Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Mars 2018

Influence des saisons et des pressions atmosphériques sur la survenue de dissections aortiques et de ruptures d’anévrismes aortiques. Étude rétrospective et revue de la littérature

Reda Kasdi*, Hervé Corbineau, Majid Harmouche, Thierry Langanay, Bertrand Richard De Latour, Alain Leguerrier, Erwan Flecher, Jean-Philippe Verhoye Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Rennes, France * Correspondance : redabox@gmail.com   DOI : 10.24399/JCTCV22-1-KAS Citation : Kasdi R, Corbineau H, Harmouche M, Langanay T, Richard de Latour B, Leguerrier A, Flecher E, Verhoye P. Influence des saisons et des pressions atmosphériques sur la survenue de dissections aortiques et de ruptures d’anévrismes aortiques. Étude rétrospective et revue de la littérature. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(1). doi: 10.24399/JCTCV22-1-KAS   Résumé Objectifs : évaluer l’influence des saisons et des pressions atmosphériques (PA) sur la survenue de dissections aortiques (DA) et de ruptures d’anévrismes aortiques (RAA). Méthodes : les admissions de DA et RAA au CHU de Rennes entre le 1er janvier 1989 et le 31 décembre 2016 ont été revues. Les données régionales de PA ont été fournies par Météo France. Résultats : 886 DA ont été admises sur 844 jours distincts. Âge moyen : 63,5 ± 14,2 ans, H/F 2:1. Mortalité : 146 pts (16,5 %). L’âge augmentait la mortalité (OR = 1,036 ; IC 95 % [1,021-1,051] ; p < 0,0001) de même que l’absence d’HTA connue (OR = 2,586 ; IC 95 % [1,757-3,805] ; p < 0,0001). Trois cent quarante-quatre RAA ont été admises sur 330 jours distincts. Âge moyen : 72,4 ± 11,3 ans, H/F 4,4:1. Mortalité : 108 pts (31,4 %). L’âge augmentait la mortalité (OR = 1,06 ; IC95 % [1,035-1,086] ; p < 0,0001) de même que l’absence d’HTA connue (OR = 3,428 ; IC95 % [1,941-6,055] ; p < 0,0001). Il n’y a pas d’influence saisonnière sur la survenue et mortalité des DA et RAA. Les jours avec dépressions (OR = 1,008 ; IC95 % [1,001-1,015] ; p < 0,0182) ainsi que l’augmentation mensuelle des variabilités journalières (OR = 1,073 ; IC95 % [1,037-1,111] ; p < 0,0001) augmentent le risque de DA. Les PA maximales mensuelles protègent contre les RAA (OR = 0,962 ; IC95 % [0,938-0,987] ; p < 0,003). Conclusion : les dépressions et fortes variabilités de PA devraient imposer une plus grande vigilance au vu du risque de DA et RAA, notamment par un meilleur contrôle tensionnel. La mortalité par DA et RAA devrait pouvoir diminuer par un meilleur dépistage de l’HTA dans la population.   Abstract Influence of season and atmospheric pressure on aortic dissection and aortic aneurysm rupture onset Objectives: To evaluate the influence of season and atmospheric pressure (AP) on the onset of aortic dissection (AD) and aortic aneurysm rupture (AAR). Methods: Admissions for AD and RAA between 1 January 1989 and 31 December 2016 were reviewed. Regional AP data were provided by Meteo-France. Results: A total of 886 cases of AD were admitted on 844 days. The mean patient age was 63.5 ± 14.2 years with a male:female ratio of 2:1. Mortality:  146 pts (16.5%), which was increased with age (OR = 1.036; 95% CI [1.021, 1.051]; p < 0.0001), as was unknown hypertension status (OR = 2.586; 95% CI [1.757, 3.805]; p < 0.0001). A total of 344 cases of AAR were admitted on 330 days. The mean patient age was 72.4 ± 11.3 years with a male:female ratio of 4.4:1. Mortality: 108pts (31.4%). Age increased mortality (OR = 1.06; 95% CI [1.035, 1.086]; p < 0.0001) as did an unknown hypertension status (OR = 3.428; 95% CI [1.941, 6.055]; p < 0.0001). There was no influence of season on AD or AAR onset or mortality. Days with low AP (OR = 1.008; 95% CI [1.001, 1.015]; p < 0.0182) and high monthly AP variability (OR = 1.073; 95% CI [1.037, 1.111]; p < 0.0001) increased the risk of AD and AAR. High monthly AP reduced the risk of AAR (OR = 0.962; 95% CI [0.938, 0.987]; p < 0.003). Conclusion: Low AP values and high AP variability should increase our vigilance toward the risk of AD and AAR, especially by improving blood pressure control. Mortality by AD and AAR could be reduced by improved screening for hypertension in the general population.   1. Introduction L’augmentation saisonnière de l’incidence de certaines pathologies est habituelle. La mortalité de certaines pathologies a montré une répartition saisonnière. La compréhension de ces phénomènes, ainsi que ces répartitions, permet de mieux cerner les étiologies et l’étendue de leurs influences, afin de mieux cibler les thérapeutiques et les programmes de prévention. Récemment, plusieurs études se sont intéressées à la survenue saisonnière de dissections aortiques (DA) et de ruptures d’anévrisme aortique (RAA). Les variables climatiques sont considérées comme l’explication prépondérante pour l’augmentation de ces incidences. La température a été longtemps étudiée comme variable explicative potentielle. Cette étude utilisant une large population à partir de la base de données administratives de notre hôpital évalue la saisonnalité des DA et des RAA, ainsi que l’influence de la pression atmosphérique (PA) sur la survenue de ces pathologies.   2. Méthodes En utilisant la Classification internationale des maladies (CIM10)  de l’Organisation mondiale de la santé, nous avons revu nos admissions hospitalières pour les évènements aortiques majeurs non traumatiques depuis le 1er Janvier 1989 jusqu’au 31 décembre 2016 au centre hospitalier universitaire de Rennes, en Bretagne, France. Le code i71.0 a été utilisé pour extraire les DA alors que les codes i71.1, i71.3, i71.5 et i71.8 ont été utilisés pour extraire les RAA. Les informations concernant le statut hypertensif ou non ainsi que le statut vital ont également été extraites. Les données régionales concernant les enregistrements de PA ont été fournies par la base de données nationale de Météo France, l’agence météorologique nationale française. Toutes les valeurs sont rapportées en hectopascal (hPa) et standardisées au niveau de la mer. Les enregistrements horaires des PA ont été compilés selon une échelle temporelle correspondant à la période d’étude. Les 24 enregistrements horaires journaliers ont été utilisés afin de calculer pour chaque jour les valeurs absolues de PA : moyenne journalière, maximale journalière, minimale journalière et, en raison du caractère changeant des PA, des valeurs dynamiques ont également été calculées : différence journalière (différence entre la maximale et la minimale journalière) ainsi que la variabilité journalière qui représente la somme des valeurs absolues des 24 différences horaires. De plus, chaque jour calendaire a également été lié aux mesures de PA des jours et semaines précédents jusqu’à un mois auparavant afin de calculer les maximales, minimales, moyennes, différences et variabilités cumulées jusqu’à un mois auparavant pour ne pas manquer l’influence des jours précédant l’évènement. Le début exact des saisons a été déterminé par la date réelle des solstices pour l’hiver et l’été et par la date réelle des équinoxes pour le printemps et l’automne et ce pour chaque année. Pour les DA ainsi que pour les RAA, chaque jour des 10 227 jours de l’échelle temporelle a été étiqueté comme « jour avec » ou « jour sans » en fonction de la survenue (ou non) de DA ou RAA ce jour-là en particulier. Les variables continues ont été exprimées en moyennes et déviations standard et comparées entre elles par un t-test alors que les variables discrètes ont été exprimées en proportions et comparées en utilisant le test du Chi2. Une régression logistique a été utilisée afin de déterminer les odds ratios pour les variables qui influençaient le risque de survenue de DA ou de rupture. Les analyses statistiques ont été rendues possibles grâce à SAS University Edition 9.4 (SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord, États-Unis).   3. Résultats Au total, 1 230 patients présentant un évènement aortique majeur ont été admis à notre hôpital, 866 avec le diagnostic de DA et 344 avec une RAA. Ces deux groupes ont été analysés séparément dans cette étude.   3.1. Dissection aortique Les 886 patients avec DA ont été admis sur 844 jours distincts (jours avec DA) parmi les 10 227 jours de la période étudiée, les 9 383 jours restants (jours sans DA) ont été utilisés pour la comparaison. Il y avait 591 hommes et 295 femmes (H/F ratio 2:1), l’âge moyen était de 63,5 ans (± 14,2). La mortalité hospitalière globale était évaluée à 146 patients (16,5 %). En considérant le jour de l’admission, 217 patients (24,5 %) ont été admis lors d’un week-end, 43 d’entre eux sont décédés (19,8 %), mais la mortalité n’était pas plus importante (p = 0,13) les week-ends en comparaison avec les jours de semaine (103 décès, 15,4 %), ni même en comparant (p = 0,9) la mortalité entre hommes (98 patients, 16,6 %) et femmes (48 patientes, 16,3 %), alors que l’âge augmentait considérablement la mortalité (OR = 1,036 ; IC 95 % [1,021-1,051] ; p < 0,0001) [figure 1]. Au total, 420 patients (47,4 %) étaient connus porteurs d’une hypertension artérielle (HTA) et 466 patients (52,6 %) ne l’étaient pas. En considérant cette comorbidité, le décès est survenu suivant une DA chez 42 patients (10,0 %) avec HTA et chez 104 patients (22,32 %) non connus pour HTA (OR = 2,586 ; IC 95 % [1,757-3,805] ; p < 0,0001). Si l’HTA n’était pas considérée comme une condition on/off mais plutôt comme une pathologie d’évolution progressive avec différents degrés d’évolution, de sévérité et de réponse au traitement médical et donc considérée statistiquement comme un paramètre continu, alors la probabilité de décès dépendant de la pression artérielle est donnée en figure 2.   [caption id="attachment_4018" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Influence de l’âge sur la mortalité après dissection aortique.[/caption]   [caption id="attachment_4019" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Influence d’une HTA non connue sur la mortalité après dissection aortique.[/caption]   3.2. Rupture d’anévrisme aortique Les 344 patients avec RAA ont été admis sur 330 jours distincts (jours avec RAA) parmi les 10 227 jours de la période étudiée, les 9 897 jours restants (jours sans RAA) ont été utilisés pour la comparaison. Il y avait 280 hommes et 64 femmes (H/F ratio 4,4:1), l’âge moyen était de 72,4 ans (± 11,3). La mortalité hospitalière globale était évaluée à 108 patients (31,4 %). En considérant le jour de l’admission, 81 patients (23,5 %) ont été admis lors d’un week-end, 27 d’entre eux sont décédés (33,3 %) mais la mortalité n’était pas plus importante (p = 0,67) les week-ends en comparaison avec les jours de semaine (81 décès, 30,8 %), ni même en comparant (p = 0,57) la mortalité entre hommes (86 patients, 30,7 %) et femmes (22 patientes, 34,4 %), alors que l’âge augmentait considérablement la mortalité (OR = 1,06 ; IC 95 % [1,035-1,086] ; p < 0,0001) [figure 3]. Au total, 114 patients (33,1 %) étaient connus porteurs d’une HTA et 230 patients (66,9 %) ne l’étaient pas. En considérant cette comorbidité, le décès est survenu suivant une RAA chez 18 patients (15,8 %) avec HTA et chez 90 patients (39,1 %) non connus pour HTA (OR = 3,428 ; IC 95 % [1,941-6,055] ; p < 0,0001). Là encore, si l’HTA n’était pas considérée comme une condition on/off mais plutôt comme une pathologie d’évolution progressive avec différents degrés d’évolution, de sévérité et de réponse au traitement médical et donc considérée statistiquement comme un paramètre continu, alors la probabilité de décès dépendant de la pression artérielle est donnée en figure 4.   [caption id="attachment_4020" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Influence de l’âge sur la mortalité après rupture d’anévrisme aortique.[/caption]   [caption id="attachment_4021" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Influence d’une HTA non connue sur la mortalité après rupture d’anévrisme aortique.[/caption]     3.3. Saisonnalité La répartition annuelle des DA et des RAA ainsi que des décès est donnée par le tableau 1. Malgré le fait que l’hiver et le printemps concentrent le plus grand nombre de DA (surtout de janvier à mars), ni les distributions saisonnières (p = 0,53), ni mensuelles (p = 0,71) de ces évènements ne sont statistiquement différentes en terme de proportions. Les décès suivant une DA survenaient le plus souvent en hiver, mais ce n’était pas significativement plus fréquent que les autres saisons (p = 0,18). En ce qui concerne la RAA, là également, la saisonnalité de ces évènements n’a pas pu être démontrée (p = 0,18), ni même la supériorité d’un mois sur un autre (p = 0,21). De façon surprenante, l’hiver comptabilisait le taux le plus bas de RAA et un pic a été observé en été, de la même façon que pour les décès consécutifs à une RAA.   Tableau 1. Répartition saisonnière et mensuelle des épisodes et de la mortalité des dissections aortiques et des ruptures  d’anévrismes aortiques. Dissection aortique Rupture d'anévrisme aortique Saison n % Décès % n % Décès %   886 146   344 108   Hiver 231 26,07 46 31,50 69 20,06 19 17,59 Printemps 231 26,07 28 19,18 90 26,16 29 26,85 Été 204 23,02 34 23,29 96 27,91 35 32,41 Automne 220 24,83 38 26,03 89 25,87 25 23,15   p = 0,53   p = 0,18   p = 0,18   p = 0,17   Mois n % Décès % n % Décès %   886 146   344 108   Janvier 82 9,26 18 12,33 27 7,85 9 8,33 Février 82 9,26 16 10,96 19 5,52 2 1,85 Mars 84 9,48 14 9,59 27 7,85 9 8,33 Avril 71 8,01 8 5,48 36 10,47 12 11,11 Mai 80 9,03 11 7,53 29 8,43 12 11,11 Juin 66 7,45 7 4,80 23 6,68 7 6,48 Juillet 61 6,88 14 9,59 43 12,50 15 13,89 Août 69 7,79 11 7,53 26 7,56 9 8,33 Septembre 74 8,35 11 7,53 28 8,14 8 7,41 Octobre 70 7,90 13 8,91 31 9,01 8 7,41 Novembre 78 8,80 12 8,22 26 7,56 10 9,26 Décembre 69 7,79 11 7,53 29 8,43 7 6,49   p = 0,71   p = 0,66   p = 0,21   p = 0,30   3.4. Analyses des pressions atmosphériques Les influences des différentes mesures de pressions atmosphériques sur la DA et la RAA, selon les jours avec et les jours sans, sont présentées dans le tableau 2.     Tableau 2. Différences de pressions atmosphériques entre jours avec et jours sans dissection aortique ou rupture d'anévrisme aortique.  Dissection aortique Jours sans   Jours avec 9383 jours   844 jours Pression atmosphérique (hectopascal) Moy SD p Moy SD OR IC 95 % MOYENNE JOURNALIÈRE Du jour même 1017,23 9,27 0,0235 1016,47 9,28 0,991 [0,984-0,999] MINIMALE JOURNALIÈRE Du jour même 1014,43 10,09 0,0182 1013,57 10,06 0,992 [0,985-0,999] La plus basse en considérant la veille 1012,2 10,27 0,0289 1011,4 10,04 0,993 [0,986-0,999] La plus basse en considérant les 2 jours précédants 1010,51 10,32 0,0315 1009,71 10,12 0,993 [0,986-0,999] DIFFÉRENCE JOURNALIÈRE Moyenne des 2 semaines précédentes 5,77 1,96 0,01 5,95 2,03 1,046 [1,011-1,083] Moyenne des 3 semaines précédentes 5,77 1,76 0,0011 5,97 1,85 1,066 [1,026-1,107] Moyenne du mois précédent 5,77 1,6 0,0005 5,98 1,7 1,082 [1,037-1,128] VARIABILITÉ JOURNALIÈRE Du jour même 8,52 4,36 0,0343 8,85 4,52 1,016 [1,001-1,031] Du jour d’avant 8,52 4,37 0,0394 8,84 4,41 1,016 [1,001-1,031] Cumulée avec le jour d’avant 17,04 7,4 0,0135 17,7 7,53 1,011 [1,002-1,020] Cumulée avec les 2 jours précédents 25,57 10,12 0,0317 26,36 10,21 1,007 [1,001-1,014] Cumulée avec les 3 jours précédents 34,11 12,59 0,0427 35,03 12,98 1,005 [1,000-1,011] Moyenne des 2 semaines précédentes 8,53 2,33 0,0031 8,77 2,39 1,044 [1,015-1,075] Moyenne des 3 semaines précédentes 8,52 2,11 0,0003 8,8 2,18 1,06 [1,027-1,094] Moyenne du mois précédent 8,52 1,94 <0,0001 8,81 2,02 1,073 [1,037-1,111] Rupture d'anévrisme aortique Jours sans   Jours avec 9897 jours   330 jours Pression atmosphérique (hectopascal) Moy SD p Moy SD OR IC 95 % MOYENNE JOURNALIÈRE Moyenne du mois précédent 1017,19 4,67 0,005 1016,46 4,54 0,967 [0,944-0,990] MAXIMALE JOURNALIÈRE La plus haute du mois précédent 1031,68 5,22 0,002 1030,77 5,06 0,966 [0,945-0,988] Moyenne du mois précédent 1020,17 4,41 0,003 1019,44 4,2 0,962 [0,938-0,987]   L’analyse des valeurs absolues de PA montre que ces pressions sont significativement plus basses les jours avec DA par rapport aux jours sans DA. Ceci est bien marqué avec les valeurs minimales journalières suggérant que les jours avec dépressions atmosphériques (et même les dépressions sur les quelques jours précédant le jour de survenue de DA) représentent un risque accru de DA, comme montré par la figure 5. En outre, l’analyse des variations dynamiques des PA révèle que le différentiel journalier ainsi que la variabilité journalière de ces pressions sont significativement plus importants les semaines et le mois précédant immédiatement les jours avec survenue de DA et donc augmentent significativement le risque de survenue de cet évènement comme montré pour la moyenne mensuelle des variabilités journalières [figure 6].   [caption id="attachment_4022" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Influence des pressions atmosphériques (PA) minimales journalières sur la survenue de dissections aortiques (DA).[/caption] [caption id="attachment_4023" align="aligncenter" width="300"] Figure 6. Influence de la variabilité des pressions atmosphériques (PA) journalières sur la survenue de dissections aortiques (DA). Ici exprimée en moyenne mensuelle du mois précédant la DA.[/caption]   Par ailleurs, les jours avec RAA n’ont pas montré de différence significative en termes de valeurs basses de PA journalières ou mensuelles en comparant aux jours sans RAA, mais de façon intéressante, les valeurs maximales de PA étaient significativement différentes et réduisaient le risque de survenue de RAA comme montré en figure 7. De plus, il est aussi à noter que cette différence ne concernait pas le jour de rupture ni même les quelques jours précédant ce jour mais plutôt le mois d’avant (moyenne mensuelle des PA-maximales journalières). Enfin, les variations dynamiques comme la différence journalière ainsi que la variabilité journalière étaient comparables entre les jours avec et les jours sans RAA.   [caption id="attachment_4024" align="aligncenter" width="300"] Figure 7. Influence des pressions atmosphériques (PA) maximales journalières sur la survenue de rupture d’anévrisme aortique (RAA). Ici exprimée en moyenne mensuelle du mois précédant la RAA.[/caption]   4. Discussion Le caractère saisonnier des accidents aortiques non traumatiques majeurs a été évoqué dans le passé, même si les auteurs ont utilisé des méthodologies différentes et que les régions géographiques étudiées étaient également différentes rendant toute comparaison difficile entre ces études et la nôtre. Concernant la survenue de dissections aortiques, les études précédentes étaient plutôt unanimes sur le caractère hivernal de cette pathologie avec un pic en hiver et peu d’évènements en été [1-3]. Pour certains, l’incidence en janvier était le triple de celle enregistrée au mois d’août [1]. Les auteurs du Registre international des dissections aortiques aigues (IRAD : International Registry of Acute Aortic Dissections) qui répertoriait 15 centres de régions géographiques diverses ont même stipulé que ce pic hivernal était indépendant des différentes conditions climatiques [2]. Même si nous n’avons pas pu démontrer de différences saisonnières ou mensuelles significatives, nos incidences hivernales et printanières élevées et notre creux estival étaient cohérents avec les incidences rapportées dans les précédentes études. Le caractère saisonnier des RAA a été quant à lui beaucoup plus débattu dans la littérature, même si la plupart des séries retrouvaient une distribution similaire à celle des DA. Talbot et al. [4] ont été les premiers à suggérer en 1972 un pic hivernal. Dans une large revue de certificats de décès sur une période de cinq ans en Angleterre et dans le Pays de Galles, Ballaro et al. [5] ont démontré les mêmes résultats avec un pic hivernal significatif et un creux estival mais n’ont pas fourni d’informations sur les pressions atmosphériques pour rechercher une éventuelle causalité sur la survenue de RAA. Ces résultats ont été confirmés par beaucoup d’autres par la suite [6-9] et une vaste et récente revue de littérature a même établi que les pics d’incidence survenaient volontiers en hiver, en décembre, les lundis et dans la deuxième partie de la matinée entre 6h du matin et midi [10]. Cependant, pour certains auteurs, ce pic survenait plutôt en automne [11,12] et parfois au printemps et automne [13,14]. Nos résultats ne sont pas similaires à cette distribution. Nous n’avons pas trouvé de pic saisonnier significatif, voire même plutôt une tendance à une distribution inverse avec le plus grand nombre d’évènements en été et le plus bas en hiver. Cette absence de saisonnalité a aussi été revendiquée par une étude canadienne [15] évaluant un large échantillon (2373 cas) sur une longue période, avec des moyens statistiques plus élaborés, utilisant les échelles temporelles mais sans possibilité de retrouver ce caractère saisonnier, malgré des conditions météorologiques extrêmes que ce soit en hiver ou en été, là encore la relation avec la pression atmosphérique n’a pas été étudiée. Il peut être trompeur de comparer les distributions saisonnières entre les différentes publications en raison de la diversité des conditions météorologiques d’une région à une autre. Même si l’ordre conventionnel des saisons et des mois est le même à travers le monde, ce qui caractérise chaque saison en termes de paramètres météorologiques spécifiques peut varier d’une région à une autre. Pour cette raison nous ne pensons pas qu’une association entre paramètres climatiques et incidence d’évènements aortiques majeurs doit être corrélée au rythme saisonnier. Par contre, la pression atmosphérique, la température ambiante et d’autres paramètres météorologiques pouvant avoir un impact sur notre biologie devraient donner un meilleur aperçu sur le déclenchement de beaucoup de pathologies cardiovasculaires. Les données de la littérature étudiant l’influence de la pression atmosphérique sur les évènements aortiques majeurs ne sont pas consensuelles. Cette influence sur la DA a été très peu étudiée. Les moyennes des PA maximales ont été positivement corrélées à la DA dans les climats subtropicaux de Chine [16,17] et d’Istanbul [18], alors que cette association n’était pas aussi évidente dans une autre étude chinoise [19], ni au Royaume-Uni [20] ou en Europe du Nord [21]. L’influence de la PA sur les RAA a été étudiée plus en détail. Certains auteurs n’ont pas réussi à la démontrer [12,22,23] et uniquement une seule étude  a trouvé une corrélation positive entre l’incidence des RAA et des PA hautes [6]. De façon intéressante, cette conclusion provient d’une étude multi-institutionnelle française (mais n’incluant pas notre centre) retrouvant que la moyenne des maximales mensuelles du mois précédant l’évènement avait une corrélation persistante avec l’incidence des RAA contrastant avec toute la littérature sur le sujet. En effet, tout ce qui est publié par ailleurs retrouve plutôt un rôle des basses PA comme facteur de risque. Le travail de Bown et al. [7] a été le premier à identifier un lien entre basses PA et incidence de RAA. Dans une analyse mensuelle, le nombre de RAA pour un mois donné et la moyenne des PA du mois précédant étaient inversement liés. Cependant, ni le minimum, maximum ou moyenne journalière ni même la variabilité quotidienne n’étaient significativement différents entre les jours d’admission de RAA et les jours sans admission. Ces constatations ont été reproduites par d’autres auteurs [8,13,24] et cette association était constante malgré différents profils climatiques avec des PA encore plus basses [8]. De plus, certains auteurs [13,25] ont démontré dans une analyse de valeurs journalières que les PA étaient significativement plus basses les jours de RAA par rapport aux jours sans RAA. Il est à noter que tous les précédents rapports ont uniquement analysé les valeurs absolues de PA à des instants donnés considérant que ces valeurs étaient invariables d’une année à une autre, d’un mois à un autre, d’un jour à un autre et même d’une heure à une autre. En réalité, ces pressions sont hautement dynamiques et l’unique traitement des valeurs absolues sans prendre en compte le caractère variable et changeant de ces mesures peut faire manquer l’influence de ce même caractère dynamique sur la survenue de ces évènements. Très peu d’auteurs [8,23] ont cherché l’influence de ces variations relatives des PA et une seule étude a retrouvé une plus grande variabilité des PA journalières les jours d’admission de RAA [8]. Le rôle de l’HTA dans la genèse des RAA a été largement reporté. La taille de l’anévrisme, le tabagisme, la présence d’une HTA ou d’une bronchopneumopathie chronique obstructive ont tous été identifiés comme facteurs de risque potentiels de RAA [26]. Même si une exposition active ou passive au tabac dans des espaces intérieurs ainsi qu’une exacerbation d’une bronchopneumopathie chronique obstructive sont volontiers l’apanage des saisons froides, une variation saisonnière en pression artérielle avec des pics hivernaux a été démontrée aussi bien chez des individus hypertendus [27] que chez des individus normotendus [28]. La majorité des études disponibles  indiquent une plus grande incidence des DA et des RAA au cours des mois hivernaux. En premier lieu, les effets des basses températures sur l’HTA sont bien connus : les pressions artérielles présentent un pic en hiver, indépendamment du statut hypertensif ou non du patient. L’étude thérapeutique conduite par le conseil de recherche médicale du Royaume-Uni sur l’HTA modérée a démontré une variation saisonnière de la pression artérielle [27]. La chute des températures ambiantes entraînait une augmentation de pressions artérielles, probablement parce que pendant les mois chauds d’été, l’HTA est mieux régulée par transpiration et vasodilatation alors que pendant les mois froids d’hiver, la vasoconstriction induite par le système sympathique augmente la pression artérielle [29]. En plus, les seuls paramètres physiologiques directement influencés par la pression atmosphérique sont les gaz du sang artériels [30], particulièrement la PO2, ce qui peut causer une hypoxie avec stimulation des chémorécepteurs et donc du système sympathique entraînant une augmentation de la pression artérielle systolique [7]. Une augmentation de cette pression systolique a aussi été démontrée dans des expériences d’hypothermies de surface induites et a été identifiée comme une réponse à la vasoconstriction périphérique. Tous ces mécanismes ne produisent pas un effet similaire sur la pression artérielle diastolique qui reste au même niveau avec, comme conséquence, une augmentation de l’amplitude du différentiel [31]. La force résultante agit sur la déformation de la paroi artérielle et augmente la friction et le sheer stress sur la paroi vasculaire causant dissections et ruptures [32]. Ces variations saisonnières de la pression artérielle peuvent expliquer la saisonnalité des DA et des RAA. L’HTA est, selon une analyse multivariée de Cronenwett [26], l’un des trois prédicteurs indépendants de RAA. En plus de l’analyse des valeurs absolues, un rôle particulier a été attribué aux conséquences des variations rapides de pression artérielle sur la paroi artérielle [33]. Ceci suit aussi la logique selon laquelle les variations de pression artérielle peuvent être un déterminant à part entière de lésions vasculaires indépendamment de la pression artérielle moyenne journalière [34]. La pathogénie des RAA implique une interaction complexe de facteurs qui fragilisent la paroi aortique en y augmentant la contrainte exercée [5,35]. Le modèle traditionnel de prédiction des RAA basé sur le diamètre aortique dérive directement de la loi de Laplace : la tension circonférentielle sur la paroi aortique est une fonction linéaire du diamètre aortique et du gradient de pression artérielle de part et d’autre de la paroi aortique (lequel dépend de la pression artérielle intraluminale et de la pression extraluminale opposée). Des modifications de PA peuvent augmenter le stress transmural en abaissant transitoirement la pression extraluminale (pression atmosphérique) par rapport à la pression artérielle, ce qui a pour résultat d’engendrer une force expansive nette de l’intérieur, entraînant une augmentation de tension sur cette paroi [25], précipitant la rupture d’une paroi anévrismale fragile [13] et aidant probablement à l’augmentation de taille d’un anévrisme existant. La rupture d’anévrisme aortique se produit alors quand la contrainte mécanique agissant sur la paroi artérielle excède la résistance de cette paroi [36], entraînant sa rupture. Il a été suggéré [24] que la saisonnalité des RAA puisse être une conséquence des fluctuations saisonnières des PA, lesquelles peuvent augmenter indirectement la tension exercée sur les parois artérielles en créant un différentiel de pression importante à travers ces parois. Même si nous n’avons pas démontré que les PA basses étaient responsables des RAA, il était clair pour nous que les valeurs hautes de PA étaient protectrices contre une RAA, probablement en s’opposant mieux à la pression artérielle, ce qui a pour effet de baisser le gradient de pression et la contrainte sur la paroi aortique. Il est également tentant de suggérer que ces valeurs hautes de PA puissent aussi lutter contre l’augmentation de taille d’un anévrisme (qui évolue plus tard vers sa rupture) par le même mécanisme, mais cela reste encore à démontrer. Toutefois, la pression artérielle a déjà été corrélée de façon positive à l’augmentation de taille des anévrismes [37], il est donc légitime de penser que les pressions atmosphériques hautes qui s’opposent à la pression artérielle puissent volontiers protéger contre l’augmentation de taille des anévrismes et leur rupture ultérieure. De façon intéressante, on note également que le fait que les RAA soient en général le résultat d’une évolution chronique d’un anévrisme, c’est un profil de hautes PA mensuelles plutôt que journalières qui ressortait comme étant plus protecteur dans notre analyse. Concernant les dissections aortiques, les PA hautes n’étaient pas statistiquement significativement protectrices (OR = 0,992 ; p = 0,057) contre le risque de DA, comme c’était le cas pour les RAA, par contre les PA basses étaient plus particulièrement associées avec la survenue de DA et donc de déchirure intimale, probablement en permettant aux à-coups hypertensifs ou impulsions de la pression artérielle d’être plus agressifs avec la paroi intimale. Ce concept d’impulsions artérielles nuisibles peut s’expliquer par la variabilité des pressions atmosphériques, laquelle permet à la différentielle de pression artérielle et donc à la force de ces impulsions de varier également. La différence journalière dans les PA peut signifier la différence entre la valeur minimale et maximale du jour avec une évolution lente et progressive entre ces deux valeurs, comparable à l’atterrissage d’un avion, mais ces variations entre les valeurs minimum et maximum peuvent aussi se produire par plusieurs augmentations et diminutions brusques et successives, qu’il est aussi important de considérer en additionnant les valeurs absolues des variations horaires d’une même journée (variabilité journalière). De la même façon que les turbulences lors d’un atterrissage d’avion peuvent être particulièrement désagréables, les multiples variations journalières de la PA peuvent aussi être nuisibles. Ceci a pu être illustré dans la présente étude par l’influence de la différentielle journalière de PA et de façon encore plus marquante par la variabilité journalière des PA sur la survenue de DA. L'HTA est bel et bien une variable discontinue avec un statut oui/non dans notre base de données. Cependant, même s'il n'était pas possible de la quantifier, nous avons supposé que cette pathologie chronique n'était pas une pathologie on/off mais plutôt la résultante d'une évolution progressive avec des degrés divers de gravité de la pathologie ainsi que de sa prise en charge. Certes il n'était pas possible de la quantifier mais la réalité ressemble plutôt à ce cas de figure, raison pour laquelle nous avons considéré cette variable comme étant continue statistiquement afin d'avoir un visuel graphique entre une personne complètement indemne de cette pathologie et une autre chez laquelle le statut hypertendu est le pire possible (HTA ancienne voire non traitée). Nous avons retrouvé qu’une HTA non connue était un facteur important influençant la mortalité suivant une DA ou une RAA. Deux explications différentes peuvent se concevoir. Ou les patients étaient réellement hypertendus mais non encore diagnostiqués et donc pas encore traités, permettant aux grands pics tensionnels d’entraîner des dissections et des ruptures aortiques massives, ou bien les patients n’étaient pas réellement hypertendus et de grands pics tensionnels, généralement dus à une stimulation massive du système sympathique, ont entraîné une DA ou RAA largement étendues. Par ailleurs, nous pouvons également comprendre que même s’il est évident que les grands pics tensionnels soient d’importants déclencheurs de ces évènements, le statut connu d’HTA est en soi un facteur très important protégeant contre le décès suivant ces évènements aortiques majeurs. Ceci est certainement rendu possible par un meilleur contrôle de la pression artérielle mais sachant le rôle d’une paroi aortique solide dans la résistance aux grands pics tensionnels et aux grands gradients à travers la paroi aortique, il est possible de suggérer qu’une paroi fibrotique et calcifiée, conséquence d’une HTA chronique, permettra une extension moindre de la déchirure initiale suivant une DA ou une RAA, limitant la perte sanguine, le choc hémorragique et le taux de décès chez ces patients. Il a été montré que les patients présentant une RAA avec une histoire d’HTA connue étaient admis sur des jours avec des PA plus basses que pour ceux qui n’avaient pas d’HTA connue [13]. On peut alors penser que de plus basses pressions atmosphériques étaient nécessaires pour permettre à de plus grandes pressions artérielles (individus hypertendus) de causer des lésions de rupture dans des parois aortiques plus rigides et plus calcifiées que celles des sujets non hypertendus. Il est à noter que les pics hivernaux de DA et de RAA survenaient plus volontiers chez des sujets plus jeunes [1,2] et sans HTA connue [2]. Il est peut-être possible de déduire que des variabilités plus importantes en pressions atmosphériques et en pressions artérielles durant cette saison sont plus nuisibles sur des aortes moins athéromateuses et moins calcifiées retrouvées chez ces sujets jeunes et non hypertendus. Le concept de chronoépidémiologie et de chronothérapeutique a déjà été décrit [9]. Même si cela n’est pas encore familier dans la communauté médicale, la reconnaissance d’un « chronorisque » clairement identifié pour les DA et les RAA devrait nous pousser à augmenter notre vigilance afin d’assurer la protection anti-hypertensive la plus optimale possible durant ces périodes de risque. Il semble que les mécanismes de défense contre ces pathologies ne permettent pas d’assurer le même degré de protection à travers tous les instants de l’année et de la journée offrant, pendant des périodes de susceptibilités, en particulier durant les mois hivernaux, la possibilité à de multiples facteurs de risque de déclencher ces évènements aortiques majeurs expliquant la notion de chronorisque [38]. S’agissant de la DA, la mortalité globale n’est pas affectée par les rythmes chronobiologiques [39], ce qui laisse croire qu’une fois que la dissection survient, la mortalité dépend de facteurs cliniques et anatomiques plutôt que du facteur déclenchant lui-même. Nous avons pu montrer dans notre étude que cette mortalité était fortement influencée par un statut d’HTA absente ou non diagnostiquée. S’agissant des RAA, il est possible que les thérapeutiques anti-hypertensives puissent être suffisantes pour émousser les petites poussées saisonnières responsables du sheer stress qui s’applique sur l’aorte mais ne sont pas suffisantes pour juguler de façon satisfaisante les effets négatifs des variations diurnes de ces forces sur les aortes des patients  hypertendus. Manfredini et al. ont revu les effets et les efficacités des différents traitements anti-hypertensifs sur la prévention des évènements aortiques majeurs [38] recommandant une protection anti-hypertensive agressive et efficace sur la totalité des 24h, tout en reconnaissant que cet objectif n’était pas toujours facile à atteindre. En effet, l’utilisation de molécules à courte durée d’action entraîne l’apparition de pics et de creux substantiels dans la concentration de la molécule à travers les 24h, ce qui peut entraîner de larges fluctuations dans la pression artérielle. En outre, l’utilisation en monoprise de molécules à libération prolongée ne permet pas de suivre les variations physiologiques journalières de la pression artérielle et la concentration peut s’avérer faible aux moments les plus vulnérables de la journée. De plus, les inhibiteurs calciques, largement utilisés dans le passé pour le traitement des DA, sont actuellement évités en raison d’un supposé rôle dans la survenue de RAA par augmentation de la rigidité des parois aortiques [40]. Les bétabloquants sont à ce jour le traitement anti-hypertensif de choix car ils contrôlent mieux le pic matinal en pression artérielle, ce qui devrait assurer un bénéfice maximal durant cette partie de la journée de vulnérabilité particulière. En plus, l’augmentation de taille des anévrismes a aussi été rattachée à l’HTA [37] et il a été suggéré que le traitement de l’HTA avec bétabloquants pouvait inhiber l’augmentation de taille des anévrismes [41]. Une implication supplémentaire du supposé lien entre pression atmosphérique et évènements aortiques majeurs concernerait les voyages aériens [25]. Les changements de pression dans la cabine durant le vol peuvent constituer un excellent modèle pour étudier l’augmentation du risque de survenue de ces évènements, mais aucune étude n’a été conduite jusqu’à ce jour hormis un cas isolé d’une RAA immédiatement après un vol de courte distance impliquant le copilote [42]. Extrapolant le rôle des PA sur la survenue de RAA, les patients avec d’importants anévrismes aortiques devraient éviter les voyages aériens jusqu’à la cure de leur anévrisme [8], à moins que l’on considère que l’influence des PA sur le déclenchement des RAA nécessite plus de temps que celui d’un simple voyage en avion pour être effective. Par contre, les DA sont des évènements aigus et leur rapatriement jusqu’au centre hospitalier devant les traiter devrait être évité par voie aérienne.   5. Conclusion Il n’est pas encore évident de saisir toute l’étendue de l’influence des pressions atmosphériques et de facteurs saisonniers sur le risque de DA et de RAA. À la lumière des constatations de notre analyse, la prévention peut trouver sa place dans notre pratique par un meilleur contrôle des pressions artérielles chez les personnes hypertendus, surtout aux moments les plus vulnérables, ainsi qu’en améliorant le dépistage de l’HTA dans la population générale. De plus, la connaissance de l’existence d’un anévrisme aortique doit faire discuter une cure élective en prenant en considération les tendances météorologiques locales ainsi que la sévérité de l’HTA et l’efficacité de son contrôle, en plus de la taille de l’anévrisme. Enfin, il est intéressant d’étudier l’évolution des dimensions des anévrismes aortiques en rapport avec les valeurs absolues et variabilités de PA dans la même région et à la même période pour évaluer l’influence réelle de la pression atmosphérique sur l’augmentation de la taille des anévrismes en fonction du statut hypertensif du patient.   Références Sumiyoshi M, Kojima S, Arima M, Suwa S, Nakazato Y, Sakurai H et al. Circadian, weekly, and seasonal variation at the onset of acute aortic dissection. Am J Cardiol. 2002 Mar 1;89(5):619-23. https://doi.org/10.1016/S0002-9149(01)02311-6 Mehta RH, Manfredini R, Hassan F, Sechtem U, Bossone E, Oh JK et al. Chronobiological patterns of acute aortic dissection. Circulation 2002 Aug 27;106(9):1110-5. https://doi.org/10.1161/01.CIR.0000027568.39540.4B Matsuo H. The Thrombosed Type of Aortic Dissection-Its Clinical Features and Diagnosis. Int J Angiol 1998 Aug;7(4):329-34. Talbot S, Langman MJ. 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mai 18, 2018
Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Mars 2018

Extracorporeal life support (ECLS) post-cardiotomie, le site de canulation a-t-il une importance sur les résultats ?

Papa Amath Diagne1,3*, Nicolas d’Ostrevy1, Céline Lambert2, Étienne Geoffroy1, Vedat Eljezi1, Anne Médard1, Mehdi Farhat1, Andréa Innorta1, Bruno Miguel1, Benoît Legault1, Kasra Azarnoush1, Lionel Camilleri1   Service chirurgie cardiovasculaire CHU Gabriel Montpied, Clermont-Ferrand, France. Unité biostatistique (DRCI), CHU Clermont-Ferrand, France. Service chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire, CHU Fann, Dakar, Sénégal. * Correspondance : diagnepapaamath@gmail.com   DOI : 10.24399/JCTCV22-1-DIA Citation : Diagne PA, D'Ostrevy N, Lambert C, Geoffroy E, Eljezi V, Médard A, Farhat M, Innorta A, Miguel B, Legault B, Azarnoush K, Camilleri L. Extracorporeal life support (ECLS) post-cardiotomie, le site de canulation a-t-il une importance sur les résultats ?. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(1). doi: 10.24399/JCTCV22-1-DIA   Résumé Objectifs : l’ECLS est l’ultime thérapeutique du choc cardiogénique réfractaire postcardiotomie. L’objectif principal de cette étude est de comparer les résultats en fonction du site de canulation, centrale ou périphérique, mais aussi de déterminer les facteurs pronostiques de cette thérapeutique. Méthodes : de 2005 à 2015, 55 patients ont bénéficié d’une ECLS en postcardiotomie. Les caractéristiques préopératoires, opératoires et l’évolution clinique et biologique postopératoires ont été évaluées. Résultats : l’ECLS était centrale chez 34 patients et périphérique chez 21. L’âge moyen (61 ans) et l’EuroSCORE 2 moyen (8 %) étaient proches dans les deux groupes. Le groupe périphérique comportait plus de redux et de gestes sur l’aorte et la valve tricuspide. L’implantation peropératoire prédominait dans le groupe central et l’implantation postopératoire dans le périphérique (p = 0,01). Le séjour hospitalier était plus long dans le groupe central (p = 0,05), et ce groupe avait une proportion plus importante de patients sevrés de l’assistance (67,7 %) et sortis vivants (38,2 %). Les facteurs significatifs de mauvais pronostics étaient l’âge, le degré d’urgence et une élévation postopératoire des troponines et des lactates. Conclusion : l’option d’une canulation centrale lors d’une ECLS postcardiotomie ne doit pas être écartée de principe, car elle semble améliorer la survie.   Abstract Post-cardiotomy ECLS, does the cannulation site have any significance on the results? Objectives: Extracorporeal life support (ECLS) is part of the therapeutic arsenal for post-cardiotomy refractory cardiogenic shock. We report the experience of our center between 2005 and 2015 with the main objective of comparing central and peripheral ECLS. Results: ECLS was present in 34 patients (61.8%) and peripheral in 21 (38.2%). The age and Euroscore II were similar between groups. There were more redux and gestures on the aorta and the tricuspid valve in the peripheral group. Intraoperative implantation was predominant in the central group and postoperative implantation in the peripheral group (p = 0.01). The hospital stay was longer in the central group (p = 0.05), and this group had a higher proportion of patients weaned from the ECLS (67.7%) and discharged alive (38.2%). Significant factors for poor prognosis included patient age, emergency and elevated postoperative levels of troponins and lactates. Conclusion: The option of central cannulation should not be systematically ruled out, as it could increase survival. The factors that determine the outcomes are postoperative troponin and lactate levels.   1. Introduction L’incidence de survenue d’un choc cardiogénique réfractaire après une chirurgie cardiaque varie entre 0,5 et 1,5 % [1]. Cette complication multiplie la mortalité précoce par 2,8 [2]. Pour ces patients, l'implantation d'une assistance circulatoire de type ECLS (Extra Corporeal Life Support, parfois appelé ECMO VA) est une solution thérapeutique permettant de soutenir les fonctions vitales de l’organisme dans l’attente d’une récupération cardiaque ou d’une autre thérapeutique si la défaillance cardiaque persiste. Elle est le plus souvent utilisée après l’échec d’un traitement médical optimal, associée à la pose d’une contre-pulsion intra-aortique [3,4]. Au cours des 20 dernières années, malgré des avancées remarquables dans la qualité des dispositifs et dans la prise en charge de ces patients, la mortalité hospitalière reste élevée (60 à 80 %) [3,5,6]. Pour certaines équipes, la décision d’implantation d’une assistance est basée sur les critères suivants : pression artérielle systolique < 80 mmHg, lactates > 3 mmol/L,   pH < 7,3, diurèse < 0,5 ml/kg associés à des défaillances d’organes [1]. Dans la pratique, ces chiffres ne sont là que pour guider la décision qui est fortement influencée par l’expérience de l’équipe en charge du patient, l’estimation de la probabilité de succès, une morbidité propre (saignements, événements ischémiques ou thromboemboliques et défaillances d'organes) mais aussi les ressources humaines et financières qu’elle mobilise (temps de ventilation mécanique prolongé, transfusion multiple de produits sanguins, durée du séjour en unité de soins intensifs et à l'hôpital prolongée) [1,2,7]. Concernant la technique et les résultats, de nombreux éléments restent controversés : Les facteurs prédictifs de mauvais résultats, hormis l’âge, sont variables d’une étude à l’autre [8]. La canulation périphérique est privilégiée par de nombreuses équipes [9]. Elle est basée sur les avantages d’un thorax fermé, réduisant les complications hémorragiques et permettant l'implantation de l’assistance en dehors du bloc opératoire [10,11], mais les résultats de la canulation périphérique en postcardiotomie ont rarement été comparés à ceux d’une canulation centrale. Nous avons donc souhaité analyser les résultats de notre activité d’ECLS postcardiotomie en considérant particulièrement les résultats (morbimortalité) en fonction du site d’implantation centrale (ECLSc) ou périphérique (ECLSp).   2. Patients et méthodes Nous avons réalisé une étude rétrospective monocentrique sur une période de 11 ans (janvier 2005 à décembre 2015). Nous avons inclus 55 patients consécutifs (42 hommes et 13 femmes) ayant bénéficié de l’implantation d’une assistance type ECLS en postcardiotomie pour un choc cardiogénique. L’implantation a été réalisée au bloc opératoire immédiatement après le geste chirurgical chez les patients qui n’ont pas pu être sevrés, ou en postopératoire, l’implantation pouvant alors avoir lieu soit en réanimation soit après transfert au bloc opératoire. La décision d’implantation était prise après échec d’un traitement médical bien mené, incluant éventuellement la pose d’un ballon de contre-pulsion intra-aortique. Nous avons exclu les patients qui étaient sous assistance circulatoire et/ou respiratoire en préopératoire. Nous avons utilisé une pompe centrifuge (Rotaflow) avec des circuits Maquet® (Rastatt, Allemagne) adultes préhéparinés type Bioline® (BE-PLS 2050). Les circuits étaient connectés à des canules veineuses Maquet ® de 19 à 29 Fr, à des canules artérielles Maquet ® de 15 à 23 Fr et à des canules de reperfusion du membre inférieur Hemotech* (8Fr) si la canulation était périphérique. L’implantation périphérique des canules pouvait être réalisée : en percutané : l’artère fémorale était ponctionnée en antégrade (reperfusion) et en rétrograde (canule artérielle) et la veine fémorale était ponctionnée par voie antégrade (canule veineuse). Pour chaque ponction, on positionnait dans le vaisseau concerné des guides 0,35 sur lesquels étaient montés progressivement des dilatateurs de taille croissante, puis la canule ad hoc. Cette technique a été privilégiée lors des implantations urgentes en postopératoire. par abord chirurgical : les vaisseaux fémoraux étaient abordés par une incision au scarpa, permettant une ponction contrôlée du vaisseau et la mise en place des trois canules. Les canules étaient extériorisées par une contre-incision à distance de l’abord chirurgical. L’artère axillaire était abordée par un abord sous-clavier horizontal médioclaviculaire. La canulation était directe si la taille de l’artère le permettait, sinon la canule était insérée dans une prothèse de Dacron® de 7 mm de diamètre anastomosée en terminolatérale sur l’artère axillaire. La canule fémorale était implantée de façon percutanée en veine fémorale. Dans le cas d’une implantation centrale, les canules étaient sécurisées par des bourses vasculaires et des tirettes. Les canules étaient extériorisées par une contre-incision, supra ou infrasternale, puis fixées à la peau. Le drainage péricardique et rétrosternal était réalisé avec des redons, systématiquement laissés en place au moins jusqu’à la reprise chirurgicale pour ablation des canules. Une décharge gauche était mise en place par la veine pulmonaire supérieure gauche chaque fois que l’on avait un œdème pulmonaire radiologique ou que l’échographie montrait l’absence d’ouverture de la valve aortique, des signes de stase intraventriculaire gauche. L’indication de la mise en place de cette décharge gauche était bien évidemment plus large dans l’ECLS centrale. La surveillance de l’ECLS se faisait au minimum deux fois par jour par les perfusionnistes et consistait en une surveillance visuelle de l’oxygénateur, des lignes et de la tête de pompe. Les paramètres de l’assistance étaient notés quotidiennement (débit, nombre de tours/min, FiO2, balayage, échangeur thermique, état des pansements, paramètres vitaux du patient, absence de plicature et de fuite des lignes). L’objectif de l’héparinémie était fixé entre 0,2 et 0,3, celui de l’ACT entre 200 et 250 secondes. Le changement de circuit se faisait dans les cas suivants : thrombopénie inexpliquée, thrombus important dans l’oxygénateur ou la tête de pompe, thrombopénie induite à l’héparine, durée d’assistance supérieure à 30 jours, gazométrie en sortie d’oxygénateur avec FiO2 à 100 % inférieure à 300 mmHg de PO2. Une échographie cardiaque trans-thoracique et ou transœsophagienne était effectuée une à deux fois par jour pour quantifier la récupération de la fonction cardiaque. Dans notre centre, le sevrage des patients se faisait sous contrôle de l’échocardiographie qui évaluait la réserve de contraction (amélioration des fractions d’éjection des ventricules droit ou gauche) et le débit cardiaque (évalué par l’amélioration de l’ITV sous-aortique), lorsque l’on diminuait le débit d’assistance de façon importante. Nous n’utilisions pas de critère échocardiographique strict de sevrage. Ils étaient adaptés en fonction des valeurs de l’échocardiographie préopératoire et de l’intervention réalisée. On évaluait en même temps la tolérance pulmonaire (SaO2). On répétait ce test plusieurs fois jusqu’à atteindre un débit de sevrage (1,5 à 2 L/min). Dans ces conditions, l’assistance était retirée, quand l’hémodynamique (sous très faibles doses de catécholamines) et les paramètres biologiques (lactates, fonctions rénales et hépatique) étaient stables. Les données prospectivement collectées ont été extraites du dossier médical informatisé des patients et les feuilles de surveillance des CEC et des assistances. Nous avons étudié les données biométriques, les antécédents, les données préopératoires cliniques et paracliniques, les données opératoires (de la chirurgie cardiaque initiale et de l’implantation de l’ECLS) et les suites opératoires. L’analyse a été réalisée en intention de traiter, bien que nous ayons constaté certains cross-over. Nous avons comparé les caractéristiques préopératoires, opératoires et l’évolution des deux groupes ECLSc et ECLSp. Enfin pour la population globale, nous avons recherché les facteurs prédictifs d’une évolution défavorable en incluant dans cette recherche le site de canulation.   2.1. Analyse statistique Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel Stata (version 13, StataCorp, College Station, Texas, États-Unis), en considérant un risque d’erreur de première espèce bilatéral de 5 %. La population est décrite par des effectifs et pourcentages associés pour les variables catégorielles et par la moyenne (± écart type) ou la médiane [intervalle interquartile] pour les variables quantitatives, au regard de leur distribution statistique (normalité étudiée par le test de Shapiro-Wilk). Les comparaisons entre groupes indépendants (ECLS centrale vs périphérique et vivant vs décédé) concernant des paramètres de nature quantitative ont été réalisées par le test de Student ou par le test de Mann-Whitney, si conditions du t-test non respectées (normalité, homoscédasticité étudiée par le test de Fisher-Snedecor). Les comparaisons entre groupes concernant des paramètres qualitatifs ont été effectuées par le test du Chi2 ou par le test exact de Fisher.   3. Résultats Durant la période d’étude, 34 patients avaient bénéficié d’une ECLS centrale (61,8 %) et 21 d’une ECLS périphérique (38,2 %). La répartition du nombre de patients par année et en fonction du site d’implantation de l’ECLS est représentée dans la figure 1.   [caption id="attachment_4011" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Nombre d’ECLS post-cardiotomie par année en fonction de l’implantation.[/caption]   Les données préopératoires sont colligées dans le tableau 1. Dans notre série, l’âge des patients variait entre 25 et 80 ans, la moyenne était identique dans les deux groupes (61 ans). Il y avait une nette prédominance masculine sans différence significative intergroupe. L’EuroSCORE 2 médian était proche dans les deux groupes (ECLSc : 7 [3 ; 13], ECLSp : 8 [5 ; 12] ; p = 0,53). La proportion des patients pour qui la chirurgie était une deuxième intervention cardiaque était significativement plus importante dans le groupe périphérique que dans le groupe central (ECLSc : 4 [11,8 %], ECLSp : 8 [38,1 %] ; p = 0,04). Ni les facteurs de gravité préopératoire, ni le bilan paraclinique (biologie et échographie cardiaque) n’étaient différents dans les deux groupes.   Tableau 1. Caractéristiques préopératoires des patients.   Total N = 55 ECLS centrale N = 34 (61,8 %) ECLS périphérique N = 21 (38,2 %) p-value Âge (ans) 61 ± 12 61 ± 13 61 ± 10 0,91 Genre masculin 42 (76,3 %) 28 (82,3 %) 14 (66,7 %) 0,21 Facteurs de risque         Diabète 9 (16,4 %) 6 (17,7 %) 3 (14,3 %) 1,00 Dyslipidémie 17 (30,1 %) 12 (37,5 %) 5 (23,8 %) 0,30 HTA 22 (42,3 %) 15 (48,4 %) 7 (33,3 %) 0,28 BPCO 4 (7,4 %) 4 (11,8 %) 0 (0,0 %) 0,28 IMC (kg/m2) 26,8 ± 4,6 27 ± 5,1 26,6 ± 3,6 0,74 Antécédents         Antécédent chirurgie cardiaque 12 (21,8 %) 4 (11,8 %) 8 (38,1 %) 0,04 Angioplastie coronaire 10 (18,2 %) 5 (14,7 %) 5 (23,8 %) 0,48 Atteinte vasculaire périphérique 10 (18,2 %) 6 (17,6 %) 4 (19,0 %) 1,00 Trouble du rythme 15 (27,3 %) 8 (23,5 %) 7 (33,3 %) 0,43 Facteurs de gravité préopératoire         Insuffisance rénale aiguë oligo-anurique 8 (14,6 %) 7 (20,6 %) 1 (4,8 %) 0,14 Dyspnée > 2 (NYHA) 39 (70,9 %) 25 (75,8 %) 14 (70,0 %) 0,64 Patients sous AVK 28 (50,9 %) 15 (44,1 %) 13 (61,9 %) 0,20 Antiagrégants 8 jours avant 19 (34,5 %) 14 (41,2 %) 5 (23,8 %) 0,19 IDM dans les 90 jours 10 (18,2 %) 9 (26,5 %) 1 (4,8 %) 0,07 Patients sous inotrope 9 (16,4 %) 6 (17,7 %) 3 (14,3 %) 1,00 BCPIA préop. 5 (9,1 %) 5 (14,7 %) 0 (0,0 %) 0,14 Intubation orotrachéale 4 (7,3 %) 4 (11,8 %) 0 (0,0 %) 0,29 Endocardite 6 (10,9 %) 3 (8,8 %) 3 (14,3 %) 0,66 Urgence 30 (54,6 %) 21 (61,8 %) 9 (42,9 %) 0,26 EuroSCORE 2 (%) 8 [4 ; 12,8] 7 [3 ; 13] 8 [5 ; 12] 0,53 Bilan paraclinique         Hémoglobine (g/dl) 13,0 ± 2,1 13,4 ± 2,1 12,6 ± 2,0 0,18 Plaquettes (103/mm3) 212 [176 ; 287] 215 [191 ; 294] 205 [163 ; 247] 0,98 Créatininémie (µmol/L) 110 [90 ; 123] 110 [90 ; 123] 110 [92 ; 121] 0,89 FEVG (%) 43,0 ± 16,0 40,3 ± 14,3 47,2 ± 18,0 0,12 PAPS (mmHg) 51,1 ± 17,7 50,1 ± 15,6 53,2 ± 21,8 0,63 Lésions         Coronaire 12 (21,8 %) 9 (26,5 %) 3 (14,3 %) 0,34 Valve mitrale 8 (14,5 %) 5 (14,7 %) 3 (14,3 %) 0,70 Valve aortique 11 (20,0 %) 6 (17,7 %) 5 (23,8 %) 0,73 Aorte ascendante 8 (14,5 %) 2 (5,9 %) 6 (28,6 %) 0,04 Valve tricuspide 2 (9,5 %) 0 (0,0 %) 2 (9,5 %) 0,14 Autres 3 (5,4 %) 1 (2,9 %) 2 (9,5 %) 0,55 Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [intervalle interquartile]. HTA : hypertension artérielle ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; IMC : indice de masse corporelle ; NYHA : New York Heart Association ;  AVK : anti-vitamine K ; IDM : infarctus du myocarde ; BCPIA : ballon de contre-pulsion intra-aortique ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; PAPS : pression artérielle pulmonaire systolique.   Les données opératoires [tableau 2] montrent que la proportion de patients bénéficiant d’un geste sur la racine de l’aorte ascendante et sur la valve tricuspide était de façon statistiquement significative plus importante dans le groupe périphérique. L’implantation peropératoire de l’assistance prédominait dans le groupe ECLSc (ECLSc : 23 pts [67,6 %], ECLSp : 6 pts [28,6 %] ; p = 0,01), alors qu’une implantation périphérique était plus souvent réalisée en postopératoire (7 le jour même de la chirurgie), résultant en un délai avant l’implantation plus important dans le groupe ECLSp [tableau 3]. L’implantation de l’ECLS centrale se faisait préférentiellement entre l’oreillette droite et l’aorte ascendante (28,8 %) et celle de l’ECLS périphérique entre la veine et l’artère fémorale (16,8 %). Il était associé une décharge gauche chez 18 patients (17 dans le groupe ECLSc et 1 dans le groupe ECLSp). Les durées médianes de l’assistance étaient proches dans les 2 groupes (ECLSc : 6,5 jours, ECLSp : 5 jours ; p = NS) [tableau 3].   Tableau 2. Caractéristiques opératoires des patients.   Total (N = 55) ECLS centrale (N = 34) ECLS périphérique (N = 21) p-value Temps de CEC (min) 200 ± 81 190 ± 58 215 ± 105 0,69 Temps de clampage (min) 134 ± 60 120 ± 47 152 ± 72 0,21 Canulation monocave 17 (31,5 %) 10 (29,4 %) 7 (35 %) 0,67 Canulation bicave 37 (68,5 %) 24 (70,6 %) 13 (65 %) 0,67 Gestes         Pontage isolé 3 (5,4 %) 3 (8,8 %) 0 (0,0 %) 0,28 Valve isolée 20 (36,4 %) 12 (35,3 %) 8 (38,1 %) 0,83 Valve tricuspide 12 (21,8 %) 4 (11,8 %) 8 (38,1 %) 0,04 Valves + pontages 6 (10,9 %) 4 (11,8 %) 2 (9,5 %) 1,00 Aorte ascendante* 8 (14,5 %) 2 (5,9 %) 6 (28,6 %) 0,04 Transplantation 11 (20,0 %) 9 (26,5 %) 2 (9,5 %) 0,17 Valve biologique mécanique   21 (38,2 %) 9 (16,4 %) 13 (38,2 %) 3 (8,8 %) 8 (38,1 %) 6 (28,6 %) 0,99 0,07 Autres gestes 10 (18,2 %) 4 (11,8 %) 6 (28,6 %) 0,16 Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [intervalle interquartile]. *Geste pouvant être associé à une valve aortique. CEC : circulation extracorporelle.   Tableau 3. Caractéristiques de l’assistance.   Total (N = 55) ECLS centrale (N = 34) ECLS périphérique (N = 21) p-value Délai d’implantation (heures)   56 [2-220]     7,5 [ -75]     343 [126-1661]   0,01 Implantation OD-aorte * 28 (82,4 %) *   Implantation V fémorale-aorte * 6 (17,7 %) *   Implantation V fémorale-art. fémorale * * 16 (76,2 %)   Implantation V fémorale-art. axillaire * * 5 (23,8 %)   Décharge gauche 18 (38,3 %) 17 (54,8 %) 1(6,2 %) 0,001 Durée assistance (jours) 6 [3-9] 6,5 [3,3-9] 5  [2-8] 0,34 Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [25e percentile-75e percentile]. OD : oreillette droite ; V : veine ; art. : artère.   Les complications après la pose de l’assistance sont colligées tableau 4. La durée médiane de séjour postopératoire en réanimation était plus longue dans le groupe ECLSc comparé au groupe périphérique mais cette différence n’atteignait pas le seuil de significativité (ECLSc : 17 jours [10 ; 31], ECLSp 11 jours [4 ; 24] ; p = 0,06). Par contre la durée médiane de séjour hospitalier totale était significativement plus longue dans le groupe ECLSc que dans le groupe ECLSp (ECLSc : 27,5 jours [14 ; 55], ECLSp : 12 jours [4 ; 33] ; p = 0,05). Dans le groupe ECLSc, une proportion plus importante de patients étaient sevrés de l’assistance (ECLSc : 23 patients (67,7 %) ; ECLSp : 9 patients (42,9 %) ; p = 0,07) et quittaient l’hôpital vivants (ECLSc : 13 pts (38,2 %) ; ECLSp : 5 pts (23,8 %) ; p = 0,27).   Tableau 4. Évolution sous assistance.   Total (N = 55) ECLS centrale (N = 34) ECLS périphérique (N = 21) p-value Transfusion per, postopératoire 44 (80,0 %) 27 (79,4 %) 17 (81,0 %) 1,00 Inotropes/ bas débit cardiaque 36 (65,5 %) 22 (64,7 %) 14 (66,7 %) 0,88 BCPIA postopératoire 11/50 (22 %) 9/31 (29,0 %) 2/19 (10,5 %) 0,17 Tamponnade 6 (10,9 %) 2 (5,9 %) 4 (19,0 %) 0,19 Arrêt cardiaque 10/50 (20 %) 5/32 (15,6 %) 5/18 (27,8 %) 0,46 Réintubation 6/45 (13,3 %) 4/29 (13,8 %) 2/16 (12,5 %) 1,00 Ventilation prolongée > 24h 37/49 (75,5 %) 26/32 (81,2 %) 11/17 (64,7 %) 0,30 Complications abdominales 26 (47,3 %) 16 (47,1 %) 10 (47,6 %) 0,97 Défaillance multiviscérale 20/51 (39,2 %) 11/32 (34,4 %) 9/19 (47,4 %) 0,36 Infection profonde du site opératoire 1 (2,9 %) 1 (2,9 %) 0 (0,0 %) 1,00 Insuffisance rénale dialysée 26 (47,3 %) 17 (50,0 %) 9 (42,2 %) 0,61 TDR supraventriculaire 24/52 (46,2 %) 17/33 (51,5 %) 7/19 (36,8 %) 0,31 Hémorragie sites canulations 4 (7,3 %) 2 (5,9 %) 2 (9,5 %) 0,07 Complications pulmonaires 24 (43,6 %) 16 (47 %) 8 (38,1 %) 0,51 Sepsis 8 (14,5 %) 7 (20,6 %) 1 (4,8 %) 0,14 AVC postopératoire 2 (3,6 %) 1 (2,9 %) 1 (4,8 %) 1,00 Complications vasculaires périphériques 4 (7,3 %) 2 (5,9 %) 2 (9,5 %) 0,63 Reprises opératoires 40 (72,7 %) 23 (67,6 %) 17 (80,9 %) 0,29 Troponines J0 (ng/ml) 11,2 [2,9 ; 29,1] 11,6 [2,6 ; 29,3] 10,5 [6,1 ; 19,8] 0,88 Troponines 24h (ng/ml) 11,6 [5,6 ; 49,8] 10,1 [3,8 ; 39,4] 13,1 [5,9 ; 63,0] 0,81 Lactates début (mmol/L) 3,8 [2,3 ; 5,5] 3,9 [2,9 ; 5,1] 2,6 [2,2 ; 7,3] 0,44 Lactates 24h (mmol/L) 3,2 [1,9 ; 4,3] 3,3 [2,1 ; 5,1] 2,8 [1,7 ; 4,2] 0,54 Lactates 48h (mmol/L) 2,1 [1,6 ; 5,0] 2,1 [1,5 ; 5,3] 2,4 [1,8 ; 4,9] 0,68 Durée séjour réa (jours) 16 [7 ; 27] 17 [10 ; 31] 11 [4 ; 24] 0,06 Durée séjour postop. total (jours) 22 [8 ; 37] 27,5 [14 ; 55] 12 [4 ; 33] 0,05 Sevrés 32 (58,2 %) 23 (67,7 %) 9 (42,9 %) 0,07 Mortalité hospitalière 37 (67,3 %) 21 (61,8 %) 16 (76,2 %) 0,27 Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [intervalle interquartile]. BCPIA : ballon de contre-pulsion intra-aortique ; TDR : trouble du rythme ; AVC : accident vasculaire cérébral.   Les figures 2 et 3 détaillent le devenir des patients en fonction du mode de drainage veineux lors de la chirurgie cardiaque (monocave ou bicave) et les changements de site ou de type de canulation pendant la période d’assistance.   [caption id="attachment_4012" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Devenir des patients en fonction du site de canulation lors de la chirurgie cardiaque.[/caption]   [caption id="attachment_4013" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Devenir des patients en fonction du Figure 3. Devenir des patients en fonction du changement de type d’assistance. changement de type d’assistance.[/caption]   Le tableau 5 collige l’influence de critères pré, per ou postopératoires sur la probabilité de quitter l’hôpital vivant. Les facteurs statistiquement significatifs de mauvais pronostics étaient l’âge, une chirurgie en urgence, des valeurs de troponine et de lactates postopératoires plus élevées, alors que le délai d’implantation, la durée d’assistance et de séjour hospitalier ne l’étaient pas. Le taux de survie était plus élevé dans le groupe central que dans le groupe périphérique, mais cette différence n’était pas significative.   Tableau 5. Facteurs pronostiques de décès.   Vivants (N = 18 ; 32,7 %) Décédés (N = 37 ; 67,3 %) p-value ECLS centrale 13 (72,2 %) 21 (56,8 %) 0,27 Âge (ans) 56,0 ± 14,3 64,1 ± 9,7 0,04 Genre masculin 14 (77,8 %) 28 (75,7 %) 1,00 Antécédent chirurgie cardiaque 2 (11,1 %) 10 (27,0 %) 0,30 Dyspnée > 2 (NYHA) 10 (62,5 %) 29 (78,4 %) 0,31 IDM dans les 90 jours 3 (16,7 %) 7 (18,9 %) 1,00 Patients sous inotrope 4 (22,2 %) 5 (13,5 %) 0,45 BCPIA préop. 2 (11,1 %) 3 (8,1 %) 1,00 Intubation orotrachéale 1 (5,6 %) 3 (8,1 %) 1,00 Insuffisance rénale aiguë 4 (22,2 %) 4 (10,8 %) 0,42 Créatininémie (µmol/L) 114 [90 ; 121] 106 [92 ; 128] 0,95 FEVG (%) 42 ± 16 44 ± 16 0,67 PAPS (mmHg) 53 ± 21 50 ± 16 0,65 Urgence 14 (77,8 %) 16 (43,2 %) 0,02 EuroSCORE 2 (%) 7,5 [3 ; 13] 8 [5 ; 12] 0,77 Temps de CEC (min) 199 [153 ; 255] 196 [143 ; 249] 0,60 Temps de clampage (min) 120 [95 ; 158] 125 [97 ; 172] 0,95 Canulation monocave 8 (44,4 %) 9 (25 %) 0,15 Canulation bicave 10 (55,6 %) 27 (75 %) 0,15 Geste pontage isolé 2 (11,1) 1 (2,7) 0,25 Geste valvulaire isolé 4 (22,2) 16 (43,2) 0,13 Geste sur la valve tricuspide 3 (16,7) 9 (24,3) 0,73 Geste valves + pontages 2 (11,1) 4 (10,8) 1,00 Geste sur l’aorte ascendante* 4 (22,2) 4 (10,8) 0,42 Transplantation 3 (16,7) 8 (21,6) 1,00 Autres gestes 4 (22,2) 6 (16,2) 0,71 Implantation postopératoire 6 (33,3) 20 (54,1) 0,15 Durée assistance (jours), [extrêmes] 6 ± 4 [2-12] 7 ± 6 [0-27] 0,89 Troponines postopératoires (g/ml) 7,6 [2,0 ; 11,5] 16,2 [6,1 ; 37,2] 0,02 Troponines 24h (g/ml) 4,0 [1,5 ; 10,0] 21,3 [8,9 ; 80,5] 0,001 Lactates début (mmol/L) 3,8 [2,6 ; 4,7] 3,8 [2,3 ; 5,8] 0,98 Lactates 24h (mmol/L) 1,9 [1,5 ; 2,9] 3,9 [2,6 ; 5,6] 0,002 Lactates 48h (mmol/L) 1,7 [1,5 ; 2,0] 3,2 [1,8 ; 9,2] 0,004 Durée séjour réanimation (jours) 23 [16 ; 34] 11 [3 ; 24] 0,002 Durée séjour hospitalière totale (jours) 33 [27 ; 58] 13 [4 ; 29] < 0,001   Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [intervalle interquartile]. *Pouvant être associé à une valve aortique. NYHA : New York Heart Association ; IDM : infarctus du myocarde ; BCPIA : ballon de contre-pulsion intra-aortique ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; PAPS : pression artérielle pulmonaire systolique ; CEC : circulation extracorporelle.   L’analyse des complications en fonction du site de canulation artériel, séparant dans le groupe ECLSp les abords fémoraux et axillaires, est rapportée tableau 6. L’effectif du groupe axillaire étant limité à 5 patients, une comparaison statistique ne serait pas pertinente.   4. Discussion Dans notre série, il n’a pas pu être mis en évidence de différence significative sur la survie entre les deux groupes. Nous constatons cependant une survie qui semble meilleure après la mise en place d’une assistance centrale. Notre protocole de sevrage repose essentiellement sur des critères biologiques (lactatémie normale, retour à des fonctions hépatique et rénale préopératoires) et valeurs échographiques (ITV sous-aortique, FE VG) adaptées aux valeurs de l’échocardiographie préopératoire. Ces critères multiples peuvent favoriser des durées d’assistance longues. Ceci nous semble plus aisé avec une assistance centrale et participe possiblement à la différence de survie constatée. Comme les autres équipes, cette étude témoigne de l’impact sur le pronostic hospitalier de l’âge, du degré de l’atteinte myocardique et de la sévérité de l’ischémie viscérale (souvent aggravée par un délai avant l’implantation long). Malgré un soutien hémodynamique par ECLS, la mortalité hospitalière du choc cardiogénique réfractaire postcardiotomie reste importante (67 % dans notre série), comparable aux valeurs rapportées dans la littérature [9,12]. Notre population se différencie de celle de la littérature par une plus faible proportion de revascularisation coronaire isolée au profit des chirurgies valvulaires (valvulaires 32, pontages 10), ce qui contribue, à notre sens, à considérer notre population comme plus à risque et peut expliquer des résultats plus favorables décrits dans une autre équipe (mortalité 47 %) [13]. Néanmoins, dans cette même équipe, un délai d’implantation plus court peut également expliquer cette amélioration des résultats. Le pourcentage de patients sevrés dans notre série (58 %) est comparable à la plupart des séries publiées [1,9,12] mais il est inférieur à la série la plus récemment rapportée (68 %) [13]. Ces séries diffèrent beaucoup par leur mode de sevrage. Certaines équipes prônent un sevrage plus rapide pour obtenir une durée d’assistance la plus courte possible [9]. Pour notre part, nous privilégions l’obtention de critères de sevrage très favorables au détriment d’une prolongation de la durée d’assistance. Comme retrouvé dans plusieurs études [1,2,9,14,15], les paramètres comme l’âge avancé, l’urgence de la chirurgie cardiaque, l’élévation de la troponine et des lactates en postopératoire ont été identifiés dans notre série comme des facteurs prédictifs de mortalité hospitalière. D’autres facteurs prédictifs d’une évolution défavorable, comme un antécédent de chirurgie cardiaque, l’insuffisance rénale ou hépatique, sont signalés dans d’autres études [12,16,17]. Le choix du type de canulations se fait au cas par cas, fortement influencé par l’expérience de l’opérateur, le moment où la décision est prise et l’urgence de la mise en place mais dépendant également des caractéristiques préopératoires et opératoires. Ces données contextuelles expliquent les différences constatées entre les deux populations ECLSc et ECLSp. Plusieurs patients ont eu un geste sur l’aorte ascendante et l’on peut comprendre la réticence de l’opérateur à installer une canule artérielle d’ECLS dans ou à proximité d’un tube prothétique. Ces patients se retrouvent plus volontiers dans le groupe ECLSp. Ce critère ne nous semble pas néanmoins constituer un facteur de gravité spécifique. Les deux groupes diffèrent en revanche de façon significative quant à l’incidence de la deuxième chirurgie cardiaque (ECLSc 12 % vs ECLSp 38 %), un antécédent d’infarctus du myocarde (ECLSc 27 % vs ECLSp 5 %) et un geste sur l’aorte ascendante ou sur la tricuspide. Le caractère redux inciterait donc l’opérateur à privilégier une assistance périphérique pour ne pas avoir à revenir une nouvelle fois dans le thorax. Le nombre plus important de patients ayant un antécédent d’infarctus du myocarde dans le groupe central se traduit par une altération plus importante de la FEVG dans ce groupe (ECLSc : 40 ± 14 %, ECLSp : 47 ± 18 %), bien que cette dernière différence ne soit pas significative. Ces différences semblent se compenser car au final l’EuroSCORE 2 des deux groupes était superposable. Le degré d’urgence, quant à lui, bien que réparti de façon prépondérante dans le groupe central, n’atteignait pas le seuil de significativité. L’ECLS centrale est le plus souvent implantée en peropératoire (71 %) alors que l’implantation périphérique se fait le plus souvent en postopératoire (71 %). Le contexte explique à nouveau cette différence, il est plus aisé et probablement plus rapide d’implanter une assistance centrale en peropératoire, et de même en postopératoire (souvent devant l’urgence), l’implantation périphérique va être préférée. Il n’y avait pas d’implantation centrale au-delà de 24 heures. Pour certains, la volonté de tenter de ne jamais ouvrir une nouvelle fois le thorax fait utiliser de façon systématique l’ECLS périphérique [9]. L’ECLS centrale et celle par voie axillaire ont pour avantage commun de conserver un flux antégrade dans la majorité de l’aorte, contrairement à la canulation fémorale. L’inversion du sens du flux aortique peut être source de complications emboliques, notamment cérébrales, à partir de l’aorte abdominale et thoracique. L’utilisation plus fréquente de la décharge gauche (groupe central) pourrait être un facteur de meilleure récupération ventriculaire gauche par le biais de la baisse des pressions intracavitaires qu’elle permet. Si l’on analyse les résultats de notre groupe périphérique avec une série de la littérature comportant exclusivement des ECLS périphériques [9], les mortalités sont similaires bien que dans notre population le pourcentage de patients sevrés soit plus faible. Néanmoins les populations ne sont pas superposables avec, dans notre série, une population probablement plus grave avec plus de patients ayant eu une première chirurgie cardiaque, plus d’urgences et de gestes valvulaires. Nous constatons dans le groupe central de notre série un taux de sevrage et de survie bien supérieur et ainsi proche des meilleures séries de la littérature, tout ceci en tenant compte d’une population à risque plus élevé. Une canulation centrale n’accroît pas la morbidité par rapport à une canulation périphérique. Bien que très importante, la proportion de patients transfusés était similaire dans les deux groupes. Dans le groupe ECLS périphérique, il y avait plus de tableaux de tamponnade, avec des valeurs similaires de saignement aux sites de canulations, ce qui conduisait à des taux de réinterventions sensiblement similaires. Il ne nous semble pas qu’une canulation périphérique en particulier dans ce groupe de patients en postcardiotomie réduise le risque de ces complications. La proportion de patients sevrés puis de patients quittant l’hôpital vivants explique les durées de séjour en réanimation et hospitalière plus longues dans le groupe ECLSc. En revanche la nécessité d’au moins une ouverture sternale supplémentaire ainsi que le trajet transpariétal des canules exposent au risque d’infection sternomédiastinale (1 dans cette série). A contrario l’implantation périphérique génère plus de complications vasculaires périphériques (même si elle n’en a pas l’exclusivité), ces complications peuvent être la traduction de phénomènes thromboemboliques ou la conséquence du bas débit périphérique lié à la vasoconstriction locale ou à la gêne au retour veineux [16,17]. Les conséquences respectives des complications du site de canulation peuvent difficilement être comparées entre elles (ischémie de membre inférieur versus infection sternale).   4.1. Limites de l’étude Il s’agit d’une étude observationnelle monocentrique rétrospective sur un petit échantillon. Le choix de la technique d’assistance est fortement dépendant de l’opérateur et d’éléments contextuels, ce qui explique les différences entre les deux populations. Les différences de complications observées entre les groupes lors de l’analyse des canulations axillaires (tableau 6) montrent des profils de complications différents entre ces 3 groupes. Les patients ayant bénéficié d’une canulation axillaire, alors qu’analysés dans le groupe périphérique, ont un profil évolutif propre, constituant à ce titre un biais de confusion. Une analyse séparant les 3 sous-groupes ne pouvait être menée du fait des effectifs limités.   Tableau 6. Évolution sous assistance selon l’abord vasculaire central, fémoral ou axillaire.   ECLS fémorale N = 16 ECLS centrale N = 34 ECLS axillaire N = 5 Arrêt cardiaque 4 (29 %) 5 (16 %) 1 (25 %) Défaillance multiviscérale 7 (47 %) 11 (34 %) 2 (50 %) Sepsis 1 (6 %) 7 (21 %) 0 (0 %) BCPIA postopératoire 1 (7 %) 9 (29 %) 1 (20 %) Tamponnade 4 (25 %) 2 (6 %) 0 (0 %) Hémorragie site de canulation 2 (13 %) 2 (6 %) 0 (0 %) AVC postopératoire 1 (6 %) 1 (3 %) 0 (0 %) Sevrés 5 (31 %) 23 (68 %) 4 (80 %) Complication pulmonaire 7 (44 %) 16 (47 %) 1 (20 %) Insuffisance rénale dialysée 8 (50 %) 17 (50 %) 1 (20 %) Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [intervalle interquartile]. BCPIA : ballon de contre-pulsion intra-aortique ; AVC : accident vasculaire cérébral.   5. Conclusion L’ECLS offre une solution thérapeutique de sauvetage au décours d’une chirurgie cardiaque compliquée d’un choc cardiogénique réfractaire à toutes thérapeutiques médicales. Dans ces circonstances, elle permet la survie de plus de 30 à 40 % des patients. Concernant le site de canulation artérielle de cette ECLS, notre étude montre qu’en postopératoire immédiat de chirurgie cardiaque, une canulation centrale ne doit pas être écartée de principe, ses résultats étant au moins identiques à une canulation périphérique. Néanmoins, les facteurs qui conditionnent le plus les résultats sont la faible réversibilité de l’atteinte myocardique et la sévérité de l’ischémie viscérale traduite par les taux de troponine et de lactate postopératoires.   Références Rastan AJ, Dege A, Mohr M et al. Early and late outcomes of 517 consecutive adult patients treated with extracorporeal membrane oxygenation for refractory postcardiotomy cardiogenic shock. J Thorac Cardiovasc Surg 2010;139(2): 302-311. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2009.10.043 Wu MY, Lin PJ, Lee MY et al. Using extracorporeal life support to resuscitate adult postcardiotomy cardiogenic shock: treatment strategies and predictors of short-term and midterm survival. Resuscitation 2010;81(9):1111-1116. Epub 2010 Jun 2. https://doi.org/10.1016/j.resuscitation.2010.04.031 Paden ML, Rycus PT, Thiagarajan RR. Update and outcomes in extracorporeal life support. Semin Perinatol 2014;38:65-70. https://doi.org/10.1053/j.semperi.2013.11.002 Mendiratta P, Wei JY, Gomez A et al. Cardiopulmonary resuscitation requiring extracorporeal membrane oxygenation in the elderly: a review of the Extracorporeal Life Support Organization registry. ASAIO J 2013; 59:211-215. https://doi.org/10.1097/MAT.0b013e31828fd6e5 Bartlett RH, Gattinoni L. Current status of extracorporeal life support (ECMO) for cardiopulmonary failure. Minerva Anestesiol 2010;76:534-540. Bakhtiary F, Keller H, Dogan S et al. Venoarterial extracorporeal membrane oxygenation for treatment of cardiogenic shock: clinical experiences in 45 adult patients. J Thorac Cardiovasc Surg 2008;135:382-388. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2007.08.007 Mishra V, Svennevig JL, Bugge JF et al. Cost of extracorporeal membrane oxygenation: evidence from the Rikshospitalet University Hospital, Oslo, Norway. Eur J Cardiothorac Surg 2010;37:339-342. Epub 2009 Aug 21. https://doi.org/10.1016/j.ejcts.2009.06.059 Papadopoulos N, Marinos S, El-Sayed Ahmad A et al. Risk factors associated with adverse outcome following extracorporeal life support: analysis from 360 consecutive patients. Perfusion 2015 May;30(4):284-290. Posted online on July 21, 2014. https://doi.org/10.1177/0267659114542458 Biancari F, Dalén M, Perrotti A et al. Venoarterial extracorporeal membrane oxygenation after coronary artery bypass grafting: Results of a multicenter study. Int J Cardiol 2017 Aug15;241:109-114.  Epub 2017 Mar 28. https://doi.org/10.1016/j.ijcard.2017.03.120 Slottosch I, Liakopoulos O, Kuhn E et al. Outcomes after peripheral extracorporeal membrane oxygenation therapy for postcardiotomy cardiogenic shock: a single-center experience. J Surg Res 2013;181(2):47-55. Epub 2012 Aug 1. https://doi.org/10.1016/j.jss.2012.07.030 Field ML, Al-Alao B, Mediratta N, Sosnowski A. Open and closed chest extrathoracic cannulation for cardiopulmonary bypass and extracorporeal life support: methods, indications, and outcomes. Postgrad Med J 2006;82:323-331. https://doi.org/10.1136/pgmj.2005.037929 Kanji HD, Schulze CJ, Oreopoulos A et al. Peripheral versus central cannulation for extracorporeal membrane oxygenation: a comparison of limb ischemia and transfusion requirements. Thorac Cardiovasc Surg 2010;58:459-462. Epub 2010 Nov 25. https://doi.org/10.1055/s-0030-1250005 Doll N, Kiaii B, Borger M et al. 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Extracorporeal membrane oxygenation support for adult postcardiotomy cardiogenic shock. Ann Thorac Surg 2002;73:538-545. https://doi.org/10.1016/S0003-4975(01)03330-6 Smedira NG, Moazami N, Golding CM et al. Clinical experience with 202 adults receiving extracorporeal membrane oxygenation for cardiac failure: survival at five years. J Thorac Cardiovasc Surg 2001;122:92-102. https://doi.org/10.1067/mtc.2001.114351 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Cet article est issu d'un mémoire de DESC. Date de soumission : 20/09/2017. Acceptation : 16/02/2018.  
mai 18, 2018
Chirurgie thoracique · Vol. 22 Mars 2018

La chirurgie du pectus excavatum : expérience du CHU de Tours

Thierry Merlini*, Pierre Lhommet, Pierre Dupont, Pascal Dumont CHU de Tours, France. *Auteur correspondant : thierrymerlini@gmail.com   DOI : 10.24399/JCTCV22-1-MER Citation : Merlini T, Lhommet P, Dupont P, Dumont P. La chirurgie du pectus excavatum : expérience du CHU de Tours. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(1). doi: 10.24399/JCTCV22-1-MER   Résumé Objectif : l’objectif de cette étude rétrospective était d’analyser les résultats de la prise en charge chirurgicale du pectus excavatum au CHU de Tours et d’évaluer le niveau de satisfaction des patients. Matériels et méthodes : tous les patients opérés de pectus excavatum au CHU de Tours de décembre 2005 à août 2016 ont été étudiés. Les patients ont été soumis à un questionnaire standardisé de satisfaction et de qualité de vie. Résultats : 25 procédures selon la technique de Nuss et 16 selon celle de Ravitch ont été réalisées. Deux patients du groupe Nuss ont été repris chirurgicalement devant un résultat esthétique insatisfaisant par une nouvelle procédure de Nuss pour un malade et par une reprise chirurgicale en Ravitch pour le second malade. Deux patients du groupe Ravitch ont été réopérés pour disjonction et migration de matériel. Un patient est décédé des suites d’une complication hémorragique grave au décours d’une procédure de Nuss. 93,4 % des patients soumis au questionnaire ont présenté un niveau de satisfaction majeure. Conclusion : le niveau de satisfaction des patients après correction chirurgicale du pectus excavatum est convenable. Les complications hémorragiques sont rares mais graves et doivent faire l’objet d’une information éclairée.   Abstract Pectus excavatum surgery: Tours University Hospital experience Objective: The objective of this retrospective study was to study the outcome of surgical management of pectus excavatum at the CHU of Tours and to assess the level of patient satisfaction. Materials and methods: All patients undergoing pectus excavatum surgery at the CHU of Tours from December 2005 to August 2016 were studied. Patients were subjected to a standardized questionnaire assessing satisfaction and quality of life. Results: A total of 25 procedures were performed according to the Nuss technique and 16 using the Ravitch procedure. Two patients from the Nuss group reported an unsatisfactory aesthetic result, which was followed by a new Nuss procedure for one patient and a surgical Ravitch revision for the other. Two patients in the Ravitch group were reoperated for disjunction and migration of material. A patient died as a result of a severe hemorrhagic complication during a Nuss procedure. In total, 93.4% of patients surveyed reported a high level of satisfaction. Conclusion: The level of satisfaction of patients after surgical correction of pectus excavatum was high. Hemorrhagic complications are rare but severe and must be explained to the patient.   1. Introduction Le pectus excavatum correspond à la déformation de la paroi thoracique la plus fréquemment rencontrée. Sa prévalence est de 8/1000 [1]. La croissance excessive et/ou asymétrique des cartilages de croissance refoule parfois le sternum en avant (thorax en carène) mais le plus souvent le phénomène se produit vers l’arrière, réalisant le pectus excavatum. La déformation est rarement à l’origine de complications cardiorespiratoires mais le retentissement psychologique est souvent sévère [2]. La gêne esthétique peut s’accompagner de palpitations, de douleurs thoraciques et parfois de dyspnée d’effort. L’élément le plus récurrent et le plus invalidant reste le handicap social généré, en particulier au moment de l’adolescence. Parmi les nombreuses techniques chirurgicales décrites pour corriger le préjudice esthétique, deux procédures de correction osseuse ont connu un essor important. La première, décrite par Ravitch [3] puis modifiée, associe des ostéotomies sternales antérieures et costales multiples, des résections cartilagineuses suivies de la mise en place d’une ou de plusieurs attelles métalliques de stabilisation. Cette technique est toujours d’actualité et opportune dans les cas de déformations importantes, asymétriques, à paroi rigide et lorsqu’il existe des saillies cartilagineuses disgracieuses. La deuxième, décrite par Nuss [4], s’adresse préférentiellement aux enfants et jeunes adultes avec la mise en place de barre rétrosternale par double abord vidéothoracoscopique. Cette deuxième technique permet de limiter la taille des cicatrices et ne comporte pas de résections chondrocostales. Le principe repose sur la malléabilité des cartilages de croissance permettant une reconfiguration satisfaisante du thorax par l’application d’une ou de plusieurs barres métalliques endothoraciques. Ainsi, la technique mini-invasive de Nuss a révolutionné la prise en charge des patients souffrant de pectus excavatum depuis la fin des années 1990. Cette technique était historiquement destinée aux enfants avant la publication de résultats encourageants chez les jeunes adultes tant au niveau esthétique qu’en termes de sécurité [5]. Le niveau de satisfaction des patients, quant à lui, est peu décrit dans la littérature alors que l’indication de cette chirurgie repose souvent sur l’aspect esthétique seul. Ces travaux sont en effet peu nombreux malgré l’engouement actuel pour la chirurgie du pectus excavatum. Les résultats de la correction chirurgicale du pectus excavatum sont difficiles à évaluer puisque les éléments de satisfaction retenus par les patients sont multifactoriels : aspect esthétique, douleurs et cicatrice en particulier. Il a donc été nécessaire de développer des questionnaires de satisfaction adaptés, reproductibles et validés. L’objectif de l’étude a été d’analyser les caractéristiques de la prise en charge chirurgicale du pectus excavatum au CHU de Tours et d’évaluer le niveau de satisfaction des patients. 2. Matériel et méthodes Un recueil rétrospectif de l’ensemble des patients opérés au CHU de Tours de pectus excavatum a été réalisé entre décembre 2005 et août 2016. Les caractéristiques démographiques de la population ont été recueillies. Le bilan préopératoire a comporté des EFR, une échographie cardiaque, un scanner thoracique et un ECG chez chacun des patients. L’indication opératoire et la technique chirurgicale ont été retenues sur des critères morphologiques (profondeur, asymétrie et saillies des rebords chondrocostaux) et sur l’appréciation de la plasticité du thorax par un seul et même chirurgien. L’indication chirurgicale était retenue pour des déformations thoraciques esthétiquement préjudiciables, après plusieurs consultations chez des patients ayant terminé leur croissance. Un délai de réflexion de plusieurs mois était respecté. La technique de Nuss était réservée aux patients présentant une déformation moyennement importante, un thorax souple et symétrique et sans saillies majeures des rebords chondrocostaux. La technique de Ravitch était, quant à elle, plutôt réservée aux déformations profondes et asymétriques, aux patients présentant des thorax rigides et aux saillies importantes des rebords chondrocostaux. Les patients ont été opérés de façon standardisée selon les techniques de Nuss ou de Ravitch sous anesthésie générale et ont bénéficié d’une péridurale à visée antalgique.   2.1. Technique de Nuss Sous anesthésie générale, deux incisions transverses dans la ligne médio-axillaire étaient réalisées de façon symétrique. Un arceau rétrosternal était cintré à la mesure de la déformation thoracique. Un guide de passage rétrosternal était introduit de part et d’autre sous contrôle vidéothoracoscopique en arrière et au contact du sternum pour mettre en place un lac tissu entre les deux incisions. L’arceau rétrosternal était fixé au lac tissu pour être guidé dans le thorax sous contrôle vidéothoracoscopique simple ou double avant d’être retourné. L’arceau était fixé par deux stabilisateurs latéraux. Lorsqu’un deuxième arceau était nécessaire, il était introduit par les mêmes incisions et selon la même technique. Le matériel utilisé était Lorenz Pectus Support Bar (Biotmet microfixation, Toermalijnring, Pays-Bas).   2.2. Technique de Ravitch Sous anesthésie générale, une incision transversale sous-mammaire était réalisée pour effectuer un décollement présternal étendu. De multiples ostéochondrotomies de la paroi thoracique antérieure et des ostéotomies sternales étaient réalisées avant une stabilisation par ostéosynthèse à l’aide de 2, 3 voire 4 attelles métalliques fixées aux côtes par deux agrafes chacune. Le matériel utilisé était le système STRATOS (Strasbourg Thoracic Osteosynthesis System, MedXpert, Heitersheim, Allemagne). Le délai recommandé de 3 ans était respecté, en l’absence d’évènement intercurrent, avant de proposer une ablation de l’ensemble du matériel pour les patients opérés de Nuss, alors qu’un délai généralement plus court (9 mois environ) l’était pour les patients opérés de Ravitch. Les complications opératoires et les réinterventions ont été répertoriées ainsi que les évènements significatifs lors des consultations postopératoires. Un questionnaire de 16 items (new Single Step Questionnaire ou SSQ) [6] a ensuite été proposé téléphoniquement à chacun des patients entre mars et mai 2017 [figure 1] pour évaluer le niveau de satisfaction postopératoire des patients. Les réponses recueillies étaient une valeur entière comprise entre 1 et 5 pour 13 des items et une valeur entière comprise entre 1 et 10 pour 3 des items.   [caption id="attachment_3981" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Single Step Questionnaire Score.[/caption]   2.3. Analyse statistique Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS (SPSS™ Inc, Chicago, Illinois, États-Unis) version 15.0. Les variables continues sont décrites sous la forme de moyenne ± écart type ou médiane +/- extrêmes. Les tests d’indépendance entre deux variables qualitatives ont été effectués par des tests du Chi2 et exact de Fisher, et entre deux variables quantitatives par le test de Student. La significativité statistique était déterminée par une valeur de p < 0,05. 3. Résultats 3.1. Démographie  Quarante et une procédures ont été réalisées chez 39 patients dans cet intervalle par un seul et même opérateur. Vingt-cinq procédures selon la technique de Nuss et 16 selon celle de Ravitch ont été réalisées. Un patient a été opéré selon la technique de Nuss avant une reprise par Ravitch dans un second temps et un patient a été opéré selon la technique de Nuss avec une reprise chirurgicale à distance selon la même technique. La population était essentiellement masculine (92,3 %) et jeune (âge moyen = 20,6 ans). Les symptômes fonctionnels, quand ils existaient (36 % dans le groupe Nuss et 56,2 % dans le groupe Ravitch), étaient essentiellement la dyspnée (26 %) et les douleurs thoraciques (13 %). 53,2 % de la population n’avaient pas de symptôme fonctionnel. Le pourcentage de correction de la déformation thoracique lors de l’examen préopératoire à la manœuvre de Valsalva avait été évaluée à 53 +/- 16,4 en moyenne dans le groupe Nuss et à 28 +/- 17 dans le groupe Ravitch (p < 0,0001).   Tableau 1. Caractéristiques cliniques et démographiques. 3.2. Bilan préopératoire  Les explorations fonctionnelles respiratoires étaient dans les limites de la normale pour tous les patients (VEMS moyen = 95,6 % et CVF moyenne = 89,9 %). La CVF était significativement plus importante dans le groupe Nuss que dans celui de Ravitch (95,5 % vs 83,3 %, p < 0,005). Trois patients présentaient des anomalies bénignes à l’ECG (bloc de branche droit et tachycardie sinusale). L’échographie cardiaque était normale chez 32 patients (82 %). Une non-compaction du ventricule gauche asymptomatique a été décrite, un foramen ovale perméable, deux insuffisances tricuspides, une insuffisance aortique sur bicuspidie et une compression extrinsèque des cavités droites par la paroi thoracique sans retentissement hémodynamique.   Tableau 2. Bilan préopératoire. 3.3. Complications immédiates  Groupe Nuss : un patient a présenté un pneumothorax résiduel dans les suites, spontanément résolutif. Un patient a présenté une pneumopathie et un autre un retard de cicatrisation sans infection de matériel. Un patient a présenté une complication hémorragique grave peropératoire avec plaie transfixiante de la veine cave inférieure, compliquée d’un arrêt cardiaque peropératoire prolongé. Le patient a présenté un syndrome neurovégétatif postopératoire sévère et est décédé 3 mois plus tard des suites d’une infection respiratoire. Groupe Ravitch : 2 patients ont présenté des pneumothorax spontanément résolutifs, 2 autres ont présenté des pleurésies nécessitant un drainage et 2 patients ont présenté des retards de cicatrisation sans infection de matériel.   3.4. Complications à distance  Groupe Nuss : aucune fracture de matériel n’a été relevée mais une migration de barre a été mise en évidence chez un patient. Groupe Ravitch : 4 patients ont présenté une fracture de matériel et un patient a présenté une migration de barre consécutive à une disjonction attelle/agrafe.   3.5. Reprises chirurgicales  Groupe Nuss : 2 patients ont été réopérés dans ce groupe. Un patient a été repris selon la technique de Ravitch en raison d’une correction insuffisante 18 mois après la chirurgie initiale. Un patient a été repris selon la technique de Nuss à 2 ans avec dépose et repose d’un nouvel arceau rétrosternal selon la même technique, en raison d’une dégradation progressive de la correction consécutive à la migration de l’arceau initial. Groupe Ravitch : 2 patients ont été repris chirurgicalement selon la même technique. Un patient a été réopéré à cause d’une fracture de matériel avec un remplacement de l’attelle défectueuse et un patient a été réopéré à 23 mois de la chirurgie initiale pour migration de barre consécutive à une disjonction attelle/agrafe.   Tableau 3. Complications postopératoires.   3.6. Ablation de matériel  Vingt-cinq patients (64,1 %) ont fait l’objet d’une ablation de matériel. Groupe Nuss : seul un patient qui avait dépassé le délai des 3 ans postopératoires était toujours porteur de son matériel. Groupe Ravitch : 11 patients (73,3 %) ont fait l’objet d’ablation de matériel, soit de façon réglée dans les 2 premières années postopératoires, soit assez précocement pour fracture de matériel.   3.7. Questionnaire SSQ  Les 30 patients (77 %) qui ont pu être contactés ont tous accepté de répondre au questionnaire lors d’un entretien téléphonique ; 8 patients ont été perdus de vue et un décédé. La moyenne du score de satisfaction au questionnaire SSQ était de 65,5 +/- 6,7 [figure 2] dans le groupe Nuss et de 64,6 +/- 3,7 dans le groupe Ravitch (p = 0,6). Les valeurs moyennes du score SSQ sont de 64 +/- 3,1 dans le sous-groupe des patients porteurs de matériel au moment du recueil et de 69,7 +/- 3,3 dans le sous-groupe des patients ayant fait l’objet de l’ablation de matériel (p = 0,3). Le sous-groupe des patients dits compliqués (pleurésie, pneumothorax, retard de cicatrices, fracture/migration de matériel et reprise chirurgicale) avait un score SSQ moyen de 63,6 +/- 3,2 et le sous-groupe sans complication avait un score moyen de 66,5 +/- 2,9 (p = 0,03) sans différence significative [figure 3]. Vingt-huit patients (93,4 % des patients interrogés) ont présenté un score SSQ très satisfaisant (SSQ > 52,8 points) et 2 patients (6,6 %) ont présenté un score SSQ moyennement satisfaisant (52,8 > SSQ > 41).   [caption id="attachment_3982" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Score SSQ.[/caption]   [caption id="attachment_3983" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Score SSQ en fonction du sous-groupe.[/caption] 4. Discussion 4.1. Choix de la technique  La plupart des patients souhaitent de prime abord être opérés selon la technique de Nuss car moins invasive et réalisée par de courtes incisions. L’argument principal dans notre série pour orienter le choix vers la technique de Nuss a été l’évaluation préopératoire de la souplesse du thorax avec une évaluation de la correction de la déformation lors de manœuvres dynamiques (Valsalva) à la consultation. Par ailleurs, lorsque la déformation thoracique était franchement asymétrique et/ou s’il était nécessaire de réaliser d’emblée des résections des saillies cartilagineuses ou xiphoïdiennes, la technique de Ravitch semblait plus opportune. Des éléments techniques ont été décrits dans la littérature pour pouvoir toutefois traiter des thorax asymétriques selon la technique de Nuss (positionnement, courbure et fixation de la barre) [7] mais parfois avec des résultats insatisfaisants et des déformations postopératoires en pectus carinatum. Plusieurs travaux ont permis dans la littérature d’établir des index de sévérité radiologique du pectus excavatum, comme l’index de Haller [7] ou celui de l’index de correction [8] au scanner comme à l’IRM [9]. Le caractère rétrospectif de cette étude n’a pas permis cependant de déterminer les valeurs des index de déformation thoracique et de les étudier car seule une partie des scanners était disponible à l’élaboration du travail.   4.2. Complications  Une complication hémorragique majeure a été décrite dans cette série au décours d’une procédure de Nuss malgré l’utilisation de la vidéothoracoscopie au moment de l’introduction de la barre rétrosternale conformément aux recommandations. Depuis cette complication (survenue en 2009), de plus en plus d’articles scientifiques ont été publiés dont une revue de la littérature rapporte des plaies cardiaques constatées au décours de technique de Nuss (et au décours de Ravitch) avec des conséquences dramatiques [10]. Des équipes ont développé des techniques supplémentaires pour limiter les risques de complications hémorragiques au moment du passage de la barre en tractant à l’aide de sutures transfixiantes le sternum en avant [11]. La pratique de la chirurgie du pectus excavatum repose sur une courbe d’apprentissage qui permet de diminuer significativement ce genre de complications avec l’expérience acquise. La survenue de l’accident hémorragique grave au décours d’une procédure de Nuss a conduit dans notre expérience à proposer préférentiellement la technique de Ravitch en particulier aux patients présentant des déformations profondes et/ou présentant un thorax rigide. Les complications rencontrées au cours du suivi ont été différents en fonction des techniques opératoires : Groupe Nuss : une migration de barre a été mise en évidence avec la nécessité d’une reprise chirurgicale deux ans après la première intervention (dépose et repose d’un arceau rétrosternal selon Nuss). Tous les patients opérés selon la technique de Nuss ont été opérés avec la mise en place de stabilisateurs de barre, ce qui explique le faible taux de migration de barres. En effet, Croitoru et al. [12] ont proposé une modification de la technique de Nuss en ajoutant des stabilisateurs bilatéraux de barres et démontré une diminution significative des phénomènes de dislocation (15 % vs 5 %). D’autres auteurs proposent d’utiliser des barres de longueur réduite afin de limiter les phénomènes de dislocation [13] ou invitent à solidariser la barre à l’aide de fils d’acier [14]. Groupe Ravitch : d’assez nombreuses fractures d’attelles ou d’agrafes (25 %) dans le groupe Ravitch ont été constatées avec comme conséquence une dépose de matériel assez précoce sans toutefois porter préjudice au résultat esthétique. Ces éléments sont apparus fréquents et justifient un suivi clinique et radiographique rapproché, ce d’autant qu’ils constituent un facteur d’inquiétude chez les patients. Un patient opéré en 2007 a présenté une disjonction attelle/agrafe à 2 ans avant d’être réopéré. Une patiente opérée en 2008 a été reprise chirurgicalement en 2010 pour fracture d’attelle et remplacement de celle-ci. Deux autres patients ont présenté des fractures isolées d’attelles (2007 et 2009). Dans la littérature, les fractures de matériel isolées (sans déplacement du montage) ne sont pas rapportées explicitement et empêche une analyse comparative avec cette étude. Un déplacement d’attelle responsable de douleurs consécutive à une disjonction attelle/agrafe a nécessité une reprise chirurgicale. Une revue de la littérature rapporte un taux cumulé de 4,6 % [15] de déplacement d’attelle, ce qui est comparable aux chiffres retrouvés dans cette cohorte. Par ailleurs, une autre équipe [16] a mis en évidence des taux de migration/fractures d’attelle de l’ordre de 44 % (29 % d’asymptomatiques), en particulier pour les fixations les plus antérieures. L’industrie, quant à elle, a régulièrement modifié le matériel pour limiter ces phénomènes.   4.3. Reprises chirurgicales Au total, 4 patients (10,2 %) ont été repris chirurgicalement. Groupe Nuss : 2 patients ont été réopérés pour échec devant la constatation à court et moyen termes d’un résultat esthétique insatisfaisant. Un des deux échecs semble à posteriori pouvoir être attribué à une mauvaise indication de technique opératoire puisqu’un des patients a finalement dû être réopéré selon une technique de Ravitch pour obtenir un résultat satisfaisant. Groupe Ravitch : 2 patients ont été réopérés à cause de défaut de matériel (migration et fracture d’attelle). Le choix de la technique opératoire ainsi que la qualité du matériel semblent essentielles pour limiter le taux de reprise chirurgicale.   4.4. Choix du questionnaire  Plusieurs questionnaires de satisfaction et de niveau de qualité de vie ont été décrits dans la littérature [17]. Le premier a été le questionnaire de Nuss, destiné aux populations pédiatriques, et a fait l’objet d’une adaptation aux adultes sous l’appellation « Nuss questionnaire modified for Adults » ou NQmA (figure 1). Ce questionnaire nécessite une analyse pré puis postopératoire des réponses et participe plutôt à évaluer l’impact de la chirurgie sur la qualité de vie des patients. Le questionnaire SSQ [6] utilisé dans ce travail est une évolution du NQmA et a été développé pour évaluer les résultats de la chirurgie du pectus excavatum en termes de qualité de vie et de satisfaction globale du patient. Le SSQ a été décrit pour évaluer la technique de Nuss dans la littérature et paraît adapté également pour la technique de Ravitch. Il permet d’évaluer dans sa globalité la satisfaction et la qualité de vie des patients après la chirurgie, grâce à un seul questionnaire complet postopératoire. Le niveau de satisfaction des patients a été déterminé par la somme des réponses aux 16 questions avec une valeur maximale théorique de 95 points. La valeur numérique de chacune des réponses est proportionnelle au degré de satisfaction des patients. Trois niveaux de satisfaction ont ainsi été déterminés dans la littérature par Krasopoulos et al. en fonction du score global SSQ : les résultats considérés comme insuffisants (score compris entre 0 et 41 points), les résultats moyennement satisfaisants (score compris entre 41 et 52,8 points) et enfin les résultats très satisfaisants (score entre 52,8 et 95 points) [6]. L’essentiel de la cohorte interrogée (93,4 %) a présenté un score SSQ considéré comme très satisfaisant et aucun résultat n’a été considéré comme insuffisant. Ce bon résultat s’explique probablement car les patients chez qui un résultat esthétique avait été considéré cliniquement comme insuffisant avaient été repris chirurgicalement afin d’obtenir un résultat satisfaisant. Seulement 6,6 % des patients (n = 2) ont présenté un score SSQ considéré selon Krasopoulous comme un résultat moyennement satisfaisant. Un des deux patients présentant un score SSQ moyennement satisfaisant avait été initialement opéré selon la méthode de Nuss, avant d’être repris chirurgicalement dans un deuxième temps selon la technique de Ravitch. Cette succession d’évènements participe au score sensiblement moins bon que le reste de la cohorte. Le deuxième patient présentant un score de satisfaction mineure a été opéré selon la technique de Nuss et sans complication relevée (pas de reprise chirurgicale ni fracture ou déplacement de matériel en particulier). Deux études seulement dans la littérature comparent les niveaux de satisfaction des patients opérés selon la technique de Nuss et celle de Ravitch au sein d’un même centre mais concernent exclusivement des populations pédiatriques. Lam et al. [18] ont évalué le niveau de satisfaction avec des questionnaires complets (PEEQ et CHQ-CF 87) dédiés aux populations pédiatriques qui comprenaient l’avis parental.   4.5. Limites de l’étude Une des principales limites de l’étude est son caractère rétrospectif qui suggère un questionnaire de qualité de vie et de satisfaction parfois très à distance de la chirurgie. Les questionnaires ont tous été soumis aux patients entre mars et mai 2017 concernant des gestes opératoires réalisés entre décembre 2005 et août 2016. Certains malades ont donc été évalués à moins d’un an après leur chirurgie alors que d’autres l’étaient à plus de dix ans. Cependant, l’impact psychologique de la prise en charge du pectus excavatum étant vraiment important, la plupart des patients gardent un souvenir précis de leur prise en charge qui s’avère souvent correspondre à la seule expérience hospitalière qu’ils aient eue. L’instauration d’un questionnaire de façon systématisé à distance de l’ablation du matériel permettrait d’homogénéiser les réponses et de rendre les conclusions plus pertinentes encore. Un autre élément discutable de l’étude est celui de l’analyse d’une cohorte avec seulement 64,1 % des patients qui ont été évalués après l’ablation du matériel. Ce résultat s’explique car une partie du groupe Nuss n’avait pas dépassé le seuil théorique des 3 ans auquel on propose l’ablation du matériel classiquement. Les autres patients ont préféré repousser volontairement le geste d’ablation de matériel (contraintes scolaires ou professionnelles) ou ont été perdus de vue. Le choix de ne pas exclure les patients n’ayant pas fait l’objet d’ablation du matériel a permis de ne pas priver l’étude d’un nombre non négligeable de procédures et de pouvoir mettre en évidence que le taux de satisfaction n’était pas influencé dans notre étude par cet élément. 5. Conclusion La chirurgie du pectus excavatum repose dans notre équipe sur deux principales techniques dont les résultats sont bien décrits dans la littérature avec un engouement actuel concernant la technique la moins invasive (Nuss). Le principal objectif de cette chirurgie est de répondre à la plainte esthétique des malades souvent à l’origine d’un retentissement psychologique sévère chez des patients jeunes. Cette étude est la première à notre connaissance à comparer le niveau de satisfaction d’une population non pédiatrique opérée de pectus excavatum selon la technique de Nuss et de Ravitch. Les résultats en termes de satisfaction et de qualité de vie sont très satisfaisants à court et long termes. Les taux de complications chirurgicales ont été réduits significativement grâce à la modification des techniques historiques, en particulier grâce à l’avènement du contrôle vidéothoracoscopique. Les fractures de matériel sont fréquentes et justifient les efforts actuels de l’industrie pour limiter ces phénomènes et les interventions itératives en conséquence. La technique de Nuss pose le problème de complications hémorragiques rares mais graves qui doivent être clairement expliquées aux candidats à ce type de chirurgie à visée esthétique. Il est essentiel de bien mesurer la motivation de chacun des malades et d’expliquer au cours de plusieurs entretiens préopératoires les particularités de cette chirurgie, essentiellement sur le plan de la douleur et des risques de reprise chirurgicale.   Références Nuss D, Kelly RE. Indications and technique of Nuss procedure for pectus excavatum. Thorac Surg Clin 2010 Nov;20(4):583-97. https://doi.org/10.1016/j.thorsurg.2010.07.002 Malek MH, Fonkalsrud EW, Cooper CB. Ventilatory and cardiovascular responses to exercise in patients with pectus excavatum. Chest 2003 Sep;124(3):870-82. https://doi.org/10.1378/chest.124.3.870 Ravitch MM. Unusual sternal deformity with cardiac symptoms operative correction. J Thorac Surg 1952 Feb;23(2):138-44. Nuss D, Kelly RE, Croitoru DP, Katz ME. A 10-year review of a minimally invasive technique for the correction of pectus excavatum. J Pediatr Surg 1998 Apr 1;33(4):545-52. https://doi.org/10.1016/S0022-3468(98)90314-1 Cheng Y-L, Lee S-C, Huang T-W, Wu C-T. Efficacy and safety of modified bilateral thoracoscopy-assisted Nuss procedure in adult patients with pectus excavatum. Eur J Cardiothorac Surg 2008 Nov;34(5):1057-61. https://doi.org/10.1016/j.ejcts.2008.07.068 Krasopoulos G, Dusmet M, Ladas G, Goldstraw P. Nuss procedure improves the quality of life in young male adults with pectus excavatum deformity. Eur J Cardiothorac Surg 2006 Jan;29(1):1-5. https://doi.org/10.1016/j.ejcts.2005.09.018 Mortellaro VE, Iqbal CW, Fike FB, Sharp SW, Ostlie DJ, Snyder CL, St Peter SD. The predictive value of Haller index in patients undergoing pectus bar repair for pectus excavatum. 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Ann Cardiothorac Surg 2016 Sep;5(5):409-21. https://doi.org/10.21037/acs.2016.08.06 Berthet J-P, Gomez Caro A, Solovei L, Gilbert M, Bommart S, Gaudard P, Canaud L, Alric P, Marty-Ané C-H. Titanium Implant Failure After Chest Wall Osteosynthesis. Ann Thorac Surg 2015 Jun;99(6):1945-52. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2015.02.040 Hanna WC, Ko MA, Blitz M, Shargall Y, Compeau CG. Thoracoscopic Nuss procedure for young adults with pectus excavatum: excellent midterm results and patient satisfaction. Ann Thorac Surg 2013 Sep;96(3):1033-1036-1038. Lam MWC, Klassen AF, Montgomery CJ, LeBlanc JG, Skarsgard ED. Quality-of-life outcomes after surgical correction of pectus excavatum: a comparison of the Ravitch and Nuss procedures. J Pediatr Surg 2008 May 1;43(5):819-25. https://doi.org/10.1016/j.jpedsurg.2007.12.020 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Cet article est issu d'un mémoire de DESC. Date de soumission : 26/08/2017. Acceptation : 01/12/2017. Pré-publication : 07/12/2017  
mai 18, 2018
Chirurgie thoracique · Vol. 22 Mars 2018

Hernies hiatales après œsophagectomie. Étude francophone européenne multicentrique

Lucile Gust1, Philippe Nafteux2, Pierre Allemann3, Jean-Jacques Tuech4, Issam El Nakadi5, Denis Collet6, Diane Goere7, Jean-Michel Fabre8, Bernard Meunier9, Frédéric Dumont10, Gilles Poncet11, Guillaume Passot12, Nicolas Carrere13, Muriel Mathonnet14, Gil Lebreton15, Jérémie Theraux16, Frédéric Marchal17, Jack Porcheron18, Pascal-Alexandre Thomas1, Guillaume Piessen19, Xavier-Benoît D’Journo1*   1. Service de chirurgie thoracique, maladies de l’œsophage et transplantation pulmonaire, hôpital Nord, CHU de Marseille, France. 2. Service de chirurgie thoracique et des maladies de l’œsophage, KUZ Gathuisberg, Louvain, Belgique. 3. Service de chirurgie thoracique, centre hospitalier universitaire vaudois, Lausanne, Suisse. 4. Service de chirurgie digestive, CHU de Rouen, France. 5. Service de chirurgie digestive, hôpital Érasme, Bruxelles, Belgique. 6. Service de chirurgie digestive et endocrinienne, CHU de Bordeaux, France. 7. Département de chirurgie viscérale, institut Gustave Roussy, Villejuif, France. 8. Service de chirurgie digestive et transplantation, CHU de Montpellier, France. 9. Service de chirurgie hépatobiliaire et digestive, CHU de Rennes, France. 10. Service d’oncologie chirurgicale, institut de cancérologie de l’ouest, Nantes, France. 11. Service de chirurgie digestive, hôpital Édouard Herriot, Lyon, France. 12. Service de chirurgie digestive et endocrinienne, hospices civils de Lyon-centre hospitalier Lyon-Sud, France. 13. Service de chirurgie générale et digestive, CHU Purpan, Toulouse, France. 14. Service de chirurgie digestive, générale et endocrinienne, hôpital Dupuytren, Limoges, France. 15. Service de chirurgie viscérale et digestive, unité de chirurgie colorectale, CHU de Caen, France. 16. Service de chirurgie viscérale et digestive, CHU de Brest, France. 17. Département de chirurgie, institut de cancérologie de Lorraine, Nancy, France. 18. Service de chirurgie digestive et cancérologique, CHU de Saint-Étienne, France. 19. Service de chirurgie générale et digestive, CHU de Lille, France. *Correspondance : xavier.djourno@ap-hm.fr   DOI : 10.24399/JCTCV22-1-GUS Citation : Gust C, Nafteux P, Allemann P, Tuech JJ, El Nakadi I, Collet D, Goere D, Fabre JM, Meunier B, Dumont F, Poncet G, Passot G, Carrere N, Mathonnet M, Lebreton G, Theraux J, Marchal F, Porcheron J, Thomas PA, Piessen G, D'Journo XB. Hernies hiatales après œsophagectomie. Étude francophone européenne multicentrique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(1). doi: 10.24399/JCTCV22-1-GUS   Résumé Objectif : après œsophagectomie, le tube digestif peut s’incarcérer dans le hiatus autour de la plastie, réalisant une  hernie hiatale (HH) pouvant entraîner des syndromes occlusifs avec ischémie digestive. Méthodes : étude rétrospective multicentrique européenne francophone sur les HH après œsophagectomie : diagnostic, prise en charge chirurgicale et suites opératoires. Résultats : de 2000 à 2016, 19 centres ont réalisé 6608 œsophagectomies. Dans le suivi, 78 HH (1,2 %) ont été opérées. Elles apparaissaient  plus fréquemment après abord abdominal laparoscopique qu’après laparotomie (1,4 % vs 0,7 % ; p = 0,03). Elles sont survenues précocement (≤ 90 jours) pour 17 patients (21,5 %), la première année  pour 21 patients (26,6 %) et au-delà pour 41 (51,9 %),  (respectivement 13, 13 et 17 opérés en urgence). La voie d’abord de réparation était : la laparotomie (n = 35 ; 45 %), notamment en cas de résection digestive, la laparoscopie (n = 19 ; 24 %), un abord thoracique (n = 13 ; 17 %) ou une thoracophrénolaparotomie (n = 11 ; 14 %). Trente-six patients ont présenté des complications, dont un décès et 13 reprises chirurgicales. Huit patients ont présenté des récidives de HH (délai 6 jours-26 mois). Conclusion : les HH après œsophagectomie ont des présentations variables. Elles peuvent entraîner des complications thoraciques ou digestives, relevant d’une prise en charge spécialisée.   Abstract Hiatal hernia after esophagectomy: a survey of French-speaking European countries Introduction: After esophagectomy, part of the viscera can migrate through the hiatus to surround the gastric tube, creating hiatal hernias (HH) which eventually lead to abdominal occlusion and bowel ischemia. Methods: This retrospective multicenter study investigated the diagnosis, surgical management and follow-up of HH after esophagectomy in French-speaking European departments. Results: From 2000 to 2016, 19 departments performed 6608 esophagectomies. During follow-up, 78 cases of HH (1.2%) required surgery. These were more frequent after the laparoscopic approach than after laparotomy (1.4% vs. 0.7%; p = 0.03). The appearance of HH occurred during early follow-up (≤90 days) for 17 patients (21.5%), 21 underwent surgery during the first year (26.6%) and 41 after the first year (51.9%), with 13, 13 and 17 urgent surgeries, respectively. The surgical approaches included laparotomy (n = 35, 45%), especially when bowel resection was needed, laparoscopy (n = 19, 24%), a thoracic approach (n = 13, 17%) or a thoracophrenolaparotomy (n = 11, 14%). Complications arose in 36 patients, with one death and 13 secondary surgeries (three for secondary HH). Eight patients presented with recurrent HH (between 6 days and 26 months). Conclusion: Development of HH after esophagectomy can have a wide range of presentations, and can lead to thoracic or abdominal complications requiring specialized management.   1. Introduction L’œsophagectomie avec rétablissement de la continuité digestive à partir d’un substitut digestif autologue (gastrique, colique ou jéjunal) reste le traitement de référence des cancers de l’œsophage de stade précoce ou localement avancé dans le cadre d’une prise en charge multimodale [1,2]. Il s’agit d’une chirurgie à haut risque  s’accompagnant d’une forte morbidité respiratoire ou chirurgicale notamment anastomotique [3,4]. Parmi les complications chirurgicales, les hernies digestives au travers de l’orifice hiatal ont été rapportées. Ces hernies correspondent à la migration dans le thorax de tout ou partie du contenu abdominal au travers du hiatus diaphragmatique dans lequel se situe le passage du transplant digestif nécessaire à la reconstruction de l’œsophage. Les conséquences cliniques sont potentiellement graves pouvant aller de l’occlusion à la strangulation avec perforation. Longtemps asymptomatiques, ces hernies peuvent se révéler dans un contexte brutal à distance de la première chirurgie rendant leur prise en charge parfois difficile [5-7]. Il s’agit de complications relativement rares, souvent méconnues et donc sous-estimées, pouvant aboutir à de véritables urgences chirurgicales intéressant à la fois le chirurgien digestif mais aussi thoracique. L’amélioration de la survie des patients opérés d’un cancer de l’œsophage explique vraisemblablement l’augmentation de l’incidence de ces complications [5-8]. Par ailleurs, l’augmentation des approches minimalement invasives, connues pour créer moins d’adhérences postopératoires, a été évoquée comme un élément favorisant ce type de complications [9-11]. Nous rapportons l’expérience de plusieurs centres européens francophones concernant cette pathologie, du mode de diagnostic à la prise en charge et au suivi des hernies hiatales après œsophagectomie.   2. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective, multicentrique, réalisée auprès de 19 centres européens, participant au réseau FREGAT pour les centres français (base de données française des cancers œsogastriques) : un centre suisse (Lausanne), 2 centres belges (KUZ Louvain et Érasme à Bruxelles) et 16 centres français (Lille, Marseille, Bordeaux, Rouen, Villejuif, Montpellier, Rennes, Nantes, Lyon Édouard Herriot et Lyon-Sud, Toulouse, Limoges, Caen, Brest, Nancy et Saint-Étienne). Seuls trois services de chirurgie thoracique ont participé (Lausanne, Louvain et Marseille), alors que les autres sont des services de chirurgie viscérale. Le recueil des données a porté sur les patients opérés d’une hernie hiatale après œsophagectomie, quelle que soit l’indication, de manière rétrospective, à partir des dossiers médicaux des patients. Les données de l’œsophagectomie initiale (données démographiques, stade oncologique et données opératoires) ont été analysées, ainsi que le délai et le mode de diagnostic des HH, et enfin la prise en charge et les suites opératoires du traitement chirurgical de ces dernières. Le test de Chi2 a été utilisé pour la comparaison des variables qualitatives.     3. Résultats De 2000 à 2016, les 19 centres participants ont réalisé 6 608 œsophagectomies. Soixante-dix-neuf patients ont été identifiés comme ayant une hernie hiatale durant cette période, 78 opérés et un patient pour lequel une chirurgie était programmée au moment de la fin du recueil des données, soit une incidence de 1,2 %.   3.1. Œsophagectomie initiale [tableau 1] Les œsophagectomies initiales étaient le plus souvent réalisées par voie transthoracique, selon la technique de Lewis-Santy (52 patients soit 67 %). Neuf patients ont été opérés par œsophagectomie trois voies selon la technique de McKeown et 5 par voie transhiatale. Douze patients ont bénéficié d’une œsophagectomie par thoracophrénolaparotomie gauche, dont 11 dans le même centre.   Tableau 1. Données pré et postopératoires de l’œsophagectomie initiale. Œsophagectomie initiale Sexe 58 hommes 21 femmes Âge 57,7 ans ASA I 21 II 43 III 11 Tumeur Adénocarcinome 56 CE 13 DM 3 Reflux 6 Traitement néoadjuvant Aucun 23 Chimiothérapie 12 Radiochimiothérapie 32 Technique chirurgicale Technique Lewis-Santy 52 McKeown 9 TH 5 TPL gauche 12 Abord abdominal Cœlioscopie 49 (63 %) Laparotomie 29 (37 %) Plastie Gastrique 70 (89 %) Jéjunale 9 (11 %) Geste sur la plastie/le diaphragme Aucun 37 (47 %) Fermeture hiatus seule 3 (3,8 %) Fixation diaphragme 7 (8,9 %) Section pilier droit 9 (11,4 %)   Section pilier gauche 4 (5,1 %)   Section des deux piliers 10 (12,7 %)   Association de plusieurs gestes 2 (2,5 %)   Données manquantes 7 (8,9 %)   CE : carcinome épidermoïde ; DM : données manquantes ; TH : transhiatal ; TPL : thoracophrénolaparotomie.   La plupart des procédures réalisées étaient des procédures hybrides ou par voie totalement mini-invasives (MI) : 39 Lewis-Santy sur 52 (dont 2 MI), 8 McKeown sur 9 (dont 7 MI) et 2 œsophagectomies transhiatales. Au total 49 œsophagectomies sur 79, soit 62 % des patients, ont bénéficié d’une cœlioscopie éventuellement associée à une thoracoscopie lors de la chirurgie initiale. Une plastie gastrique a été réalisée dans plus de 88 % des cas (70 patients), dont 54 anastomoses intrathoraciques et 16 cervicales. Les autres patients ont bénéficié d’une plastie jéjunale avec réalisation d’une roux-en-y et anastomose intrathoracique. Des gestes additionnels sur la plastie, de type fermeture du hiatus, fixation au diaphragme, section d’un ou des deux piliers, n’ont été réalisés que pour moins de 50 % des patients.   3.2. Diagnostic de la hernie hiatale Les délais d’apparition des hernies digestives étaient très variables selon les patients. Ainsi, 17 hernies ont été diagnostiquées durant les 3 premiers mois du suivi (soit 21,5 %), dont 12 dans les 15 premiers jours. Durant la première année de suivi, 21 patients supplémentaires ont présenté une hernie hiatale (26,6 %). Enfin, plus de 50 % des patients ont été opérés de leur HH au-delà de la première année de suivi (41/79) [figure 1].   [caption id="attachment_3999" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Délai d’apparition des hernies hiatales par rapport à l’œsophagectomie initiale.[/caption]   Onze patients étaient asymptomatiques lors de la prise en charge mais présentaient de volumineuses HH contenant généralement des organes digestifs (grêle ou colon). La plupart des autres patients présentaient une association de symptômes aigus dont les plus fréquents étaient les syndromes occlusifs (n = 31) et les douleurs épigastriques (n = 26). D’autres symptômes étaient moins souvent retrouvés comme les douleurs thoraciques, la dysphagie ou la dyspnée  (respectivement 10, 11 et 8 patients) [figure 2].   [caption id="attachment_4000" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Symptômes aigus et chroniques lors du diagnostic de hernie hiatale.[/caption]   Dix-neuf patients présentaient des symptômes chroniques, associant essentiellement douleur épigastrique et dysphagie. Et 3 patients ont été pris en charge dans un contexte d’acutisation de symptômes chroniques, associant syndrome subocclusif et douleurs épigastriques.   3.3. Prise en charge de la hernie hiatale [figure 3] Dans près de 50 % des cas, les patients ont été opérés de leur hernie hiatale dans un contexte d’urgence (43/79). Plus le délai d’apparition entre œsophagectomie et hernie hiatale était court, plus le risque de réopération dans un contexte d’urgence était grand. Treize patients sur 17 ayant présenté une hernie digestive dans les 90 jours suivant l’œsophagectomie ont été opérés dans un contexte d’urgence (76,5 %), 13 sur 20 pour celles apparues entre 90 et 365 jours (65 %), et 17 sur 41 au-delà de la première année (41,5 %) [figure 4].   [caption id="attachment_4001" align="aligncenter" width="141"] Figure 3. Vues opératoires de la cure de hernie hiatale par thoracotomie gauche. A : présence de grêle dans la cavité thoracique gauche ; B : mise en place de points séparés pour la réparation du hiatus ; C : vue du hiatus en fin de réparation.[/caption]   [caption id="attachment_4002" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Proportion de chirurgies urgentes ou programmées en fonction du délai d’apparition de la hernie hiatale par rapport à l’œsophagectomie initiale.[/caption]   La voie d’abord de la chirurgie initiale et les circonstances de diagnostic influençaient le choix de la voie d’abord de la seconde chirurgie. Ainsi une cœlioscopie a été réalisée uniquement si le patient avait auparavant bénéficié d’un temps abdominal par voie cœlioscopique. Les patients opérés par laparotomie ont été repris dans 12 cas par laparotomie, 4 cas par thoracotomie gauche et une fois par vidéothoracoscopie (donnée manquante pour un patient). Enfin, 11 des 12 patients initialement pris en charge par thoracophrénolaparotomie gauche ont été réopérés par cette même voie. Au total 35 laparotomies, 19 cœlioscopies, 11 thoracophrénolaparotomies gauches, 11 thoracotomies, dont 10 à gauche et un à droite, et 2 thoracoscopies ont été réalisées. Trois cœlioscopies ont été converties en laparotomie, et 3 thoracotomies ont été élargies soit en phrénotomie (n = 1), soit en laparotomie (n = 2) [tableau 2].   Tableau 2. Données peropératoires de la prise en charge chirurgicale de la hernie hiatale. Chirurgie de la hernie hiatale Voie d'abord HH Voie d’abord      Temps initial Cœlioscopie Laparotomie TPL Laparotomie 23 12 0 Cœlioscopie 17 0 1 Thoracotomie gauche 6 4 Thoracotomie droite 1 0 VTC 1 1 TPL NA NA 11 Données manquantes 1 HH : hernie hiatale ; VTC : vidéothoracoscopie ; TPL : thoracophrénolaparotomie.   La voie d’abord privilégiée dans les situations d’urgence était la laparotomie, d’autant plus si une résection digestive était réalisée [figure 5]. Quatre résections de grêle ont été nécessaires, ainsi que 4 résections de colon, une résection partielle d’estomac et 2 réfections d’anastomose. L’ensemble des résections digestives ont été réalisées par laparotomie. Le hiatus quant à lui a été réparé par suture directe, éventuellement renforcée de patchs de Téflon pour 63 patients. Seuls 12 patients ont bénéficié de la mise en place d’une plaque.   [caption id="attachment_4003" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Voie d’abord de la cure de hernie hiatale en fonction de l’urgence de la prise en charge.[/caption]   La proportion d’œsophagectomie avec temps abdominal par laparotomie ou cœlioscopique était disponible pour 4 772 patients de notre cohorte, correspondant à 48 hernies digestives après œsophagectomie (incidence de 1 %). Dans cette population, une chirurgie ouverte avait été réalisée pour 3 010 patients (63,1 %) et une chirurgie par voie hybride ou totalement mini-invasive, c’est-à-dire un abord cœlioscopique pour 1 761 patients. Après laparotomie, 23 patients ont présenté une hernie soit une incidence de 0,73 % contre 25 après cœlioscopique, soit une incidence de 1,4 % (p = 0,03).   3.4. Suites opératoires [tableau 3] Un patient est décédé d’une défaillance multiviscérale, soit un taux de mortalité de 1,3 %. Trente-six patients ont présenté des complications (46 %), essentiellement d’ordre médical, et largement dominées par les complications pulmonaires. Treize reprises chirurgicales ont été nécessaires, dont trois pour récidive précoce de hernie hiatale. À long terme, 5 récidives supplémentaires ont été diagnostiquées. Soit un total de 8 récidives apparues dans un délai de 6 jours à 26 mois, avec un taux de 10,25 % dans notre série.   Tableau 3. Morbidité de la chirurgie de hernie hiatale. Complications chirurgicales Récidive précoce 3 2nd look 3 Éventration/Éviscération 2 Drainage simple 1 Hémopéritoine 1 Sténose ischémique du colon 1 Décortication 1 Multiples reprises pour VAC 1 Total 13 Complications médicales Pulmonaires 17 Sepsis 4 Cardiaque 4 Neurologiques 2 Digestives 3 Rétention aiguë d’urines 3   4. Discussion Notre série est la plus large publiée à ce jour s’intéressant aux hernies digestives après œsophagectomie. Elle retrouve une incidence de hernies opérées de 1,2 %, ce qui est semblable aux données de la littérature [11]. Cette pathologie se présente sous des aspects variables, à la fois du fait des symptômes très différents qui peuvent être rencontrés, mais aussi du fait des circonstances de diagnostic et du délai d’apparition.  Dans notre série les hernies digestives pouvaient apparaître soit très précocement dans les premiers jours suivant l’œsophagectomie initiale, soit plusieurs années après celle-ci. Les circonstances de diagnostic allant de hernies complètement asymptomatiques à des syndromes occlusifs nécessitant une prise en charge en urgence. Ces données expliquent l’incidence variable de cette complication dans la littérature, ainsi que leur prise en charge non standardisée. Ainsi, plusieurs points rendent la prise en charge des hernies hiatales complexe. D’une part, il s’agit d’une complication peu commune des œsophagectomies. Van Sandick et al. rapportaient que 18 cas avaient été décrits dans la littérature anglophone entre 1979 et 1997 [5]. Les grandes séries de hernies hiatales sont rares et ont été publiées par des équipes expertes, sur de longues périodes d’étude, ou proviennent de revue de la littérature parfois exposée aux biais de la sélection [7,11-13]. Selon le mode de détection des hernies digestives, soit diagnostiquées de manière systématique sur les scanners de suivi, soit uniquement les hernies symptomatiques et opérées, la littérature anglo-saxonne retrouve une incidence allant de 0,8 % à près de 20 % [tableau 4] [5-6,12-19]. Différents facteurs prédisposant ont été évoqués. Le plus important est sans doute la diffusion et l’utilisation croissante des techniques chirurgicales laparoscopiques et /ou vidéothoracoscopiques avec les œsophagectomies hybrides ou totalement mini-invasives [3,9-10]. La diminution des adhérences postopératoires associées aux techniques minimalement invasives, et notamment à la cœlioscopie pour l’abord abdominal, est l’un des facteurs le plus souvent évoqué dans la littérature pour expliquer l’incidence croissante de hernie hiatale [11,12,14,18,19].   Tableau 4. Revue de la littérature. Auteur Année Nombre patients Incidence Ouvert Hybride/MI Délai d'apparition (médiane) Chirurgie Récidive Van Sandick 1999 218 9 (4,1 %) NA NA 12 M [2 J-44 M] 6/9 (66 %) NA Kent 2008 1075 20 (1,9 %) 4 externes 4 (0,8 %) 16 (2,8 %) 32 M [46 J-7 A] 22/24 18 % urgence 6 (29 %) Price 2011 2182 15 (0,69 %) NA NA 21 M [3 J-2 A] 15/15 87 % urgence 2 (13 %) Sutherland 2011 36 TH robots 7 (19,5 %) NA NA [30 J-1 A] 100 % 2 (28,6 %) Willer 2012 39 5/39 (12,8 %) 0 5 (26 %) 18 M [3 M-20 M] 3/5 NA Ganeshan 2013 440 (suivi > 1 an) 67 (15 %) NA NA 24 M [47 J-9 A] 9/67 (13 %) NA Bronson 2014 114 9 (8 %) NA NA 14 M [2 J-97 M] 100 % 1 Benjamin 2015 120 (MI) 7 (5,8 %) NA NA 3,4M [1 M-45 M] 5/7 (71,4 %) 4 urgences 2 (23,3 %) Narayanan 2015 199 TH ouvert 9 (4,5 %) NA NA 29 M [4 M-8 A] 100 % 3 urgences 0 Matthews 2016 506 31 (6,1 %) 4 (1,8 %) 27 (9,5 %) [7 J-7 A] 30/31 7 (23,3 %) Crespin 2016 192 TH cœlio 22 (11,5 %) NA NA 7,5 M [2 J-97 M] 7/22 NA Brenkman 2017 657 45 (7 %) 19 (9 %) 21 (4,9 %) 20 M [0 J-101 M] 23/45 (51 %) 16 urgences 4 (15 %) Gust 2017 6608 79 (1,2 %) 23/3010 (0,7 %) 25/1761 (1,4 %) 13,6 M [1 J-16 A] 100 % 8 (10,25 %) MI : minimalement invasif ; NA : non applicable ; M : mois ; J : jour ; A : année : TH : transhiatal.   Dans notre série, l’incidence de hernie digestive après œsophagectomie semble être plus importante pour les patients ayant bénéficié d’un abord cœlioscopique. La proportion de chirurgie hybride ou totalement mini-invasive n’était malheureusement pas disponible pour l’ensemble de notre cohorte. Cependant, pour les 4 772 patients pour lesquels la voie d’abord initiale était disponible, on observait une différence statistiquement significative entre l’incidence de hernie digestive après abord laparoscopique : 1,4 % contre 0,7 % après laparotomie. L’élargissement du hiatus diaphragmatique semble être un autre facteur favorisant, d’autant plus qu’il est associé à des techniques mini-invasives [11,14,16,18]. Ainsi, une incidence augmentée de hernie hiatale après œsophagectomie transhiatale a été rapportée par plusieurs études. La plus parlante est celle de Sutherland rapportant leur expérience initiale d’œsophagectomies transhiatales robot-assistées. Dans cette étude, 7 patients sur 36, soit 19,5 %, ont été réopérés pour cure chirurgicale de hernie hiatale dans la première année suivant la chirurgie initiale. Il est aussi intéressant de noter qu’après modification de leur technique opératoire (fixation systématique de la plastie au hiatus et fermeture de celui-ci), les auteurs n’ont plus observé de hernie. D’autres facteurs prédisposant, non retrouvé dans notre étude, comme l’influence du BMI, restent controversés car les résultats sont contradictoires dans la littérature [6,15]. Certaines études, comme celle de Ganeshan et al, se sont intéressées au taux réel de hernie hiatale après œsophagectomie. Contrairement à la population, où seules les hernies opérées étaient prises en compte, Ganeshan et al. ont évalué de manière rétrospective l’incidence de hernie digestive après œsophagectomie [15]. Il retrouve un taux relativement plus élevé de 15 % que celui habituellement observé dans la littérature. Cependant, plus de la moitié des hernies digestives n’avaient pas été diagnostiquées initialement par le radiologue et n’ont été visualisées qu’à la relecture des images pour l’étude en question. L’étude de Ganeshan et al. met donc en évidence un double problème dans la prise en charge de ces hernies. D’une part la difficulté d’en faire le diagnostic de manière prospective, les scanners de réévaluation se focalisant sur les signes d’une éventuelle récidive de la maladie et peuvant ignorer ce problème. Et donc l’incidence probablement très sous-estimée de cette complication. D’autre part, la prise en charge à instaurer en cas de découverte fortuite de ces HH. Dans notre série, près de 50 % des patients ont été opérés en urgence, avec 9 cas de résections digestives, et un décès postopératoire. De plus parmi les prises en charge électives, certains patients étaient en fait des urgences différées devant la résolution des symptômes occlusifs, mais nécessitant une prise en charge chirurgicale à court terme. Quelle est la conduite à tenir pour les hernies hiatales de découverte fortuite, asymptomatiques, devant leur potentiel évolutif vers des situations d’urgence ? Cette prise en charge n’est pas codifiée. Du fait de la rareté de cette situation, les auteurs décrivent des prises en charge au cas par cas en fonction de l’espérance de vie des patients, de la maladie sous-jacente et de leurs souhaits. Au fur et à mesure que le délai entre hernie et œsophagectomie augmente, il semblerait que les circonstances de diagnostic se modifient. Ainsi, dans notre série, la majorité des opérations en urgence se faisaient lorsque le délai était court. Un cinquième des patients ont été réopérés dans un délai inférieur aux 90 premiers jours, dans des tableaux d’urgence le plus souvent. A contrario, environ 50 % de notre population étaient pris en charge avec un délai supérieur à 1 an, avec des tableaux plus chroniques. Nous émettons l’hypothèse qu’il s’agit en fait de deux populations différentes de patients : des hernies hiatales précoces en rapport avec un défaut technique ou une complication chirurgicale de l’intervention initiale. Hypothèse qui peut être soutenue par les résultats de l’étude de Sutherland, où la modification du geste chirurgical a permis une disparition de la complication à court terme. Ou une évolution naturelle de la plastie après œsophagectomie, dont l’incidence et le diagnostic augmentent du fait de l’augmentation de survie des patients atteints de cancer de l’œsophage. Ainsi la plastie et le contenu abdominal migrent progressivement vers le thorax, créant hernie digestive et redondance. Les résultats présentés dans cette série doivent cependant être analysés avec circonspection, devant les biais potentiels de l’étude. En effet, il s’agit d’une étude rétrospective, multicentrique, concernant des centres de référence des maladies de l’œsophage, recensant les cas déclaratifs et s’intéressant aux hernies opérées. Les hernies hiatales prises en charge dans des hôpitaux périphériques ne peuvent pas être prises en compte. Ceci peut minimiser à la fois l’incidence globale de cette complication, ainsi que la proportion de hernies prises en charge dans un contexte d’urgence.   5. Conclusion  Les hernies digestives après œsophagectomie sont des complications peu fréquentes mais non négligeables. Elles peuvent se présenter soit de manière précoce, souvent dans un contexte d’urgence, soit à plus long terme, évoluant à bas bruit. Ces complications peuvent nécessiter une approche thoracique ou abdominale pour leur réparation. Leur incidence semble en augmentation après chirurgie cœlioscopique et elles doivent être détectées dans le suivi à long terme. Compte tenu de l’essor des approches minimalement invasives, une fermeture systématique du diaphragme paraît recommandée pour les prévenir.   Références Shapiro J, Lanschot JJ, Hulshof M, van Hagen P, van Berge Henegouwen M, Wijnhoven B et al. 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Ann Surg Oncol 2015 Oct;22(11):3681-3686. https://doi.org/10.1245/s10434-015-4366-x Crespin OM, Farjah F, Cuevas C, Armstrong A, Kim BT, Martin AV et al. Hiatal Herniation After Transhiatal Esophagectomy: an Underreported Complication. J Gastrointest Surg 2016 Feb;20(2):231-236. https://doi.org/10.1007/s11605-015-3033-7 Matthews J, Bhanderi S, Mitchell H, Whiting J, Vohra R, Hodson J et al. Diaphragmatic herniation following esophagogastric resectional surgery: an increasing problem with minimally invasive techniques?: Post-operative diaphragmatic hernias. Surg Endosc 2016 Dec;30(12):5419-5427. https://doi.org/10.1007/s00464-016-4899-5   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Cet article est issu d'un mémoire de DESC. Date de soumission : 07/09/2017. Acceptation : 04/12/2017. Pré-publication : 15/12/2017.     
mai 18, 2018
In memoriam · Vol. 22 Mars 2018

Hommage au médecin général Robert Herning

Le médecin général Robert Herning, chirurgien thoracique, nous a quittés le 29 octobre à l’âge de 84 ans. Il a eu une carrière particulièrement riche comme ont pu en connaître certains médecins et chirurgiens de sa génération. Alsacien de souche, il naît à Strasbourg le 21 novembre 1932 dans une famille vivant rue du Dôme, dans le quartier de la cathédrale. C'est là qu'il fait toutes ses études primaires et secondaires ainsi que sa première année de médecine. En 1952, il passe le concours de recrutement et est admis à l’École de santé navale de Bordeaux. À la sortie de cette école en 1957, il choisit le Service de santé des troupes coloniales et suit les cours de l’École d’application du Pharo, à Marseille. En 1958, il choisit comme premier poste le centre de médical de Bokoro, au Tchad, où il sert pendant plus de deux ans dans un poste isolé. Affecté à l’hôpital Michel-Levy à Marseille, il prépare l’assistanat de chirurgie et effectue pendant ces années une mission à Bizerte en Tunisie et une autre de quatre mois à la 411e compagnie médicale en Algérie. Reçu au concours d’assistant de chirurgie des hôpitaux des armées en 1962, il est formé dans les hôpitaux militaires de Marseille ainsi qu’au Gabon, à Libreville et à Port-Gentil. Il est reçu au concours de chirurgien des hôpitaux des armées en 1967 et affecté comme chirurgien à l’hôpital de Ouargla en Algérie, de 1967 à 1972. Il est ensuite chirurgien, puis chef des services chirurgicaux de l’hôpital Mamao à Papeete en Polynésie française de 1972 à 1977. De retour en métropole il est affecté à l’hôpital Bégin à Saint-Mandé et fait un stage à San Francisco dans le service du Professeur Schumway en vue d’une spécialisation en chirurgie thoracique. De 1978 à 1980, il est chef du service de chirurgie de l’hôpital de Tripoli en Lybie. En 1980 il est affecté à l’hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce. Il crée le nouveau service de chirurgie thoracique, et en devient le premier chef jusqu’en 1988, date à laquelle lui succède René Jancovici qui transférera ce service à l’hôpital Percy en 1996. Il quitte alors la technique chirurgicale pour être médecin-chef du centre hospitalier des armées Picaud à Bühl, en Allemagne. En 1991 il est nommé médecin général et prend la direction de l’Institution nationale des Invalides jusqu’à la fin de sa carrière militaire, en 1993. Il reste ensuite extrêmement actif dans différents domaines : conseiller à la Cour des comptes, conseiller santé auprès du président de la Fédération des sociétés d’anciens de la Légion étrangère. Polyglotte il traduisait en anglais et en allemand des ouvrages médicaux et connaissait également l’arabe, le japonais et le russe. Robert Herning était également officier de la Légion d’honneur. Il nous laisse le souvenir d’un homme cultivé, s’intéressant à tout, extrêmement courtois, fidèle à la Société française de chirurgie thoracique et cardiovasculaire où nous le voyions à chacune des séances d’hiver et où il nous a manqué cette année. Nous adressons nos condoléances à Madame Herning, son épouse depuis 1958, à ses enfants Dominique et Thierry, à ses cinq petits-enfants et à son arrière-petit-fils, Gabriel.
mai 18, 2018
In memoriam · Vol. 22 Mars 2018

En hommage au professeur Francis Fontan

[caption id="attachment_3990" align="alignleft" width="300"] © Edouard Fontan[/caption] Quelques médecins ou chirurgiens, parmi nous, font progresser définitivement et en peu de temps la prise en charge de maladies jusque-là non traitées, par une découverte thérapeutique ou une innovation chirurgicale. Ils marquent l’histoire de la médecine. Francis Fontan était de ceux-là.   Il fit des études médicales à la faculté de médecine de Bordeaux, puis de 1952 à 1962 un internat et un clinicat mixte médicochirurgical avec le professeur Pierre Broustet, qui créa le service universitaire de cardiologie, et le professeur Georges Dubourg, qui initia la chirurgie cardiaque à Bordeaux. Le traitement chirurgical des malformations cardiaques congénitales simples était alors acquis mais les pathologies complexes, telles que l’atrésie tricuspidienne, y échappaient. Après une précoce étude autopsique chez un jeune homme, des expérimentations animales de dérivation cavopulmonaire partielle (déjà pratiquées par Bakoulev et Balankin en URSS et Glenn et Patino aux États-Unis), le professeur Fontan, encouragé par le professeur Broustet, réalisa en 1968 la première dérivation cavopulmonaire totale (DCPT) chez l’homme sur un cas d’atrésie tricuspidienne. Il publia avec le professeur Baudet les résultats des premiers cas de « l’Intervention de Fontan » en 1971 dans la revue internationale Thorax. Par la suite, des patients lui furent adressés des cinq continents. Il apporta des modifications techniques opératoires et établit avec le professeur Choussat les critères de sélection de cette intervention. Reprise par tous les services de chirurgie cardiaque pédiatrique, elle connut de nombreuses variations techniques et d’autres applications de DCPT réalisant toutes le by-pass du cœur droit définissant la « circulation de type Fontan ». Francis Fontan fut ainsi l’un de ceux (avec Kirklin, Senning, Jatene et d’autres encore) qui bouleversèrent le devenir des jeunes patients atteints de malformations cardiaques congénitales complexes. Il apporta aussi en chirurgie cardiaque adulte des avancées techniques dans les anévrismes du ventricule gauche et de la crosse aortique… Il développa la première banque française d’homogreffes. Invité comme membre d’honneur dans de nombreux congrès nord-américains, il voulut et initia une société européenne et, avec quelques-uns, créa en 1986 l’European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS), dont il fut le premier président, et organisa le deuxième congrès à Bordeaux. C’est aujourd’hui la plus importante société mondiale de la spécialité. Il participait récemment encore au fonctionnement de l’EACTS et avait le plaisir et l’honneur de remettre chaque année au congrès présidentiel de la société le Prix pour l’éducation Francis Fontan. Chef du service de chirurgie cardiaque de Bordeaux de 1968 à 1992, il était très fier d’avoir formé ses élèves bordelais, français et étrangers qui lui sont restés très attachés. Il était un pédagogue exigeant et sévère, mais bienveillant et courtois. Il a marqué des générations de chirurgiens et de cardiologues. Après une vie très riche, Francis Fontan nous a quittés le 14 janvier à l’âge de 88 ans, entouré de son épouse, de ses trois enfants et ses six petits-enfants.
mai 18, 2018
Chirurgie cardiaque congénitale et pédiatrique · Vol. 22 Mars 2018

Assistance ventriculaire pédiatrique et Berlin Heart Excor : 11 ans d’expérience

Angèle Boët*, Mohamedou Ly, Lucile Houyel, Emir Mokhfi, Michel Hamann, Serge Demontoux, Régine Roussin, Emmanuel Le Bret, Jurgen Horer Pôle des cardiopathies congénitales, centre chirurgical Marie-Lannelongue, Le Plessis-Robinson, France.   *Correspondance : angele.boet@hotmail.fr   DOI : 10.24399/JCTCV22-1-BOE Citation : Boët A, Ly M., Houyel L, Mokhfi E, Hamann M, Demontoux S, Roussin R, Le Bret E, Horer J. Assistance ventriculaire pédiatrique et Berlin Heart Excor : 11 ans d’expérience. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(1). doi: 10.24399/JCTCV22-1-BOE   Résumé Introduction : le Berlin Heart Excor® (BHE) est un système d’assistance ventriculaire (VAD) externe pneumatique utilisable du nouveau-né à l’adulte. Méthode : de 2006 à 2016, 16 enfants ont été implantés dans notre institution (âge, poids médians de 8,2 ans et 22,5 kg). Le but était d’étudier cette cohorte et l’efficacité du protocole d’anticoagulation d’Edmonton. Résultats : 75 % présentaient une cardiomyopathie et 69 % avait eu une ECMO préalablement. Dix patients ont été transplantés et une sevrée. Deux patients sont décédés après la greffe et la patiente sevrée est décédée subitement 4 mois plus tard. La survie hospitalière est de 75 % et à long terme de 62,5 %. Les complications hémorragiques postimplantation et thromboemboliques à distance touchent 14/16 patients. On retrouve une tendance (p > 0,05) à l’augmentation des épisodes thromboemboliques en présence d’un ventricule de taille inadaptée. Enfin, un montage de Fontan défaillant a été assisté en mono-VAD puis greffé avec succès. Le BHE a permis d’autonomiser tous les patients en prégreffe. Conclusion : le BHE permet d’attendre la transplantation dans de bonnes conditions. Le risque de complications persiste, principalement en cas d’ECMO préalable, de VAD de taille inadaptée et de poids inférieur à 10 kg. Le taux de complications hémorragiques et thrombo-embolique souligne la nécessité de réadapter le protocole d’anticoagulation actuellement utilisé.   Abstract Pediatric ventricular assistance device: 11 years of experience with the Berlin Heart Excor Introduction: The Berlin Heart Excor is a pneumatic ventricular assistance device used in newborns through to adulthood. The goal of the current study was to evaluate pediatric cohort characteristics and outcomes, and to assess Edmonton anticoagulation protocol efficiency. Methods: Implanted children were retrospectively included from 2006 to 2016. The results are expressed as median and percentage and comparisons were performed by Fisher’s exact test. Results: A total of 16 children were included (63% females, 22.5 kg, 8.2 years old), 10 of whom were transplanted and one weaned. Of these children, 75% had cardiomyopathies and 69% had ECMO support before Excor. The long-term hospital survival rates were 75% and 62.5%, respectively. Post-implantation hemorrhage complications and late thromboembolic events occurred in 14 out of 16 patients. We observed a trend (p > 0.05) toward an increased rate of thromboembolic events in cases of inadequate ventricle size. One patient with failing Fontan was successfully assisted with monoventricular then transplanted. Conclusion: Excor permitted children awaiting a graft to do so in better condition, with a survival rate between 60% and 90%. The probability of adverse effects remains important, mainly in cases with preimplanted ECMO, inadequate ventricular size or a body weight below 10 kg. The Edmonton protocol needs to be updated and adapted to different subsets of the population.   1. Introduction Entre janvier et décembre 2015, parmi les 471 transplantations cardiaques réalisées en France, on dénombrait seulement 17 enfants de moins de 18 ans contre 24 en 2014 (agence biomédecine), dont 60 % étaient greffés pour cardiomyopathie dilatée ou restrictive et 35 % pour cardiopathie congénitale. Le délai d’attente de 2,5 à 5 mois (en fonction du poids) et la pénurie de greffons (deux patients en attente pour un greffon) rendent la mise en place d’une assistance circulatoire souvent indispensable en cas d’insuffisance cardiaque terminale. Même si l’attente des enfants est en moyenne moins élevée que chez l’adulte, les équipes se retrouvent confrontées à des problèmes de pénurie dynamique : les greffons, peu nombreux, ne sont pas forcément disponibles au moment où des receveurs sont sur liste. Là encore, le recours à l’assistance est souvent inévitable. Enfin, si l’utilisation du levosimendan permet d’améliorer ponctuellement l’état des enfants et le recours aux autres catécholamines en cas de défaillance aiguë (étude LIDO), la durée d’hospitalisation et le taux de mortalité n’en sont pas modifiés, particulièrement chez les patients chroniques au stade terminal de défaillance [1]. En revanche, son utilisation a permis pour certains patients de différer voire d’éviter le retour à l’assistance circulatoire mécanique en attente de greffe et de ce fait limiter la survenue de complications liées à celle-ci (études REVIVE et SURVIVE). Différents types d’assistances circulatoires existent : on utilise les assistances par ECMO (Extra Corporeal Membrane Oxygenation) ou les assistances dites lourdes, souvent de façon complémentaire ou en relais. Les ECMO sont des systèmes temporaires de débit continu dans leur très grande majorité qui ont pour avantage la rapidité de leur mise en place, d’où leur intérêt dans le cadre de l’extrême urgence. L’ECMO était pendant longtemps le seul moyen d’assistance utilisable chez l’enfant, et la durée d’assistance était limitée à quelques jours voire quelques semaines. Actuellement, en cas de nécessité d’assistance prolongée, l’ECMO peut être convertie en assistance ventriculaire externe (Ventricular Assistance Device, VAD) comme le Berlin Heart Excor (Berlin Heart GmbH, Berlin, Allemagne) (BHE), qui est le seul système utilisable chez l’enfant. Il s’agit d’un système uni ou biventriculaire d’assistance pulsatile pneumatique avec des volumes de ventricules débutant à 10 ml (jusqu’à 80 ml) et des diamètres de canules débutant à 6 mm (jusqu’à 16 mm), permettant ainsi d’assister des enfants à terme dès la naissance. Le taux de survie des enfants sous ECMO en attente de transplantation n’est que de 50 % [2]. Ce taux atteint 70 % sous BHE [3]. Le débit pulsé, plus physiologique, diminue le syndrome d’augmentation de perméabilité capillaire. Il est également diminué du fait d’un contact sang/surfaces synthétiques moindre. L’autonomisation est plus facile, ce qui améliore l’état du patient en attente de greffe, sa réhabilitation et son devenir. De plus, une étude de 2006 de Blume examinant les résultats de 99 cas pédiatriques assistés avec du matériel adulte souligne les mauvais résultats obtenus et donc la nécessité d’un matériel adapté à l’enfant. Cependant le BHE pédiatrique n’a été autorisé par l’US Food and Drug Administration qu’en 2011 suite à l’étude de Fraser [4]. Par ailleurs, le taux de complication de ces systèmes d’assistance par VAD demeure important, malgré les innovations technologiques et les progrès de la réanimation [5-6]. Les risques d’hémorragies ou de complications thromboemboliques sont les plus fréquents, et ce malgré l’utilisation du protocole d’Edmonton [tableau 1], recommandé par Berlin Heart. Celui-ci consiste en l’application de traitements anti-agrégants et anticoagulant appliqués dès que les saignements initiaux sont contrôlés.   Tableau 1. Protocole d’anticoagulation et anti-agrégation d’Edmonton. Moins de 1 an 1 an ou plus Aucun traitement anticoagulant ou anti-agrégant pendant les 24 premières heures Héparine non fractionnée (HNF) 24h après chirurgie, une fois saignement contrôlé et plaquettes > 20 000 Début : 15UI/kg/h jusqu’à 28 UI/kg/h après 6h si pas de saignement (maximum 35) Cible : antiXa 0,35-0,7 UI/mL et substitution d’antithrombine pour AT III > 70 % 24h après chirurgie, une fois saignement contrôlé et plaquettes > 20 000 Début : 10UI/kg/h jusqu’à 20 UI/kg/h après 6h si pas de saignement (maximum 28) Cible : antiXa 0,35-0,7 UI/mL et substitution d’antithrombine pour AT III > 70 % Héparine de bas poids moléculaire/HBPM, uniquement enoxaparine Conversion HNF en HBPM 48h après la fin des saignements, si patient stable Début : 1,5 mg/kg (moins de 2 mois) ou 1 mg/kg (plus de 2 mois) toutes les 12h. Maximun 3 et 2 mg/kg toutes les 12h. Cible : antiXa 0,6-1 Cible ATIII > 75 % - Anti-vitamine K AVK, coumadine - Conversion HNF en AVK 48h après la fin des saignements, si patient stable Début : 0,2 mg/kg/j po (maximum 5mg) Cible : INR 2,7-3,5 Si INR< 2,7 : couvrir par HNF. Si instabilité ou inefficacité durable : convertir par HBPM   Dipyridamole, persantine 48h post-implantation, saignement arrêté, patient stable, plaquettes > 40000 Début : 4 mg/kg/j po en 4 prises (max 15 mg/kg/j) Cible : cartographie plaquettaire : suppression ADP > 80 % Idem Aspirine, ASA Débuté 96h après implantation, une fois tous les drains retirés (maximum J7). Début : 1 mg/kg/j po en 2 doses (maximum 3mg/kg/j) Cible : cartographie plaquettaire : AA suppression > 80 % Idem   L’objectif principal de notre travail est de reprendre la série pédiatrique composée de 16 des 18 patients implantés par BHE depuis 2006 dans notre centre, afin d’étudier les caractéristiques des patients, les indications d’implantation ainsi que leur devenir. Le second objectif est de déterminer l’efficacité de la mise en application systématique du protocole d’anticoagulation d’Edmonton et anti-agrégation proposé par la société Berlin Heart en relation avec les complications constatées dans notre cohorte.   2. Patients et méthodes Pour cette étude monocentrique observationnelle rétrospective sur dossiers, nous avons inclus tous les patients âgés de moins de 18 ans ayant bénéficié d’une implantation de BHE entre janvier 2006 et avril 2016. Les informations concernant le patient, sa pathologie, ses antécédents, sa clinique, sa biologie, les complications et son devenir jusqu’au 31 décembre 2016 inclus, sont relevées et anonymisées. Elles sont résumées dans la flow-chart sur la figure 1.   [caption id="attachment_3970" align="aligncenter" width="262"] Figure 1. Flow-chart résumant les patients inclus et leur devenir.[/caption]   Les tailles des ventricules pneumatiques des enfants ont été classées en 3 catégories : adaptée (30-50 mL/m²), trop large (> 50 mL/m²) ou trop petite (< 30 mL/m²), comme le recommande la société Berlin Heart et Miera [7]. Les statistiques ont été réalisées grâce au logiciel IBM SPSS Statistics version 20. Les comparaisons entre les groupes sont réalisées grâce au test exact de Fisher. La survie des patients est exprimée par des courbes de Kaplan-Meier. L’étude a été menée dans le respect de la législation des études cliniques et approuvée par le comité d’éthique local. Pendant la période d’inclusion, 2 % des patients ont eu besoin d’une assistance circulatoire dont 11,7 % ont bénéficié d’une implantation de BHE, soit 18 patients dont 16 âgés de moins de 18 ans. L’application du protocole d’anticoagulation et d’anti-agrégation d’Edmonton était la règle pour l’ensemble de la cohorte.   3. Résultats 3.1. Détail des patients Les caractéristiques des patients composant notre cohorte, leur devenir, la prise en charge dont ils ont bénéficié et les traitements reçus ainsi que les complications survenues sont détaillées dans les tableaux 2 à 4.   Tableau 2. Caractéristiques générales de la population. Population Nombre (%) ou médiane de la cohorte pédiatrique Interquartile n enfants 16 Âge (années) 8,25  [5,4-9,6] Sexe M F   6 (38 %) 10 (63 %) Poids (kg) 22,5  [19-26,5] Etiologie Cardiopathie congénitale Cardiomyopathie Défaillance primaire de greffon   3 (19 %) 12 (75 %) 1 (6 %) ECMO préimplantation Nombre Durée (J)   11 (69 %) 8-8     [5-10,5] Type de VAD (Ventricule Assistance Device) Mono-VAD Bi-VAD   3 (19 %) 13 (81 %) Durée implantation (J) 36,5  [20-67] Durée USI (J) 63,5  [39-81] Hospitalisation (J) 84  [36-102]     Tableau 2bis. Prise en charge globale de la population. Population Nombre (%) ou médiane de la cohorte pédiatrique Interquartile Nutrition Début nutrition parentérale Début nutrition entérale   1 5   [1-3] [2-8] Début Anticoagulation (J) Héparine non fractionnée Dipirydamole Anti-vitamine K Acide acetylsalicylique   1 2 9 5   [1-1] [2-3] [6-14] [3-12] Durée ventilation mécanique (heures) 216 [120-768] Transplantation cardiaque 10     Tableau 3. Tableau des caractéristiques et devenir des patients sous  BHE. Patient Âge admission (années) Poids admission (kg) Taille (cm) Cardiopathie congénitale (CC) /cardiomyopathie (CM) ECMO pré-BH Durée ECMO pré-BH (jours) Cure levosimendan Mono-VAD gauche (L-VAD) ou Bi-VAD Durée BH (j) Greffe cardiaque Décès hospitalier Durée USI (j) 1 8,5 27 135 CM 1 1 non Bi-VAD 17 1 1 33 2 6,8 21 122 CM 1 3 non Bi-VAD 139 1 0 261 3 6,5 15.3 102 CM 1 8 non Bi-VAD 31 0 (greffe avant BHE) 1 37 4 8,6 20 125 CM 1 36 non Bi-VAD 13 1 0 59 5 5,5 16 104 CC 1 8 non L-VAD 115 1 0 133 6 8 22 127 CM 1 11 oui Bi-VAD 60 1 0 78 7 12 34 158 CM 0 0 oui Bi-VAD 70 1 0 75 8 13,3 50 158 CC 0 0 non L-VAD 36 1 0 80 9 11,5 26 137 CM 0 0 non Bi-VAD 37 1 0 40 10 16 45 156 CM 1 12 non Bi-VAD 16 0 1 18 11 7,5 25 155 CC 1 10 oui Bi-VAD 0,2 0 1 60 12 0,8 8,6 73 CM 1 6 non Bi-VAD 31 0 0 59 13 5,1 20 122 CM 1 4 oui Bi-VAD 104 0 1 109 14 2,3 11 90 CM 0 0 non Bi-VAD 30 0 1 35 15 11,9 57 162 CM 1 8 oui L-VAD 48 1 0 67 16 9 23 132 CM 0 0 oui Bi-VAD 81 1 0 85     Tableau 3 bis. Récapitulatif des patients décédés. Patient Âge admission (années) Poids admission (kg) ECMO pré-BH Durée BH (j) Greffe cardiaque Cause décès 1 8,5 27 1 17 1 Défaillance primaire greffon 2 6,8 21 1 139 1 Décès à 11 mois post-greffe de complications de son encéphalopathie 3 6,5 15,3 1 31 0 Fonte purulente cœur, médiastinite 10 16 45 1 16 0 Mort cérébrale (préimplantation probable), AVC massif 11 7,5 25 1 0,2 0 Hémorragie massive 12 0,8 8.6 1 31 0 Décès à 4 mois post-sevrage, mort subite à domicile 13 5,1 20 1 104 0 Accident vasculaire cérébral massif à J109 sous BHE 14 2,3 11 0 30 0 Accident vasculaire cérébral massif à J35 sous BHE   Tableau 4. Tableau des traitements et prise en charge des patients sous BHE. Patient Date de début (J) Durée d’intubation (h) Oxygénateur Hémodialyse HNF Dipyri-damole Acétylsalicylate de DL-lysine Anti-vitamine K Nutrition parentérale Nutrition entérale 1 1 2 3 7 14 240 2 1 12 1 44 2160 3 1 - - 3 23 + 4 1 11 3 10 0 4 96 5 1 13 12 1 6 1056 6 1 2 5 14 1 7 1200 7 1 2 2 3 3 120 8 1 2 4 6 2 5 192 9 1 3 5 5 2 192 10 1 2 1 + + 11 - - - - - - - 12 1 2 5 23 1 8 384 13 1 2 35 27 4 2 768 + + 14 1 2 17 7 1 2 4 15 1 2 2 9 1 2 14 16 1 2 - 3 3 5 9     3.2. Mortalité Parmi ces 16 enfants appareillés, dont le devenir est résumé dans la figure 1 et les tableaux 2 et 2bis, le taux de survie hospitalier dans notre cohorte était de 75 %. Deux patients supplémentaires sont décédés après la transplantation cardiaque (un en réanimation et un à distance d’une complication de son encéphalopathie, figure 1). Les causes de décès sous BHE étaient le saignement, l’accident vasculaire cérébral hémorragique et l’infection. La seule patiente sevrée de l’assistance après récupération est décédée subitement 4 mois après le sevrage [figure 1, tableau 3bis]. Le suivi des survivants de notre cohorte est en moyenne de 41 mois [SD : 24-58] à la date du 31 décembre 2016 avec des extrêmes allant de 7 à 68 mois. Le taux de survie lors du suivi à moyen terme est de 62,5 %. Notre cohorte comprend deux périodes particulièrement à risque de décès. La première est précoce : la première semaine postimplantation, où le risque est essentiellement hémorragique. La seconde période est plus à distance et le risque majeur est thromboembolique, dont les AVC, souvent massifs et létaux. La figure 2 illustre l’évolution et le devenir au cours du temps des patients implantés. La figure 3 quant à elle compare le devenir des patients sous assistance par BHE à celui des patients transplantés cardiaques.   [caption id="attachment_3971" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Nombre de patients sous assistance ventriculaire (VAD), de patients ayant bénéficié d’une transplantation cardiaque orthotopique (OCT), de patients décédés sous assistance et de patients sevrés avec succès.[/caption]   [caption id="attachment_3972" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Estimation de la survie sous assistance (gauche) et après transplantation cardiaque postassistance par BHE (droite).[/caption]   En date du 31 décembre 2016, la totalité des patients sont suivis et en bon état général, sans anomalie cardiaque détectée au niveau clinique ou échographique.   3.3. Complications Si on compare les complications hémorragiques précoces (< 7 jours) entre patients atteints de cardiopathies congénitales (n = 2/3) ou de cardiomyopathies (n = 4/13), on ne retrouve pas de différence significative entre les 2 groupes. Les complications et interventions spécifiques à chaque patient sont résumées dans le tableau 5. À noter que 4 patients ont nécessité une dialyse et 3 un oxygénateur (la totalité de ces patients sont décédés). Dans notre série, on retrouve un montage de Fontan assisté en mono-VAD et transplanté avec succès. Les 2 causes principales de complications sous BH étaient l’infection (13/16 patients) et les troubles de la coagulation, thromboemboliques ou hémorragiques (14/16 patients).   Tableau 5. Principales complications rencontrées chez les patients sous Berlin Heart Excor. Patient Hémodynamique Infectieux Hémorragique Thrombotique 1 Décaillotage J5 2 Hémoculture, canule et cathéter : Staphylocoque coagulase négative  (SCN) et Stenotrophomonas maltophilia J10 Saignement majeur Décaillotage J8 3 TRALI et TACO (Transfusion-Related Acute Lung Injury et Transfusion Associated Circulatory Overload) SCN Médiastinite dépassée Transfusions massives 4 Streptococcus pneumoniae bronches J1 5 J24: colonisation E. coli BLSE rectum J0 : S. pneumoniae bronches J40 : Neisseria gonorrhoeae bronches J47 : S. Aureus cathéter central jugulaire droit 6 Œdème aigu pulmonaire (OAP) à J18 et J34 J3 : Pseudomonas aeruginosa et Candida albicans bronches. J18 : Pneumopathie (PNP) P. aeruginosa Hématurie Aspiration bronchiques sanglantes AVC ischémique 7 Tachycardie ectopique dès J3 Fibrillation ventriculaire (FV) itérative avec choc électrique externe (CEE) (AVC J5) Amiodarone de J0 à J61 Portage S. pneumoniae trachée traité Sepsis SCN J9 J34: P. aeruginosa KTC et S. aureus canules J5 : AVC (déficit G) évolution favorable J21 : changement VD J51 : changement des 2 ventricules 8 TV et FV jusqu’à J6 ECMO post-greffe PNP C. albicans pré-BHE (21j antifongiques) Thrombus canule entrée VG : thrombolyse => hémorragie drains 9 J7 : Écoulement pus cicatrice (Staphylocoque epidermidis) : ATB et reprise J9 J16 : collection sous-diaphragmatique G : reprise PNP : reintubé J22-27 2 reprises pour hémorragie 10 FV d'emblée E. coli urines pré-BH C. albicans J13 urines AVC 11 BAV complet Hémorragie massive Suspicion allergie HNF per-ECMO 12 J2 réouverture pour changement canules Sang selles J0 13 Tachycardie : propanolol Hémoculture : SCN J10 arrivée Fonte purulente médiastin AVC hémorragique 1 vomissement sanglant 1 épistaxis Hématomes aux points de perfusion 14 S. aureus bronches AVC hémorragique EP à J30 : DC 15 Amiodarone J0 à 20 E. faecalis liquide péricardique et drain 16 Tamponnade Reprise pour tamponnade J3     Patient Neurologique Berlin Heart 1 Caillot 2 Décaillotage 5 Refus parole et alimentation 6 Micro-emboles cérébrales sans séquelles Clonies gauches: AVC ischémique frontopariétal droit avec parésie bras gauche EEG normal Scanners de contrôle J35 et 55 : légère dilatation ventriculaire isolée 7 J5 (toujours FV) : trouble vigilance, Scanner J6 : AVC confirmé Déficit G, EEG normal Récupération complète 3 changements V pour dépôt (dépôts à partir J2) 8 Dépôts des J2 : thrombus canule aspiration VG 10 AVC 11 AVC 12 Repositionnement canules J2 13 AVC J58 : léger dépôt canule D (9) J90 : ombre noire pompe G : changement canule G J91 : erreur mesure pression: changement console 14 Hémorragie parenchymateuse D, effet masse Dépôt entrée VD J5 et J12 : VD++ et VG sur valve sortie 15 1er dépôt J5 16 Micro dépôt fibrine sortie VAD droit Changement console pour défaut batterie     3.4. Taille des ventricules implantés Comme le montre le tableau 6, 9 des 16 patients (56 %) ont été appareillés avec au moins un VAD de taille inadaptée (trop petit ou trop grand pour le gabarit de l’enfant). Parmi eux, 4/9 (44 %) ont présenté une complication thromboembolique contre 0/7 chez les patients ayant un VAD de taille adaptée. Même si cette différence n’est pas statistiquement significative, cette tendance dans notre cohorte de taille modeste est à prendre en compte.   Tableau 6. Taille des ventricules en fonction de la surface cutanée des patients. Patients Volume d’au moins 1 des pompes Décès AVC TE 1 Trop petit 0 0 0 2 Adapté  0 0 0 3 Adapté  1 1 0 4 Trop petit 1 1 0 5 Trop large  0 0 0 6 Trop petit   1 0 0 7 Adapté  1 1 0 8 Adapté  1 0 0 9 Adapté 1 1 0 10 Trop large  0 1 1 11 Trop petit  0 1 1 12 Adapté 0 0 0 13 Trop petit  0 0 0 14 Adapté  1 0 0 15 Trop petit   0 1 1 16 Trop large 1 0 1 < 30 mL/m2 : trop petit ; 30-50  mL/m2 : adapté ; > 50 mL/m2 : trop large Survenue (1) ou non (0) des évènements indésirables décès ; AVC : accidents vasculaires cérébraux (AVC) ; TE : thromboemboliques.   3.5. Cas particuliers   3.5.1. Montage de Fontan défaillant Le patient 8 est le seul patient de notre cohorte qui était porteur d’un ventricule unique avec un montage de type Fontan défaillant (ventricule unique [VU] à double entrée de morphologie droite). Dans les suites d’une réintervention pour plastie des valves auriculoventriculaires (VAV), principalement la droite pour fuite massive, 6 ans et demi ans après la dérivation cavopulmonaire totale (DCPT), la fonction du ventricule droit (VD) s’était dégradée massivement avec aggravation de la fuite cette fois-ci gauche. Il a été repris à J6 de la chirurgie pour plastie de la VAV et de l’anneau gauche. L’évolution a été compliquée d’une endocardite à Staphylocoque aureus, et l’enfant sera réopéré pour remplacement des deux VAV par bioprothèse. Devant la persistance d’une dysfonction ventriculaire sévère, il a été placé sous assistance monoventriculaire systémique (BHE) 5 semaines après la première plastie valvulaire. L’évolution a été marquée initialement par un thrombus au niveau de la canule d’aspiration traitée par thrombolyse et d’une pneumopathie à Candida albicans. L’enfant a pu être transplanté à J36 avec mise en place d’une ECMO en postopératoire immédiat pour défaillance de greffon et hémorragie massive avec une très bonne récupération par la suite. Il est à ce jour asymptomatique.   3.5.2. Suppléance d’autres organes Trois patients ont nécessité une hémodialyse durant la période d’assistance par BHE dont 2 ont également nécessité la mise en place d’un oxygénateur sur le circuit. Ces 3 patients sont décédés sous BHE.   4. Discussion 4.1. Indication de l’implantation et moment de l’implantation Le choix du meilleur moment pour implanter le BHE reste encore difficile. Dans notre série, la décision de mise en place d’un BHE a toujours été concomitante d’une indication de transplantation cardiaque. La majorité des patients (69 %) ont été implantés en relais de l’ECMO, cette dernière ayant dû être posée en urgence. En ce qui concerne les assistances de type ECMO, les différentes études recommandent une mise en place la plus rapide possible, quel que soit l’âge et la pathologie y compris lors d’arrêt cardiorespiratoire (ACR). Par ailleurs l’âge, le poids, le sexe, le pH, le site de canulation, la nécessité d’hémofiltration et l’extubation rapide ne sont pas des facteurs prédictifs de mortalité lors de mise en place d’ECMO. En revanche, une augmentation des lactates, une physiologie circulatoire non biventriculaire et une insuffisance rénale aiguë sont prédictives de mortalité. La mise en place d’une ECMO avant le BHE n’entraîne pas plus d’évènements neurologiques que la pose du BHE d’emblée [8]. Dans notre série, l’insuffisance rénale aiguë est également de très mauvais pronostic après pose de BHE, puisque tous les patients dialysés sont décédés. Concernant l’utilisation d’assistance périopératoire, toutes les études concordent pour affirmer qu’il n’y a pas de différence de morbimortalité post-greffe pour les enfants placés en prétransplantation sous assistance circulatoire de type ECMO ou VAD d’emblée [9], mais la mise en place d’une ECMO pré-VAD augmente la mortalité [10] du fait des conditions d’implantation parfois mauvaises (arrêt cardiaque), mais surtout de la présence d’anticoagulant rendant la pose du BHE à haut risque hémorragique. Dans notre cohorte, certains patients ont été mis initialement en ECMO du fait du délai plus long de la mise en place d’un BHE. Ceci n’a pas été démontré dans notre série mais le facteur limitant reste le faible nombre de patients. De plus les enfants en attente de greffe sont facilement placés sous VAD devant des délais d’attente longs et la meilleure physiologie obtenue. Depuis quelques années seulement, l’enfant de petit poids peut avoir accès à tous les types d’assistance circulatoire mécanique grâce au développement de ventricules extracorporels de taille adaptée. Cependant, en urgence, l’ECMO reste de réalisation plus facile et plus rapide. Une fois l’assistance débutée se pose la question de la durée de celle-ci. La plupart des études s’accordent à dire qu’il faut installer des systèmes VAD pour des assistances prolongées, de plus de 7 jours. Pour les ECMO, les durées d’assistance moyennes sont selon les études entre 3 et 7 jours. Les dispositifs d’assistance de type VAD sont implantés pour des durées plus longues, entre 20 et 44 jours selon les séries. Les VAD assurent une meilleure hémodynamique avec un flux pulsatile, une bonne décharge ventriculaire, moins d’hémolyse et cytolyse et moins de complications hémorragiques que les ECMO. Enfin, notre centre, avec des premières implantations datant d’il y a 10 ans, a majoritairement implanté en biventriculaire, en accord avec BH : on retrouve dans notre cohorte une majorité de défaillances cardiaques terminales sévères et bilatérales. Seuls les cœurs de physiologie univentriculaire et un patient de défaillance gauche isolée ont reçu un mono-VAD.   4.2. Survie Dans notre cohorte pédiatrique, la survie globale est de 62,5 %. Une autre série récente de 2015, celle de Sandica [21], rapporte un excellent taux de survie avec 90 % d’évolution favorable, par greffe ou récupération. La série anglaise de Cassidy en 2013 [12] retrouve un taux global de survie de 81 % sur une cohorte de 102 enfants. La série allemande de Miera publiée en 2014 [7] retrouve un taux de survie plus bas de 69 %, proche de celui de notre cohorte, avec une tendance à la diminution chez les patients de faible surface cutanée et plus jeune (p = 0,078). La série australienne de 2015 [10] porte sur une expérience de 15 ans d’implantation des VAD. Il s’agit d’une série de 64 assistances ventriculaires dont 11 (17 %) de BHE. Cette série a permis elle aussi de mettre en évidence une augmentation de la mortalité chez les patients ayant été mis sous ECMO avant l’implantation de l’assistance ventriculaire. La série décrit 27 % d’AVC, 14 % de changement d’assistance ventriculaire pour thrombose du ventricule pneumatique et 6 patients sur 64 explantés pour récupération de leur fonction ventriculaire. La survie à 5 ans dans cette cohorte est de 69 % et 61 % à 10 ans avec une survie excellente des patients ayant été greffés post-VAD à 91 %, l’essentiel de la mortalité étant survenue pendant la période d’assistance elle-même. Ainsi les résultats obtenus dans notre série sont comparables aux résultats des centres précédemment décrits.   4.3. Complications Les complications sont particulièrement fréquentes sous assistance. On retrouve le plus souvent des complications hémorragiques nécessitant la plupart du temps une hémostase chirurgicale [10]. Ceci est également responsable de transfusions massives fréquentes. L’autre risque majeur est le risque thromboembolique, surtout lors des premiers jours post-VAD chez l’enfant, du fait du lavage insuffisant des pompes à chaque systole. Cependant, ce risque reste réel malgré l’adaptation du matériel et est lié au maniement des anticoagulants. Ces 2 types de complications sont aussi responsables d’effets secondaires neurologiques de fréquence très variable selon les séries, surtout chez les adolescents, et menant parfois au décès. Concernant les complications neurologiques, Jordan [12] dénombre en 2015, sur une série américaine portant sur 204 cas de Berlin Heart dans 47 centres, la survenue de 73 problèmes neurologiques chez 59 patients, soit 29 % de la cohorte. La majorité survient avant J14 et la mortalité de ces patients est de 42 % contre 18 % pour le reste de la cohorte (il s’agit de la principale cause de mortalité relevée). Dans notre série, le taux de complications neurologiques est de 38 %, avec une mortalité de 18 %, malgré l’application systématique du protocole d’Edmonton.  Ce protocole détaille la séquence de mise en place des anticoagulants et anti-agrégants (héparine, puis dipyridamole, aspirine et AVK) en fonction de l’âge de l’enfant (plus ou moins 1 an) et de sa clinique. Malgré l’application systématique dans notre série du protocole d’Edmonton, le taux de complications thromboemboliques reste très important. Il en est de même dans d’autres grands centres nord-américains qui de ce fait ont modifié leurs protocoles de prise en charge des VAD, avec une prise en charge plus personnalisée comprenant une anti-agrégation et une anticoagulation plus agressive [13,14]. Cela renforce la nécessité d’un travail multicentrique de réévaluation des pratiques et d’adaptation de ce protocole, qui est actuellement en cours. Une autre classe de complications fréquemment décrite est celle des infections [11]. Sont décrites des pneumopathies dues à la ventilation mécanique prolongée et des médiastinites. Les autres complications sont l’insuffisance rénale sur bas débit ou/et secondaire à la lyse cellulaire et des décès par défaillance multiviscérale et décanulation accidentelle.   4.4. Facteur de risque de complication Les différentes séries rapportent plusieurs principaux facteurs de risque de complications. La série américaine de Zafar en 2015 [15] met en évidence 3 facteurs de mauvais pronostic concernant les patients sous assistance biventriculaire : l’insuffisance rénale, l’utilisation de pompes de 10 ml et la réalisation par un centre ayant eu moins de 5 cas au total. De Rita [16] souligne que les principaux facteurs de risque d’évolution défavorable sont un poids en dessous de 10 kg et la succession du nombre de modes d’assistance. Ainsi, la série de Conway en 2015 [17], portant sur des patients de moins de 10 kg bénéficiant d’une assistance par BHE, montre un taux de survie beaucoup plus bas de 57 %, avec comme facteurs de risque principaux de mortalité le fait que l’enfant soit porteur d’une cardiopathie congénitale et présente un taux de bilirubine augmenté. La série allemande de Miera publiée en 2014 retrouve également un taux de survie plus bas chez les patients implantés de moins de 10 kg [7]. Outre les facteurs de risque cliniques ou biologiques de mortalité, cette équipe s’est intéressée sur une cohorte de 80 enfants (âge moyen 2,2 ans, surface corporelle 0,5m²) à la relation entre la survie et la taille des pompes ventriculaires. En effet une taille de pompe inadaptée entraîne plus de complications, particulièrement en cas de ventricules surdimensionnés par augmentation du risque thromboembolique. Cela a également été bien montré par Cassidy et Sandica [11-21]. Nous avons également retrouvé une tendance importante à l’augmentation du nombre de complications principalement thromboemboliques en cas de présence d’au moins une pompe de taille inadaptée dans notre série (44 % vs 0 %, p = ns), même si, du fait du faible nombre de patients, la différence n’est pas statistiquement significative. Miera détermine une taille de ventricule adéquate entre 30 et 50 ml/m² [12,17]. Il est à noter que Berlin Heart a de ce fait produit depuis des ventricules de taille intermédiaire (15 ml) pour les jeunes enfants afin de limiter ces complications [18]. La série anglaise de Cassidy en 2013 [11] souligne également que les petits enfants de moins de 20 kg sont assistés plus longtemps. De plus, le pronostic des patients atteints de cardiopathie congénitale et assistés demeure moins bon que celui des cardiomyopathies, différence non retrouvée dans notre série de patients, comportant seulement 3 patients porteurs d’une cardiopathie congénitale dont 1 décédé pour 5 décès sur 13 cardiomyopathies (p = ns).   4.5. Suivi et devenir des patients sous Berlin Heart Nous avons dans notre série un cas de ventricule unique assisté par BHE : défaillance du montage de type Fontan par fuite des valves auriculoventriculaires. Ce cas fait partie des rares cas décrits [19] de « Failing Fontan » assistés puis greffés avec succès, en l’occurrence ici en mono-VAD de fonction systémique. Par ailleurs, concernant l’utilisation du levosimendan dans notre service, 6 des patients ont reçu une cure préalable sans modification de leur évolution. L’expérience générale de notre centre concernant son utilisation n’a pas modifié notre fréquence et notre type de population d’implantation. Cela est également dû au profil de notre centre, de référence mais aussi de dernier recours, les patients arrivant en défaillance terminale, stade pour lequel le levosimendan à le moins de bénéfices prouvés. Une autre stratégie pouvant être discutée est le recours aux systèmes d’assistance ventriculaires « temporaires » dits de moyenne durée. Des publications récentes rapportent leur supériorité à l’ECMO dans certains cas, notamment pour des utilisations de 15 jours en moyenne. Cependant ces systèmes sont pour le moment plus comparés aux ECMO, pour des enfants plutôt grands, ayant des défaillances aiguës et modérées à sévères [20]. En effet, ces systèmes gardent comme inconvénients d’être temporaires, de débit continu et de provoquer une hémolyse importante (comme pour l’Impella [Abiomed Inc, Danvers, Massasuchetts, Etats-Unis], non disponible pour l’enfant, mais pouvant parfois être utilisé en plus d’un autre système d’assistance au titre de décharge gauche chez l’adolescent ou adulte). Même s’ils sont prometteurs, ils ne sont pas encore pour le moment utilisés dans notre centre. Par ailleurs, il est à noter que tous les enfants de notre cohorte greffés sous BHE et rentrés à domicile ont actuellement une fonction cardiaque normale. Pour le moment, le suivi est relativement court (41 mois [SD 24-58]), ainsi il est encore nécessaire d’avoir plus de recul, notamment pour comparer ce taux de survie avec celui des patients transplantés à long terme qui est de 50 % à 15 ans. Enfin, un des derniers challenges est d’optimiser l’autonomisation de ces patients afin de pouvoir envisager à terme un transfert dans les services d’hospitalisation, voire un retour à domicile en attente du greffon.   5. Conclusion Le Berlin Heart Excor® est un système d’assistance efficace, qui, utilisé en attente de transplantation cardiaque, permet à un patient autonomisé d’attendre un greffon dans des conditions cliniques et psychologiques plus favorables. Le nombre de complications et d’évènements indésirables reste cependant important. Les principales complications restent les évènements hémorragiques ou thromboemboliques et les infections. Le protocole d’anticoagulation d’Edmonton reste encore appliqué mais ne paraît plus être adapté à la totalité des patients. Les risques, notamment hémorragiques, semblent différents entre les patients chroniques avec troubles de l’hémostase et les patients aigus sans antécédents, de même qu’entre les patients implantés d’emblée et ceux ayant eu une ECMO au préalable. Ainsi un groupe de travail Berlin Heart a été mis en place dans notre institution, et une cohorte prospective test est en cours afin de mieux cibler besoins et difficultés pour réadapter ce protocole.   Références Suominen P, Mattila N, Nyblom O, Rautiainen P, Turanlahti M, Rahkonen O. The Hemodynamic Effects and Safety of Repetitive Levosimendan Infusions on Children With Dilated Cardiomyopathy. World J Pediatr Congenit Heart Surg 2017 Jan;8(1):25-31. https://doi.org/10.1177/2150135116674466 Paden ML, Conrad SA, Rycus PT, Thiagarajan RR; ELSO Registry. Extracorporeal Life Support Organization Registry Report 2012. ASAIO J 2013 May-Jun;59(3):202-10. https://doi.org/10.1097/MAT.0b013e3182904a52 Almond CS, Morales DL, Blackstone EH et al. 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mai 17, 2018