourdes et grevées d’une morbimortalité importante, jusqu’à 30 % [1].
Nous rapportons l’observation d’une patiente atteinte d’une pneumopathie nécrosante, traitée efficacement par une minithoracostomie, drainée au moyen d’un système d’aspiration continu (VAC), sans exérèse anatomique pulmonaire, ni réintervention, dont les suites ont été simples malgré la sévérité du tableau initial.
2. OBSERVATION
Il s’agit d’une patiente de 51 ans, aux antécédents d’éthylisme chronique, tabagisme (30 PA) et dénutrition sévère (IMC = 16,8, albumine = 14 g/l). La prise en charge était faite d’emblée en réanimation médicale pour une pneumopathie lobaire moyenne et inférieure droite hypoxémiante compliquée d’un SDRA sévère et d’un choc septique (pneumocoque, Candida et E. Coli). Une intubation orotrachéale était réalisée dès l’admission. L’anamnèse retrouvait une prise d’AINS les jours précédents pour traitement symptomatique d’une toux. L’imagerie initiale montrait une image de pneumopathie franche lobaire moyenne et inférieure droite.
Au quatrième jour après l’admission, la patiente présentait un emphysème sous cutané majeur exploré par une seconde TDM, qui révélait un important barotraumatisme lobaire moyen. À J12, une nouvelle TDM était réalisée pour une nouvelle dégradation septique de l’état général, mettant en évidence une nécrose abcédée de tout le lobe moyen [figure 1].
[caption id="attachment_2621" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Pneumopathie nécrosante du lobe moyen au 12e jour d’hospitalisation avant chirurgie.[/caption]
Insuffisamment drainée en percutané, il était décidé une prise en charge chirurgicale la moins invasive possible compte tenu de l’état général de la patiente et de la perte de substance pulmonaire. Une minithoracostomie antérolatérale (5 x 2 cm) en regard de la cavité était réalisée par section segmentaire de 5 cm de l’arc moyen de la 5e côte, suivi d’un comblement de la cavité par une mousse, reliée au VAC avec occlusion totale de la stomie par film adhésif [figure 2]. Ce pansement était renouvelé tous les 3 jours en réduisant progressivement le volume de la mousse insérée.
[caption id="attachment_2623" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Appareillage du patient par VAC sur la minithoracostomie axillaire droite au niveau de la 5e côte.[/caption]
Dès lors, l’état clinique de la patiente s’améliorait, autorisant l’extubation de la patiente à J35 puis un séjour de 3 semaines dans une unité de sevrage ventilatoire. Durant ce séjour l’efficacité de l’aspiration par le VAC était néanmoins compromise par l’apparition d’une fuite aérienne importante liée à l’apparition d’une fistule bronchique lobaire moyenne dans la cavité. Celle-ci était traitée avec succès par deux séances de thermocoagulation par fibroscopie bronchique.
Le traitement par VAC était poursuivi au domicile de la patiente en HAD pendant encore 30 jours. Une dernière TDM [figure 3] à 3 mois montrait une disparition de la cavité, une reventilation complète du lobe inférieur ainsi qu’une fermeture quasi complète de la stomie.
[caption id="attachment_2625" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. TDM à 3 mois. Notez la disparition de la cavité nécrosée, la réexpansion du lobe inférieur, la fermeture quasi complète de la thorascostomie.[/caption]
3. DISCUSSION
Le traitement des empyèmes pleuraux par VAC est une technique déjà décrite dans la littérature, avec de bons résultats [2], alors que les pneumopathies nécrosantes sont plus souvent prises en charge par exérèses pulmonaires anatomiques ou non [3,4].
Le drainage simple de la cavité est une option peu invasive souvent proposée. Celui-ci s’avère en règle générale rapidement inefficace, soit en raison de l’exclusion rapide du drain liée à l’épaisseur du liquide de nécrose ou, à l’inverse, à l’importance des fuites aériennes qui peuvent rendre la ventilation inefficace.
Autre option, la lobectomie chirurgicale est un geste lourd et risqué. Celle-ci, comme dans notre cas clinique, est rarement envisageable du fait de la gravité du sepsis, de l’état pulmonaire sous-jacent, du risque hémorragique et de la difficulté du geste à réaliser.
Dans notre observation, le choix de la minithoracostomie a permis la détersion chirurgicale de la cavité et son comblement par la mousse du VAC. La pression négative du VAC a permis de drainer efficacement la cavité restante, tout en assurant sa rétraction rapide, en même temps que la réexpansion et la reventilation du lobe inférieur initialement hépatisé. Ceci n’aurait pas été possible avec un simple tassement de compresses dans la cavité, comme il est coutume de faire dans les cavités thoraciques infectées.
L’apparition d’une fistule bronchique est une complication classique dans ce type de pathologie. En règle générale, celles-ci sont distales et de petites taille et doivent être traitées par thermocoagulation bronchique par voie endoscopique voire occlusion par des bouchons [5]. En effet, l’occlusion des fuites bronchiques est le meilleur garant de l’efficacité du traitement par VAC pour ce qui concerne la détersion et la rétraction de la cavité rendant inutile à distance tout geste de comblement telles que les myoplasties.
Sur le plan médico-économique, la petite taille et l’autonomie du système d’aspiration permettent rapidement une prise en charge ambulatoire du drainage au domicile du patient, diminuant ainsi les coûts globaux en réduisant la durée d’hospitalisation.
4. CONCLUSION
L’association d’une minithoracostomie et application d’un VAC, nous semble être une option adaptée à la gravité du tableau clinique des pneumopathies nécrosantes. Peu iatrogène et efficace dès lors qu’un simple drainage n’est pas suffisant, cette stratégie permet d’éviter la chirurgie lourde en phase aiguë et à distance.
RÉFÉRENCES
Laterre P-F. Severe community acquired pneumonia update: mortality, mechanisms and medical intervention. Crit Care 2008;12(Suppl 6):S1.
Sziklavari Z, Ried M, Hofmann H-S. Vacuum-assisted closure therapy in the management of lung abscess. J Cardiothorac Surg 2014;9:157.
Reimel BA, Krishnadasen B, Cuschieri J, Klein MB, Gross J, Karmy-Jones R. Surgical management of acute necrotizing lung infections. Can Respir J 2006 Oct;13(7):369–73.
Schweigert M, Dubecz A, Beron M, Ofner D, Stein HJ. Surgical therapy for necrotizing pneumonia and lung gangrene. Thorac Cardiovasc Surg 2013 Oct;61(7):636–41.
Bolliger CT, Sutedja TG, Strausz J, Freitag L. Therapeutic bronchoscopy with immediate effect: laser, electrocautery, argon plasma coagulation and stents. Eur Respir J 2006 Jun;27(6):1258–71.
Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.
Date de soumission : 16/02/2016. Acceptation : 29/03/2016. Pré-publication : 10/08/2016
septembre 15, 2016