Chirurgie thoracique · Vol. 22 Décembre 2018

Atout de la pluridisciplinarité pour une meilleure gestion du drainage thoracique

Clémence Martel-de Kerlivio1, Nicola Santelmo2*, Bénédicte Gourieux1, Sandra Wisniewski1, Gilbert Massard2* Service de pharmacie-stérilisation, hôpitaux universitaires de Strasbourg, France. Service de chirurgie thoracique, hôpitaux universitaires de Strasbourg, France. * Correspondance : nsantelmo@orange.fr ; gilbert.massard@chru-strasbourg.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-4-MAR Citation : Martel-de Kerlivio C, Santelmo N, Gourieux B, Wisniewski S, Massarg G. Atout de la pluridisciplinarité pour une meilleure gestion du drainage thoracique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-MAR   Résumé Objectifs : pour sécuriser le drainage thoracique, acte transversal, il est nécessaire que les professionnels standardisent leurs pratiques. L’objectif de l’étude est 1) de réaliser un état des lieux des connaissances et des pratiques, 2) de rappeler les clés d’un drainage bien conduit et de présenter les dispositifs médicaux disponibles, et 3) de définir un protocole institutionnel pour harmoniser la gestion et le choix d’un système de drainage. Méthodes : le programme de formation a été construit par un binôme pharmacien/chirurgien thoracique, et son impact a été mesuré en comparant les connaissances avant/après l’intervention. Nous avons audité les services impliqués sur leurs pratiques, et proposé des algorithmes décisionnels. Résultats : l’intervention et l’enquête de pratique ont été menées dans les services de réanimation, de pneumologie et de chirurgie thoracique. La participation de 129 infirmiers et médecins à l’atelier de formation a confirmé l’intérêt de la thématique ; leurs connaissances ont significativement progressé après l’intervention (p<0,05). Des protocoles décrivant la conduite à tenir en fonction du type d’épanchement, pour le transport, le retrait et la surveillance du drainage thoracique ont été réalisés, validés par les experts et la Commission du médicament et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS). Enfin, le système de drainage est désormais identique dans tous les services. Discussion : l’accueil enthousiaste que nous avons reçu témoigne de la complémentarité clinique et technique des intervenants et encourage le développement de futurs projets pluridisciplinaires.   Abstract Multidisciplinary approach to improve pleural drainage management Aim: Healthcare providers are committed to standardizing their practice for chest drainage management. The main objective of this study was to review the current knowledge of providers and to propose an ongoing formation program to remind them of the keys factors for good drainage, as well as to present the available medical devices. An additional aim was to produce an institutional protocol and standardize the drainage system used by the units. Methods: A pharmacist and thoracic surgeon worked together to establish the formation program. To evaluate the impact of the program, we compared the knowledge of participants before and after undergoing the formation program. We performed an audit on practices in the relevant units, then proposed a decision tree. Results: Training workshops and an audit on practices were proposed in the departments of resuscitation, pneumology and thoracic surgery. As the subjects met their expectations, we observed consequent involvement of healthcare providers at the workshop (129 nurses and medical practitioners). The workshop significantly improved participants’ knowledge (p < 0.05). The institutional protocol describing drainage management according to the nature of pleural effusion, transport management, removal of chest drainage and drainage monitoring was ratified by local experts. Finally, we proposed that a unified drainage system be made available in all units. Discussion: By working in a complementary manner, we sent clinical and technical messages and received enthusiastic support from the participants. This encourages the development of future multidisciplinary projects.   1. Introduction L’objectif du drainage thoracique est double, puisqu’il s’agit de maintenir le poumon à la paroi thoracique en rétablissant une pression négative dans l’espace pleural, et d’évacuer un épanchement de nature gazeux (pneumothorax), liquidien (pyothorax, hémothorax, chylothorax) ou mixte (hydropneumothorax). Rappelons que le système doit satisfaire aux conditions de perméabilité et d’irréversibilité pour permettre l’évacuation des sécrétions sans retour possible vers la plèvre. Le système doit également être étanche et mis en place dans des conditions stériles [1]. Si le drainage thoracique est une technique simple et éprouvée, la pratique n’en demeure pas moins délicate. La pose du drain et la surveillance du drainage sont des activités transversales réalisées dans de nombreuses unités, pour lesquelles les personnels médicaux et paramédicaux sont complémentaires et doivent être coordonnés. Le drainage thoracique est un acte non sans risque, aussi les professionnels de santé sont tenus de mettre à jour leurs connaissances et de standardiser leurs pratiques pour offrir au patient une prise en charge optimisée et leur garantir l’efficacité et la sécurité des soins. À ces fins, l’objectif principal de l’étude a été de proposer un programme de formation continue aux acteurs du drainage thoracique pour rappeler les clés d’un drainage bien conduit, et d’élaborer un protocole institutionnel pour standardiser la gestion du drainage thoracique dans l’établissement. Le drainage thoracique est un acte pour lequel les professionnels sont formés à différentes écoles, ce qui explique les multiples références de drains et de systèmes de drainage disponibles. Ainsi, il convient de distinguer les drains thoraciques sans mandrin, destinés à être insérés chirurgicalement dans la plèvre du patient, de ceux montés sur trocart ou sur fil-guide, qui font l’objet d’une insertion percutanée. Le drain thoracique est connecté à un système de drainage composé à minima d’une valve anti-retour (type Heimlich), qui est le plus souvent associée à un bocal de recueil des sécrétions. La réexpansion du poumon est possible si une dépression est appliquée au système de drainage : drainage passif ou par gravité si le système est placé en déclive, ou drainage actif si une source d’aspiration extérieure est utilisée (vide mural ou pompe autonome intégrée au système de drainage). Le pharmacien est impliqué dans le choix et le référencement des dispositifs médicaux, il doit répondre aux besoins des utilisateurs et mettre à disposition des dispositifs fiables et adaptés, et toute l’information nécessaire à leur bon usage. L’objectif secondaire de l’étude a été de présenter et de promouvoir le bon usage des dispositifs médicaux dédiés, et de mener une réflexion d’harmonisation des systèmes de drainage au sein de l’établissement, qui est intrinsèquement liée à la volonté de standardisation des pratiques.   2. Matériel et méthode 2.1. Périmètre de l’étude L’étude a été restreinte aux services amenés à prendre en charge la pose et/ou le suivi du drainage, identifiés par une consommation minimale annuelle de 100 systèmes de drainage (année 2014).   2.2. Construction d’un programme de développement professionnel continu (DPC) Sous l’égide de la Commission des médicaments et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS) de l’établissement, un binôme pharmacien/chirurgien thoracique a piloté le programme.   2.2.1. Enquête de pratiques L’analyse des pratiques a permis de réaliser une cartographie de la prise en charge du patient drainé dans les services concernés. L’audit a été réalisé par un binôme pharmacien/chirurgien thoracique auprès des chefs de service (ou leur représentant) et des cadres de santé. La grille de recueil a été testée et validée avant réalisation. Ses items déclinent les étapes clés du drainage thoracique, comme les indications principales retenues pour sa mise en œuvre, la répartition des responsabilités, la gestion de la surveillance et du transport des patients, et les dispositifs médicaux (DM) utilisés. Les services audités ont également pu exprimer leur avis (satisfaction ou insatisfaction) sur les DM actuellement référencés, et formuler de nouveaux besoins éventuels. À distance, une analyse des écarts entre la pratique constatée et la pratique souhaitée a été menée par les auditeurs et une restitution a été proposée au service audité lors de l’atelier-formation.   2.2.2. Apport cognitif Une séquence d’atelier-formation a été proposée dans les services ciblés à tous les personnels médicaux et infirmiers. Le support de la formation a été construit par le binôme pharmacien/chirurgien thoracique, après analyse des référentiels et résultats de l’enquête de pratique.   2.2.3. Suivi d’indicateur Le bénéfice de la formation a été évalué en comparant les connaissances des acteurs du drainage thoracique avant et après l’atelier (diffusion d’un questionnaire d’auto-évaluation).   2.2.4. Validation DPC Les personnes ayant participé à l’atelier de formation et répondu aux deux tours des questionnaires ont pu valider un DPC.    2.3. Standardisation des pratiques Sur la base des résultats de l’analyse de pratiques conduite dans les services et de l’avis d’experts locaux, et après revue de la littérature et notamment des recommandations internationales [2-7], nous avons proposé d’élaborer un protocole institutionnel de drainage thoracique, afin de standardiser les pratiques et d’améliorer la qualité des soins dispensés. Cette étape comprend également une harmonisation et une mise à jour des formulaires qui permettent la traçabilité des paramètres relevés lors de la surveillance du drainage en lien avec les logiciels d’aide à la prescription (LAP), et la sélection d’un système de drainage commun à l’ensemble de l’établissement pour faciliter le transfert des patients drainés et optimiser les achats.   2.4. Analyse statistique Les données qualitatives étaient exprimées en effectifs et pourcentages, et les données quantitatives en valeurs moyennes ± écart type et en médianes accompagnées des valeurs extrêmes. La comparaison de la note globale du questionnaire a été réalisée à l’aide du test de Wilcoxon pour série appariée. Le taux de bonnes réponses a également été comparé question par question entre les deux périodes en utilisant le test du Chi2. Une «p-value» <0,05 a été considérée comme significative. La comparaison de la note globale entre les deux périodes, selon la catégorie professionnelle et selon la spécialité, a été réalisée en utilisant un modèle de régression linéaire mixte. Ces analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel R (www.r-project.org).   3. Résultats 3.1. Enquête de pratique L’enquête a été menée auprès de 21 acteurs en santé dans 15 unités fonctionnelles des services cibles du programme : chirurgie thoracique, pneumologie, services de réanimation (médicale, chirurgicale, pédiatrique et néonatale). Nous avons inclus les services d’imagerie qui sont impliqués dans la pose de drain ; les services de chirurgie abdominale et cardiaque ont été exclus. Parmi les observations, nous avons noté que la familiarité du personnel avec la gestion du drainage était très disparate en fonction des services, et que seule la pédiatrie disposait d’un protocole dédié. Le déploiement du dossier patient informatisé (annexé au logiciel d’aide à la prescription) a permis d’intégrer un formulaire de recueil des paramètres de surveillance du drainage. Dans 11 UF sur 15, les paramètres de surveillance sont recueillis informatiquement. Cependant, plusieurs LAP coexistent dans l’établissement (DxCare®, ICCA®), et les services n’utilisent pas tous le même formulaire et n’objectivent pas les données de la même façon. La gestion du transport des patients drainés apparaît peu sécurisée et il apparaît aussi que les risques liés à la manipulation du drain sont méconnus : clampage à mauvais escient, connexions/déconnexions, risque septique, pas d’accompagnement des patients, sauf pour les services de réanimation.   3.2. Programme de formation L’atelier de formation s’est déroulé en 4 étapes : restitution de l’enquête, partie théorique (anatomie, indications, objectifs et caractéristiques du drainage), recommandations pour la pratique, et mise au point sur le bon usage des DM impliqués (démonstration à l’appui). Les 14 ateliers ont enregistré 129 participants [figure 1]. [caption id="attachment_4219" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Répartition des participants par service et par fonction (N=129).[/caption] Selon les services, les formations ont pu toucher jusqu’à 29% des manipulateurs en radiologie, 75% des IDE, 71% des internes et 86% des médecins seniors. Tous les participants ont été destinataires d’un questionnaire d’évaluation avant et après la formation, et 38,8% (N=50) d’entre eux ont répondu aux deux tours. Cette population de 50 participants a été sélectionnée pour mesurer l’impact du programme, en mettant en évidence la progression de leurs connaissances avant/après les ateliers de formation. Au premier tour, la note moyenne des réponses au questionnaire est de 3,62/10 et au second tour de 4,86/10, l’écart entre les deux notes est significatif (p<0,01). L’analyse séquentielle des réponses, question par question, indique que trois messages relatifs aux fonctions de la plèvre, aux indications du drainage et la gestion du système en siphonage ont été particulièrement bien assimilés par les participants [figure 2].   [caption id="attachment_4220" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Nombre de réponses justes au questionnaire, analyse par question.[/caption] Le groupe infirmiers et manipulateurs en radiologie et le groupe des médecins seniors réalisent une progression significative des résultats après l’intervention (p <0,05). Globalement, peu de services réalisent une progression significative des résultats après l’intervention, excepté le service de réanimation chirurgicale (p<0,05). Le service de radiologie réalise également une progression remarquable, d’autant que la note globale au premier tour était faible (<2/10). Le service de chirurgie thoracique obtient la note maximale au second tour (>6/10), mais la progression n’est pas significative au vu de l’effectif des répondants. La satisfaction des participants aux ateliers a été évaluée. Parmi les 50 répondants ciblés, aucun n’a jugé la qualité de la formation insatisfaisante. Trois personnes l’ont jugée peu satisfaisante (6%), 30 satisfaisante (60%) et 17 tout à fait satisfaisante (34%). Sur une échelle de 1 à 10, sa qualité a été estimée à 7,32 en moyenne. Les 50 personnes ayant participé aux formations et répondu aux deux tours des questionnaires ont pu valider un DPC.   3.3. Actions entreprises 3.3.1. Protocole institutionnel de drainage thoracique Le protocole de drainage thoracique a été construit sous forme de diagrammes d’aide à la décision pour la prise en charge du patient dans les situations cliniques courantes. Six algorithmes décrivent ainsi la conduite à tenir pour le drainage en fonction du type d’épanchement (pneumothorax spontané, pleurésie purulente, pleurésie maligne et hémothorax), pour décider de l’ablation du drain et pour la bonne gestion du transport des patients drainés. Une check-list de surveillance a également été formalisée. Les protocoles ont été validés par la communauté médicale et la COMEDIMS des hôpitaux universitaires de Strasbourg [Annexe 1].   3.3.2. Harmonisation des formulaires de surveillance Nous avons comparé les items proposés par les différents formulaires de surveillance existants et une réflexion de pertinence et de simplification a été menée. Le formulaire a été refondu afin de mettre les items en commun [Annexe 2]. À l’avenir, un volet permettra la traçabilité de la mise en place (date de pose, type de drain et calibre, type de système de drainage, vérifications effectuées, date de réfection du pansement, etc.) et un second volet permettra de relever les paramètres de surveillance proprement dit (quantité recueillie, aspect, valeur de la dépression, bullage, traite ou clampage du drain, changement de système de recueil, etc.).   3.3.3. Harmonisation des systèmes de drainage Lors de l’audit de pratiques, les services ont unanimement accepté de tendre à harmoniser les systèmes de drainage dans l’établissement. Nous avons proposé de déployer un système de drainage commun répondant aux contraintes exprimées par les utilisateurs. Ainsi, nous avons recherché un système pouvant se transformer en système de drainage autonome (adjonction d’une pompe autonome) pour le transport du patient, besoin exprimé par la majorité des services. Nous avons également voulu sélectionner un système stable, simple d’utilisation et doté d’une grande capacité de recueil. Par ailleurs, nous avons voulu proposer un système déjà utilisé et connu dans l’un des services pour bénéficier de leur expérience, pour améliorer l’adhésion des professionnels et accompagner le changement de pratique. Le système compact Simple 3® double chambre avec connecteur/déconnecteur pour pompe Mobile et PalmEvo® (référence 10125, ADHESIA) a été retenu après une phase de test dans le service de chirurgie thoracique. Il est désormais positionné comme système de drainage de première intention. D’autres systèmes de drainage sont conservés dans des indications de niche : l’un dispose d’un manomètre intégré permettant de réguler finement la dépression appliquée pour les services de pédiatrie, et l’autre permet l’application d’une dépression de l’ordre de 400cmH2O pour le drainage postopératoire de chirurgie cardiaque. Enfin, dans les suites de lobectomie mini-invasive, les chirurgiens thoraciques souhaitent conserver un dispositif de drainage autonome sophistiqué permettant le monitorage précis du débit des fuites aériennes et du volume des sécrétions recueillies, en vue de raccourcir la durée du drainage et de permettre en parallèle la remobilisation rapide des patients après la chirurgie.   4. Discussion 4.1. Rationnel de l’étude Le ressenti d’un manque de connaissances des acteurs en matière de drainage thoracique a conduit quelques chirurgiens thoraciques à proposer ce travail. Ce constat est partagé par d’autres communautés médicales et a été décrit dans la littérature [8-10]. Il apparaît un manque de consensus, y compris dans les principes de surveillance des indications habituelles. Deux études [8,9] ont proposé des questionnaires ciblés sur la prise en charge des patients drainés. Les résultats ont montré le déficit des connaissances des soignants, soulignant la nécessité de formation des acteurs. Parallèlement, la déclaration de plusieurs cas de matériovigilance sur des DM de drainage thoracique au niveau local a objectivé des risques potentiels lors de leur utilisation et a confirmé le besoin de réaliser une campagne de formation, afin de sécuriser la prise en charge du patient. En effet, le manque de formation peut conduire à des accidents au moment de la mise en place du drain. D’autres complications peuvent également survenir au décours d’une gestion inadéquate du système de drainage (pneumothorax suffocant, emphysème sous-cutané, pleurésie purulente, œdème a vacuo, etc.) Une gestion appropriée du drainage thoracique demande la maîtrise du bon usage des dispositifs médicaux impliqués. L’objectif pédagogique et la complémentarité technique et clinique des pilotes du projet (binôme pharmacien/chirurgien) ont légitimé notre offre de formation à destination des acteurs du drainage. Le choix de formations communes aux équipes médicales et infirmières s’inscrit dans cet esprit recherché d’échanges pluriprofessionnels concernant des actes médicaux et paramédicaux étroitement liés.   4.2. Analyse des écarts et mesures correctives L’analyse des écarts de l’enquête de pratique a identifié des faiblesses dans la qualité et la sécurité des soins liés au drainage thoracique et a été force de propositions. L’absence de protocole de drainage dans 13 UF sur 15 a motivé la rédaction de documents qualité sous forme d’algorithmes décisionnels. Les documents en vigueur [Annexe 1] sont mis à disposition à titre informatif, ils peuvent être une base de travail pour d’autres équipes qui souhaiteraient s’engager dans la standardisation des pratiques. Le travail récent mené par l’équipe du Dr Seguin s’inscrit également dans cette démarche, en formulant des réponses à des questions pratiques relatives à la gestion du drainage après lobectomie [11]. Cet article confirme la volonté des experts d’échanger sur leurs pratiques et de les standardiser. D’autres actions ont été menées, notamment pour sécuriser et simplifier les transferts de patients : harmonisation des formulaires de surveillance et choix effectif d’un système de drainage commun. Dans un traité sur la prévention de l’erreur médicale [12], des qualiticiens experts prennent l’exemple du manque d’harmonisation des systèmes de drainage thoracique au sein d’un hôpital pour illustrer le concept d’erreur médicale latente, et le qualifient d’évènement porteur de risque. L’harmonisation du système de drainage était donc une priorité dans la prévention du risque d’erreur. Le gain à l’harmonisation est également économique, car les surcoûts entraînés par le changement complet de système de drainage lors des transferts entre les services de l’établissement sont réduits par la standardisation du système de drainage dans l’ensemble de l’établissement (hors indications de niche). Les essais menés sur le système de drainage retenu ont mis en évidence une tendance de la tubulure à « plicaturer » : des améliorations ont pu être apportées par l’industriel sur le produit afin qu’il soit fiabilisé.   4.3. Impact du programme de formation sur les connaissances Les 14 séances d’ateliers organisées ont permis de regrouper 129 professionnels de santé. Cette importante participation des médecins et des infirmiers témoigne d’une attente des acteurs du drainage thoracique. L’état des lieux des connaissances des soignants avant leur participation à l’atelier a objectivé les lacunes ressenties par les experts. L’analyse des résultats de l’évaluation avant/après montre une progression significative des connaissances des participants, même si les notes restent plus basses qu’attendues. L’analyse des notes question par question nous permet d’identifier des points critiques de connaissances non acquis. Ainsi, nous pourrons améliorer le support de notre présentation, notamment en clarifiant les messages relatifs à la conduite à tenir lorsqu’un drain présente des fuites aériennes et au transport d’un patient drainé. L’analyse en sous-groupes de l’impact de la formation, par service d’appartenance ou par catégorie professionnelle, rend non significative la progression des connaissances. Ce phénomène peut s’expliquer par les faibles effectifs de certaines catégories professionnelles. Nous noterons aussi qu’il est difficile d’atteindre un niveau de connaissances et de compétences homogène dans la gestion du drainage. En effet, le drainage thoracique est un acte technique, influencé par la dextérité, le ressenti et le vécu des soignants. Ces résultats néanmoins très encourageants nous poussent à améliorer et à pérenniser ce programme de formation.   4.4. Limites de l’étude Les services cibles de l’intervention ont été identifiés par leur consommation en systèmes de drainage. Une prochaine campagne de sensibilisation pourra proposer ce programme aux services d’urgences et de chirurgie adulte et pédiatrique, au SAMU et aux autres services d’imagerie. Une autre approche de sélection aurait été de pouvoir identifier les patients drainés, et de remonter au service les ayant pris en charge. Cependant, quoique la classification commune des actes médicaux (CCAM) décrive plusieurs actes relatifs au drainage thoracique (chapitre 6.3.6 : Évacuation de collection pleurale), ceux-ci ne font pas partie des actes classant dans un groupe homogène de malades (GHM), et leur codage est facultatif car sans impact financier. Comme ces actes ne sont pas valorisés, la réalisation d’une requête informatique identifiant les patients drainés n’a pas été possible. Le créneau horaire choisi pour la formation des équipes infirmières intervenait juste après le passage des consignes entre les équipes du matin et celles de l’après-midi, vers 14 heures. Seuls les infirmiers quittant leur poste du matin ont pu participer aux ateliers, l’équipe de l’après-midi devant assurer la continuité du service. Autant que cela a été possible, nous avons organisé au moins deux séances afin de toucher le plus large échantillon des pools infirmiers.   4.5. Perspectives L’accueil de l’atelier de formation par les participants a été enthousiaste. Nous avons bénéficié du label DPC pour proposer notre offre de formation, ce qui a pu motiver les participants. Si l’atelier a globalement été jugé utile par les participants, il ne figurait toutefois pas dans les priorités de formation que les cadres de santé proposent à leurs équipes. Nous avons été sollicités par plusieurs professionnels de santé pour étudier la faisabilité de pérennisation du programme. Pour le rendre accessible au plus grand nombre, un module de formation est hébergé sur la plateforme de e-learning de l’Observatoire des médicaments, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (OMEDIT) de la région Centre-Val de Loire. L’objectif est d’intégrer ce dernier dans les programmes de formation d’accueil des nouveaux agents, notamment des infirmiers et des internes.   5. Conclusion Le drainage thoracique est un acte technique, et son déroulement doit faire l’objet d’une surveillance attentive. Un programme de formation pédagogique a permis de réunir tous les acteurs du drainage et ainsi d’encadrer leurs pratiques, de rassurer les professionnels de santé qui n’en sont pas toujours familiers et de sécuriser la prise en charge du patient. Les liens qui se sont établis au cours des différentes étapes du programme, entre les différentes disciplines du corps médical, sont également à considérer comme des ouvertures vers de futurs projets à bâtir ensemble. La validation institutionnelle permet de formaliser le protocole de drainage thoracique et d’amorcer la standardisation des pratiques. L’un des intérêts de cette étude est aussi de montrer qu’une amélioration significative de la prise en charge du patient drainé demeure compatible avec le souci de la maîtrise des coûts impliqués. En effet, l’harmonisation des pratiques et le choix de dispositifs validé par les professionnels de santé ont permis d’optimiser les achats et l’offre de dispositifs médicaux de qualité.   Références Galvaing G, Riquet M, Dahan M. Principes du drainage thoracique. EMC-Tech Chir-Thorax 2013;8(4):1-11[42-200]. Havelock T, Teoh R, Laws D, Gleeson F. Pleural procedures and thoracic ultrasound: British Thoracic Society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65:61-76. https://doi.org/10.1136/thx.2010.137026 PMid:20696688 MacDuff A, Arnold A, Harvey J. Management of spontaneous pneumothorax: British Thoracic Society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65:18-31. https://doi.org/10.1136/thx.2010.136986 PMid:20696690 Roberts ME, Neville E, Berrisford RG, Antunes G, Ali NJ. Management of a malignant pleural effusion: British Thoracic Society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65:32-40. https://doi.org/10.1136/thx.2010.136994 PMid:20696691 Davies HE, Davies RJO, Davies CWH. 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J Clin Nurs 2013;22:2912-2922. https://doi.org/10.1111/jocn.12299 PMid:23829520 Durai R, Hoque H, Davies TW. Managing a Chest Tube and Drainage System. AORN J 2010;91:275-283. https://doi.org/10.1016/j.aorn.2009.09.026 PMid:20152201 Bouassida I, Seguin-Givelet A, Brian E, Grigoroiu M, Gossot D. Évolutions actuelles du drainage thoracique après lobectomie : vers une approche standardisée. J Chir Thorac Cardiovasc 2017;21(2). Rodziewicz TL, Hipskind JE. Medical Error Prevention. StatPearls 2018;Mar30.   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Ces résultats ont été présentés lors des Journées d’automne de la SFCTCV de décembre 2015, Paris.  Date de soumission : 12/07/2018. Acceptation : 15/10/2018.  
décembre 3, 2018
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Décembre 2016

Médiastinite après chirurgie cardiaque

M. Ait Houssa*1, A. Abdou1, F. Nya1, S. Seghrouchni1, M. Bamous1, N. Atmani1, S. Belouize1, Y. Moutakiallah1, GA. Hatim1, M. Elouanass2, A. Boulahya1 1. Service de chirurgie cardiaque, hôpital militaire d’instruction Mohamed-V, Rabat, Maroc. Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat-université Mohamed V Souissi. 2. Laboratoire de bactériologie, hôpital militaire d’instruction Mohamed V, Rabat, Maroc. Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat-université Mohamed V Souissi. Correspondance : mahdiaithoussa@yahoo.fr   Résumé Objectif : étudier la prévalence de la médiastinite, le profil bactériologique et les modalités de prise en charge. Matériel et méthodes : il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 22 cas de médiastinite survenue dans les suites d’une intervention chirurgicale à cœur ouvert durant une période de 17 ans. Le diagnostic a été fait selon les critères du CDC (Center of Disease Control). Tous les patients ont été repris au bloc opératoire et traités par la technique d’irrigation-drainage. L’antibiothérapie a été adaptée au germe en cause. Résultats : vingt-deux patients adultes dont 5 femmes avaient développé une médiastinite parmi 2394 circulations extracorporelles (CEC) réalisées entre janvier 1994 et décembre 2011, soit une prévalence 0,9 %. Quinze patients étaient des coronariens. L’âge moyen était de 61,7 ± 12 ans. La mortalité hospitalière était de 22,7 % (5/22). Le délai moyen séparant l’intervention chirurgicale à cœur ouvert et la survenue de la médiastinite était de 19 ± 8,2 jours. Le staphylocoque était le principal germe en cause : Staphylocoque coagulase négative 8 cas (36,4 %), le staphylocoque aureus 4 cas (18,2 %) et le staphylocoque epidermidis 3 cas (13,6 %). Conclusion : la médiastinite reste une complication redoutable de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert avec un taux de mortalité élevé malgré le traitement. Le meilleur traitement reste préventif par le contrôle des facteurs de risque.   Abstract Mediastinitis after cardiac surgery Objective: The aim of the present study is to evaluate the incidence of mediastinitis, and to describe the microbiological etiology and treatment approach. Material and methods: The records of 22 consecutive adult patients who developed mediastinitis after cardiac surgery over 17 years were retrospectively reviewed. The diagnosis of mediastinitis was established according to the Center for Disease Control and Prevention notification criteria. All patients had received intravenous antibiotics since the diagnosis was established. Sternal debridement was performed, the sternum was closed and the irrigation system was placed. Results: Postoperative mediastinitis was identified in 22 adult patients over 17 years among 2394 extracorporeal circulations (0.9%). Fifteen patients (68%) suffered from coronary disease. The mean age was 61.7 ± 12 years. The mean interval from operation to the development of mediastinitis was 19 ± 8.2 days. Hospital mortality was 22.7% (5/22). Staphylococcus was frequently isolated: coagulase-negative Staphylococcus was isolated in 36.4% (eight cases), Staphylococcus aureus in 18.2% (four cases) and Staphylococcus epidermidis in 13.6% (three cases). Conclusion: Mediastinitis following sternotomy remains a devastating complication of open heart surgery and is associated with significant hospital mortality despite treatment. The treatment efficacy should be considered for strategies to minimize risk factor impact.   1. INTRODUCTION Malgré les progrès réalisés dans la prise en charge du patient en chirurgie cardiaque, la médiastinite reste une complication gravissime et redoutable. C’est une infection nosocomiale du site opératoire (ISO) dont l’incidence varie selon les séries publiées variant entre 0,4 et 8 % mais cette incidence est délimitée entre 0,5 % et 3 % [1-3]. Elle est associée à un taux de mortalité oscillant entre 20 % et 50 % en raison d’un retard diagnostique et thérapeutique. La prise en charge nécessite une collaboration pluridisciplinaire associant 3 axes systémiques : la réanimation, l’antibiothérapie et la chirurgie. Cette prise en charge est souvent lourde et coûteuse avec un impact direct sur l’économie budgétaire des services concernés [4,5]. Le coût d’hospitalisation total est 3 fois supérieur à celui d’une hospitalisation classique, l’étiologie est complexe mais les germes les plus fréquemment en cause sont les staphylocoques. C’est aussi un problème de prévention soulignant la nécessité d’une bonne connaissance des facteurs de risque [6].   2. MATÉRIEL ET MÉTHODES Le nombre total des patients présentant une médiastinite était de 26 malades dont 22 traités par la méthode de lavage–drainage et 4 autres par le drainage continu aspiratif aux drains de Redon. Cette dernière méthode a été adoptée par notre service depuis janvier 2010. Le faible nombre de patients traités par cette technique ne permet pas de réaliser une étude comparative et ils sont également exclus pour l’homogénéité de l’étude. Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 22 cas de médiastinite diagnostiqués et traités dans les suites d’une chirurgie cardiaque à cœur ouvert. Les informations colligées et étudiées dans notre étude étaient : les données démographiques des patients ; les données opératoires lors de la première intervention chirurgicale ; le délai séparant l’intervention chirurgicale à cœur ouvert et la survenue de la médiastinite et les données relatives à la reprise pour médiastinite. Ont été inclus tous les patients ayant présenté une médiastinite documentée. Le diagnostic de médiastinite a été retenu devant : une issue du pus de la plaie sternale [figure 1] ; une infection de la plaie sternale responsable d’une ostéomyélite avec désunion sternale ; la présence d’une infection du site opératoire à laquelle était associée au moins un des signes suivants définis par la CDC (Center of Disease Control) [7] : - isolement d’un germe à partir d’un prélèvement médiastinal (liquide ou tissu) ; - évidence de médiastinite constatée à la réexportation chirurgicale, douleur thoracique instabilité sternale ou fièvre (≥ 38 °C) et hémoculture positive. [caption id="attachment_2763" align="aligncenter" width="300"] Figure 1 : Photo montrant un écoulement purulent à travers la cicatrice de sternotomie.[/caption] Ont été exclus les patients ayant une médiastinite traités par méthode de drainage continu aspiratif aux drains de Redon. Les patients âgés de moins de 18 ans, les patients ayant fait une infection de la plaie mais qui reste superficielle, confinée à la peau et au tissu sous-cutané (rougeur, collections, désunion) mais dont le sternum reste stable et indolore à la palpation bimanuelle. L’ensemble des patients a bénéficié d’une prise en charge médicale et chirurgicale standardisée selon le protocole du service. L’intervention chirurgicale consistait en une exploration médiastinale par sternotomie sous anesthésie générale dans un délai de moins de 24 heures. La sternotomie était totalement reprise, un curetage des dépôts de fibrine était réalisé, associé à un parage de la peau et des tissus sous-cutanés. Des prélèvements bactériologiques multiples étaient réalisés. Les zones non vascularisées du sternum étaient réséquées. Enfin la cavité péricardique et la région médiastinale étaient abondamment nettoyées et irriguées avec une solution bétadinée (10 %). Les drains pour le drainage et l’irrigation étaient mis en place puis la synthèse du sternum était effectuée et le thorax fermé en un seul temps. La technique d’irrigation-drainage était pratiquée chez tous les patients. Elle était immédiatement débutée avec du sérum physiologique bétadinée (50 ml de bétadine pour 500 ml du sérum physiologique). Le débit d’irrigation était 1 à 1,5l/8 heures. L’irrigation était poursuivie plusieurs jours (7 à 10 jours en moyenne) avec une surveillance clinique et biologique basée sur : la température du patient ; l’état de la cicatrice sternale ; le bilan entrées/sorties rigoureux permettant d’éviter une tamponnade. Les conditions permettant d’arrêter l’irrigation-drainage étaient le patient qui ne présentait pas de signe local ou général de sepsis et les prélèvements du drainage réalisés de manière itérative qui devaient être stériles. L’irrigation était alors arrêtée et les drains étaient mis en aspiration pendant 48 heures puis étaient retirés. La prise en charge médicale comprenait la mise en route d’une antibiothérapie probabiliste précoce dès que le diagnostic était posé et les prélèvements faits. Le protocole adopté par le service consistait en une antibiothérapie à large spectre associant initialement la vancomycine ou une céphalosporine avec aminoside ou une fluoroquinolone. La réanimation consistait en une prise en charge des défaillances d’organes (si elles existaient), une correction des troubles hydroélectrolytiques et un apport nutritionnel correct.   2.1. Analyse statistique Les données ont été saisies et analysées à l’aide du logiciel SPSS 11.5. Les variables continues étaient exprimées en moyenne ± écart type ou en médiane. Les variables qualitatives étaient exprimées en effectif ou en pourcentage.   3. RÉSULTATS   3.1. Données de la première intervention [tableau 1] Durant une période de 17 ans allant de janvier 1994 à décembre 2011, 2394 patients adultes avaient bénéficié d’une chirurgie cardiaque à cœur ouvert. Parmi eux, 22 avaient fait une médiastinite documentée, soit une prévalence de 0,9 %. Sur ces 22 cas, on note une prédominance masculine, 17 hommes/5 femmes. L’âge moyen était de 61,7 ± 12 ans. La pathologie cardiaque ayant justifié la chirurgie était une coronaropathie chez 15 patients (68,2 %), une valvulopathie chez 4 patients (18,2 %), une association valvulopathie + coronaropathie chez 2 patients (9,1 %) et un cas de myxome invasif de l’oreillette gauche. Les principales comorbidités associées sont résumées dans le tableau 1. Onze patients étaient diabétiques (50 %), 5 patients avaient une artériopathie périphérique, 9 étaient des tabagiques chroniques, 4 étaient obèses et un patient était insuffisant rénal dialysé. 2 patients avaient déjà été opérés à cœur ouvert par le passé. La chirurgie à cœur ouvert a été réalisée en urgence chez 2 patients. La durée moyenne de la circulation extracorporelle (CEC) était de 140,5 ± 41 minutes ; chez 6 patients (27,2 %) la durée de la CEC était ≥ 3 heures ; chez 12 patients (54,5 %), l’intervention chirurgicale a duré plus de 5 heures. La médiane de ventilation était de 18 heures (11-63,7 heures) et 7 patients (31,8 %) étaient ventilés plus de 48 heures. La médiane de séjour en réanimation était de 72 heures (47-240 heures). Trois patients étaient repris pour saignement et 14 patients (63,6 %) étaient transfusés.   Variable Patient (n = 22) Âge (année) Sexe femme/homme Poids (kg) Taille (m) IMC (kg/m²) RCT NYHA I-II NYHA III- IV Diabète Tabagisme BPCO HTA Obésité (IMC > 30kg/m²) Insuffisance rénale Chirurgie redux Artériopathie périphérique ACFA FR (%) FE (%) EuroSCORE Type de pathologie : – coronaire – valvulaire – coronaropathie + valvulopathie – myxome 61,7 ± 12 5/17 72,3 ± 14 1,7 ± 0,7 24,2 ± 3,6 0,53 ± 0,05 15 (68 %) 7 (32 %) 11 (50 %) 9 (41 %) 2 (9,1 %) 7 (32 %) 4 (18 %) 1 (4,5 %) 2 (9,1 %) 5 (22,7 %) 3 (13,6 %) 26 ± 6.9 52,3 ± 11,4 7,4 ± 9,2   15 (68,2 %) 4 (18,2 %) 2 (9,1 %) 1 (4,5 %) Tableau I. Données démographiques. IMC : index de masse corporelle ; RCT : rapport cardiothoracique ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; ACFA : arythmie complète par fibrillation auriculaire ; FR : fraction de raccourcissement ; FE : fraction d’éjection.   3.2. Données relatives à la médiastinite [tableau 2] Le délai de séjour préopératoire avant la première intervention était de 22,2 ± 10,1 jours (2-45 jours) et le délai moyen de survenue de la médiastinite était de 19 ± 8,2 jours (5-35 jours).   Variable Patients (n = 22) 1re intervention chirurgicale : chirurgie urgente durée de CEC (min) durée de clampage aortique (min) durée de VA (heure) nombre de patients ventilés ≥ 48 h durée de séjour en réanimation (heure) saignement total/24 heures (ml) reprise chirurgicale transfusion inotropes BCPIA Geste chirurgical : – pontages coronaires – pontage coronaire + RVA – pontage coronaire + DRV – RVM – RVM + PT – RVA Greffons utilisés : – 1 AMI – 2 AMI – VSI   2 (9 %) 140,5 ± 41 78,5 ± 23,9 18,5 (11-63,75) 7 (31,8 %) 72 (47-240) 931,6 ± 654 3 (13,6 %) 13 (59 %) 12 (54,5 %) 4 (18,2 %)   15 (68,2 %) 1 (4,5 %) 1 (4,5 %) 2 (9,1 %) 2 (9,1 %) 1 (4,5 %)   15 (68,2 %) 2 (9,1 %) 16 (72,7 %) Reprise pour médiastinite : Durée de séjour préopératoire (jours) Délai de survenue (jours) Infection associée (%) Germe en cause : – staphylocoque – bacilles gram négatif – inconnu Durée de traitement antibiotique   22,2 ± 10,1 19 ± 8,2 4 (18,2 %)   14 (63,6 %) 6 (27,2 %) 2 (9,1 %) 24,4 ± 8,1 Mortalité  5 (22,7 %) Tableau 2 : Données opératoires. CEC : circulation extracorporelle ; VA : ventilation assistée ; BCPIA : ballon de contrepulsion intra-aortique ; RVA : remplacement valvulaire aortique ; DRV : double remplacement valvulaire ; RVM : remplacement valvulaire mitrale ; PT : plastie tricuspide ; AMI : artère mammaire interne ; VSI : veine saphène interne.   Le staphylocoque a été identifié chez 10 patients (63,6 %), les bacilles gram négatif dans 6 cas (27,2 %) ; chez 4 patients les 2 germes ont été identifiés dans les prélèvements du site opératoire et la culture a été négative chez 2 patients. Les différentes souches sélectionnées sont résumées dans le diagramme [figure 2]. [caption id="attachment_2764" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Profil bactériologique.[/caption] Selon la classification d’El Oakley [8], les médiastinites sont réparties comme suit : type I : 4 cas (18 %) ; type III A : 7 cas (31,8 %) ; type III B : 8 cas (36,3 %) ; type IV : un cas (4,5 %). Deux patients avaient une autre infection associée. La durée moyenne du traitement antibiotique était de 24,4 ± 8,1 jours et la durée moyenne d’hospitalisation postopératoire était de 44,85 ± 18 jours. Le taux de mortalité inhérent à la médiastinite était de 22,7 % (5/22). Les causes du décès étaient : rupture de l’oreillette droite (1 cas), rupture du ventricule droit (1 cas), trouble de rythme grave chez un patient dialysé et 2 cas de sepsis sévère non contrôlé aboutissant à une défaillance multiviscérale.   4. DISCUSSION L’abord du médiastin antérieur via une sternotomie longitudinale et son ostéosynthèse par des fils métalliques à la fin de l’intervention a été décrit la première fois par Milton en 1897, et représente actuellement la voie d’abord la plus utilisée en chirurgie cardiaque. L’infection du site opératoire avec développement de médiastinite associée ou non à une ostéomyélite sternale est une complication redoutable de la chirurgie cardiaque. Elle est entachée d’une mortalité non négligeable, un surcoût relatif à une hospitalisation longue avec des retombées économiques lourdes et un impact sur la vie socioprofessionnelle chez les survivants. En dépit des progrès indiscutables en matière d’antibioprophylaxie et l’amélioration des protocoles opératoires (mesures préventives, techniques chirurgicales), le traitement de la médiastinite demeure un défi à différents niveaux. Le mécanisme physiopathologique à l’origine de la médiastinite est complexe et multifactoriel. Certaines théories incriminent l’instabilité du sternum due à une ostéosynthèse insuffisante entraînant une déhiscence puis une surinfection de la plaie. D’autres théories mettent cette complication sur le compte d’une ostéomyélite locale d’origine ischémique, suivie d’une nécrose des berges, perte des films métalliques puis colonisation bactérienne du site opératoire [12]. L’incidence de la médiastinite dans notre série était de 0,9 %. Les séries les plus récentes relatent une incidence variant de 0,25 à 2,9 % [9-10]. L’inexactitude de l’épidémiologie des médiastinites postopératoires est en grande partie expliquée par le fait que la définition retenue est différente d’un auteur à l’autre. Globalement cette incidence oscille entre 1 à 3 %, avec des écarts importants [11]. La médiastinite complique préférentiellement la chirurgie des artères coronaires et survient entre le 4e jour et la 4e semaine. Dans notre série, le délai de survenue était en moyenne de 19 ± 8,2 jours et 17/22 (77,2 %) des patients étaient des coronariens. Les patients traités pour médiastinite dans les suites d’une chirurgie à cœur ouvert ont une morbimortalité plus élevée que ceux n’ayant pas développé cette complication infectieuse [21]. La mortalité dans notre série était de 22,6 % ; taux proche de celui retrouvé par Trouillet (20,3 %) [12]. Dans certaines séries, la mortalité liée à la médiastinite est plus faible à 1,1 % pour Sjögren [13], 1,4 % pour De Feo [14]. Inversement, d’autres auteurs rapportent un taux de mortalité plus élevé variant de 15 à 47 % [15-17]. Le profil microbiologique des germes en cause est largement dominé par le staphylocoque d’après les études publiées. Dans notre série, le staphylocoque a été isolé chez 14 patients, les bacilles gram négatif chez 12 patients montrent la montée en puissance des bacilles gram négatif. La médiastinite postcardiotomie survient généralement sur un terrain prédisposant. Plusieurs facteurs de risque ont été incriminés et sont répartis en trois types [10,16,17]. Certains facteurs sont liés aux patients, d’autres liés à l’intervention chirurgicale et d’autres sont liés à l’environnement. Dans notre série, la moitié des patients était diabétique, 4 étaient obèses, 15 étaient coronariens et 9 étaient des tabagiques. Dans l’étude de Barros de Oliviera [16], les diabétiques étaient 2,7 fois exposés à la médiastinite et les tabagiques 2,1 fois. Dans la série d’Abboud [10], le tabac est associé à la médiastinite 3,3 fois. Plusieurs études incriminent aussi l’obésité, et le patient obèse est 3 fois plus exposé à développer une médiastinite que le patient non obèse [6,9]. Ceci est lié aux contraintes mécaniques élevées au niveau du site d’ostéosynthèse sternale ainsi qu’à une altération de la cicatrisation et des concentrations d’antibiotiques anormalement basses dues à une mauvaise pénétration dans les tissus adipeux. La technique de prélèvement de l’artère mammaire a fait également l’objet de plusieurs études. Divers travaux publiés ont trouvé que le prélèvement de l’artère mammaire interne de manière squelettisée ne compromet pas la vascularisation artérielle du sternum et permet de diminuer de manière significative l’incidence des infections sternales postopératoires [18]. Kamiya [19] a démontré que la saturation en O2 et le débit sanguin dans la microcirculation du sternum étaient nettement meilleurs en cas de prélèvement squelettisé de l’artère mammaire interne comparé au prélèvement pédiculé. L’usage des deux artères mammaires expose également au risque de médiastinite avec une incidence variant de 1,3 à 4,7 % [20]. Chez le patient diabétique cette incidence est supérieure à 9,3 % [16]. Une CEC longue expose également au risque de médiastinite en raison des phénomènes inflammatoires exacerbés et une baisse de l’immunité. Dans notre série, la durée de la CEC était supérieure à 3 heures chez 6 patients et l’intervention chirurgicale a duré plus de 5 heures chez la moitié des patients. Ces deux facteurs ont été rapportés par Boeken [21]. La gravité de la médiastinite dans les suites d’une chirurgie à cœur ouvert impose des mesures préventives et une meilleure connaissance des facteurs de risque de sa survenue [22,23]. Dans une revue de littérature récente [20], et en analysant 42 études, le diabète et l’obésité figurent comme les principaux facteurs de risque de médiastinite. À coté des facteurs de risque traditionnels, une attente préopératoire prolongée expose à la médiastinite et augmente ce risque de 15 % d’après Wai Sang [24]. Le délai moyen de séjour dans notre série est long 22,2 ± 10j, ce qui est en accord avec la littérature. Contrairement aux propositions d’El Oakley [8], nous avons adopté la technique d’irrigation-drainage à thorax fermé en raison de sa simplicité et de son efficacité. La technique de fermeture en deux temps ou à thorax ouvert est indiquée lorsque le sternum n’est plus viable et complètement détruit par l’infection avec sepsis sévère. La fermeture est proposée après quelques jours et nécessite une plastie musculaire. D’autres techniques ont été mises au point avec des résultats encourageants. Le vacuum assisted closure, ou VAC, ou aspiration sous pression négative, assure par un drainage actif un rôle anti-infectieux local et accélère la cicatrisation de la plaie opératoire. Sjögren [13] rapporte un taux de mortalité à 30 jours de 1,1 % chez 176 patients traités par cette technique. Ces données sont confortées par les résultats de De Feo [14].   5. CONCLUSION En dépit des progrès thérapeutiques indiscutables dans la prise en charge du patient en chirurgie cardiaque, la médiastinite reste une infection nosocomiale redoutable. La clé de sa prévention impose une connaissance approfondie des facteurs de risque afin de pouvoir les contrôler [22,23]. Limite de l’étude : il s’agit d’une étude rétrospective à échantillon réduit, ce qui ne permet pas l’analyse des facteurs prédictifs de la médiastinite.   RÉFÉRENCES Kirmani BH, Mazhar K, Saleh HZ, Ward AN, Shaw M, Fabri BM et al. 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Date de soumission : 28/04/2016. Acceptation : 12/10/2016. Pré-publication : 19/10/2016  
décembre 1, 2016