Chirurgie thoracique · Vol. 22 Septembre 2018

Oxygénation extracorporelle (veinoveineuse) par membrane dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë après résection pulmonaire

Arnaud Pforr1*, Jeremie Reeb2, Pierre-Emmanuel Falcoz2, Joseph Seitlinger2, Alain Bernard1, Pierre-Benoît Pagès1   1. CHU de Dijon, hôpital François Mitterrand, Dijon, France. 2. CHU de Strasbourg, hôpital civil, Strasbourg, France. * Correspondance : arnaud.pforr@chu-dijon.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-3-PFO Citation : Pforr A, Reeb J, Falcoz PE, Seitlinger J, Bernards A, Pagès PB. Oxygénation extracorporelle (veinoveineuse) par membrane dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë après résection pulmonaire. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(3). doi: 10.24399/JCTCV22-3-PFO   Résumé Objectifs : le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) reste une complication mortelle après résection pulmonaire (RP). Le but de cette étude était d’évaluer l’efficacité de l’oxygénation extracorporelle veinoveineuse par membrane (ECMO-VV) dans les SDRA modérés réfractaires et sévères après RP. Méthodes : nous avons revu rétrospectivement tous les patients traités par ECMO-VV pour SDRA après RP entre janvier 2010 et février 2016 au centre hospitalier universitaire de Dijon, ainsi qu’entre janvier 2009 et décembre 2015 au centre hospitalier universitaire de Strasbourg. Nous avons calculé le score SOFA (évaluation séquentielle des défaillances d’organes) avant insertion de l’ECMO et collecté les paramètres de ventilation mécanique. Le critère d’évaluation principal était la survie hospitalière. Les critères secondaires étaient la survie à 3 mois et à 6 mois, la possibilité de mettre en place une ventilation protectrice autorisant la récupération pulmonaire. Résultats : l’ECMO-VV a été indiquée chez 20 patients ayant une hypoxémie réfractaire. La pression partielle moyenne d’oxygène du sang artériel/fraction d’oxygène inspirée était de 81 mmHg (intervalle de 39 à 235 mmHg). Le score SOFA moyen avant ECMO était de 13,8 (intervalle de 12 à 17), permettant d’estimer un taux de mortalité de 60%. Le volume courant, la fraction d’oxygène inspirée et la pression expiratoire positive ont pu être diminués durant l’ECMO. L’ECMO a pu être sevrée chez 13 patients (65%). La survie hospitalière était de 45%. Tous ces patients étaient encore en vie à 3 mois. La survie à six mois était de 40%. Conclusion : la survie hospitalière était meilleure que celle prédite avant l’insertion de l’ECMO. Même chez des patients moins sévères, présentant des SDRA réfractaires après RP, l’ECMO-VV permet la récupération pulmonaire et permettrait d’améliorer la survie.     Abréviations SDRA : syndrome de détresse respiratoire aiguë. ASA : société américaine d’anesthésiologie. DLCO : capacité de diffusion pulmonaire du monoxyde de carbone. ECMO : oxygénation extracorporelle par membrane. VEMS : volume expiratoire maximum par seconde. PFC : plasma frais congelé. FIO2 : fraction inspirée en oxygène. CBNPC : cancer bronchique non à petites cellules. PaCO2 : pression partielle artérielle en dioxyde de carbone. PaO2 : pression partielle artérielle en oxygène. PEP: pression expiratoire positive. RP : résection pulmonaire. CGR : concentrés de globules rouges. IGS II : indice de gravité simplifié. SOFA : score d’évaluation séquentielle des défaillances d’organes. VC : volume courant. VV : veinoveineuse.   1. Introduction Malgré les progrès en réanimation, le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) reste une complication mortelle après résection pulmonaire (RP). Le taux de mortalité hospitalière de SDRA après RP reste élevé, allant de 40% à 60% dans les différentes cohortes [1-8]. L’oxygénation extracorporelle veinoveineuse par membrane (ECMO-VV) serait une stratégie intéressante afin de prendre en charge la défaillance respiratoire dans le SDRA sévère. La ventilation mécanique induit un barotraumatisme, un volotraumatisme et un traumatisme biologique au lieu de favoriser la récupération pulmonaire en mettant les poumons au repos [9-10]. La circulation extracorporelle peut contribuer à introduire une ventilation protectrice en utilisant un faible volume courant (VC) de 3 à 4 ml/kg, une pression expiratoire positive (PEP) allant de 5 à 10 cmH20 et une pression de plateau de moins de 30 cmH20. Cette stratégie réduit l’étirement du poumon et la libération de médiateurs de l’inflammation [11]. Certains rapports de cas ont décrit le succès de l’ECMO-VV dans les SDRA après RP associés à une fistule bronchopleurale [12-13]. Plus récemment, l’intérêt de l’ECMO-VV dans les SDRA post-pneumonectomie a été observé chez 8 patients, avec une survie hospitalière de 50%, alors que le taux de mortalité prédit était supérieur à 80% [14]. Fort de cela, nous voulions élargir la question à l’ensemble des RP. Une autre étude a évalué la possibilité de mettre en place une membrane extracorporelle sans pompe (NovalungÒ) associée à une ventilation mécanique statique pour des SDRA après RP [15]. NovalungÒ est une oxygénation extracorporelle artérioveineuse par membrane (ECMO-AV). En plus du risque de saignement, commun à tous les types d’ECMO [16], l’utilisation d’un accès vasculaire artériel peut provoquer un risque d’embolies et d’ischémie [17]. Voilà pourquoi nous pensons que l’ECMO-VV serait une procédure intéressante chez ces patients présentant un SDRA après RP réfractaire à la ventilation mécanique, et aussi un état hémodynamique stable. Au meilleur de notre connaissance, aucune étude n’a été menée afin évaluer l’intérêt de l’ECMO-VV dans les SDRA après RP. Le but de cette étude était d’évaluer l’efficacité et la sécurité d’utilisation de l’ECMO-VV pour les SDRA après RP réfractaires à la ventilation mécanique.   2. Matériels et méthodes 2.1. Conception de l’étude Nous avons revu rétrospectivement tous les patients traités par une ECMO-VV pour un SDRA après RP réfractaire à la ventilation mécanique, entre janvier 2010 et février 2016 au département de chirurgie thoracique de l’hôpital universitaire de Dijon, ainsi qu’entre janvier 2009 et décembre 2015 au département de chirurgie thoracique de l’hôpital universitaire de Strasbourg. Tous les patients ayant été exposés à un SDRA réfractaire à la ventilation mécanique ont reçu un traitement conventionnel optimal, sous sédation, curarisation et ventilés au maximum des capacités lors de la décision d’implantation du dispositif.   2.2. Gestion avant l’ECMO Toutes les RP ont été prévues avec un projet curatif pour cancer du poumon non à petites cellules ou une tumeur maligne de la plèvre. Les patients ont été évalués en préopératoire selon les recommandations de la société britannique de chirurgie thoracique [18]. Le protocole de gestion de l’anesthésie a été basé sur du sufentanil, du propofol ou de l’étomidate et du curare. Les paramètres de ventilation avant l’intervention chirurgicale étaient une PEP de 8 cmH2O, un VC de 5 à 6 ml/kg, un rapport respiratoire en fonction du CO2 expiré (cible 1/4 30 à 55 mmHg), et une FIO2  suffisante pour assurer une saturation en oxygène de 90% ou plus. Tous les patients atteints de SDRA avaient reçu une gestion conventionnelle optimale lorsque la décision a été prise d’introduire l’ECMO, et ce, à l’issue d’une discussion pluridisciplinaire.   2.3. Initiation de l’ECMO Les critères de SDRA sont établis par la définition de Berlin, qui proposait trois catégories selon le degré d’hypoxémie : faible (PaO2/FiO2 <200 à 300 mmHg), modéré (PaO2/FiO2 <100 à 200 mmHg) et sévère (PaO2/FIO2 100 mmHg). Les patients étaient admissibles à une ECMO en cas de SDRA réfractaire au traitement médical optimal. Celui-ci est défini par un SDRA sévère ou modéré à condition d’être insensible à un traitement médical optimal (ventilation mécanique avec une FiO2 à 100%, curarisation optimale, utilisation de monoxyde d’azote inhalé, réalisation de cures de décubitus ventral systématiques) et d’être hémodynamiquement stable (pression artérielle moyenne> 60 mmHg ; fonctions cardiaques normales) avec un soutien vasopresseur minimal. L’état général et la prédiction de la mortalité avant l’insertion de l’ECMO ont été estimés à l’aide du score d’évaluation séquentielle des défaillances d’organes (SOFA), qui quantifie la gravité de la maladie selon le degré d’hypoxémie, le taux de plaquettes, la fonction hépatique (bilirubine), l’état cardiovasculaire (pression artérielle moyenne et la nécessité d’utiliser des vasopresseurs), la fonction rénale (taux de créatinine et du débit urinaire), et l’échelle de coma de Glasgow [19]. Un score SOFA de 15 est en corrélation avec les taux de mortalité de plus de 80% [20].   2.4 Insertion de l’ECMO-VV L’ECMO-VV a été implantée dans les services de réanimation en utilisant la technique de Seldinger ou une approche chirurgicale ouverte. La taille des canules dépendait du site de canulation. Pour une canulation double site, les canules de sortie allaient du 21F au 25F, et les canules d’entrée allaient du 18F au 24F. Dans ce contexte, le site de drainage était la veine fémorale droite ou gauche, et le site d’injection était de préférence la veine jugulaire interne droite. Nous avons également réalisé des canulations fémorofémorales, dans cette situation les canules de sortie allaient du 18F au 24F et les canules d’entrée du 20F au 26F. Le positionnement précis des 2 canules était évalué cliniquement et par radiographie thoracique ou échographie-doppler transthoracique ou transœsophagienne. Les canulations monosite ont été réalisées avec du 27F ou un cathéter à double lumière Elite Avalon 31F (Maquet GmbH, Rastatt, Allemagne) implanté dans la veine jugulaire interne droite. Le contrôle de ces canulations monosite a été réalisé par échographie-doppler transthoracique ou transœsophagienne afin de déterminer le positionnement précis de l’extrémité distale dans la veine cave inférieure et l’orientation dirigée du flux à travers la valve tricuspide. Nous avons administré un bolus d’héparine de 5000 UI avant la canulation, nous avons ciblé un temps de céphaline activée (TCA) de 2,5 fois à 3 fois la normale. Les pompes centrifuges utilisées étaient des pompes à révolution (groupe Sorin, Milan, Italie) ou des pompes BioMedicus (Medtronic Inc, Minneapolis, États-Unis). Nous avons utilisé exclusivement des oxygénateurs Eurosets (Eurosets, Medolla, Italie).   2.5. Réglages de ventilation mécanique pendant l’ECMO Une fois l’ECMO débutée, nous sommes passés en ventilation protectrice [21]. Les réglages initiaux du respirateur étaient en mode pression contrôlée (VC maximal de 3 à 4 ml/kg ; une PEP, de 5 à 10 cmH2O et une pression de plateau ≤30 cmH2O). Les patients ont été mis sous sédation et curarisés initialement. Nous avons arrêté les curares et diminué les niveaux de sédation par palier lorsque les patients ont été stabilisés sur l’ECMO-VV et quand la réponse inflammatoire systémique était devenue contrôlée. Nous sommes passés en ventilation de soutien une fois la compliance pulmonaire augmentée, avec une PEP ≤5 cmH2O et une pression plateau ≤30 cmH2O. Une trachéotomie était réalisée après le retrait de l’ECMO au décours d’un premier échec de tentative de sevrage de la ventilation mécanique.   2.6. Gestion globale des patients durant l’ECMO Le débit de l’ECMO était ajusté aux valeurs de PaO2. La fraction d’oxygène délivrée variait de 50% à 100%. L’objectif était d’obtenir une PaO2 de 60 mmHg ou plus. Le balayage était adapté à la pression partielle du dioxyde de carbone artériel (PaCO2). La cible de PaCO2 variait de 35 à 60 mmHg, avec un pH normal. La surveillance continue des patients et de l’ECMO était réalisée par les réanimateurs, les chirurgiens thoraciques, les perfusionnistes, les infirmières et les kinésithérapeutes. La surveillance de la thrombose de l’oxygénateur était effectuée plusieurs fois par jour par les perfusionnistes. Tous les patients ont été héparinés sous ECMO avec un objectif de TCA de 2,0 fois à 2,5 fois la normale. En cas de saignement, la cible était réduite de 1,5 à 2,0 fois la normale. Le taux de plaquettes et de fibrinogène était surveillé quotidiennement. La pression artérielle moyenne était contrôlée en permanence avec un objectif de 65 mmHg ou plus. L’utilisation de vasoconstricteurs a été évaluée par le débit de norépinéphrine avant le début de l’ECMO. L’épuration extrarénale a été réalisée en cas d’insuffisance rénale ou une surcharge liquidienne avec oligurie, ou l’association des deux. Les patients traités par ECMO ont été éligibles pour le sevrage lorsque leur compliance pulmonaire avait augmenté et que leur état clinique s’était amélioré (ventilation mécanique avec FiO2 <50%, PEP <5 cmH2O, pression de plateau <30 cmH2O, avec VC> 4 ml/kg). Le balayage a été progressivement diminué puis éteint en présence d’un débit d’ECMO constant. Si les gaz du sang artériels étaient restés satisfaisants pendant 4 heures, l’ECMO était sevrée. Les radiographies thoraciques ont été réalisées à la demande, fondée sur des arguments cliniques ou biologiques.   2.7. Critères d’évaluation de l’étude Le critère d’évaluation principal était la survie hospitalière. Les critères secondaires étaient la survie à 3 mois et à 6 mois, l’évaluation des complications, la capacité à effectuer une ventilation protectrice durant l’ECMO, permettant la récupération pulmonaire.   2.8. Collecte des données Les données recueillies étaient des données démographiques (âge, sexe, indice de masse corporelle, le score ASA, antécédent de bronchite chronique et de maladies cardiovasculaires, le tabagisme), le bilan d’opérabilité avant RP (VEMS, DLCO), les caractéristiques oncologiques (sous-type anatomopathologique et stade, utilisation de chimiothérapie néo-adjuvante), le type et le côté de la résection, les caractéristiques avant l’ECMO-VV (valeurs gazométriques, PaO2/FiO2, la pression artérielle moyenne, le soutien vasopresseur, l’intervalle avec la chirurgie, la nature du SDRA, le score SOFA, le score IGS-II (calculé à l’admission en réanimation), les caractéristiques de l’ECMO-VV (les paramètres de l’ECMO, les thérapies associées, et en particulier les variables de la ventilation mécanique) et les résultats (la survie hospitalière, la survie à 3 mois puis à 6 mois, les complications, le sevrage de l’ECMO, le sevrage de la ventilation mécanique).   2.9. Analyses statistiques Les données quantitatives sont exprimées en tant que moyennes avec leurs intervalles et les données qualitatives sont représentées en valeurs absolues et en pourcentages. Les variables continues ont été comparées en utilisant le test Wilcoxon apparié. Les variables qualitatives ont été comparées à l’aide du test de Chi2. La significativité statistique a été fixée pour des valeurs p inférieures à 0,05. Toutes les analyses ont été réalisées avec Stata 14 logiciel statistique (StataCorp, College Station, Texas, États-Unis).   3. Résultats 3.1. Patients Les caractéristiques des patients, de l’anatomopathologie et de la chirurgie sont incluses dans le tableau 1. Dans notre population, le sexe masculin était le plus fréquent (95%). Il y avait 55% de carcinomes épidermoïdes et 35% d’adénocarcinomes. Peu de traitement d’induction était nécessaire, il y a eu 4 chimiothérapies néoadjuvantes (20%) et pas de radiothérapie. Les chirurgies les plus fréquentes étaient la lobectomie (35%) et la pneumonectomie (35%). Les informations de l’ECMO sont détaillées dans le tableau 2. Le délai moyen entre la chirurgie et la mise en place de l’ECMO était de 9,6 jours (intervalle de 0 à 40 jours). Dans notre cohorte de 20 patients présentant un SDRA après RP, l’étiologie était infectieuse pour l’ensemble des patients. Tous les patients étaient hémodynamiquement stables avant l’implantation de l’ECMO. Il n’a jamais été nécessaire de changer le circuit ou la configuration de l’ECMO.   Tableau 1. Caractéristiques des patients, de l’anatomopathologie et de la chirurgie. Variables Moyenne (intervalle) ou N° (%) (N=20) Caractéristiques des patients Âge 63 (45-84) Sexe masculin 19 (95%) Indice de masse corporelle (kg/m2) 24,1 (17,3-40) Score ASA 3 (2-4) Antécédents de bronchite chronique 5 (25%) Antécédents de maladies cardiovasculaires 7 (35%) Tabagisme (paquets/année) 38 (0-80) Sevrage tabagique <6 mois 7 (38,9%) VEMS (%) 80 (50-100) DLCO (%) 79,2 (57-94) Score SOFA 13,8 (12-17) Score IGS-II 43,8 (13-87) Anatomopathologie CBNPC Adénocarcinomes 7 (35%) Carcinomes épidermoïdes 11 (55%) Tumeur carcinoïde typique 1 (5%) Mésothéliome pleural malin 1 (5%) Stade pTNM (2009) IA 6 (30%) IB 2 (10%) IIA 3 (15%) IIB 1 (5%) IIIA 6 (30%) IIIB 2 (10%) Gestion péri-opératoire Traitement d’induction Chimiothérapie 4 (20%) Radiothérapie 0 (0%) Côté de la chirurgie Droite 9 (45%) Gauche 11 (55%) Type de chirurgie Lobectomie supérieure 3 (15%) Lobectomie moyenne 0 (0%) Lobectomie inférieure 4 (20%) Lobectomie avec bronchoplastie 1 (5%) Bilobectomie 1 (5%) Pneumonectomie 7 (35%) Pneumonectomie avec résection de carène 2 (10%) Pneumonectomie de totalisation 1 (5%) Pleuropneumonectomie 1 (5%)   Tableau 2. Information de l’ECMO et résultats cliniques. Variables Moyenne (intervalle) ou N° (%) Délai chirurgie-ECMO (jours) 9,6 (0-40) Délai intubation-ECMO (jours) 2,4 (0-7) Avant implantation de l’ECMO Pression artérielle moyenne (mmHg) 68 (44-94) Norépinephrine (mg/kg/min)   1,7 (0-6,5) Durant l’ECMO Pression artérielle moyenne (mmHg) 80 (71-92) TCA (secondes) 1,8 (1,1-2,3) Débit de l’ECMO (l/min) 3,4 (2,4-4,8) Balayage (l/min) 4,5 (1,1-7,2) CGR transfusés (unités) 16 (0-51) Concentrés plaquettaires (unités) 2 (0-11) PFC transfusés (unités) 6 (0-34) Épuration extrarénale 8 (40%) Chirurgie pour complication hémorragique 4 (20%) Sevrage de l’ECMO 13 (65%) Durée de l’ECMO Pour tous les patients (jours) 11 (1-29) Pour les patients sevrés (jours) 9 (4-19)   3.2. Les résultats cliniques des patients Nous avons observé un taux de survie hospitalière de 45%, 11 patients (55%) sont morts au cours de leur hospitalisation. Les patients qui ont survécu après l’ECMO-VV étaient significativement plus jeunes (57 vs 68 ans, p=0,0375) [tableau 3] et nécessitaient un balayage sensiblement plus faible pendant l’ECMO (3,8 vs 5,1 l/min, p=0,0368) [tableau 4]. Les patients qui ont survécu avaient une durée plus courte d’ECMO (7 vs 14 jours, p=0,017). Les patients nécessitant une épuration extrarénale étaient nettement plus nombreux dans le groupe des non-survivants (p=0,017) [tableau 4]. Ces 9 patients survivants étaient encore en vie 3 mois après leur hospitalisation. La survie à 6 mois n’a été observée que pour 8 patients (40%). Le patient décédé dans l’intervalle est mort d’une récidive de son cancer. Nous avons observé une durée médiane de séjour de 59 jours (intervalle de 25 à 121 jours). Treize des 20 patients (65%) ont été sevrés de l’ECMO, avec une durée moyenne de 9 jours (intervalle de 4 à 19 jours). Aucun de nos patients n’a été sevré de la ventilation mécanique avant l’ablation de l’ECMO. Dix patients (50%) ont été extubés et 4 (20%) ont été trachéotomisés. Les patients trachéotomisés sont plus nombreux dans le groupe des survivants (p=0,013) [tableau 3]. Un seul patient extubé n’a pas pu sortir de l’hôpital en vie.   Tableau 3. Caractéristiques des patients en fonction de la survie hospitalière. Variables Total (N=20) Survivants (N=9) Non survivants (N=11) p Âge 63 (45-84) 57 (45-65) 68 (60-84) 0,0375 Indice de masse corporelle (kg/m2) 24,1 (17,3-40) 24,3 (17,3-30) 23,9 (22,3-40) 0,8849 ASA score 2 3 4 6 (30%) 13 (65%) 1 (5%) 3 (33%) 6 (66%) 0 3 (27%) 7 (63%) 1 (9%) 0,642 Antécédents de bronchite chronique 5 (25%) 1 (11%) 4 (36%) 0,194 Antécédents de maladies cardiovasculaires 7 (35%) 2 (22%) 5 (45%) 0,279 Sevrage tabagique <6 mois 7 (38,9%) 2 (25%) 5 (50%) 0,28 VEMS (%) 80 (50-100) 85 (75-100) 75 (50-85) 0,1398 Score SOFA 13,8 (12-17) 13,8 (12-15) 13,7 (12-17) 0,8365 Fistule bronchopleurale 5 (25%) 2 (22%) 3 (27%) 0,795 Les résultats sont rapportés avec la moyenne et son intervalle, ou avec les effectifs et leurs pourcentages.   Tableau 4. Caractéristiques avant l’ECMO, pendant l’ECMO et après l’ablation de l’ECMO en fonction de la survie hospitalière. Variables Total (N=20) Survivants (N=9) Non-Survivants (N=11) p Avant implantation de l’ECMO Délai chirurgie-ECMO (jours) 9,6 (0-40) 8,7 (0-17) 10,2 (3-40) 0,7673 Délai intubation-ECMO (jours) 2,4 (0-7) 1,88 (0-7) 2,8 (1-5) 0,5078 PaO2 (mmHg) 71,1 (43-120) 62,4 (43-74,7) 78,1 (67,2-120) 0,0437 PaCO2 (mmHg) 58,4 (29-136) 64,6 (41,9-136) 53,2 (29-60,3) 0,2477 PaO2/FiO2 (mmHg) 81,1 (39-235) 65,5 (39-81) 93,9 (60-235) 0,1288 Pression artérielle moyenne (mmHg) 68 (44-94) 69,6 (57,2-94) 67,1 (44-75,9) 0,7085 Norépinephrine (mg/kg/min) 1,7 (0-6,5) 1,6 (0-6,5) 1,7 (0,2-3,1) 0,9383 FiO2 (%) 95 (70-100) 96 (90-100) 94 (70-100) 0,6491 VC (ml) 418 (220-550) 397 (220-469) 435 (396-550) 0,2821 PEP (cmH2O)   7 (3-12) 6 (3-8) 7 (5-12) 0,625 Durant l’ECMO Pression artérielle moyenne (mmHg) 80 (71-92) 81 (76,3-92) 78 (71-83,5) 0,4371 TCA (seconde) 1,8 (1,1-2,3) 1,8 (1,1-2,3) 1,8 (1,6-1,9) 0,9447 Débit de l’ECMO (l/min) 3,4 (2,4-4,8) 3,3 (2,4-3,8) 3,5 (2,9-4,8) 0,617 Balayage (l/min) 4,5 (1,1-7,2) 3,8 (1,1-4,8) 5,1 (4,3-7,2) 0,0368 CGR transfusés (unités) 16 (0-51) 10 (0-18) 21 (11-51) 0,0764 Concentrés plaquettaires (unités) 2 (0-11) 0,7 (0-2) 2,7 (0-11) 0,1448 PFC transfusé (unités) 6 (0-34) 3,1 (0-8) 8,5 (0-34) 0,2462 Épuration extrarénale 8 (40%) 1 (11%) 7 (63%) 0,017 PaO2 (mmHg) 102 (73-136) 104 (91-136) 100 (73-113) 0,6709 PaCO2 (mmHg) 42 (32-50) 42,8 (38-50) 40,9 (32-43) 0,3528 FiO2 (%) 53 (38-91) 47 (38-51) 58 (48-91) 0,0485 VC (ml) 329 (122-503) 316 (122-391) 340 (282-503) 0,5753 PEP (cmH2O) 5 (0,3-10) 5,5 (0,3-10) 4,9 (3,5-6,2) 0,5729 Chirurgie pour complication hémorragique   4 (20%) 2 (22%) 2 (18%) 0,822 Après ablation de l’ECMO Sevrage de l’ECMO 13 (65%) 9 (100%) 4 (36%) 0,003 Durée de l’ECMO 11 (1-29) 7 (1-14) 14 (8-29) 0,017 Extubation 10 (50%) 9 (100%) 1 (9%) 0,0001 Trachéotomie 4 (20%) 4 (44%) 0 (0%) 0,013 PaO2/FiO2 (mmHg) 263 (102-514) 266 (192-340) 255 (102-514) 0,8925 PaCO2 (mmHg)   45 (36-75) 42 (37-47) 51 (36-75) 0,2035 Les résultats sont rapportés avec la moyenne et son intervalle, ou avec les effectifs et leurs pourcentages.   3.3. Complications Aucune complication n’a été observée au cours de l’implantation de l’ECMO. Quatre patients (20%) ont nécessité une intervention chirurgicale pour des complications hémorragiques, 2 de ces patients sont décédés. L’un d’une coagulation intravasculaire disséminée en raison de saignements majeurs incontrôlables, malgré plusieurs reprises chirurgicales (sur site opératoire ainsi que sur le site de prélèvement du lambeau musculaire de grand dorsal), et l’autre d’une défaillance multi-organes compliquant un empyème pleural sur une volumineuse fistule bronchopleurale imposant une suture de la fistule associée à un lambeau musculaire de grand dentelé. Des complications hémorragiques identiques ont été observées dans la cavité pleurale et dans le site de prélèvement du lambeau musculaire. Les 2 autres patients étaient encore en vie 6 mois après leur sortie de l’hôpital. Pour ces 4 patients les complications sont survenues quelques jours après l’initiation de l’ECMO. Dans ces cas-là, une adaptation de l’anticoagulation était faite, soit par diminution de la cible du TCA de 1,5 à 2,0 fois la normale, soit en stoppant toute anticoagulation pendant 24 heures environ. Il n’a pas été observé d’autres complications, comme des accidents vasculaires cérébraux ou des embolies vasculaires. Les éventuelles phlébites en amont des canules n’étaient pas dépistées systématiquement. La recherche de thromboses veineuses ne se faisait que sur signes d’appel. Aucune phlébite ou embolie pulmonaire n’a été découverte dans les suites.   3.4. Récupération pulmonaire Avant l’insertion de l’ECMO, la PaO2/FIO2 moyenne était de 81 (intervalle de 39 à 235) mmHg et la PaCO2 moyenne était de 58 (intervalle de 29 à 136) mmHg, les patients étaient la plupart du temps en acidose respiratoire avec un pH moyen de 7,26 (intervalle de 6,95 à 7,49). Les patients qui ont survécu avaient une PaO2 significativement plus faible avant l’ECMO (62,4 vs 78,1 mmHg, p=0,0437) [tableau 4]. Les informations sur l’ECMO pendant le support sont détaillées dans le tableau 2. L’hypoxémie et l’hypercapnie ont toutes deux été corrigées après l’implantation de l’ECMO (PaO2 moyenne pendant l’ECMO : 102 mmHg vs avant l’ECMO : 71 mmHg, p=0,0003 ; PaCO2 moyenne pendant l’ECMO : 42 mmHg vs avant l’ECMO : 58 mmHg, p=0,0006). À l’ablation de l’ECMO, les fonctions pulmonaires avaient récupéré, la PaO2/FIO2 moyenne était de 263 (intervalle de 102 à 514) mmHg, nettement améliorées par rapport à avant la mise en place de l’ECMO (p=0,0001), et la PaCO2 moyenne était de 45 (intervalle de 36 à 75) mmHg, mais la différence n’était pas statistiquement significative comparée à avant l’introduction de l’ECMO [figures 1 et 2]. Avant l’insertion de l’ECMO, la FIO2 moyenne était de 95% (intervalle de 70 à 100%). Le VC moyen était de 418 ml (intervalle de 220 à 550 ml). La PEP moyenne était de 7 cmH2O (intervalle de 3 à 12 cmH2O). La pression de plateau moyenne n’a pas pu être évaluée en raison d’un nombre trop important de données manquantes. Dès la mise en place de l’ECMO, la FIO2 a pu être diminuée (FIO2 moyenne pendant l’ECMO : 53% vs avant l’ECMO : 95%, p=0,00015). Les patients qui ont survécu avaient une FiO2 significativement plus faible durant l’ECMO (47% vs 58%, p=0,0485) [tableau 4]. Les patients ont été ventilés avec une PEP moyenne sous ECMO de 5 cmH20 (intervalle de 0,3 à 10 cmH2O), avec également une diminution significative (p=0,0242). Il a également été observé une diminution significative du VC (VC avant l’ECMO de 418 ml vs VC durant l’ECMO de 329 ml, p=0,000707) [figure 3].   [caption id="attachment_4128" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Dynamique de l’échange d’oxygène : rapport de la pression partielle de l’oxygène dans le sang de l’artère radiale à la fraction d’oxygène inspiré (PaO2/FIO2).[/caption]   [caption id="attachment_4129" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Dynamique de la pression partielle du dioxyde de carbone dans le sang de l’artère radiale (PaCO2).[/caption]   [caption id="attachment_4130" align="aligncenter" width="212"] Figure 3. Comparaison des paramètres de ventilation mécanique avant insertion de l’ECMO avec ceux pendant l’ECMO pour mettre en place la ventilation protectrice.(A) : fraction d’oxygène inspiré (FIO2) ; (B) : volume courant (VC) ; (C) : pression expiratoire positive (PEP).[/caption]   4. Discussion Le SDRA survient dans moins de 3% des cas après RP [3]. Mais malheureusement sa mortalité reste élevée. Dans notre étude, la mortalité attendue a été estimée à partir du score SOFA [20]. Avec un score moyen de 13,8, le taux de mortalité corrélé est de 60%. La mortalité observée était de 55%, ce qui laisse suggérer une légère amélioration de la mortalité. À notre connaissance, il n’y a pas d’autre étude de cohorte axée sur les SDRA après RP traités par ECMO-VV. Le groupe de travail de Berlin a reconnu que la gravité du pronostic du SDRA est étroitement liée à la gravité de l’hypoxémie. Il a été défini un groupe de patients à haut risque, ayant une PaO2/FIO2 inférieure à 100 mmHg (classés comme SDRA sévère), pour lesquels le taux de mortalité moyen était de 45% [22]. L’un des premiers rapports concernant la mortalité des lésions pulmonaires aiguës (PaO2/FiO2 <300 mmHg) et des SDRA (PaO2/FiO2 <200 mmHg) postopératoires concernait des patients pris en charge entre 1991 et 1997. Les SDRA sont survenus chez 36 patients (3,1%) et leur taux de mortalité était de 72,2% (7 résections étendues, 10 pneumonectomies, 17 lobectomies et 2 résections mineures) [1]. Une étude a évalué la mortalité des SDRA après RP entre 2000 et 2005, avec une définition du SDRA comme ayant une PaO2/FiO2 inférieure à 200 mmHg. Les auteurs ont identifié 22 patients, avec un taux de mortalité de 45% (10 pneumonectomies, 6 lobectomies et 6 résections mineures). Trois patients ont été traités sans intubation, ce qui suggère que le critère d’une PaO2/FiO2 à 200 pourrait être trop permissif. Trois patients ont été pris en charge avec une ECMO veino-arterielle, avec un décès [7]. Une autre étude (de 2002 à 2004) mettant en commun les lésions pulmonaires aiguës et les SDRA a décrit un taux de mortalité de 40% pour des SDRA après RP [3]. Plus récemment (de 2005 à 2006), une étude a porté sur 7 patients présentant des SDRA sévères après RP, traités avec un système d’oxygénation par membrane extracorporelle sans pompe de type artérioveineuse (Novalung®) [15]. Le taux de mortalité était de 14% (n=1). Le patient est décédé avec le dispositif d’une défaillance multiviscérale. L’un des patients sevrés a nécessité une embolectomie artérielle ainsi qu’une plastie avec patch de l’artère fémorale commune canulée. Ce dispositif permet une amélioration significative des fonctions respiratoires (rapport PaO2/FIO2 et PaCO2), et aussi une diminution significative du VC, de la pression de plateau et de la PEP, permettant ainsi la récupération pulmonaire. Une diminution de FiO2 a été observée, mais la différence n’était pas significative. Dans cette étude, il y avait une majorité de pneumonectomies (n=5) avec seulement 2 lobectomies. La pneumonectomie est connue pour sa morbidité et sa mortalité. Selon la base de données nationale française (EPITHOR), la mortalité opératoire de la pneumonectomie pour le cancer du poumon est de 7,8% [23]. Récemment, Reeb et al. ont évalué l’intérêt de l’ECMO-VV dans les SDRA sévères post-pneumonectomie [14]. Au total, 8 patients (entre 2009 et 2015) avaient présenté un SDRA, avec une PaO2/FIO2 moyenne de 68 mmHg et un score SOFA moyen de 15. Le taux de mortalité prédit était supérieur à 80%. La mortalité observée était de 50%. Ce résultat souligne le probable intérêt de l’ECMO-VV chez ces patients gravement malades. Dans notre étude, le taux de mortalité est comparable à cette série. Avec une PaO2/FiO2 moyenne de 81 mmHg et un score SOFA moyen 13,8, notre population semble moins grave. Dans notre cohorte, un patient avec une PaO2/FIO2 de 235 mmHg a bénéficié de la mise en place d’une ECMO-VV après réunion de concertation pluridisciplinaire dans un contexte de SDRA compliquant un empyème sur une volumineuse fistule bronchopleurale. Le patient a dû être réopéré à plusieurs reprises pour des complications hémorragiques intrapleurales et site de prélèvement du lambeau musculaire. Malgré une hémodynamique stable, le patient est décédé d’une défaillance multi-organes dans les suites de l’opéartion. En dépit de ces observations, l’ECMO-VV dans ces indications offrirait une amélioration de la mortalité observée par rapport à la mortalité prédite. Le score SOFA est un outil validé dans l’estimation de la mortalité prédite. Mais cette mortalité prédite dépend du moment de la prise en charge où le score est calculé [24]. Dans cette étude, un score SOFA en début de prise en charge dépassant 11 prédit un taux de mortalité de 95%. Tandis que la plus grande valeur du score SOFA calculé pendant tout le séjour en réanimation, de 13 par exemple, prédit un taux de mortalité de 80%. Dans notre étude, le score SOFA moyen a été calculé juste avant l’insertion de l’ECMO, et de ce fait le taux de mortalité peut être sous-évalué. En outre, dans une autre étude qui a suivi prospectivement 85 patients atteints de SDRA pris en charge par ECMO, le score SOFA moyen calculé avant l’ECMO des 48 patients (56%) décédés à l’hôpital était de 10 (intervalle de 7 à 12). Tous les patients ayant un score SOFA dépassant 12 sont morts à l’hôpital [25]. Cette même étude a décrit 2 facteurs prédictifs de la mortalité concordant aux données de notre étude : l’âge et la nécessité d’une épuration extrarénale pendant l’ECMO. Le score IGS-II fournit une estimation intéressante du risque de décès sans avoir à spécifier un diagnostic primaire [26]. Ce score permet d’évaluer le taux de mortalité pour tous les patients admis en réanimation, et son calcul est effectué à l’admission. Avec un score IGS-II de 43,8, le taux de mortalité estimé est de 33%. Ce score est sans doute inapproprié car il sous-estime le taux de mortalité. Cela est probablement dû à un calcul du score à l’admission en réanimation, moment où les patients sont, pour la plupart, dans un état moins critique que durant les quelques heures précédant l’introduction de l’ECMO. Comme le montrent les études précédentes [14-15], l’ECMO-VV est pensée pour mettre le poumon endommagé au repos. Nos résultats corroborent ces données, mais nous déplorons un manque d’information concernant la pression de plateau, ce qui nous empêche d’interpréter ces données importantes. En effet, dans un de nos centres, la mesure de la pression de plateau n’était pas faite systématiquement. Depuis, les pratiques ont évoluées. Le résultat surprenant concernant les patients ayant une faible PaO2 avant introduction de l’ECMO et leur plus grande probabilité de survie pourrait être expliqué par le fait qu’ils puissent bénéficier davantage de l’ECMO. Par ailleurs l’analyse isolée de la PaO2 (sans la FiO2) ne peut être un facteur pertinent. Nos résultats concernant la survie à 6 mois suggèrent qu’une fois le SDRA traité, le pronostic des patients dépendrait d’avantage du stade TNM. Notre étude est limitée par la petite taille de la cohorte, et les différences globales de gestion des patients entre nos 2 réanimations différentes. Il semble évident qu’un centre effectuant en routine de la transplantation pulmonaire soit plus habitué à gérer une ECMO. Notre étude doit se poursuivre par une étude prospective et multicentrique afin de pouvoir conclure sur l’efficacité de cette thérapeutique.   5. Conclusion Cette étude a observé un taux de mortalité de 55% alors que le taux de mortalité prédit, estimé par le score SOFA, était de 60%. L’ECMO-VV garantit en toute sécurité des échanges gazeux satisfaisants, et permet la récupération pulmonaire en plaçant les poumons au repos. Et cela avec un taux de complication acceptable. Ces résultats ne permettent pas de conclure de l’efficacité de cette technique, et doivent se poursuivre par une étude prospective et multicentrique.   Références Kutlu CA, Williams EA, Evans TW, Pastorino U, Goldstraw P. Acute lung injury and acute respiratory distress syndrome after pulmonary resection. Ann Thorac Surg 2000 Feb;69(2):376–80. https://doi.org/10.1016/S0003-4975(99)01090-5 Jordan S, Mitchell JA, Quinlan GJ, Goldstraw P, Evans TW. The pathogenesis of lung injury following pulmonary resection. Eur Respir J 2000 Apr;15(4):790–9. https://doi.org/10.1034/j.1399-3003.2000.15d26.x PMid:10780775 Dulu A, Pastores SM, Park B, Riedel E, Rusch V, Halpern NA. Prevalence and mortality of acute lung injury and ARDS after lung resection. Chest 2006 Jul;130(1):73–8. https://doi.org/10.1016/S0012-3692(15)50955-0 Ruffini E, Parola A, Papalia E, Filosso PL, Mancuso M, Oliaro A, et al. Frequency and mortality of acute lung injury and acute respiratory distress syndrome after pulmonary resection for bronchogenic carcinoma. Eur J Cardio-Thorac Surg 2001 Jul;20(1):30–6, discussion 36-37. https://doi.org/10.1016/S1010-7940(01)00760-6 Licker M, de Perrot M, Spiliopoulos A, Robert J, Diaper J, Chevalley C, et al. Risk factors for acute lung injury after thoracic surgery for lung cancer. 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septembre 5, 2018
Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Septembre 2018

«Debranching aortique» chez les patients contre-indiqués à la chirurgie classique : cohorte de 32 patients

Antoine Aguettant1, Alexandre Metras1, Mathieu Pernot1, M. Watanabee1, Pierre Oses1, Julien Peltan1, Marie-Nadine Laborde1, Francesco Madonna1, L. Cadusseau1, Aurélie Fresselinat2, Laurent Barandon1, Louis Labrousse1   Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, France. Pharmacie hospitalière, groupe hospitalier sud, CHU de Bordeaux, France. Correspondance : antoine.aguettant@hotmail.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-3-AGU Citation : Aguettant A, Metras A, Pernot M, Watanebee M, Oses P, Peltan J, Laborde N, Madonna F, Cadusseau L, Fresselinat A, Barandon L, Labrousse L . «Debranching aortique» chez les patients contre-indiqués à la chirurgie classique : cohorte de 32 patients. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(3). doi: 10.24399/JCTCV22-3-AGU   Résumé Introduction : le traitement de première intention des anévrismes de l’aorte transverse est la chirurgie ouverte avec arrêt circulatoire. L’essor de la chirurgie endovasculaire permet de nouvelles prises en charge. Cette étude rétrospective recherche la faisabilité et la fiabilité d’une procédure hybride, par traitement aortique endoprothétique associé à une revascularisation chirurgicale des troncs supra-aortiques. Matériel et méthodes : nous avons sélectionné l’ensemble des patients opérés d’une endoprothèse aortique thoracique entre 2000 et 2014. Nous avons inclus de manière rétrospective 32 patients ayant bénéficié d’une  chirurgie endovasculaire de l’arche aortique avec revascularisation chirurgicale des troncs supra-aortiques. Nous avons exclus les revascularisations isolées de l’artère sous-clavière gauche. Le critère principal de jugement était le succès chirurgical définit par une exclusion de l’anévrisme avec absence d’endofuite de type I au décours de la chirurgie. Les critères secondaires étaient : l’incidence d’AVC en postopératoire, la survie a 30 jours, la survie a 2 ans, le délai sans réintervention. Le suivi des patients était réalisé par un scanner avant la sortie de l’hôpital, puis un scanner a 6 mois puis à 1 an, puis tous les ans. Résultats : le succès chirurgical a été obtenu dans 94% des cas. Seulement 2 patients avaient une endofuite de type I en postopératoire. L’incidence des AVC en postopératoire était de 3% (n=1). La mortalité a 30 jours était de 9% (n=3). Les causes de décès étaient une défaillance cardiaque (n=2) et une défaillance multiviscérale (n=1), ces 3 patients étant hospitalisés en urgence pour fissuration d’anévrisme. L’absence de réintervention était de 91% à 1 an et 84% à 5 ans. La survie à 2 ans était de 62% Conclusion : la faisabilité des debranching aortique dans le traitement des anévrismes de l’aorte transverse est comparable aux procédures totalement endovasculaires et présente une morbi-mortalité moindre qu’en chirurgie ouverte.   Abstract Introduction: The first-line treatment of transverse aortic aneurysms is open surgery with circulatory arrest. The increase in endovascular surgery allows new forms of management. This retrospective study investigated the feasibility and reliability of a hybrid procedure, endoprosthetic aortic treatment associated with surgical revascularization of supra-aortic trunks. Methods: We selected all patients operated on for a thoracic aortic stent between 2000 and 2014. We retrospectively included 32 patients who underwent endovascular aortic arch surgery with surgical revascularization of the supra-aortic trunks. We excluded isolated revascularizations of the left subclavian artery. The primary endpoint was surgical success defined by exclusion of the aneurysm with no type I endoleak following surgery. The secondary endpoints were postoperative stroke incidence, 30-day survival, 2-year survival, and no reoperation. Patient follow-up was carried out by a scanner prior to hospital discharge, and a CT scan 6 months and 1 year later, and then every year. Results: Surgical success was achieved in 94% of cases. Only 2 patients had a type I endoleak postoperatively. The incidence of stroke postoperatively was 3% (n = 1). The 30-day mortality was 9% (n = 3). The causes of death were heart failure (n = 2) and multiorgan failure (n = 1). It should be noted that these 3 patients were hospitalized for emergency aneurysm cracking. The absence of re-intervention was 91% at 1 year and 84% at 5 years. Survival at 2 years was 62%. Conclusion: The feasibility of aortic debranching in the treatment of transverse aortic aneurysms is comparable to fully endovascular procedures, and it has lower morbidity and mortality than open surgery.   1. Introduction Les anévrismes de la crosse aortique restent une pathologie fréquente. Actuellement les progrès de la chirurgie endovasculaire permettent une prise en charge totalement percutanée, moins lourde qui entraîne théoriquement une diminution de la morbimortalité [1]. Ces nouvelles techniques totalement endovasculaires ont cependant encore un taux de complications péri-opératoires et de réopérations non négligeables [2,3]. Le traitement de référence reste donc la chirurgie ouverte mais cette dernière n’est pas applicable chez les patients les plus fragiles et sa place exacte dans ce contexte de développement des techniques endovaculaires doit être probablement en partie redéfinie [4-7]. Nous avons dans ce contexte étudié de manière rétrospective les résultats d’une procédure hybride chez les patients à haut risque ou contre-indiqués à la chirurgie classique ; le «debranching aortique» qui associe couverture aortique endoprothétique par voie percutanée et revascularisation chirurgicale des troncs supra-aortiques permettant l’optimisation de la zone d’appui de l’endoprothèse.   2. Matériel et méthodes Nous avons sélectionné de manière rétrospective l’ensemble des patients opérés d’une endoprothèse aortique thoracique entre 2000 et 2014.   2.1. Critères d’inclusion Étaient inclus les patients ayant bénéficié d’une chirurgie endovasculaire de l’arche aortique avec revascularisation chirurgicale des artères à visée cérébrale. Tous les patients avaient été considérés comme à haut risque ou contre-indiqués à la chirurgie classique en raison de la lourdeur de leurs comorbidités.   2.2. Critères d’exclusion Les revascularisations isolées de l’artère sous-clavière gauche. Une chirurgie de l’aorte ascendante associée. Nous avons inclus 32 patients, dans un contexte d’urgence chirurgicale ou de chirurgie programmée. Le critère principal de jugement était le succès chirurgical défini par une exclusion de l’anévrisme avec absence d’endofuite de type I au décours de la chirurgie. Les critères secondaires étaient l’incidence d’AVC en postopératoire, la survie à 30 jours, la survie à 2 ans, le délai sans réintervention. Un angioscanner thoracique était réalisé en préopératoire. Le sizing de l’anévrisme permettait de définir la taille de l’endoprothèse nécessaire, en préopératoire. Il fallait un collet >20 mm pour pouvoir larguer l’endoprothèse [8-11]. La zone de largage a été définie en fonction de la classification d’Ishimaru [12]. Le diamètre de l’endoprothèse était défini en fonction du diamètre des collets proximaux et distaux. La chirurgie a toujours été réalisée en un seul temps opératoire. Le patient était d’abord opéré du debranching aortique, puis le temps endovasculaire était réalisé. Le debranching consistait soit en un pontage carotidocarotidien cervical, soit en une réimplantation indirecte par prothèse Dacron de 2 ou 3 des troncs supra-aortiques (tronc artériel brachiocéphalique, carotide primitive gauche et sous-clavière gauche) par clampage sans CEC de l’aorte ascendante sous hypotension controlée et/ou pacing rapide. L’implantation de l’endoprothèse a été réalisée par voie fémorale dans tous les cas sauf 2 ou un abord transaortique direct a été préféré de par les tortuosité et diamètre des axes iliaques. Le suivi des patients était réalisé par un scanner avant la sortie de l’hôpital, puis un scanner à 6 mois puis à 1 an, puis tous les ans. Les analyses statistiques ont été réalisées grâce au logiciel GraphPad Prism 6.   Résultats Au total, 32 patients ont été inclus dans l’étude. Il s’agissait principalement d’hommes (n=26), d’âge avancé (moyenne d’âge 73 ans, entre 55 et 83 ans), hypertendus dans 62,5% des cas (n=20) et opérés en urgence dans 25% des cas (n=8). Les caractéristiques des patients sont reportées dans le tableau 1. L’EuroSCORE II moyen était de 14+/-9. La durée moyenne de suivi était de 4,11 ans.   Tableau 1. Caractéristiques des patients. Variable Nombre % Âge 73 (55-83) Sexe Homme 26 81 Femme 6 19 Urgence 8 25 Chirurgie programmée 24 75 Facteurs de risques cardiovasculaires HTA 20 63 Diabète 10 31 Surpoids/Obésité 13 41 Hypercholestérolémie 10 31 Tabac 11 34 Comorbidités BPCO 6 19 ATCD d’AVC 2 6 ATCD d’infarctus du myocarde 8 25 ATCD d’insuffisance rénale 2 6 ATCD de FA 5 16 ATCD de chirurgie aortique Aorte ascendante 1 3 Aorte transverse 2 6 Aorte thoracique descendante 2 6 Aorte abdominale 3 9,5 Chirurgie cardiaque autre 4 12,5 Indication opératoire Dissection de type B 5 16 Fissuration d’anévrisme 7 22 Rupture de l’isthme aortique 2 6 Anévrisme >50 mm 31 97 Endofuite 1 3 HTA : hypertension artérielle ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; ATCD : antécédents ; AVC : accident vasculaire cérébral ; FA : fibrillation auriculaire.   La revascularisation chirurgicale la plus fréquente (75% des patients) est la réimplantation de la carotide gauche (n=24) [tableau 3], en raison d’un collet proximal de largage d’endoprothèse en amont de cette artère (zone 1). L’alternative de revascularisation carotidienne était le pontage carotidocarotidien pratiqué dans 25% des cas (n=8). Le choix entre ces deux techniques se faisait en fonction de la préférence du chirurgien. Une réimplantation du tronc artériel brachiocéphalique a été réalisée dans 59% des cas (n=19). À noter qu’une revascularisation de l’artère sous-clavière gauche n’a été réalisée que chez 47% des patients (n=15). Cette revascularisation d’emblée était décidée par le chirurgien en préopératoire. Aucun patient non revascularisé sur l’artère sous-clavière droite n’a nécessité de revascularisation secondaire. La chirurgie endovasculaire a pu être réalisée dans 100% des cas. Le succès chirurgical a été obtenu dans 94% des cas. Seuls 2 patients avaient une endofuite de type I en postopératoire immédiat. L’incidence des AVC en postopératoire est de 3% (n=1) [tableau 2], sans certitude en l’absence d’imagerie par résonance magnétique. En effet, ce patient est décédé d’une rupture de bronche souche et présentait un retard de réveil. De plus, il est arrivé à l’hôpital intubé-ventilé dans un contexte de fissuration d’anévrisme, et n’a donc pas eu d’évaluation neurologique préopératoire. Les deux endofuites de type I postopératoires (6%) avaient disparu à 30 jours. Nous avons également constaté 3 endofuites de type 2 (9,5%) en postopératoire, ayant toutes disparues au TDM de contrôle à 6 mois. La mortalité à 30 jours était de 9% (n=3). Les causes de décès étaient une défaillance cardiaque (n=2) et une défaillance multiviscérale (n=1). Il est intéressant de noter que ces 3 patients étaient hospitalisés en urgence pour fissuration d’anévrisme. L’absence de réintervention était de 91% à 1 an et 84% à 5 ans (figure 1). La survie à 2 ans était de 62% (figure 2). La durée moyenne de réanimation est de 8,4 jours. Il est à noter une paraplégie postopératoire chez le seul patient décédé de la série. La voie d’abord endovasculaire utilisée était la voie transfémorale dans 97% des cas (n=31) et la voie transventriculaire gauche dans un seul cas, pour une anatomie de l’aorte thoracique non favorable. Les complications peropératoires ont été rares avec un «saut» de la prothèse au largage nécessitant un pontage carotidocarotidien en urgence (n=1), une déchirure de l’artère fémorale commune nécessitant un pontage croisé fémorofémoral (n=1) et une rupture iliaque primitive nécessitant un pontage iliofémoral (n=1). À distance, 16% (n=5) des patients ont été concernés par une endofuite ; de type I dans 9% des cas (n=3), et de type II et III dans 3% des cas (n = 1) respectivement. Cependant un seul patient a nécessité une reprise chirurgicale, endovasculaire, de son endofuite pour augmentation de taille de l’anévrisme (3%)   Tableau 2. Chirurgie et complications. Variable Nombre % Chirurgie aortique Aorte ascendante 0 0 Aorte transverse 32 100 Aorte thoracique descendante 31 97 Complications peropératoires Jump au largage de la prothèse 1 3 Déchirure fémorale commune 1 3 Rupture iliaque 1 3 Complications postopératoires AVC 1 3 Insuffisance rénale 2 6 Paraplégie 1 3 Détresse respiratoire 8 25 Désunion sternale 1 3 Drainage péricardique 1 3 FA 2 6 Décès 1 3 Drainage lombaire peropératoire 7 22 Durée de réanimation 8,4 (0-63) FA : fibrillation auriculaire.   Tableau 3. Type de debranching et endofuites. Type de debranching Nombre % Pontage carotidocarotidien 8 25 Réimplantation TABC 19 59 Réimplantation carotide gauche 24 75 Pontage carotido-sous-clavier gauche 15 47 Endofuites postopératoires Type 1 2 6 Type 2 3 9 Endofuites à distance Type 1 3 9 Moyenne d’apparition : 7,6 ans Type 2 1 3 Type 3 1 3 Apparition à 5 ans   [caption id="attachment_4144" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Probabilité de réintervention.[/caption] [caption id="attachment_4145" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Courbe de survie.[/caption] 4. Discussion Le remplacement chirurgical complet avec hypothermie profonde et arrêt circulatoire, pour les patients ayant un anévrisme de l’arche aortique, reste le traitement de référence chez les patients sans comorbidités [4,6,9,13]. Cependant il reste grevé d’une morbimortalité importante, allant jusqu’à 14% de mortalité ou AVC massif et 17% d’AVC mineur [6]. Même si la sélection des patients, l’étiologie de l’anévrisme, l’expérience des équipes et les techniques de protection cérébrales ont fait diminuer la morbimortalité de ces interventions [4,7], la recherche d’alternatives thérapeutiques est nécessaire chez les patients les plus fragiles qui restent contre-indiqués à la chirurgie classique. L’approche hybride a déjà été largement évaluée, mais les séries publiées incluaient une majorité de debranching de l’artère sous-clavière. La mortalité retrouvée était de 0% à 20% à 30 jours suivant les séries [14-19], ce que nous retrouvons dans nos résultats. Tous les décès précoces de notre étude étaient des patients opérés dans un contexte d’urgence, avec fissuration d’anévrisme. Cette tendance est similaire à celle retrouvée dans la littérature que ce soit en chirurgie ouverte ou en chirurgie endovasculaire [1]. Les progrès des matériels endovasculaires permettent maintenant d’envisager des réparations totalement endovasculaires. Ainsi une étude multicentrique européenne [8] sur le traitement des anévrismes de l’arche aortique par voie endovasculaire avec utilisation de cheminée, non exclusive, pour la revascularisation des troncs aortiques, a montré une faisabilité de 89,5%, ce qui est dans les mêmes proportions que notre étude. Il en était de même de la mortalité à 30 jours, pour laquelle ils retrouvaient une incidence de 9,5%. Cependant la proportion de patients traités par technique hybride n’est pas négligeable car 22% des patients ont eu un debranching avant l’implantation des cheminées dont 43% dans un contexte d’urgence, et 44% durant la même procédure. Ceci montre que la faisabilité du tout endovasculaire reste encore limitée. L’utilisation de cheminées ou de fenêtrées est réalisable mais encore associée à un taux de réintervention important, malgré la faisabilité primaire [2,3,10,20-22]. La nécessité d’une réintervention est de 9% à 1 an, ce qui est dans les mêmes proportions que les études récentes, pour lesquelles ce taux de réintervention est d’environ 10 à 12%, même pour la pose d’endoprothèse thoracique sans debranching associé [23-25]. Ces réinterventions ne concernaient pas les endofuites, mais soit des anévrismes autres associés (n=1), soit des limitations du périmètre de marche secondaires à la chirurgie (n=2). Les endofuites de type I postopératoire se sont résolues spontanément dans 100% des cas, (n=2), et n’ont pas nécessité de réintervention. Ce qui est plutôt mieux qu’avec l’utilisation de cheminée qui nécessite une réintervention pour endofuite dans près de 5% des cas [8,10]. Cette approche endovasculaire peut être intéressante chez les patients déjà opérés par sternotomie et sous anticoagulants [26,16]. Une autre approche totalement endovasculaire intéressante est la fenestration laser in situ [27]. Cependant, cette technique est simple en ce qui concerne la revascularisation de l’artère sous-clavière gauche [27-30], mais plus compliquée à mettre en place pour les autres troncs supra-aortiques, et en cas de couverture de la zone 0, qui oblige à la mise en place d’une perfusion cérébrale par circulation extracorporelle [9]. Dans notre étude, seulement 50% des patients (n=16) ont eu une revascularisation de l’artère sous-clavière gauche. Nous savons que la non-revascularisation de cette artère est significativement associée à un risque majoré d’AVC et en particulier de paraplégie en cas de couverture par l’endoprothèse [30-33]. Dans cette série, un seul patient a fait un possible AVC (sachant qu’il avait été opéré en urgence dans un contexte de fissuration d’anévrisme). La revascularisation systématique de la sous-clavière gauche est cependant devenue dans notre service la règle dans ces techniques de debranching au vu des résultats dans la littérature [30-33] de la non-revascularisation. L’incidence d’AVC retrouvé est de 3%. Cette faible incidence d’AVC peut être en partie expliquée par une population de patients à moins haut risque que les autres séries, mais est aussi à relier au caractère indirect et proximal de la réimplantation des troncs supra-aortiques qui évite que les débris athéromateux déplacés par l’endoprothèse y embolisent. Nous retrouvons un taux de  3% de paraplégie postopératoire dans notre étude (n=1). Ce patient n’avait pas de drainage lombaire. Le taux de drainage lombaire était de 22%. La décision de drainage préopératoire était prise après concertation entre l’anesthésiste et le chirurgien en fonction des habitudes de chacun, de l’étendue de la zone de couverture et du caractère urgent de la chirurgie. Le taux de drainage est supérieur à la majorité des études, en revanche le taux de complications est comparable aux résultats retrouvés dans la littérature (1,8 à 5,7%), sans différence significative entre les patients avec et les patients sans drainage lombaire [34,35].   5. Conclusion La procédure hybride de «debranching aortique» a dans notre expérience confirmé sa faisabilité et ses bons résultats initiaux en terme de morbimortaité. La faisabilité chirurgicale est comparable aux procédures totalement endovasculaires, et la morbimortalité est probablement inférieure à une chirurgie conventionnelle chez les patients à haut risque chirurgical. Ces résultats sont donc encourageants pour le traitement des anévrismes de l’aorte transverse dans cette population à haut risque et devront être comparés à ceux obtenus lors des procédures entièrement percutanées qui se développent.   Références Walsh SR, Tang TY, Sadat U, Naik J, Gaunt ME, Boyle JR, Hayes PD, Varty K. Endovascular stenting versus open surgery for thoracic aortic disease: systematic review and meta-analysis of perioperative results. J Vasc Surg 2008;47:1094–1098. https://doi.org/10.1016/j.jvs.2007.09.062 PMid:18242941 Mangialardi N, Serrao E, Kasemi H, Alberti V, Fazzini S, Ronchey S. Chimney technique for aortic arch pathologies: an 11-year single-center experience. 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septembre 5, 2018
Cas clinique · Vol. 22 Septembre 2018

Chirurgie thoracique pour extraction d’une épingle de voile inhalée : indication forcée

Ilham Maaroufi1*, Mohammed Bouchikh2, Abdellah Achir2 1. Service de chirurgie cardiovasculaire A, centre hospitalier Ibn Sina, Rabat, Maroc. 2. Service de chirurgie thoracique, centre hospitalier Ibn Sina, Rabat, Maroc. Correspondance : ilham.maaroufi11@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV22-3-MAA Citation : Maaroufi I, Bouchikh M, Achir A. Chirurgie thoracique pour extraction d’une épingle de voile inhalée : indication forcée. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(3). doi: 10.24399/JCTCV22-3-MAA   Résumé Avec l’émergence du voile dans notre pays, les femmes voilées ont acquis une habitude particulière pour utiliser des épingles servant à ajuster le voile, serrant l’épingle entre les dents ou entre les lèvres pendant l’ajustement. Nous présentons un cas de femme voilée qui a inhalé l’aiguille de fixation du voile lors de son ajustement. L’extraction par bronchoscopie a échoué. La chirurgie a été la seule alternative. D’autres cas ont été rapportés dans la littérature. Nous souhaitons sensibiliser cette tranche de la population générale à propos de ce problème critique.   Abstract With the emergence of veils in our country, veiled women acquired a particular attitude to the use of pins to fix the veil, squeezing the pin between their teeth or lips during adjustment. We present the case of veiled woman who inhaled a veil pin while adjusting it. Bronchoscopy failed to extract it, so surgery was the only alternative. Other cases have been reported in the literature. We wish to make this part of the population aware of this critically increasing problem.   Une jeune femme voilée, âgée de vingt ans, a été admise pour inhalation d’une épingle utilisée pour fixation du voile. Les radiographies du thorax répétées ont révélé la présence d’un corps étranger au niveau du segment postérolatéral du lobe inférieur droit et ont permis de détecter sa rapide migration [figure 1].   [caption id="attachment_4116" align="aligncenter" width="250"] Figure 1. Radiographie thoracique de face montrant une opacité linéaire du segment postérolatéral du lobe inférieur droit.[/caption]   La bronchoscopie a permis de localiser la tige de l’épingle au niveau d’une bronche segmentaire basale, sans permettre son extraction en raison d’un œdème bloquant le bout caudal arrondi. L’extraction chirurgicale a été la seule alternative. La voie d’abord a été une thoracotomie postérolatérale droite. Par pneumotomie, une bronchotomie en regard du relief du bout caudal arrondi a permis d’extraire l’épingle [figures 2 et 3]. Les suites opératoires ont été simples.   [caption id="attachment_4117" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Bout caudal arrondi de l’épingle, dévoilé par pneumotomie puis bronchotomie.[/caption] [caption id="attachment_4118" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Extraction de l’épingle.[/caption]   Les inhalations accidentelles des corps étrangers se produisent plus fréquemment chez les enfants que chez les adultes. L’inhalation d’épingles qui servent à fixer le voile augmente dans notre pays, probablement en raison de l’élévation du nombre de jeunes femmes voilées. Ces épingles sont métalliques, d’une longueur de 3 à 4 cm environ et présentent un bout en plastique arrondi radiotransparent. Lors de l’ajustement du voile, les femmes maintiennent l’épingle entre leurs lèvres ou leurs dents et l’aspiration se produit lors d’un rire, d’une toux ou de tout autre mouvement brusque. Le bout arrondi et le diamètre étroit de ce type d’épingles facilitent probablement la migration vers la distalité des bronches, essentiellement lors de la toux qui permet sa mobilisation. L’enchâssement de l’épingle dans la muqueuse bronchique peut entraîner une inflammation des tissus avoisinants, favorisant ainsi l’enclavement davantage et le risque de saignement lors de l’extraction. Son indication doit donc être précoce. L’extraction par bronchoscopie permet d’éviter l’anesthésie générale, d’explorer les voies aériennes distales et d’écourter la durée d’hospitalisation. En cas d’échec, l’extraction chirurgicale par thoracotomie est indiquée.   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 30/05/2017. Acceptation : 10/08/2018.  
septembre 5, 2018
Chirurgie humanitaire · Vol. 22 Septembre 2018

La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?

Marielle Gouton1,2*, Olivier Michel Bical1, Joy Zoghbi3, Régine Roussin4, Vincent Lucet1, Francine Leca1   Mécénat-Chirurgie Cardiaque, Paris, France. Institut mutualiste Montsouris, cardiologie congénitale, Paris, France. Hôpital privé Jacques Cartier, service de chirurgie cardiaque pédiatrique, Massy, France. Hôpital Marie Lannelongue, pôle des cardiopathies congénitales, Le Plessis-Robinson, France. Correspondance : m.gouton@cardiocongenitale.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-3-GOU Citation : Gouton M, Bical OM, Zoghbi J, Roussin R, Lucet V, Leca F. La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(3). doi: 10.24399/JCTCV22-3-GOU   Résumé Objectif : analyse de la faisabilité et de l’efficacité en médecine humanitaire de la prise en charge chirurgicale d’enfants avec ventricule unique. Méthodes : étude rétrospective des enfants avec ventricule unique, pris en charge par l’association Mécénat-Chirurgie Cardiaque depuis 1996 avec un suivi au long cours après leur retour dans leur pays d’origine. Résultats : sur les 138 enfants formant notre cohorte, 119 ont bénéficié d’une ou plusieurs chirurgies (180 procédures) : 41 d’une chirurgie palliative seule (anastomose systémicopulmonaire ou cerclage) ; 47 d’une dérivation cavopulmonaire partielle, 31 d’une dérivation cavopulmonaire totale (âge moyen 8,5 ans). La mortalité opératoire est de 5,5% Après un suivi moyen de 5,6 ans, 18 enfants (13%) sont perdus de vue. La survie à 10 ans est de 79% (palliative seule 72%, DCPP 77%, DCPT 97%). Le pronostic est meilleur pour les atrésies tricuspides et les VU à double entrée (86% et 83% de survie à 10 ans) que pour les VDDI ou les CAVC (64% et 68% à 5 ans). Conclusion : la chirurgie des VU, même en médecine humanitaire, permet une survie satisfaisante, après une ou plusieurs interventions tendant dès que possible vers une DCPT.   Abstract Surgery of single ventricles in humanitarian practice: surgery for which patients? Objectives: To analyze the feasibility and effectiveness in humanitarian practice of the surgical management of children with a single ventricle. Methods: Retrospective study of children with a single ventricle, managed by the association Mécénat-Chirurgie Cardiaque since 1996 with long-term follow-up after their discharge from hospital. Results: Of the 138 children in our cohort, 119 underwent one or more surgeries (180 procedures): palliative surgery alone (systemic-pulmonary anastomosis or banding) in 41, partial cavo-pulmonary bypass in 47, and total cavo-pulmonary bypass (mean age 8.5 years) in 31. Operative mortality was 5.5%. After a mean follow-up of 5.6 years, 18 children (13%) were lost to follow-up. Survival at 10 years was 79% in operated children (palliative only 72%, PCPB 77%, and TCPB 97%), vs. 29% in non-operated children. The prognosis was better for tricuspid atresia and double inlet left ventricle (86% and 83% survival at 10 years) than for DORV or complete atrioventricular canal (64% and 68% at 5 years). Conclusion: Surgery of the single ventricle in human medicine allows a very satisfactory survival after one or more surgeries, tending towards a TCPB as soon as possible.   1. Introduction Le ventricule unique désigne une situation physiopathologique où un seul ventricule fonctionnel assure en parallèle les débits pulmonaire et systémique. Sur le plan anatomique, cette situation est rencontrée dans une multitude de malformations comme l’atrésie tricuspide, l’hypoplasie du cœur gauche, certaines formes de ventricule droit à double issue ou à double entrée, le CAVC déséquilibré, etc. Ces configurations anatomiques ne sont pas accessibles à une réparation biventriculaire et nécessitent une chirurgie de type Fontan par une dérivation cavopulmonaire, afin de rétablir un système circulatoire « en série » en séparant les circuits pulmonaire et systémique. Les tableaux cliniques dépendent des lésions anatomiques et du débit pulmonaire (cyanose ou insuffisance cardiaque), et décident de la chirurgie à réaliser : une chirurgie palliative précoce peut être nécessaire, soit pour réduire le débit pulmonaire (cerclage de l’artère pulmonaire), soit pour l’augmenter (anastomose systémicopulmonaire). La dérivation cavopulmonaire totale (DCPT) consiste en l’anastomose de la veine cave supérieure sur l’artère pulmonaire (dérivation cavopulmonaire supérieure, appelée aussi Glenn bidirectionnel) associée à l’anastomose de la veine cave inférieure et des veines sus-hépatiques sur l’artère pulmonaire par l’intermédiaire d’un tube. Cette DCPT peut se faire en un seul temps chirurgical. Néanmoins, le plus souvent (pour des raisons techniques comme, par exemple, le poids de l’enfant), cette DCPT se fait en 2 temps avec dans un premier temps une dérivation cavopulmonaire supérieure ou partielle (DCPP) et dans un second temps, une totalisation de la dérivation cavopulmonaire par la réalisation de la dérivation cavopulmonaire inférieure. Ainsi, la prise en charge d’un enfant porteur d’un ventricule fonctionnellement unique nécessite un suivi médical au long cours, allant du diagnostic jusqu’à la totalisation de la dérivation cavopulmonaire, et au-delà. Si une telle prise en charge globale est la règle dans les pays occidentaux, elle est impossible dans les pays qui ne disposent pas de chirurgie cardiaque pédiatrique, comme la plupart des pays en voie de développement. C’est ainsi que des associations humanitaires comme Mécénat-Chirurgie Cardiaque (MCC) [1] peuvent être impliquées dans la prise en charge d’enfants ayant une cardiopathie sévère type ventricule unique.   2. Objectifs L’objectif de cette étude est de savoir si la prise en charge des enfants avec ventricule unique est possible – et légitime – dans le cadre humanitaire en terme de suivi et d’amélioration de la survie.     3. Matériel et méthodes 3.1. Méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective sur dossiers de l’ensemble des enfants ayant un ventricule unique, originaires de pays en voie de développement, et pris en charge par l’association Mécénat-Chirurgie Cardiaque depuis sa création en 1996. Mécénat-Chirurgie Cardiaque est une association humanitaire créée dans le but de permettre à des enfants souffrant de malformations cardiaques de venir en France et d’y être opérés lorsqu’ils ne peuvent être soignés dans leur pays d’origine par manque de moyens financiers et techniques. Nous avons analysé le devenir de l’ensemble des enfants pris en charge en terme de survie, selon le type de ventricule unique, selon la réalisation ou non d’une chirurgie, et selon le type de chirurgie réalisée. Le suivi après le retour dans le pays d’origine est assuré par l’antenne médicale de MCC, en lien avec les médecins correspondants dans les pays.   3.2. Population Nous avons étudié rétrospectivement l’ensemble des dossiers des enfants ayant un ventricule unique (VU) adressés à MCC depuis sa création en 1996. La venue des enfants en France pour leur prise en charge chirurgicale par MCC est décidée conjointement avec les cardiologues correspondants dans les pays d’origine. En vue d’une chirurgie ayant pour objectif une amélioration fonctionnelle des enfants, et idéalement la réalisation d’une dérivation cavopulmonaire à terme, un premier tri est effectué sur l’examen du seul dossier médical, privilégiant les formes a priori favorables (bonne fonction systolique du VU, absence connue de fuite de la valve auriculoventriculaire, absence d’HTAP fixée, branches pulmonaires présentes). Une fois le dossier accepté, MCC organise la venue de l’enfant en France, où il bénéficie d’une évaluation hospitalière dans l’un des centres français de chirurgie cardiaque congénitale, avec : Une évaluation clinique à la recherche de signes d’hyperdébit pulmonaire (dyspnée, transpiration, tirage intercostal, hépatomégalie, mauvaise prise pondérale, mauvaise prise alimentaire) ou au contraire d’hypoperfusion pulmonaire (cyanose, hippocratisme digital, saturation basse, polyglobulie). Une radiographie thoracique. Une échocardiographie avec Doppler avec 2 examens d’experts pour chaque enfant. Si nécessaire, une évaluation hémodynamique et/ou un scanner thoracique, examens laissés à l’appréciation de chaque centre. L’opérabilité et le type de chirurgie sont décidés à l’issue de cette évaluation hospitalière. Les données préopératoires et les données postopératoires immédiates ont été recueillies rétrospectivement dans notre base de données centralisée, en fonction des dossiers médicaux. Le suivi tardif après le retour des enfants dans leur pays d’origine a été assuré par contact direct (téléphone, courrier ou courrier électronique) avec nos correspondants dans les pays (cardiologues ou paramédicaux) ou les familles et notre permanent dans l’association responsable du suivi médical. Depuis 1996, 138 enfants (90 garçons, 48 filles) avec VU ont été pris en charge par MCC. La plupart sont originaires d’Afrique (Afrique sub-saharienne 46/138 – 33%, Afrique du Nord 34/138 – 25%), mais aussi du Moyen-Orient (33/138 – 24%), d’Europe de l’Est (21/138 – 15%), d’Haïti (3/138 – 2%) et d’Asie du Sud-Est (1/138 – 0,7%) [figure 1]).   [caption id="attachment_4137" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Pays d’origine des enfants.[/caption]   3.3. Analyse statistique L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel Stata 10.1 (StataCorp LLC, College Station, Texas, États-Unis). Les variables qualitatives sont données en effectifs et pourcentages. Les variables numériques sont décrites par leurs moyenne, médiane et déviation standard. Les comparaisons de pourcentages sont réalisées avec le Chi 2 ou le test exact de Fisher pour les petits effectifs, les comparaisons de moyennes avec le test-t de Student et la survie avec la méthode actuarielle de Kaplan-Meier. Les tests sont considérés comme significatifs si p≤0,05.   4. Résultats   4.1. Caractéristiques initiales Les caractéristiques de la population sont détaillées dans le tableau 1. Sur les 138 enfants, 19 n’ont pas été opérés : 1 est décédé à l’arrivée en France avant le bilan hospitalier, 12 en raison d’une HTAP fixée diagnostiquée au cours du bilan, 5 du fait d’une cardiopathie complexe équilibrée, rendant le bénéfice chirurgical incertain et 1 du fait d’un syndrome polymalformatif sévère.   Tableau 1. Caractéristiques initiales.   TOTAL n 138 Sexe : garçons/filles 90/48 Âge en années (±DS) 4 (3,9) Taille en cm (±DS) 94(26) Poids en kg (±DS) 13,8 (9,5) Type de VU Atrésie tricuspide Double entrée VDDI CAVC Non spécifié   45 49 20 11 13 Branches pulmonaires belles/petites/? 94/36/8 Poumons protégés Oui Saturation % ICT % Non Saturation % ICT %                101 72 56 36 85 61 Opérés 119 VU : ventricule unique ; VDDI : ventricule droit à double issue ; CAVC : canal atrioventriculaire complet ; ICT : index cardiothoracique.   4.2. Actes chirurgicaux Les 119 enfants opérés ont bénéficié, au total, de 180 actes chirurgicaux [tableau 2]. Quarante-sept enfants ont été repris pour une deuxième chirurgie après un suivi moyen de 4 ans 2 mois et 14 ont été opérés une troisième fois après un délai moyen de 6 ans 7 mois après leur première venue en France. Avec un recul moyen de 5 ans et 7 mois, sur les 119 enfants opérés, 41 enfants ont bénéficié d’une palliative seule (anastomose systémicopulmonaire : 22 ; cerclage : 19), 47 d’une DCPP (dont 10 après une palliative), et 31 d’une DCPT (6 en 1 temps, à un âge moyen de 8 ans 8 mois, 19 en 2 temps – post-palliative ou post-DCPP – et 6 en 3 temps). Une reprise a été nécessaire pour épanchement pleural ou péricardique abondant 9 fois, pour plastie ou remplacement de la valve auriculoventriculaire 3 fois, pour implantation de pacemaker, reprise du montage ou médiastinite une fois. L’âge moyen au moment de la chirurgie était : 1,4 an au cerclage, 4,3 ans à l’anastomose systémicopulmonaire, 5 ans à la DCPP et 10,3 ans à la DCPT. Le délai moyen entre la première prise en charge par MCC et la réalisation d’une DCPT est de près de 8 ans.   Tableau 2. Actes chirurgicaux.   Dilatation RP Anastomose systémicopulmonaire Cerclage DCPP DCPT Divers* TOTAL Chirurgie n°1 1 33 23 56 6 - 119 Chirurgie n°2 - 5 - 14 19 9 47 Chirurgie n°3 - 1 - 1 6 6 14 Âge (ans) 4,4 1,4 5 10,3 Poids (kg) 13,4 6,4 16,1 34 Décès (%) 0 3 (7,7) 2 (8,7) 4 (5,6) 1 (3,2) 0 10 (5,5) TOTAL 1 39 23 71 31 15 180 RP : rétrécissement pulmonaire ; DCPP : dérivation cavopulmonaire partielle ; DCPT : dérivation cavopulmonaire totale. * : drainage pleural ou péricardique, plastie ou remplacement de la valve auriculoventriculaire, reprise du montage, pacemaker, médiastinite, etc.   4.3. Suites opératoires immédiates La durée moyenne d’hospitalisation pour la première chirurgie a été de 12,8 jours (+/-8,8). Pour une dérivation cavopulmonaire totale, en 1, 2 ou 3 étapes, la durée cumulée totale d’hospitalisation a été de 28,7 jours [tableau 3]. La mortalité opératoire a été au total de 10/180 (5,6%), se répartissant en 3/39 pour les anastomoses (7,7%), 2/23 pour les cerclages (8,7%), 4/71 pour les DCPP (5,6%), 1/31 pour les DCPT (3,2%).   Tableau 3. Durée d’hospitalisation (en jours).    Dilatation RP Anastomose systémicopulmonaire Cerclage DCPP DCPT   Divers TOTAL Durée d’hospitalisation 1 2 12,8 10,1 11,8 32 - 12,8 Durée d’hospitalisation 2 - 9 - 9 ,5 19 9 14,4 Durée d’hospitalisation 3 - 7 - - 17,4 - 14,4                 Durée cumulée totale/enfant selon la chirurgie finale   15 10,8 13,4 28,7 - 17,5 RP : rétrécissement pulmonaire ; DCPP : dérivation cavopulmonaire partielle ; DCPT : dérivation cavopulmonaire totale.   4.4. Survie au long cours Le recul moyen depuis la première prise en charge est de 5 ans et 7 mois, et de 3 ans et 10 mois depuis la dernière prise en charge. Dix-huit enfants (13%) sont perdus de vue ; 33 enfants sont décédés après un délai moyen depuis la prise en charge de 2 ans et 8 mois. La survie actuarielle globale est 82,3% à 5 ans et 79% à 10 ans chez les enfants opérés, nettement supérieure à celle des enfants non opérés (39% à 5 ans et 29% à 10 ans) ; p<0,0001 [figure 2a]. L’anatomie initiale est un facteur pronostique de mortalité [figure 2b] : la survie est meilleure dans le groupe des atrésies tricuspides ou des VU à double entrée (plutôt de type gauche) que dans le groupe VU type CAVC ou VDDI (plutôt de type droit) ; p=0,07. Pour les enfants n’ayant eu qu’une palliative (cerclage ou anastomose systémicopulmonaire), la survie à 5 et 10 ans est de 72% et 63% respectivement ; pour les enfants ayant eu une DCPP, la survie est de 81% à 5 ans et 77% à 10 ans ; tandis que pour les enfants ayant pu bénéficier d’une DCPT (en 1, 2 ou 3 étapes), la survie à 10 ans est de 97% ; p=0,002 [figure 2c].   [caption id="attachment_4138" align="aligncenter" width="141"] Figure 2. Survie actuarielle.2a : selon la réalisation d’une chirurgie ou non.2b : selon l’anatomie initiale.2c : selon la chirurgie finale réalisée.[/caption]   5. Discussion Depuis 1996, date de la création de Mécénat-Chirurgie Cardiaque, sur les 138 enfants accueillis en France en vue d’une chirurgie de ventricule unique, 119 (86%) ont bénéficié d’une ou plusieurs chirurgies. L’objectif de ce travail était multiple : 1) D’une part de savoir si la prise en charge d’enfants avec ventricule unique était possible  et légitime  dans le cadre humanitaire. Avec un recul de près de 6 ans, et un taux de perdus de vue de seulement 13%, le suivi des enfants pris en charge par MCC rejoint celui des CHU français et des études internationales  [2] et témoigne de l’efficacité des réseaux mis en place entre MCC et les référents des pays nous adressant leurs enfants, et ce malgré l’éloignement géographique et les difficultés rencontrées localement. La prise en charge de ces enfants qui nécessitent parfois deux voire trois interventions [3] ne doit donc pas être entravée par la crainte d’un suivi insuffisant du fait de l’éloignement. 2) D’autre part d’analyser la survie au long cours des enfants pris en charge. Si les enfants récusés pour la chirurgie (du fait d’une HTAP, ou in fine d’une pression pulmonaire ne permettant pas une correction univentriculaire le plus souvent) ont une survie médiocre (62% à 1 an et 39% à 5 ans), la survie des enfants ayant pu bénéficier d’une intervention (91,1%, 82,3% et 79% à 1, 5 et 10 ans respectivement) est comparable à celle observée dans la littérature pour des populations plus favorisées [4-6]. La faisabilité d’une DCPT est un marqueur majeur de survie : en effet, si la survie globale de la cohorte est de 77% à 5 ans et 72% à 10 ans, elle est supérieure à 95% à 10 ans chez les enfants ayant pu bénéficier d’une DCPT (soit d’emblée, soit après une ou plusieurs chirurgies), contre 63% sans DCPT. La prise en charge au long cours doit donc tendre vers une totalisation chirurgicale dès que celle-ci est envisageable, nécessitant un suivi des enfants dans leurs pays d’origine conjointement avec un suivi par l’équipe médicale de MCC. 3) Enfin, de déterminer s’il existait des formes plus favorables que d’autres. Dans notre cohorte, la présence d’un arbre pulmonaire de taille satisfaisante n’est pas statistiquement liée à un meilleur pronostic, même s’il existe une tendance (p=0,33), contrairement aux données de la littérature [7]. Ceci peut s’expliquer par la prise en charge sans doute trop tardive pour le cerclage de certains enfants avec belle voie pulmonaire du fait d’un diagnostic difficile dans les pays concernés, laissant le temps au lit vasculaire pulmonaire de développer des résistances précoces, à l’origine d’un résultat chirurgical médiocre [8,9]. Les résultats vont dans le sens d’un meilleur pronostic lorsque le ventricule unique est de type gauche (atrésie tricuspide, ou VU à double entrée). Ces résultats concordent avec les données de la littérature, avec un pronostic plutôt favorable en cas de VU à double entrée [10] et plutôt péjoratif en cas de ventricule unique de type droit [11,12], ou en cas d’hétérotaxie avec CAVC [13].   6. Conclusion Le pronostic d’enfants avec ventricule unique originaires de pays ne disposant pas de chirurgie cardiaque et pris en charge par l’association MCC est globalement satisfaisant, surtout dans les VU de type gauche. Néanmoins, l’action de MCC auprès de ces enfants doit tendre vers une prise en charge la plus précoce possible, afin de préserver le lit vasculaire pulmonaire, dans le but de pouvoir envisager une DCPT, qui offrira un excellent pronostic à moyen terme. Le suivi étroit mis en place entre l’équipe médicale de MCC et les cardiologues correspondants dans les pays d’origine des enfants est la clé de nos résultats pour cette cardiopathie congénitale complexe.   Références Association Mécénat-Chirurgie Cardiaque–Enfants du monde : http://www.mecenat-cardiaque.org/ (accédé le 30/01/2018) D'Udekem Y, Iyengar AJ, Galati JC et al. Redefining expectations of long-term survival after the Fontan procedure: Twenty-five years of follow-up from the entire population of Australia and New Zealand. Circulation 2014;130:S32–S38. https://doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.113.007764 PMid:25200053 Davies R and Pizarro C. Decision-making for surgery in the management of patients with univentricular heart. Front Pediatr 2015;3:1-19. https://doi.org/10.3389/fped.2015.00061 PMid:26284226 PMCid:PMC4515559 Downing TE, Allen KY, Glatz AC et al. Long-term survival after the Fontan operation: Twenty years of experience at a single center. J Cardiothorac Surg 2017;154:243-53. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2017.01.056 Ohuchi H, Kagisaki K, Miyazaki A et al. Impact of the evolution of the Fontan operation on early and late mortality: a single-center experience of 405 patients over 3 decades. Ann Thorac Surg 2011;92:1457-66. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2011.05.055 PMid:21958797 Alsaied T, Bokma JP, Engel ME et al. Factors associated with long-term mortality after Fontan procedures: a systematic review. Heart 2017;103:104-110. https://doi.org/10.1136/heartjnl-2016-310108 PMid:28057809 Senzaki H, Isoda T, Ishizawa A, Hishi T. Reconsideration of criteria for the Fontan operation. Influence of pulmonary artery size on postoperative hemodynamics of the Fontan operation. Circulation 1994;89:266-71. https://doi.org/10.1161/01.CIR.89.1.266 PMid:8281656 Gewillig M, Brown SC. The Fontan circulation after 45 years: update in physiology. Heart 2016;102:1081-6. https://doi.org/10.1136/heartjnl-2015-307467 PMid:27220691 PMCid:PMC4941188 Egbe AC, Connolly HM, Miranda WR et al. Hemodynamics of Fontan failure: The role of pulmonary vascular disease. Circ Heart Fail 2017;10:e004515. https://doi.org/10.1161/CIRCHEARTFAILURE.117.004515 PMid:29246897 Alsoufi B, McCracken C, Kanter K, Shashidharan S, Kogon B. Current results of single ventricle palliation of patients with double inlet left ventricle. Ann Thorac Surg 2017;104:2064-71. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2017.04.031 PMid:28709664 McGuirk SP, Winlaw DS, Langley SM et al. The impact of ventricular morphology on midterm outcome following completion total cavopulmonary connection. Eur J Cardiothorac Surg 2003;24:37-46. https://doi.org/10.1016/S1010-7940(03)00186-6 Hosein RB, Clarke AJ, McGuirk SP et al. Factors influencing early and late outcome following the Fontan procedure in the current era. The 'Two Commandments'? Eur J Cardiothorac Surg 2007;31:344-52;discussion 353. https://doi.org/10.1016/j.ejcts.2006.11.043 PMid:17236782 Alsoufi B, McCracken C, Schlosser B et al. Outcomes of multistage palliation of infants with functional single ventricle and heterotaxy syndrome. J Thorac Cardiovasc Surg 2016;151:1369-77. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2016.01.054 PMid:27085618 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Cet article a été présenté au 70e congrès de la SFCTCV (Marseille, juin 2017). Date de soumission : 13/02/2018. Acceptation : 10/08/2018.  
septembre 5, 2018
Chirurgie humanitaire · Éditorial · Vol. 22 Septembre 2018

À propos de l’article «La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?» – Editorial

Pr Roland Henaine, service de chirurgie cardiaque pédiatrique, hospices civils de Lyon, France. DOI : 10.24399/JCTCV22-3-HEN Citation : Henaine R. À propos de l'article «La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?» – Editorial . Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(3). doi: 10.24399/JCTCV22-3-HEN L’article du Dr  Marielle Gouton « La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer? », qui décrit la prise en charge d’une population spécifique en France par l’association humanitaire Mécénat Chirurgie Cardiaque, soulève plusieurs commentaires.   Considérations médicales La prise en charge chirurgicale initiale du ventricule unique, où presque 90% des patients ont bénéficié d’un diagnostic anténatal, est plus précoce en France. En général, elle se situe dans les premiers mois de vie. Dans la population humanitaire décrite dans l’article, elle est à plus d’un an de vie. Ce retard a sûrement une incidence sur la survie à long terme. Cette prise en charge tardive s’explique par le quasi absence du diagnostic anténatal dans les pays défavorisés, par une difficulté d’accès au système hospitalier, par la rareté des compétences locales pour établir un diagnostic, mais aussi par un délai incompressible administratif entre le diagnostic et l’arrivée de l’enfant en France. Une fois opéré et de retour dans son pays, se pose la question de la qualité du suivi. En effet, plus particulièrement dans cette pathologie, trois étapes sont nécessaires pour réaliser la procédure dite «de Fontan”, et au-delà, la surveillance d’une éventuelle prise d’anti-vitamines K et la détection de ce qu’on appelle le «Failing Fontan». Le pronostic à long terme après chirurgie de Fontan dépend de la cardiopathie sous-jacente (ventricule de type droit ou gauche) et des antécédents et résultats des chirurgies itératives. Les échecs par dysfonction myocardique et/ou insuffisance de la valve auriculoventriculaire surviennent plus souvent si le ventricule unique est de type droit. À long terme, les patients restent exposés à des complications plus ou moins sévères. La stase dans le tube extracardiaque entraîne une entéropathie exsudative et des troubles du rythme dans le cas de Fontan intracardiaque. On dénombre ainsi les troubles du rythme à type d’arythmies supraventriculaires, la dégradation de la fonction myocardique, la fuite auriculoventriculaire, les thromboses du circuit cavopulmonaire, l’entéropathie exsudative, la circulation collatérale systémico-pulmonaire, les fistules artérioveineuses pulmonaires [1,2], l’hypoxie et cyanose, l’endocardite infectieuse, les réinterventions, l’adaptation socioprofessionnelle et enfin la transplantation cardiaque… Dans l’étude réalisée par F.Fontan et al [3], la survie actuarielle à 1 mois, 6 mois, 1, 5, 10 et 15 ans était respectivement de 90%, 87%, 87%, 86%, 84%, et 74%. En résumé, la nécessité d’une surveillance rigoureuse et d’une prise en charge multidisciplinaire est de mise, ce qui n’est pas évident pour des patients défavorisés et qui habitent parfois à plusieurs centaines de kilomètres du centre de cardiopédiatrie.   Considérations financières Ces patients sont payants. C’est l’association humanitaire Mécénat Chirurgie Cardiaque qui couvre intégralement les frais ; ceux-ci sont en moyenne de 12000 euros/intervention. L’argent est le nerf de la guerre et il n’est pas illimité . D’un point de vue strictement comptable, un enfant avec VU coûtera à l’association l’équivalent de trois enfants avec une correction «biventriculaire» qui ne nécessitent en général qu’une intervention. Certes, la vie humaine n’a pas de prix et l’enfant pris en charge est précieux quelle que soit sa pathologie, mais on ne peut se soustraire de tenir compte de la réalité financière et une sélection rigoureuse des cas à traiter doit être de mise.   Conclusion Les deux questions posées par les auteurs de cet article sont les suivantes : Est-il possible de prendre en charge cette population particulière ? Vu l’excellente organisation déployée par l’association, la réponse est oui. Est-il légitime de les prendre en charge ? Vu les bons résultats de la série, la réponse est oui, à condition d’améliorer sans cesse le suivi entre les étapes chirurgicales et après le Fontan.   Je tiens à saluer tous les acteurs de Mécénat Chirurgie Cardiaque, médicaux ou non, en France et à l’étranger, pour ce formidable travail fourni au quotidien et pour ses excellents résultats. Le peu que l'on peut faire, le très peu que l'on peut faire, il faut le faire, pour l’humanité et avec enthousiasme.   Références Henaine R, Vergnat M, Bacha EA, Baudet B, Lambert V, Belli E, Serraf A. Effects of lack of pulsatility on pulmonary endothelial function in the Fontan circulation. J Thorac Cardiovasc Surg. 2013 Sep;146(3):522-9 https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2012.11.031 PMid:23219498 Henaine R, Vergnat M, Mercier O, Serraf A, De Montpreville V, Ninet J,  Bacha EA. Hemodynamics and arteriovenous malformations in cavopulmonary anastomosis: the case for residual antegrade pulsatile flow . J Thorac Cardiovasc Surg. 2013 Dec;146(6):1359-65 https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2013.02.036 PMid:23490250 Fontan F, Kirklin JW, Fernandez G, Costa F, Naftel DC, Tritto F, Blackstone EH. Outcome After a "Perfect" Fontan Operation. Circulation 1990;81:1520-1536 https://doi.org/10.1161/01.CIR.81.5.1520 PMid:2331765  
septembre 5, 2018