Chirurgie thoracique · Vol. 23 Décembre 2019

Prise en charge des fistules aortiques à l’étage thoracique : expérience bicentrique

Antoine Defontaine1,2*, Majid Harmouche2, Jacques Tomasi1, Florent Le Bars1, Abdelhakim Elmraki2, Jean-Philippe Verhoye1, Robert Martinez2   Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU de Rennes. Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHRU de Tours.   *Correspondance : a.defontaine@laposte.net   DOI : 10.24399/JCTCV23-4-DEF Citation : Defontaine A, Harmouche M, Tomasi J, Le Bars F, Elmraki A, Verhoye JP, Martinez R. Prise en charge des fistules aortiques à l’étage thoracique : expérience bicentrique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(4). doi: 10.24399/JCTCV23-4-DEF   RÉSUMÉ La survenue d’une fistule aortique à l’étage thoracique (fistule aortobronchique ou aorto-œsophagienne) est un événement rare dont l’évolution naturelle est bien souvent fatale. Leur prise en charge relève de l’urgence et reste peu codifiée. L’objectif de cette étude rétrospective bicentrique est de rapporter l’expérience de nos centres dans le traitement et la prise en charge de malades présentant une fistule aortique thoracique. Sept malades (6 hommes et 1 femme) âgés de 64,1±11,3 ans étaient pris en charge pour une fistule de l’aorte thoracique entre 2001 et 2018 : quatre malades (57%) présentaient une fistule aortobronchique (dont 2 fistules secondaires) et trois malades (43%) présentaient une fistule aorto-œsophagienne. La durée de suivi était de 21 mois. La survie était de 71% à 30 jours et de 43% à 1 an. La survenue d’une fistule aortique thoracique est un événement au pronostic sombre nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire dans des centres experts et dont la stratégie globale de traitement doit encore être définie et évaluée.   ABSTRACT Management of fistulas with the thoracic aorta: a bi-centric experience The occurrence of thoracic aortic fistula (aorto-bronchial or aorto-esophageal) is a rare event whose natural course is often fatal. Treatment is urgent but remains poorly codified. The objective of this bicentric retrospective study was to report the experience of our centers in the treatment and management of patients with thoracic aortic fistula. Seven patients (6 men and 1 woman) aged 64.1 ± 11.3 years were treated for a thoracic aortic fistula between 2001 and 2018: four patients (57%) presented aorto-bronchial fistula (2 secondary fistulas) and three patients (43%) had aorto-esophageal fistula. The follow-up time was 21 months. Survival was 71% at 30 days and 43% at 1 year. The occurrence of thoracic aortic fistula is an event with a poor prognosis requiring multidisciplinary management in expert centers and whose global treatment strategy has yet to be defined and evaluated.   1. Introduction La survenue de fistule aortique est un événement rare dont l’évolution naturelle est bien souvent fatale. Au niveau de l’aorte thoracique, les fistules apparaissent avec les organes de voisinage (bronches, œsophage) et sont dans la majorité des cas révélées par une hémoptysie ou une hématémèse. Dans la littérature, une centaine de cas ont été relatés et l’on distingue les fistules primaires (survenant de novo) des fistules secondaires (survenant chez des malades déjà opérés de l’aorte thoracique et/ou du thorax) [1-5]. La prise en charge des malades présentant une fistule aortique relève de l’urgence mais reste peu codifiée. Relevant initialement d’intervention par voie conventionnelle, la prise en charge chirurgicale vasculaire immédiate est de plus en plus fréquemment réalisée par voie endovasculaire. La prise en charge globale des malades est variable et dépend de l’étiologie de la fistule ainsi que de l’expérience, de l’habitude et de la disponibilité d’un dépôt d’endoprothèses de chaque centre. L’objectif de cette étude est de rapporter l’expérience de nos centres dans le traitement et la prise en charge de malades présentant des fistules aortiques à l’étage thoracique (fistules aortobronchiques ou aorto-œsophagiennes).   2. Matériel et méthodes Les malades pris en charge pour une fistule de l’aorte thoracique (fistule aortobronchique ou aorto-œsophagienne) entre octobre 2001 et janvier 2018 dans nos centres étaient analysés. La date d’inclusion correspondait à la date opératoire du traitement de cette fistule. Les malades justifiaient tous d’une prise en charge en urgence adaptée selon l’état clinique, les antécédents et les comorbidités. Le recueil de données était rétrospectif. Le devenir des malades, les complications précoces (au 30e jour postopératoire), ainsi que les complications tardives les plus significatives étaient répertoriés. Ces analyses descriptives étaient réalisées à l’aide du logiciel Microsoft Excel® (Redmond, Washington, États-Unis). Les analyses de survie étaient réalisées avec le logiciel GraphPad Prism® (La Jolla, Californie, États-Unis). Les images scanographiques étaient analysées avec le logiciel Therenva EndoSize® (Rennes, France). Les malades traités et suivis dans nos centres étaient analysés. En cas de suivi ultérieur dans un autre centre, les malades étaient considérés comme perdus de vue à la date de leur dernière consultation.   3. Résultats Sept malades (6 hommes et 1 femme) âgés en moyenne lors de la chirurgie de 64,1±11,3 ans (médiane 68 ans, [51;76]) étaient pris en charge pour une fistule de l’aorte thoracique. Quatre malades (57%) présentaient une fistule aortobronchique (parmi lesquels 2 – 29% – avaient des antécédents de chirurgie aortique thoracique) et trois malades (43%) présentaient une fistule aorto-œsophagienne. La durée moyenne de suivi était de 670,1±1001,7 jours (médiane 163 jours, [4;2410]). Les caractéristiques des malades lors de la prise en charge sont données résumées dans le tableau 1.   Tableau 1. Caractéristiques de la population étudiée. Malades (n=7) Femmes, n (%) 1 (14) Âge lors de la prise en charge (années)   64,1±11,3 [51;76] médiane 68 ans Type de fistule, n (%) aortobronchique aorto-œsophagienne   4 (57) 3 (43) Chirurgie aortique thoracique précédente, n (%) 2 (29) Comorbidités, n (%) tabac HTA cancer   3 (43) 2 (29) 2 (29) Symptômes inauguraux, n (%) hémoptysie hématémèse autre   3 (43) 3 (43) 1 (14) Type de chirurgie, n (%) TEVAR ouvert   6 (86) 1 (14)   Les symptômes inauguraux étaient représentés par une hémoptysie pour 3 malades (43%), une hématémèse pour 3 malades (43%) et une fièvre prolongée sans point d’appel pour 1 malade (14%) déjà opéré d’un faux anévrysme chronique sur une rupture d’isthme aortique méconnue. Le délai moyen entre les premiers symptômes et la prise en charge chirurgicale était de 7,8±10,4 jours (médiane 4 jours, [0;27]). Deux malades (29%) présentaient une fistule aortobronchique primaire [tableau 2] : Un malade de 68 ans, sans antécédent notable et initialement pris en charge pour des crachats hémoptoïques dans un hôpital périphérique, était transféré dans un de nos centres après mise en évidence d’un anévrysme rompu de l’aorte thoracique descendante. Une endoprothèse thoracique était posée 27 jours après l’apparition des premiers symptômes. Les suites opératoires étaient simples avec disparition des crachats hémoptoïques. Le malade était perdu de vue après 204 jours de suivi. Un malade de 51 ans, aux antécédents de toxicomanie sevrée et tabagisme, présentait des douleurs thoraciques et des crachats hémoptoïques révélant un anévrysme de l’aorte thoracique descendante rompu. Une endoprothèse thoracique était implantée 2 jours après les premiers symptômes [figure 1]. Les suites immédiates étaient marquées par l’apparition d’un syndrome infectieux révélant une endocardite aortique et une rupture œsophagienne par saillie du sac anévrysmal. Un traitement antibiotique était instauré puis un remplacement valvulaire aortique à J42 et une chirurgie de Lewis Santy à J62 étaient réalisés avec des suites simples. Le malade décédait au 90e jour après son retour à domicile.   Tableau 2. Fistules aortobronchiques primaires (ND : non disponible). Homme 68 ans Homme 51 ans Prise en charge symptômes délai bloc type chirurgie cause   hémoptysie 27 jours TEVAR ATA rompu   hémoptysie 2 jours TEVAR ATA rompu – 67 mm Antécédents toxicomanie sevrée Suites opératoires sepsis, endocardite, rupture œsophagienne J42 : RVA bio J62 : Lewis Santy Suivi devenir durée cause décès   perdu de vue 6 mois ND   décédé 90 jours ND   [caption id="attachment_4629" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Fistule aortobronchique primaire.[/caption]   Deux malades (29%) ayant des antécédents de chirurgie de l’aorte thoracique descendante présentaient une fistule aortobronchique secondaire [tableau 3] : Un malade de 75 ans, opéré d’une rupture d’isthme aortique secondaire à un accident de la voie publique avec mise en place d’une endoprothèse thoracique 12 ans auparavant, présentait des hémoptysies sur un faux anévrysme nécessitant une prise en charge en urgence avec la pose d’une nouvelle endoprothèse [figure 2]. Dans l’intervalle, il était pris en charge pour un cancer du larynx traité par chirurgie et radiochimiothérapie. Les suites opératoires immédiates étaient simples. Le malade décédait d’un accident vasculaire cérébral ischémique 59 mois après la cure de sa fistule aortique. Un homme de 73 ans, opéré 1 an auparavant avec mise en place d’une prothèse hybride (E-vita OPEN – JotecÒ) pour le traitement d’un faux anévrysme chronique secondaire à une rupture d’isthme aortique ancienne non diagnostiquée, présentait une infection chronique du sac anévrismal [figure 3]. La prise en charge par thoracotomie gauche mettait en évidence une fistule aortobronchique par érosion de la coque anévrysmale nécessitant une mise à plat de l’anévrysme et une lobectomie supérieure gauche. Les suites opératoires étaient marquées par un sepsis persistant avec perforation œsophagienne au cinquième mois nécessitant plusieurs reprises chirurgicales de sauvetage. Le malade décédait de défaillance multiviscérale.   Tableau 3. Fistules aortobronchiques secondaires. Homme 75 ans Homme 73 ans Prise en charge symptômes délai bloc type chirurgie   cause   hémoptysie NA TEVAR   ATA rompu – 43 mm   infection sac anévrysmal 12 jours lavage, mise à plat anévrysme, lobectomie supérieure gauche ATA rompu Antécédents J-12 ans : rupture isthme traumatique TEVAR, transposition sous claviocarotidienne gauche J-2 ans : carcinome épidermoïde larynx, laryngectomie, trachéotomie, métastases pulmonaires (RCT) J-1 an : faux anévrysme chronique sur rupture d’isthme aortique ancienne non diagnostiquée prothèse hybride Suites opératoires M5 : sepsis persistant hémothorax remplacement distalité prothèse fistule œsophagienne Suivi devenir durée cause décès   décédé 59 mois AVC ischémique   décédé 5 mois défaillance multiviscérale   [caption id="attachment_4630" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Fistule aortobronchique secondaire (rupture isthme aortique – TEVAR).[/caption] [caption id="attachment_4631" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Fistule aortobronchique secondaire (faux anévrysme chronique – prothèse hybride).[/caption]   Trois malades (43 %) présentaient une fistule aortoœsophagienne primaire [tableau 4] : Une femme de 76 ans présentait un tableau d’aphagie et d’hématémèse révélant un anévrysme rompu de l’aorte thoracique descendante. Un traitement par endoprothèse était réalisé 6 jours après les premiers symptômes [figure 4]. Les suites opératoires immédiates étaient simples. Durant le suivi, une infection chronique de la prothèse était mise en évidence par une TEP-TDM nécessitant une antibiothérapie au long cours. La malade décédait d’un AVC hémorragique 79 mois après l’implantation de l’endoprothèse. Un homme de 53 ans présentait une hématémèse massive révélant une fistule aorto-œsophagienne immédiatement prise en charge au bloc opératoire avec mise en place d’une endoprothèse thoracique. Une fibroscopie digestive à J1 mettait en évidence une tumeur de l’œsophage non connue. Les suites opératoires immédiates étaient compliquées en réanimation conduisant au décès à J9 de défaillance multiviscérale. Un homme de 53 ans, aux antécédents de cancer de l’œsophage traité par radiochimiothérapie, présentait un choc hémorragique avec arrêt cardiorespiratoire secondaire à une hématémèse massive. Le bilan mettait en évidence une fistule aorto-œsophagienne justifiant d’une prise en charge en urgence au bloc opératoire avec mise en place d’une endoprothèse. Les suites opératoires immédiates étaient marquées par une reprise chirurgicale pour la pose d’une prothèse œsophagienne, la réalisation d’une gastrostomie pour décaillotage associée à une jéjunostomie. Le malade décédait à J4 de défaillance multiviscérale.   Tableau 4. Fistules aortoœsophagiennes.         Femme 76 ans Homme 53 ans Homme 53 ans Prise en charge symptômes délai bloc type chirurgie cause   aphagie, hématémèse 6 jours TEVAR ATA rompu   hématémèse immédiate TEVAR tumeur œsophage non connue   hématémèse, ACR récupéré immédiate TEVAR tumeur œsophage Antécédents HTA HTA tabagisme carcinome épidermoïde œsophage : RCT tabagisme Suites opératoires hémorragie digestive infection chronique de prothèse (TEP positive) antibiothérapie au long cours prothèse œsophagienne gastrostomie décaillotage jéjunostomie Suivi devenir durée cause décès   décédée 79 mois AVC hémorragique   décédé 9 jours défaillance multiviscérale   décédé 4 jours défaillance multiviscérale   [caption id="attachment_4632" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Fistule aorto-œsophagienne.[/caption]   Six malades (86%) décédaient au cours du suivi (1 – 14% – perdu de vue) parmi lesquels quatre (67%) en lien avec la pathologie. La survie de notre population est donnée figure 5. Le taux de mortalité est de 29% à 30 jours, 43% à 90 jours et 57% à 1 an.   [caption id="attachment_4633" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Survie globale.[/caption]   4. Discussion   4.1. Étiologies La survenue d’une fistule aortique à l’étage thoracique (aortobronchique ou aorto-œsophagienne) reste exceptionnelle. Dans notre série bicentrique, sept cas étaient rapportés sur la période d’analyse. Bien que d’effectif faible, elle reflète l’hétérogénéité des malades pris en charge et la gravité des tableaux cliniques. Cinq fistules (71%) étaient primaires (3 – 43% – secondaires à un anévrysme aortique fissuré et 2 – 29% – secondaires à un carcinome de l’œsophage) et deux fistules (29%) étaient secondaires à des chirurgies aortiques antérieures (1 – 14% – endoprothèse pour le traitement d’une rupture d’isthme aortique traumatique et 1 – 14% – prothèse hybride pour le traitement d’un faux anévrysme chronique lié à une rupture antérieure de l’isthme aortique traumatique méconnue). Dans la littérature, plusieurs cas de fistules aortiques ont été reportés [1-9]. Les fistules primaires sont principalement la conséquence de ruptures d’anévrysmes aortiques, d’ulcères aortiques pénétrants, de cancers bronchiques ou œsophagiens à des stades avancés, de pathologies pulmonaires (tuberculose, aspergillose…), œsophagiennes (perforation iatrogène, Barrett…), ou de l’ingestion de corps étrangers (piles, arêtes…). Les fistules secondaires surviennent dans le cas d’aortes préalablement opérées (soit au contact de prothèses ou par érosion des organes de voisinage par la coque anévrysmale calcifiée) ou apparaissent comme des complications de chirurgies antérieures.   4.2. Symptômes Six malades (86%) ont présenté une hémoptysie ou une hématémèse comme signe inaugural de la fistule. Ces signes apparaissent comme maître symptôme d’une fistule aortique et sont retrouvés de manière quasi systématique dans la littérature tout comme d’autres symptômes également retrouvés dans notre série [1-4,6,8] : choc hémorragique/arrêt cardiorespiratoire dans 2 cas (29%), douleur thoracique dans un cas (14%), fièvre dans un cas (14%) et dysphagie dans un cas (14%).   4.3. Délai de prise en charge La prise en charge des fistules aortiques entre dans le cadre nosologique des syndromes aortiques aigus et des anévrysmes rompus ou fissurés [10-14]. Celle-ci doit idéalement avoir lieu dans un centre de référence ; elle inclut le conditionnement du malade et une prise en charge chirurgicale dans des délais compatibles avec la gravité de la situation. La stratégie chirurgicale doit également être adaptée à la situation, quitte à envisager une stratégie en plusieurs temps. Dans notre série, deux malades (29%) ont été traités par endoprothèse dans les 24 heures suivant le diagnostic. Pour les autres, une prise en charge différée était réalisée permettant d’optimiser la prise en charge chirurgicale. Dans la littérature, une revue de cas de fistules aortobronchiques et aorto-œsophagiennes relate une tendance inverse avec une prise en charge plus précoce où plus de 80% des malades sont traités de manière endovasculaire dans les 24 premières heures suivant le diagnostic sans que cela ne semble influer sur la survie [2]. Aujourd'hui, une prise en charge précoce est possible dans les centres à haut volume de chirurgie aortique bénéficiant d’un dépôt permanent d’endoprothèses thoraciques. À défaut d’endoprothèse compatible en dépôt, celle-ci devrait pouvoir être obtenue dans un délai inférieur à 4 heures (6 heures au maximum).   4.4. Type de prise en charge Six malades (86%) étaient opérés par endoprothèse aortique thoracique et un malade (14%) était opéré par thoracotomie postérolatérale gauche (mise à plat de l’anévrysme associée à une lobectomie supérieure gauche) pour une fistule bronchique survenant un an après la mise en place d’une prothèse hybride (E-vita OPEN – Jotec®) pour faux anévrysme chronique. Dans la littérature, et de manière similaire à la prise en charge des anévrysmes rompus, la majorité des cas et parmi les plus récents ont été traités à la phase aiguë par voie endovasculaire [15-17]. Cette tendance, qui suit l’avènement de la chirurgie endovasculaire, semble communément admise en chirurgie de sauvetage avec une amélioration de la survie par rapport à une prise en charge conventionnelle pour les anévrysmes rompus [16,18,19]. Certains auteurs préconisent cette attitude en urgence quitte à discuter un geste par chirurgie ouverte secondairement [1,2,6,7]. Cette approche est préconisée dans les centres à haut volume de chirurgie aortique avec l’expérience de l’équipe chirurgicale aux techniques endovasculaires thoraciques simples et complexes et en étroite collaboration avec l’équipe d’anesthésie et de réanimation pour la gestion des paramètres techniques inhérents à ce type de procédure (utilisation en routine de la stimulation ventriculaire rapide, gestion des risques de paraplégie…). L’abstention chirurgicale avec un traitement médical conservateur ne semble pas être une alternative à la chirurgie, certains auteurs ayant relevé 100% de décès [3].   4.5. Prise en charge en milieu septique ou devenu septique Un sepsis était décrit pour au moins quatre malades (57%) de notre série. Un malade (14%) présentant une fistule aorto-œsophagienne a eu une chirurgie combinée dans le premier temps opératoire associant endoprothèse thoracique, pose de prothèse œsophagienne, gastrostomie pour décaillotage et jéjunostomie. Deux malades (29%) pris en charge pour des fistules aortobronchiques (1 – 14% – primaire et 1 – 14% – secondaire) ont présenté des ruptures oesophagiennes mises en évidence dans les suites opératoires dans le cadre de tableaux de sepsis persistants (dont une endocardite infectieuse avec remplacement valvulaire aortique à 42 jours pour le premier), nécessitant une chirurgie de Lewis Santy à 2 mois de la prise en charge pour le premier et une prothèse œsophagienne en sauvetage 5 mois après la prise en charge initiale. Une malade (14%) opérée d’une fistule aorto-œsophagienne par endoprothèse a présenté dans les suites une infection chronique de prothèse confirmée par une scintigraphie aux leucocytes marqués. Devant les risques d’une réintervention chez une malade fragile, une antibiothérapie au long cours et un suivi régulier ont été privilégiés. Dans la littérature, la complication redoutée reste l’infection dont la prise en charge est multiple [1-7,9] : Prophylactique : plusieurs auteurs s’accordent sur une antibioprophylaxie/antibiothérapie prolongée de plusieurs semaines sans toutefois avoir de durée ou de protocole médicamenteux codifiés [1,2,6]. Dans notre série, toutes les interventions étaient réalisées sous antibioprophylaxie sans toutefois que le protocole ou la durée puissent être précisés a posteriori. En France, les recommandations de la SFAR (Société française d’anesthésie et de réanimation) sont applicables ; cependant elles ne concernent que les chirurgies “propres” ou “propres-contaminées” et ne couvrent pas la prise en charge en milieu septique ou potentiellement septique où une antibiothérapie doit être mise en place. Thérapeutique : la prise en charge idéale du sepsis réside dans l’exclusion de la porte d’entrée à la phase initiale avec une chirurgie combinée au niveau thoracique (œsophagectomie, lobectomie…) selon des délais variables avec une amélioration de la survie [4,6,9,20,21]. En cas d’infection chronique, la prise en charge entre dans le cadre des infections de prothèses vasculaires et doit, après évaluation du terrain et des risques opératoires, consister en un remplacement du matériel prothétique par, le plus souvent, une allogreffe [22-25]. En pratique, un tel remplacement est rarement effectué et ne doit être envisagé qu’après confirmation diagnostique (TEP-scan, scintigraphie aux leucocytes marqués…) [26]. Il n’existe pas de recommandation sur le type d’antibiotique et la durée de traitement (qui est classiquement supérieure à 6 semaines). Palliative : en cas d’infection chronique et de contre-indication chirurgicale, un traitement antibiotique suppressif au long cours et une surveillance active peuvent être envisagés [1-8].   4.6. Survie La survenue d’une fistule aortique est une pathologie grave au pronostic sombre. Dans notre série, six malades (86%) sont décédés (3 – 41% – de défaillance multiviscérale, 2 – 29% – d’AVC et 1 – 14% – de cause inconnue). Bien que peu significatif, le taux de mortalité globale était de 29% à 30 jours et de 57% à 1 an. En dehors de toute interprétation brute de la survie, elle n’en demeure pas moins informative en fonction de l’étiologie de la fistule. Elle est de quelques jours en cas de fistule aorto-œsophagienne sur un terrain débilité de cancer et plus longue en cas de fistule aortobronchique. Cette tendance est retrouvée dans la littérature où les fistules survenues sur perforation œsophagienne (arêtes…) ou sur cancer ont une moins bonne survie que celles survenues sur anévrysmes aortiques rompus [3]. Dans ce dernier cas, la mortalité est similaire à celle des anévrysmes de l’aorte thoracique rompus (19 à 33% à 30 jours) [10,11]. En corrélation, les fistules aorto-œsophagiennes montrent une moins bonne survie [1,3,5,9].   4.7. Limites de l’étude Bien que rétrospectifs, sans collecte des données de manière prospective et portant sur une petite cohorte, les résultats présentés apparaissent similaires à ceux de la littérature. Les fistules aortiques restent une pathologie rare dont la prise en charge relève de l’urgence et doit s’adapter au patient et à la présentation clinique.   4.8. Vers une stratégie de prise en charge Toutefois, certains points permettent d’ébaucher une stratégie de prise en charge de ces fistules aortobronchiques et aorto-œsophagiennes [4,5,20,21,27] : prise en charge pluridisciplinaire en urgence dans un centre expert ; chirurgie endovasculaire de sauvetage ; couverture antibiotique prolongée dont la cible bactérienne et la durée sont à préciser ; ± chirurgie combinée selon le terrain et la présentation clinique. En cas de fistule aorto-œsophagienne, une œsophagectomie associée en periopératoire a montré un bénéfice en terme de survie [2,9] ; ± réparation en chirurgie ouverte à distance [28].   5. Conclusion La survenue d’une fistule aortobronchique ou aorto-œsophagienne est une pathologie rare au pronostic sombre (71% de survie à 30 jours et 43% à 1 an) nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire dans des centres experts ; l’exclusion de la fistule étant le plus fréquemment réalisée par voie endovasculaire, la chirurgie conventionnelle garde sa place dans certains cas particuliers. La stratégie globale de prise en charge et la place d’une chirurgie combinée (œsophagectomie, lobectomie…) doit encore être évaluée.   Références Jonker FHW, Schlösser FJV, Moll FL, van Herwaarden JA, Indes JE, Verhagen HJM, et al. Outcomes of thoracic endovascular aortic repair for aortobronchial and aortoesophageal fistulas. J EndovascTher Off J IntSocEndovasc Spec 2009 Aug;16(4):428-40. https://doi.org/10.1583/09-2741R.1 PMid:19702348 Canaud L, Ozdemir BA, Bee WW, Bahia S, Holt P, Thompson M. Thoracic endovascular aortic repair in management of aortoesophageal fistulas. J VascSurg 2014 Jan;59(1):248-54. https://doi.org/10.1016/j.jvs.2013.07.117 PMid:24199764 Mosquera VX, Marini M, Pombo-Felipe F, Gómez-Martinez P, Velasco C, Herrera-Noreña JM, et al. Predictors of outcome and different management of aortobronchial and aortoesophageal fistulas. J Thorac Cardiovasc Surg 2014 Dec;148(6):3020-3026.e1-2. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2014.05.038 PMid:24974780 Okita Y, Yamanaka K, Okada K, Matsumori M, Inoue T, Fukase K, et al. Strategies for the treatment of aorto-oesophageal fistula. Eur J Cardio-ThoracSurg Off J EurAssoc Cardio-Thorac Surg 2014 Nov;46(5):894-900. https://doi.org/10.1093/ejcts/ezu094 PMid:24618390 Dorweiler B, Weigang E, Duenschede F, Pitton MB, Dueber C, Vahl C-F. Strategies for endovascular aortic repair in aortobronchial and aortoesophageal fistulas. Thorac Cardiovasc Surg 2013 Oct;61(7):575-80. https://doi.org/10.1055/s-0033-1347294 PMid:23828238 Jonker FHW, Heijmen R, Trimarchi S, Verhagen HJM, Moll FL, Muhs BE. Acute management of aortobronchial and aortoesophageal fistulas using thoracic endovascular aortic repair. J Vasc Surg 2009 Nov;50(5):999-1004. https://doi.org/10.1016/j.jvs.2009.04.043 PMid:19481408 Canaud L, D'Annoville T, Ozdemir BA, Marty-Ané C, Alric P. Combined endovascular and surgical approach for aortobronchial fistula. J Thorac Cardiovasc Surg 2014 Nov;148(5):2108-11. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2014.01.018 PMid:24560418 Chiesa R, Melissano G, Marone EM, Marrocco-Trischitta MM, Kahlberg A. Aorto-oesophageal and aortobronchial fistulae following thoracic endovascular aortic repair: a national survey. Eur J VascEndovascSurg Off J EurSocVasc Surg 2010 Mar;39(3):273-9. https://doi.org/10.1016/j.ejvs.2009.12.007 PMid:20096612 Czerny M, Eggebrecht H, Sodeck G, Weigang E, Livi U, Verzini F, et al. New insights regarding the incidence, presentation and treatment options of aorto-oesophageal fistulation after thoracic endovascular aortic repair: the European Registry of Endovascular Aortic Repair Complications. Eur J Cardio-ThoracSurg Off J EurAssoc Cardio-Thorac Surg 2014 Mar;45(3):452-7. https://doi.org/10.1093/ejcts/ezt393 PMid:23904131 Erbel R, Aboyans V, Boileau C, Bossone E, Bartolomeo RD, Eggebrecht H, et al. 2014 ESC Guidelines on the diagnosis and treatment of aortic diseases: Document covering acute and chronic aortic diseases of the thoracic and abdominal aorta of the adult. The Task Force for the Diagnosis and Treatment of Aortic Diseases of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J 2014 Nov 1;35(41):2873-926. https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehu281 PMid:25173340 Riambau V, Böckler D, Brunkwall J, Cao P, Chiesa R, Coppi G, et al. Editor's Choice - Management of Descending Thoracic Aorta Diseases: Clinical Practice Guidelines of the European Society for Vascular Surgery (ESVS). Eur J VascEndovascSurg Off J EurSocVasc Surg 2017 Jan;53(1):4-52. Hiratzka LF, Bakris GL, Beckman JA, Bersin RM, Carr VF, Casey DE, et al. 2010 ACCF/AHA/AATS/ACR/ASA/SCA/SCAI/SIR/STS/SVM guidelines for the diagnosis and management of patients with Thoracic Aortic Disease: a report of the American College of Cardiology Foundation/American Heart Association Task Force on Practice Guidelines, American Association for Thoracic Surgery, American College of Radiology, American Stroke Association, Society of Cardiovascular Anesthesiologists, Society for Cardiovascular Angiography and Interventions, Society of Interventional Radiology, Society of Thoracic Surgeons, and Society for Vascular Medicine. Circulation 2010 Apr 6;121(13):e266-369. JCS Joint Working Group. Guidelines for diagnosis and treatment of aortic aneurysm and aortic dissection (JCS 2011): digest version. Circ J Off J JpnCirc Soc 2013;77(3):789-828. https://doi.org/10.1253/circj.CJ-66-0057 PMid:23412710 Mokashi SA, Svensson LG. Guidelines for the management of thoracic aortic disease in 2017. Gen Thorac Cardiovasc Surg 2019 Jan;67(1):59-65. https://doi.org/10.1007/s11748-017-0831-8 PMid:29030719 Harky A, Kai Chan JS, Ming Wong CH, Bashir M. Open versus Endovascular Repair of Descending Thoracic Aortic Aneurysm Disease: A Systematic Review and Meta-analysis. Ann Vasc Surg 2019 Jan;54:304-315.e5. https://doi.org/10.1016/j.avsg.2018.05.043 PMid:30081163 Patel HJ, Williams DM, Upchurch GR, Dasika NL, Deeb GM. A comparative analysis of open and endovascular repair for the ruptured descending thoracic aorta. J Vasc Surg 2009 Dec;50(6):1265-70. https://doi.org/10.1016/j.jvs.2009.07.091 PMid:19782517 Jonker FHW, Trimarchi S, Verhagen HJM, Moll FL, Sumpio BE, Muhs BE. Meta-analysis of open versus endovascular repair for ruptured descending thoracic aortic aneurysm. J Vasc Surg 2010 Apr;51(4):1026-32, 1032.e1-1032.e2. https://doi.org/10.1016/j.jvs.2009.10.103 PMid:20347700 Abraha I, Romagnoli C, Montedori A, Cirocchi R. Thoracic stent graft versus surgery for thoracic aneurysm. Cochrane Database Syst Rev 2016 Jun 6;(6):CD006796. https://doi.org/10.1002/14651858.CD006796.pub4 Jonker FHW, Verhagen HJM, Lin PH, Heijmen RH, Trimarchi S, Lee WA, et al. Open surgery versus endovascular repair of ruptured thoracic aortic aneurysms. J Vasc Surg 2011 May;53(5):1210-6. https://doi.org/10.1016/j.jvs.2010.10.135 PMid:21296537 Kotelis D, Gombert A, Jacobs MJ. Treatment of post-thoracic endovascular aortic repair aorto-esophageal fistula-only radical surgery can be effective: techniques and sequence of treatment. J Thorac Dis 2018 Jun;10(6):3869-73. https://doi.org/10.21037/jtd.2018.06.25 PMid:30069387 PMCid:PMC6051838 Yamazato T, Nakamura T, Abe N, Yokawa K, Ikeno Y, Koda Y, et al. Surgical strategy for the treatment of aortoesophageal fistula. J Thorac Cardiovasc Surg 2018 Jan;155(1):32-40. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2017.09.047 PMid:29129420 Yamanaka K, Omura A, Nomura Y, Miyahara S, Shirasaka T, Sakamoto T, et al. Surgical strategy for aorta-related infection†. Eur J Cardio-ThoracSurg Off J EurAssoc Cardio-Thorac Surg 2014 Dec;46(6):974-80; discussion 980. https://doi.org/10.1093/ejcts/ezu119 PMid:24699204 Moulakakis KG, Mylonas SN, Antonopoulos CN, Kakisis JD, Sfyroeras GS, Mantas G, et al. Comparison of treatment strategies for thoracic endograft infection. J Vasc Surg 2014 Oct;60(4):1061-71. https://doi.org/10.1016/j.jvs.2014.07.012 PMid:25135872 Kan C-D, Lee H-L, Yang Y-J. Role of Endovascular Aortic Repair in the Treatment of Infected Aortic Aneurysms Complicated by Aortoenteric or Aortobronchial Fistulae. Thorac Cardiovasc Surg 2018;66(3):240-7. https://doi.org/10.1055/s-0037-1608834 PMid:29207434 Fatima J, Duncan AA, de Grandis E, Oderich GS, Kalra M, Gloviczki P, et al. Treatment strategies and outcomes in patients with infected aortic endografts. J VascSurg 2013 Aug;58(2):371-9. https://doi.org/10.1016/j.jvs.2013.01.047 PMid:23756338 Kilk K, Hyhlik-Dürr A, Afshar-Oromieh A, Böckler D. [Chronic abdominal aortic graft infection : Detection with 18F-FDG-PET/CT]. Chir Z AlleGebOperMedizen 2010 Jul;81(7):653-6. https://doi.org/10.1007/s00104-010-1886-6 PMid:20186379 Kubota S, Shiiya N, Shingu Y, Wakasa S, Ooka T, Tachibana T, et al. Surgical strategy for aortoesophageal fistula in the endovascular era. Gen Thorac Cardiovasc Surg 2013 Oct;61(10):560-4. https://doi.org/10.1007/s11748-013-0280-y PMid:23807398 Azizzadeh A, Sarac TP, Chandra V, Vallabhaneni R. Aortoenteric / aortobronchial fistulas: Is TEVAR acceptable. EndovascToday 2018 Nov;17(11):91-4. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 27/08/2019. Acceptation : 14/10/2019.    
décembre 13, 2019
Chirurgie thoracique · Vol. 21 Décembre 2017

Traitement des fistules bronchopleurales par épiplooplastie en première intention

Axel Plaisant*, Sebastian Sandu, Gonzague Delepine, Maud-Emmanuelle Olivier, Vito-Giovanni Ruggieri   Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, hôpital Robert Debré, CHU Reims, France. *Correspondance : aplaisant@chu-reims.fr   DOI : 10.24399/JCTCV21-4-PLA Citation : Plaisant A, Sandu S, Delepine G, Olivier ME, Ruggieri VG. Traitement des fistules bronchopleurales par épiplooplastie en première intention. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(4). doi: 10.24399/JCTCV21-4-PLA   Résumé Objectif : la fistule bronchopleurale est une complication rare dont la prise en charge reste complexe. Nous partageons notre expérience dans le traitement des fistules bronchopleurales par épiplooplastie en première intention, c’est-à-dire sans thoracostomie. Méthodes : entre avril 2007 et septembre 2015, 12 patients avec une fistule bronchopleurale et ayant été opérés par épiplooplastie ont été inclus rétrospectivement. Le traitement consistait à réaliser dans la même intervention le débridement de la cavité pleurale par thoracotomie, suivi du prélèvement du grand épiploon par une courte laparotomie. L’épiplooplastie du moignon bronchique était réalisée avant fermeture du thorax. Résultats : sur 12 patients (âge moyen 62 ans), 9 ont été traités avec succès. Deux patients ont présenté une récidive de la fistule et ont été traités secondairement par thoracostomie. Un patient est décédé d’un choc septique. La durée moyenne d’hospitalisation a été de 25 jours. Conclusion : l’épiplooplastie en première intention offre des résultats satisfaisants pour le traitement des fistules bronchopleurales en évitant les désagréments de la thoracostomie. Elle peut être proposée à tous les patients sans antécédent de chirurgie abdominale et dans un contexte septique maîtrisé. En cas d’échec, la thoracostomie doit cependant être réalisée sans délai.   Abstract Treatment of bronchopleural fistula by first-line omentoplasty Objective: Bronchopleural fistula is an uncommon complication whose management remains a clinical challenge. We’d like to share our experience in the treatment of bronchopleural fistula by omentoplasty as first-line treatment (i.e., without open window thoracostomy). Methods: From April 2007 to September 2015, 12 patients with bronchopleural fistula who were operated on by omentoplasty were retrospectively included. The treatment was to perform (at the same time) the debridement of the pleural space by thoracotomy and then to take an omental flap by medial laparotomy. Reconstructive omentoplasty was performed before closing the thorax. Results: From our 12 patients (median age 62 years), 9 were successfully controlled. Two patients had recurrence of the fistula and were treated secondarily by an immediate open window thoracostomy. One patient died of septic shock. The median hospitalization time was 25 days. Conclusion: First-line omentoplasty is an effective method for the treatment of bronchopleural fistula and avoids open window thoracostomy in most cases. All patients without a history of abdominal surgery and whose septic condition is previously controlled can be eligible for this method. In case of failure, the open window thoracostomy must be carried out without delay.   1. Introduction La fistule bronchopleurale (FBP) postchirurgie d’exérèse est une complication peu fréquente et grave. Son incidence a baissé de façon significative au cours du temps, en raison d’une meilleure connaissance des facteurs de risque et d’une prise en charge adaptée [1]. En cas de chirurgie à haut risque comme la pneumonectomie droite, de lobectomie ou de pneumonectomie bronchoplastique, de radiothérapie préopératoire ou de diabète, des mesures préventives sont à mettre en œuvre et font d’ailleurs l’objet de recommandations [2]. Malgré cela, il persiste un faible nombre de FBP postchirurgicales ou d’origine septique dont le traitement reste complexe. L’objectif n’est pas seulement la fermeture de l’orifice fistuleux, il a aussi pour but de protéger les voies aériennes et de contrôler l’infection. Il est ainsi possible d’avoir recours à diverses techniques endoscopiques et chirurgicales, seule ou en association, sans qu’aucun schéma n’ait montré la preuve de sa supériorité. Parmi les différentes approches possibles, l’épiplooplastie a déjà fait l’objet de plusieurs travaux encourageants. Le grand épiploon possède en effet des qualités immunologiques et angiogéniques remarquables dans ce contexte. Il est ainsi utilisé pour la réalisation d’épiplooplastie de couverture du moignon bronchique ou encore de comblement après thoracostomie. Nous rapportons notre expérience dans le traitement des fistules bronchopleurales par épiplooplastie en première intention, c’est-à-dire sans traitement chirurgical préalable et notamment sans thoracostomie. L’objectif de cette étude était de juger l’efficacité d’une telle approche.   2. Patients et méthodes Entre avril 2007 et septembre 2015, nous avons inclus rétrospectivement 12 patients âgés de 38 à 79 ans (moyenne 62 ans) qui ont bénéficié d’une épiplooplastie de couverture pour le traitement d’une FBP à l’hôpital Robert Debré du centre hospitalier universitaire de Reims. Sur les 12 patients, aucun geste chirurgical visant à la fermeture de la fistule n’a été réalisé avant l’épiplooplastie et notamment aucune thoracostomie. Trois (25 %) patients ont cependant été traités préalablement et sans succès par endoscopie : 2 fistules persistantes après nitratage et 1 après encollage biologique. Les douze patients étaient tous de sexe masculin. Onze patients présentaient un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) et un patient présentait une FBP compliquant une pleuropneumopathie gauche à Streptococcus pneumoniae. Parmi les onze CBNPC, on retrouvait 6 (55 %) carcinomes épidermoïdes et 5 (45 %) adénocarcinomes. Selon la classification TNM/AJCC de 2009, les patients étaient répartis de la façon suivante : 1 patient stade IA, 3 stades IB, 3 stades IIB et 4 stades IIIA. Parmi eux, 5 (45 %) patients avaient été opérés d’une pneumonectomie droite dont 4 de totalisation, 2 (18 %) patients d’une pneumonectomie gauche dont 1 de totalisation, 3 (27 %) patients d’une lobectomie inférieure droite et 1 (9 %) patient d’une bilobectomie inférieure et moyenne. Ces patients avaient tous été opérés par thoracotomie postérolatérale épargnant le muscle dentelé antérieur et avec un curage radical. Un lambeau de couverture du moignon bronchique avait été réalisé chez tous les patients opérés d’une pneumonectomie droite : 3 lambeaux de muscle intercostal, 1 lambeau de plèvre médiastinale et 1 lambeau de la crosse de la veine azygos. Concernant les facteurs de risque de FBP rapportés dans la littérature, dans notre série, 9 (75 %) patients ont été opérés du côté droit et 7 (58 %) d’une pneumectomie. Cinq (42 %) patients étaient tabagiques actifs, 3 (25 %) patients étaient diabétiques et 6 (50 %) patients avaient été traités préalablement par chimiothérapie dont 1 en néoadjuvant et 5 en adjuvant. Il s’agissait toutes de fistules classiques ou intermédiaires selon la classification modifiée de Le Brigand avec un délai d’apparition compris entre le 7e et le 26e jour postopératoire. Toutes les fistules étaient symptomatiques. Le diagnostic a été suspecté sur des signes de sepsis pour 8 patients et parmi eux 2 ont présenté un choc septique préopératoire et 1 patient a présenté une insuffisance respiratoire aiguë. La FBP a été diagnostiquée pour 3 autres patients dans les suites d’une hémoptysie, d’un emphysème sous-cutané et d’une vomique pleurale. La fibroscopie bronchique a été réalisée systématiquement avant chaque épiplooplastie excepté dans un cas, celui du patient ayant présenté la vomique pleurale. Cet examen a permis de montrer la visualisation directe de la fistule pour 7 patients, des signes indirects à type de bullage pour 1 patient et uniquement des sécrétions purulentes pour les 3 autres. Dans plus de la moitié des cas, c’est-à-dire 7 patients, l’épiplooplastie a été réalisée le jour même du diagnostic. Pour les autres, les interventions ont eu lieu à 4, 8, 9, 27 et 37 jours après le diagnostic. Une intervention a été retardée de 8 jours après évolution favorable d’un choc septique et pour les trois valeurs les plus élevées, ils s’agissaient des patients traités initialement par endoscopie [tableau 1].   Tableau 1. Caractéristiques des patients.                 Délai après chir. initiale (jours) Patient Âge Diagnostic Côté Chirurgie initiale Couverture pTNM Endosc. Diagnostic Épiplooplastie 1 47 Adénocarcinome D Pneumonectomie (T) PM IIIA Colle bio 13 50 2 67 Épidermoïde D Lobectomie inférieure / IIIA / 15 23 3 59 Épidermoïde D Pneumonectomie (T) CVA IIB Nitratage 26 53 4 70 Adénocarcinome G Pneumonectomie / IB Nitratage 13 22 5 79 Épidermoïde D Lobectomie inférieure / IB / 7 7 6 38 Pleurésie purulente G / 7 73 Épidermoïde G Pneumonectomie (T) / IB / 10 10 8 65 Adénocarcinome D Bilobectomie inf. et moy. / IIB / 18 18 9 64 Adénocarcinome D Pneumonectomie (T) MIC IIIA / 10 14 10 59 Adénocarcinome D Lobectomie inférieure / IA / 9 9 11 61 Épidermoïde D Pneumonectomie MIC IIB / 19 19 12 63 Épidermoïde D Pneumonectomie (T) MIC IIIA / 12 12 T : de totalisation ; PM : plèvre médiastinale ; CVA : crosse de veine azygos ; MIC : muscle intercostal ; Endosc : traitement endoscopique.   2.1. Technique chirurgicale L’intervention consistait à reprendre la thoracotomie postérolatérale afin de réaliser le débridement complet de la cavité, que ce soit après lobectomie ou pneumonectomie. Dans un deuxième temps, une courte laparotomie médiane susombilicale permettait l’abord de la cavité abdominale et la réalisation du lambeau de grand épiploon selon les techniques déjà décrites [3]. Le lambeau était laissé pédiculé sur une seule artère gastroépiploïque droite ou gauche, choisie en fonction du calibre des artères et du côté de la fistule. Le lambeau était ensuite mobilisé dans la cavité pleurale à travers une phrénotomie. L’incision diaphragmatique était suffisamment large pour ne pas compromettre la vascularisation et suffisamment étroite pour éviter tout risque herniaire. Le lambeau était alors suturé soit directement aux berges du moignon bronchique et de la fistule, soit au tissu péribronchique adjacent réalisant ainsi une épiplooplastie de couverture.   3. Résultats Le geste chirurgical par épiplooplastie comme décrit précédemment a été réalisé intégralement sur l’ensemble des 12 patients. Chez 9 (75 %) patients, l’épiplooplastie en première intention a permis la fermeture de la fistule sans geste chirurgical supplémentaire et aucune récidive n’a été constatée. Pour 2 (17 %) patients, il a été réalisé secondairement une thoracostomie pour une récidive de la fistule. Enfin 1 patient est décédé le lendemain de l’intervention dans les suites d’un choc septique, il s’agit du seul décès observé dans les 30 jours postopératoires. Les patients 8 et 11 ont présenté une récidive de la FBP respectivement au 28e et au 7e jour après l’épiplooplastie. Ils ont été opérés tous les deux d’une thoracostomie sans délai. Dans le premier cas, il a été réalisé une thoracoplastie droite six mois après, sans parvenir à la fermeture de la fistule. Par la suite, le patient a présenté une rechute tumorale avec évolution métastatique aboutissant au décès. Dans le second cas, un comblement par lambeau de muscle grand dorsal libre controlatéral a été réalisé un an après. Devant la persistance de la fistule, il a été entrepris la pose d’une prothèse de carène [tableau 2].   Tableau 2. Résultats après épiplooplastie.     Durée hospit. (j) Statut Patient Fermeture fistule En réanimation Totale après épiplooplastie À 30 jours Dernières nouvelles Durée de suivi (j) 1 Succès 2 10 Vivant Vivant 1400 2 Succès* 13 67 Vivant Décédé, récidive tumorale 699 3 Succès 10 22 Vivant Décédé, récidive tumorale 462 4 Succès 3 10 Vivant Décédé, AVC massif 1385 5 / Décédé Décédé, choc septique 1 6 Succès 3 10 Vivant Vivant 2130 7 Succès 5 21 Vivant Décédé, récidive tumorale 532 8 Échec 4 40 Vivant Décédé, récidive tumorale 750 9 Succès 5 33 Vivant Décédé, récidive tumorale 251 10 Succès 5 12 Vivant Vivant 1094 11 Échec 13 33 Vivant Vivant, exclusion de la fistule par prothèse de carène 821 12 Succès 1 20 Vivant Vivant, récidive tumorale 730 *après nitratage par endoscopie.   Parmi les complications observées durant le séjour hospitalier, il y a eu selon la classification de Clavien-Dindo : 1 complication grade V : 1 décès ; 2 complications grade IIIb : 2 fistules récidivantes traitées par thoracostomie ; 1 complication grade IIIa : une fistule résiduelle résolutive après nitratage endoscopique ; 2 complications grade II : une pneumopathie et un épisode de fibrillation auriculaire [tableau 3]. La durée moyenne du séjour en réanimation a été de 5,8 jours (min 1, max 13) et la durée moyenne d’hospitalisation après épiplooplastie a été de 25,3 jours (min 10, max 67). Les complications extrahospitalières comprenaient : 1 complication grade IIIb : une éventration nécessitant un traitement chirurgical ; 1 complication grade I : un abcès de paroi nécessitant des soins locaux [tableau 3]. La durée du suivi moyen a été ainsi de 854,6 jours (ET = 577,3).   Tableau 3. Complications intra et extrahospitalières. Classification Clavien-Dindo Détails Gestes complémentaires Grade I 1 Abcès de paroi (patient 4) Soins locaux Grade II 2 Fibrillation auriculaire (patient 7) Antiarythmique IV (Cordarone) Pneumopathie (patient 10) Antibiothérapie Grade III IIIa 1 Fistule résiduelle (patient 2) Nitratage par endoscopie IIIb 3 Éventration (patient 6) Traitement chirurgical avec mise en place d'une prothèse pariétale Fistule récidivante (patient 8) Thoracostomie puis thoracoplastie Fistule récidivante (patient 11) Thoracostomie puis couverture par un lambeau de muscle grand dorsal (échec), mise en place d'une prothèse de carène Grade IV IVa 0 IVb 0 Grade V 1 Choc septique (patient 5) Réanimation, décès J1   4. Discussion Le traitement des FBP reste un challenge lié à la difficulté du contrôle de l’infection et à l’obtention de la fermeture de la fistule. Dans notre série, l’analyse des 3 échecs montre que sur les deux récidives de FBP, l’épiplooplastie n’a pas entravé la réalisation d’une thoracostomie dans un second temps. De même, le seul décès dans notre série imputable à la FBP concernait un patient opéré d’une lobectomie inférieure droite avec une sonde d’intubation trachéale classique, l’intubation sélective ayant échoué. La FBP était apparue au 7e jour postchirurgical, d’emblée sous la forme d’un sepsis grave. La fibroscopie avait montré une déhiscence en fente de la suture motivant la réalisation de l’épiplooplastie le jour même du diagnostic. Malgré cela, l’évolution s’était faite vers un choc septique et le patient était décédé le lendemain de l’intervention. A posteriori, l’indication de l’épiplooplastie dans ce contexte septique avancé, et compte tenu de surcroît de l’âge du patient, est critiquable, la thoracostomie seule était ici recommandée. La thoracostomie reste l’intervention de référence pour le traitement de l’empyème avec des résultats proche de 100 % pour le contrôle local de l’infection, comme le montrent plusieurs études [4-6]. Lorsqu’une FBP était présente, Pairolero et al. préconisaient d’associer dans le même temps opératoire un lambeau de couverture, généralement en utilisant le muscle dentelé antérieur. Par cette technique, 24 patients sur 28 avaient été traités avec succès [7]. En 2006, Zaheer et al., toujours à la Mayo Clinic, ont publié des résultats complémentaires concernant la transposition musculaire simultanée [6]. Sur 55 patients, ils retrouvaient un taux de récidive de 18 % et surtout ils réalisaient un nombre d’actes chirurgicaux moyens de 7. Concernant la durée de séjour, elle était plus élevée que dans notre étude avec une moyenne de 30 jours. Pourtant, la fermeture spontanée de la fistule est possible, elle a été observée chez 16 patients sur 24 (66 %) dans l’étude de Regnard et al. [5] et chez 21 patients sur 30 dans une étude plus récente, amenant les auteurs à privilégier la thoracostomie seule dans un premier temps [8]. Cependant, la thoracostomie n’est généralement qu’une première étape. Elle implique au minimum un geste chirurgical supplémentaire de fermeture de la fenêtre, la réalisation de soins locaux plurihebdomadaire impactant directement sur la qualité de vie du malade ainsi qu’un traumatisme psychique souvent important. Aucune étude de grande ampleur n’a été réalisée à ce jour concernant l’épiplooplastie dans le traitement des FBP mais elle fait l’objet de plusieurs publications [9-12]. Shrager et al. ont ainsi traité avec succès 11 patients sur 13 par épiplooplastie en association avec une thoracostomie [10]. En 2005, Chichevatov et al. proposaient de réaliser uniquement l’épiplooplastie de façon précoce. Sur 12 patients opérés d’une pneumonectomie et présentant une FBP, 1 patient a présenté une récidive de la fistule et 3 patients ont développé un empyème sans fistule. Pour ces derniers, l’évolution a été favorable après drainage et lavage de la cavité [11]. Enfin, une étude suisse et polonaise publiée en 2008 rapporte de bons résultats pour 18 épiplooplasties dans le traitement des fistules postpneumonectomie en association à une reprise chirurgicale itérative et jusqu’à l’obtention d’une cavité macroscopiquement propre [12]. L’avantage du grand épiploon est qu’il possède des qualités anatomiques et physiologiques remarquables notamment en contexte septique, ce qui explique son intérêt dans le traitement des FBP. Il adhère rapidement et fortement au tissu inflammatoire et lutte contre l’infection par plusieurs mécanismes, entre autres par la sécrétion de lysozyme et la synthèse d’anticorps. L’épiploon favoriserait aussi la néoangiogénèse locale par l’intermédiaire du VEGF sécrété par les adipocytes [13,14]. Les limites au développement de l’épiplooplastie en chirurgie thoracique sont liées notamment au prélèvement du lambeau. Les patients aux antécédents de péritonite, de chirurgie abdominale itérative, ou intéressant le grand épiploon constituent des contre-indications. En outre, la qualité et le volume du grand épiploon ne sont pas évalués en routine. Son poids n’est pas directement corrélé au poids du patient, même si les personnes obèses présentent généralement un tablier graisseux plus important. Dans notre expérience, aucun patient ne présentait d’IMC inférieur à 18,5, 5 patients étaient de corpulence normale, 5 en surpoids et 2 patients obèses. La qualité du lambeau était variable mais toujours suffisante pour la réalisation de l’épiplooplastie. De plus, bien que relativement simple, la laparotomie médiane et la libération du grand épiploon nécessitent de fait une formation en chirurgie générale. Les complications les plus fréquentes sont la dilatation gastrique, elle-même la conséquence d’une traction excessive du pylore et le risque d’éventration. Dans notre série, un patient de 38 ans toxicomane, traité pour une FBP d’origine septique, a présenté dans les suites de l’épiplooplastie une éventration qui a nécessité une reprise chirurgicale. Certains auteurs ont proposé une alternative à la laparotomie. Zurek et al. ont traité 8 patients pour empyème dont 3 avec une FBP associée en réalisant une épiplooplastie dont le lambeau avait été prélevé par laparoscopie [15]. De façon plus surprenante, D’Andrilli et al. décrivent le prélèvement transdiaphragmatique du grand épiploon par thoracotomie. Ils rapportent avec cette technique 43 renforcements de suture bronchique et 2 succès de fermeture de FBP [16]. Les alternatives au traitement chirurgical essentiellement représentées par la fibroscopie et la bronchoscopie interventionnelle regroupent diverses techniques et font l’objet actuellement de nombreuses publications. En 2007, West et al. publiaient une revue de la littérature et montraient que sur 90 patients porteurs d’une FBP (dont 85 patients postpneumonectomie), seulement 30,1 % avaient été traités avec succès sur la fistule et le pyothorax. La mortalité restait relativement élevée à 39,6 % [17]. Plus récemment, Cardillo et al. ont présenté les résultats de 35 patients traités par endoscopie, essentiellement par injection sous muqueuse d’agent sclérosant (Polidocanol) et de colle (Cyanoacrylate) dans la fistule. Sur les 18 fistules dont le diamètre était inférieur ou égal à 2 mm, seul un échec a été observé, et sur les 17 fistules supérieures à 2 mm, ils obtenaient une guérison dans 65 % des cas [18]. On constate que les résultats sont fortement influencés par la taille de la fistule. Le traitement endoscopique est à privilégier selon les auteurs pour des FBP dont le diamètre ne dépasse pas 5 ou 6 mm [18,19]. Les échecs au traitement endoscopique ne semblent pas influencer ultérieurement les résultats du traitement chirurgical [18]. D’autres techniques sont utilisées, notamment les valves endobronchiques, mais peu de données sont disponibles et elles semblent offrir de moins bons résultats [20].   5. Conclusion En conclusion, l’épiplooplastie en première intention offre des résultats satisfaisant chez des patients préalablement sélectionnés, sans antécédent de chirurgie abdominale et en l’absence de sepsis grave. Cette attitude permet dans la plupart des cas la guérison rapide du malade et évite les désagréments de la thoracostomie. En cas d’échec du traitement par épiplooplastie, la thoracostomie que l’on pourrait qualifier ici de rattrapage doit cependant être réalisée sans délai. Au vu de la littérature actuelle et comme nous l’avons expérimenté dans cette étude, le traitement par fibroscopie ou bronchoscopie interventionnelle peut être proposé préalablement pour des fistules dont le diamètre est inférieur ou égal à 5 mm sans entraver a priori la suite de la prise en charge [figure 1].   [caption id="attachment_3934" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Arbre décisionnel. Stratégie de prise en charge des fistules bronchopleurales.[/caption]   Références Pforr A, Pagès P-B, Baste J-M, Thomas P, Falcoz P-E, Lepimpec Barthes F et al. A Predictive Score for Bronchopleural Fistula Established Using the French Database Epithor. Ann Thorac Surg janv 2016;101(1):287-93. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2015.06.026 Thomas P, Dahan M, Riquet M, Massart G, Falcoz P-E, Brouchet L et al. [Practical issues in the surgical treatment of non-small cell lung cancer. Recommendations from the French Society of Thoracic and Cardiovascular Surgery]. Rev Mal Respir oct 2008;25(8):1031-6. Doi : RMR-10-2008-25-8-0761-8425-101019-200809699 Mathisen DJ, Grillo HC, Vlahakes GJ, Daggett WM. The omentum in the management of complicated cardiothoracic problems. J Thorac Cardiovasc Surg avr 1988;95(4):677-84. PMID:3352303 Mazzella A, Pardolesi A, Maisonneuve P, Petrella F, Galetta D, Gasparri R et al. Bronchopleural fistula after pneumonectomy: Risk factors and management, focusing on open window thoracostomy. J Thorac Cardiovasc Surg 12 juin 2017; https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2017.05.105 Regnard J-F, Alifano M, Puyo P, Fares E, Magdeleinat P, Levasseur P. Open window thoracostomy followed by intrathoracic flap transposition in the treatment of empyema complicating pulmonary resection. J Thorac Cardiovasc Surg août 2000;120(2):270-5. https://doi.org/10.1067/mtc.2000.106837 Zaheer S, Allen MS, Cassivi SD, Nichols FC, Johnson CH, Deschamps C et al. Postpneumonectomy empyema: results after the Clagett procedure. Ann Thorac Surg juill 2006;82(1):279-286-287. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2006.01.052 Pairolero PC, Arnold PG, Trastek VF, Meland NB, Kay PP. Postpneumonectomy empyema. The role of intrathoracic muscle transposition. J Thorac Cardiovasc Surg 1990;99(6):958-966-968. PMID:2359336 Hysi I, Rousse N, Claret A, Bellier J, Pinçon C, Wallet F et al. Open window thoracostomy and thoracoplasty to manage 90 postpneumonectomy empyemas. Ann Thorac Surg nov 2011;92(5):1833-9. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2011.07.004 Yokomise H, Takahashi Y, Inui K, Yagi K, Mizuno H, Aoki M et al. Omentoplasty for postpneumonectomy bronchopleural fistulas. Eur J Cardio-Thorac Surg Off J Eur Assoc Cardio-Thorac Surg 1994;8(3):122-4. PMID:8011343 https://doi.org/10.1016/1010-7940(94)90166-X Shrager JB, Wain JC, Wright CD, Donahue DM, Vlahakes GJ, Moncure AC et al. Omentum is highly effective in the management of complex cardiothoracic surgical problems. J Thorac Cardiovasc Surg mars 2003;125(3):526-32. https://doi.org/10.1067/mtc.2003.12 Chichevatov D, Gorshenev A. Omentoplasty in treatment of early bronchopleural fistulas after pneumonectomy. Asian Cardiovasc Thorac Ann sept 2005;13(3):211-6. https://doi.org/10.1177/021849230501300304 Schneiter D, Grodzki T, Lardinois D, Kestenholz PB, Wojcik J, Kubisa B et al. Accelerated treatment of postpneumonectomy empyema: a binational long-term study. J Thorac Cardiovasc Surg juill 2008;136(1):179-85. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2008.01.036 Hollender LF, Bur F, Manzini N de, Pigache P. Chirurgie du grand épiploon. Tech Chir-Appar Dig janvier 198940-495. Walker FC, Rogers AW. The Greater Omentum as a Site of Antibody Synthesis. Br J Exp Pathol juin 1961;42(3):222-31. PMID:13782709 PMid:13782709 PMCid:PMC2082470 Żurek W, Makarewicz W, Bobowicz M, Sawicka W, Rzyman W. The treatment of chronic pleural empyema with laparoscopic omentoplasty. Initial report. Wideochirurgia Inne Tech Maloinwazyjne Videosurgery Miniinvasive Tech déc 2014;9(4):548-53. https://doi.org/10.5114/wiitm.2014.45129 D'Andrilli A, Ibrahim M, Andreetti C, Ciccone AM, Venuta F, Rendina EA. Transdiaphragmatic harvesting of the omentum through thoracotomy for bronchial stump reinforcement. Ann Thorac Surg juill 2009;88(1):212-5. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2009.04.025 West D, Togo A, Kirk AJB. Are bronchoscopic approaches to post-pneumonectomy bronchopleural fistula an effective alternative to repeat thoracotomy? Interact Cardiovasc Thorac Surg août 2007;6(4):547-50. https://doi.org/10.1510/icvts.2007.159319 Cardillo G, Carbone L, Carleo F, Galluccio G, Di Martino M, Giunti R, et al. The Rationale for Treatment of Postresectional Bronchopleural Fistula: Analysis of 52 Patients. Ann Thorac Surg juill 2015;100(1):251-7. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2015.03.014 Sirbu H, Busch T, Aleksic I, Schreiner W, Oster O, Dalichau H. Bronchopleural fistula in the surgery of non-small cell lung cancer: incidence, risk factors, and management. Ann Thorac Cardiovasc Surg Off J Assoc Thorac Cardiovasc Surg Asia déc 2001;7(6):330-6. PMID:11888471 Giddings O, Kuhn J, Akulian J. Endobronchial valve placement for the treatment of bronchopleural fistula: a review of the current literature. Curr Opin Pulm Med juill 2014;20(4):347-51. https://doi.org/10.1097/MCP.0000000000000063   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 11/09/2017. Acceptation : 09/11/2017.  
décembre 8, 2017
Cas clinique · Vol. 21 Septembre 2017

Une hématémèse de grande abondance révélant une fistule prothétodigestive après chirurgie pour maladie de Behçet

Rim Karray1, Hèla Ben Jmaà2*, Olfa Chakroun1, Aiman Dammak2, Iheb Souissi3, Mabrouk Bahloul4, Noureddine Rekik1, Imed Frikha2   1. Service des urgences et SAMU 04 CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. 2. Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. 3. Service d’anesthésie-réanimation, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. 4. Service de réanimation médicale, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. * Correspondance : helabenjemaa2015@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV21-3-KAR Citation : Karray R, Ben Jmaa H, Chakroun O, Dammak A, Souissi I, Bahloul M, Rekik N, Frikha I. Une hématémèse de grande abondance révélant une fistule prothétodigestive après chirurgie pour maladie de Behçet. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-KAR   Résumé Au cours de la maladie de Behçet, l’atteinte artérielle anévrysmale est beaucoup moins fréquente que l’atteinte veineuse. Elle touche le plus souvent l’aorte abdominale. Même après traitement, les complications demeurent graves et sont dominées par les récidives et les faux anévrysmes anastomotiques. Les fistules prothétodigestives sont parmi les complications rares au cours de la maladie de Behçet. Nous rapportons l’observation d’un patient âgé de 54 ans atteint de maladie de Behçet, opéré en urgence pour hémorragie digestive secondaire à une fistule prothétoduodénale. Dans la période postopératoire, le patient est décédé dans un tableau d’état de choc septique.   Abstract A great abundance hematemesis revealing a prostheto-enteric fistula after surgery for Behçet's disease Arterial aneurysms are less frequent than venous involvement in patients with Behçet disease. The most frequent location of these aneurysms is the abdominal aorta. After surgical repair, the recurrence of aneurysms, anastomotic pseudo-aneurysms, and fistula between prosthetic bypass and the duodenum are considered severe complications. Here we report the case of a 54-year-old patient with Behçet disease, who underwent surgery for abdominal aortic aneurysm 1 year previously, and who was admitted to the emergency unit for hematemesis. Fibroscopy confirmed a fistula between the prosthetic bypass and the duodenum. The patient underwent surgical resection of the prosthesis, which was infected, anastomosis of the duodenum, and revascularization by an axillo-bifemoral bypass.  In the postoperative period, the patient died secondary to a septic shock.   1. Introduction L’atteinte de l’aorte abdominale représente l’atteinte artérielle la plus fréquente au cours de la maladie de Behçet [1]. Les anévrysmes sont plus fréquents que les occlusions aortiques et nécessitent une réparation chirurgicale du fait du risque de rupture [2,3]. Les fistules aortodigestives constituent une complication qui a été rarement rapportée au cours de la maladie de Behçet [1,4]. Elles peuvent être primaires ou secondaires après chirurgie de reconstruction aortique. Les fistules secondaires constituent une communication entre l’aorte au niveau de sa ligne de suture proximale et le tractus gastro-intestinal. Leur diagnostic est difficile et doit être évoqué précocement. Elles se manifestent le plus souvent par une hémorragie digestive haute, parfois massive. Leur évolution spontanée est grave mettant en jeu le pronostic vital des patients. L’aorte étant immédiatement en arrière du deuxième et du troisième duodénums, elles sont souvent aortoduodénales, mais parfois ilio-intestinales ou coliques [1,4]. Nous rapportons un cas d’une hématémèse de grande abondance suite à une fistule prothétodigestive compliquant une chirurgie aortique au cours de la maladie de Behçet.   2. Observation Un homme âgé de 54 ans a consulté aux urgences pour hémorragie digestive haute de grande abondance. Le patient était atteint de maladie de Behçet évoluant depuis 18 ans. Il a été opéré il y a un an pour un anévrysme inflammatoire de l’aorte abdominale sous-rénale qui s’étend jusqu’à la bifurcation aortique, pour lequel il a bénéficié d’une mise en place d’une prothèse aorto-bi-iliaque, et a été mis sous corticoïdes et colchicine. L’examen à l’admission a montré un patient fébrile avec une hémorragie digestive de grande abondance, extériorisée sous forme d’hématémèse et de méléna. L’évolution a été marquée par l’installation d’un état de choc qui s’est stabilisé par le remplissage et les transfusions avec tarissement de l’hémorragie. À la biologie, on a noté un syndrome inflammatoire biologique avec une hyperleucocytose à 15000 éléments/mm3, une VS à 70 à la première heure et une CRP à 156mg/l, une anémie avec une hémoglobine à 7,8 g/dl. Le reste du bilan biologique a été normal. La fibroscopie œsogastroduodénale a montré un saignement du duodénum. Le scanner abdomino-pelvien n’a pas objectivé de véritable fistule prothétodigestive, mais il a montré un magma d’anses en regard de la prothèse. Devant ce tableau, la décision a été d’opérer le patient par une double équipe de chirurgie cardiovasculaire et de chirurgie générale. L’intervention s’est déroulée à travers un abord de l’ancienne laparotomie médiane. L’exploration peropératoire a mis en évidence une prothèse infectée entourée par du pus et non adhérente, avec une communication entre la prothèse et le duodénum [figure 1]. La prothèse a été explantée en sa totalité, l’aorte et les deux artères iliaques ont été ligaturées. Le deuxième duodénum a été réséqué, et la continuité digestive a été rétablie par une anastomose avec l’anse iléale. La dernière étape de l’intervention a consisté en une revascularisation extra-anatomique des deux membres inférieurs par la confection d’un pontage axillobifémoral.   [caption id="attachment_3817" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Vue peropératoire montrant une fistule prothétodigestive.[/caption]   Durant la période postopératoire, les deux membres inférieurs étaient chauds et le patient a récupéré tous ses pouls distaux, mais l’état hémodynamique du patient était instable avec une fièvre persistante, ce qui a nécessité sa mise sous catécholamines et sous antibiothérapie à large spectre. L’évolution était marquée par le décès du patient deux jours après l’intervention dans un tableau de choc septique. L’examen bactériologique du prélèvement peropératoire a isolé un Escherichia coli. L’examen anatomopathologique d’un fragment de la paroi aortique a confirmé la présence d’un infiltrat de cellules inflammatoires.   3. Discussion La fistule prothétodigestive est une affection grave qui doit être évoquée systématiquement en cas d’hémorragie digestive chez un patient porteur de prothèse aortique. Elle est particulièrement fréquente en cas d’infection de prothèses intra-abdominales [5]. La maladie de Behçet est une vascularite systémique évoluant par poussées successives imprévisibles qui associe une aphtose bipolaire buccogénitale, une uvéite et des manifestations systémiques notamment cutanées, articulaires, neurologiques et vasculaires (angio-Behçet) [6,7]. L’angio-Behçet est dominé par les thrombophlébites [8]. L’atteinte artérielle est rare au cours de cette pathologie. Elle touche 1 à 2 % des patients [9]. Elle touche avec une prédilection les gros troncs artériels notamment l’aorte, les artères rénales, l’artère poplitée et l’artère pulmonaire. Les anévrysmes de l’aorte abdominale sont plus fréquents que les occlusions et constituent une cause majeure de mortalité à cause du risque de rupture [2,10]. Leur traitement associe la chirurgie à un traitement médical à base de corticostéroïdes et d’immunosuppresseurs visant à diminuer la récurrence de l’atteinte artérielle. La chirurgie de ces anévrysmes au cours de la maladie de Behçet expose à la survenue de faux anévrysmes anastomotiques, la récidive d’anévrysmes, la thrombose des greffons et la fistulisation aux organes adjacents surtout les veines et l’intestin [10,11]. Les fistules aortodigestives secondaires à la chirurgie de reconstruction aortique au cours de la maladie de Behçet constituent une complication rare mais sévère [1,4]. Leur fréquence varie entre 0,4 et 6 % selon les séries [12,13]. Ceci peut être expliqué par la rareté de cette vascularite, la rareté de l’atteinte artérielle au cours de cette maladie et la rareté de cette complication. La pathogénie de ces fistules est complexe. Elle associe des facteurs infectieux locaux, un traumatisme digestif durant la dissection ou par des pseudoanévrysmes anastomotiques, qui sont particulièrement fréquents au cours de la maladie de Behçet, ou par les sutures elles-mêmes sur une paroi aortique fragile, les adhérences fibreuses entre la prothèse pulsatile et l’intestin étant responsables d’un traumatisme intestinal permanent [7,13]. Ainsi, au cours de la maladie de Behçet, la réaction inflammatoire et la fibrose fragilisent la paroi aortique et favorisent de plus en plus l’apparition de ces fistules prothétodigestives et accélèrent leur survenue. Aussi, la mise des patients sous corticothérapie et sous immunosuppresseurs au long cours est un facteur favorisant de l’infection prothétique. Les rapports anatomiques font que la localisation de la fistule est le plus fréquemment duodénale [13]. Dans la littérature, la latence moyenne est de 3 ans avec des extrêmes de 2 jours à 15 ans [12,14], dans notre cas ce délai était d’un an. Le diagnostic positif de ces atteintes est difficile. En effet, les signes d’appel sont variés à type de fièvre, douleurs abdominales, hyperleucocytose ou anémie [15]. Mais le plus souvent elles se manifestent par une hémorragie digestive haute, parfois massive, survenant quelques mois à quelques années après l’intervention [12]. Il s’agit classiquement d’une hémorragie sentinelle récidivante plus ou moins rapidement (au bout de quelques heures à quelques jours) jusqu’à l’hémorragie massive comme c’était le cas de notre patient. De ce fait, la survenue d’un ou de plusieurs de ces signes chez un patient, porteur d’une prothèse aortique ou atteint d’une vascularite systémique comme la maladie de Behçet, doit faire évoquer le diagnostic d’une fistule aortoentérique, réaliser en urgence les examens complémentaires nécessaires, voire même une laparotomie diagnostique et thérapeutique au besoin. L’endoscopie est l’examen de choix pour le diagnostic précoce conduisant à une intervention chirurgicale précoce et salvatrice. Elle permet en plus d’éliminer une cause ulcéreuse de l’hémorragie digestive [16]. Ainsi, une fibroscopie œsogastroduodénale est recommandée au stade le plus précoce chez tout patient présentant des antécédents de maladie de Behçet ou de reconstruction vasculaire abdominale qui présente des signes d’hémorragie digestive et/ou de fièvre inexpliquée [16]. Le duodénum doit être exploré aussi loin que possible jusqu’à sa troisième portion [17]. Par ailleurs, une endoscopie négative ne permet pas d’exclure le diagnostic de fistule aortodigestive. Cet examen doit être alors répété si l’état du patient le permet afin d’exclure d’autres sources de saignement. Si l’endoscopie n’est pas contributive, le scanner thoracoabdominal est indispensable chez les patients stables. Ce dernier peut montrer une collection périphérique avec des bulles d’air [12]. Cependant, la TDM est parfois incapable de distinguer la fistule aortodigestive de l’infection périprothétique sans fistulisation. Chez ces patients aussi, l’artériographie faite en période hémorragique peut avoir un double intérêt diagnostique et thérapeutique. En effet, elle peut montrer une extravasation du produit de contraste ou un faux anévrysme anastomotique [12,15] ; et chez les patients fragiles à haut risque d’anesthésie, un geste d’embolisation peut être envisagé dans l’attente de réaliser un geste radical dans un second temps [18]. Toutefois, tous ces examens complémentaires ne doivent en aucun cas retarder l’intervention chirurgicale qui doit être réalisée en urgence ou en semi-urgence. Une laparotomie à double visée diagnostique et thérapeutique peut être réalisée d’emblée au besoin. Le type de l’intervention sera discuté selon l’état de malade (score ASA, syndrome infectieux) et des conditions locales. Une enquête bactériologique est réalisée, à savoir des hémocultures et des prélèvements peropératoires. Il s’agit d’entérobactéries dans 40 % des cas [12]. Chez notre patient, le germe isolé était Escherichia coli, il a été mis sous céfotaxime et métronidazole. La chirurgie constitue le traitement de référence des fistules aortodigestives, mais celle-ci est grevée d’un risque élevé de morbidité et de mortalité. Elle doit être réalisée dans des centres experts associant une équipe de vasculaire, de chirurgie digestive et de réanimation. Une résection de la prothèse aortique et des tissus avoisinants infectés doit être réalisée. En plus, le traitement comporte le traitement simultané et adapté du versant digestif de la fistule prothétodigestive et un remplacement de la prothèse aortique par une allogreffe aortique cryopréservée, soit une ligature aortique avec revascularisation des membres inférieurs par un pontage extra-anatomique [13]. Le traitement endovasculaire par la mise en place d’une endoprothèse aortique ou la réalisation d’une radioembolisation peut représenter une alternative thérapeutique dans des cas bien précis [17,18]. Ozguc H et al. [19] ont rapporté un cas similaire de fistule entre l’anastomose aortique proximale et le tube digestif chez un homme âgé de 34 ans atteint de maladie de Behçet, et opéré il y a 6 mois d’un anévrysme de l’aorte abdominale. Mais un traitement conservateur a été pratiqué chez ce patient : la prothèse n’a pas été réséquée mais elle a été suturée et couverte par le grand épiploon avec son pédicule, avec des suites favorables. Alkim H et al. [20] ont rapporté le cas d’un homme âgé de 38 ans, suivi pour maladie de Behçet, qui a été opéré pour un pseudoanévrysme rompu de l’aorte abdominale par l’interposition d’un greffon prothétique tubulaire. Quinze mois plus tard, il a été réadmis pour une hémorragie digestive de grande abondance, avec une fièvre. À l’endoscopie digestive, le diagnostic d’une fistule entre le greffon et le duodénum était retenu. Il a bénéficié de la résection de la prothèse avec suture digestive et interposition d’une deuxième prothèse avec omentoplastie. Chez notre patient, devant le caractère urgent de l’atteinte et devant la non-disponibilité d’une allogreffe et d’une endoprothèse, nous avons opté pour la ligature et la revascularisation extra-anatomique. La technique de reconstruction extra-anatomique est grevée d’une mortalité postopératoire élevée par le risque de rupture du moignon aortique, la dévascularisation pelvienne et le risque de nécrose colique [21]. La revascularisation anatomique par une nouvelle prothèse est une alternative qui comporte un taux élevé de récidive de l’infection [21]. Le recours à des allogreffes réduit le risque de récidive infectieuse. Cependant, la disponibilité des allogreffes est un facteur limitant de cette technique, surtout en urgence. L’importance des lésions digestives est aussi un facteur pronostique majeur [22].   4. Conclusion Notre cas rapporté confirme que la fistule prothétodigestive est une affection grave qui doit être évoquée systématiquement en cas d’hémorragie digestive chez un patient porteur de prothèse aortique. Elle est particulièrement fréquente chez les patients opérés pour anévrysmes secondaires à une maladie de Behçet du fait de la fragilité de la paroi aortique par l’inflammation lors de cette affection, et de la mise de ces patients sous traitements corticoïde et immunosuppresseur. Une prise en charge multidisciplinaire précoce est nécessaire. Ce traitement est basé sur l’excision de la prothèse et son remplacement par une allogreffe aortique cryopréservée ou par un pontage extra-anatomique et le traitement simultané et adapté du versant digestif de la fistule.   Références Ben Ghorbel I, Ibn Elhadj Z, Miled M, Houman M-H. Hématémèse de grande abondance par rupture d'un anévrisme de l'aorte abdominale dans le tube digestif au cours d'une maladie de Behçet. La Revue de médecine interne 2006;27:504-506. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2006.03.007 PMid:16713029 Taberkant M, Chtata H, Lekehal B, Alaoui M, Sefiani Y, Boughroum A et al. Anévrisme de l'aorte abdominale au cours de la maladie de Behçet. À propos de quatre cas. J Mal Vasc 2003;28:265-8. PMid:14978431 Tuzun H, Besirli K, Sayin A, Vural FS, Hamuryudan V, Hizli N et al. Management of aneurysms in Behçet's syndrome: an analysis of 24 patients. Surgery 1997;121:150-6. https://doi.org/10.1016/S0039-6060(97)90284-1 Iscan H. Z, Gol M. K, Erdol N, Yildiz L. K, Bayazit M. Tasdemir. Behcet's Aortitis – a Case Report: False Aneurysm Rupture and Aortico-duodenal Fistula. EJVES Extra 2001;1:21-23. Montgomery RS, Wilson SE. The surgical management of aortoenteric fistulas. Surgical clinics of North America 1996;76:1147-57. https://doi.org/10.1016/S0039-6109(05)70503-X International Study Group For Behçet's Disease. Criteria for the diagnosis of Behçet's disease. Lancet 1990;335:1078-80. PMid:1970380 Launay D, Hachulla E. Les aortites inflammatoires. Presse Med 2004;33:1334-40. https://doi.org/10.1016/S0755-4982(04)98920-8 Wechsler B, Dul T, Kieffer E. Manifestations cardio-vasculaires de la maladie de Behçet. Ann MedInterne 1999;150:542-54. Ko GY, Byun JY, Choi BG, Cho SH. The vascular manifestatations of Behçet's disease: angiographic and CT findings. Br J Radiol 2000;73:1270-4. https://doi.org/10.1259/bjr.73.876.11205670 PMid:11205670 Sraieb T, Ben Romdhane N, Longo S, Manaa J, Louzir B, Othmani S. Anévrismes artériels et maladie de Behçet : à propos de trois cas. Rev Med Interne 1999;20(6):517-21. https://doi.org/10.1016/S0248-8663(99)80087-3 Sener E, Bayazit M, Gol MK, et al. Surgical approach to pseudoaneurysms with Behçet's disease. Thorac Cardiovasc Surgeon 1992;40:297-9. https://doi.org/10.1055/s-2007-1020168 PMid:1485320 Bastounis E, Papalambros E, Mermingas V, Maltezos CH, Diamantis T, Balas P. Secondary aortoduodenal fistulae. J Cardiovasc Surg 1997;38:457-564. Vaillant J.C, Schoel T, Karoui M, Chiche L, Gaudric J, Gibert H, Tresallet C, Koskas F, Hannoun L. Fistules aorto-intestinales après remplacement prothétique de l'aorte abdominale : résultats chirurgicaux et suivi à long terme chez 32 patients. Bull Acad Natle Méd 2013;197(4-5):965-977. PMid:25518163 Constans J. Midy D, Baste JC, Dimortière E, Conri C. Fistules aorto-duodénales secondaires ; réflexion à propos de sept cas. Rev Méd Interne 1999;20:121-7. https://doi.org/10.1016/S0248-8663(99)83028-8 Fatome A, Bouin M, Cohen D. Fistule aorto-digestive après pose de prothèse vasculaire aortique à propos de quatre cas. Gastroenterol Clin Biol 2003;27:936-939. PMid:14631310 De Vos M, Huble F, Elewaut A, Barbier F. Fistule aorto-duodénale – Rô1e de l'endoscopie. Acta endoscopica 1984;14:103-109. https://doi.org/10.1007/BF02966101 Loftus IM, Thompsen MM, Fishwick G, Bell PRF, London NJM. Technique for rapid control of bleeding from an aortoenteric fistula. Br J Surg 1997;84:11-14. https://doi.org/10.1002/bjs.1800840821 Bergqvist D, Björck M. Secondary arterioenteric fistulation. A systematic literature analysis. Eur J Vasc Endovasc Surg 2009;37:31-42. https://doi.org/10.1016/j.ejvs.2008.09.023 PMid:19004648 Ozguc H, Topal N B, and Topal E. Secondary Aortoenteric Fistula in a Patient with Behçet Disease: Successful Surgical Treatment by Direct Suture and use of Omental Flap. Vascular 2008;16(5):300-302. https://doi.org/10.2310/6670.2008.00050 PMid:19238876 Alkim H, Parlak E, Sasmaz Nu, Akdogan M, Kuran SO, Bayazit M, Seven C, Gurkaynak G. Secondary aortoenteric fistula in Behçet's disease. Turk J Gastroenterol 2008;19(1):49-53. PMid:18386241 Batt M., Jean-Baptiste E., O'Connor S. et al. Early and Late Results of contemporary Management of 37 Secondary Aortoenteric Fistulae. Eur J Vasc Endovas Surg 2011;41:748-757. https://doi.org/10.1016/j.ejvs.2011.02.020 PMid:21414817 Valentine R., Timaran C.H., Modrall G.J., et al. Secondary aortoenteric fistulas versus paraprothetic erosions, is bleeding associated with worse outcome? J Am Coll Surg 2008; 207:922-927. https://doi.org/10.1016/j.jamcollsurg.2008.08.010 PMid:19183540   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 20/05/2017. Acceptation : 12/09/2017.   
septembre 21, 2017
Chirurgie thoracique · Vol. 21 Abstracts 2017

T-42 – Chirurgie du cancer à visée palliative : le chirurgien thoracique doit-il s’attendre à prendre en charge les effets secondaires de l’immunothérapie ?

Yaniss Belaroussi1, Caroline Rivera1, Marielle Sabatini2, Sophie Schneider2, Florence Mazères1 1. Service de chirurgie thoracique, centre hospitalier de la Côte-Basque, Bayonne 2. Service de pneumologie, centre hospitalier de la Côte-Basque, Bayonne   Objectif : L’immunothérapie par nivolumab est une nouvelle approche dans le traitement du cancer : elle cible les cellules immunitaires et non les tumorales, en levant l’inhibition des lymphocytes T. En oncologie thoracique, elle est actuellement indiquée en deuxième ligne du carcinome épidermoïde bronchique stade IV. Les effets indésirables décrits sont principalement de nature auto-immune et peuvent être retardés. Notre objectif est de rapporter le cas d’un patient traité par nivolumab pris en charge pour excavation pulmonaire secondairement abcédée. Méthode : Nous présentons un patient de 63 ans dont le parcours de soins est le suivant : octobre 2014 : diagnostic de carcinome épidermoïde bronchique lobaire supérieur gauche T4N2M0 traité par radio-chimiothérapie concomitante (carboplatine-paclitaxel/64 Gy) ; novembre 2015 : progression, chimiothérapie (carboplatine-paclitaxel) ; février 2016 : évolution en stade IV, immunothérapie par nivolumab (12 cures) ; août 2016 : progression, une cure de gemcitabine, interruption pour neutropénie. Résultat : Un scanner pour douleur thoracique en octobre 2016 montre, en plein parenchyme lobaire inférieur gauche, à distance de la tumeur initiale, une excavation pulmonaire à parois fines de 65 mm sans collection liquidienne, évoluant rapidement vers un abcès de 110 mm à Pseudomonas Aeruginosa. Une expectoration purulente soutenue fait diagnostiquer une fistule bronchique de nécessité. Devant le risque de vomique chez un patient PS3, un drainage à demeure de l’abcès est réalisé, permettant un retour à domicile sous céfépime. À 6 semaines, sur le caractère multirésistant du germe, l’apparition d’une réaction allergique sévère (Steven-Johnson) à l’antibiothérapie de réserve et l’obstruction répétée du drain, il est proposé une marsupialisation de l’abcès pulmonaire permettant un retour à domicile sans antibiothérapie avec une qualité de vie satisfaisante pour le patient. À J48, il décède d’hémoptysie. Conclusion : L’immunothérapie par nivolumab semble présenter moins d’effets secondaires que les chimiothérapies. Il s’agit de réactions de type immunitaire parfois retardées. L’excavation pulmonaire en fait-elle partie ? Nous proposons de réaliser une enquête au sein de la SFCTCV pour le déterminer.     Cancer palliative surgery: should thoracic surgeons expect to be involved in the management of immunotherapy adverse events?   Objectives: Immunotherapy by Nivolumab is a new approach in lung cancer treatment targeting T cells immune checkpoints instead of tumor cells. It is currently indicated in second line for stage IV squamous cell lung carcinoma. Mainly described adverse events of Nivolumab are autoimmune reactions that can be delayed. Our objective is to report the case of a patient presenting a lung excavation after immunotherapy. Methods: We present a 63 years-old male patient with left upper lobe squamous cell carcinoma (T4N2M0) treated in October 2014 with concomitant chemoradiotherapy (four cycles Carboplatin-Paclitaxel/64Gy). Because of progression in November 2015, he receives Carboplatin-Paclitaxel chemotherapy. Appearance of new lesions in contralateral lung leads to 12 cycles of Nivolumab from February 2016 to August 2016 when he receives Gemcitabine for progressive disease, which is stopped because of neutropenia. Results: CT scan performed because of chest pain in October 2016 shows occurence of a thin-walled lung excavation measuring 65mm, in the left lower lobe, away from the initial tumor. It rapidly turns into a 110mm-abscess positive to Pseudmomas Aeruginosa. Extensive purulent sputum leads to a bronchial fistula diagnosis. Due to major risk of vomica, lung abscess drainage is performed in association with antibiotics (Cefepime) allowing hospital discharge. Six weeks later, because of multidrug-resistant bacteria, severe allergic reaction to antibiotics (Steven-Johnson’s syndrome) and repeated obstruction of the chest tube, we perform lung abscess marsupialization. Patient returns home with no antibiotic treatment and satisfying quality of life. He died on postoperative day 48 from haemoptysis. Conclusion: Nivolumab immunotherapy seems to present less side effects than chemotherapy. It may induce autoimmune reactions that can be delayed. We suggest a survey among the SFCTCV’s surgeons to determine if Nivolumab can induce lung excavation.   Séance : Posters thoracique 2 - vendredi 9 juin - 12:15-13:45
mai 24, 2017
Chirurgie thoracique · Vol. 21 Abstracts 2017

T-39 – Fistule biliobronchique iatrogène : résection pulmonaire et reconstruction biliaire. À propos d’un cas de biliptysie

Simon Rouze, Katheleen Tuner, Erwen Flecher, Karim Boudjema, Jean-Philippe Verhoye, Bertrand Richard de Latour Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, service de chirurgie hépatobiliaire, CHRU Pontchaillou, Rennes   Objectif : La mise en place d’endoprothèse biliaire dans les sténoses biliaires néoplasiques est une technique courante. Nous rapportons le cas rare d’une complication d’endoprothèse biliaire ayant entraîné une fistule biliobronchique grave. Méthode : Un homme de 70 ans, vivant à domicile, présentait une fistule biliobronchique depuis 3 mois l’obligeant à vivre demi-assis. Depuis 9 ans il était suivi pour un carcinome hépatocellulaire sur cirrhose. Il avait été traité par chimio-embolisation et radiofréquence du segment 4 hépatique. Un biliome est apparu, nécessitant un drainage réalisé par voie transcutané et avec mise en place d’une prothèse biliaire par voie rétrograde. Un an après, une fistule biliobronchique est mise en évidence, cliniquement et par scanner thoraco-abdominal. Résultat : Une chirurgie combinée thoracique et hépatique a été réalisée par une double voie d’abord. Une thoracotomie posterolatérale a permis une décortication pulmonaire et segmentectomie de la pyramide basale avec wedge du lobe moyen. La fistule avait détruit toute la pyramide basale et la moitié du lobe moyen. La plaie diaphragmatique a été refermée et l’endoprothèse retirée. À l’étage abdominal, une voie d’abord sous-costale a permis un évidement du segment 4 et une anastomose biliodigestive avec une anse en Y sur la convergence biliaire principale. Dix mois après, le patient est à domicile avec une bonne qualité de vie. Conclusion : La fistule biliobronchique iatrogéne est exceptionnelle. Une chirurgie combinée conventionnelle permet une fermeture et une reconstruction de la dérivation biliaire, au prix d’une résection pulmonaire parfois majeure.     Iatrogenic bilio-bronchial fistula: pulmonary resection and biliary reconstruction in a case of biliptysy   Objectives: The biliary stent implementation in neoplastic biliary stenosis is now a common technique in many centers. We report the rare case of a complication of biliary endoprosthesis leading to a major, disabling bilio-bronchial fistula. Methods: A 70-year-old man was living at home mainly sitted for the last 3 months due to a bilio bronchial fistula. He previous medical history consisted in a hepatocellular carcinoma appeared 9 years ago on cirrhosis. He has been treated by chemio embolization and radiofrequency. He developed a biliome requiring drained. drainage that was performed percutaneously and using a biliary prosthesis by retrograde route. One year after a bilio-bronchial fistula developed which was clinically evident and well seen on the thoraco abdominal scan. Results: A combined thoracic and hepatic surgery was performed. A postero lateral thoracotomy allowed pulmonary decortication and segmentectomy of the basal pyramid associated to a wedge of the middle lobe. The fistula had destroyed the whole basal pyramid and half the middle lobe. The diaphragmatic wound was closed and the endoprosthesis removed.In the abdominal stage, all the segment 4 of the liver was removed and a bilio-digestive anastomosis with a bend in Y on the main biliary convergence was performed.Ten months after the patient is at home with a satisfactory quality of life. Conclusion: Iatrogenic biliobronchial fistula is exceptional. Conventional combined surgery may allow closure and reconstruction of the biliary conduct at the cost of major pulmonary resection.   Séance : Posters thoracique 2 - vendredi 9 juin - 12:15-13:45
mai 24, 2017
Chirurgie cardiaque · Vol. 21 Abstracts 2017

C-32 – Fistule atrio-œsophagienne après ablation de fibrillation auriculaire par radiofréquence : deux cas cliniques et mise au point

Jérémy Bardet, Charles-Henri David, Mojgan Laali, Eleodoro Barreda, Jean-Christophe Vaillant, Pascal Leprince, Guillaume Lebreton Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, Institut de cardiologie, AP-HP, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, Paris Service de chirurgie digestive, hépato-bilio-pancréatique et transplantation hépatique, AP-HP, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, Paris   Objectif : La fistule atrio-œsophagienne est une complication rare mais grave de l’ablation de fibrillation auriculaire par radiofréquence. Nous présentons deux prises en charge chirurgicales avec succès en double équipe dont l’une sous circulation extracorporelle. Méthode : Nous avons analysé rétrospectivement les dossiers médicaux de deux patients traités avec succès de cette complication dans notre institution et recueilli un suivi à long terme à travers le dossier médical informatisé de notre institution. Puis nous avons réalisé une revue de la littérature dans PubMed afin de proposer une prise en charge actualisée. Résultat : Les deux patients ont bénéficié d’une ablation de fibrillation atriale par radiofréquence avant le diagnostic de fistule atrio-œsophagienne. Le premier patient de 52 ans présentait une fistule atrio-œsophagienne découverte lors d’un accident vasculaire cérébral récidivant et d’un syndrome coronarien. Le traitement chirurgical en double équipe sans circulation extracorporelle a consisté en une excision-fermeture de la fistule, et une œsophagectomie par thoracotomie postero-latérale droite. Le deuxième patient de 43 ans présentait une fistule atrio-œsophagienne de taille plus importante découverte lors d’un syndrome infectieux accompagné de douleurs thoraciques puis de déficits neurologiques focaux. Le traitement chirurgical en double équipe sous circulation extracorporelle a consisté en une réparation atriale et une œsophagectomie par thoracotomie postéro-latérale gauche. Conclusion : La fistule atrio-œsophagienne doit être suspectée dans un contexte d’ablation de fibrillation auriculaire devant la triade fièvre, déficits neurologiques focaux et saignements digestifs. Le diagnostic est confirmé par un scanner thoracique injecté. Le traitement en urgence après une réanimation médicale est la fermeture de la fistule par thoracotomie postéro-latérale pouvant nécéssiter une circulation extracorporelle.     Atrio-esophageal fistula after radio frequency ablation for atrial fibrillation : two case studies and discussion   Objectives: Atrio-esophageal fistula is a rare but fatal complication after radio frequency ablation for atrial fibrillation. We present two successful management of this complication in a double surgical team. Methods: We retrospectively analyzed patients medical data, then we made a review of the litterature in PubMed in order to build recommandations about the management of atrio-esophageal fistula. Results: The two patients had a history of radiofrequency ablation for atrial fibrillation. The first 52 old patient was diagnosed atrio-esophageal fistula after presenting multiple transient cerebral stroke and acute ST coronary syndrome. A double surgery team treatment with excision-closure of the fistula and esophagectomy was performed by a right posterolateral thoracotomy. The second 43 old patient was also made the same diagnosis with a larger fistula after presenting chest pain, sepsis, and neurological deficits. Same treatment was performed by a left posterolateral thoracotomy with a cardiopulmonary bypass with auriculotomia under cold cardioplegia. Conclusion: Diagnosis of atrio-esophageal fistula should be investigated and eliminated in patients with history of radiofrequency ablation for atrial fibrillation face to the triad of fever, neurological deficits and gastriointestinal bleeding. Thoracic CT scan make an urgent diagnosis. Intensive medical care and immediate surgery to excise the fistula and repair the LA defect is currently the most successful approach for AEF management using a posterolateral thoracotomy with a possible cardiopulmonary bypass.   Séance : Communications libres cardiaque - divers - vendredi 9 juin - 8:00-10:00
mai 24, 2017
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Mars 2016

Endocardites aiguës infectieuses compliquées d’extension paravalvulaire : 35 ans d’expérience

Simon Rouzé1, Erwan Flécher1, Matthieu Revest2, Thierry Langanay1, Hervé Corbineau1, Bernard Lelong1, Antoine Roisné3, Julien Guihaire1, Alain Leguerrier1, Jean-Philippe Verhoye1   1. Service de chirurgie cardiothoracique et cardiovasculaire, centre hospitalier universitaire de Rennes, France. 2. Service des maladies infectieuses, centre hospitalier universitaire de Rennes, France. 3. Département d’anesthésie réanimation, centre hospitalier universitaire de Rennes, France. Correspondance : simon.rouze@chu-rennes.fr   Résumé Objectif : Décrire notre prise en charge médicochirurgicale des patients souffrant d’une endocardite aiguë infectieuse (EAI) compliquée d’extension paravalvulaire. Méthodes : D’octobre 1979 à décembre 2014, 955 patients ont subi une chirurgie pour EAI ; parmi eux, 207 avaient une EAI avec extension paravalvulaire. L’âge moyen était de 59,9 ± 15,4 ans, et 162 (78 %) étaient des hommes. Cent trente-sept patients (66 %) avaient une endocardite aortique isolée ; 138 avaient une endocardite sur valve native (67 %). Le suivi était complet à 99 % (suivi moyen de 6,5 ± 7,4 ans – de 0 à 34,8 années). Résultats : La mortalité opératoire de notre population était de 16 % (n = 34). Les fistules, l’utilisation de valve mécanique et l’insuffisance rénale étaient des facteurs de risque indépendants de mortalité opératoire. La survie à 1, 5, 10 et 15 ans était respectivement de 90,3 % ± 2,3 %, 62,4 % ± 3,7 %, 49,3 % ± 4,1 %, et 37,9 % ± 4,4 %. Les endocardites à streptocoque (toutes espèces), les réparations complexes de l’anneau valvulaire et l’insuffisance cardiaque préopératoire étaient des facteurs de risque indépendants de mortalité à long terme. Vingt-neuf patients ont nécessité une réintervention (14 %). L’endocardite à streptocoque pneumoniae était le seul facteur de risque indépendant de réintervention précoce (survenant dans les 30 jours suivant la chirurgie ou durant la même hospitalisation). L’absence de réintervention à 1, 5, 10 et 15 ans était de 91,9 % ± 2,2 %, 89,6 % ± 2,6 %, 89,6 % ± 2,6 % et 87,0 % ± 3,5 % respectivement. Les facteurs de risque indépendants de réintervention à long terme étaient la chirurgie en urgence, les endocardites sur valve prothétique et les réparations complexes de l’anneau valvulaire. Conclusion : L’EAI compliquée d’extension paravalvulaire reste un challenge chirurgical. Un parage radical des tissus infectés est fondamental, ce d’autant qu’il s’agit d’une endocardite à streptocoque. Les prothèses valvulaires conventionnelles, et en particulier les bioprothèses, sont associées à de bons résultats à court et long termes.    Abstract A 35-year experience in the management of endocarditis complicated with paravalvular involvement Aim: To describe our clinical and surgical approaches for patients suffering from severe active infective endocarditis (AIE) complicated with paravalvular involvement. Methods: From October 1979 to December 2014, 955 patients underwent surgery for AEI; among them, 207 had severe AEI with paravalvular extension. The mean age of patients was 59.9±15.4 years, and 162 (78%) were male. 137 patients (66%) had isolated aortic valve endocarditis. 138 had native valve endocarditis (67%). Follow-up was 99% complete (mean of 6.5 ±7.4 years; range 0-34.8 years). Results: The operative mortality of the cohort was 16% (n=34). Abnormal communication, mechanical valve implantation and renal failure were inde- pendent predictors of 30-day mortality. Survival at 1, 5, 10 and 15 years was 90.3% ±2.3%, 62.4%±3.7%, 49.3% ±4.1% and 37.9% ±4.4%, respectively. Streptococcus endocarditis (all species), complex annulus repair and preoperative heart failure were independent predictors of long-term death. Twenty-nine patients required a reoperation (14%). Streptococcus pneumonia endocarditis was the only independent predictor of early reoperation (within 30 days af- ter surgery or during the same hospitalization). Freedom from reoperation at 1, 5, 10 and 15 years was 91.9% ±2.2%, 89.6% ±2.6%, 89.6% ±2.6% and 87.0% ±3.5%, respectively. Independent predictors of late reoperation were urgent/emergent surgery, prosthetic valve endocarditis and complex annulus repair. Conclusion: AEI complicated with paravalvular involvement remains a surgical challenge. Radical debridement of all the infected tissues is mandatory, especially for Streptococcus endocarditis according to our experience. Conventional prosthetic valves and bioprostheses, rather than mechanical valves, are associated with favorable outcomes in case of severe AIE. Télécharger l'article complet en PDF Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  
mars 15, 2016