Médiastinite après chirurgie cardiaque
M. Ait Houssa*1, A. Abdou1, F. Nya1, S. Seghrouchni1, M. Bamous1, N. Atmani1, S. Belouize1, Y. Moutakiallah1, GA. Hatim1, M. Elouanass2, A. Boulahya1
1. Service de chirurgie cardiaque, hôpital militaire d’instruction Mohamed-V, Rabat, Maroc. Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat-université Mohamed V Souissi.
2. Laboratoire de bactériologie, hôpital militaire d’instruction Mohamed V, Rabat, Maroc. Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat-université Mohamed V Souissi.
Correspondance : mahdiaithoussa@yahoo.fr
Résumé
Objectif : étudier la prévalence de la médiastinite, le profil bactériologique et les modalités de prise en charge.
Matériel et méthodes : il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 22 cas de médiastinite survenue dans les suites d’une intervention chirurgicale à cœur ouvert durant une période de 17 ans. Le diagnostic a été fait selon les critères du CDC (Center of Disease Control).
Tous les patients ont été repris au bloc opératoire et traités par la technique d’irrigation-drainage. L’antibiothérapie a été adaptée au germe en cause.
Résultats : vingt-deux patients adultes dont 5 femmes avaient développé une médiastinite parmi 2394 circulations extracorporelles (CEC) réalisées entre janvier 1994 et décembre 2011, soit une prévalence 0,9 %. Quinze patients étaient des coronariens. L’âge moyen était de 61,7 ± 12 ans. La mortalité hospitalière était de 22,7 % (5/22). Le délai moyen séparant l’intervention chirurgicale à cœur ouvert et la survenue de la médiastinite était de 19 ± 8,2 jours. Le staphylocoque était le principal germe en cause : Staphylocoque coagulase négative 8 cas (36,4 %), le staphylocoque aureus 4 cas (18,2 %) et le staphylocoque epidermidis 3 cas (13,6 %).
Conclusion : la médiastinite reste une complication redoutable de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert avec un taux de mortalité élevé malgré le traitement. Le meilleur traitement reste préventif par le contrôle des facteurs de risque.
Abstract
Mediastinitis after cardiac surgery
Objective: The aim of the present study is to evaluate the incidence of mediastinitis, and to describe the microbiological etiology and treatment approach.
Material and methods: The records of 22 consecutive adult patients who developed mediastinitis after cardiac surgery over 17 years were retrospectively reviewed. The diagnosis of mediastinitis was established according to the Center for Disease Control and Prevention notification criteria. All patients had received intravenous antibiotics since the diagnosis was established. Sternal debridement was performed, the sternum was closed and the irrigation system was placed.
Results: Postoperative mediastinitis was identified in 22 adult patients over 17 years among 2394 extracorporeal circulations (0.9%). Fifteen patients (68%) suffered from coronary disease. The mean age was 61.7 ± 12 years. The mean interval from operation to the development of mediastinitis was 19 ± 8.2 days. Hospital mortality was 22.7% (5/22). Staphylococcus was frequently isolated: coagulase-negative Staphylococcus was isolated in 36.4% (eight cases), Staphylococcus aureus in 18.2% (four cases) and Staphylococcus epidermidis in 13.6% (three cases).
Conclusion: Mediastinitis following sternotomy remains a devastating complication of open heart surgery and is associated with significant hospital mortality despite treatment. The treatment efficacy should be considered for strategies to minimize risk factor impact.
1. INTRODUCTION
Malgré les progrès réalisés dans la prise en charge du patient en chirurgie cardiaque, la médiastinite reste une complication gravissime et redoutable. C’est une infection nosocomiale du site opératoire (ISO) dont l’incidence varie selon les séries publiées variant entre 0,4 et 8 % mais cette incidence est délimitée entre 0,5 % et 3 % [1-3]. Elle est associée à un taux de mortalité oscillant entre 20 % et 50 % en raison d’un retard diagnostique et thérapeutique. La prise en charge nécessite une collaboration pluridisciplinaire associant 3 axes systémiques : la réanimation, l’antibiothérapie et la chirurgie.
Cette prise en charge est souvent lourde et coûteuse avec un impact direct sur l’économie budgétaire des services concernés [4,5]. Le coût d’hospitalisation total est 3 fois supérieur à celui d’une hospitalisation classique, l’étiologie est complexe mais les germes les plus fréquemment en cause sont les staphylocoques. C’est aussi un problème de prévention soulignant la nécessité d’une bonne connaissance des facteurs de risque [6].
2. MATÉRIEL ET MÉTHODES
Le nombre total des patients présentant une médiastinite était de 26 malades dont 22 traités par la méthode de lavage–drainage et 4 autres par le drainage continu aspiratif aux drains de Redon. Cette dernière méthode a été adoptée par notre service depuis janvier 2010.
Le faible nombre de patients traités par cette technique ne permet pas de réaliser une étude comparative et ils sont également exclus pour l’homogénéité de l’étude.
Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 22 cas de médiastinite diagnostiqués et traités dans les suites d’une chirurgie cardiaque à cœur ouvert.
Les informations colligées et étudiées dans notre étude étaient :
les données démographiques des patients ;
les données opératoires lors de la première intervention chirurgicale ;
le délai séparant l’intervention chirurgicale à cœur ouvert et la survenue de la médiastinite et les données relatives à la reprise pour médiastinite.
Ont été inclus tous les patients ayant présenté une médiastinite documentée.
Le diagnostic de médiastinite a été retenu devant :
une issue du pus de la plaie sternale [figure 1] ;
une infection de la plaie sternale responsable d’une ostéomyélite avec désunion sternale ;
la présence d’une infection du site opératoire à laquelle était associée au moins un des signes suivants définis par la CDC (Center of Disease Control) [7] :
- isolement d’un germe à partir d’un prélèvement médiastinal (liquide ou tissu) ;
- évidence de médiastinite constatée à la réexportation chirurgicale, douleur thoracique instabilité sternale ou fièvre (≥ 38 °C) et hémoculture positive.
[caption id="attachment_2763" align="aligncenter" width="300"] Figure 1 : Photo montrant un écoulement purulent à travers la cicatrice de sternotomie.[/caption]
Ont été exclus les patients ayant une médiastinite traités par méthode de drainage continu aspiratif aux drains de Redon. Les patients âgés de moins de 18 ans, les patients ayant fait une infection de la plaie mais qui reste superficielle, confinée à la peau et au tissu sous-cutané (rougeur, collections, désunion) mais dont le sternum reste stable et indolore à la palpation bimanuelle.
L’ensemble des patients a bénéficié d’une prise en charge médicale et chirurgicale standardisée selon le protocole du service.
L’intervention chirurgicale consistait en une exploration médiastinale par sternotomie sous anesthésie générale dans un délai de moins de 24 heures. La sternotomie était totalement reprise, un curetage des dépôts de fibrine était réalisé, associé à un parage de la peau et des tissus sous-cutanés. Des prélèvements bactériologiques multiples étaient réalisés. Les zones non vascularisées du sternum étaient réséquées. Enfin la cavité péricardique et la région médiastinale étaient abondamment nettoyées et irriguées avec une solution bétadinée (10 %). Les drains pour le drainage et l’irrigation étaient mis en place puis la synthèse du sternum était effectuée et le thorax fermé en un seul temps.
La technique d’irrigation-drainage était pratiquée chez tous les patients. Elle était immédiatement débutée avec du sérum physiologique bétadinée (50 ml de bétadine pour 500 ml du sérum physiologique). Le débit d’irrigation était 1 à 1,5l/8 heures. L’irrigation était poursuivie plusieurs jours (7 à 10 jours en moyenne) avec une surveillance clinique et biologique basée sur :
la température du patient ;
l’état de la cicatrice sternale ;
le bilan entrées/sorties rigoureux permettant d’éviter une tamponnade.
Les conditions permettant d’arrêter l’irrigation-drainage étaient le patient qui ne présentait pas de signe local ou général de sepsis et les prélèvements du drainage réalisés de manière itérative qui devaient être stériles.
L’irrigation était alors arrêtée et les drains étaient mis en aspiration pendant 48 heures puis étaient retirés.
La prise en charge médicale comprenait la mise en route d’une antibiothérapie probabiliste précoce dès que le diagnostic était posé et les prélèvements faits. Le protocole adopté par le service consistait en une antibiothérapie à large spectre associant initialement la vancomycine ou une céphalosporine avec aminoside ou une fluoroquinolone.
La réanimation consistait en une prise en charge des défaillances d’organes (si elles existaient), une correction des troubles hydroélectrolytiques et un apport nutritionnel correct.
2.1. Analyse statistique
Les données ont été saisies et analysées à l’aide du logiciel SPSS 11.5. Les variables continues étaient exprimées en moyenne ± écart type ou en médiane. Les variables qualitatives étaient exprimées en effectif ou en pourcentage.
3. RÉSULTATS
3.1. Données de la première intervention [tableau 1]
Durant une période de 17 ans allant de janvier 1994 à décembre 2011, 2394 patients adultes avaient bénéficié d’une chirurgie cardiaque à cœur ouvert. Parmi eux, 22 avaient fait une médiastinite documentée, soit une prévalence de 0,9 %.
Sur ces 22 cas, on note une prédominance masculine, 17 hommes/5 femmes. L’âge moyen était de 61,7 ± 12 ans.
La pathologie cardiaque ayant justifié la chirurgie était une coronaropathie chez 15 patients (68,2 %), une valvulopathie chez 4 patients (18,2 %), une association valvulopathie + coronaropathie chez 2 patients (9,1 %) et un cas de myxome invasif de l’oreillette gauche. Les principales comorbidités associées sont résumées dans le tableau 1. Onze patients étaient diabétiques (50 %), 5 patients avaient une artériopathie périphérique, 9 étaient des tabagiques chroniques, 4 étaient obèses et un patient était insuffisant rénal dialysé. 2 patients avaient déjà été opérés à cœur ouvert par le passé.
La chirurgie à cœur ouvert a été réalisée en urgence chez 2 patients. La durée moyenne de la circulation extracorporelle (CEC) était de 140,5 ± 41 minutes ; chez 6 patients (27,2 %) la durée de la CEC était ≥ 3 heures ; chez 12 patients (54,5 %), l’intervention chirurgicale a duré plus de 5 heures. La médiane de ventilation était de 18 heures (11-63,7 heures) et 7 patients (31,8 %) étaient ventilés plus de 48 heures. La médiane de séjour en réanimation était de 72 heures (47-240 heures). Trois patients étaient repris pour saignement et 14 patients (63,6 %) étaient transfusés.
Variable
Patient (n = 22)
Âge (année)
Sexe femme/homme
Poids (kg)
Taille (m)
IMC (kg/m²)
RCT
NYHA I-II
NYHA III- IV
Diabète
Tabagisme
BPCO
HTA
Obésité (IMC > 30kg/m²)
Insuffisance rénale
Chirurgie redux
Artériopathie périphérique
ACFA
FR (%)
FE (%)
EuroSCORE
Type de pathologie :
– coronaire
– valvulaire
– coronaropathie + valvulopathie
– myxome
61,7 ± 12
5/17
72,3 ± 14
1,7 ± 0,7
24,2 ± 3,6
0,53 ± 0,05
15 (68 %)
7 (32 %)
11 (50 %)
9 (41 %)
2 (9,1 %)
7 (32 %)
4 (18 %)
1 (4,5 %)
2 (9,1 %)
5 (22,7 %)
3 (13,6 %)
26 ± 6.9
52,3 ± 11,4
7,4 ± 9,2
15 (68,2 %)
4 (18,2 %)
2 (9,1 %)
1 (4,5 %)
Tableau I. Données démographiques.
IMC : index de masse corporelle ; RCT : rapport cardiothoracique ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; ACFA : arythmie complète par fibrillation auriculaire ; FR : fraction de raccourcissement ; FE : fraction d’éjection.
3.2. Données relatives à la médiastinite [tableau 2]
Le délai de séjour préopératoire avant la première intervention était de 22,2 ± 10,1 jours (2-45 jours) et le délai moyen de survenue de la médiastinite était de 19 ± 8,2 jours (5-35 jours).
Variable
Patients (n = 22)
1re intervention chirurgicale :
chirurgie urgente
durée de CEC (min)
durée de clampage aortique (min)
durée de VA (heure)
nombre de patients ventilés ≥ 48 h
durée de séjour en réanimation (heure)
saignement total/24 heures (ml)
reprise chirurgicale
transfusion
inotropes
BCPIA
Geste chirurgical :
– pontages coronaires
– pontage coronaire + RVA
– pontage coronaire + DRV
– RVM
– RVM + PT
– RVA
Greffons utilisés :
– 1 AMI
– 2 AMI
– VSI
2 (9 %)
140,5 ± 41
78,5 ± 23,9
18,5 (11-63,75)
7 (31,8 %)
72 (47-240)
931,6 ± 654
3 (13,6 %)
13 (59 %)
12 (54,5 %)
4 (18,2 %)
15 (68,2 %)
1 (4,5 %)
1 (4,5 %)
2 (9,1 %)
2 (9,1 %)
1 (4,5 %)
15 (68,2 %)
2 (9,1 %)
16 (72,7 %)
Reprise pour médiastinite :
Durée de séjour préopératoire (jours)
Délai de survenue (jours)
Infection associée (%)
Germe en cause :
– staphylocoque
– bacilles gram négatif
– inconnu
Durée de traitement antibiotique
22,2 ± 10,1
19 ± 8,2
4 (18,2 %)
14 (63,6 %)
6 (27,2 %)
2 (9,1 %)
24,4 ± 8,1
Mortalité
5 (22,7 %)
Tableau 2 : Données opératoires.
CEC : circulation extracorporelle ; VA : ventilation assistée ; BCPIA : ballon de contrepulsion intra-aortique ; RVA : remplacement valvulaire aortique ; DRV : double remplacement valvulaire ; RVM : remplacement valvulaire mitrale ; PT : plastie tricuspide ; AMI : artère mammaire interne ; VSI : veine saphène interne.
Le staphylocoque a été identifié chez 10 patients (63,6 %), les bacilles gram négatif dans 6 cas (27,2 %) ; chez 4 patients les 2 germes ont été identifiés dans les prélèvements du site opératoire et la culture a été négative chez 2 patients. Les différentes souches sélectionnées sont résumées dans le diagramme [figure 2].
[caption id="attachment_2764" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Profil bactériologique.[/caption]
Selon la classification d’El Oakley [8], les médiastinites sont réparties comme suit :
type I : 4 cas (18 %) ;
type III A : 7 cas (31,8 %) ;
type III B : 8 cas (36,3 %) ;
type IV : un cas (4,5 %).
Deux patients avaient une autre infection associée.
La durée moyenne du traitement antibiotique était de 24,4 ± 8,1 jours et la durée moyenne d’hospitalisation postopératoire était de 44,85 ± 18 jours. Le taux de mortalité inhérent à la médiastinite était de 22,7 % (5/22). Les causes du décès étaient : rupture de l’oreillette droite (1 cas), rupture du ventricule droit (1 cas), trouble de rythme grave chez un patient dialysé et 2 cas de sepsis sévère non contrôlé aboutissant à une défaillance multiviscérale.
4. DISCUSSION
L’abord du médiastin antérieur via une sternotomie longitudinale et son ostéosynthèse par des fils métalliques à la fin de l’intervention a été décrit la première fois par Milton en 1897, et représente actuellement la voie d’abord la plus utilisée en chirurgie cardiaque.
L’infection du site opératoire avec développement de médiastinite associée ou non à une ostéomyélite sternale est une complication redoutable de la chirurgie cardiaque. Elle est entachée d’une mortalité non négligeable, un surcoût relatif à une hospitalisation longue avec des retombées économiques lourdes et un impact sur la vie socioprofessionnelle chez les survivants.
En dépit des progrès indiscutables en matière d’antibioprophylaxie et l’amélioration des protocoles opératoires (mesures préventives, techniques chirurgicales), le traitement de la médiastinite demeure un défi à différents niveaux.
Le mécanisme physiopathologique à l’origine de la médiastinite est complexe et multifactoriel. Certaines théories incriminent l’instabilité du sternum due à une ostéosynthèse insuffisante entraînant une déhiscence puis une surinfection de la plaie. D’autres théories mettent cette complication sur le compte d’une ostéomyélite locale d’origine ischémique, suivie d’une nécrose des berges, perte des films métalliques puis colonisation bactérienne du site opératoire [12]. L’incidence de la médiastinite dans notre série était de 0,9 %. Les séries les plus récentes relatent une incidence variant de 0,25 à 2,9 % [9-10].
L’inexactitude de l’épidémiologie des médiastinites postopératoires est en grande partie expliquée par le fait que la définition retenue est différente d’un auteur à l’autre.
Globalement cette incidence oscille entre 1 à 3 %, avec des écarts importants [11].
La médiastinite complique préférentiellement la chirurgie des artères coronaires et survient entre le 4e jour et la 4e semaine. Dans notre série, le délai de survenue était en moyenne de 19 ± 8,2 jours et 17/22 (77,2 %) des patients étaient des coronariens.
Les patients traités pour médiastinite dans les suites d’une chirurgie à cœur ouvert ont une morbimortalité plus élevée que ceux n’ayant pas développé cette complication infectieuse [21].
La mortalité dans notre série était de 22,6 % ; taux proche de celui retrouvé par Trouillet (20,3 %) [12]. Dans certaines séries, la mortalité liée à la médiastinite est plus faible à 1,1 % pour Sjögren [13], 1,4 % pour De Feo [14]. Inversement, d’autres auteurs rapportent un taux de mortalité plus élevé variant de 15 à 47 % [15-17].
Le profil microbiologique des germes en cause est largement dominé par le staphylocoque d’après les études publiées. Dans notre série, le staphylocoque a été isolé chez 14 patients, les bacilles gram négatif chez 12 patients montrent la montée en puissance des bacilles gram négatif.
La médiastinite postcardiotomie survient généralement sur un terrain prédisposant. Plusieurs facteurs de risque ont été incriminés et sont répartis en trois types [10,16,17]. Certains facteurs sont liés aux patients, d’autres liés à l’intervention chirurgicale et d’autres sont liés à l’environnement.
Dans notre série, la moitié des patients était diabétique, 4 étaient obèses, 15 étaient coronariens et 9 étaient des tabagiques. Dans l’étude de Barros de Oliviera [16], les diabétiques étaient 2,7 fois exposés à la médiastinite et les tabagiques 2,1 fois. Dans la série d’Abboud [10], le tabac est associé à la médiastinite 3,3 fois. Plusieurs études incriminent aussi l’obésité, et le patient obèse est 3 fois plus exposé à développer une médiastinite que le patient non obèse [6,9]. Ceci est lié aux contraintes mécaniques élevées au niveau du site d’ostéosynthèse sternale ainsi qu’à une altération de la cicatrisation et des concentrations d’antibiotiques anormalement basses dues à une mauvaise pénétration dans les tissus adipeux.
La technique de prélèvement de l’artère mammaire a fait également l’objet de plusieurs études. Divers travaux publiés ont trouvé que le prélèvement de l’artère mammaire interne de manière squelettisée ne compromet pas la vascularisation artérielle du sternum et permet de diminuer de manière significative l’incidence des infections sternales postopératoires [18]. Kamiya [19] a démontré que la saturation en O2 et le débit sanguin dans la microcirculation du sternum étaient nettement meilleurs en cas de prélèvement squelettisé de l’artère mammaire interne comparé au prélèvement pédiculé.
L’usage des deux artères mammaires expose également au risque de médiastinite avec une incidence variant de 1,3 à 4,7 % [20]. Chez le patient diabétique cette incidence est supérieure à 9,3 % [16]. Une CEC longue expose également au risque de médiastinite en raison des phénomènes inflammatoires exacerbés et une baisse de l’immunité. Dans notre série, la durée de la CEC était supérieure à 3 heures chez 6 patients et l’intervention chirurgicale a duré plus de 5 heures chez la moitié des patients. Ces deux facteurs ont été rapportés par Boeken [21]. La gravité de la médiastinite dans les suites d’une chirurgie à cœur ouvert impose des mesures préventives et une meilleure connaissance des facteurs de risque de sa survenue [22,23]. Dans une revue de littérature récente [20], et en analysant 42 études, le diabète et l’obésité figurent comme les principaux facteurs de risque de médiastinite. À coté des facteurs de risque traditionnels, une attente préopératoire prolongée expose à la médiastinite et augmente ce risque de 15 % d’après Wai Sang [24]. Le délai moyen de séjour dans notre série est long 22,2 ± 10j, ce qui est en accord avec la littérature. Contrairement aux propositions d’El Oakley [8], nous avons adopté la technique d’irrigation-drainage à thorax fermé en raison de sa simplicité et de son efficacité. La technique de fermeture en deux temps ou à thorax ouvert est indiquée lorsque le sternum n’est plus viable et complètement détruit par l’infection avec sepsis sévère. La fermeture est proposée après quelques jours et nécessite une plastie musculaire.
D’autres techniques ont été mises au point avec des résultats encourageants. Le vacuum assisted closure, ou VAC, ou aspiration sous pression négative, assure par un drainage actif un rôle anti-infectieux local et accélère la cicatrisation de la plaie opératoire. Sjögren [13] rapporte un taux de mortalité à 30 jours de 1,1 % chez 176 patients traités par cette technique. Ces données sont confortées par les résultats de De Feo [14].
5. CONCLUSION
En dépit des progrès thérapeutiques indiscutables dans la prise en charge du patient en chirurgie cardiaque, la médiastinite reste une infection nosocomiale redoutable. La clé de sa prévention impose une connaissance approfondie des facteurs de risque afin de pouvoir les contrôler [22,23].
Limite de l’étude : il s’agit d’une étude rétrospective à échantillon réduit, ce qui ne permet pas l’analyse des facteurs prédictifs de la médiastinite.
RÉFÉRENCES
Kirmani BH, Mazhar K, Saleh HZ, Ward AN, Shaw M, Fabri BM et al. External validity of the Society of Thoracic Surgeons risk stratification tool for deep sternal wound infection after cardiac surgery in a UK population. Interact Cardiovasc Thorac Surg 2013;17:479-484.
Kubota H, Miyata H, Motomura N, Ono M, Takamoto S, Harii K et al. Deep sternal wound infection after cardiac surgery. J Cardiothorac Surg 2013;8:132.
Morisaki A, Hosono M, Sasaki Y et al. Evaluation of risk factors for hospital mortality and current treatment for poststernotomy mediastinitis. Gen Thorac Cardiovasc Surg 2011;59:261-7.
Jang YJ, Park MC, Park DH, Lim H, Kim JH, Lee IJ. Immediate debridement and reconstruction with a pectoralis major muscle flap for poststernotomy mediastinitis. Arch Plast Surg 2012;39:36-41.
Floros P, Sawhney R, Vrtik M et al. Risk factors and management approach for deep sternal wound infection after cardiac surgery at a tertiary medical centre. Heart Lung Circ 2011;20:712-7.
Simek M, Molitor M, Kalab M, Tobbia P, Lonsky V. Current challenges in the treatment of deep sternal wound infection following cardiac surgery. In: Aronow WS, editor. Artery bypass. Rijeka: InTech 2013:493-535.
Horan TC, Andrus M, Dudeck MA. CDC/NHSN surveillance definition of health care-associated infection and criteria for specific types of infections in the acute care setting. Am J Infect Control. 2008;36:309-332.
El Oakley RM, Wright JE. Postoperative mediastinitis: classification and management. Ann Thorac Surg 1996;61:1030-6.
Eklund AM, Lytikainen O, Klemets P, Huotari K, Anttila VJ, Werkkala KA et al. Mediastinitis after more than 10 000 cardiac surgical procedures. Ann Thorac Surg 2006;82:1784-9.
Abboud CS, Wey SB, Baltar VT. Risk factors for mediastinites after cardiac surgery. Ann Thorac Surg 2004;77:676-83.
Morisaki A, Hosono M, Sasaki Y et al. Evaluation of risk factors for hospital mortality and current treatment for post sternotomy mediastinitis. Gen Thorac Cardiovasc Surg 2011;59:261-7.
Trouillet JL, Vuagnat A, Combes A, Bors V, Chastre J, Gandjbakhch I, et al. Acute poststernotomy mediastinitismanaged with debridement and closed-drainage aspiration : factors associated with death in the intensive care unit. J Thorac Cardiovasc Surg 2005;129:518-24.
Sjögren J, Gustafsson R, Nilsson J, Lindstedt S, Nozohoor S, Ingemansson R. Negative-pressure wound therapy following cardiac surgery: bleeding complications and 30-day mortality in 176 patients with deep sternal wound infection. Interact CardioVasc Thorac Surg 2011;12:117-20.
De Feo M, Alessandro Della C, Vicchio M, Pirozzi F, Nappi G, Cotruto M. Is Post-sternotomy médiastinites still devastating? Tex Heart Inst J. 2011;38(4):375-80.
Megdanz EH, Bodanese LC, Guaragna JC, Albuquerque LC, Martins V, Minossi SD, Piccoli JCE, Goldani MA. Risk score elaboration for médiastinites after coronary artery bypass grafting. Rev Bras Cir Cardiovasc 2010;25(2):154-59.
Barros de Oliveira MP, Soares EF, Santos CA, Figueiredo OJ, Lima ROA, Escobar RR, Rueda FG, Lima RC. Risk factors for mediastinitis after coronary artery bypass grafting surgery. Rev Bras Cir Cardiovasc 2011;26(1):27-35.
Tiveron MG, Fiorelli AI, Moeller Mota E, Vilca Mejia OA, Almeida Brandao CM, Dallan LAO, Pomerantzeff PAM, Stolf Noedir AG. Preoperative risk factors for mediastinitis after cardiac surgery: Assessment of 2 768 patients. Rev Bras Cir Cardiovasc 2012;27(2):203-10.
Saso S, James D, Vecht JA, Kidher E, Kokotsakis J, Malinovski V, et al. Effect of skeletonization of the internal thoracic artery for coronary revascularization on the incidence of sternal wound infection. Ann Thorac Surg 2010;89(2):661-70.
Kamiya H, Akhyari P, Martens A, Karck M, Haverich A, Lichtenberg A. Sternal microcirculation after skeletonized versus pidecled harvesting of the internal thoracic artery: a randomized study. J Thorac Cardiovasc Surg 2008;135(1):32-7.
Bryan CS, Yarbrough WM. Preventing deep wound infection after coronary artery bypass grafting. Tex Heart Inst J 2013;40(2):125-39.
Boeken U, Eisner J, Feindt P, Petzold TH, Schulte HD, Gams E. Does the time of resternotomie for bleeding have any influence on the incidence of sternal infections, septic courses or further complications? Thorac Cardiovasc Surg 2001;49(1):45-48.
Lepelletier D, Bourigault C, Roussel JC, et al. Epidemiology and prevention of surgical site infection after cardiac surgery. Med Mal Infect 2013;43:403-9.Irrigation
Rebmann T, Kohut K. Preventing mediastinitis surgical site infections: executive summary of the association for professionals in infection control and epidemiology’s elimination guide. Am J Infect control 2011;39:529-31.
Wai Sang SL, Chaturvedi R, Alam A et al. Preoperative hospital length of stay as a modifiable risk factor for mediastinitis after cardiac surgery. J. Cardiothorac Surg 2013,8:45.
Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.
Date de soumission : 28/04/2016. Acceptation : 12/10/2016. Pré-publication : 19/10/2016
décembre 1, 2016