Chirurgie thoracique · Vol. 23 Décembre 2019

Prise en charge des fistules aortiques à l’étage thoracique : expérience bicentrique

Antoine Defontaine1,2*, Majid Harmouche2, Jacques Tomasi1, Florent Le Bars1, Abdelhakim Elmraki2, Jean-Philippe Verhoye1, Robert Martinez2   Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU de Rennes. Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHRU de Tours.   *Correspondance : a.defontaine@laposte.net   DOI : 10.24399/JCTCV23-4-DEF Citation : Defontaine A, Harmouche M, Tomasi J, Le Bars F, Elmraki A, Verhoye JP, Martinez R. Prise en charge des fistules aortiques à l’étage thoracique : expérience bicentrique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(4). doi: 10.24399/JCTCV23-4-DEF   RÉSUMÉ La survenue d’une fistule aortique à l’étage thoracique (fistule aortobronchique ou aorto-œsophagienne) est un événement rare dont l’évolution naturelle est bien souvent fatale. Leur prise en charge relève de l’urgence et reste peu codifiée. L’objectif de cette étude rétrospective bicentrique est de rapporter l’expérience de nos centres dans le traitement et la prise en charge de malades présentant une fistule aortique thoracique. Sept malades (6 hommes et 1 femme) âgés de 64,1±11,3 ans étaient pris en charge pour une fistule de l’aorte thoracique entre 2001 et 2018 : quatre malades (57%) présentaient une fistule aortobronchique (dont 2 fistules secondaires) et trois malades (43%) présentaient une fistule aorto-œsophagienne. La durée de suivi était de 21 mois. La survie était de 71% à 30 jours et de 43% à 1 an. La survenue d’une fistule aortique thoracique est un événement au pronostic sombre nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire dans des centres experts et dont la stratégie globale de traitement doit encore être définie et évaluée.   ABSTRACT Management of fistulas with the thoracic aorta: a bi-centric experience The occurrence of thoracic aortic fistula (aorto-bronchial or aorto-esophageal) is a rare event whose natural course is often fatal. Treatment is urgent but remains poorly codified. The objective of this bicentric retrospective study was to report the experience of our centers in the treatment and management of patients with thoracic aortic fistula. Seven patients (6 men and 1 woman) aged 64.1 ± 11.3 years were treated for a thoracic aortic fistula between 2001 and 2018: four patients (57%) presented aorto-bronchial fistula (2 secondary fistulas) and three patients (43%) had aorto-esophageal fistula. The follow-up time was 21 months. Survival was 71% at 30 days and 43% at 1 year. The occurrence of thoracic aortic fistula is an event with a poor prognosis requiring multidisciplinary management in expert centers and whose global treatment strategy has yet to be defined and evaluated.   1. Introduction La survenue de fistule aortique est un événement rare dont l’évolution naturelle est bien souvent fatale. Au niveau de l’aorte thoracique, les fistules apparaissent avec les organes de voisinage (bronches, œsophage) et sont dans la majorité des cas révélées par une hémoptysie ou une hématémèse. Dans la littérature, une centaine de cas ont été relatés et l’on distingue les fistules primaires (survenant de novo) des fistules secondaires (survenant chez des malades déjà opérés de l’aorte thoracique et/ou du thorax) [1-5]. La prise en charge des malades présentant une fistule aortique relève de l’urgence mais reste peu codifiée. Relevant initialement d’intervention par voie conventionnelle, la prise en charge chirurgicale vasculaire immédiate est de plus en plus fréquemment réalisée par voie endovasculaire. La prise en charge globale des malades est variable et dépend de l’étiologie de la fistule ainsi que de l’expérience, de l’habitude et de la disponibilité d’un dépôt d’endoprothèses de chaque centre. L’objectif de cette étude est de rapporter l’expérience de nos centres dans le traitement et la prise en charge de malades présentant des fistules aortiques à l’étage thoracique (fistules aortobronchiques ou aorto-œsophagiennes).   2. Matériel et méthodes Les malades pris en charge pour une fistule de l’aorte thoracique (fistule aortobronchique ou aorto-œsophagienne) entre octobre 2001 et janvier 2018 dans nos centres étaient analysés. La date d’inclusion correspondait à la date opératoire du traitement de cette fistule. Les malades justifiaient tous d’une prise en charge en urgence adaptée selon l’état clinique, les antécédents et les comorbidités. Le recueil de données était rétrospectif. Le devenir des malades, les complications précoces (au 30e jour postopératoire), ainsi que les complications tardives les plus significatives étaient répertoriés. Ces analyses descriptives étaient réalisées à l’aide du logiciel Microsoft Excel® (Redmond, Washington, États-Unis). Les analyses de survie étaient réalisées avec le logiciel GraphPad Prism® (La Jolla, Californie, États-Unis). Les images scanographiques étaient analysées avec le logiciel Therenva EndoSize® (Rennes, France). Les malades traités et suivis dans nos centres étaient analysés. En cas de suivi ultérieur dans un autre centre, les malades étaient considérés comme perdus de vue à la date de leur dernière consultation.   3. Résultats Sept malades (6 hommes et 1 femme) âgés en moyenne lors de la chirurgie de 64,1±11,3 ans (médiane 68 ans, [51;76]) étaient pris en charge pour une fistule de l’aorte thoracique. Quatre malades (57%) présentaient une fistule aortobronchique (parmi lesquels 2 – 29% – avaient des antécédents de chirurgie aortique thoracique) et trois malades (43%) présentaient une fistule aorto-œsophagienne. La durée moyenne de suivi était de 670,1±1001,7 jours (médiane 163 jours, [4;2410]). Les caractéristiques des malades lors de la prise en charge sont données résumées dans le tableau 1.   Tableau 1. Caractéristiques de la population étudiée. Malades (n=7) Femmes, n (%) 1 (14) Âge lors de la prise en charge (années)   64,1±11,3 [51;76] médiane 68 ans Type de fistule, n (%) aortobronchique aorto-œsophagienne   4 (57) 3 (43) Chirurgie aortique thoracique précédente, n (%) 2 (29) Comorbidités, n (%) tabac HTA cancer   3 (43) 2 (29) 2 (29) Symptômes inauguraux, n (%) hémoptysie hématémèse autre   3 (43) 3 (43) 1 (14) Type de chirurgie, n (%) TEVAR ouvert   6 (86) 1 (14)   Les symptômes inauguraux étaient représentés par une hémoptysie pour 3 malades (43%), une hématémèse pour 3 malades (43%) et une fièvre prolongée sans point d’appel pour 1 malade (14%) déjà opéré d’un faux anévrysme chronique sur une rupture d’isthme aortique méconnue. Le délai moyen entre les premiers symptômes et la prise en charge chirurgicale était de 7,8±10,4 jours (médiane 4 jours, [0;27]). Deux malades (29%) présentaient une fistule aortobronchique primaire [tableau 2] : Un malade de 68 ans, sans antécédent notable et initialement pris en charge pour des crachats hémoptoïques dans un hôpital périphérique, était transféré dans un de nos centres après mise en évidence d’un anévrysme rompu de l’aorte thoracique descendante. Une endoprothèse thoracique était posée 27 jours après l’apparition des premiers symptômes. Les suites opératoires étaient simples avec disparition des crachats hémoptoïques. Le malade était perdu de vue après 204 jours de suivi. Un malade de 51 ans, aux antécédents de toxicomanie sevrée et tabagisme, présentait des douleurs thoraciques et des crachats hémoptoïques révélant un anévrysme de l’aorte thoracique descendante rompu. Une endoprothèse thoracique était implantée 2 jours après les premiers symptômes [figure 1]. Les suites immédiates étaient marquées par l’apparition d’un syndrome infectieux révélant une endocardite aortique et une rupture œsophagienne par saillie du sac anévrysmal. Un traitement antibiotique était instauré puis un remplacement valvulaire aortique à J42 et une chirurgie de Lewis Santy à J62 étaient réalisés avec des suites simples. Le malade décédait au 90e jour après son retour à domicile.   Tableau 2. Fistules aortobronchiques primaires (ND : non disponible). Homme 68 ans Homme 51 ans Prise en charge symptômes délai bloc type chirurgie cause   hémoptysie 27 jours TEVAR ATA rompu   hémoptysie 2 jours TEVAR ATA rompu – 67 mm Antécédents toxicomanie sevrée Suites opératoires sepsis, endocardite, rupture œsophagienne J42 : RVA bio J62 : Lewis Santy Suivi devenir durée cause décès   perdu de vue 6 mois ND   décédé 90 jours ND   [caption id="attachment_4629" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Fistule aortobronchique primaire.[/caption]   Deux malades (29%) ayant des antécédents de chirurgie de l’aorte thoracique descendante présentaient une fistule aortobronchique secondaire [tableau 3] : Un malade de 75 ans, opéré d’une rupture d’isthme aortique secondaire à un accident de la voie publique avec mise en place d’une endoprothèse thoracique 12 ans auparavant, présentait des hémoptysies sur un faux anévrysme nécessitant une prise en charge en urgence avec la pose d’une nouvelle endoprothèse [figure 2]. Dans l’intervalle, il était pris en charge pour un cancer du larynx traité par chirurgie et radiochimiothérapie. Les suites opératoires immédiates étaient simples. Le malade décédait d’un accident vasculaire cérébral ischémique 59 mois après la cure de sa fistule aortique. Un homme de 73 ans, opéré 1 an auparavant avec mise en place d’une prothèse hybride (E-vita OPEN – JotecÒ) pour le traitement d’un faux anévrysme chronique secondaire à une rupture d’isthme aortique ancienne non diagnostiquée, présentait une infection chronique du sac anévrismal [figure 3]. La prise en charge par thoracotomie gauche mettait en évidence une fistule aortobronchique par érosion de la coque anévrysmale nécessitant une mise à plat de l’anévrysme et une lobectomie supérieure gauche. Les suites opératoires étaient marquées par un sepsis persistant avec perforation œsophagienne au cinquième mois nécessitant plusieurs reprises chirurgicales de sauvetage. Le malade décédait de défaillance multiviscérale.   Tableau 3. Fistules aortobronchiques secondaires. Homme 75 ans Homme 73 ans Prise en charge symptômes délai bloc type chirurgie   cause   hémoptysie NA TEVAR   ATA rompu – 43 mm   infection sac anévrysmal 12 jours lavage, mise à plat anévrysme, lobectomie supérieure gauche ATA rompu Antécédents J-12 ans : rupture isthme traumatique TEVAR, transposition sous claviocarotidienne gauche J-2 ans : carcinome épidermoïde larynx, laryngectomie, trachéotomie, métastases pulmonaires (RCT) J-1 an : faux anévrysme chronique sur rupture d’isthme aortique ancienne non diagnostiquée prothèse hybride Suites opératoires M5 : sepsis persistant hémothorax remplacement distalité prothèse fistule œsophagienne Suivi devenir durée cause décès   décédé 59 mois AVC ischémique   décédé 5 mois défaillance multiviscérale   [caption id="attachment_4630" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Fistule aortobronchique secondaire (rupture isthme aortique – TEVAR).[/caption] [caption id="attachment_4631" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Fistule aortobronchique secondaire (faux anévrysme chronique – prothèse hybride).[/caption]   Trois malades (43 %) présentaient une fistule aortoœsophagienne primaire [tableau 4] : Une femme de 76 ans présentait un tableau d’aphagie et d’hématémèse révélant un anévrysme rompu de l’aorte thoracique descendante. Un traitement par endoprothèse était réalisé 6 jours après les premiers symptômes [figure 4]. Les suites opératoires immédiates étaient simples. Durant le suivi, une infection chronique de la prothèse était mise en évidence par une TEP-TDM nécessitant une antibiothérapie au long cours. La malade décédait d’un AVC hémorragique 79 mois après l’implantation de l’endoprothèse. Un homme de 53 ans présentait une hématémèse massive révélant une fistule aorto-œsophagienne immédiatement prise en charge au bloc opératoire avec mise en place d’une endoprothèse thoracique. Une fibroscopie digestive à J1 mettait en évidence une tumeur de l’œsophage non connue. Les suites opératoires immédiates étaient compliquées en réanimation conduisant au décès à J9 de défaillance multiviscérale. Un homme de 53 ans, aux antécédents de cancer de l’œsophage traité par radiochimiothérapie, présentait un choc hémorragique avec arrêt cardiorespiratoire secondaire à une hématémèse massive. Le bilan mettait en évidence une fistule aorto-œsophagienne justifiant d’une prise en charge en urgence au bloc opératoire avec mise en place d’une endoprothèse. Les suites opératoires immédiates étaient marquées par une reprise chirurgicale pour la pose d’une prothèse œsophagienne, la réalisation d’une gastrostomie pour décaillotage associée à une jéjunostomie. Le malade décédait à J4 de défaillance multiviscérale.   Tableau 4. Fistules aortoœsophagiennes.         Femme 76 ans Homme 53 ans Homme 53 ans Prise en charge symptômes délai bloc type chirurgie cause   aphagie, hématémèse 6 jours TEVAR ATA rompu   hématémèse immédiate TEVAR tumeur œsophage non connue   hématémèse, ACR récupéré immédiate TEVAR tumeur œsophage Antécédents HTA HTA tabagisme carcinome épidermoïde œsophage : RCT tabagisme Suites opératoires hémorragie digestive infection chronique de prothèse (TEP positive) antibiothérapie au long cours prothèse œsophagienne gastrostomie décaillotage jéjunostomie Suivi devenir durée cause décès   décédée 79 mois AVC hémorragique   décédé 9 jours défaillance multiviscérale   décédé 4 jours défaillance multiviscérale   [caption id="attachment_4632" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Fistule aorto-œsophagienne.[/caption]   Six malades (86%) décédaient au cours du suivi (1 – 14% – perdu de vue) parmi lesquels quatre (67%) en lien avec la pathologie. La survie de notre population est donnée figure 5. Le taux de mortalité est de 29% à 30 jours, 43% à 90 jours et 57% à 1 an.   [caption id="attachment_4633" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Survie globale.[/caption]   4. Discussion   4.1. Étiologies La survenue d’une fistule aortique à l’étage thoracique (aortobronchique ou aorto-œsophagienne) reste exceptionnelle. Dans notre série bicentrique, sept cas étaient rapportés sur la période d’analyse. Bien que d’effectif faible, elle reflète l’hétérogénéité des malades pris en charge et la gravité des tableaux cliniques. Cinq fistules (71%) étaient primaires (3 – 43% – secondaires à un anévrysme aortique fissuré et 2 – 29% – secondaires à un carcinome de l’œsophage) et deux fistules (29%) étaient secondaires à des chirurgies aortiques antérieures (1 – 14% – endoprothèse pour le traitement d’une rupture d’isthme aortique traumatique et 1 – 14% – prothèse hybride pour le traitement d’un faux anévrysme chronique lié à une rupture antérieure de l’isthme aortique traumatique méconnue). Dans la littérature, plusieurs cas de fistules aortiques ont été reportés [1-9]. Les fistules primaires sont principalement la conséquence de ruptures d’anévrysmes aortiques, d’ulcères aortiques pénétrants, de cancers bronchiques ou œsophagiens à des stades avancés, de pathologies pulmonaires (tuberculose, aspergillose…), œsophagiennes (perforation iatrogène, Barrett…), ou de l’ingestion de corps étrangers (piles, arêtes…). Les fistules secondaires surviennent dans le cas d’aortes préalablement opérées (soit au contact de prothèses ou par érosion des organes de voisinage par la coque anévrysmale calcifiée) ou apparaissent comme des complications de chirurgies antérieures.   4.2. Symptômes Six malades (86%) ont présenté une hémoptysie ou une hématémèse comme signe inaugural de la fistule. Ces signes apparaissent comme maître symptôme d’une fistule aortique et sont retrouvés de manière quasi systématique dans la littérature tout comme d’autres symptômes également retrouvés dans notre série [1-4,6,8] : choc hémorragique/arrêt cardiorespiratoire dans 2 cas (29%), douleur thoracique dans un cas (14%), fièvre dans un cas (14%) et dysphagie dans un cas (14%).   4.3. Délai de prise en charge La prise en charge des fistules aortiques entre dans le cadre nosologique des syndromes aortiques aigus et des anévrysmes rompus ou fissurés [10-14]. Celle-ci doit idéalement avoir lieu dans un centre de référence ; elle inclut le conditionnement du malade et une prise en charge chirurgicale dans des délais compatibles avec la gravité de la situation. La stratégie chirurgicale doit également être adaptée à la situation, quitte à envisager une stratégie en plusieurs temps. Dans notre série, deux malades (29%) ont été traités par endoprothèse dans les 24 heures suivant le diagnostic. Pour les autres, une prise en charge différée était réalisée permettant d’optimiser la prise en charge chirurgicale. Dans la littérature, une revue de cas de fistules aortobronchiques et aorto-œsophagiennes relate une tendance inverse avec une prise en charge plus précoce où plus de 80% des malades sont traités de manière endovasculaire dans les 24 premières heures suivant le diagnostic sans que cela ne semble influer sur la survie [2]. Aujourd'hui, une prise en charge précoce est possible dans les centres à haut volume de chirurgie aortique bénéficiant d’un dépôt permanent d’endoprothèses thoraciques. À défaut d’endoprothèse compatible en dépôt, celle-ci devrait pouvoir être obtenue dans un délai inférieur à 4 heures (6 heures au maximum).   4.4. Type de prise en charge Six malades (86%) étaient opérés par endoprothèse aortique thoracique et un malade (14%) était opéré par thoracotomie postérolatérale gauche (mise à plat de l’anévrysme associée à une lobectomie supérieure gauche) pour une fistule bronchique survenant un an après la mise en place d’une prothèse hybride (E-vita OPEN – Jotec®) pour faux anévrysme chronique. Dans la littérature, et de manière similaire à la prise en charge des anévrysmes rompus, la majorité des cas et parmi les plus récents ont été traités à la phase aiguë par voie endovasculaire [15-17]. Cette tendance, qui suit l’avènement de la chirurgie endovasculaire, semble communément admise en chirurgie de sauvetage avec une amélioration de la survie par rapport à une prise en charge conventionnelle pour les anévrysmes rompus [16,18,19]. Certains auteurs préconisent cette attitude en urgence quitte à discuter un geste par chirurgie ouverte secondairement [1,2,6,7]. Cette approche est préconisée dans les centres à haut volume de chirurgie aortique avec l’expérience de l’équipe chirurgicale aux techniques endovasculaires thoraciques simples et complexes et en étroite collaboration avec l’équipe d’anesthésie et de réanimation pour la gestion des paramètres techniques inhérents à ce type de procédure (utilisation en routine de la stimulation ventriculaire rapide, gestion des risques de paraplégie…). L’abstention chirurgicale avec un traitement médical conservateur ne semble pas être une alternative à la chirurgie, certains auteurs ayant relevé 100% de décès [3].   4.5. Prise en charge en milieu septique ou devenu septique Un sepsis était décrit pour au moins quatre malades (57%) de notre série. Un malade (14%) présentant une fistule aorto-œsophagienne a eu une chirurgie combinée dans le premier temps opératoire associant endoprothèse thoracique, pose de prothèse œsophagienne, gastrostomie pour décaillotage et jéjunostomie. Deux malades (29%) pris en charge pour des fistules aortobronchiques (1 – 14% – primaire et 1 – 14% – secondaire) ont présenté des ruptures oesophagiennes mises en évidence dans les suites opératoires dans le cadre de tableaux de sepsis persistants (dont une endocardite infectieuse avec remplacement valvulaire aortique à 42 jours pour le premier), nécessitant une chirurgie de Lewis Santy à 2 mois de la prise en charge pour le premier et une prothèse œsophagienne en sauvetage 5 mois après la prise en charge initiale. Une malade (14%) opérée d’une fistule aorto-œsophagienne par endoprothèse a présenté dans les suites une infection chronique de prothèse confirmée par une scintigraphie aux leucocytes marqués. Devant les risques d’une réintervention chez une malade fragile, une antibiothérapie au long cours et un suivi régulier ont été privilégiés. Dans la littérature, la complication redoutée reste l’infection dont la prise en charge est multiple [1-7,9] : Prophylactique : plusieurs auteurs s’accordent sur une antibioprophylaxie/antibiothérapie prolongée de plusieurs semaines sans toutefois avoir de durée ou de protocole médicamenteux codifiés [1,2,6]. Dans notre série, toutes les interventions étaient réalisées sous antibioprophylaxie sans toutefois que le protocole ou la durée puissent être précisés a posteriori. En France, les recommandations de la SFAR (Société française d’anesthésie et de réanimation) sont applicables ; cependant elles ne concernent que les chirurgies “propres” ou “propres-contaminées” et ne couvrent pas la prise en charge en milieu septique ou potentiellement septique où une antibiothérapie doit être mise en place. Thérapeutique : la prise en charge idéale du sepsis réside dans l’exclusion de la porte d’entrée à la phase initiale avec une chirurgie combinée au niveau thoracique (œsophagectomie, lobectomie…) selon des délais variables avec une amélioration de la survie [4,6,9,20,21]. En cas d’infection chronique, la prise en charge entre dans le cadre des infections de prothèses vasculaires et doit, après évaluation du terrain et des risques opératoires, consister en un remplacement du matériel prothétique par, le plus souvent, une allogreffe [22-25]. En pratique, un tel remplacement est rarement effectué et ne doit être envisagé qu’après confirmation diagnostique (TEP-scan, scintigraphie aux leucocytes marqués…) [26]. Il n’existe pas de recommandation sur le type d’antibiotique et la durée de traitement (qui est classiquement supérieure à 6 semaines). Palliative : en cas d’infection chronique et de contre-indication chirurgicale, un traitement antibiotique suppressif au long cours et une surveillance active peuvent être envisagés [1-8].   4.6. Survie La survenue d’une fistule aortique est une pathologie grave au pronostic sombre. Dans notre série, six malades (86%) sont décédés (3 – 41% – de défaillance multiviscérale, 2 – 29% – d’AVC et 1 – 14% – de cause inconnue). Bien que peu significatif, le taux de mortalité globale était de 29% à 30 jours et de 57% à 1 an. En dehors de toute interprétation brute de la survie, elle n’en demeure pas moins informative en fonction de l’étiologie de la fistule. Elle est de quelques jours en cas de fistule aorto-œsophagienne sur un terrain débilité de cancer et plus longue en cas de fistule aortobronchique. Cette tendance est retrouvée dans la littérature où les fistules survenues sur perforation œsophagienne (arêtes…) ou sur cancer ont une moins bonne survie que celles survenues sur anévrysmes aortiques rompus [3]. Dans ce dernier cas, la mortalité est similaire à celle des anévrysmes de l’aorte thoracique rompus (19 à 33% à 30 jours) [10,11]. En corrélation, les fistules aorto-œsophagiennes montrent une moins bonne survie [1,3,5,9].   4.7. Limites de l’étude Bien que rétrospectifs, sans collecte des données de manière prospective et portant sur une petite cohorte, les résultats présentés apparaissent similaires à ceux de la littérature. Les fistules aortiques restent une pathologie rare dont la prise en charge relève de l’urgence et doit s’adapter au patient et à la présentation clinique.   4.8. Vers une stratégie de prise en charge Toutefois, certains points permettent d’ébaucher une stratégie de prise en charge de ces fistules aortobronchiques et aorto-œsophagiennes [4,5,20,21,27] : prise en charge pluridisciplinaire en urgence dans un centre expert ; chirurgie endovasculaire de sauvetage ; couverture antibiotique prolongée dont la cible bactérienne et la durée sont à préciser ; ± chirurgie combinée selon le terrain et la présentation clinique. En cas de fistule aorto-œsophagienne, une œsophagectomie associée en periopératoire a montré un bénéfice en terme de survie [2,9] ; ± réparation en chirurgie ouverte à distance [28].   5. Conclusion La survenue d’une fistule aortobronchique ou aorto-œsophagienne est une pathologie rare au pronostic sombre (71% de survie à 30 jours et 43% à 1 an) nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire dans des centres experts ; l’exclusion de la fistule étant le plus fréquemment réalisée par voie endovasculaire, la chirurgie conventionnelle garde sa place dans certains cas particuliers. La stratégie globale de prise en charge et la place d’une chirurgie combinée (œsophagectomie, lobectomie…) doit encore être évaluée.   Références Jonker FHW, Schlösser FJV, Moll FL, van Herwaarden JA, Indes JE, Verhagen HJM, et al. Outcomes of thoracic endovascular aortic repair for aortobronchial and aortoesophageal fistulas. J EndovascTher Off J IntSocEndovasc Spec 2009 Aug;16(4):428-40. https://doi.org/10.1583/09-2741R.1 PMid:19702348 Canaud L, Ozdemir BA, Bee WW, Bahia S, Holt P, Thompson M. Thoracic endovascular aortic repair in management of aortoesophageal fistulas. 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décembre 13, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Mars 2019

Facteurs influençant la mortalité périopératoire dans les dissections aortiques aiguës de type A opérées

Charline-Hélyette Pujos, Marie-Catherine Morgant, Saed Jazayeri, Ghislain Malapert, Andranik Petrosyan, Étienne Tatou, Roger Brenot, Alain Bernard, Olivier Bouchot*   Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU François Mitterrand, Dijon, France. * Correspondance : olivier.bouchot@chu-dijon.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-1-PUJ Citation : Pujos CH, Morgant PC, Jazayeri S, Malapert G, Petrosyan A, Tatou E, Brenot R, Bernard A, Bouchot O. Facteurs influençant la mortalité périopératoire dans les dissections aortiques aiguës de type A opérées. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(1). doi: 10.24399/JCTCV23-1-PUJ   Résumé Objectif : déterminer les facteurs influençant la mortalité précoce dans les dissections aortiques aiguës de type A opérées (DAAA). Méthodes : étude rétrospective incluant 230 patients consécutifs opérés d’une DAAA entre janvier 2007 et décembre 2017. Résultats : les temps de clampage, de circulation extracorporelle et d’arrêt circulatoire étaient respectivement de 111,7±44,2 ; 165,2±64,8 et 20,1±19,5 min. Le taux de mortalité précoce était de 23,5%. Une corrélation a été retrouvée entre mortalité et sexe féminin (p=0,023), tamponnade (p<0,05), instabilité hémodynamique (p<0,05) et insuffisance rénale aiguë préopératoire (p=0,036). L’analyse multivariée a identifié comme facteurs de risque de mortalité l’accident vasculaire cérébral associé à une dissection des troncs supra-aortiques (OR=7,4 ; p=0,03), une malperfusion digestive (OR=4,3 ; p=0,024) ou un syndrome coronarien aigu (OR=3,3 ; p=0,019). Par ailleurs, l’analyse des mesures de l’aorte ascendante (AA) a été réalisée dans plus de 90% des cas. Le diamètre moyen de l’AA était de 50,9±8,1 mm et les mesures étaient inférieures à 55 mm chez 166 patients (72,2%). Conclusion : parmi nos patients opérés de DAAA, les facteurs de risque de mortalité précoce sont les syndromes de malperfusion neurologique, digestif et coronarien. Nous avons mis en évidence que la majorité de nos patients opérés avaient une AA inférieure à 55 mm.   Abstract The factors influencing on the mortality after acute type A aortic dissection in early post-operative period Objective: To determine the factors influencing early mortality in acute type A aortic dissection surgery (AAAD). Methods: This retrospective study included 230 patients operated on AAAD between January 2007 and December 2017. Results: Aortic cross-clamping, cardiopulmonary bypass and circulatory arrest times were 111.7±44.2, 165.2±64.8 and 20.1±19.5 minutes, respectively. The perioperative mortality rate was 23.5%. A statistically significant correlation was found between mortality and female sex (p=0.023), cardiac tamponade (p<0.05), pre-operative hemodynamic instability (p<0.05) and preoperative acute renal failure (p=0.036). Multivariate analysis identified the stroke with dissection of supra-aortic trunks (OR=7.4, p=0.03), visceral malperfusion (OR=4.3, p=0.024) and acute coronary syndrome (OR=3.3, p=0.019) as a mortality risk factors. Moreover, the measurement of the ascending aorta (AA) was performed in more than 90% of cases. The mean diameter of the AA was 50.9±8.1mm and the diameter was less than 55mm in 166 patients (72.2%). Conclusion: The risk factors of early mortality after AAAD surgery are neurological, visceral and coronary malperfusion. We found that the majority of our patients had an aortic diameter less than 55 mm.   1. Introduction Les dissections aortiques aiguës de type A (DAAA) sont des pathologies rares (2 à 6 pour 100000 personnes par an) mais dont l’évolution naturelle est catastrophique [1,2]. Malgré l’amélioration des techniques de diagnostic et l’évolution des pratiques chirurgicales, la mortalité post-chirurgie reste élevée (13 à 26%) [3-6]. Les DAAA restent par conséquent un challenge en termes de prise en charge. En effet, l’étendue du geste réalisé reste débattue. S’il est admis la nécessité d’une prise en charge chirurgicale en urgence avec remplacement de l’aorte ascendante afin d’exclure la porte d’entrée et de prévenir le décès par tamponnade, le remplacement de la racine et/ou de la crosse en cas d’extension de la dissection reste controversé [7]. C’est pourquoi, certains préconisent un geste simple et plus rapide pour limiter la morbimortalité initiale [8]. D’autres optent pour un geste plus extensif, avec résection étendue afin de prévenir la formation d’anévrysme à distance qui nécessiterait une réintervention [9,10]. De même, il est admis qu’une aorte ascendante avec un diamètre supérieur à 55 mm est à risque de dissection et implique une prise en charge chirurgicale [1]. Cependant, nombreux sont les patients présentant une dissection aortique avec un diamètre inférieur [11]. Les DAAA sont donc une entité complexe. L’objectif principal de notre étude a été d’évaluer les facteurs influençant la mortalité périopératoire dans les dissections aortiques aiguës de type A opérées en urgence au CHU de Dijon. L’objectif secondaire était d’évaluer le diamètre de l’aorte ascendante au moment de la dissection aortique.   2. Matériels et méthodes 2.1. Population Entre janvier 2007 et décembre 2017, 230 patients ont été opérés en urgence d’une dissection aortique aiguë de type A dans notre centre. Le caractère aigu de la DAAA était défini par une prise en charge dans les 14 jours suivant l’apparition des symptômes. Les patients présentant une dissection chronique (>14 jours) ou décédés avant la prise en charge chirurgicale (absence de sternotomie) ont été exclus. Les données des patients pré, per et postopératoires ont été recueillies rétrospectivement. Le diagnostic était confirmé par angioscanner, échocardiographie transthoracique (ETT) et/ou échographie transœsophagienne (ETO). Les mesures du diamètre maximal de l’aorte ascendante ou des sinus de Valsalva ont pu être réalisées dans 94% des cas. 2.2. Analyse statistique Les variables continues sont exprimées par leur moyenne et leur déviation standard. Les variables catégorielles seront rapportées par leur effectif et leur pourcentage. Pour l’analyse univariée, les variables continues sont comparées grâce à test t de Student. Les variables catégorielles sont comparées à l’aide du test de Chi2. Pour l’analyse multivariée, nous avons utilisé un modèle de régression logistique. Dans le modèle, ont été incluses les variables préopératoires et celles qui avaient un p<0,2 au cours de l’analyse univariée. L’adéquation du modèle a été testée à l’aide du test d’Hosmer-lemeshow. La valeur prédictive du modèle a été évaluée grâce à l’aire sous la courbe ROC. Le logiciel de statistique utilisé était STATA 14 (StataCorp, College Station, Texas, États-Unis).   3. Résultats 3.1. Population Les caractéristiques démographiques et les antécédents des patients sont résumés dans le tableau 1. Notre cohorte était composée majoritairement d’hommes (63%), l’âge moyen était de 66±12 ans [32,4-90,4], avec 29 patients (12,6%) de plus de 80 ans. Le principal facteur de risque cardiovasculaire était l’hypertension artérielle présente chez 172 patients (74,8%). Huit patients (3,5%) avaient un antécédent de chirurgie cardiaque ancienne (remplacement valvulaire aortique, pontage aortocoronarien…). Seize patients (6,9%) présentaient une bicuspidie aortique, 19 patients (8,3%) étaient suivis pour un anévrysme de l’aorte ascendante et 12 (5,2%) pour une maladie annuloectasiante.   Tableau 1. Caractéristiques démographiques et antécédents des patients. Démographie n (%) Nombre de patients 230 Âge (ans) (min-max) 66±12 (32,4-90,4) Âge ≥80 ans 29 (12,6) Sexe masculin 145 (63) Antécédents Facteurs de risque cardiovasculaire – HTA 172 (74,8) – dyslipidémie 65 (28,3) – tabagisme actif 52 (22,6) – diabète 13 (5,7) IMC (kg/m²) (min-max) 26,7±5,2 (16,9-53,3) Comorbidités – chirurgie cardiaque ancienne 8(3,5) – IRA 68 (29,4) – valve aortique bicuspide 16 (6,9) – anévrysme aorte ascendante 19 (8,3) – maladie annuloectasiante 12(5,2) – syndrome de Marfan 1 (0,4) – EuroSCORE 2 (min-max) 7,4±12 (1,3-52,5) HTA : hypertension artérielle ; IMC : indice de masse corporelle ; IRA : insuffisance rénale aiguë définie par une créatininémie supérieure à 200 µmol/L ou une clairance de la créatininémie selon la formule MDRD.    3.2. Données préopératoires La majorité des patients (79,6%) ont consulté initialement pour une douleur thoracique, cependant pour près de 20% le premier symptôme était une syncope. Quarante-six patients (20%) présentaient des signes de malperfusion digestive (nausées, vomissements…). Seize patients (6,9%) ont présenté un AVC (hémiplégie ou monoplégie) et 8 patients (3,5%) un AIT. Une insuffisance rénale aiguë était présente chez 68 patients (29,5%). Plus de 90% des patients ont eu une ETT ou une ETO en préopératoire. La fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) moyenne était de 60,3%±6,3 [25%-80%]. Vingt-deux patients (9,6%) avaient une FEVG inférieure à 50% et 68 (32,5%) une insuffisance aortique (IA)≥3 [tableau 2]. En associant les données scannographiques et échocardiographiques, des mesures du diamètre maximal de l’aorte ascendante (AA) ont été réalisées (histogramme 1). Le diamètre moyen de l’AA était de 50,9±8,1 mm [30-82,6]. Les mesures  de l’AA étaient inférieures à 55 mm chez 166 patients (72,2%).   Tableau 2. Caractéristiques paracliniques préopératoires des patients. FEVG 211 (91,7) FEVG (min-max) 60,3±6,3 (25-80) Insuffisance aortique – grade 0 38 (18,3%) – grade I 45 (21,6%) – grade II 57 (27,4) – grade III 32 (15,4) – grade IV 36 (17,1)  FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche.   [caption id="attachment_4258" align="aligncenter" width="300"] Histogramme 1. Répartition des diamètres au niveau de l’aorte ascendante en cas de dissection aortique aiguë de type A, avec un diamètre moyen de 51±8,1 mm [30-82,6].[/caption]  3.3. Données peropératoires et stratégie chirurgicale La prise en charge chirurgicale a été principalement réalisée en urgence (79,6%) ou en situation de sauvetage (19,6%). La canulation artérielle était effectuée au niveau axillaire droit avec interposition d’une prothèse GORE-TEX® (GORE, Flagstaff, Arizona, États-Unis) chez 134 patients (58,5%) et la canulation veineuse en atriocave chez 208 patients (90%). En cas d’instabilité hémodynamique du patient, la canulation artérielle et veineuse était réalisée par voie fémorale. Dans les premières années de l’étude, la cardioplégie utilisée était principalement du cristalloïde (Saint-Thomas) (61,4%) ou du sang froid (38,6%). Mais depuis septembre 2013, l’utilisation du CUSTODIOL® (Eusa Pharma, Limonest, France) a été croissante (54%) aux dépens des autres types de cardioplégies (respectivement 14,2% et 30,1%), et préférentiellement par voie antérograde (83,3%). Selon les constatations opératoires, un geste sur la racine ou la crosse était effectué. En effet, en cas de dissection étendue à au moins deux sinus ou en cas de dilatation des SV>50 mm, un geste était effectué sur la racine (47,2%). Différentes techniques chirurgicales étaient réalisées selon les habitudes du chirurgien. Ainsi, il a été réalisé un remodelage de la racine aortique avec annuloplastie aortique externe chez 46 patients (20,3%), un Bentall modifié chez 37 patients (16,3%), un hémi-Yacoub chez 17 patients (7,5%) et un Tirone David chez 7 patients (3,1%). Un court arrêt circulatoire était effectué pour vérifier l’exclusion de la porte d’entrée au niveau de la crosse aortique. S’il était constaté la présence d’une porte d’entrée au niveau de la crosse, ou si la crosse était disséquée, le geste de remplacement était étendu à celle-ci. Ainsi, 111 patients (48,2%) ont eu un remplacement de l’hémicrosse, 36 (15,8%) de la crosse complète et 8 (3,5) une trompe d’éléphant dont une Thoraflex™ Hybrid (Vascutek, Renfrewshire, Écosse) (tableau 3). L’arrêt circulatoire était réalisé sous hypothermie modérée (28°C) chez 184 patients (80%) ou sous hypothermie profonde (≤20 °C) chez 14 patients (6,1%). Il est systématiquement associé à une perfusion cérébrale antérograde bilatérale au sang froid. Parmi les 36 patients admis avec suspicion de syndrome coronarien aigu (SCA), 19 patients (8,2%) ont nécessité un pontage aortocoronarien principalement au niveau de la coronaire droite (79%) et en veine saphène interne inversée (80%). Les temps moyens de clampage aortique, de circulation extracorporelle (CEC) et d’arrêt circulatoire distal étaient respectivement de 111,7±44,2 ; 165,2±64,8 et 20,1±19,5 min.   Tableau 3. Données peropératoires et procédures chirurgicales. Données peropératoires n (%) – temps de clampage (min) 111,7±44,2 min – temps de CEC (min) 165,2±64,8 min – temps d’arrêt circulatoire (min) 20,1±19,5 [0-156] – température moyenne (°C) 28,4±3,9 (15-37) – hypothermie profonde ≤20 °C 12 (5,2) – hypothermie modérée 28 °C 137 (59,6) Procédures chirurgicales n (%) Geste sur la racine 107 (47,2) – remodelage avec AAE 46 (20,3) – Bentall modifié 37 (16,3) – hémi-Yacoub 17 (7,5) – réimplantation (Tirone David) 7 (3,1) Geste sur la crosse – hémicrosse 111 (48,2) – crosse complète 36 (15,8) – trompe éléphant 8 (3,5) Pontages aortocoronariens 19 (8,2) CEC : circulation extracorporelle ; AAE : annuloplastie aortique externe.   3.4. Données postopératoires L’ensemble des complications et des données postopératoires sont résumées dans le tableau 4. Quarante et un patients (18,2%) ont présenté un AVC en postopératoire confirmé en imagerie, dont 2 qui existaient déjà en préopératoire. Parmi les 9 qui ont gardé un déficit, 4 patients présentaient déjà des signes neurologiques (hors AVC) en préopératoire. Soixante-sept patients (29,9%) ont présenté une IRA postopératoire, parmi lesquels 36 patients (16%) ont nécessité une dialyse, qui a été transitoire dans 94,4% des cas. La majorité des patients (61,8%) a pu être extubée en moins de 24 heures. Dix-huit patients (9%) ont dû être réintubés suite à un échec de sevrage ventilatoire. Finalement, 7 patients ont eu besoin d’une trachéotomie (3,5%). Douze patients (5,3%) présentaient en postopératoire des signes de malperfusion digestive et 5 (2,2%) ont nécessité une résection digestive pour ischémie mésentérique. Deux cent douze patients (92,2%) ont eu une transfusion (concentrés de globules rouges et/ou plaquettes et/ou plasma frais congelés). Une reprise chirurgicale pour hémostase a été réalisée chez 26 patients (11,3%). Les patients opérés en hypothermie profonde (≤20 °C) ont nécessité plus de transfusion en comparaison des patients opérés en hypothermie modérée (28 °C) mais sans que cette différence soit statistiquement significative (CGR : 10,4 vs 7 ; p=0,36 ; plaquettes : 1,9 vs 1,2 ; p=0,43 ; PFC : 9,3 vs 5 ; p=0,10). Le contrôle échographique retrouvait une FEVG post-chirurgie conservée chez 164 patients (69,6%). Quinze patients (8,2%) présentaient une IA grade II. La durée d’hospitalisation moyenne était de 14,5 jours [0-133] avec un séjour moyen de 7 jours [0-52] en réanimation.   Tableau 4. Complications et données postopératoires. n (%) Neurologiques 75 (32,6) Cardiologiques 110 (47,8) Rénales 91 (39,6) Pulmonaires 64 (27,8) Digestives 12 (5,3) Vasculaires 22 (9,6) Transfusion 212 (92,2) – CGR (min-max) 7,3±7,44 (0-44) – plaquettes (min-max) 1,3±1,6 (0-12) – PFC (min-max) 5,3±6 (0-29) Données échographiques à la sortie – FEVG moyenne 59,6±8,6 [25-77] – FEVG <50% 19 (8,3) – insuffisance aortique • grade 0 114 (62,3) • grade I 53 (29) • grade II 15 (8,2) CGR : concentré de globules rouges ; PFC : plasma frais congelé ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche. Les résultats CGR, plaquettes et PFC en cas hypothermie profonde ou modérée sont des moyennes.   3.5. Mortalité Cinquante-quatre patients sont décédés (23,5%) en périopératoire, dont 16 (7%) en peropératoire. Trois décès (1,3%) sont survenus lors de la sternotomie. Trente-trois patients (14,4%) ont fait un arrêt cardiorespiratoire (ACR), soit sur trouble du rythme (fibrillation ventriculaire ou tachycardie ventriculaire), soit de cause hypoxique. Il y a eu 20 patients (37%) décédés d’ACR parmi lesquels un patient qui a présenté un SCA avec nécessité de pontage aortocoronarien, refusé par le patient, entraînant son décès à J2. Douze patients (22,2%) sont décédés d’AVC massif et 10 (18,5%) de choc hémorragique [tableau 5].   Tableau 5. Causes de mortalité. Cause de décès n (%) – ACR 20 (37) – AVC 12 (22,2) – hémorragie 10 (18,5) – défaillance multiviscérale 9 (16,7) – ischémie mésentérique 2 (3,7) – choc septique 1 (1,9)  ACR : arrêt cardiocirculatoire ; AVC : accident vasculaire cérébral.   En analyse univariée, les facteurs de mortalité préopératoire retrouvés étaient le sexe féminin (p=0,023), la présence d’une tamponnade (p=0,001) et d’une instabilité hémodynamique (p<0,05). En préopératoire, 39 patients (17%) présentaient des troubles confusionnels ou des signes neurologiques (hors AVC) sans qu’un lien avec la mortalité n’ait été mis en évidence (p=0,445). À l’inverse, si le patient présentait un AVC (7%) seul (p=0,001) ou associé à une dissection des troncs supra-aortiques (TSA)  (p=0,007), la différence était alors significative. Les patients de plus de 80 ans ne présentaient pas d’excès de mortalité (p=0,135). De même, aucune comorbidité que ce soit cardiologique (p=0,467) ou vasculaire (p=0,495) n’a été mise en évidence comme facteur de risque. A contrario, l’IRA préopératoire était associée à la mortalité postopératoire (p=0,036). Les autres facteurs analysés sont regroupés dans le tableau 6. Il a été retrouvé un lien avec la durée de CEC (p<0,05) mais pas avec le temps de clampage aortique (p=0,09). En cas de temps d’arrêt circulatoire prolongé, le taux de mortalité était également augmenté sans que la différence ne soit statistiquement significative (p=0,08) (24 min dans le groupe décès versus 18 min dans le groupe vivant). Le temps d’arrêt circulatoire distal était en revanche statistiquement associé au risque d’AVC (p<0,05) (30 min [AVC] versus 18 min [sans AVC]). Il n’y avait pas d’association entre un geste sur la racine (p=0,597) ou sur la crosse (p=0,149) et la mortalité, cependant la réalisation d’une trompe d’éléphant semble plus morbide (p=0,057). Les principaux facteurs postopératoires de risque de mortalité périopératoire identifiés étaient l’AVC (p<0,001), l’IRA (p=0,007) et la dialyse (p<0,001).   Tableau 6. Résumé des facteurs pré, per et postopératoires avec un lien avec la mortalité en analyse univariée. Caractéristiques Vivants Décédés p Préopératoires – sexe féminin 58 27 0,023* – âge ≥80 ans 19 10 0,135 – HTA 131 41 0,66 – comorbidités cardiologiques 35 13 0,467 – comorbidités vasculaires 11 2 0,495 – IRA 47 21 0,036* – instabilité hémodynamique 24 21 <0,05* – tamponnade 34 22 0,001* – AVC 7 9 0,001* Peropératoires – temps de clampage 109,2 [40-264] 121 [27-267] 0,09 – temps de CEC 155,3 [57-511] 196,5 [33-445] <0,05* – temps de perfusion cérébrale 18,7 [0-63] 24,3 [0-156] 0,08 – crosse 24 12 0,134 – trompe d’éléphant 4 4 0,057 – remodelage de la racine avec annuloplastie aortique externe 38 8 0,356 – réimplantation type tirone David 6 1 0,598 – Bentall 27 10 0,405 – hémi-Yavoub 14 3 0,466 – pontage aortocoronarien 10 9 0,008* Postopératoires – IDM 4 5 0,011 – AVC 20 21 <0,001* – complications digestives 5 7 0,039* – IRA 45 22 0,007* – épuration extrarénale 20 16 <0,001* – TIH 7 8 0,002* HTA : hypertension artérielle ; IRA : insuffisance rénale aiguë ; AVC : accident vasculaire Ischémique ; CEC : circulation extracorporelle ; IDM : infarctus du myocarde ; TIH : thrombopénie induite à l’héparine ; *=p significatif ≤0,05.   En analyse multivariée [tableau 7], la présence d’un AVC préopératoire avec dissection des TSA a été identifiée comme un facteur de risque de mortalité important (OR=7,4 IC [1,2-44,5] ; p=0,03). De même, la présence d’une malperfusion digestive préopératoire ou d’un SCA était associée à un risque de mortalité augmenté (respectivement OR=4,3 IC [1,2-14,9] ; p=0,024 et OR=3,3 IC [1,2-8,8] ; p=0,019). À l’inverse, parmi les facteurs non modifiables, ni le sexe féminin ni l’âge supérieur à 80 ans n’ont été mis en évidence comme facteurs de risque de mortalité (OR=0,48 IC [0,2-1,1] ; p=0,074 et OR=0,9 IC [0,3-2,8] ; p=0,879). De même, en cas de présence d’une tamponnade (OR=2,2 IC [0,9-5] ; p=0,068) ou d’une insuffisance rénale aiguë en préopératoire (OR=0,99 IC [0,4-2,4] ; p=0,988).   Tableau 7. Analyse multivariée des facteurs de risque de mortalité préopératoire dans les dissections aortiques aiguës de type A. Facteurs étudiés Odd Ratio Intervalle de confiance p Sexe féminin 0,48 0,21-1,07 0,074 Âge ≥80 ans 0,92 0,29-2,81 0,88 AVC seul 5,15 0,83-31,9 0,078 AVC et dissection TSA 7,36 1,21-44,45 0,03* Malperfusion digestive 4,25 1,21-14,9 0,024* Tamponnade 2,16 0,94-4,94 0,068 Suspicion de SCA 3,26 1,21-8,77 0,019* IRA 0,99 0,41-2,36 0,988 EuroSCORE 2 1,099 1,03-1,17 0,004* AVC : accident vasculaire cérébral ; TSA : tronc supra-aortique ; SCA : syndrome coronarien aigu ; IRA : insuffisance rénale aiguë définie par une créatininémie supérieure à 200 µmol/L ou une clairance de la créatininémie selon la formule MDRD ; *=p significatif ≤0,05. Ont été incluses dans le modèle des variables préopératoires prédictives de mortalité postopératoire.   4. Discussion Les DAAA sont une urgence médicochirurgicale avec une mortalité périopératoire qui reste élevée allant de 13% à 26% selon les séries [3,5,13]. Notre mortalité périopératoire est de 23,5%, ce qui est similaire aux autres études réalisées sur de plus larges cohortes (GERAADA [3], IRAD [5]). Notre population était comparable à celle de l’IRAD [5] : 2952 patients ayant présenté une DAAA entre 1995 et 2013, avec un âge moyen de 61 ans (vs 66 ans), 67,5% d’hommes (vs 63%) et 74,4% d’HTA (vs 74,8%). Geirsson et al. retrouvent un taux de mortalité en diminution sur la dernière décennie, de 24% à 13% entre 2005 et 2014 [6]. L’une des explications avancées est que l’augmentation du nombre de patients opérés a permis l’acquisition d’une expertise dans la prise en charge des DAAA [6]. Nous avons observé la même tendance de la mortalité dans notre centre sur une période plus courte (de 26% avant 2010 à 20% depuis 2015 mais sans significativité statistique), avec parallèlement un nombre de patients croissant (de 18 en 2007 à 26 en 2017). Dans notre cohorte, nous avons identifié comme facteurs de risque de mortalité précoce, la présence d’un AVC préopératoire avec dissection des TSA, d’un syndrome de malperfusion digestif ou coronarien. Ces constatations concordent avec les données de la littérature  [3,13]. En effet, Conzelmann et al. identifient l’AVC préopératoire avec dissection des TSA comme facteur de mortalité (OR=1,468 ; p=0,001 vs OR=7 ;  p=0,03). Cependant, la présence préopératoire de syndrome de malperfusion ne doit pas selon nous contre-indiquer la prise en charge chirurgicale, car la reperfusion du vrai chenal avec exclusion du faux chenal permet fréquemment la régression des syndromes de malperfusion [13]. Nous avons identifié d’autres facteurs préopératoires tels que la tamponnade, l’instabilité hémodynamique comme facteur de risque de mortalité, imposant à notre sens, une prise en charge la plus rapide possible. Ces mêmes facteurs sont fréquemment décrits dans d’autres études [4,12]. De plus, Conzelmann et al. [3] ont mis en évidence comme facteur de risque de mortalité un temps de CEC allongé (p<0,02 vs p<0,05 dans notre série). Toutefois, le lien entre l’allongement du temps de CEC et la mortalité périopératoire nous semble plutôt lié à des facteurs confondants. L’allongement du temps de CEC étant plus le reflet d’une condition précaire du patient (sevrage difficile, hémostase prolongée) que seulement lié à un geste opératoire plus complexe. En effet, l’extension du geste chirurgical à la racine ou à la crosse aortique n’est pas associée à une augmentation de la mortalité précoce que ce soit dans notre cohorte (respectivement p=0,597 et p=0,149) ou dans la littérature récente [7,9,10,14]. Si l’ensemble des équipes s’accordent sur le remplacement systématique de l’aorte ascendante, certains proposent des gestes plus étendus sur la racine et/ou la crosse afin de prévenir l’évolution anévrysmale de l’aorte résiduelle disséquée [3,7,10]. Concernant la gestion de la racine aortique en cas de dissection de celle-ci, une intervention de Bentall modifiée peut être réalisée et a l’avantage d’être plus rapide et d’être maîtrisée par tous les chirurgiens. Cependant, cela implique un remplacement valvulaire aortique chez des patients relativement jeunes ayant souvent une valve aortique saine nécessitant la mise en place d’une valve mécanique. Par conséquent, d’autres auteurs proposent des techniques de conservation de la valve aortique [14,15] pour éviter les complications liées aux prothèses valvulaires (dégénérescence, thrombose, hémorragie et infection). Ainsi, si cela est possible, nous privilégions, dans notre centre, une technique de conservation de valve, en réalisant un remodelage de la racine aortique associé à une annuloplastie aortique externe (20,3%) ou un hémi-Yacoub (7,5%) ou encore une intervention de Tirone David (3,1%). Aucune augmentation de la mortalité précoce n’a été mise en évidence. Ceci est comparable aux résultats de Bavaria et al. [9] ou plus récemment  de Kunihara et al. [10]. En outre, nous réalisons l’anastomose distale aorte ouverte de façon à réséquer le maximum d’aorte disséquée, comme cela a déjà été rapporté dans la littérature [16,17]. Et en cas d’arrêt circulatoire, nous privilégions l’hypothermie modérée avec perfusion cérébrale antérograde bilatérale à l’hypothermie profonde, car cela permet une diminution du temps de CEC et une diminution des troubles de la coagulation, comme mis en évidence par Harrington et al. [18]. Compte-tenu d’une population actuelle vieillissante, nous avons étudié s’il y avait un lien entre la mortalité et un âge ≥80 ans. Sans mettre en évidence de résultats significatifs (OR=0,92 IC [0,29-2,81] ; p=0,88). Kawahito et al. rapportent les mêmes constatations (p=0,85) [19]. Omura et al. [20], qui retrouvent une augmentation de la mortalité hospitalière (OR=3,27 IC [1,22-8,76] ; p=0,02) dans cette population, décrivent également que cette surmortalité ne persiste pas à 6 mois, ni à 5 ans. Ces données sont en faveur d’une prise en charge ne reposant pas exclusivement sur l’âge du patient. Une des autres explications avancées de la diminution de la mortalité est un diagnostic plus précoce grâce à la démocratisation de l’utilisation de l’angioscanner, passant de 46% en 1995 à 73% en 2013 selon Pape et al. [5]. Ainsi 90% des patients de notre cohorte ont eu un angioscanner préopératoire et cela nous a permis d’effectuer des mesures de l’aorte ascendante au moment de la dissection aortique.  Effectivement, chez plus de 70% des patients, le diamètre de l’aorte ascendante était inférieur aux recommandations internationales dont le seuil est de 55 mm [1], comme cela a déjà été souligné dans la littérature. Pape et al. [11] retrouvent que 59% des patients présentant une DAAA ont un diamètre de l’AA inférieur à 55 mm (vs 72% dans notre série) et même inférieur à 50 mm chez 40% (vs 44,3% dans notre série). Cela nous amène à une interrogation sur les meilleurs critères indiquant le moment optimal de prise en charge chirurgicale afin de prévenir les dissections aortiques aiguës. Cette étude présente cependant plusieurs limites. En premier lieu, un biais de recrutement lié au caractère monocentrique et également un biais lié au caractère rétrospectif avec la perte d’information.   5. Conclusion Chez nos patients opérés d’une dissection aortique aiguë de type A, les facteurs de risque de mortalité précoce identifiés sont les syndromes de malperfusion neurologique, digestif et coronarien. De plus, grâce à une imagerie de plus en plus accessible, nous avons constaté que plus de 70% de nos patients opérés ont un diamètre de l’aorte ascendante inférieur aux recommandations actuelles (55 mm). L’analyse à plus long terme est nécessaire pour démontrer l’intérêt de cette conservation de la valve sur la morbimortalité des patients.   Références Erbel R, Aboyans V, Boileau C, Bossone E, Bartolomeo RD, Eggebrecht H, et al. 2014 ESC Guidelines on the diagnosis and treatment of aortic diseasesDocument covering acute and chronic aortic diseases of the thoracic and abdominal aorta of the adultThe Task Force for the Diagnosis and Treatment of Aortic Diseases of the European Society of Cardiology (ESC). 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mars 19, 2019
Chirurgie thoracique · Vol. 22 Décembre 2018

Indications et suites opératoires des pneumonectomies au Centre hospitalier universitaire national (CHUN) de Fann à Dakar

Assane Ndiaye1, David Douglas Banga Nkomo1,3*, Souleymane Diatta1, Papa Salmane Ba1, Magaye Gaye1, Pape Adama Dieng1, Yacine Dia2, Amadou Gabriel Ciss1, Mouhamadou Ndiaye1 Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHUN de Fann, Dakar, Sénégal. Service de pneumologie, CHNU de Fann, Dakar, Sénégal. Centre des urgences de Yaoundé, Yaoundé, Cameroun. *Auteur correspondant : dbangankomo@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV22-4-NDI Citation : Ndiaye A, Banga Nkomo DD, Diatta S, Ba PS, Gaye M, Dieng PA, Dia Y, Ciss AG, Ndiaye M. Indications et suites opératoires des pneumonectomies au Centre hospitalier universitaire national (CHUN) de Fann à Dakar. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-NDI   Résumé Objectif : notre étude avait pour but de présenter les indications et le devenir des patients ayant bénéficié d’une pneumonectomie dans notre pratique quotidienne. Matériel et méthode : nous avons mené une étude descriptive rétrospective de janvier 2004 à décembre 2015, dans laquelle nous avons inclus 106 patients ayant bénéficié d’une pneumonectomie. Résultats : les principales indications étaient la dilatation des bronches (n=65) ; l’aspergillome pulmonaire (n=30), et le cancer bronchopulmonaire primitif (n=5). Le taux de morbidité était de 34,91% (n=37). Les taux de mortalité peropératoire et postopératoire étaient respectivement de 1,88% (n=2) et de 2,83% (n=3). Les principales complications étaient l’infection pariétale (n=12 ; 11,32%), l’empyème post-pneumonectomie (n=11 ; 10,38%) et l’hémothorax post-pneumonectomie (n=8 ; 7,55%). Conclusion : les principales complications dans notre pratique quotidienne sont infectieuses (infection pariétale et empyème post-pneumonectomie). Les résultats sont satisfaisants car les taux de morbidité et de mortalité sont superposables à ceux retrouvés dans la littérature.   Abstract Indications and outcome of pneumonectomy: a retrospective study of 106 patients Aim: To report the indications and outcomes of pneumonectomy. Materials and methods: We retrospectively reviewed 106 patients who underwent pneumonectomy between January 2004 and December 2015. Results: The main indications for pneumonectomy were bronchiectasis (n=65), pulmonary aspergilloma (n=30) and primary lung cancer (n=5). The morbidity rate was 34.91% (n=37). Intraoperative mortality was 1.88% (n=2) and 30-day mortality was 2.83% (n=3). The main postoperative complications were wound infection (n=12, 11.32%), post-pneumonectomy empyema (n=11, 10.38%) and post-pneumonectomy bleeding (n=8, 7.55%). Conclusion: Wound infection and post-pneumonectomy empyema were the main postoperative complications. Nevertheless, the results of pneumonectomy were found to be satisfactory.   1. Introduction Dans les régions de forte endémie tuberculeuse, la pneumonectomie est généralement réalisée pour le traitement des séquelles de tuberculose [1-3]. Tandis qu’ailleurs elle est très souvent réalisée pour la prise en charge des cancers bronchopulmonaires [4-6]. Quelle que soit l’indication et quel que soit le contexte, la morbidité et la mortalité après une pneumonectomie restent élevées [5]. En Afrique subsaharienne, les séries portant sur les pneumonectomies sont peu fréquentes. Aussi, en plus de présenter les indications et le devenir des patients ayant bénéficié d’une pneumonectomie dans notre service, notre étude a également pour objectif de contribuer à l’accroissement des données de la littérature sur la question dans notre contexte.   2. Matériel et méthode Nous avons mené une étude rétrospective descriptive dans le service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire du Centre hospitalier national universitaire de Fann, de janvier 2004 à décembre 2015. Dans cette étude, nous avons inclus tous les patients ayant bénéficié d’une pneumonectomie. Pour chaque patient inclus les données colligées étaient les suivantes : L’âge, le sexe du patient et les comorbidités si elles existaient. Les signes fonctionnels ayant amené le patient à consulter et le délai moyen de ladite consultation. Les lésions radiologiques observées. Les résultats de l’évaluation de la fonction respiratoire et de l’état nutritionnel. La technique chirurgicale, à savoir la voie d’abord utilisée, le côté de la pneumonectomie, la technique du traitement du moignon bronchique, la technique du traitement du pédicule vasculaire et le curage ganglionnaire lorsqu’il était réalisé. L’indication de la pneumonectomie. La durée moyenne du drainage thoracique. La durée moyenne du séjour postopératoire. La (ou les) complication(s) per et/ou postopératoire(s)observée(s). La durée moyenne du suivi postopératoire. La cause du décès. Les données répertoriées ont été saisies rétrospectivement et leur analyse s'est faite grâce au logiciel Epi info version 7.0. 3. Résultats Durant la période d’étude, 106 patients ont bénéficié d'une pneumonectomie dans notre service. Soixante-sept de ces patients (63,2%) étaient de sexe masculin, soit un sexe ratio de 1,7. Leur âge moyen était de 36 ans, avec des extrêmes de 3 mois et de 70 ans. La principale comorbidité majeure retrouvée était le diabète (n=5). Chez les patients qui présentaient des lésions de destruction pulmonaire, les facteurs étiologiques retrouvés étaient la tuberculose pulmonaire (n=79), une pathologie infectieuse non mycobactérienne dans l’enfance (n=2) et un corps étranger inhalé (n=4). Les signes fonctionnels, souvent associés, ayant amené les patients à consulter étaient l’hémoptysie (n=73), la bronchorrhée (n=45), la toux (n=45), la douleur thoracique à type de point de côté (n=45) et la dyspnée d’effort (n=28). Le délai moyen de cette consultation était de 35 mois. Les lésions radiologiques élémentaires mises en évidence par le scanner et la radiographie du thorax étaient les bronchectasies (n=65), une pachypleurite (n=63), des cavités résiduelles (n=53), un syndrome de condensation rétractile (n=27), une image en grelot évocatrice d’un aspergillome pulmonaire (n=26), une masse ou un nodule pulmonaire isolé (n=6) et une bulle d'emphysème géante, compressive (n=4). En outre, 90 patients présentaient une hypertrophie compensatrice du poumon controlatéral au poumon lésé. La figure 1 montre l’aspect tomodensitométrique de dilatation des bronches pulmonaires gauches associées à une hypertrophie du poumon controlatéral.   [caption id="attachment_4209" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Dilatation des bronches pulmonaires gauches associées à une hypertrophie du poumon controlatéral.[/caption]   Le VEMS moyen préopératoire était de 1,85 l/s (extrêmes de 0,6 l/s et 3,25 l/s). Trente-neuf patients (36,8%) avaient un VEMS préopératoire inférieur à 60% de la valeur théorique. L’évaluation de l’état nutritionnel, basée sur l’estimation de l’IMC, avait révélé que nos patients avaient un IMC moyen de 18,7 [12,1-42,86]. Près de la moitié de nos patients, c’est-à-dire 50,94% (n=54), avaient réalisé une sérologie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) qui était revenue négative. La pneumonectomie était réalisée pour une lésion bénigne dans 101 cas et pour une lésion maligne dans 5 cas. Le tableau 1 résume les indications des pneumonectomies.   Tableau 1. Indications des pneumonectomies.   Indications Fréquence Lésion bénigne 101 (95,28%) Dilatation des bronches 65 Aspergillome pulmonaire 30 Bulle d’emphysème géante et compressive 3 Pleurésie enkystée post-tuberculeuse 2 Emphysème lobaire géant 1 Empyème post-lobectomie 1 Plaie de l’artère pulmonaire gauche chez un patient devant bénéficier d’une lobectomie supérieure 1 Tumeur endobronchique 1 Tumeur pulmonaire bénigne 1 Cancer bronchopulmonaire primitif 5 (4,72%)   La voie d’abord était toujours une thoracotomie postérolatérale. Une résection costale y a été associée chez 12 patients. Le nombre maximal de côtes reséquées étaient de 2. Ceci a été le cas chez 3 patients. La pneumonectomie a été réalisée à gauche dans 70 cas (66%). Le geste principal a consisté en une pneumonectomie extrapéricardique (n=76), en une pleuropneumonectomie (n=28) et en une pneumonectomie de totalisation (n=2). La suture bronchique a été manuelle, selon la technique de Sweet dans 100 cas (94,33%) et mécanique dans les autres cas. Le moignon bronchique suturé a ensuite été enfoui dans 81 cas. Le tissu utilisé pour l’enfouissement de ce moignon était la graisse péricardique (n=2), le muscle intercostal (n=7) et la plèvre médiastinale (n=72). La figure 2 représente une vue peropératoire d’un moignon bronchique recouvert par un lambeau de muscle intercostal. [caption id="attachment_4207" align="aligncenter" width="161"] Figure 2.A : Vue peropératoire du lambeau musculaire intercostal après prélèvement.[/caption] [caption id="attachment_4208" align="aligncenter" width="139"] Figure 2.B : Vue peropératoire d’un lambeau de muscle intercostal recouvrant un moignon bronchique.[/caption] Le curage ganglionnaire médiastinal était le seul geste associé (5 cas). Dix incidents peropératoires ont été notés. Il s’agissait de brèches diaphragmatiques (n=3), de plaies vasculaires (n=2) et de troubles du rythme cardiaque (n=5). Les plaies vasculaires étaient une plaie de l’artère pulmonaire et une plaie de l’artère sous-clavière, tandis que les troubles du rythme étaient à type de tachycardie ventriculaire et de bradycardie. La mortalité peropératoire était de 1,88% (n=2). Les décès peropératoires étaient dus à une plaie de l’artère pulmonaire n’ayant pu être réparée et à une tachycardie ventriculaire à l’origine d’une fibrillation ventriculaire n’ayant pu être corrigée. La durée moyenne du drainage thoracique était de 7 jours (extrêmes de 1 jour et de 90 jours). Chez 31 patients (29,24%), elle a été supérieure ou égale à 7 jours. La durée moyenne de séjour postopératoire était de 13 jours (extrêmes de 5 et de 59 jours). Le taux de morbidité de notre série était 34,91% (n=37). Les principales complications étaient l’infection de la paroi (n=12 ; 11,32%), l’empyème post-pneumonectomie (n=11 ; 10,38%) et l’hémothorax post-pneumonectomie (n=8 ; 7,55%). Les différentes complications retrouvées sont présentées dans le tableau 2. Le taux de mortalité postopératoire était de 2,83% (n=3). Les décès postopératoires, au nombre de 3, étaient dus à une insuffisance respiratoire secondaire à un empyème post-pneumonectomie associé à une fistule bronchopleurale (n=2) et à une défaillance multiviscérale par coagulation intravasculaire disséminée à la suite d’un hémothorax post-pneumonectomie (n=1). Le suivi postopératoire avait concerné 89 patients (83,96%). La durée moyenne du suivi postopératoire était de 28 mois (extrêmes de 1 mois et de 11 ans). Durant ce suivi, 7 patients avaient été réadmis (taux de réadmission de 6,6%). L’empyème post-pneumonectomie était le seul motif de réadmission.    Tableau 2. Complications après pneumonectomie. Type de morbidité Fréquence Infection de la paroi 12 (11,32%) Empyème post-pneumonectomie 11 (10,38%) Hémothorax post-pneumonectomie 8 (7,55%) Fistule bronchopleurale 4 (3,77%) Pneumonie sur poumon unique 3 (2,83%) Sepsis 3 (2,83%) Hématome de la paroi 2 (1,89%) Chylothorax 1 (0,94%) Décompensation diabétique 1 (0,94%) Paralysie récurentielle 1 (0,94%)   4. Discussion Les pneumonectomies dans notre étude sont réalisées pour des pathologies pulmonaires malignes et bénignes. Il est vrai que ces dernières sont les plus fréquentes. Dans la plupart des séries traitant des pneumonectomies réalisées dans un contexte comme le nôtre, les bronchectasies ou dilatation des bronches post-tuberculose constituent la principale indication des pneumonectomies [1,2,7]. Dans ces séries, les patients sont jeunes avec un âge moyen généralement inférieur à 50 ans, sont issus d’un milieu socio-économique défavorisé de pays sous-développés ou en développement et ont très peu ou pas du tout de comorbidité. De plus, comme dans notre série, ils sont très souvent dénutris et ne sont pas immunodéprimés par le VIH. Dans les pays développés par contre, les pneumonectomies intéressent des populations plus âgées et le cancer bronchopulmonaire primitif constitue la principale pathologie amenant à réaliser une pneumonectomie. Les pneumonectomies pour des lésions inflammatoires dans ces pays sont réalisées chez des patients immigrés ou ayant un terrain particulier tel qu’une immunodépression [4,5]. Hormis en cas de lésion maligne, les auteurs s’accordent sur le fait que seuls les patients symptomatiques doivent être opérés [1,2,5,7]. Le délai moyen de consultation de notre étude est inférieur à celui retrouvé par d’autres auteurs [3,8,9]. Dans notre contexte d’endémie tuberculeuse, l’hémoptysie d’abondance variable, la toux persistante, la bronchorrhée amène plus souvent à consulter que la dyspnée [3,9], car les patients ont très souvent une hypertrophie du poumon controlatéral, qui compense la perte fonctionnelle du poumon détruit. Les séquelles des maladies inflammatoires ou des maladies infectieuses sont caractérisées par une modification permanente de la structure de l’arbre trachéobronchique et du parenchyme pulmonaire. Ces modifications permanentes expliquent les altérations de la fonction respiratoire observées chez ces patients. Le VEMS moyen de notre série est néanmoins supérieur à celui des séries de Kim et al. [3] ou de Li et al. [9] dont les sujets ont tous bénéficié d’une pneumonectomie pour une destruction pulmonaire post-tuberculeuse. La thoracotomie postérolatérale passant par le 4e espace ou le 5e espace intercostal constitue notre seule voie d’abord. Cette voie d’abord nous semble la plus judicieuse dans les pneumonectomies indiquées pour des lésions bénignes inflammatoires, du fait de la fréquence élevée de patients ayant une pachypleurite, une symphyse apicale ou diaphragmatique. La vidéothoracoscopie n’est jusque-là recommandée que dans le cadre d’essai thérapeutique [10]. Une résection costale est souvent associée à la thoracotomie postérolatérale [6,9,11]. En effet, lorsqu’il existe une pachypleurite étendue, elle permet d’amorcer le décollement extrapleural et de pénétrer dans le thorax. Le nombre de côtes à reséquer, fonction du degré du pincement intercostal, est rarement supérieur à 2 [8]. La pneumonectomie gauche est la plus fréquente dans la plupart des séries [1,2,5-7,9]. Contrairement à d’autres auteurs tel que Li et al. [9], nous n’avons pas réalisé de pneumonectomie intrapéricardique. Les pneumonectomies de totalisation ne sont pas exceptionnelles en chirurgie thoracique. Sur une série de 525 pneumonectomies réalisées sur une période de 10 ans, Jungraithmayra et al. [12] retrouvent qu’elles représentent 16,4% de toutes les pneumonectomies. Dans notre série elles représentent moins de 2% des pneumonectomies. Les indications des pneumonectomies de totalisation sont une récidive d’une tumeur maligne, ou plus fréquemment une récidive ou une progression d’une pathologie bénigne comme dans notre série [12]. Ainsi, en cas d’empyème faisant suite à une lobectomie une pneumonectomie peut être réalisée lorsque le poumon résiduel ne peut se réexpandre comme cela a été le cas chez l’un de nos patients [11]. Les pleuropneumonectomies sont plus fréquentes que les pneumonectomies de totalisation [5,6,13]. La pleuropneumonectomie augmente certes la difficulté de la technique opératoire, mais elle permet d’éviter, lorsqu’elle est réalisée avec succès, l’ouverture des poches pulmonaires et donc la contamination peropératoire de la cavité de pneumonectomie. Aucune étude n’ayant démontré la supériorité de la suture mécanique sur la suture manuelle dans la prévention des fistules bronchopleurales post-résection pulmonaires [14,15], l’attitude de notre équipe pour le traitement du moignon bronchique est d’effectuer une suture manuelle selon la technique de Sweet. Nous mettons plutôt l’accent, comme la plupart des auteurs, sur le renforcement de la suture bronchique [2,3,6,8,9,16]. Des incidents opératoires ont été rapportés par des auteurs tels que Massard et al. [11], ou Owen et al. [6]. Il s’agit souvent comme dans notre série de lésions diaphragmatiques, de lésions vasculaires ou de troubles du rythme cardiaque. Les difficultés de pneumolyse au niveau des apex pulmonaires, du diaphragme et du médiastin dues aux symphyses pleurales souvent présentes dans ces zones expliquent les plaies vasculaires peropératoires [2,11]. Lorsque l’hémorragie résultant de ces lésions vasculaires n’est pas jugulée à temps, ces plaies peuvent conduire aux décès de patients [6]. L’une des pneumonectomies de notre série a justement été réalisée dans le cadre du contrôle d’un saignement secondaire à une plaie importante et proximale de l’artère pulmonaire gauche. Le drainage de la cavité de pneumonectomie peut permettre de mettre en évidence un empyème, un hémothorax ou un chylothorax. Pour certains auteurs, le faible taux de complications suscitées révélées par le drainage de la cavité de pneumonectomie ne justifie pas la pose d’un drain en cas de pneumonectomie [17]. Aussi la gestion du drainage post-pneumonectomie n’est pas consensuelle [18]. Pour Morcos et al. [18], il convient à chaque équipe de déterminer et d’établir des protocoles pour cette gestion. Notre attitude est le drainage systématique de la cavité de pneumonectomie, la pneumonectomie dans notre contexte étant une chirurgie très hémorragique. Toutefois notre durée moyenne de drainage reste supérieure à celle de la plupart des auteurs [3,5,6,9]. Notre taux de complication se situe dans l’intervalle des taux retrouvés dans la littérature qui varient entre 12% et 40% [1,2,6,7]. Les complications rencontrées dans notre série sont fréquemment retrouvées dans la littérature, quelle que soit la pathologie sous-jacente, avec des fréquences variables [1,2-5,7,11]. Toutefois, des auteurs, tels que Owen et al. [6], retrouvent des complications cardiovasculaires chez des patients ayant bénéficié d’une pneumonectomie pour une tumeur maligne. Dans notre série, les infections pariétales constituent la principale complication, en termes de fréquence. Leur taux est quasiment le double par rapport aux taux observés dans la littérature qui sont de l’ordre de 5 à 6% [3,6,11]. Aucun élément lié au patient ou lié à l’acte opératoire ne nous a permis d’expliquer ce résultat. Néanmoins des mesures ont été prises pour contribuer à la réduction des infections postopératoires. Ainsi, les patients en préopératoire font des séances de kinésithérapie en vue d’améliorer le drainage bronchique, bénéficient d’une antibiothérapie adaptée à un antibiogramme obtenu lors d’un examen cytobactériologique des crachats. En peropératoire, outre la protection des bordures de la thoracotomie avec des compresses abdominales imprégnées de bétadine jaune, nous procédons systématiquement au lavage de la cavité de pneumonectomie avec un mélange de solution iodée et de sérum salé isotonique. L’incidence de l’empyème post-pneumonectomie varie entre 2 et 32% [1,3,6,11]. Le taux d’empyème post-pneumonectomie de notre série reste donc dans l’intervalle des données de la littérature. La fistule bronchopleurale peut survenir isolément après une pneumonectomie. Son incidence varie de 4 à 20% et son taux de mortalité varie de 20 à 70% [19,20]. Nous avons enregistré un seul cas de fistule bronchopleurale. Celle-ci, survenue précocement (4 jours après la pneumonectomie) La mortalité per-opératoire est exceptionnelle en cas de pneumonectomie pour une tumeur maligne [6]. Par contre, en cas pneumonectomie pour une lésion bénigne en général et pour une lésion inflammatoire en particulier, il est fréquent d’avoir des décès peropératoires. Ces décès sont essentiellement dus à des troubles du rythme cardiaque ou à des plaies des gros vaisseaux, des plaies du cœur qui surviennent lors de la dissection. Notre taux de mortalité peropératoire qui est de 1,89% (2 cas) se situe dans les limites inférieures des taux retrouvés dans la littérature qui oscillent entre 1,1% et 6,8% [2,3,11]. Quant au taux de mortalité postopératoire, il est superposable à ceux des auteurs dont les patients ont bénéficié d’une pneumonectomie pour la prise en charge de lésions bénignes telles que les séquelles de la tuberculose.   5. Conclusion La pneumonectomie dans notre contexte est réalisée chez des patients relativement jeunes, très souvent de sexe masculin, pour la prise en charge de pathologies généralement bénignes. Ses résultats sont satisfaisants car les taux de morbidité et de mortalité sont superposables à ceux retrouvés dans la littérature. Par ailleurs, notre étude, outre le fait qu’elle constitue un apport pour la pratique de la pneumonectomie dans notre contexte, nous aura également permis de prendre des mesures pour la réduction des complications infectieuses (infection pariétale et empyème post-pneumonectomie), principales complications dans notre pratique quotidienne.   Références Bouchikh M, Smahi M, Ouadnouni Y, Achir A, Msougar Y, Lakranbi M, Herrak L, El Aziz S, El Malki HO et Benosman A. La pneumonectomie pour les formes actives et séquellaires de la tuberculose. Rev Mal Respir 2009;26:505-13. 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décembre 3, 2018
Chirurgie thoracique · Vol. 21 Abstracts 2017

T-04 – Quelle prise en charge des tumeurs œsophagiennes rares et non sarcomateuses ? Analyse rétrospective multicentrique européenne

Lieven Depypere1, Diane Mege2, Xavier-Benoît D’Journo 2, Johnny Moons1, Arnulf Hölscher3, Christophe Mariette4, Jan Van Lanschot5, Magnus Nilsson6, Pascal-Alexandre Thomas2, Wolfgang Schröder3, Philippe Nafteux1 1. Service de chirurgie thoracique, CHU de Leuven, Belgique 2. Service de chirurgie thoracique, maladies de l’œsophage et transplantation pulmonaire, AP-HM, hôpital Nord, Marseille 3. Service de chirurgie générale, viscérale et tumorale, CHU de Cologne, Allemagne 4. Service de chirurgie générale et digestive, CHRU de Lille 5. Service de chirurgie abdominale, Erasmus MC Rotterdam, Pays-Bas 6. Service de chirurgie abdominal supérieure, CHU Karolinska Solna, Stockholm, Suède   Objectif : L’œsophagectomie est la pierre angulaire du traitement curatif du carcinome épidermoïde et de l’adénocarcinome de l’œsophage. Pour les sarcomes résécables de l’œsophage, la résection chirurgicale est également le traitement de choix. En revanche, peu de données sont disponibles pour le traitement chirurgical des tumeurs œsophagiennes rares et non sarcomateuses. L’objectif de ce travail était donc de rapporter l’expérience européenne dans la prise en charge de ces tumeurs rares de l’œsophage. Méthode : Entre 1987 et 2016, une revue rétrospective a été réalisée parmi les 9317 œsophagectomies pour tumeur maligne dans 6 centres européens à haut volume. Les histologies autres que le carcinome épidermoïde, l’adénocarcinome, le carcinome adénosquameux, le carcinome indifférencié ou le sarcome ont été identifiées. Les caractéristiques démographiques, cliniques, l’évaluation préopératoire, les données opératoires, l’histologie, les complications et les résultats à long terme ont été examinés. Résultat : Soixante-quatorze patients ont été inclus, répartis en 26 carcinomes neuroendocrines, 12 mélanomes, 16 tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST), 10 carcinomes à petites cellules et 10 autres types histologiques. La survie globale de la série à 5 ans était de 45 % et la médiane de survie était de 35,3 mois. Les survies à 5 ans des GIST, mélanomes, tumeurs à petites cellules et tumeurs neuro-endocrines étaient respectivement de 81,2 %, 31,8 %, 30 % et 12,8 %. Aucune différence n’était observée entre chirurgie première et traitement néoadjuvant. Le mélanome avait une survie à long terme plus courte qu’en présence d’un envahissement ganglionnaire synchrone (médiane de survie respective = 9,6 mois et 28,9 mois ; p = 0,058). Conclusion : Cette large expérience européenne chirurgicale semble montrer que les tumeurs malignes rares de l’œsophage non sarcomateuses sont très rares, avec une incidence inférieure à 1 % des œsophagectomies. Les GIST semblent avoir le meilleur pronostic. Le pronostic est plus altéré pour les autres types histologiques, notamment lors d’un envahissement ganglionnaire synchrone.     What do we know about surgical treatment of rare, non-sarcomatous esophageal tumors? A European multicenter retrospective analysis   Objectives: Esophagectomy is the cornerstone of curative treatment in esophageal adenocarcinoma and squamous cell carcinoma. Even for resectable esophageal sarcomas, surgical resection is the treatment of choice. However, few data are available about results of surgical treatment of rare non sarcomatous esophageal tumors. The objective of this study was to report a large European experience in the management of these rare esophageal tumors. Methods: From 1987 to 2016, out of 9317 esophagectomies performed for malignant disease, a retrospective review was carried in 6 European high volume centers. Histologies other than squamous cell carcinoma, adenocarcinoma, adenosquamous carcinoma, undifferentiated carcinoma or sarcoma were extracted. Patient characteristics, presenting symptoms, preoperative evaluation, surgical details, histology, complications and long term result were reviewed. Results: Seventy-four patients were withheld, including 26 neuro-endocrine carcinomas, 12 melanomas, 16 gastro intestinal stromal tumors (GIST), 10 small cell carcinomas and 10 other histological types. Overall 5-year survival was 45% and median survival was 35.3 months. Five-year overall survival for GIST, melanoma, small cell tumors and neuro-endocrine tumors was 81.2 %, 31.8 %, 30.0% and 12.8 % respectively. No differences were observed between primary surgery and neoadjuvant treatment. Only melanoma appears to have worse prognosis in case of involved lymph nodes (9.6 months vs 28.9 months respectively; p=0.058). Conclusion: This large European surgical experience shows that rare, non-sarcomatous esophageal tumors are very rare with an incidence of less than 1% of esophagectomies. GIST have a good prognosis. Other types like small cell tumors, neuro-endocrine tumors and melanomas have worse prognosis, especially the latter in case of lymph node invasion.   Séance : Communications libres thoracique - jeudi 8 juin - 8:30-10:00
mai 24, 2017