Chirurgie thoracique · Vol. 23 Septembre 2019

Traumatisme thoracique par blast : analyse de cinq cas à l’hôpital du Mali

Moussa Bazongo1*, Seydou Togo1, Issa Boubacar Maïga1, Abdoul Aziz Maïga1, Jacques Saye1, Amadou Sidibé2, Allaye Ombotimbe1, Cheick Ahmed Sekou Touré1, Ibrahim Coulibaly1, Jérôme Dakouo1, Nouhoun Diani2, Moussa Abdoulaye Ouattara1, Sadio Yéna1   Service de chirurgie thoracique, hôpital du Mali, Bamako. Service d’anesthésie réanimation, hôpital du Mali, Bamako. * Correspondance : baz_moussa@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-3-BAZ Citation : Bazongo M, Togo S, Maïga IB, Maïga AA, Saye J, Sidibé A,  Ombotimbe A, Sekou Touré CA, Coulibaly I, Dakouo J, Diani N, Ouattara MA, Yéna S. Traumatisme thoracique par blast : analyse de cinq cas à l’hôpital du Mali. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(3). doi: 10.24399/JCTCV23-3-BAZ RÉSUMÉ Objectif : décrire les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs des lésions thoraciques par effet blast. Patients et méthodes : étude prospective et descriptive réalisée dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali. Il s’agit de cas de traumatisme thoracique suite à un attentat suicide avec explosion. Les données diagnostiques et de prise en charge ont été analysées. Résultats : au total, quatre hommes et une femme d’un âge situé entre 22 et 46 ans ont été colligés. Le traumatisme thoracique était fermé dans tous les cas. Il y avait des lésions pariétales, pleuroparenchymateuses, médiastinales et trachéales. Sur le plan thérapeutique, après les soins d’urgence, une réanimation et un traitement conservateur ont suffi pour stabiliser les lésions. Les suites ont été simples. Conclusion : les traumatismes thoraciques par effet blast sont rares et graves. Ils engendrent des lésions multiples et variées. La tomodensitométrie thoracique permet de faire la cartographie des lésions provoquées et le drainage thoracique constitue l’essentiel du traitement chirurgical.   ABSTRACT Thoracic trauma by blast: analysis of 5 cases at the Hospital of Mali Objective: to describe the diagnostic, therapeutic and evolutive aspects of the thoracic lesions by blast effect. Patients and methods: prospective and descriptive study carried out in the thoracic surgery department of the Mali Hospital. These are cases of chest trauma following a suicide bombing. Diagnostic and management data were analyzed. Results: A total of four men and one woman, ranging in age from 22 to 46 years, were collected. Thoracic trauma was closed in all cases. There were parietal, pleuro-parenchymal, mediastinal and tracheal lesions. Therapeutically, after the emergency care, resuscitation and conservative treatment were sufficient to stabilize the lesions. The suites were simple. Conclusion: Blast-related chest trauma is rare and severe. They cause multiple and varied lesions. Thoracic CT is used to map lesions and thoracic drainage is the essential of surgical treatment.   1. Introduction Les traumatismes thoraciques par effet blast sont des lésions résultantes de l’impact de l’onde de choc sur le thorax suite à une explosion [1]. Au niveau du thorax, le poumon serait l’organe le plus sensible aux explosions [1]. Les lésions pulmonaires qui en résultent sont graves et surviennent le plus souvent dans un contexte de polytraumatisme [2]. Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique nécessitant une collaboration pluridisciplinaire. Actuellement, en raison de son accessibilité et de sa réalisation facile, l’échographie thoracique type fast (focused assessment sonography in trauma) permet en urgence, dans un bref délai, de faire un inventaire des lésions pleuropulmonaires et cardiopéricardiques ainsi que de poser l’indication d’un geste thérapeutique [3]. Depuis 2012, le Mali est plongé dans un conflit armé. L’utilisation par les belligérants d’engins explosifs est devenue de plus en plus fréquente [4]. Nous rapportons ici cinq cas démonstratifs de lésions thoraciques par effet blast afin de décrire les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs.   2. Patients et méthodes  Il s’agit d’une étude prospective et descriptive réalisée dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali. Elle a concerné les patients admis dans le service pour un traumatisme thoracique suite à un attentat suicide survenu dans un camp militaire à Gao le 18 janvier 2017. Gao est une localité située à 1200 kilomètre au nord-est de Bamako. L’attentat a été commis par l’utilisation d’une voiture piégée qui contenait une charge explosive faite d’engins artisanaux appelés improvised explosive devices. Après une prise en charge initiale sur place, les patients ont été évacués par voie aérienne à Bamako. À l’admission en urgence, une radiographie standard ainsi qu’une tomodensitométrie (TDM) thoracique étaient réalisées chez tous les patients. Leurs données diagnostiques, thérapeutiques et de surveillance ont été analysées. Le suivi des patients était basé sur l’examen clinique et la radiographie thoracique au 1er, 3e et 6e mois.   3. Résultats Au total cinq (5) patients ont été enregistrés. Le sexe-ratio était de 4. Les données sociodémographiques ainsi que la prise en charge initiale des patients avant leur évacuation à Bamako ont été résumées dans le tableau 1. Les données cliniques et radiologiques ont été répertoriées dans le tableau 2.   Tableau 1. Récapitulatif des données sociodémographiques et du traitement initial. Patients Âge/sexe (ans) Fonctions Délai d’admission Traitement initial 1 22/M   Ex-combattant   12 heures – Oxygénothérapie – Drainage thoracique droit – Antibiotique – antalgique – Vaccin et sérum antitétanique   2   23/M   Ex-combattant   48 heures – Oxygénothérapie – Parage des plaies – Vaccin et sérum antitétanique – Antibiotique – antalgique 3 35/M   Militaire 12 heures – Oxygénothérapie – Drainage thoracique gauche – Vaccin et sérum antitétanique – Antibiotique – antalgique   4   46/M   Militaire   12 heures – Parage – Vaccin et sérum antitétanique – Antibiotique – antalgique   5   38/F   Cuisinière   48 heures – Trachéotomie – Oxygénothérapie – Vaccin et sérum antitétanique – Antibiotique – antalgique M : masculin ; F : féminin.   Tableau 2. Répartition des patients en fonction des données cliniques et radiologiques Patients Signes cliniques Signes radiologiques 1 – Dyspnée – Douleurs thoraciques – Emphysème sous-cutané droit – Contusion pulmonaire bilatérale – Pneumothorax droit compressif – Emphysème sous-cutané 2 – Douleurs thoraciques – Délabrement de la paroi thoracique – Présence de débris telluriques pariétaux   3 – Dyspnée – Douleurs thoraciques – Emphysème sous-cutané – Hémothorax gauche – Contusion pulmonaire gauche – Fracture de la scapula – Emphysème sous-cutané   4 – Douleurs thoraciques – Délabrement pariétal thoracique – Plaie de l’avant-bras gauche – Présence de corps étranger dans partie molle de l’avant-bras gauche     5 – Dyspnée – Douleurs thoraciques – Emphysème sous-cutané cervicothoracique – Saturation en oxygène 78% – Plaie trachéale – Pneumomédiastin – Pneumothorax gauche minime – Emphysème sous-cutané cervicothoracique   Chez la seule patiente de l’échantillon, une rupture trachéale était suspectée devant un pneumomédiastin et un emphysème cervical dans un contexte de dyspnée avec désaturation à 78% à l’air ambiant. La rupture était objectivée par une TDM cervicothoracique et elle mesurait 1,5 cm. Ce défect n’était pas visualisé à l’endoscopie bronchique, car masqué par la canule de trachéotomie. Sur le plan thérapeutique, elle était la seule initialement admise en réanimation pour détresse respiratoire aiguë sévère. Tous les patients ont bénéficié d’une prise en charge psychosociale après leur hospitalisation par une équipe nationale composée de psychiatres et de sociologues mise en place pour traiter des blessés de guerre. Les autres données thérapeutiques ainsi que la surveillance des patients ont été rapportées dans le tableau 3.   Tableau 3. Répartition des patients en fonction des données thérapeutiques et évolutives. Patients Traitement complémentaire Évolution 1 – Redrainage thoracique – Kinésithérapie respiratoire – Bonne réexpansion pulmonaire – Durée d’hospitalisation : 6 jours 2 – Parage – Cicatrisation de la plaie – Durée d’hospitalisation : 4 jours 3 – Kinésithérapie respiratoire – Immobilisation épaule gauche – Bonne réexpansion pulmonaire – Consolidation de la scapula – Durée d’hospitalisation : 8 jours 4 Parage   – Cicatrisation – Durée d’hospitalisation : 5 jours   5 – Cicatrisation dirigée de la plaie trachéale – Oxygénothérapie – Corticothérapie – Kinésithérapie respiratoire – Cicatrisation de la plaie trachéale en 15 jours – Fermeture spontanée de la trachéotomie en 38 jours – Durée d’hospitalisation : 40 jours   La durée moyenne d’hospitalisation était de 12,6 jours avec des extrêmes de 4 et 40 jours (J). La médiane de la durée d’hospitalisation était de 6 jours avec un écart type de 15,39 jours. Au cours du suivi à J30, on notait une bonne évolution chez tous les patients. À J90, quatre patients ont été déclarés guéris sans séquelles avec une bonne réinsertion socioprofessionnelle. Dans un cas, on notait un trouble du comportement à type de syndrome dépressif. À 6 mois, tous les patients étaient déclarés guéris.   4. Discussion Les attentats terroristes ont été multipliés par quatre et le nombre de victimes par huit ces dix dernières années [1]. Le Mali est plongé depuis 2012 dans un conflit armé opposant les forces gouvernementales aux sécessionnistes d’une part et d’autre part aux djihadistes. L’utilisation des engins explosifs et les attentats suicides sont de plus en plus fréquents [4]. Le poumon reste l’un des organes le plus sensible à l’onde de choc provoquée par ces explosions [1]. Les lésions pulmonaires sont dues à l’impact de l’onde de choc sur le thorax. Le poumon serait le deuxième organe atteint par l’effet blast après le tympan et suivi du tube digestif. Sa prévalence a été estimée de 3 à 6% en fonction des études [1]. Dans les blessures thoraciques par effet blast, les lésions pulmonaires sont graves, multiples, variées et nécessitent une réanimation dans 2/3 des cas [1]. Ceci a été le cas chez un patient qui a bénéficié d’une prise en charge initiale en réanimation. En outre, dans l’étude d’Aschkenasy-Steuer et al., 47 de ces 51 patients ayant une atteinte pulmonaire ont nécessité une assistance ventilatoire [5]. Ces lésions pulmonaires s’intègrent le plus souvent dans le cadre d’un polytraumatisme. Ainsi, les lésions associées sont par ordre de fréquence abdominale, crânienne ou des membres [1,5]. Les lésions associées étaient la plaie trachéale et la fracture de l’omoplate. Dans la littérature, nous n’avons pas retrouvé de cas de description de lésions aortiques et cardiaques directement liées au traumatisme thoracique par blast [6]. Le dysfonctionnement cardiovasculaire observé dans les suites immédiates de l’onde de choc serait une conséquence de l’atteinte pulmonaire [2,6]. Les atteintes pleuropulmonaires ont habituellement un diagnostic clinique évident devant la dyspnée, les douleurs thoraciques, la toux associées parfois à des lésions pariétales [2]. La radiographie thoracique réalisée en première intention a permis une approche du diagnostic positif et de poser l’indication du geste d’urgence. Cependant la TDM thoracique a une sensibilité de 100% sans critère formel de diagnostic de blast pulmonaire [2]. Elle permet de faire un bilan lésionnel complet ainsi que le diagnostic les lésions intrathoraciques occultes. En outre, elle aide le chirurgien à poser une indication chirurgicale. Elle a été systématique en deuxième intention chez tous nos patients après la radiographie standard. Par ailleurs, l’imagerie thoracique reste encore d’accessibilité limitée voire impossible en situation d’urgence, surtout en cas d’afflux massif de blessés dans notre contexte. Cela explique que De Lesquen et al. sur les champs de guerre en Afghanistan n’ont pu réaliser une radiographie et une TDM thoracique que dans respectivement 30 et 63% des cas [7]. De plus en plus, l’échographie thoracique type fast occupe une place importante en urgence traumatologique. Elle permet dans un bref délai de confirmer un épanchement pleural et ou péricardique en cas d’instabilité hémodynamique et de poser l’indication d’un drainage thoracique en urgence [3]. Le fast échographie, bien qu’étant indisponible dans notre contexte, reste nécessaire aujourd’hui chez les patients polytraumatisés en urgence. Dans notre étude, comme chez Yazgan et Aksu [8], les lésions primaires retrouvées ont été entre autres la contusion pulmonaire, l’hémothorax, le pneumothorax et le pneumomédiastin. Cette imagerie doit s’étendre à l’abdomen en vue de rechercher une atteinte digestive associée [1,8]. La plaie trachéale observée chez la seule patiente serait liée à l’hyper-expression de l’onde de choc dans la trachée à glotte fermée. Bien que nous n’ayons pas suspecté d’atteinte tympanique chez nos patients, l’examen otoscopique devrait être systématique devant des lésions thoraciques par effet blast. Cette attitude se justifierait par le fait que les lésions tympaniques sont plus fréquentes que celles des poumons. Yazgan et Aksu [8] ont diagnostiqué 75% de lésions tympaniques contre 11% de lésions thoraciques chez leurs patients. Sur le plan thérapeutique, la prise en charge est urgente et pluridisciplinaire. Chez nos patients, la prise en charge initiale a été réalisée sur les lieux de l’attentat. L’oxygénothérapie et le drainage thoracique ont été les gestes essentiels qui ont permis une stabilisation de l’état des patients, puis leur évacuation pour une prise en charge en milieu spécialisé. Cette attitude était similaire à celle rapportée par d’autres auteurs [2,6]. L’évacuation d’un épanchement pleural compressif par une ponction ou un drainage constitue avec la ventilation pulmonaire l’essentiel du traitement de la détresse respiratoire [1,6]. Ainsi, le pronostic des blessés thoraciques par blast est fonction de la qualité de sa prise en charge initiale. Elle permet de prévenir ses complications et séquelles anatomofonctionnelles.   5. Conclusion Les traumatismes thoraciques au décours d’un blast sont graves, multiples et variés. Le diagnostic clinique est évident. La TDM thoracique permet de faire la cartographie des lésions provoquées. La prise en charge est urgente et pluridisciplinaire. L’évacuation des épanchements pleuraux constitue l’essentiel du traitement de la détresse respiratoire.   Références Clapson P, Pasquier P, Perez J-P, Debien B. Lésions pulmonaires liées aux explosions. Rev Pneumol Clin 2010;66(4):245-53.https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2010.07.008PMid:20933166 Wolf SJ, Bebarta VS, Bonnett CJ, Pons PT, Cantrill SV. Blast injuries. The Lancet 2009;374(9687):405-15.https://doi.org/10.1016/S0140-6736(09)60257-9 Adnet F, Galinski M, Lapostolle F. Échographie en traumatologie pour l'urgentiste : de l'enseignement à la pratique. Réanimation 2004;13(8):465-70.https://doi.org/10.1016/j.reaurg.2004.09.002 Human Rights Watch. Le conflit armé au Mali et ses conséquences 2012 à 2017. HRW.org, cité 20 déc 2017. Aschkenasy-Steuer G, Shamir M, Rivkind A et al. Clinical review: the Israeli experience: conventional terrorism and critical care. Crit Care 2005;9(5):490-99.https://doi.org/10.1186/cc3762PMid:16277738 PMCid:PMC1297605 Plurad DS. Blast injury. Mil Med 2011;176(3):276-82.https://doi.org/10.7205/MILMED-D-10-00147PMid:21456353 De Lesquen H, Béranger F, Berbis J et al. Traumatismes thoraciques de guerre en Afghanistan : analyse du registre du service de santé des armées français. E-Mém Académie Natl Chir 2015;14(4):070-6. Yazgan C, Aksu NM. Imaging features of blast injuries: experience from 2015 Ankara bombing in Turkey. Br J Radiol 2016;89(1062):20160063.https://doi.org/10.1259/bjr.20160063PMid:26959613 PMCid:PMC5258177   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 02/02/2019. Acceptation : 10/05/2019. Pré-publication : 07/06/2019.
septembre 20, 2019
Cas clinique · Vol. 23 Septembre 2019

Cellulite nécrosante mammaire : une cause rare de pyothorax

Seydou Togo1*, Moussa Abdoulaye Ouattara1, Moussa Bazongo1, Issa Boubacar Maïga1, Cheick Ahmed Sékou Touré2, Abdoul Aziz Maïga1, Jacques Saye2, Ibrahim Coulibaly1, Allaye Ombotimbé1, Sitta Illiassou1, Souleymane Coulibaly1, Moussa Oscar Kamano1, Mamadou Salo Koita1, Soungalo Diop1, Koumba Nelly Dora Ignanga1, Sanibé Dramane Koné1, Adama Issa Koné1, Jérôme Dakouo1, Sadio Yéna1   Service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali, Bamako. Service de chirurgie B, CHU Point G, Bamako, Mali. * Correspondance : drseydoutg@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-3-TOG Citation : Togo S, Ouattara MA, Bazongo M, Maïga IB, Sékou Touré CA, Maïga AA, Saye J, Coulibaly I, Ombotimbé A, Illiassou S, Coulibaly S, Kamano MO, Salo Koita M, Diop S, Dora Ignanga KN, Dramane Koné S, Koné AI, Dakouo J, Yéna S. Cellulite nécrosante mammaire : une cause rare de pyothorax.  Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(3). doi: 10.24399/JCTCV23-3-TOG RÉSUMÉ Objectif : rapporter un cas de cellulite nécrosante mammaire droite compliquée d’un pyothorax afin de décrire les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs.   Observation : il s’agit d’une patiente de 18 ans, primigeste, primipare, allaitante depuis 6 mois, reçue en mars 2018 pour une dyspnée associée à une nécrose suintante du sein droit. Elle présentait une nécrose douloureuse et fébrile du sein droit non traitée depuis 2 mois. À l’admission, elle avait un état général classé status OMS 3, une dénutrition sévère, une nécrose du sein droit et une fistulisation du pus dans la cavité pleurale homolatérale avec un pyothorax. La tomodensitométrie thoracique a objectivé une pachypleurite droite. Une décortication pulmonaire par abord antérolatéral droit associée à une nécrosectomie mammaire droite a été réalisée. L’évolution a été marquée par la persistance de la suppuration pariétale, un empyème résiduel et un défaut de réexpansion pulmonaire. Après lavage-drainage de la cavité thoracique résiduelle et une correction nutritionnelle, une thoracomyoplastie a été réalisée. Les suites ont été favorables. La durée d’hospitalisation était de 70 jours. Conclusion : la diffusion intrapleurale d’une cellulite mammaire témoigne d’une évolution ultime. Elle est rare, grave et nécessite une chirurgie lourde et itérative.   ABSTRACT Necrotizing breast cellulitis: a rare cause of pyothorax Objective: To report a case of necrotizing right breast necrosis complicated by a pyothorax in order to describe the diagnostic, therapeutic and evolutionary aspects. Observation: This is an 18-year-old patient, primigravida, primiparous, breastfeeding for 6 months, received in March 2018 for dyspnea associated with oozing necrosis of the right breast. She had a painful and feverish necrosis of the right breast that had not been treated for two months. On admission, she had a general state classified as WHO status 3, severe malnutrition, right breast necrosis and fistulization of pus in the ipsilateral pleural cavity with a pyothorax. Thoracic CT- scan showed right pachypleuritis. Pulmonary decortication by right anterolateral approach associated with right breast necrosectomy was performed. The evolution was marked by the persistence of parietal suppuration, a residual empyema and a defect of pulmonary re-expansion. After washing-draining the residual chest cavity and a nutritional correction, a thoracomyoplasty was performed. The evolution was simple. The duration of hospitalization was 70 days. Conclusion: the intra pleural diffusion of a breast cellulitis testifies to an ultimate evolution. It is rare, serious and requires heavy and iterative surgery.   1. Introduction La cellulite nécrosante mammaire «mangeuse de chair» est une affection rare et grave [1]. Elle survient le plus souvent après un traumatisme mammaire, une chirurgie conservatrice du sein et plus rarement de manière spontanée chez les femmes allaitantes [2]. Sa diffusion dans la cavité pleurale est exceptionnelle et gravissime. Elle constitue une urgence médicochirurgicale extrême nécessitant une prise en charge précoce, adéquate et spécialisée [3]. Le traitement chirurgical est souvent agressif et peut être source de préjudices esthétiques et fonctionnels. Nous rapportons un cas de cellulite nécrosante mammaire droite compliquée d’un pyothorax droit chez une femme allaitante afin de rapporter les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs.   2. Observation Patiente de 18 ans, ménagère, primigeste et primipare, allaitante depuis 6 mois, admise pour une dyspnée associée à une nécrose suintante du sein droit. Elle présentait une tuméfaction douloureuse et fébrile du sein droit non traitée depuis 2 mois. À l’admission, l’examen notait un état général classé status OMS 3, une température à 39,8 ˚C, une fréquence cardiaque à 120 bat/mn et une fréquence respiratoire à 28 cycle/mn. La tension artérielle était de 100/60 mmHg, la SaPO2 à 92% et une dénutrition sévère avec un indice de masse corporelle à 17 kg/m2. Les 4/5 du sein droit étaient nécrosés avec une amputation du mamelon. On notait une fistulisation du pus dans la cavité pleurale homolatérale responsable d’un pyothorax [figure 1A]. La radiographie thoracique a objectivé une opacité pleurale surmontée d’une hyperclarté avasculaire en faveur d’un hydropneumothorax. La tomodensitométrie thoracique a mis en évidence un épanchement droit mixte enkysté avec une nécrose partielle du muscle grand pectoral droit [figure 1B].   [caption id="attachment_4491" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Aspect clinique et radiologique à l’admission.A. Nécrose suintante avec une amputation partielle du sein droit.B. Pyopneumothorax droit enkysté avec une nécrose partielle du muscle grand pectoral droit.[/caption]   À la biologie, on notait une hyperleucocytose à 19000/mm3 à prédominance neutrophile et un taux d’hémoglobine à 10g/dl. Le reste des examens biologiques préopératoires étaient sans particularité. En urgence, un drainage thoracique, une hydratation, une analgésie et une triple antibiothérapie par voie intraveineuse à base de ceftriaxone 2g/24h, de métronidazole 500 mg toutes les 8 heures et de la gentamicine 160 mg/ 24h ont été réalisés. Au troisième jour d’hospitalisation, sous anesthésie générale avec intubation sélective, une décortication pulmonaire par abord antérolatéral droit associée à une nécrosectomie mammaire droite a été réalisée. Une kinésithérapie respiratoire a été instaurée dès le 1er jour postopératoire. L’examen bactériologique du pus a isolé un staphylocoque à coagulase négative. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire notait une mastite aiguë suppurée sans signe de malignité. Au 3e jour postopératoire, on notait une bonne réexpansion pulmonaire à la radiographie thoracique. L’évolution après une semaine a été marquée par la persistance de la suppuration pariétale, une pleurostomie de nécessité, un empyème thoracique et un collapsus pulmonaire [figure 2].   [caption id="attachment_4492" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Complications après la décortication et la nécrosectomie mammaire droite.A. Pleurostomie de nécessité.B. Hydropneumothorax avec une atélectasie pulmonaire droite.[/caption]   Une irrigation – drainage pleurale –, une correction nutritionnelle et des pansements étaient réalisés. Après 2 mois d’hospitalisation, une thoracomyoplastie utilisant comme lambeau le muscle grand dorsal après resection des 3e, 4 e, 5 e, et 6e  côtes droites a été réalisée. Les suites ont été favorables avec une déformation thoracique inesthétique. La durée d’hospitalisation était de 70 jours. Une greffe de peau a été réalisée au 5e mois d’évolution de la plaie cutanée. Le greffon s’est nécrosé au 7e jour postopératoire. La cicatrisation complète de la plaie a été obtenue après 8 mois de pansement chronique au prix d’une cicatrice disgracieuse. Après 12 mois d’évolution, l’examen clinique et radiographique de la patiente était normal [figure 3]. La patiente avait une bonne qualité de vie avec une reprise de ses activités sans aucune restriction.   [caption id="attachment_4493" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Évolution à un an.A. Cicatrisation disgracieuse de la plaie avec une déformation thoracique.B. Bonne réexpansion pulmonaire.[/caption]   3. Discussion La cellulite nécrosante est une infection caractérisée par une nécrose du tissu celluleux sous-cutané, des fascias et des muscles. Elle atteint le plus souvent les membres, le périnée et la paroi abdominale [3,4]. L’atteinte du sein est extrêmement rare [1]. C’est une pathologie grave avec une létalité élevée [5]. L’infection de la glande mammaire fait suite le plus souvent à une chirurgie conservatrice du sein, à un traumatisme mammaire, à une diffusion septique locorégionale, et plus rarement de manière spontanée ou consécutive à l’allaitement comme cela a été le cas chez notre patiente [2,6]. L’infection de la glande mammaire chez notre patiente pourrait être liée à plusieurs mécanismes qui peuvent être intriqués, à savoir, les crevasses, les fissures du mamelon par microtraumatismes répétés et l’engorgement mammaire [7]. Plusieurs facteurs de risques ont été rapportés dans la littérature. Ce sont notamment le diabète, l’obésité, l’immunodépression, les maladies vasculaires périphériques et l’alcoolisme [3,7]. La particularité chez notre patiente est que la cellulite a été responsable d’une auto-amputation des 4/5 du sein avec une diffusion du processus infectieux dans la plèvre. Cette évolution clinique est exceptionnelle et nous n’avons pas connaissance de cas similaire décrit dans la littérature. Sur le plan diagnostique, le choc septique, la douleur, la nécrose mammaire et la dyspnée ont été les principaux signes cliniques retrouvés dans notre étude, comme chez la majorité des auteurs [3,6]. Cependant la dyspnée retrouvée chez notre patiente comme chez Birnbaum et al. [4] serait liée à la diffusion septique du pus dans la cavité thoracique droite. Chez Togo et al. [6] comme chez d’autres auteurs, elle s’intégrait dans le cadre du choc septicémique et ou de l’anémie [1]. Le staphylocoque à coagulase négative a été le seul germe isolé chez notre patiente. Cependant dans les cas rapportés par Togo et al. [6] et Kaczynski et al. [1] la culture microbiologique était polymicrobienne. Sur le plan de l’imagerie, le scanner thoracique est le meilleur examen qui permet un bilan lésionnel exhaustif, la recherche de lésions associées et de poser l’indication opératoire. Il a permis dans notre étude comme chez d’autres auteurs une évaluation théorique des limites de la nécrosectomie et des gestes thérapeutiques associés [4,6]. L’atteinte de la glande mammaire était très sévère chez notre patiente car responsable d’une auto-amputation des 4/5 du sein rendant de facto impossible toute chirurgie conservatrice. Sur le plan thérapeutique, en urgence, le drainage thoracique, l’antibiothérapie ont été les premiers réalisés. Ils ont permis la stabilisation de l’état de la patiente par un contrôle local et général de l’infection. Dans notre étude comme chez Delotte et al. [7], la mastectomie a été radicale. Cette attitude se justifie par une nécrose quasi complète de la glande mammaire. L’extension pleurale du processus infectieux avec formation d’une pachypleurite a justifié la réalisation d’une décortication pulmonaire chez notre patiente comme chez Birnbaum et al. [4]. Cette décortication pulmonaire a été un facteur surajouté de morbidité et souvent de traitement difficile. Ainsi, devant l’empyème résiduel postopératoire, une irrigation-lavage a permis le contrôle de l’infection et de tarir la cavité pleurale. Cependant devant la non-réexpansion pulmonaire, la thoracomyoplastie, bien qu’étant très agressive, a permis un comblement de la cavité thoracique avec affaissement de la paroi thoracique homolatérale. Notre attitude a été identique à celle de Lakranbi et al. [8] dans le traitement du pyothorax. L’amputation du sein et la thoracomyoplastie ont été responsables d’une déformation inesthétique, source de difficultés de réinsertion socioprofessionnelle.   4. Conclusion La cellulite mammaire nécrosante est une affection rare. Sa diffusion intrapleurale est exceptionnelle, grave et témoigne d’une évolution ultime. L’allaitement maternel mal conduit a été le facteur de risque de la cellulite. Sa prise en charge est médicochirurgicale et nécessite une chirurgie lourde parfois itérative qui génère des séquelles inesthétiques.   Références Kaczynski J, Dillon M, Hilton J. Breast necrotising fasciitis managed by partial mastectomy. BMJ Case Rep 2012;2012:bcr0220125816.https://doi.org/10.1136/bcr.02.2012.5816PMid:22669861 PMCid:PMC4543276 Lee JH, Lim YS, Kim NG, Lee KS, Kim JS. Primary necrotizing fasciitis of the breast in an untreated patient with diabetes. Arch Plast Surg 2016;43(6):613-614.https://doi.org/10.5999/aps.2016.43.6.613PMid:27896201 PMCid:PMC5122559 Konik RD, Cash AD, Huang GS. Necrotizing fasciitis of the breast managed by partial mastectomy and local tissue rearrangement. Case Rep Plast Surg Hand Surg 2017;4(1):77-80.https://doi.org/10.1080/23320885.2017.1364970PMid:28971110 PMCid:PMC5613904 Birnbaum DJ, D'Journo XB, Avaro JP, et al. Fasciite nécrosante de la paroi thoracique. J Chir Thorac Cardio-Vasc 2009;13:49-52. Derancourt C. Quelle prise en charge pour les cellulites et fasciites nécrosantes? Médecine Mal Infect 2000;30:420s-426s.https://doi.org/10.1016/S0399-077X(01)80044-5 Togo S, Yena S, Ouattara M, et al. Cellulite nécrosante descendante infectieuse d'origine dentaire à diffusion mammaire : analyse de deux cas. Rev malienne d'infectiologie microbiol 2016;(7):8-12. Delotte J, Karimdjee BS, Cua E, et al. Gas gangrene of the breast: management of a potential life-threatening infection. Arch Gynecol Obstet 2009;279(1):79-81.https://doi.org/10.1007/s00404-008-0642-3PMid:18401589 Lakranbi M, Rabiou S, Belliraj L, et al. Quelle place pour la thoracostomie-thoracomyoplastie dans la prise en charge des pyothorax chroniques ? Rev Pneumol Clin 2016;72(6):333-339.https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2016.08.004PMid:27776948   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 30/05/2019. Acceptation : 19/07/2019. 
septembre 20, 2019
Chirurgie factuelle · Vol. 23 Septembre 2019

Lobectomie ou résection infralobaire pour cancer pulmonaire de stade localisé ?

Pascal Alexandre Thomas 1,2* Service de chirurgie thoracique, hôpital Nord, Aix-Marseille Université & Assistance publique-hôpitaux de Marseille. Laboratoire d’oncologie prédictive, Centre de recherche en cancérologie de Marseille, Inserm UMR1068, CNRS UMR7258, Aix-Marseille Université UM105, Marseille.   * Correspondance : pathomas@ap-hm.fr DOI : 10.24399/JCTCV23-3-THO Citation : Thomas PA. Lobectomie ou résection infralobaire pour cancer pulmonaire de stade localisé ?  Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(3). doi: 10.24399/JCTCV23-3-THO   Depuis la publication du Lung Cancer Study Group en 1995, établissant la lobectomie comme l’exérèse de référence dans le traitement curatif des cancers broncho-pulmonaires primitifs localisés [1], tout ou à peu près tout a changé. L’épidémiologie d’abord, avec maintenant une large prédominance d’adénocarcinomes de topographie volontiers périphérique. Les patients ensuite avec le vieillissement de la population et en corollaire le terrain plus à risques de complications postopératoires du fait de co-morbidités respiratoires et cardiovasculaires liées au tabac qui sont en outre autant de causes compétitives de mortalité à moyen et long termes. Les méthodes de stadification de la maladie sont devenues très performantes avec l’imagerie en coupes de haute résolution incluant une imagerie cérébrale, la tomodensitométrie à émission de positons, et les méthodes d’évaluation du statut ganglionnaire par cytoponction sous contrôle écho-bronchoscopique. Enfin, le développement de programmes de dépistage individuels et/ou collectifs permet le diagnostic de cancers de petites tailles et de stades «précoces» dans une proportion substantielle de sujets à risque avec un vrai impact positif sur le pronostic. On pourrait ajouter l’importance donnée, à côté de la survie, à la qualité de vie comme objectif du traitement à intention curative. Ces changements ont alimenté une réflexion collective sur l’intérêt d’une chirurgie résolument économe en parenchyme pulmonaire, respectant la segmentation broncho-vasculaire du poumon, à même de préserver la fonction respiratoire et la qualité de vie des opérés et de limiter le risque opératoire, sans pour autant compromettre le pronostic oncologique.   Cette réflexion a abouti à l’initiation de deux larges essais randomisés : l’essai nord-américain (Alliance/CALGB 140503) en 2007 et l’essai japonais (JCOG0802/WJOG4607L) en 2009 qui tous deux testent l’hypothèse de non-infériorité oncologique des résections infralobaires par rapport aux lobectomies dans le traitement des tumeurs périphériques de petites tailles (< 2 cm) et sans atteinte ganglionnaire clinique (cN0). Ces deux essais sont maintenant clos, ayant atteint leurs objectifs d’inclusion de 697 et 1106 patients, respectivement en 2017 et 2014. Les résultats oncologiques (survie sans récidive pour l’essai nord-américain, survie globale pour l’essai japonais) devraient être disponibles en 2020-2022. Les résultats intermédiaires, en termes de morbidité et de mortalité, ont été récemment rapportés, et permettent d’établir de nouvelles valeurs de référence pour la pratique quotidienne. L’essai nord-américain a comparé 357 patients ayant eu une lobectomie à 340 patients ayant eu une résection infralobaire (cunéiforme dans 60% des cas, segmentectomie anatomique dans 40%). Une technique mini-invasive vidéo-assistée avait été utilisée dans 80% des cas, dans les deux groupes. Les taux de mortalité à 30 jours et à 90 jours ont été respectivement de 0,9% (1,1% vs. 0,6%), et de 1,4% (1,7% vs. 1,2%). Les taux de complications sévères (grade 3 et plus de la classification de Clavien – Dindo) étaient respectivement de 15% et 14%. Il n’y eut donc aucune différence entre les deux groupes vis à vis du risque chirurgical [2]. L’essai japonais a comparé 554 patients ayant eu une lobectomie à 552 patients ayant eu une résection infralobaire (segmentectomie anatomique dans 100% des cas). Une technique mini-invasive vidéo-assistée, mais incluant parfois une mini-thoracotomie, avait été utilisée dans 89% des cas, dans les deux groupes. La mortalité à 30 jours a été nulle dans les deux groupes. Les taux de complications sévères (grade 3 et plus de la classification de Clavien – Dindo) étaient très inférieurs à 1%. Il n’y eut aucune différence entre les deux groupes vis à vis du risque chirurgical, à l’exception de fuites aériennes prolongées plus fréquentes après segmentectomie (6,5% vs. 3,8%, p=0,04) [3].   Ces deux essais montrent qu’il est possible de conduire avec succès des études randomisées multicentriques de grandes tailles en atteignant les objectifs d’inclusion dans des délais raisonnables. Ils font état de résultats en termes de morbi-mortalité postopératoires des exérèse pulmonaires pour cancer particulièrement bas quelle qu’ait été l’étendue de la résection parenchymateuse. Aucun des deux essais ne fait cependant état de résultats concernant la qualité de vie ou la fonction respiratoire résiduelle dans cette population de patients initialement aptes à recevoir indifféremment une lobectomie ou une résection infralobaire. Le débat reste donc ouvert, et les résultats oncologiques seront particulièrement précieux pour départager ces deux types de résection pulmonaire dans le contexte de patients à risque chirurgical standard, de tumeur périphérique de petites tailles et de maladie de stade précoce.   Si tout a changé depuis l’essai pionnier du LCSG, l’équivalence des deux types de résection pulmonaire en termes de morbi-mortalité immédiate demeure bien d’actualité ! Il faudra encore un peu de patiente avant de finalement décider ou non d’un changement de «standard» dans les pratiques chirurgicales, voire même de recommandations de prise en charge dans le contexte concurrentiel introduit par l’avènement des techniques ablatives alternatives à la chirurgie.   Références Ginsberg RJ, Rubinstein LV. Randomized trial of lobectomy versus limited resection for T1 N0 non-small cell lung cancer. Lung Cancer Study Group. Ann Thorac Surg 1995;60:615-22.https://doi.org/10.1016/0003-4975(95)00537-U Altorki NK, Wang X, Wigle D, Gu L, Darling G, Ashrafi AS, Landrenau R, Miller D, Liberman M, Jones DR, Keenan R, Conti M, Wright G, Veit LJ, Ramalingam SS, Kamel M, Pass HI, Mitchell JD, Stinchcombe T, Vokes E, Kohman LJ. Perioperative mortality and morbidity after sublobar versus lobar resection for early-stage non-small-cell lung cancer: post-hoc analysis of an international, randomised, phase 3 trial (CALGB/Alliance 140503). Lancet Respir Med 2018;6:915-924.https://doi.org/10.1016/S2213-2600(18)30411-9 Suzuki K, Saji H, Aokage K, Watanabe SI, Okada M, Mizusawa J, Nakajima R, Tsuboi M, Nakamura S, Nakamura K, Mitsudomi T, Asamura H; West Japan Oncology Group; Japan Clinical Oncology Group. Comparison of pulmonary segmentectomy and lobectomy: Safety results of a randomized trial. J Thorac Cardiovasc Surg 2019;158:895-907.https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2019.03.090PMid:31078312
septembre 20, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Septembre 2019

Délai optimal de revascularisation chirurgicale des infarctus du myocarde hémodynamiquement stables et facteurs de mauvais pronostic

Chloé Bernard, Marie Catherine Morgant*, Aline Jazayeri, Alain Bernard, Ghislain Malapert, Saed Jazayeri, Andranik Petrosyan, Olivier Bouchot. Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU de Dijon, France. * Correspondance : mariecatherine.morgant@chu-dijon.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-3-BER Citation : Bernard C, Morgant MC, Jazayeri A, Bernard A, Malapert G, Jazayeri S, Petrosyan A, Bouchot O. Délai optimal de revascularisation chirurgicale des infarctus du myocarde hémodynamiquement stables et  facteurs de mauvais pronostic. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(3). doi: 10.24399/JCTCV23-3-BER RÉSUMÉ Objectif : Après un infarctus du myocarde (IDM), l’artère coupable est généralement reperméabilisée par angioplastie, mais certains patients n’en bénéficient pas, ayant à la place une chirurgie dont la mortalité est élevée (15-20%). Notre objectif était de définir un délai optimal de revascularisation chirurgicale des patients stables après IDM. Méthodes : étude rétrospective, monocentrique de 2007 à 2017 incluant 477 patients victimes d’IDM, hémodynamiquement stables au diagnostic et opérés de pontages coronariens en semi-urgence. Trois groupes ont été définis en fonction du délai de revascularisation : £2 (n=32, 6,7%), 3-10 (n=321, 67,3%) et ³ 11 jours (n=124, 26%). Résultats : les 3 groupes ne présentaient pas de différence significative concernant leurs caractéristiques préopératoires. La mortalité à 30 jours était de 5,5% (n=26), significativement plus élevée dans le groupe revascularisé avant J2 (15,6 vs 4 vs 6,45%, p=0,019). Les facteurs de risque de mortalité identifiés dans notre étude étaient l’âge (OR-1,05 [1,00-1,11] p=0,027), l’artériopathie périphérique (OR-3,31 [1,16-9,43] p=0,024) et la récidive ischémique (OR-4,88 [2,12-11,3] p<0,001). Il existait 92 récidives (19%) préopératoires avec un taux plus élevé dans les groupe 1 et 3 (14 (40%) vs 48 (15%) vs 30 (24%), p<0,001). Conclusion : le délai optimal de revascularisation post-IDM semble être entre J3 et J10. Le terrain et la gravité de la maladie semblant également influencer la mortalité, une prise en charge personnalisée doit être discutée.   ABSTRACT Optimal timing of surgical revascularization in hemodynamically stable patients after acute myocardial infarction and definition of poor prognosis factors Objective: After myocardial infarction (MI), culprite artery is revascularized with angioplasty. Surgery complete the procedure in second time. If surgery is emergent, resulting death rate is 15-20%. Our aim was defined optimal timing for revascularization surgery in stable patients after MI.  Methods: 2007-2017 retrospective monocentric study including 477 patients after MI, stable, who underwent urgent coronary bypass. 3 groups were described, depending on surgery timing ; during the first two days (n=32, 6.7%), between 3-10days (n=321, 67.3%) and after 11days (n=124, 26%). Primary end point was 30-day mortality. Results: Clinical characteristics didn’t differ in the 3 groups. Death rate was significantly higher in group1 (n=5; 15.6 %vs n=13; 4.0 % vs n=8; 6.4 %, p=0.019). Mortality risk factors were age (OR1.05; CI95%: 1.00-1.11; p= 0.027), arteriopathy (OR3.31; CI95%: 1.16-9.43; p=0.024) and preoperative ischemic recurrency (OR 4.88; CI95%: 2.12-11.3; p< 0.001). 92 patients presented preoperative ischemic recurrency (19%) with higher rate in groups 1&3 [14(40%) vs 48(15%) vs 30(24%), p< 0.001]. Recurrency rate was significantly higher in patients with unsuccessful angioplasty (7vs 15%, p=0.02). Conclusion: Optimal timing for surgical revascularization of MI seems to be between 3 and 10 days in stable patients. Patient’s condition and disease severity must be considered in individual management strategy.   1. Introduction L’infarctus du myocarde (IDM) représente une cause majeure de mortalité en France. Son incidence est stable du fait du vieillissement de la population et de la persistance des facteurs de risque cardiovasculaire. Néanmoins, depuis quelques années, avec l’essor des unités de soins intensifs cardiologiques et le développement de nouvelles thérapeutiques, notamment l’angioplastie, la fibrinolyse et la pharmacologie antithrombotique, la mortalité qui en découle a nettement diminué. Jusqu’ici, la chirurgie de revascularisation par pontages coronariens (PC) était restée en marge du traitement en urgence, puisque réalisée précocement, elle a tendance à entraîner une morbimortalité élevée par extension et hémorragie de la zone infarcie. Actuellement, elle est réservée à la revascularisation complète dans un second temps, après la désobstruction de l’artère coupable par angioplastie ou fibrinolyse à la phase aiguë. En pratique, seulement 5% des IDM sont revascularisés chirurgicalement en urgence en première intention [1]. Cinq autres pourcents des patients bénéficient de pontages en situation de sauvetage après échec de l’angioplastie primaire [1]. La mortalité opératoire de ces patients opérés précocement est particulièrement élevée : 15 à 20% pour les patients opérés dans les 48 heures après IDM et 4-5% pour ceux opérés après 48 heures [2,3]. Face à cette mortalité élevée des pontages réalisés précocement, de nombreuses équipes ont étudié l’influence du délai de revascularisation [4,5], de la circulation extracorporelle (CEC) [6,7] et de l’existence de facteurs de mauvais pronostic en préopératoire. Différents délais de revascularisation ont été analysés dans la littérature, mais il est difficile de donner des conclusions du fait de la grande hétérogénéité des études. En effet, d’une part, les délais proposés varient de 6 heures à 30 jours, et d’autre part, le profil de risque des patients modifie la mortalité postopératoire [8]. Il existe par exemple un surisque chez les patients à haut risque cardiovasculaire dont la définition varie là aussi en fonction des études. L’objectif principal de notre étude est donc de définir un délai optimal de revascularisation chirurgicale après infarctus du myocarde chez les patients hémodynamiquement stables. L’objectif secondaire est de mettre en évidence les facteurs de mauvais pronostic pré et peropératoires.   2. Matériels et méthodes Entre janvier 2007 et décembre 2017, 14.518 patients ont été pris en charge pour IDM au centre hospitalier universitaire de Dijon. Parmi ces patients, 477 (3,3%) ont bénéficié d’une revascularisation chirurgicale par pontages. Nous avons formé 3 groupes à partir de cette population en fonction du délai séparant le diagnostic d’infarctus de la réalisation de pontages. Cet intervalle de temps exprimé en jours est défini par le terme «délai IDM-PAC». La répartition des patients dans les différents groupes (≤2 jours, entre 3 et 10 jours et ≥11 jours) est rapportée dans la figure 1.   [caption id="attachment_4509" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Sélection des patients.[/caption]   L’ensemble des données a été recueilli de façon rétrospective grâce aux dossiers informatisés des patients. Le diagnostic d’IDM était fait sur l’association de douleurs thoraciques typiques ou atypiques, de modifications électriques de l’électrocardiogramme (ECG) (décalage du segment ST, bloc de branche gauche de novo, modification de l’onde T) et d’une hausse de la troponine (définie par un dosage ³0,10µg/L). Dans notre population, 162 patients (34%) avaient fait un syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST (syndrome coronarien aigu = SCA ST+) et 315 (66%) un SCA sans sus-décalage du segment ST (SCA ST-). Les critères d’inclusion étaient les patients majeurs ayant présenté un SCA, hémodynamiquement stables au moment du diagnostic et ayant bénéficié d’une revascularisation chirurgicale par pontages en 1re intention ou dans les suites d’un échec d’angioplastie primaire. Les patients présentant un choc cardiogénique (Killip 3 et 4), une complication d’infarctus type communication interventriculaire (CIV) ou une insuffisance mitrale (IM) ischémique nécessitant une chirurgie combinée, ceux requérant une chirurgie associée (remplacement valvulaire et/ou remplacement d’aorte ascendante) ou ceux ayant présenté un arrêt cardiorespiratoire avant coronarographie diagnostique étaient exclus. Le critère de jugement principal était la mortalité globale postopératoire. Elle regroupait l’ensemble des décès survenus dans les 30 jours suivant la chirurgie. Les critères de jugement secondaires étaient les récidives ischémiques préopératoires (association de douleurs thoraciques, d’ascension des troponines ou de modifications électriques dans l’intervalle IDM-PAC) et la survenue d’événements cardiaques ou cérébrovasculaires majeurs en postopératoire. Ces événements étaient définis par le bas débit d’origine cardiaque (signes d’hypoperfusion périphérique associés à une altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche ± hyperlactatémie), le choc cardiogénique (hypotension artérielle ne répondant pas au remplissage vasculaire et nécessitant un support en amines), l’arrêt cardiorespiratoire, les reprises pour tamponnade ou saignement médiastinal postopératoire majeur et les accidents vasculaires cérébraux (AVC objectivés par une imagerie cérébrale). Les patients avaient tous bénéficié d’une coronarographie diagnostique ainsi que d’une administration d’anti-agrégant plaquettaire (aspirine) en préopératoire. La chirurgie se faisait par abord conventionnel (sternotomie médiane), le choix de l’utilisation d’une circulation extracorporelle (CEC) dépendait de l’opérateur et de la fonction cardiaque du patient, tout comme le choix des greffons (artères mammaires internes gauche et droite et veine saphène interne). Cette étude a reçu l’aval du comité d’éthique local et a été enregistré sur Clinical Trials sous le numéro NCT03863158.   3. Analyses statistiques Les variables continues étaient exprimées par leur moyenne et leur écart type. Les variables catégorielles étaient rapportées par leur effectif et pourcentage respectif. En analyse univariée, les variables continues ont été comparées grâce au test t de Student. Les variables catégorielles ont été comparées grâce au test de Chi2. Pour l’analyse multivariée, nous avions utilisé un modèle de régression logistique dans lequel avaient été incluses les variables préopératoires qui avaient un p<0,2 au cours de l’analyse univariée. L’adéquation du modèle a été testée à l’aide du test de Hosmer-Lemeshow. La valeur prédictive du modèle a été évaluée grâce à l’aire sous la courbe ROC. Le logiciel de statistique utilisé était Stata 14 (StataCorp, College Station, Texas, États-Unis).   4. Résultats   4.1. Population   4.1.1. Préopératoire Les 3 groupes possédaient des caractéristiques clinicobiologiques préopératoires comparables [tableau 1]. Un quart de la population totale étaient des femmes (n=111, 23%). Les facteurs de risques cardiovasculaires étaient principalement représentés par les antécédents de tabagisme (55%), le diabète (26%), l’obésité (22%) et l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) touchant 13% des patients. Trente-trois patients (7%) présentaient une insuffisance rénale préopératoire (définie par une créatinine >200µmol/L). La fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) moyenne était de 53±11,4%. Il n’existait pas de différence significative (p=1,15) de l’Euroscore 2, dans et entre les 3 groupes (4,35±2,9 vs 2,89±3,6 vs 3,09±5,1) avec une moyenne de 3,04±4,1. La proportion de patients présentant un SCA ST+ était la plus élevée dans le groupe 1 (50% vs 36% vs 23%). La majorité des patients n’avait pas nécessité de transfusion en pré ou peropératoire, mais le groupe 1 fut significativement plus transfusé que les autres avec un nombre moyen de 1,25 culot transfusé par patient (vs 0,85 et 0,91, p=0,037).   Tableau 1. Caractéristiques préopératoires. CGR : concentrés de globules rouges ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche.   Quarante et un patients avaient bénéficié d’une tentative d’angioplastie stenting lors de la coronarographie diagnostique (8,6%). Soixante-huit patients (14%) avaient nécessité la mise en place d’un ballon de contrepulsion immédiatement après la réalisation de la coronarographie, principalement en cas de sténose serrée du tronc commun. On dénombrait au total 230 atteintes du tronc commun (48%), sans différence significative dans la répartition entre les 3 groupes. Le délai moyen de revascularisation était de 10,5 jours ± 13,2.   4.1.2. Peropératoire Trois cent quatre-vingts patients (80%) avaient bénéficié de pontages coronariens sous CEC, dont 2 cas de CEC d’assistance. Il n’existait pas de différence significative concernant la répartition de la chirurgie avec ou sans CEC entre les différents groupes. Les durées moyennes de CEC et de clampage étaient comparables entre les 3 groupes, respectivement 69±53, 69±43 et 72±41 minutes de CEC (p=0,17) et 40±34, 50±31 et 50±30 minutes de clampage (p=0,87). Le nombre d’anastomoses réalisées était comparable entre les groupes (2,8 vs 3,0 vs 2,9, p=0,2). Les greffons majoritairement utilisés étaient les 2 artères thoraciques internes en cas de lésions bitronculaires (98%), associés à une veine saphène interne en cas d’atteinte tritronculaire (77%). Aucun prélèvement d’artère radiale n’a été réalisé. Le taux de revascularisation complète était plus faible dans le groupe revascularisation précoce (84,4% vs 91,6% vs 87%, p=0,67) sans que cette différence ne soit significative. Les caractéristiques peropératoires sont résumées dans le tableau 2.   Tableau 2. Caractéristiques peropératoires. CEC : circulation extracorporelle.   4.2. Mortalité   4.2.1. Mortalité globale Vingt-six patients sont décédés en postopératoire, soit 5,5% de la population totale. Les causes de mortalité étaient essentiellement des défaillances multiviscérales (n=12, 46,1%), des arrêts cardiorespiratoires (ACR) ou de chocs cardiogéniques (n=9,35%), des ischémies mésentériques (n=2, 8%) et des accidents vasculaires cérébraux (AVC) (n=1,4%) [tableau 3]. Parmi les ACR, un était secondaire à une thrombose de pontage à J1 postopératoire. En analyse univariée, le taux de mortalité du groupe 1 était significativement plus élevé que dans les 2 autres groupes (n=5 ; 15,6% vs n=13 ; 4,0% vs n=8 ; 6,4%, p=0,019).   Tableau 3. Mortalité à J30. Par contre, en analyse multivariée, le délai de revascularisation n’était pas identifié comme un facteur de risque de mortalité (p=0,362) [tableau 4]. Les facteurs de risque de mortalité mis en évidence étaient l’AOMI (odd ratio 3,31 ; IC95%:1,16-9,43 ; p=0,024), l’âge (odd ratio 1,05 ; IC95%:1,00-1,11 ; p=0,027) et la récidive ischémique préopératoire (odd ratio 4,08 ; IC95%:1,68-9,86 ; p<0,01). La transfusion pré et peropératoire (p=0,353), la durée du clampage (p=0,353) ou encore le nombre d’anastomoses réalisées (p=0,503) ne semblaient pas influer sur la mortalité à 30 jours.   Tableau 4. Analyse multivariée des facteurs de risque de mortalité à 30 jours.   Les patients dont l’état préopératoire avait nécessité la mise en place d’une contrepulsion intra-aortique post-coronarographie (n=68) présentaient un taux de mortalité plus important (n=8/99 ; 8% vs n=18/378 ; 4,7%) que les patients sans contrepulsion, sans que cette différence ne soit significative en analyse multivariée (odd ratio 1,45 ; IC95%:0,567-3,54 ; p=0,42). Dans l’intervalle IDM-PAC, 92 événements de récidives ischémiques sont survenus (19%), avec respectivement, 14 (40%), 48 (15%) et 30 (24%) récidives dans les groupes 1, 2 et 3. Les groupes 1 et 3 présentaient un taux de récidive significativement plus élevé que le groupe 2 (p=0,02) [tableau 1 et figure 2].   [caption id="attachment_4517" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Répartition des décès associés à une récidive en fonction du délai de revascularisation.[/caption]   La récidive ischémique associait douleurs thoraciques, élévation des troponines et modification électriques. Parmi les récidives, 34 ont nécessité la mise en place d’un ballon de contrepulsion intra-aortique (37%). Les récidives ischémiques pouvaient se compliquer d’œdème aigu pulmonaire (n=11, 12%), d’arrêt cardiorespiratoire (n=4, 4,3%) ou encore de choc cardiogénique (n= 4, 4,3%). Dans l’ensemble de nos cas, la récidive précipitait la chirurgie. Le groupe 1 comportait significativement plus de patients ayant nécessité la mise en place d’un ballon de contrepulsion intra-aortique (BCPIA) (post-coronarographie immédiate et post-récidive) en préopératoire (n=24 (75%) vs n=70 (22%) vs n=5 (4%)) que les groupes 2 et 3 (p<0,001). Ce même groupe incluait également significativement plus de patients ayant eu une tentative d’angioplastie primaire (n=10(31%) vs n=17 (5%) vs n=14 (11%)) que les 2 autres groupes (p<0,001) [tableau 1]. Le taux de récidive était significativement plus élevé chez les patients ayant eu une tentative d’angioplastie primaire (7% vs 15% p=0,02) [tableau 5]. Par contre, il n’existait pas de différence significative en fonction du type de syndrome coronarien aigu (SCA ST- ou ST+) (p=1,0), ni de l’atteinte tritronculaire ou non (p=0,23).   Tableau 5. Analyse des caractéristiques préopératoires en fonction de la récidive.   La mise en place précoce d’une contrepulsion (immédiatement après la coronarographie diagnostique) chez ces patients stables ne semblait pas diminuer le risque de récidives ischémiques avant la chirurgie. En effet, le taux de récidive était comparable chez les patients avec (n=14) et sans (n=78) contrepulsion post-coronarographie initiale (19% vs 21%, p=0,91).   4.3. Morbidité postopératoire Sept patients (1,5%) ont nécessité une reprise pour infection de cicatrice sternale, dont 2 se sont compliquées d’un choc septique. Les complications postopératoires ont été rapportées dans le tableau 6. Le taux de récidives ischémiques tardives (>3 jours post-PC) était plus élevé dans le groupe revascularisation précoce (9% vs n=16 ; 5% vs n=7 ; 5,5%), ainsi que le taux de reprises pour hémostase (6% vs n=11 ; 3% vs n=3 ; 2%). Le groupe 1 était le groupe présentant le taux le plus élevé de complications (n=13 ; 41% vs n=85 ; 26% vs n=27 ; 22%) sans que cette différence ne soit statistiquement significative (p=0,43).   Tableau 6. Répartition de la morbidité postopératoire.   5. Discussion Depuis 2018, les recommandations de l’ESC et de l’EACTS proposent de discuter de façon collégiale de la prise en charge de chaque cas d’infarctus du myocarde. Le but étant de proposer aux patients un traitement adapté en fonction de leur profil et de la sévérité de leur atteinte coronarienne. Klempfner et al. ont montré une réduction du nombre de patients adressés pour la réalisation de pontages coronariens en urgence ces 10 dernières années, probablement du fait de la morbimortalité élevée qui lui est imputée (6,7% en 2000 vs 1,7% en 2010, p<0,001) et de l’efficacité de l’angioplastie [8]. La mortalité des pontages en urgence n’a pas diminué en 20 ans (14,3% vs 10%, p=0,15), contrairement à celle des revascularisations programmées [8]. La littérature portant sur ce sujet est très hétérogène et la plupart des études ne montrent pas de différence significative entre revascularisation précoce et tardive post-IDM sur la mortalité à J30 [4]. L’objectif de la revascularisation précoce est d’obtenir une limitation de la zone infarcie, une récupération du myocarde en hibernation et surtout une réduction des récidives d’infarctus qui pourrait mener à une perte définitive de la fonction cardiaque ou à un décès. C’est pourquoi certains auteurs préconisent une revascularisation chirurgicale précoce. Ainsi, Grothusen et al. proposent un délai optimal de revascularisation de 48h pour les SCA ST- en montrant l’absence de différence en termes de mortalité, de récidive ischémique, d’insuffisance cardiaque et de choc cardiogénique [5]. Pour Piroze et al., ce délai peut même être avancé à 24h, là encore pour les SCA ST- [9]. La revascularisation précoce présente d’autres avantages, comme un taux de transfusion plus faible ou encore des durées d’hospitalisations plus courtes [4]. Cependant, dans notre étude, nous avons constaté que les patients les plus transfusés étaient ceux revascularisés avant 48h. Assmann et al. rapportent des résultats similaires aux nôtres et préconisent que les patients stables après un SCA (ST+ ou -) devraient bénéficier d’une temporisation de leur revascularisation chirurgicale jusqu’à J3 [10]. Parikh et al. ont montré dans leur étude que les patients après un SCA ST- avec plus de facteurs de risque et revascularisés après 48h présentaient la même mortalité à J30 que les patients moins à risque qui étaient revascularisés avant 48h [4]. Une méta-analyse publiée en 2014 a émis l’hypothèse de l’existence d’une courbe en « U » de la mortalité postopératoire par rapport au délai de revascularisation des patients opérés en urgence [11]. D’après leur analyse, la mortalité serait plus faible pour les patients opérés entre J3 et J5 et il existerait une surmortalité avant et après ce délai. Cette tendance est assez similaire aux résultats de notre étude. Les auteurs expliquent qu’à la phase aiguë il existe un état inflammatoire systémique majeur qui augmente la morbimortalité de la chirurgie en urgence, justifiant ainsi son report. Maganti et al. montrent que la chirurgie précoce est à haut risque de morbimortalité essentiellement pour les patients à haut risque cardiovasculaire [12]. Cette tendance est confirmée notamment par Klempfner et al. en 2016 [8]. L’ensemble de ces résultats semble indiquer que les patients à faible risque cardiovasculaire peuvent bénéficier d’une revascularisation chirurgicale précoce, mais en respectant un délai minimum de 48h. Tandis que les patients à haut risque devraient bénéficier d’une temporisation de la chirurgie. Ce délai supplémentaire devrait permettre aux patients à risque une récupération partielle de la fonction cardiaque et une optimisation médicale de leur état général et de leurs comorbidités. Certaines équipes citées précédemment différenciaient les SCA ST- des SCA ST+, ce qui n’est pas notre cas. En effet, lors d’une étude préliminaire, nous avions observé que les courbes de mortalité de ses 2 groupes étaient significativement identiques, nous avons donc pris le parti de les étudier de façon globale, ce qui nous permettait par ailleurs d’avoir des effectifs plus importants. Parfois, le délai de revascularisation ne dépend pas que de l’état du patient, le traitement reçu par le patient à la phase aiguë, anticoagulants, antiagrégants notamment, peut pousser au report de la chirurgie. De nombreuses équipes ont validé l’augmentation du risque hémorragique chez les patients ayant reçu du clopidogrel dans les 5 à 7 jours précédant les pontages. Mais son administration avant la coronarographie serait associée à une réduction significative à 30 jours du nombre d’événements ischémiques dans le cadre des SCA ST- [13]. La balance bénéfice-risque est à évaluer au cas par cas. Dans notre étude, la récidive a été mise en évidence comme un facteur de risque de mortalité de la population globale. Nous n’avons pas retrouvé d’études récentes décrivant la récidive ischémique préopératoire comme un facteur de risque de mortalité. En observant les 2 groupes dont le taux de mortalité et le taux de récidives sont les plus importants (groupes 1 et 3), il semblerait que cette récidive soit la conséquence de deux facteurs ; le terrain cardiovasculaire précaire des patients (groupe 1) et le délai d’attente des pontages (groupe 3). Ce qui devrait inciter à ne pas trop repousser la chirurgie. Nous avons défini notre intervalle IDM-PAC afin d’observer la fréquence des récidives et son impact sur la mortalité. Dans cet intervalle, que Grieshaber et al. appellent « la période d’attente », un risque majeur de développer un syndrome de bas débit cardiaque (hyperlactatémie et dépendance aux amines), voire un choc cardiogénique est décrit. D’après cette équipe, 12% des patients revascularisés après 48h développaient un bas débit [14]. Ce risque de développer une complication potentiellement fatale justifie à lui seul le fait de vouloir réduire cette période d’attente. En observant notre groupe 3, il semblerait que plus on retarde la revascularisation chirurgicale (au-delà de J11), plus les patients risquent de présenter une nouvelle souffrance coronaire. Même si nous n’avons pas démontré de différence significative entre nos différents groupes, la surmortalité des patients du groupe opéré précocement pourrait être due à une accumulation de facteurs de risque chez certains patients. Ce haut risque est défini par de multiples facteurs préopératoires mis en évidence dans la littérature. Ainsi, la mortalité accrue des patients opérés précocement (<48h) après l’IDM serait fortement liée aux facteurs de risque préopératoires, tels que l’âge >65 ans [5,8], la fonction ventriculaire gauche (FEVG) altérée [5,8,12], l’insuffisance rénale aiguë (IRA) [8] ou l’anémie [16]. La prise d’antiagrégants plaquettaires et d’héparine sont également associées à un surisque, ici, hémorragique, forçant parfois au report de la chirurgie. La défaillance ventriculaire gauche est une des complications principales de l’ischémie et est un des principaux facteurs péjoratifs à prendre en compte avant la chirurgie dans le cas des SCA ST+. D’autres facteurs de risque, notamment biologiques, reflétant la gravité du SCA ont été décrits : un taux de troponines élevées [15] et une hyperlactatémie [8]. Dans notre série, l’assistance de prédilection était le BPCIA, il semblait cependant ne pas prévenir le risque de récidives ischémiques. Ces données concordent avec les résultats de l’étude IABP-SHOCK II qui ne montrait pas d’amélioration de la survie chez les patients en choc cardiogénique post-IDM après pose d’une contrepulsion [17]. Cette assistance augmente la perfusion coronaire mais sans décharger le cœur, il persiste donc un phénomène de distension myocardique responsable d’un collapsus de la microcirculation avec lésions des myocytes et altération de la fonction cardiaque. Les patients en bas débit pourraient tirer avantage d’une assistance circulatoire de type ECLS (Extracorporeal Life Support) avec décharge ventriculaire gauche ou d’une assistance intraventriculaire gauche transvalvulaire aortique type Impella (Abiomed, Danvers, Massachusetts, États-Unis). La majorité des équipes pratique les pontages en urgence sous CEC (94%) [10]. Le cœur battant semble en théorie optimal pour les SCA car il évite une «sur-ischémie» grâce à la mise en place de shunt et l’absence de cardioplégie, il éviterait le syndrome d’ischémie-reperfusion et diminuerait le stress oxydatif et inflammatoire. Cependant en pratique, il n’a pas été démontré de supériorité pour le «sans» ou le «avec CEC» dans la prise en charge chirurgicale de l’IDM. Pour certains, dont Fattouch et al., la revascularisation à cœur battant doit être réservée à la chirurgie précoce (<48h) [20]. Nous n’avons pas mis en évidence dans notre série de différences de morbimortalité postopératoire entre le «sans» et le «avec CEC», quel que soit le délai de revascularisation.   6. Limites Compte tenu du caractère rétrospectif de notre étude, certaines données n’ont pu être recueillies, ainsi les informations concernant les troponines, les lactates et le traitement préopératoire (antiagrégants plaquettaires et  fibrinolytiques) sont manquantes. Ces marqueurs nous auraient permis d’explorer l’hypothèse selon laquelle les patients du groupe 1 présentaient un bas débit cardiaque ou une hypoperfusion périphérique.   7. Conclusion Au total, dans notre étude, la période optimale pour revasculariser chirurgicalement les infarctus du myocarde stables semble être entre J3 et J10. Avant J3, la récidive est potentiellement liée à une fragilité des patients. Les patients à haut risque, eux, devraient bénéficier d’un report de la chirurgie au-delà de 48h. Cet intervalle «d’attente» doit permettre une optimisation de leur état cardiaque et général. Pour les patients avec altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) et/ou signes d’hypoperfusion périphérique, la mise en place d’une assistance circulatoire temporaire (type ECLS ou Impella) devrait être discutée.  Le groupe revascularisé après 11 jours récidivait pendant la période d’attente de la chirurgie, il pourrait donc probablement tirer des bénéfices d’une revascularisation plus précoce.   Références Caceres M et Weiman DS. Optimal timing of coronary artery bypass grafting in acute myocardial infarction. Ann Thorac Surg 2013 Jan;95(1):365-72.https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2012.07.018PMid:23200230 Chen HL et Liu K. Timing of coronary artery bypass graft surgery for acute myocardial infarction patients: a meta-analysis. Int J Cardiol 2015 Nov;177(1):53-6.https://doi.org/10.1016/j.ijcard.2014.09.127PMid:25499339 Biancari F et al. Outcome of emergency coronary artery bypass grafting, J Cardiothorac Vasc Anesth 2015 Apr;29(2):275-82. Parikh SV et al., Timing of in-hospital coronary artery bypass graft surgery for non-ST-segment elevation myocardial infarction patients results from the National Cardiovascular Data Registry ACTION Registry-GWTG (Acute Coronary Treatment and Intervention Outcomes Network Registry-Get with The Guidelines), JACC Cardiovasc Interv 2010 Apr;3(4):419-27. Grothusen C et al. Outcome of Stable Patients With Acute Myocardial Infarction and Coronary Artery Bypass Surgery Within 48 Hours: A Single-Center, Retrospective Experience, J Am Heart Assoc 2017 Oct 3;6(10).https://doi.org/10.1161/JAHA.117.005498PMid:28974496 PMCid:PMC5721822 Martinez EC, Emmert MY, Thomas GN, Emmert LS, Lee CN, et T. Kofidis T. Off-pump coronary artery bypass is a safe option in patients presenting as emergency, Ann. Acad. Med. Singapore, 2010 Aug;39(8):607-12. Shroyer AL et al. 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Thorac Cardiovasc Surg 2009 Mar;137(3):650-6.https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2008.11.033PMid:19258083   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 06/05/2019. Acceptation : 19/07/2019.
septembre 20, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Septembre 2019

Les premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali : résultats et perspectives

Allaye Ombotimbé1*, Issa Boubacar Maïga1, Jacques Saye1, Moussa Bazongo1 Cheick Ahmed Sékou Touré1, Abdoul Aziz Maïga1, Seydou Togo1, Moussa Abdoulaye Ouattara1, Nouhoum Ouologuèm2, Massama Konaté2, Nouhoum Diani3, Boumzebra Drissi4, Sadio Yéna1   Service de chirurgie thoracique, hôpital du Mali, Bamako. Service de cardiologie, hôpital du Mali, Bamako. Service de réanimation, hôpital du Mali, Bamako. Service cardiovasculaire, CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc. * Correspondance : ombotimbe.allaye@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-3-OMB Citation : Ombotimbé A, Maïga IB, Saye J, Bazongo M, Sékou Touré CA, Maïga AA, Togo S, Ouattara MA, Ouologuèm N, Konaté M, Diani N, Drissi B, Yéna S. Les premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali : résultats et perspectives.  Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(3). doi: 10.24399/JCTCV23-3-OMB RÉSUMÉ Objectif : décrire les résultats de la première mission de la chirurgie à cœur ouvert dans le pays et proposer les perspectives de son développement au Mali. Patients et méthodes : il s’agit d’une étude rétrospective et descriptive portant sur les premières interventions à cœur ouvert au cours d’une mission de partenariat avec le Maroc à l’hôpital du Mali, allant du 17 au 23 septembre 2016. Les paramètres étudiés ont été les données cliniques, thérapeutiques et évolutives. Résultats : six patients ont été colligés. L’âge moyen des patients était de 22,5 ans. Une dyspnée d’effort cotée au moins 2 sur l’échelle de NYHA a été retrouvée dans tous les cas. On notait deux cas de maladie mitrale, deux cas de rétrécissement mitral, un cas d’insuffisance mitrale et un cas de communication interauriculaire. Il a été effectué 4 remplacements valvulaires mitraux, une plastie mitrale et une fermeture de CIA. La durée moyenne l’hospitalisation a été de 13 jours. L’évolution a été simple dans tous les cas.  Conclusion : la chirurgie à cœur ouvert est faisable dans notre contexte actuel. Le partenariat sud-sud à travers des missions de formation et de compagnonnage est nécessaire.   ABSTRACT The first cases of open heart surgery in Mali: results and perspectives Objective: To describe the results of the first mission of open heart surgery in the country and to propose the prospects for its development in Mali. Patients and methods: this is a retrospective and descriptive study on the first open heart interventions during a partnership mission with Morocco to the Mali hospital from September 17 to 23, 2016. The studied parameters were the clinical, therapeutic and evolutionary data. Results: Six patients have been collected. The average age of patients was 22.5 years. A dyspnea on exertion of at least 2 on the NYHA scale was found in all cases. There were two cases of mitral disease, two cases of mitral stenosis, one case of mitral insufficiency, and one case of atrial septal defect (ASD). Four mitral valve replacements, one mitral valve repair and one ASD closure were performed. The average duration of hospitalization was 13 days. The evolution was simple in all cases. Conclusion: Open heart surgery is feasible in our current context . The South-South partnership through training and companionship missions is necessary.   1. Introduction Dans les pays en développement, la chirurgie cardiaque n’est pas suffisamment pratiquée ou bien elle est absente [1]. Les cardiopathies chirurgicales sont dépistées et beaucoup d’entre elles ne bénéficient pas de l’apport de la chirurgie [1]. Leur prise en charge pose dans bien des cas des problèmes diagnostiques et/ou thérapeutiques [2]. Chez l’enfant, on estime par exemple qu’il y a 800 000 nouveau-nés chaque année dans le monde avec une cardiopathie congénitale [3]. Aussi, il y a une prévalence élevée du rhumatisme articulaire aigu responsable de valvulopathies rhumatismales chez les enfants, soit 37,6% des pathologies cardiovasculaires [4]. Chez les adultes, les cardiopathies ischémiques sont de plus en plus fréquentes et elles sont liées principalement à la pandémie de l’hypertension artérielle, à l’intoxication alcoolotabagique chronique, au diabète, à la sédentarité et aux dyslipidémies [5]. La chirurgie cardiovasculaire est indispensable pour la prise en charge adéquate de ces nombreuses maladies en Afrique. Le problème est criant au Mali. Par exemple en 2006, la prévalence hospitalière des cardiopathies congénitales était de 1,28% au Mali [6]. Seulement 2% des cas sont traités par les organisations non gouvernementales à l’extérieur, sur plus de 2700 cas de cardiopathies chirurgicales qui attendent actuellement une intervention chirurgicale [3]. Le but de cette étude était de décrire les résultats des premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali et de proposer des perspectives pour son développement.   2. Patients et méthodes Il s’agit une étude rétrospective et descriptive qui a porté sur les premières interventions à cœur ouvert réalisées dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali durant la période du 17 au 23 septembre 2016. Sur une cohorte de 10 patients ayant une indication de chirurgie à cœur ouvert proposés par le service de cardiologie, le programme a exclu 4 patients pour pathologies complexes, un pour l’existence d’hépatite virale évolutive, 2 patients pour un syndrome coronarien associé et un cas d’insuffisance mitrale sévère avec une hypertension artérielle pulmonaire sévère chez une fille de 5 ans, en l’absence de matériels pédiatriques adaptés. Tous les patients ont bénéficié d’une évaluation clinique, d’une radiographie thoracique, d’une échographie cardiaque transthoracique, d’un bilan biologique et d’une consultation anesthésique. Six patients ont finalement été opérés. Les interventions ont été réalisées au cours d’une mission de partenariat sud-sud entre l’équipe de l’hôpital du Mali et celle du CHU Mohammed VI de Marrakech au Maroc. Sur le plan organisationnel, le plateau technique a été renforcé par l’octroi de matériels médicaux par l’équipe marocaine. La voie d’abord était une sternotomie médiane chez tous les patients. Les interventions chirurgicales ont été réalisées sous circulation extracorporelle (CEC) entre deux canules veineuses et une canule aortique. La protection myocardique a été assurée par une solution de cardioplégie au sang total enrichi en potassium toutes les 20 minutes à la racine de l’aorte avec une autre canule. En postopératoire, les patients étaient surveillés au service de réanimation. Les paramètres étudiés ont été les données cliniques, thérapeutiques et évolutives. Le suivi postopératoire des patients était basé sur l’examen clinique, la biologie et l’échographie cardiaque.   3. Résultats L’âge moyen des patients était de 22,5 ans (±10,5) avec un sexe-ratio de 1. Les caractéristiques sociodémographiques, cliniques et échographiques des patients ont été répertoriées dans le tableau 1. L’indice cardiothoracique moyen était de 0,62±0,98. Deux patients étaient en arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire. Le diamètre télédiastolique moyen du ventricule gauche était de 57±2 mm, la fraction d’éjection moyenne préopératoire était de 53,83%±10,79. La pression artérielle pulmonaire systolique (PAPS) était supérieure ou égale à 30mmHg±5 chez 4 patients.   Tableau 1. Les caractéristiques sociodémographiques cliniques et échographiques.   Patients Âge/Sexe Fonction Signes cliniques Diagnostic échographique 1 29/F Secrétaire – Dyspnée NYHA 3 – Douleurs thoraciques – Palpitations – Hémoptysie – RM serré 2 23/F Élève – Dyspnée NYHA 3 – Hémoptysie – Toux – Palpitations – Maladie mitrale – Thrombus OG – ACFA – IT 3 24/M Commerçant – Dyspnée NYHA 2 – Asthénie – Toux – CIA ostium secundum 4 15/F Élève – Dyspnée NYHA 3 – Douleurs thoraciques – Palpitations – Maladie mitrale – IT 5 12/M Élève – Dyspnée NYHA 3 – Palpitations – Toux – Asthénie   – IM sévère – IT 6 33/M Cultivateur – Dyspnée NYHA 3 – Douleurs thoraciques – Toux – Asthénie – RM – Thrombus AG – ACFA – IT F : féminin ; M : masculin ; RM : rétrécissement mitral ; OG : oreillette gauche ; ACFA : arythmie complète par fibrillation auriculaire ; IT : insuffisance tricuspidienne ; CIA : communication interauriculaire ; IM : insuffisance mitrale ; AG : auricule gauche.   Les valvulopathies mitrales étaient d’origine rhumatismale dans 5 cas, et dans un cas il s’agissait de cardiopathie congénitale. Les gestes chirurgicaux ainsi que les différentes durées du monitoring ont été répertoriés dans le tableau 2. Une transfusion sanguine en peropératoire a été réalisée chez 5 patients qui avaient un taux d’hémoglobine peropératoire de 8g/dl en moyenne avec un nombre moyen de trois poches de culot globulaire. Un traitement anticoagulant à base d’acénocoumarol à vie a été instauré chez 4 patients. Ce traitement était ajusté en fonction des résultats du taux de l’International Normalised Ratio (INR) qui doit être compris entre 2 et 3 et surveillé par les cardiologues. En réanimation, ils étaient extubés après une durée moyenne de 7±2,09 heures et avec un séjour de 3,5±0,55 jours.   Tableau 2. Répartition des gestes chirurgicaux et de la durée du monitoring. Patient            Traitement Durée en minute CEC Clampage aortique Assistance 1 – RVM par valve mécanique 50 33 10 2 – RVM par valve mécanique – Plastie tricuspide De Vega – Thrombectomie 109 75 20 3 – Fermeture de la CIA par patch péricardique 38 25 10 4 – RVM par valve mécanique – Plastie tricuspide De Vega 100 75 15 5 – Plastie mitrale – Plastie tricuspide De Vega 132 100 20 6 – RVM par valve mécanique – Plastie tricuspide De Vega  – Thrombectomie – Aveuglement AG 105       75 20 Durée moyenne 95 69 16 CEC : circulation extracorporelle ; RVM : remplacement valvulaire mitral ; CIA : communication interauriculaire ; AG : auricule gauche.   Les suites opératoires immédiates étaient simples chez 5 patients. Nous avons noté un cas d’épanchement péricardique qui a bénéficié d’une ponction évacuatrice échoguidée. La durée moyenne d’hospitalisation était de 13,17±2,14 jours. L’évolution était favorable dans tous les cas à 3 mois. Après un recul de 30 mois, tous les patients étaient asymptomatiques avec un indice cardiothoracique à 0,52±0,09 et une fraction d’éjection à 59,33±6,28 %.   4. Discussion Notre étude confirme la faisabilité de la chirurgie à cœur ouvert dans notre contexte au vu des résultats obtenus suite à cette première mission. La réussite actuelle est due à une convergence de tous les acteurs. Pour cette première édition, il était important de rendre accessible financièrement cette chirurgie aux bénéficiaires, grâce à l’obtention d’une gratuité totale. Cela était nécessaire, puisque l’ensemble des patients opérés provenait de famille d’indigents. Le problème des maladies cardiovasculaires au Mali et en Afrique subsaharienne est considérable et le sera de plus en plus si rien n’est fait. En 2006, on a estimé à 15% le taux de la population malienne souffrant de maladies cardiaques, soit environ 1 600 000 patients [7]. Ce qui paraît sous-évalué actuellement. Les difficultés pour la grande majorité des patients à assurer une prise en charge chirurgicale tant localement qu’à l’étranger réduisent considérablement leur espérance de vie. Une majorité de la population est économiquement démunie et pauvre. En effet au Mali, en 2006, le coût moyen d’une évacuation sanitaire a été évalué par patient à 10 698 378,00 CFA (soit 16 300 euros) [8]. Pour les malades évacués sanitaires, ce coût est extrêmement élevé comparé aux ressources de l’État. Le développement de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert doit être ressentie et vécue comme une activité à haute valeur qui est aussi une opportunité pour améliorer le contexte général des soins. En effet, sa pratique amène le perfectionnement de nombre de spécialités comme la cardiologie, l’anesthésie-réanimation, la biologie, l’imagerie ou le biomédical. C’est avec cette vision que des initiatives se sont développées respectivement à l’hôpital du Point G, à l’hôpital Mère-Enfant et à l’hôpital du Mali. À l’hôpital du Point G, c’est avec le partenariat hospitalier universitaire le reliant à celui d’Angers. Ce projet en cours depuis novembre 2007 se développe et a enregistré des missions chirurgicales pour l’instant sur la chirurgie à cœur fermé. Il est en train d’être concrétisé par la construction d’un centre de chirurgie cardiovasculaire doté d’une unité d’exploration cardiaque fonctionnelle. La construction par la Chaîne de l’Espoir d’un bloc de chirurgie cardiopédiatrique plus réanimation à l’hôpital Mère-Enfant et la réalisation, depuis son ouverture en septembre 2018, de plus de 100 interventions à cœur ouvert concernent les enfants. Cette réalisation privée permettra de mettre fin à des évacuations sanitaires d’enfants. Quant à celui de l’hôpital du Mali, il vient d’être lancé en 2016 sur la base d’un partenariat sud-sud avec le centre hospitalier universitaire Mohammed VI de Marrakech au Maroc. Cependant, pour être consolidé, ce projet a besoin d’être soutenu pour effectuer plusieurs missions. La pérennisation de la chirurgie à cœur ouvert au Mali passe par l’implication en termes d’équipement, de formations des spécialistes et la subvention du coût des interventions. Il faut développer les capacités humaines et logistiques du service pour répondre à la demande accrue de la population malienne en matière de soins de chirurgie à cœur ouvert, et pour ce faire une politique de santé stable au plus haut niveau est indispensable. Il faut également une réunion de concertation pluridisciplinaire afin d’aboutir à un travail d’équipes des diverses structures et professionnels de santé, afin de mettre en place un centre de chirurgie cardiaque adulte. La coopération avec les équipes à technologie médicale avancée en matière de chirurgie cardiaque permettra une autonomisation de l’équipe malienne à travers un accompagnement.   5. Conclusion Le développement de la chirurgie à cœur ouvert est un challenge au Mali. Notre travail a démontré qu’elle est actuellement faisable. À travers des missions ponctuelles, certaines pathologies cardiochirurgicales pourront être prises en charge. Dans un premier temps, elle a besoin d’un engagement humain et d’un compagnonnage administratif et technique à travers un partenariat.   Références Brousse V, Imbert P, Mbaye P. Évaluation au Sénégal du devenir des enfants transférés pour chirurgie cardiaque. Med Trop 2003;63:506-12. Van Der Linde D, Konings EEM, Slager MA. Birth prevalence of congenital heart disease worldwide. J Am Col Cardiol 2011;58:2241-47.https://doi.org/10.1016/j.jacc.2011.08.025PMid:22078432 Coulibaly B, Diarra M, Dicko M, et al. Coopération Angers-Bamako dans le cadre de la chirurgie cardiovasculaire. État des lieux et perspectives : la chirurgie cardiaque à cœur ouvert au Mali est-elle réalisable ? J Chir thorac et cardiovasc 2014;18(1):55-8. Ba Hamidou O., Noumou Sidibé, Bocary Diarra Mamadou, et al. Aspects diagnostiques et thérapeutiques des cardiopathies rhumatismales de l'enfant au Mali : étude de 85 cas. J Afr thorax et vaisseaux 2010;1,1:5-9. Diarra MB, Diarra A, Sanogo KM, et al. Cardiopathies ischémiques en cardiologie à Bamako (à propos de 162 cas). Mali médical 2007;22(4):36-9. Diakité A, Sidibé N, Diarra MB et al. Aspects épidémiologiques et cliniques des cardiopathies congénitales. Mali médical 2009;24(1)67-8. Ba HO, Maiga AK, Daffé S, Touré M, Diarra MB. Aspects épidémiologiques et cliniques des cardiopathies congénitales infanto-juvéniles. Afr Ann Thorac Cardiovasc Surg 2013;8(2)77-81. Diarra MB, Ba HO, Sanogo KM, Diarra A, Touré KM. Le coût des évacuations cardiovasculaires et les besoins en traitement chirurgical et interventionnel au Mali. Cardiologie tropicale 2006;32:128.   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 14/04/2019. Acceptation : 19/07/2019.
septembre 20, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Septembre 2019

À propos de l’article sur “les premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali” – Editorial

L’intérêt clinique de la publication d’Allaye Ombotimbé et collaborateurs est somme toute limité, voire désuet. La principale problématique et le principal intérêt de cet article concernent la discussion, et notamment l’analyse des conséquences d’une telle mission. Car la caractéristique concernant la faisabilité sous cette forme de ce type de mission n’est absolument pas le problème. Ainsi, en amenant le matériel spécifique et les personnels compétents, ce type de mission peut être réalisé à n’importe quel point du globe avec un minimum de caractéristiques techniques requises (fluides, stérilisation et alimentation électrique fiable). Ces dernières se trouvant dans beaucoup d’endroits de la planète et notamment en Afrique. On ne démontre rien en faisant cela. La problématique ne se trouve pas dans la faisabilité, mais plutôt dans la perception de la durabilité de l’activité après ce type de mission. Il faut noter par ailleurs que la mission a été réalisée en 2016 et que, depuis, il ne s’est rien passé dans cet hôpital… En effet, le vrai problème est la pérennisation. Celle-ci devrait s’inscrire dans une perspective de long terme qui concerne les autorités sanitaires et la communauté médicale du pays. Elles doivent libérer les énergies et mettre en œuvre les moyens pour avoir un vrai programme d’installation et de pérennisation de cette activité. Cela permettrait de répondre à ce besoin de santé publique, notamment sur le plan économique. Les dépenses en évacuation sanitaires évitées permettraient de réorienter ces budgets vers une activité pratiquée sur place.   La bonne méthode serait : un modèle économique viable et pérenne de prise en charge, pensé en amont du projet ; la formation préalable du personnel spécialisé (chirurgiens, anesthésistes-réanimateurs, cardiologues et personnel paramédical spécifique) avec un vrai programme concerté et non des projets individuels ; puis l’installation, de manière concomitante à la formation des professionnels de santé, de la structure sanitaire dédiée à ces soins, et ceci de façon à répondre aux besoins de la population de façon pérenne.   Il est bon de rappeler que différentes missions ponctuelles sur les pathologies cardiaques chirurgicales de ce type ont été réalisées en Afrique noire francophone, qu’elles soient à visée diagnostique ou thérapeutique. Ces pays ont vu l’arrivée, pendant environ une à deux semaines, de missions sanitaires issues d’ONG, pour effectuer des actes techniques hautement spécialisés (République démocratique du Congo, Cameroun, Mauritanie, Burkina Faso…). Mais depuis, la continuité des soins et de ces programmes est restée lettre morte. On note aussi que quelques rares pays en Afrique noire francophone avaient des activités dans le domaine ; celles-ci ont périclité, faute de moyens économiques et de réelle prise en charge pérenne au niveau étatique. Il existe actuellement en Afrique noire francophone une classe moyenne émergente qui commence à avoir un pouvoir d’achat conséquent et une prévoyance sanitaire salariale. Il faut croire que dans l’avenir, cela créera un «marché», dans la mesure où il s’agit d’une discipline médicale dont l’aspect lucratif n’est pas négligeable. La conséquence logique sera l’avènement et le développement de cette activité sous la forme privée. Ce qui est déjà le cas de la cardiologie interventionnelle, autre activité lucrative, dans de nombreux pays africains. Ainsi, les structures privées prendront malheureusement le pas sur la médecine à vocation sociale qui relève des pouvoirs publics. Dr Patrice Binuani, chirurgien cardiaque, CHU Angers
septembre 20, 2019
In memoriam · Vol. 23 Septembre 2019

En hommage à Jean Deslauriers

Jean Deslauriers nous a quittés tôt ce vendredi matin 13 septembre 2019 dans son sommeil, paisiblement, à son domicile et entouré des siens. Il était un ami de très longue date de la communauté des chirurgiens thoraciques francophones. Cette amitié était entretenue par de nombreux échanges universitaires. Il avait ainsi effectué plusieurs séjours d’étude en France, et à Toulouse en particulier, dans les années 1980, à une période où peu de personnes dans le monde s’intéressaient à la chirurgie de l’emphysème.  Il accueillait très régulièrement des chirurgiens français en mobilité dans son service à l’université Laval de Québec, et participait régulièrement à nos congrès. Membre de la SFCTCV depuis 1991, il avait été à l’initiative des échanges académiques entre la Canada et la France qui ont permis à plusieurs promotions de jeunes chirurgiens thoraciques français d’assister aux enseignements du programme interuniversitaire de chirurgie thoracique du Québec dont il a été le directeur de 2005 à 2008. Il avait été l’invité d’honneur des journées présidentielles de la SFCTCV en 2013 à Marseille. Jean Deslauriers avait fait ses études de médecine à l’université Laval de la ville de Québec où il reçut le grade de Docteur en Médecine en 1969 avec la mention honorifique « Magna Cum Laude ». Il fit sa formation en chirurgie thoracique à Toronto dans la prestigieuse équipe du Toronto General Hospital dirigée par FG Pearson qui fit école dans l’ensemble de l’Amérique du Nord, école dont sont issus d’autres géants de la chirurgie thoracique comme Robert Ginsberg, Joel Cooper ou Alec Patterson. Sa formation achevée, il retourna à l’université Laval en 1976 où il accomplit la totalité de sa carrière professionnelle. Nommé professeur de chirurgie en 1992, il prit une retraite très active en 2014, après avoir été décoré en 2011 de la médaille de l’Ordre du Canada. Il fut distingué comme « Legend in Thoracic Surgery » en 2015 par l’American Association  for Thoracic Surgery (AATS), puis Professeur Emérite par l’université Laval en 2016. Il vouait une véritable passion pour la recherche clinique, la transmission des connaissances et la qualité des pratiques chirurgicales. Il fit partie des membres fondateurs du General Thoracic Surgical Club en 1987, et du collège des directeurs de la Society of Thoracic Surgeons (STS) de 2008 à 2011. Editeur ou co-éditeur de 16 ouvrages dédiés à la chirurgie thoracique générale, il a été aussi l’auteur de plus de 250 articles publiés dans des revues internationales, et consacrés principalement au cancer du poumon et à l’emphysème pulmonaire. En 40 ans de carrière, il a aussi donné plus de 600 conférences dans plus d’une quarantaine de pays. Un autre de ses passions était la Chine, à l’instar de l’un de ses compatriotes Norman Bethune, chirurgien canadien consacré en son temps « Héro de la République Populaire de Chine » par Mao Zedong. En 2008, il prit ainsi une année sabbatique à l’invitation de l'université de Jilin au titre de consultant international. Il vécut avec son épouse Debbie, infirmière de formation et spécialisée de recherche en oncologie, une année complète à Changchun, ville industrielle de 7 millions d'habitants (autant d'habitants que le Québec tout entier). En une année, il mit en place les bases d’un centre sur les maladies respiratoires, avec un programme structuré d'enseignement et de recherche, et un service de chirurgie thoracique disposant de six salles d'opération. Cette expérience l’avait tant marqué qu’il retourna à de nombreuses occasions en Chine pour des missions ponctuelles, notamment dans le cadre des programmes d'échanges instaurés par l’Université Laval avec les meilleures universités Chinoises (Beijing, Shanghai, etc.). C’est un géant et une légende de la chirurgie thoracique qui nous a quittés, mais nous pleurons surtout l’ami proche, chaleureux, toujours enthousiaste et généreux de notre communauté chirurgicale francophone. Toutes nos pensées accompagnent Deborah L. Reath, « Debbie », rencontrée lors de sa formation à Toronto et avec qui il était marié depuis 1975, ainsi que leurs cinq enfants.
septembre 20, 2019
CNU · Vol. 23 Septembre 2019

La prime d’encadrement doctoral et recherche : comment l’obtenir ?

La prime d’encadrement doctoral et recherche (PEDR) est accordée aux enseignants chercheurs de tous statuts (professeur des universités [PU], maître de conférences des universités [MCU]) par leur université en raison d’une activité scientifique jugée d’un niveau élevé au regard notamment de leur production scientifique, de l’encadrement doctoral et scientifique, de la diffusion de leurs travaux et des responsabilités scientifiques exercées, d’une contribution exceptionnelle à la recherche, ou parce qu’ils ont été lauréats d’une distinction scientifique de reconnaissance nationale ou internationale. Cette prime est attribuée pour une période de quatre ans renouvelable. Le montant de la PEDR est variable selon les établissements universitaires ou de recherche. Il varie de fait d’un montant planché d’environ 3500 € à un montant plafond d’environ 15000 €. Les bénéficiaires d’une PEDR peuvent être autorisés à convertir, pour tout ou partie, leur prime en décharge de service d’enseignement, par décision du président de l’université, selon les modalités définies par le conseil d’administration. Le taux annuel maximum de la prime qui peut être attribuée aux personnels lauréats d’une distinction scientifique de niveau international ou national, conférée par un organisme de recherche ou aux personnels apportant une contribution exceptionnelle à la recherche, peut atteindre 25000 €. L’enveloppe budgétaire étant nationale et relativement stable, le nombre de PEDR attribuables chaque année est réparti au niveau de chaque section du Conseil national des universités (CNU) au prorata des candidatures déposées par les membres de cette section. Il est donc important d’encourager les candidatures issues de notre section 51, car cela permet mathématiquement d’augmenter les probabilités d’attribution à un de nos membres. Chaque année civile, la campagne de PEDR débute par une période pendant laquelle les candidatures à cette prime doivent être adressées, en général en février. Le dépôt des candidatures s’effectue via l’application GALAXIE du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Le dossier PEDR est entièrement dématérialisé. Il est composé des éléments suivants : des informations concernant la situation administrative du candidat fournies par l’établissement ; des renseignements complémentaires saisis par le candidat dans un écran formulaire, un document unique au format pdf rédigé par le candidat à partir d’une trame proposée selon les recommandations exprimées par les différentes sections sur le site de la CP-CNU. Ce document ne doit pas excéder 5 Mo. Il ne comporte pas de limitation du nombre de pages. Pour se connecter à l’application, il faut cliquer sur le lien «Accès PEDR» dans le domaine applicatif de GALAXIE (en haut à droite de l’écran). Lors de la toute première connexion, il est demandé de saisir le NUMEN qui constitue la clé d’identification de chaque enseignant/chercheur et un mot de passe qui est sa date de naissance, sous la forme JJ/MM/AAAA. Le NUMEN est le numéro d’identification de l’Éducation nationale. Il se compose de 13 caractères : deux chiffres, une lettre, sept chiffres, trois lettres. Pour des raisons de sécurité, ce mot de passe doit être changé après la première connexion.   L’évaluation des dossiers déposés par les universitaires est réalisée par la section du CNU Santé dont ils(elles) dépendent. Chaque dossier est expertisé par un membre de la sous-section dont ils(elles) dépendent et par un membre d’une autre sous-section de la section. Une synthèse est proposée par le président de la section sur la base de l’activité universitaire réalisée au cours des quatre précédentes années. Le critère qui a la plus forte pondération est l’encadrement doctoral. Ne sont prises en compte, pour les candidats PU, que les thèses d’université. Pour les candidats MCU, et seulement pour ce collège, l’encadrement des master 2 est aussi comptabilisé. L’avis de la section du CNU consiste en un classement des dossiers en 3 catégories : le dossier fait partie des 20% meilleurs dossiers déposés par un membre de la section («A»), des 30% suivants («B»), ou des 50% derniers («C»). Un calendrier harmonisé est fixé nationalement (dépôt des dossiers en février, processus d’examen par le CNU entre mars et septembre, selon les sections). La prime est allouée pour quatre ans. Le rôle du CNU se limite à la proposer alors que la décision finale revient aux seuls établissements universitaires. Toutefois, la plupart des universités fait en général le choix d’attribuer la PEDR à tous les candidats classés «A», les candidats classés B n’étant bénéficiaires de la prime qu’en fonction du budget restant disponible. Un dossier classé «C» doit être considéré comme un encouragement à le représenter lors de la campagne suivante de PEDR.
septembre 12, 2019
Éditorial · Vol. 23 Septembre 2019

Un bachelier de 2025 veut devenir chirurgien…

[caption id="attachment_115" align="alignleft" width="170"] Par le Pr Bernard Kreitmann, directeur du Collège[/caption] Le concours d’entrée en 2e année (PCEM1, PACES…) de 1971 a été remplacé en 2020 par « des objectifs pluriannuels d’admission en première année du deuxième cycle définis au regard d’objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former établis par l’État pour répondre aux besoins du système de santé, réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins et permettre l’insertion professionnelle des étudiants ». La loi « Santé 2022 » a mis en place une obligation de diversification du parcours des étudiants en santé. Tout ceci étant très complexe, les étudiants s’arrangent heureusement avec les anciennes « prépas » privées qui étaient utilisées pour augmenter le concours PACES et qui se sont transformées en « centres de conseils en diversification du parcours » en gardant plus ou moins les mêmes tarifs.   Une fois admis en 2e année de médecine, il faut commencer à se préparer pour se spécialiser tout en menant à bien les deux premiers cycles d’études. L’admission en 3e cycle (ex-internat) est en effet d’abord subordonnée à l’obtention d’une note minimale à des épreuves nationales « permettant d’établir que l’étudiant a acquis les connaissances et compétences suffisantes au regard des exigences de la formation de troisième cycle ». Pour ce qui est des connaissances, le référentiel d’apprentissage du second cycle a été revu en 2019/20 avec la notion de connaissances de rang A (ce que doit connaître tout médecin) et de rang B (ce que doit connaître en fin de 2e cycle celui qui veut faire tel ou tel DES) et un examen est organisé de façon inter-régionale en septembre de la 6e année. Les compétences sont évaluées « au fil de l’eau », évaluations formatives non classantes, donc dissociées de l’orientation vers le 3e cycle, répétées tout au long des stages puis évaluation ayant valeur chiffrée pour le 3e cycle faite avec des examens de type ECOS (pour lesquels il y a des examinateurs ayant validé une formation spécifique et des lieux appropriés). Ces ECOS régionaux sont en avril de la 6e année. Le choix de sa ville de CHU et de la spécialité résulte d’un processus complexe qui intègre la note obtenue au contrôle de connaissances, celle obtenue au contrôle de compétences et une note de « parcours » chiffrée. Par exemple, si un étudiant a fait un semestre du 2e cycle à l’étranger, il aura « gagné » des points parcours. Subtilement, les notes obtenues aux questions de connaissances de rang B sont pondérées avec des coefficients en fonction des spécialités visées. La réponse juste à la question de rang B « Etiologies de l’astasie-abasie », donnera plus de points pour une demande de DES de Neurologie, que pour la Chirurgie TCV (heureusement !). Comme les résultats du contrôle de connaissances sont connus dès le début de la 6e année, l’étudiant sait déjà plus ou moins si « ça se présente bien, ou non, pour telle spécialité » et peut en 6e année travailler ses points parcours et ses compétences pour améliorer son classement ou pour rattraper la situation, selon le cas. Là aussi, les « centres de conseils en diversification du parcours » peuvent, moyennant rétribution, aider les étudiants qui en ont les moyens. Le processus de matching entre les demandes de postes de 3e cycle (la demande consiste en un couple CHU/DES) et les possibilités d’accueil est informatisé, avec un algorithme géré par une IA qui ressemble à celui de l’ancien « Parcours-Sup » qui avait fait beaucoup parler dans les années 2018-2020.   Ensuite, l’étudiant accède enfin au 3e cycle. Il suit alors, dans le CHU désigné par le matching, la maquette de formation correspondant au DES déterminé. Il gère avec son smartphone son portfolio d’actes et ses acquisitions de compétences obligatoires, avec une application dédiée qui a deux versions. La gratuite est intéressante, mais expose à pas mal de publicités et de notifications commerciales. La version « premium » est un peu chère mais plus fluide et elle permet de générer automatiquement le fichier qui doit être transmis en fin de semestre au coordonnateur. Certains coordonnateurs, souvent contractuels pour un « centre de conseils », ont droit à une version encore plus performante de l’application, qui vérifie automatiquement les cursus et dont l’IA propose (ou non) de valider les étudiants. Par contre, les obligations de formation par simulation prévues dans les maquettes des DES chirurgicaux ont été transformées en « recommandations », car les plateformes de simulation publiques ne fonctionnent pas bien, faute de financement. Depuis 2024, en chirurgie thoracique et cardiovasculaire, il faut faire un semestre en pratique ambulatoire, pour les néoplasies thoraciques, dans un « territoire avec une offre de soins insuffisante caractérisée par des difficultés dans l'accès aux soins ».   Devenu « médecin junior », c’est-à-dire entré dans la dernière phase du 3e cycle, il commence à avoir une position et une activité qui ressemblent à ce qu’étaient celles des internes des années 2000, selon ce que les anciens lui racontent. Mais cela ne dure qu’un an ou deux, selon le DES suivi. Puis, devenu médecin spécialiste, il prépare ses épreuves de certification qui arriveront dans quelques années et essaye de gagner sa vie, et celle de sa famille, tout en remboursant les prêts étudiants qu’il a dû souscrire. Heureusement, grâce au « centre de conseils » privé qu’il avait choisi, il a pu avoir des taux intéressants.   Le pire n’est jamais certain, mais ce qui l’est, c’est l’évolution (certains diraient la dérive) planificatrice et centralisatrice des textes réglementaires qui apparaissent à cadence accélérée depuis quelques années. Par exemple, jusqu’à la réforme de 2016, et en dehors du numerus clausus, on peut dire qu’il n’y avait aucune régulation formelle du nombre de spécialistes. Un interne des années 2000 s’orientait librement en fonction de ses possibilités, de ses goûts et des interactions avec une équipe et un chef de service. Depuis l’arrêté du 12 juillet 2019 consacré aux FST et aux options de DES, qui en « rajoute une couche », on dénombre 82 régulations séparées : la répartition est fixée nationalement par DES et par ville de CHU, plus par options et/ou FST et par ville de CHU.   Le pire n’est pas certain, mais ce qui l’est, c’est que nous devons métaboliser rapidement ces changements et nous organiser pour que, dans notre pays, les jeunes aient envie de, et plaisir à devenir des chirurgiens thoraciques et cardiovasculaires d’excellence. Pour ceci, il faut changer notre point de vue. Avant, la relation de formation était surtout faite d’échanges personnalisés entre un senior et un jeune. « Tu m’aides, puis je t’aide ». « Je te laisse faire, mais je suis là si tu as besoin de moi ». Maintenant, nous devons imaginer une relation de formation plus complexe dans laquelle tous les seniors de notre spécialité accompagnent tous les jeunes, dès le 2e cycle, en les accompagnant sur leur « parcours » et en leur donnant accès aux outils de formation adéquats de façon adaptée à leur progression. Mais le meilleur outil restera toujours notre disponibilité et notre enthousiasme à transmettre ce que nous avons nous-mêmes reçu. [caption id="attachment_4466" align="aligncenter" width="840"] © Macrovector[/caption]
septembre 12, 2019
CNU · Vol. 23 Septembre 2019

Promotions universitaires : Avancements de grade

Conditions de promouvabilité Les conditions requises pour être promu sont pour l’essentiel les suivantes : – être en position d’activité ou de détachement (la promouvabilité cesse à la date où l’enseignant atteint sa limite d’âge) ; – remplir les conditions d’ancienneté requises au plus tard au 31/12 de l’année de promotion.   Pour les professeurs des universités : – aucune ancienneté nécessaire pour le passage à la 1re classe ; – 18 mois d’ancienneté à la 1re classe pour le passage à la classe exceptionnelle 1er échelon ; – 18 mois d’ancienneté au 1er échelon pour le passage à la classe exceptionnelle 2e échelon.   Pour les maîtres de conférences des universités : – avoir atteint le 2e échelon de la 2e classe pour le passage à la 1re classe ; – comptabiliser cinq années de fonctions effectives et avoir atteint le 4e échelon de la 1re classe pour le passage à la hors classe.   Pour que l’avancement soit pris en compte dans le calcul de la pension de retraite de l’enseignant, il est nécessaire que l’avancement soit prononcé au moins six mois avant la date de liquidation de la pension.   Procédures locale et nationale / Calendrier Chaque année universitaire est organisée une campagne d’avancement de grade des personnels hospitalo-universitaires titulaires. Chaque enseignant-chercheur potentiellement concerné par une promotion reçoit l’information de son université et se voit offrir l’opportunité de candidater. Si il(elle) en fait le choix, un dossier de demande d’avancement est dès lors constitué par le(la) candidat(e), lequel dossier est transmis au conseil de faculté. Le conseil de faculté émet alors un avis pour chaque enseignant-chercheur en position d’être promu : «sans avis» lorsque la personne concernée a fait le choix de ne pas transmettre de dossier ; «réservé», «favorable», «très favorable» dans le cas contraire. Concomitamment à cette procédure locale, l’avancement de grade des enseignants-chercheurs fait l’objet d’une proposition de la section compétente du Conseil national des universités (CNU) aux ministres chargés de l’Enseignement supérieur et de la Santé, sur chacun des enseignants remplissant les conditions requises pour être promus, à l’occasion de la session du mois de juin du CNU. Le nombre de promotions possibles pour l’année considérée pour chacune des sections est notifié au président de la section par le ministre chargé de l’Enseignement supérieur. Les membres de chaque section reçoivent la liste des enseignants promouvables, et une répartition par sous-section du nombre des promotions possibles pour chaque catégorie est réalisée par le président de section en concertation avec les présidents des sous-sections. L’avis émis par les conseils de faculté ou d’unité de formation et de recherche (UFR) leur est transmis, de même que l’éventuel dépôt d’un dossier. Ils désignent alors un enseignant-chercheur dans chaque sous-section concernée pour chacun des dossiers déposés qui est chargé de rapporter le dossier de l’enseignant promouvable par écrit puis en séance. Le dossier rempli par les candidat(e)s, qui ne présente aucun caractère réglementaire, est traditionnellement utilisé pour éclairer les conseils d’UFR et les sections du CNU. L’enseignant(e) qui n’a pas souhaité le transmettre demeure promouvable dès lors qu’il(elle) remplit les conditions prévues par son statut. Les propositions de promotions font l’objet d’un procès-verbal rédigé à l’issue d’un vote organisé à l’occasion de la session plénière de la section, soumise à quorum. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche notifie alors à chaque établissement universitaire les propositions de promotion qui concernent leurs enseignants-chercheurs. Les promotions deviennent effectives au 1er septembre de la même année.   Critères d’évaluation La sous-section 51-03 utilise une grille d’évaluation réunissant de nombreux critères dans les 4 domaines d'exercice des professeurs des universités-praticien hospitalier (PU-PH) et maître de conférences des universités- praticien hospitalier (MCU-PH) que sont les soins, l’enseignement, la recherche et les responsabilités collectives et managériales. Pour faciliter cette évaluation et la rendre la plus factuelle possible, la section 51-03 a rédigé une trame de dossier de candidature proposée au téléchargement dans la rubrique CNU du site de la SFCTCV. L’expérience des années précédentes démontre en effet une très grande inégalité dans la qualité de la rédaction des dossiers de candidature. La sous-section 51-03 souhaite rappeler un certain nombre de points essentiels afin de faciliter la compréhension par toutes et par tous d’une procédure d’évaluation complexe : – Même si statistiquement, pour des enseignants-chercheurs recrutés autour de l’âge de 40 ans, la promotion à la 1re classe se fait habituellement vers l’âge de 50 ans, et celle à la classe exceptionnelle vers l’âge de 60 ans, l’ancienneté dans le grade n’est aucunement un critère d’évaluation. – L’avancement dans le grade est une procédure compétitive. Le rapport promus/ promouvables s’établit en effet depuis plusieurs années entre 15 et 20% pour chaque accession au grade supérieur. – Si l’ensemble d’une carrière est bien sûr pris en compte, l’évaluation du dossier de candidature porte principalement sur la période écoulée depuis le dernier avancement dans le grade. – La chirurgie thoracique et cardiovasculaire étant par nature une discipline clinique et chirurgicale, le domaine des soins est le préalable nécessaire à toute étape ultérieure de l’évaluation. La sous-section 5103 souhaite rappeler à ce propos que la participation aux registres de la Société française de chirurgie thoracique et cardiovasculaire/Conseil national professionnel de chirurgie thoracique et cardiovasculaire (SFCTCV/CNP-CTCV) est essentielle. – L’activité d’enseignement a fait l’objet récemment d’une mesure par un score (SIAPS) qui a pour but affiché de devenir l’équivalent du score bibliométrique SIGAPS utilisé pour l’évaluation de la production scientifique. À l’heure actuelle, son utilisation pour les concours de recrutement est à peine initiée, et il est donc prématuré de l’utiliser pour l’évaluation des dossiers de promotions. Par contre, le CNU 5103 souhaite réaffirmer toute l’importance qu’il attache à la participation effective et régulière aux enseignements du collège et à la production de matériel pédagogique pour la formation initiale, en particulier depuis la réforme du 3e puis du 2e cycle des études médicales, et la formation continue dont celle réalisée dans le cadre du développement professionnel continu. – L’évaluation d’une activité de recherche ne se limite pas à ce stade au seul score SIGAPS, même si la production scientifique reste bien sûr un critère majeur. L’adossement à une structure de recherche labellisée et l’encadrement (avec mention du pourcentage en cas de co-encadrement) de travaux de thèses d’universités, de master 2 et de thèses d’exercice sont essentiels, comme peuvent aussi l’être la capacité à conduire ou participer à des essais collaboratifs nationaux ou internationaux, ou la production de brevets. – L’évaluation des responsabilités collectives et managériales est d’autant plus importante que le grade d’avancement envisagé est élevé. Les capacités à animer une équipe et à en gérer les possibles conflits internes, à la rendre attractive pour les jeunes en formation initiale, ce qui peut être illustré par exemple par la fréquence des demandes de choix inter-CHU ou la réception de chirurgiens en mobilité universitaire, à en assurer la continuité par des recrutements et des promotions sont essentielles.  L’implication et les responsabilités dans l’institution hospitalière et/ou universitaire, dans les sociétés savantes et organisations professionnelles nationales, dans les sociétés européennes et internationales de la discipline sont attendues. Les responsabilités administratives nationales et les distinctions académiques de toutes natures sont bien entendu fortement valorisées.
septembre 12, 2019