Chirurgie thoracique · Vol. 22 Juin 2018

L’endométriose thoracique : une expérience à propos de 27 cas opérés

Raphaël Ouede1*, Blaise Demine1, Maurice Kouacou1, Landry Kohou-Kone2, Joseph Kouame2, Édouard N’Guessan3, B. Ahui4, Ngoran Koffi4, Flavien Kendja1, Simplice Anongba3, Yves Tanauh1 Service de chirurgie thoracique, institut de cardiologie, Abidjan, Côte d’Ivoire. Service d’anesthésie et de réanimation, institut de cardiologie, Abidjan, Côte d’Ivoire. Service de gynécologie, centre hospitalier et universitaire, Treichville, Côte d’Ivoire. Service de pneumologie, centre hospitalier et universitaire, Cocody, Côte d’Ivoire. * Correspondance : oued70raphael@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV22-2-OUE Citation : Ouede R, Demine B, Kouacou M, Kohou-Kone L, Kouame J, N'Guessan E, Ahui B, Koffi N, Kendja F, Anongba S, Tanauh Y. L’endométriose thoracique : une expérience à propos de 27 cas opérés. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(2). doi: 10.24399/JCTCV22-2-OUE Résumé Objectif : rapporter notre expérience de la prise en charge chirurgicale de l’endométriose thoracique en décrivant  notre approche diagnostique, thérapeutique et les résultats obtenus. Patients et méthodes : il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique sur 22 ans concernant 27 patientes âgées en moyenne de 32 ans (19 à 49 ans) opérées pour une endométriose thoracique reparties en 2 groupes en fonction de l’attitude chirurgicale. Le groupe 1, de janvier 1994 à juin 2006, comprenait 6 patientes et le groupe 2 de juillet 2006 à décembre 2016, comprenait 21 patientes. Les paramètres cliniques, paracliniques, thérapeutiques et évolutifs ont été étudiés. Résultats : dans le groupe 1, 5 patientes présentaient un pneumothorax cataménial et une avait un hémothorax cataménial. Dans le groupe 2, il y avait 13 cas de pneumothorax cataménial, 7 cas d’hémothorax cataménial et un cas avec pseudotumeur pulmonaire hémoptoïsante. Toutes les patientes, sauf celle qui avait la pseudotumeur pulmonaire, étaient nullipares avec des antécédents de dysménorrhée et 6 avaient une endométriose pelvienne confirmée. Vingt-deux  patientes étaient au moins à leur troisième récidive. La radiographie standard du thorax a été systématique, complétée par un  scanner thoracique dans 12 cas. Les lésions étaient droites (n = 24), bilatérales (n = 2). La pseudotumeur siégeait dans le lobe supérieur gauche. L’exploration chirurgicale dans le groupe 1 a été faite par minithoracotomie dans tous les cas, dont 5 fois pendant la période des menstrues, tandis que dans le groupe 2 la chirurgie a été faite par minithoracotomie (n = 19) et vidéothoracoscopie (n = 2) pendant les menstrues. Des plaques d’endométriose diaphragmatique ont été observées dans 22 cas et des blebs dans 6 cas. Les gestes chirurgicaux ont consisté dans le groupe 1 en une résection-suture des plaques d’endométriose dans les 6 cas, complétée par une résection-suture des blebs dans 4 cas et une pleurodèse par abrasion. Dans le groupe 2, il a été réalisé une phrénoplastie de recouvrement des fenestrations diaphragmatiques 16 fois, associée à une résection-suture des blebs 2 fois, une pleurodèse par abrasion (n = 2) ou par talcage (n = 19). Une lobectomie supérieure gauche a été faite pour la pseudotumeur, les lésions bilatérales ont été opérées avec 7 mois d’intervalle en moyenne. L’endométriose a été confirmée à l’examen anatomopathologique 14 fois, pour les autres cas le diagnostic a été retenu sur la base des antécédents gynécologiques, la coïncidence des signes cliniques avec les menstrues, la découverte peropératoire des plaques d’endométriose. Une hormonothérapie complémentaire de 6 mois (triptoréline) a été prescrite. L’évolution a été bonne chez 19 patientes. Cinq récidives (3 dans le groupe 1 et 2 dans le groupe 2) ont été notées. Les 3 premières ont été reprises. La mortalité était nulle dans les 2 groupes. Conclusion : la chirurgie, réalisée à la phase des menstruations, par recouvrement prothétique des fenestrations diaphragmatiques et symphyse pleurale au talc, associée à une hormonothérapie suppressive immédiate, a permis d’obtenir un faible taux de récidive, un meilleur confort et une mortalité nulle.   Abstract Thoracic Endometriosis: Our Experience of Operating on 27 Cases Objective: To report our experience in the surgical management of thoracic endometriosis, describing our diagnostic and therapeutic approach and the results obtained. Patients and methods: This was a monocentric, 22-year retrospective study of 27 patients with an average age of 32 years (range 19 to 49 years) who were operated on for thoracic endometriosis. These patients were divided into 2 groups according to the surgical approach taken. Group 1, from January 1994 to June 2006, consisted of 6 patients and Group 2, from July 2006 to December 2016, consisted of 21 patients. Clinical, para-clinical, therapeutic and evolutionary parameters were studied Results: In Group 1, 5 patients had catamenial pneumothorax and 1 had catamenial hemothorax. In Group 2, there were 13 cases of catamenial pneumothorax, 7 cases of catamenial hemothorax and 1 case with a hemoptysic pulmonary pseudotumor. All patients except one (presenting with the pulmonary pseudotumor) were nulliparous with a history of dysmenorrhea. Twenty-two patients were suffering at least their third recurrence and six of them had confirmed pelvic endometriosis. The standard radiograph of the thorax was systematic. A thoracic CT scan was performed in 12 cases. Lesions were right (n = 24) or bilateral (n = 2). The pseudotumor sat in the upper left lobe. Surgical exploration in Group 1 was performed by mini thoracotomy in all cases, including 5 times during menstruation, while in Group 2 the surgery was performed by mini thoracotomy (n = 19) and videothoracoscopy (n = 2) during menstruation. Diaphragmatic endometriosis plaques were observed in 22 cases and blebs in 6 cases. The surgical procedures in Group 1 consisted of a resection-suture of the plaques of endometriosis in 6 cases, completed by a resection-suture of the blebs in 4 cases, and a pleurodesis by abrasion. In Group 2, a phrenoplasty of diaphragmatic fenestration was performed 16 times, associated in two cases with resection of the blebs, and pleurodesis by abrasion (n = 2) or talcage (n = 19). An upper left lobectomy was performed in the case of the pseudotumor, bilateral lesions were performed at an average of 7 month intervals. Endometriosis was confirmed on pathologic examination 14 times, in other cases the diagnosis was based on gynecological history, the coincidence of the clinical signs with the menses, or the peroperative discovery of endometriosis plaques. A 6-month complementary hormone therapy (triptoreline) was prescribed. The outcome was good in 19 patients. Five recurrences (3 in Group 1 and 2 in Group 2) were noted. The first three were resumed. Mortality was nil in both groups. Conclusion: The surgery, by overlapping diaphragmatic fenestrations and pleurodesis, when performed during menstruation and in combination with immediate suppressive hormone therapy, resulted in a low rate of recurrence, better comfort and nil mortality.   1. INTRODUCTION L’endométriose se caractérise par le développement du tissu endométrial normal en dehors de la cavité utérine [1,2]. Quelle que soit sa localisation, le tissu endométrial garde les mêmes propriétés que l’endomètre intra-utérin, il va donc subir les mêmes modifications cycliques mensuelles en réponse aux stimuli hormonaux [1-4]. Les localisations thoraciques les plus fréquentes sont : la plèvre, le parenchyme pulmonaire et l’arbre trachéobronchique [2-6]. La présence de tissu endométrial dans le thorax et les modifications cycliques qui en résultent vont entraîner des manifestations cliniques et radiologiques désignées sous le thème de syndrome d’endométriose thoracique [2-4]. Ce syndrome regroupe quatre entités cliniques bien reconnues : le pneumothorax (73 % des cas), l’hémothorax (14 % des cas), l’hémoptysie (7 % des cas) et le nodule (6 % des cas). Leurs points communs sont d’une part la répétition des symptômes lors des règles et d’autre part leur fréquente association à une endométriose pelvienne et à une infertilité [3,4,6]. Le traitement de l’endométriose thoracique est médical et chirurgical [2-4]. Le but de cette étude était de rapporter notre expérience de la prise en charge chirurgicale de l’endométriose thoracique en décrivant  notre approche diagnostique, thérapeutique et les résultats obtenus.   2. PATIENTS ET MÉTHODES Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique sur 22 ans, allant de janvier 1994 à décembre 2016 concernant 27 patientes âgées en moyenne de 32,8 ans (19 à 49 ans), opérées pour une endométriose thoracique. Le tableau clinique se composait de pneumothorax (n = 18, soit 66,67 %), d’hémothorax (n = 8, soit 29,62 %) et de pseudotumeur pulmonaire (n = 1, soit 3,70 %). Ces patientes étaient réparties en 2 groupes en fonction de notre attitude chirurgicale vis-à-vis des lésions diaphragmatiques. Le groupe 1, de janvier 1994 à juin 2006, comprenait les 6 patientes opérées avant l’introduction de la prothèse diaphragmatique dans notre arsenal thérapeutique et le groupe 2, de juillet 2006 à décembre 2016, comprenait 21 patientes opérées après. Les paramètres cliniques, paracliniques, thérapeutiques et évolutifs ont été étudiés.   3. RÉSULTATS Dans le groupe 1, 5 patientes présentaient un pneumothorax cataménial et une avait un hémothorax cataménial. Le groupe 2 comportait  13 cas de pneumothorax cataménial, 7 cas d’hémothorax cataménial et un cas de pseudotumeur pulmonaire avec hémoptysie cataméniale. Ces patientes avaient toutes des antécédents de dysménorrhée et de nulliparité sauf celle qui avait la pseudotumeur, 6 patientes avaient une endométriose pelvienne confirmée [tableau 1].   Tableau 1. Les antécédents retrouvés chez les patientes opérées d’endométriose thoracique Nature des antécédents Effectif Pourcentage (%) Thoracique Douleur thoracique cataméniale 18 66,67 – pseudo asthme cataménial 4 14,81 Gynécologique – Multipare (G10P10/pseudotumeur) 1 3,7  – Nullipare 26  96,30 – Dysménorrhée 26 96,30 – Interruption volontaire de grossesse  2 7,41  – Kystectomie ovarienne  2  7,41 – Insufflation tubaire 2 7,41 – Endométriose pelvienne 6 22,22 – Myomectomie 1 3,7 Autres – Appendicectomie 1 3,7 – Cure herniaire ombilicale 2 7,41 – Thyroïdectomie 1 3,7 – Amygdalectomie 1 3,7   À l’admission, 4 patientes étaient à leur premier épisode et  23 à leur troisième récidive au moins, celle qui avait la pseudotumeur pulmonaire avait une aménorrhée non gravidique, mais elle présentait une hémoptysie minime à ses périodes prévues de menstrues. Le cas de la pseudotumeur pulmonaire et 3 cas d’hémothorax  avaient été traités initialement comme une tuberculose pendant 5 mois sans succès. Le liquide pleural dans l’hémothorax était exsudatif stérile avec de nombreuses hématies, une hyper-lymphocytose (dans 3 cas) sans cellule endométriale, l’hémothorax était associé à une ascite hémorragique (4 cas) et à des hémoptysies (1 cas). En plus de la radiographie standard systématique du thorax, le scanner thoracique réalisé 12 fois (dont 3 dans le groupe 1) a confirmé l’épanchement pleural et la pseudotumeur et a objectivé des blebs (6 fois) et une pachypleurite (5 fois). L’atteinte était bilatérale (n = 2), droite (n = 23) et gauche (la pseudotumeur pulmonaire). Une échographie thoracoabdominale dans 3 cas d’hémothorax et une fibroscopie bronchique dans les 2 cas d’hémoptysie n’ont pas objectivé de plaque d’endométriose. L’indication opératoire a été posée devant le caractère récidivant et/ou cataménial des symptômes et les antécédents gynécologiques. Un drainage (4 fois) et une ponction pleuraux (2 fois) ont été nécessaires en préopératoire pour des épanchements dyspnéisants. L’exploration chirurgicale dans le groupe 1 a été faite par minithoracotomie dans tous les cas, dont 5 fois pendant la période des menstrues, tandis que dans le groupe 2 elle a été faite par minithoracotomie (n = 19) et vidéothoracoscopie (n = 2) pendant les menstrues (sauf le cas de la pseudotumeur). Des plaques d’endométriose diaphragmatique ont été observées dans 22 cas [figure 1] et des blebs dans 6 cas.   [caption id="attachment_4052" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Image peropératoire des fenestrations diaphragmatiques dans un de nos cas de pneumothorax cataménial.[/caption]   Les gestes chirurgicaux ont consisté dans le groupe 1 en une résection-suture des plaques d’endométriose diaphragmatique dans les 6 cas complétée par une résection-suture des blebs dans 4 cas et une pleurodèse par abrasion. Dans le groupe 2, il a été réalisé une lobectomie supérieure gauche (la pseudotumeur), une phrénoplastie de recouvrement des fenestrations diaphragmatiques 16 fois [figure 2] associée à une résection-suture des blebs 2 fois, une pleurodèse par abrasion (n = 2) ou par talcage (n = 18).   [caption id="attachment_4053" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Image peropératoire d’une phrénoplastie à la prothèse synthétique dans un de nos cas de pneumothorax cataménial.[/caption]   Les côtés gauches des lésions bilatérales ont été opérés avec 7 et 9 mois d’intervalle et aucune lésion n’a été retrouvée, une pleurodèse par abrasion et par talcage a été effectuée. Le séjour hospitalier postopératoire moyen était de 9,32 jours (6 à 27 jours). L’endométriose a été confirmée à l’examen anatomopathologique 14 fois (le cas du nodule pulmonaire, 3 cas d’hémothorax et 10 cas de pneumothorax), il s’agissait en microscopie de glande de type endométrial entourée de chorion cytogène (13 cas) ou non (1 cas). Dans les autres cas, le diagnostic a été retenu sur la base des antécédents gynécologiques, la coïncidence des signes cliniques avec les menstrues, la découverte peropératoire des plaques d’endométriose. Une hormonothérapie suppressive (tryptoréline) complémentaire de 6 mois a été prescrite en postopératoire après un avis gynécologique dans le groupe 1 et systématiquement dans le groupe 2. Elle a été effective chez 20 patientes dont 4 du groupe 1, 3 l’ont refusée pour des raisons financières et 4 patientes l’ont abandonnée à 4 mois à cause des effets secondaires. Deux patientes ont été perdues de vue à 3 mois et 5 mois. Après un suivi moyen de 2 ans (3 mois à 11 ans), l’évolution est bonne chez 19 patientes qui n’ont aucune gêne thoracique, 5 récidives dont 3 dans le groupe 1 ont été notées  à 1 semaine, 3 mois, 4 mois, 8 mois et 6 ans [tableau 2], une réintervention a été effectuée 3 fois. Trois patientes continuent de présenter des dyspnées cataméniales minimes sans récidive radiologique.  La mortalité était nulle dans les 2 groupes.   Tableau 2. Récapitulatif des caractéristiques cliniques thérapeutiques et évolutives des 27 patientes opérées d’endométriose thoracique   N0/ age (ans) Présentations cliniques Lésions observées Gestes réalisés Hormonothérapie Résultat anapath Durée de suivi (mois) Évolution G1 1/27 PNO PD R-S + abras Oui Négatif 16 Bonne 2/29 HémoTh PD + pachyP R-S + décor + abras Oui Glande + ch 3 PDV 3/24 PNO PD + blebs R-S + abras Refus Glande + ch 11 Bonne 4/25 PNO PD R-S + abras Refus Négatif 123 2 récidives 5/32 PNO PD + blebs R-S + abras Oui Glande + ch 6 Récidive 6/19 PNO Blebs R-S blebs + abras Oui Glande + ch 18 Bonne G2 7/31 PNO PD Plastie + abras Oui Négatif 26 Bonne 8/37 PNO PD Plastie + abras 4 mois Glande + ch 64 Récidive 9/49 Ptumeur Ptumeur Lobectomie SG Refus Glande + ch 17 Bonne 10/29 HémoTh PD Plastie + talc Oui Négatif 20 Bonne 11/25 PNO PD Plastie + talc Oui Glande + ch 9 Bonne 12/45 PNO PD Plastie + talc 4 mois Négatif 48 Dyspnée +/- 13/25 HémoTh PD Plastie + talc Oui Glande + ch 15 Bonne 14/41 Hémoth PD Plastie + talc Oui négatif 8 Bonne 15/36 PNO PD Plastie + talc Oui Glande + ch 16 Bonne 16/27 PNO PD + blebs Plastie + R-S blebs + talc Oui Négatif 15 Bonne 17/30 HémoTh PachyP Décor + talc 4 mois Glande 5 Récidive + PDV 18/36 Hémoth PD Plastie + talc Oui Négatif 16 Bonne 19/32 PNO PD Plastie + talc Oui Négatif 24 Bonne 20/37 PNO PD + pachyP Décor+ plastie + talc Oui Glande + ch 36 Dyspnée +/- 21/33 PNO blebs R-S blebs + talc 4 mois Glande + ch 8 Bonne 22/38 PNO PD Plastie + talc Oui Glande + ch 48 Dyspnée +/- 23/30 PNO PD Plastie +talc Oui Négatif 28 Bonne 24/34 HémoTh PD Plastie + talc Oui Négatif 22 Bonne 25/38 PNO PD Plastie + talc Oui Glande + ch 24 Bonne 26/44 PNO PD Plastie + talc Oui Négatif 16 Bonne 27/32 HémoTh Néant Talc Oui Négatif 8 Bonne G1 : groupe 1; G2 : groupe 2; PNO : pneumothorax; HémoTh : hémothorax ; PD : perforation diaphragmatique ; Ptumeur : pseudotumeur ; pachyP : pachypleurite ; R-S : resection-suture ; abras : abrasion ; Lobectomie SG : lobectomie supérieure gauche ; Talc : talcage ; décor : decortication ; PDV : perdue de vue ; plastie : plastie diaphragmatique de recouvrement ; Glande + ch : glande et chorion cytogène.   4. DISCUSSION L’endométriose est une affection bénigne chronique œstrogénodépendante décrite pour la première fois en 1860 par Von Rokitanski [1, 2]. Le premier cas d’endométriose thoracique a été décrit en 1953 par Barnes [7], plusieurs cas ont été décrits dans le monde [8] mais l’incidence actuelle reste imprécise faute d’étude multicentrique récente. En Afrique, seuls des cas isolés sont décrits [9,10], notre série en est la  plus importante à notre connaissance. Il s’agit d’une pathologie de la femme en âge de procréer et l’âge moyen de survenue est de 35 ans [2]. Le mécanisme pathogénique de l’endométriose thoracique accepte actuellement trois théories [1-6] : la théorie de la menstruation rétrograde ou le reflux tubaire de sang menstruel fait passer les cellules endométriales dans la cavité abdominale puis thoracique à travers les pores diaphragmatiques congénitales ou acquises, la théorie de la micro-embolisation et la théorie de la métaplasie de l’épithélium cœlomique. Des facteurs intrinsèques, génétiques, environnementaux, immunitaires et hormonaux assureraient la survie du tissu endométrial lors de sa migration, son adhésion et son développement au niveau du tissu hôte [3,4,6]. Le tissu endométrial thoracique provoquerait des  symptômes respiratoires selon divers mécanismes en réponse aux variations hormonales [2]. Les mécanismes évoqués pour le pneumothorax sont : la rupture spontanée des bulles, des blebs ou des alvéoles périphériques sous l’effet des prostaglandines F2 alpha, la destruction alvéolaire périphérique par l’implant endométriosique et le passage transdiaphragmatique d’air provenant du tractus génital.  Pour l’hémothorax et l’hémoptysie, selon Alifano [2], le saignement proviendrait directement des implants endométriosiques ou de l’érosion du tissu hôte créée par la destruction de ces implants. Mais certains de nos cas d’hémothorax (ceux qui étaient associés à une ascite) laissent suggérer aussi un passage transdiaphragmatique de liquide hémorragique d’origine péritonéal. Quant  au nodule, l’implant endométrial responsable est purement parenchymateux et circulaire formant d’abord une micropoche qui s’agrandit progressivement au fil des menstrues [2]. Le diagnostic de l’endométriose thoracique est difficile, il est évoqué devant l’histoire clinique, la relation entre les symptômes et les menstrues et l’amendement de ses symptômes sous hormonothérapie [11]. La radiographie thoracique, l’IRM couplée au scanner thoracique,  l’angiographie thoracique et la bronchoscopie (en cas d’hémoptysie) aident au diagnostic en cartographiant les lésions et peuvent guider la thoracoscopie et la thoracotomie exploratrice [12]. Pour augmenter leur sensibilité, ces examens ainsi que l’exploration chirurgicale doivent être réalisés pendant les menstrues où le tissu endométrial est le plus expressif [3,4,8,11]. Les analyses cytologique, anatomopathologique et immunohystochimique peuvent confirmer le diagnostic [13,14] mais, aussi bien dans notre étude que dans la littérature, le tissu endométrial n’est retrouvé que dans 30 à 50 % des cas d’exploration chirurgicale [4]. Sans être spécifique ni fiable, le marqueur tumoral CA 125 est souvent élevé dans l’endométriose thoracique, il doit être dosé en pré et postopératoire pour le suivi [15]. Le traitement médical est la première étape du traitement de l’endométriose thoracique, il vise le blocage de l’action des estrogènes sur l’endomètre et sur les implants ectopiques, pour cela, il utilise plusieurs molécules : les progestatifs et la contraception orale qui bloquent l’ovulation, le danazol et les analogues de la GnRH qui bloquent la fabrication des gonadotrophines. Le taux de récidive sous ce traitement médical seul atteint 50 % à 6 mois d’où l’intérêt d’un  traitement chirurgical [2,3]. Le traitement chirurgical consiste à réparer et renforcer le diaphragme et/ou réséquer les nodules ou les bulles, complété par une pleurodèse, ceci justifie la multiplicité des gestes chirurgicaux réalisés dans notre étude ainsi que dans la littérature [1-4,6,8,11,14,16]. La vidéothoracoscopie que nous avons pratiquée pour nos derniers cas est actuellement la technique chirurgicale de choix grâce à la vision directe des implants endométriosiques qu’elle offre, mais la chirurgie conventionnelle (thoracotomie ou minithoracotomie) garde encore sa place dans les phrénoplastie [1-4,6,8,11,14,16]. Concernant la résection des implants endométriosiques, si pour les bulles et les nodules les gestes allant de la wedge-résection à la lobectomie sont unanimement retenus, il n’y a pas de consensus pour les lésions diaphragmatiques. Plusieurs techniques ont été pratiquées vis-à-vis de ces lésions diaphragmatiques : au départ c’était les resection-suture comme dans le groupe 1, agrafage ou plicature, mais les récidives étaient fréquentes [2,3,8,17,18]. La tendance actuelle est l’utilisation de patch prothétique comme chez nos patientes du groupe 2, elle  favorise la fibrose  ou renforce le diaphragme et prend en compte les lésions occultes, les résultats en sont meilleurs [10,13,19,20]. Pour les implants superficiels et intrabronchiques, le traitement au laser, à l’argon, au CO2, à la source d’énergie bipolaire est décrit dans la littérature [12,21]. Le taux de récidive avec le traitement chirurgical  seul avoisine 5 %, il est donc recommandé dans la littérature de lui associer une hormonothérapie concomitante de 6 à 12 mois [2-4,8,22], de même que le traitement d’une endométriose abdomino-pelvienne qui y est  présente dans 33 à 48 % des cas [1-5,11].   5. CONCLUSION L’endométriose thoracique est une pathologie de la femme en âge de procréer, elle est peu fréquente. Elle se présente principalement sous forme de pneumothorax et d’hémothorax. Le diagnostic de certitude est difficile, les antécédents gynécologiques et le caractère récidivant cataménial font poser l’indication d’une exploration chirurgicale qui retrouve souvent les plaques d’endométriose diaphragmatiques qui sont pathognomoniques de cette affection. Le protocole thérapeutique associant le recouvrement diaphragmatique prothétique, le talcage  et l’hormonothérapie additive immédiate permet d’obtenir un faible taux de récidive, un meilleur confort et une mortalité nulle.   RÉFÉRENCES Linda C, Giudice MD, Lee C Kao. Endometriosis. Lancet 2004;364:1789-99. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(04)17403-5 Alifano M, Trisolini R, Cancellieri A, Regnard JF. Thoracic endometriosis: current knowledge. Ann Thorac Surg 2006;81:761-9. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2005.07.044 PMid:16427904 Nunes H, Bagan P, Kambouchner M, Martinod E. Endométriose thoracique. Rev Mal Respir 2007;24:1329-40. https://doi.org/10.1016/S0761-8425(07)78510-8 Johnson MM. 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juin 24, 2018
Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Juin 2018

Utilisation du Jarvik 2000 en Destination Therapy

Béatrice Barthélemy*, Guillaume Lebreton, Michaela Niculescu, Pascal Leprince Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, institut de cardiologie, GH Pitié-Salpêtrière, Paris, France. * Auteur correspondant : beatrice.barthelemy@aphp.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-2-BAR Citation : Barthélemy B, Lebrton G, Niculescu M, Leprince P. Utilisation du Jarvik 2000 en Destination Therapy. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(2). doi: 10.24399/JCTCV22-2-BAR   Résumé Les progrès du traitement médical de l’insuffisance cardiaque conduisent à une augmentation du nombre de patients parvenant à un stade avancé de la maladie. Après échec du traitement médical optimal, on peut proposer un recours à une technique chirurgicale. L’utilisation d’une assistance circulatoire en remplacement d’une transplantation cardiaque (Destination Therapy) est une stratégie qui s’est développée depuis les années 2010. Dans cette indication, le Jarvik 2000 occupe, selon nous, une place de choix liée à son implant rétro-auriculaire qui semble occasionner moins d’infection. Nous relatons notre expérience sur une série de six patients implantés en Destination Therapy qui sont retournés à domicile, autonomes, à plus de 5 ans de suivi pour certains. L’un d’entre eux, implanté initialement en Destination Therapy, a néanmoins été transplanté 19 mois après, l’amélioration de son état psychique et la diminution de sa dépendance à l’alcool ayant permis d’envisager la transplantation. Nous avons également réalisé une revue de la littérature afin d’illustrer notre propos.   Abstract Use of Jarvik 2000 as Destination Therapy Progress in the medical care of cardiac heart failure leads to an increase in patients arriving at an advanced stage of the disease. After failure of optimal medical care, a surgical approach may be proposed. The use of a Left Ventricular Assist Device, instead of transplantation (destination therapy) is a strategy that has developed since 2010. We believe Jarvik 2000 with its post-auricular power delivery, which seems to transmit fewer infections, has a central role to play in this new strategy. We report on our experience comprising a case series of 6 patients implanted with a Jarvik 2000 as destination therapy, who have returned home and are living independently, some of them for more than 5 years of follow-up. One of them, implanted initially as destination therapy, was nevertheless transplanted 19 months later, thanks to the improvement in his psychic state and the decrease in his alcohol addiction. We also performed a review of the literature relevant to our subject.   1. INTRODUCTION 1.1. Intérêts et indications actuelles des assistances circulatoires L’insuffisance cardiaque est une pathologie chronique fréquente avec une prévalence de l’ordre de 2 % dans la population générale adulte [1] dont une majorité de dysfonction systolique. Sa prévalence augmente avec l’âge. Les progrès du traitement médical de cette affection conduisent à une augmentation du nombre de patients parvenant à un stade avancé dont la prise en charge reste difficile. Il faut pouvoir, sans tarder, quand l’état clinique s’aggrave malgré un traitement médical optimal, proposer un recours à une technique chirurgicale : transplantation cardiaque ou assistance monoventriculaire gauche. La transplantation cardiaque, pour les patients en insuffisance cardiaque terminale, reste le traitement le plus efficace. Mais avec le nombre croissant de potentiels receveurs, le manque chronique de greffons cardiaques et les caractéristiques des patients (trop vieux ou trop malades), l’assistance monoventriculaire gauche est une alternative. L’assistance monoventriculaire gauche peut donc être implantée en attendant une transplantation (bridge to transplantation) ou comme alternative à la transplantation (Destination Therapy). Chez certains patients la récupération de la fonction ventriculaire gauche permettra le retrait de l’assistance (bridge to recovery). D’autres sont candidats en bridge to candidacy : inéligibles temporairement pour la transplantation (infection active, état neurologique incertain…), ils le redeviennent. Enfin l’assistance monoventriculaire gauche peut être posée chez des patients avec risque vital immédiat jusqu’à évaluation clinique complète (bridge to decision) [2]. Les caractéristiques des patients éligibles à une assistance ventriculaire selon l’ESC [2] sont les patients avec des symptômes sévères datant de plus de 2 mois, malgré un traitement médical optimisé, avec plus d’un critère parmi les suivants : une FEVG < 25 % et un pic de VO2 < 12 ml/kg/mn si mesuré, plus de 3 hospitalisations pour insuffisance cardiaque au cours des 12 derniers mois sans cause déclenchante évidente, une dépendance aux traitements inotropes positifs intraveineux, une dysfonction d’organe progressive (insuffisance hépatique et rénale) par bas débit (pressions capillaires pulmonaires ≥ 20 mmHg et pression artérielle systolique systémique ≤ 80-90 mmHg ou index cardiaque ≤ 2 l/min/m), ou une détérioration de la fonction ventriculaire droite. Classiquement les patients en insuffisance cardiaque terminale éligibles pour une assistance mécanique sont sous inotropes intraveineux. L’évaluation de la fonction droite est cruciale car une dysfonction ventriculaire droite en postopératoire augmente la mortalité périopératoire. Dans certains cas, l’implantation peut se faire sous assistance circulatoire de type ECMO pour préserver la fonction ventriculaire droite [3]. Les patients sont souvent adressés tardivement par les cardiologues dans les centres de transplantation cardiaque et d’assistance mécanique. Il faut donc pouvoir identifier ces patients et les adresser sans retard aux centres compétents. L’utilisation courante des scores pourrait permettre de mieux cerner ces patients (Heart Failure Survival Score ou Seattle Heart Failure Score par exemple). La classification INTERMACS (Interagency Registry of Mechanically Assisted Circulatory Support) [4] est utile pour définir le degré de gravité des patients. Ils sont répartis en 7 niveaux de risque selon leur statut hémodynamique. Les taux de survie diffèrent selon ces niveaux. Au cours de l’évolution, la survie des patients en niveaux 1 et 2 reste faible. Le bénéfice de l’implantation d’une assistance monogauche par rapport à un traitement médical optimal chez des patients inéligibles pour une transplantation cardiaque a démontré, pour la première fois en 2001 dans l’étude REMATCH [5], avec une réduction de 48 % de la mortalité toutes causes dans le groupe recevant l’assistance. À un an la survie était de 52 % dans le groupe implanté. Le taux d’effets secondaires indésirables sérieux était de 2,35 % dans ce groupe. La qualité de vie y était significativement améliorée. Dans le sixième rapport annuel du registre INTERMACS [6], la survie après implantation en Destination Therapy est supérieure à 75 % à 1 an et supérieure à 50 % à 3 ans. Les contre-indications les plus courantes à la transplantation et conduisant donc à l’implantation d’une assistance monoventriculaire gauche sont : l’âge avancé, l’insuffisance rénale et l’indice de masse corporel élevé [7]. Mais l’amélioration de la technologie et la qualité de la survie post-implantation permettent de considérer l’assistance monoventriculaire gauche comme « en compétition » avec la transplantation [8].   1.2. Le dispositif Le Jarvik 2000 (Jarvik Heart Inc., États-Unis) est un dispositif d’assistance circulatoire mécanique à débit continu électrique intracorporel monoventriculaire gauche. Il a obtenu le marquage CE en 2005. Il est composé d’une pompe implantée dans le ventricule gauche, d’un câble interne avec connecteur rétro-auriculaire le plus souvent, d’un contrôleur et d’une batterie portés en ceinture ainsi que de câbles externes [image 1]. Il s’agit d’une pompe électrique rotative à débit axial, légère (90 grammes), miniature (2,5 cm de diamètre sur 5,5 cm de long), silencieuse [image 2].   [caption id="attachment_4063" align="aligncenter" width="176"] Image 1. Jarvik 2000, le dispositif (© Jarvik Heart, Inc.).[/caption] [caption id="attachment_4064" align="aligncenter" width="300"] Image 2. Jarvik 2000, la pompe intraventriculaire (© Jarvik Heart, Inc.).[/caption]   Elle est implantée directement à l’intérieur du ventricule gauche natif et réinjecte le sang dans l’aorte, le plus souvent descendante. À l’intérieur se trouve un rotor à aimant (dans un conduit en titane) qui est actionné par la force électromotrice générée par le moteur intégré. Sa rotation fournit la force nécessaire pour faire circuler le sang du ventricule gauche vers la circulation artérielle. Son fonctionnement en mode intermittent avec une réduction de vitesse permet une mise en charge du ventricule gauche et une éjection régulière par la valve aortique native. Un contrôleur externe délivre la puissance à la pompe, permet au patient le contrôle de la vitesse et la gestion des alarmes. Le seul réglage possible est la vitesse de la pompe qui est modifiable au niveau du contrôleur externe par le patient, en fonction de son activité physique. Le débit peut aller jusqu’à 6,5 l/min. Il existe 5 vitesses permettant au patient de s’adapter à l’effort. Il fonctionne grâce à une batterie lithium-ion (d’une autonomie de 10 à 12 heures) et grâce à une batterie au plomb (d’une autonomie de 36 heures). Les différents éléments sont reliés par des câbles externes et un câble interne permettant la transmission de l’énergie en intracorporel. La sortie de ce câble interne est le plus souvent positionnée avec une sortie rétro-auriculaire. Les implantations d’assistance circulatoires monogauches sont en hausse [6,9] [figure 1]. L’implantation des assistances monoventriculaires gauches en Destination Therapy augmente, arrivant à 40 % des implantations [6] [figure 2]. Ceci est rendu possible par l’amélioration de la qualité de vie de ces patients. L’implantation des assistances monoventriculaires gauches occupe une place toujours plus importante par rapport aux transplantations cardiaques [figure 3].   [caption id="attachment_4060" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Nombre d’implantations par an aux États-Unis entre 2006 et 2013 (registre INTERMACS).[/caption] [caption id="attachment_4061" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Augmentation des implantations en Destination Therapy entre 2006 et 2013 aux États-Unis (registre INTERMACS).[/caption] [caption id="attachment_4062" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Proportion d’assistances monoventriculaires gauches implantées et de transplantations cardiaques entre 2006 et 2010 (d’après le Texas Heart Institute).[/caption]   Six cents Jarvik 2000 ont été implantés à ce jour. Il est à noter que le Jarvik 2000 n’a pas encore l’approbation complète de la FDA. Une étude l’approuve en Destination Therapy. En Europe, il a obtenu le marquage CE en bridge to transplantation et en Destination Therapy. Pour être plus utilisé aux États-Unis, il doit compléter avec succès le processus des essais cliniques. La plus longue durée de vie sous Jarvik 2000 est de 9 ans et 8 mois.   2. PATIENTS ET MÉTHODES Il s’agit d’une étude rétrospective concernant les patients implantés d’un Jarvik 2000 en Destination Therapy entre 2009 et 2014 dans le service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire (institut de cardiologie au groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière), vivant à domicile à la date de l’étude.   2.1. Technique d’implantation L’implantation d’un Jarvik 2000 se fait sous anesthésie générale. Elle est possible par thoracotomie gauche sans sternotomie [10,11], ce qui préserve le sternum pour une éventuelle transplantation ultérieure et préserverait la fonction ventriculaire droite en évitant une péricardotomie médiane. La pompe est implantée dans le ventricule gauche (apex) avec une collerette de fixation. L’implantation sans circulation extracorporelle réduit le temps opératoire et le recours aux transfusions peropératoires de culots globulaires [12]. Néanmoins un carottage incomplet du ventricule entraîne un risque de thrombose de la pompe [12]. La canule d’éjection peut être implantée dans l’aorte thoracique descendante le plus souvent. Un angioscanner thoracique est recommandé à la recherche d’athérome ou d’anévrisme de l’aorte thoracique descendante préexistant [10]. Certaines équipes [12] ont proposé, pour éviter les adhérences dans la portion extraventriculaire du dispositif, de placer ce dernier dans un manchon en polyester afin de faciliter l’explantation si besoin. Le câble de l’assistance est tunnélisé au niveau du dôme pleural sous les muscles cervicaux jusqu’à l’incision rétro-auriculaire gauche. La pose de l’implant pour l’alimentation électrique se fait dans la région rétro-auriculaire gauche sur une surface plane, choisie pour la finesse et la qualité de l’os [10,13,14]. La peau à cet endroit n’est pas mobile, ce qui limite le risque d’infection. La cicatrice est peu visible. Les principales contre-indications à l’implantation d’un Jarvik 2000 sont : une dysfonction biventriculaire ou une dysfonction ventriculaire droite, une dysfonction pulmonaire sévère, une hypertension artérielle pulmonaire fixée, une insuffisance hépatique sévère, des troubles majeurs de la crase sanguine, une hémorragie incontrôlée, un syndrome septique et inflammatoire systémique non contrôlé, des lésions irréversibles du système nerveux central, un accident vasculaire cérébral récent, une cachexie, une maladie systémique avec atteinte de plusieurs organes, des désordres psychiatriques mettant en péril l’observance du traitement, un manque de coopération, une affection de mauvais pronostic, un âge de plus de 70 ans, une rupture septale non traitée, une sensibilité connue aux produits d’origine bovine.   2.2. Patients Tous les patients ayant une assistance cardiaque sont suivis dans le service en consultation externe à une fréquence adaptée à leur situation. Les données ont été recueillies dans le dossier médical informatisé et auprès du médecin référent et de l’infirmier chargé de la prise en charge et du suivi des patients porteurs d’assistances cardiaques. Les caractéristiques démographiques des 6 patients sont résumées dans le tableau 1. Dans le tableau 2 sont résumés l’âge, la cardiopathie initiale, la classification INTERMACS et la cause du décès des patients implantés en Destination Therapy décédés.   3. RÉSULTATS Sur les 27 patients ayant eu l’implantation d’un Jarvik 2000 entre 2009 et 2014 dans le service, 6 sont vivants, autonomes à leur domicile à la date de l’étude. L’historique de leur pathologie et l’évolution sont résumés pour chacun dans le tableau 1. Les caractéristiques principales des patients implantés en Destination Therapy décédés sont, quant à elles, résumées dans le tableau 2. Le patient 1 était initialement implanté en Destination Therapy en raison de sa pathologie psychiatrique (dépression sévère) et de son addiction à l’alcool avec compliance difficile au traitement. Suite à l’amélioration de son état psychologique et à la diminution de sa consommation alcoolique, il a finalement été permis d’envisager une transplantation cardiaque. Quant au patient 3, une tentative de sevrage a été réalisée en juin 2014 devant un tableau d’hémorragie digestive avec déglobulisation importante (hémoglobine < 7g/dl) sans cause de saignement majeur (scanner abdominal, fibroscopies digestives haute et basse, vidéocapsule du grêle sans anomalie notable) et d’hémolyse importante. La diminution de la vitesse de la pompe a permis la diminution de l’hémolyse sans parvenir à un sevrage de la machine.     Tableau 1. Caractéristiques des patients autonomes à domicile   Patient 1 Patient 2 Patient 3 Patient 4 Patient 5 Patient 6 Âge (ans) 64 40 64 45 71 70 Sexe Homme Homme Homme Homme Femme Femme Taille/Poids (mètre/kilogramme) 1,82/75 1,75/55 1,83/68 1,78/80 1,50/38 1,65/75 Cardiopathie Dilatée à coronaires saines Ischémique Ischémique Dilatée toxique à coronaires saines Dilatée à coronaires saines Valvulaire FEVG 25 % < 20 % 25 % 5 % 25 % 10 % Histoire de la maladie Avril 2009 : insuffisance cardiaque globale. Resynchronisation. Choc cardiogénique et septique. Juin 2009 : choc cardiogénique.   2008 : infarctus (angioplastie + stent artères interventriculaire antérieure et circonflexe). Décompensations cardiaques itératives. Novembre 2011 : infarctus (angioplastie + stent artère interventriculaire antérieure, thrombose, échec désobstruction). Insuffisance mitrale importante + HTAP + altération FEVG. Décembre 2011 : pontage aortocoronaire + remplacement valvulaire  mitral biologique + annuloplastie tricuspide. Plusieurs OAP. Décembre 2011 : BCPIA, insevrable de la dobutamine. Janvier 2014 : choc cardiogénique. Thrombus VG avec ischémie jambe gauche et plusieurs accidents vasculaires cérébraux ischémiques. Insevrable de la dobutamine. 1999 : plusieurs décompensations cardiaques. 2003 : fibrillation auriculaire. 2013 : nouvelle décompensation cardiaque. Juin 2013 : DAI. Janvier 2014 : nouvelle décompensation cardiaque. Mars 2014 : bilan prégreffe => récusée (résistances vasculaires pulmonaires élevées, profil immunologique défavorable). Juillet 2011 : remplacement valvulaire mitral mécanique avec dysfonction VG postopératoire. Bloc auriculoventriculaire complet => pose stimulateur cardiaque. Majoration de la dysfonction VG => DAI + resynchronisation. Multiples décompensations cardiaques nécessitant cures de dobutamine. Antécédents Éthylisme chronique. Dépression sévère. Aucun VIH sous trithérapie, embolie pulmonaire postopératoire. Éthylisme chronique, thrombopénie induite par l’héparine. Aucun Fibrillation auriculaire. 1992 : accident ischémique transitoire. Leucémie sous interféron Facteurs de risque Tabagisme Aucun Aucun Tabagisme Aucun Diabète type II Tabagisme Date implantation Juillet 2009 Septembre 2009 Février 2012 Février 2014 Mars 2014 Août 2014 Voie Thoracotomie gauche Thoracotomie gauche Thoracotomie postérolatérale gauche Sternotomie   Thoracotomie antérolatérale gauche Thoracotomie gauche Suites postopératoires Simples Simples Difficiles 3 mois de réanimation (difficultés de sevrage ventilatoire) Assistance droite temporaire, infection du scarpa, amputation transmétatarsienne gauche. ECMO veinoartérielle droite temporaire, choc septique, thrombopénie, pneumopathie, hémothorax drainé. ECMO veinoartérielle droite temporaire, SIRS, goutte Évolution Changement câble extérieur à 1 an Février 2011 : transplantation Retour à domicile. Réhospitalisé en novembre 2010 : retrouvé sur voie publique en état d’ébriété avec batteries déchargées. Accident vasculaire ischémique sylvien gauche après rebranchement + troubles de l’humeur. Retour à domicile. Février 2012 : chirurgie escarre sacrée. Mai 2012 : anémie avec bilan digestif exhaustif négatif. Juin 2014 : échec tentative de sevrage. 2013 : infection du câble d’alimentation traitée par soins locaux. Retour à domicile, arrêt alcool, insuffisance rénale chronique, infection insertion câble d’alimentation (réimplantation chirurgicale 30.05.15). Retour à domicile Retour à domicile Intermacs 3 3 2 2 3 3 Délai de suivi 5 ans et 7 mois. Autonome à domicile. Aucune complication. 5 ans et 5 mois. Autonome à domicile. Complication thromboembolique. 3 ans. Autonome à domicile (vit entre Paris et le sud de la France). Complication infectieuse. 1 an. Autonome à domicile. Complication infectieuse. 11 mois. Autonome à domicile. Aucune complication. 7 mois. Autonome à domicile. Aucune complication. HTAP : hypertension artérielle pulmonaire ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; OAP : œdème aigu pulmonaire ; BPCIA : ballon de contrepulsion intraaortique ; DAI : défibrillateur automatique implantable ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; ECMO : Extra Corporeal Membrane Oxygenation ; SIRS : syndrome de réponse inflammatoire systémique.   Tableau 2. Résumé des caractéristiques principales des patients implantés en Destination Therapy décédés Patient Âge (ans) Pathologie cardiaque initiale Intermacs Cause du décès Indication 7 74 Ischémique 2 Défaillance multiviscérale Destination Therapy 8 20 Valvulaire, antécédents de greffe 2 Défaillance multiviscérale Destination Therapy 9 75 Ischémique 3 Accident vasculaire cérébral ischémique Destination Therapy 10 60 Ischémique 3 Choc septique Destination Therapy 11 72 Ischémique 4 Choc cardiogénique réfractaire Destination Therapy 12 72 Ischémique 2 Accident vasculaire cérébral hémorragique Destination Therapy 13 59 Dilatée à coronaires saines, idiopathique 3 Choc septique Destination Therapy 14 61 Ischémique 1 Choc hémorragique Destination Therapy 15 42 Toxique (anthracyclines) 1 Accident vasculaire cérébral ischémique Destination Therapy 16 62 Dilatée à coronaires saines, idiopathique 4 Infectieuse Destination Therapy 17 68 Ischémique 1 Arrêt cardiaque à domicile Destination Therapy 18 76 Ischémique 4 Défaillance multiviscérale Destination Therapy 19 66 Ischémique 4 Défaillance multiviscérale Destination Therapy 20 63 Toxique (anthracyclines) 2 Infectieuse Destination Therapy 21 61 Ischémique 4 Choc hémorragique Destination Therapy 22 66 Ischémique 3 Choc septique Destination Therapy 23 63 Ischémique 3 Choc cardiogénique réfractaire Destination Therapy 24 67 Toxique (anthracyclines) 1 Choc septique Destination Therapy 25 75 Ischémique 3 Choc hémorragique Destination Therapy 26 67 Valvulaire 2 Choc cardiogénique réfractaire Destination Therapy 27 59 Toxique (anthracyclines) 4 Choc cardiogénique réfractaire Destination Therapy 4. DISCUSSION Le traitement de premier choix de l’insuffisance cardiaque terminale reste la transplantation cardiaque avec un temps moyen de survie de l’ordre de 11 ans [15]. Mais l’accès à ce traitement est limité par la pénurie de donneurs. L’assistance monoventriculaire gauche est une technique offrant une alternative à la transplantation cardiaque [8,16]. Elle doit, pour ce faire, être fiable et à bas risque de complications vitales. Traditionnellement, elle était implantée en bridge to transplantation. Avec les progrès techniques considérables, elle peut être utilisée à long terme en Destination Therapy. Depuis que les premières assistances ont eu le marquage de la FDA aux États-Unis en 2010 pour la Destination Therapy, cette nouvelle indication a fortement progressé et représente dès lors la première indication d’implantation dans le registre INTERMACS [6]. La survie est superposable à celle après transplantation [17,18]. Dans le cinquième rapport du registre INTERMACS [17], la survie actuarielle à 1 an et à 2 ans sous assistance monoventriculaire gauche est respectivement de 80 % et 75 %. Les facteurs de risque de mortalité précoce dans ce registre sont : l’insuffisance rénale sévère, la dysfonction ventriculaire droite et les niveaux 1 et 2 de la classification INTERMACS au moment de l’implantation. Les patients implantés en Destination Therapy ont un risque de décès supérieur à ceux implantés en bridge to transplantation [17]. Les infections menacent la vie de ces patients et sont associées à un taux de mortalité supérieur (plus grand nombre de réhospitalisations, d’accidents thromboemboliques et de dysfonction de pompe). L’incidence des infections, selon les études, varie entre 14 et 59 % [20]. L’infection du câble de transmission est fréquente [19-21]. Dans les systèmes conventionnels, le câble de transmission abdominal est le site le plus fréquent d’infection [20-22]. Il représente une porte d’entrée pour les agents infectieux (bactéries et champignons), entraînant une infection localisée (qui migre exceptionnellement le long du câble dans les tissus sous-cutanés jusqu’à la pompe). Les bactéries les plus fréquentes sont les staphylocoques dorés, les staphylocoques à coagulase négative, les entérocoques et le Pseudomonas aeruginosa [21]. Quant aux champignons, il s’agit majoritairement de Candida albicans [21]. En comparaison avec le Heart Mate II, Siegenthaler et al. [22] retrouvent moins d’infections avec le Jarvik 2000. Il est à noter que les infections avec un Jarvik 2000 sont plus accessibles au traitement antibiotique seul [22]. La majeure partie de ces infections se développe précocement après l’implantation mais le risque demeure et augmente avec la durée d’utilisation. Ceci nécessite une attention particulière dans le soin et la prévention de l’infection. Les patients qui ont une assistance monoventriculaire gauche sont à risque élevé de développer une infection. Leur état général est souvent altéré. De plus, leur système immunitaire, particulièrement l’état des cellules T, est perturbé par le dispositif [21]. Le diabète [21], l’insuffisance rénale et la dépression [20] sont aussi des facteurs de risque. Lorsqu’il y a une infection du câble de transmission, on peut être amené à enlever le dispositif infecté car il y a des organismes infectieux dans le biofilm. Celui-ci représente une barrière contre les mécanismes de défense de l’hôte et peut ainsi limiter la pénétration et l’activité des agents antimicrobiens. Les infections sont associées à une augmentation de la morbidité et du coût, du fait de la nécessité des réhospitalisations, mais aussi de la mortalité par infection de la pompe ou septicémie [23] chez ces patients porteurs d’assistance cardiaque. Une des particularités du Jarvik 2000 est la sortie rétro-auriculaire du câble. La combinaison d’une fixation rigide et du caractère très vascularisé de la peau recouvrant le crâne diminue les risques d’infection du câble de transmission [23], ce qui en fait un dispositif de choix pour la Destination Therapy. D’autres types de complications pourvoyeuses d’augmentation de la morbimortalité sous assistance monoventriculaire gauche sont les hémorragies, en particulier gastro-intestinales, qui touchent 19 à 40 % des patients [24,25]. Les principales causes sont des malformations artérioveineuses et un syndrome de Von Willebrand acquis. Sous assistance à flux continu, on note un changement histologique de la paroi aortique avec dégénérescence du muscle lisse et des fibres élastiques entraînant fibrose et athérosclérose. On note également un syndrome de Von Willebrand acquis, phénomène non encore complètement compris, par atteinte de molécules jouant un rôle important dans l’hémostase primaire. Un autre type de complications graves, mais dont la fréquence diminue avec les nouvelles générations de matériel, sont les complications thromboemboliques avec séquelles neurologiques. Morgan [26] a conduit une étude chez 100 patients porteurs d’un Heart Mate II. L’incidence des AVC a été de 12 %. Néanmoins, avec les dispositifs d’assistance monoventriculaire gauche, on améliore la survie et la qualité de vie des patients en insuffisance cardiaque terminale [27-30]. Ainsi à 6 mois, les capacités fonctionnelles, et donc de la qualité de vie, se sont améliorées : il n’y a plus de patients en classe IV de la NYHA, la majorité étant en classe II [30]. La qualité de vie est améliorée chez tous les patients, y compris les plus âgés et ceux qui sont implantés en Destination Therapy [31]. Les patients rapportent qu’ils peuvent participer aux activités de la vie quotidienne. Dans son étude, Kugler [29] montre que, lorsque l’on intervient sur plusieurs points, comme le conseil diététique, la réadaptation cardiaque (avec exercice physique sous contrôle) et le support psychologique, on note un grand bénéfice. La détresse psychologique découle d’une anxiété et d’une dépression liées en partie à l’incertitude de la durée de vie sous assistance et à la nécessité de se soumettre à une technologie complexe : changements de batterie, transition de la batterie portable au secteur, gestions des alarmes et suivi médical rapproché [29]. Dans les 3 mois après l’implantation, les patients ont une amélioration significative de leur activité physique comme les greffés [28]. Afin d’améliorer la prise en charge de ses patients et en particulier de diminuer le retentissement psychologique de l’implantation d’une assistance au long cours, il est nécessaire d’assurer une bonne éducation des patients mais aussi de familiariser les soignants avec ces dispositifs. En effet, d’un côté de telles technologies sont essentielles pour la survie de patients arrivés à un stade avancé d’insuffisance cardiaque, et d’un autre côté, ces mêmes technologies les exposent à un risque constant d’évènement neurologique et de mort [32]. L’assistance monoventriculaire gauche de type Jarvik 2000 a des qualités qui lui sont propres [33]. Il s’agit d’un dispositif simple, petit, silencieux, totalement implantable, sans intermédiaire (la turbine étant implantée directement dans la pointe du ventricule), fiable (pas de dysfonction mécanique), qui favorise le travail autonome du cœur, avec une faible consommation d’énergie. Grâce à la réduction de vitesse cyclique, qui permet au cœur d’éjecter de temps à autre, on limite la survenue de thrombose du culot aortique. La connexion électrique se fait avec un câble fin relié à une prise électrique en titane implantée derrière l’oreille (invisible), et le réglage du débit sanguin se fait par le patient (s’adaptant à l’effort). Il peut être implanté chez des patients ayant des surfaces corporelles allant de 1,2 à 2,3 m2. Le patient peut dormir sur le connecteur, se doucher, nager, changer facilement le connecteur sans nécessité de le voir. Il peut permettre un retour à domicile et une reprise d’activité professionnelle. Il offre la possibilité de reprendre des vols internationaux. Ce dispositif diminue donc les risques infectieux, favorise l’autonomie du patient et procure une qualité de vie satisfaisante. Néanmoins certaines contraintes persistent : il faut éviter les efforts physiques trop intenses et la proximité de champs magnétiques puissants (comme ceux de la résonance magnétique nucléaire), l’INR est à surveiller régulièrement et des consultations régulières de contrôle sont à prévoir. La pression artérielle doit être contrôlée car la pompe est très dépendante de la post-charge. L’assistance monoventriculaire gauche reste chère. Du point de vue médical, l’amélioration est significative et cliniquement pertinente mais économiquement le rapport coût/bénéfice reste haut [34].   5. CONCLUSION L’assistance monoventriculaire gauche est de plus en plus utilisée dans l’insuffisance cardiaque terminale de façon définitive (en Destination Therapy), compte tenu du manque de greffons et du vieillissement de la population. Les dispositifs utilisés doivent permettre une amélioration de la qualité de vie et une survie satisfaisante avec le moins d’effets secondaires indésirables possibles. Le Jarvik 2000 est un dispositif qui, par son câble rétro-auriculaire, semble s’accompagner de moins d’infections que les autres dispositifs et permet une autonomie satisfaisante avec possibilité de douches et de baignades. Ceci en fait, selon nous, un dispositif de choix pour la DestinationTherapy. Une bonne éducation des patients et des soignants est nécessaire. L’amélioration de la technologie devrait viser la diminution du nombre d’accidents vasculaires et la diminution du coût qui demeure à ce jour très élevé.   RÉFÉRENCES Ho KL, Pinsky JL, Kannel WB, Lévy D. The Epidemiology of Heart Failure: The Framingham Study. J Am Coll Cardiol 1993;22(4s1):A6-A13. Mc Murray and al. ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2012. European Heart Journal 2012;33:1787-1847. https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehs104 PMid:22611136 Lebreton G, Pozzi M, Léger P et al. Implantation d'un dispositif d'assistance ventriculaire gauche à flux continu sous ECMO. Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2011;15(3):137-140. Alba AC, Rao V, Ivanov J et al. Usefulness of the INTERMACS scale to predict outcomes after mechanical assist device implantation. 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juin 24, 2018
Cas clinique · Vol. 22 Juin 2018

Diagnostic postopératoire d’un paragangliome thoracique préaortique : à propos d’un cas

Pauline Fillet*1,2, Mathieu Bobet1,3, René Jancovici 1 Clinique du Val d’or, service de chirurgie thoracique, Saint-Cloud, France. Hôpital européen Georges Pompidou, service de chirurgie cardiovasculaire, Paris, France. Université Versailles-Saint-Quentin, hôpital Foch, service d'anesthésie, Suresnes, France. * Correspondance : fillet.pauline@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV22-2-FIL Citation : Fillet P, Bobet M, Jancovici R. Diagnostic postopératoire d’un paragangliome thoracique préaortique : à propos d’un cas. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(2). doi: 10.24399/JCTCV22-2-FIL   Résumé Les paragangliomes sont des tumeurs rares développées aux dépens du système nerveux parasympathique. Leur localisation première se situe au niveau de la tête et du cou. Nous rapportons le cas de la découverte sur la pièce histologique d’un paragangliome thoracique préaortique chez un jeune patient de 44 ans hypertendu et diabétique.   Abstract Postoperative diagnosis of a preaortic thoracic paraganglioma: a single case report Paragangliomas are rare tumors that develop at the expense of the parasympathetic nervous system. They are primarily located is the head and neck. We report the discovery on the histological part of a preaortic thoracic paraganglioma in a 44-year-old hypertensive and diabetic patient.     1. Introduction Les paragangliomes sont des tumeurs développées aux dépens de cellules neuro-endocrines. Elles sont bénignes dans plus de 80 % des cas mais peuvent être malignes ou fonctionnelles lorsqu’elles secrètent des catécholamines. Ces tumeurs sont alors responsables d’hypertension artérielle difficilement contrôlable ou de syndrome tumoral. Ce cas clinique rapporte la découverte d’un paragangliome thoracique chez un jeune patient de 44 ans.   2. Observation  S, 44 ans, a été admis aux urgences pour prise en charge d’une gêne thoracique postérieure présente depuis 4 jours. On note dans ses antécédents une hypertension artérielle traitée par trithérapie anti-hypertensive, un diabète non insulinodépendant traité par un antidiabétique oral et une appendicectomie. L’examen clinique était normal. La radiographie thoracique retrouvait une opacité médiastinale postérosupérieure gauche arrondie aux contours réguliers. Le parenchyme pulmonaire ne présentait pas d’anomalie et les culs-de-sac pleuraux étaient libres. L’angioscanner thoracique concluait à une masse médiastinale postérieure gauche de 80 x 53 x 46 mm le long de l’aorte thoracique descendante, étendue dans les foramens de conjugaison T4-T5-T6. Cette image évoquait en premier lieu une lésion neurogène ou un fibrome pleural. Une IRM confirmait l’aspect de cette lésion atteignant les quatrième, cinquième et sixième vertèbres dorsales (figure 1). Un TEP scanner avait été effectué montrant une fixation maximale à 20,35 SUV (standard uptake value) (figure 2). Une artériographie médullaire notait la naissance d’une artère spinale au niveau de la onzième vertèbre et une très volumineuse vascularisation de la tumeur.   [caption id="attachment_4072" align="aligncenter" width="264"] Figure 1. IRM en coupe frontale montrant une masse médiastinale postérieure le long des quatrième, cinquième et sixième vertèbres dorsales.[/caption] [caption id="attachment_4073" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. TEP-scanner en coupe axiale montrant la masse médiastinale le long de l’aorte thoracique descendante avec une fixation maximale à 20,35 SUV.[/caption]   Devant cette tumeur très vascularisée et douloureuse, nous avons décidé de procéder à d’une exérèse chirurgicale par une thoracotomie postérolatérale gauche dans le cinquième espace. Dès l’ouverture de la plèvre pariétale, on note la présence d’une volumineuse tumeur blanchâtre, indurée, rénitente et légèrement polylobée occupant l’angle dièdre entre la crosse aortique et la moitié supérieure de l’aorte thoracique descendante. La lésion est parfaitement fixée à la plèvre pariétale et nous devons réaliser une pleurolyse à ce niveau. Nous abordons alors une tumeur extrêmement hémorragique dont la partie externe est indurée. Au cours de la mobilisation de celle-ci, nous faisons face à une hypertension artérielle systolique paroxystique oscillant autour de 210 mmHg malgré une sédation profonde, une analgésie adaptée et réticente aux traitements hypotenseurs usuels (esmolol, nicardipine et urapidil). Durant l’exérèse et les pics tensionnels, on note une perte de 800 mL de sang. Le saignement est contrôlé dès l’ablation totale de la pièce. L’exclusion vasculaire de la pièce opératoire est concomitante à une chute importante de la pression artérielle systolique aux alentours de 60 mmHg, malgré l’arrêt des traitements hypotenseurs, la diminution de la sédation et l’administration de médicaments vasoconstricteurs. Une normotension sera obtenue à partir de 2 mg/h de noradrénaline. L’examen anatomopathologique retrouve une pièce de 50 g à contenu friable brun rougeâtre. En microscope, il existe des foyers de dissociation hémorragique et des territoires de nécrose focalisée au centre des îlots tumoraux. La tumeur s’entoure en périphérie d’une épaisse condensation fibreuse. On note l’absence d’embols vasculaires et l’absence d’infiltration d’organes de voisinage et du tissu adipeux. Cette étude histologique a permis de conclure à un paragangliome thoracique. Les suites ont été simples. Le patient est extubé à H1 postopératoire et nécessita des amines vasopressives durant 72 heures. Les drains ont été retirés à J2 et J5 postopératoires, permettant la sortie du patient à J7.  Le traitement anti-hypertenseur habituel du patient n’a pas été repris en postopératoire en raison d’une normotension pendant le séjour en hospitalisation. À un mois postopératoire, l’examen clinique retrouve une tension artérielle stable, sans reprise de traitement anti-hypertenseur. Par ailleurs, on note une disparition complète de la maladie diabétique depuis l’intervention. Le traitement antidiabétique oral a été totalement arrêté. Depuis les glycémies sont normales et stables.   3. Commentaire Le paragangliome est une tumeur rare, d’origine neuro-endocrinienne. Elle se présente plus souvent chez l’adulte jeune. Les tumeurs fonctionnelles peuvent être cervicales, abdominales, pelviennes ou thoraciques. Elles peuvent être sporadiques ou rentrer dans le cadre d’une maladie génétique dans un tiers des cas [1]. Il existe plusieurs syndromes génétiques prédisposant : la maladie de Von Hippel Lindau, la néoplasie endocrine multiple de type 2 (NEM 2), la neurofibromatose de type 1 (mutation du gêne NF1), les syndromes héréditaires de type 1 (mutation du gêne SDHD), de type 3 (gêne SDHC) ou de type 4 (gêne SDHB) [2]. Une fois le diagnostic posé, il est indispensable de réaliser une enquête génétique chez ces patients. Si une mutation est confirmée, il est nécessaire de rechercher la même dans la famille. Le diagnostic repose tout d’abord sur un dosage de métanéphrines et normétanéphrines urinaires au-dessus de la norme. La découverte est généralement fortuite, mais elle peut être faite sur une imagerie réalisée devant des douleurs ou un syndrome de masse tumorale.  Le scanner est souvent l’examen de premier choix mais est moins efficace dans le diagnostic différentiel [3]. D’autres auteurs préconisent la réalisation d’un scanner injecté afin de mieux visualiser les rapports vasculaires de la tumeur [4]. Il est intéressant de pratiquer en préopératoire une artériographie médullaire afin de préciser si la tumeur est vascularisée par une artère spinale antérieure. Le seul traitement radical est chirurgical [1]. Avant toute chirurgie, il sera nécessaire de préparer le patient à l’ablation de la tumeur par un régime fort en sodium, un traitement par alpha-bloquant ou autre [1-2]. En effet, la chute brutale du stock de catécholamines lors de l’exérèse peut conduire à des hypotensions massives. Il est important que l’équipe d’anesthésie soit prévenue du diagnostic potentiel de paragangliome afin d’éviter les complications hypertensives lors de la mobilisation de la tumeur (AVC, infarctus du myocarde, troubles du rythme allant jusqu’à la fibrillation ventriculaire) puis prévoir la supplémentation en catécholamines lors de l’exclusion vasculaire pour éviter l’hypotension massive [5]. Il est recommandé de pratiquer une chirurgie à ciel ouvert car ce sont des tumeurs très hémorragiques [2]. Le paragangliome est un rare cas de diabète secondaire [6]. Un article récent montre que la découverte d’un diabète chez un jeune patient hypertendu avec un poids dans la norme devrait faire suspecter un paragangliome [7]. L’évolution et le pronostic de cette pathologie sont mal connus et il est nécessaire de suivre le patient au long cours afin de surveiller l’apparition d’une potentielle récidive [8].   4. Conclusion Les paragangliomes fonctionnels sont des tumeurs rares, souvent diagnostiquées après examen anatomopathologique de la pièce opératoire. Compte tenu des risques périopératoires, le diagnostic doit être systématiquement évoqué devant une tumeur du médiastin postérieur associée à une hypertension artérielle chez un sujet jeune. Leur traitement est strictement chirurgical. Une enquête génétique devra être réalisée après confirmation diagnostique. Il est nécessaire de suivre le patient au long cours pour s’assurer de l’absence de récidive maligne.   Références Fishbein L, Orlowski R, Cohen D. Pheochromocytoma/Paraganglioma: Review of perioperative management of blood pressure and update on genetic mutations associated with pheochromocytoma. J Clin Hypertens Greenwich Conn 2013 juin;15(6):428‑34. https://doi.org/10.1111/jch.12084 PMid:23730992 PMCid:PMC4581847 Lenders JWM, Duh QY, Eisenhofer G, Gimenez-Roqueplo AP, Grebe SKG, Murad MH et al. 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juin 24, 2018
Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Juin 2018

Perméabilité précoce des greffons coronaires et facteurs prédictifs de leur occlusion

Abdelkader Boukhmis1,4*, Mohamed El-Amin Nouar1,4, Mohamed Debieche2,5, Elhadj Boudiaf 3,4   Service de chirurgie cardiaque, CHU Mustapha Bacha, Alger, Algérie. Service de chirurgie cardiaque, CHU de Blida, Algérie. . Service de chirurgie cardiaque, EHS Dr Maouche MA, Alger, Algérie. Faculté de médecine, université d’Alger, Algérie. Faculté de médecine, université de Blida, Algérie. * Auteur correspondant : kaderboukhmis@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV22-2-BOU Citation : Boukhmis A, El-Amin Nouar M, Debieche M, Boudiaf E. Perméabilité précoce des greffons coronaires et facteurs prédictifs de leur occlusion. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(2). doi: 10.24399/JCTCV22-2-BOU   Résumé Objectif : évaluer la perméabilité précoce des greffons coronaires et déterminer les facteurs prédictifs de leur occlusion. Patients et méthode : 238 patients consécutifs ont bénéficié d’un pontage coronaire isolé entre janvier 2014 et mai 2016. Au 6e mois postopératoire, nous avons réalisé un coroscanner quand les tests de stress étaient négatifs et une coronarographie dans le cas contraire. Résultats : 145 imageries coronaires ont été réalisées. Pour 96,3 % des pontages, l’artère mammaire interne gauche et l’artère interventriculaire antérieure étaient perméables. Sur les territoires coronaires droit et circonflexe, la perméabilité des artères mammaires internes droites et des greffons veineux étaient, respectivement de 83,9 % versus 66, 3 %, p = 0,01. L’analyse univariée a objectivé que l’occlusion des greffons veineux était liée au sexe féminin (p = 0,03), aux durées de circulation extracorporelle ≥ 110 min (p = 0,014) et aux transfusions sanguines homologues (p = 0,037). Conclusion : au 6e mois postopératoire, la perméabilité de l’artère mammaire interne gauche est excellente alors que les greffons veineux sont occlus dans 1/3 des cas. L’artère mammaire interne droite doit être privilégiée dans la revascularisation des territoires coronaires circonflexe et droit. Un pontage « tout artériel » est à encourager chez le sexe féminin et les transfusions sanguines homologues sont à éviter en cas de pontage coronaire artérioveineux.   Abstract Objective: To evaluate the patency of early coronary grafts and to determine the factors predicting their occlusion. Material and methods: 238 consecutive patients underwent isolated CABG between January 2014 and May 2016. Six months after surgery we performed a coronary computed tomography angiography (CTA) on patients when stress tests were negative and an invasive coronary angiography (ICA) in the opposite case. Results: 145 coronary angiograms were performed. We found 96.3% of left internal mammary arteries (LIMA) anastomosed to the left anterior descending (LAD) artery were patent. In the right and circumflex coronary territories the patency of the right internal mammary arteries (RIMA) and saphenous vein grafts (SVG) were, respectively, 83.9% and 66.3%, p=0.01. Univariate analysis showed that SVG occlusion was related to female sex (p=0.03), cardiopulmonary bypass time ≥110min (p=0.014) and homologous blood transfusions (p=0.037). Conclusion: In the 6th postoperative month, LIMA has excellent patency, whereas SVG are occluded in 1/3 of cases. RIMA should be favored in the revascularization of the circumflex and right coronary territories. Total arterial revascularization should be encouraged in female patients and homologous blood transfusions should be avoided in cases of arteriovenous coronary bypass.   1. INTRODUCTION Le dysfonctionnement des greffons coronaires réduit la survie à long terme, augmente les récidives d’angor ainsi que le taux de revascularisations itératives [1]. Il a été établi que leur taux d’occlusion augmente avec le temps sous l’effet de l’hyperplasie intimale puis de l’athérosclérose [2]. L’évaluation de leurs perméabilités précoces, avant même que ces deux mécanismes n’entrent en jeu, pourrait mettre en exergue l’impact du profil clinique, de la sévérité des lésions coronaires, des différents déséquilibres biologiques périopératoires, du choix des greffons et de la configuration du pontage coronaire sur l’incidence de leurs occlusions. L’imagerie coronaire de référence reste la coronarographie. Cependant, les coroscanners actuels se sont imposés comme un outil diagnostique des occlusions et des sténoses des greffons coronaires, grâce à leur performance diagnostique élevée et à leur caractère non invasif [3]. L’objectif de cette étude est d’évaluer la perméabilité précoce des greffons coronaires et de cerner les facteurs prédictifs, cliniques, biologiques et opératoires, associés à leurs occlusions.   2. PATIENTS ET MÉTHODE Entre janvier 2014 et mai 2016, 238 patients consécutifs (194 hommes et 44 femmes), âgés en moyenne de 59,4 ± 9,6 ans (de 37 à 84 ans) ont bénéficié d’un pontage coronaire isolé. Le nombre moyen de pontage/patient a été de 2,4 ± 0,8. 11,8 % des patients ont bénéficié d’un monopontage (n = 28/238), 42,4 % d’un double pontage (n = 101/238), 38,2 % d’un triple pontage (n = 91/238), 7,1 % d’un quadruple pontage (n = 17/238) et 0,4 % d’un quintuple pontage (n = 1/238). Un pontage unimammaire dédié à l’interventriculaire antérieure (IVA), avec ou sans ses branches diagonales, a été suffisant chez 12,6 % (n = 30/238) des patients, son association à 1 ou 2 greffons veineux saphènes internes (VSI) était nécessaire chez 28,6 % (68/238) d’entre eux. Le pontage coronaire utilisant les deux artères mammaires internes (AMI) a été réalisé chez 58,8 % (n = 140/238) de nos patients, selon les 4 modalités suivantes : 2 AMI in situ : 18,5 % (n = 44/238) ; 2 AMI in situ + 1 ou 2 VSI : 25,6 % (n = 61/238) ; 2 AMI en Y : 12,6 % (n = 30/238) et 2 AMI en Y + 1 VSI chez 2,1 % (n = 5/238). Chez les patients multitronculaires, la proportion du pontage double mammaire a été de 66,7 % (n = 140/210). Le greffon mammaire composite en Y a permis de réaliser une moyenne d’anastomoses artérielles/patient significativement plus élevée que celle réalisée par le pontage double mammaire in situ, respectivement 2,77 ± 0,84 vs 2,06 ± 0,24, p ˂ 0,0001. Le pontage coronaire a été réalisé à cœur arrêté chez 97,5 % des patients (n = 232/238) et à cœur battant chez les autres, devant des aortes ascendantes très calcifiées (n = 5) ainsi qu’une thrombopénie sévère préopératoire (n = 1). La durée moyenne de la circulation extracorporelle (CEC) et du clampage aortique a été, respectivement 83,4 ± 29,1 min (de 25 à 188 min) et 61,1 ± 27,2 min (de 15 à 136 min). La mortalité opératoire était de 3,36 % (n = 8/238). Durant la période hospitalière, 2,52 % (n = 6/238) de nos patients ont eu un infarctus du myocarde (IDM), 2,52 % (n = 6/238) ont eu un accident vasculaire cérébral (AVC), 8 % (n = 19/238) ont développé une insuffisance rénale postopératoire et 1,3 % (n = 3/238) d’entre eux a contracté une infection sternale profonde. Durant cette période hospitalière aucun patient n’a eu de revascularisation coronaire itérative. Au 6e mois postopératoire, 5 patients étaient perdus de vue, 4 patients ont eu un AVC, aucun patient n’a eu d’IDM récent et un patient est décédé suite à une médiastinite (1/225 = 0,44 %). Les 224 patients convalescents ont été enrôlés pour une évaluation de la perméabilité de leurs pontages coronaires, par un coroscanner quand les examens de stress étaient négatifs et par une coronarographie dans le cas contraire. Seuls 7,6 % des patients (n = 17/224) avaient un angor au stade II de la classification de la société canadienne de cardiologie (CCS), alors que 92,4 % des patients (n = 207/224) étaient asymptomatiques ou avaient un angor au stade I de la même classification. Parmi ces derniers, 68 patients ont refusé de subir une exploration poussée (test d’effort et imagerie coronaire), soit du fait de leur caractère asymptomatique, soit devant leur incapacité à faire le déplacement. Parmi les 156 patients qui ont bénéficié de tests de stress, nous avons exclu 9 patients asymptomatiques de l’évaluation angiographique, vu leurs antécédents d’allergie à l’iode (3 patients) ou leurs taux de créatininémie > 15 mg/l (6 patients). Les greffons coronaires ont été évalués selon la classification de Fitzgibbon [1], qui classe les greffons en : A (excellent), B (passable : greffon ayant un calibre ˂ 50 % de celui de la coronaire pontée) ou 0 (occlus). Afin de déterminer les facteurs prédictifs d’occlusion des greffons coronaires, nous avons procédé à une analyse univariée des variables cliniques, biologiques et opératoires, collectées prospectivement pour chaque patient.   2.1. Analyse statistique Le système utilisé pour l’analyse statistique de notre étude est l’EPI info 6. Les variables qualitatives sont exprimées en fréquences absolues et relatives, alors que les variables quantitatives sont exprimées avec des moyennes et des écarts types. Les pourcentages sont comparés par le test de Chi2, ainsi que par leurs odds ratio avec un intervalle de confiance à 95 %. Le test exact de Fisher (test non paramétrique) est utilisé pour comparer les échantillons de petites tailles. Les moyennes sont évaluées avec le test d’Anova. La valeur de p est considérée comme statistiquement significative si elle est < 0,05.   3. RÉSULTATS Cent quarante-cinq patients ont ainsi bénéficié d’une imagerie coronaire [tableau 1], comprenant 134 coroscanners et 11 coronarographies ayant conduit à une revascularisation instrumentale chez 3 d’entre eux. Notons que 2 patients, dont les tests de stress étaient positifs, ont refusé de subir une imagerie coronaire quelconque vu la stabilisation de leurs symptômes par un traitement médical optimal.   Tableau 1. Caractéristiques de base des patients ayant bénéficié d’une imagerie coronaire. Nombre n = 145 Sexe ratio 4,4 H / 1 F Âge (Année) 59,15 +/- 9,6 ans (37 à 84) HTA 66,9 % (n = 97) Diabète sucré 61,4 % (n = 89) Tabagisme sevré 59,3 % (n = 86) Dyslipidémie 57,9 % (n = 84) Obésité (IMC ˃ 30kg/m²) 27,6 % (n = 40) Artériopathie extracoronaire (sténose > 50 %) 7,6 % (n = 11) AVC préop 4,8 % (n = 7) Angor II-III-IV 88,3 % (n = 128) FEVG = 31-50 % 36,5 % (n = 53) FEVG ≤ 30 % 3,4 % (n = 5) TCG +/- 1, 2, 3 troncs 21,4 % (n = 31) Tritronculaires (TCG sain) 48,3 % (n = 70) Pontage double mammaire 61,4 % (n = 89) HTA : hypertension artérielle ; IMC : indice de masse corporelle ; AVC : accident vasculaire cérébral ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; TCG : tronc commun gauche.   L’analyse a porté sur 143 AMI gauches (AMIG), 89 AMI droites (AMID) et 89 VSI. Concernant les greffons veineux, nous avons constaté qu’à ce stade précoce de l’évolution, ils étaient soit parfaitement bien perméables et réguliers (type A), soit complètement occlus (type O), sans signe de sténose intermédiaire qu’elle soit anastomotique ou tronculaire. Mis à part les greffons AMI parfaits (type A) et occlus (type O), nous avons eu 5 AMIG et 4 AMID grêles, en comparaison aux greffons AMI controlatéraux, cependant leurs calibres étaient à tous points supérieurs à 50 % de celui de la coronaire cible. Vu que ces greffons AMI grêles ne correspondaient pas à la définition du type B, ils ont été classés comme type A. Au 6e mois postopératoire, la perméabilité de l’AMIG dédiée à l’IVA était la plus élevée parmi tous les pontages analysés [tableau 2]. Cependant, sa perméabilité était statistiquement comparable à celle de l’AMID, que ce soit au niveau de l’IVA (p = 0,296. Test exact de Fisher) ou des artères marginales gauches (p = 0,617. Test exact de Fisher) [tableau 2]. Notons que la perméabilité globale des 2 AMI était significativement plus élevée quand elles étaient dédiées à l’IVA en comparaison aux artères marginales gauches, respectivement 95,8 % (n = 137/143) vs 82,8 % (n = 58/70) (odds ratio = 4,68, intervalle de confiance à 95 % [1,539-15,983], p = 0,002. Test exact de Fisher). À l’inverse, la perméabilité de l’AMID n’a pas présenté de différence significative, que ce soit entre le réseau coronaire droit et circonflexe, respectivement : 84,2 % (n = 16/19) vs 83,9 % (n = 52/62) (odds ratio = 0,975. Intervalle de confiance à 95 % [0,153-4,448], p = 1. Test exact de Fisher) ou de part et d’autre de la bifurcation de la coronaire droite (p = 0,422. Test exact de Fisher) [tableau 2].   Tableau 2. Perméabilité des greffons en fonction de leur coronaire cible. Greffons Coronaires cibles % (perméables/total)   AMIG IVA 96,3 (130/135) Artère marginale 75 (6/8) Diagonales 100 (5/5)     AMID IVA 87,5 (7/8) Artère marginale 83,87 (52/62) Tronc CD 66,67 (2/3) IVP/RVG 87,5 (14/16) AMID in situ 80 (48/60) AMID en Y 93,10 (27/29)   VSI Tronc de la CD 63,41 (26/41) IVP/RVG 65 (13/20) Marginales gauches 72,72 (16/22) Diagonales 33,33 (2/6) IVA : interventriculaire antérieure ; AMIG : artère mammaire interne gauche ; AMID : artère mammaire interne droite ; CD : coronaire droite ;  VSI : veine saphène interne ; IVP : interventriculaire postérieure ; RVG : retroventriculaire gauche.   3.1. Facteurs prédictifs de l’occlusion des greffons coronaires L’analyse univariée a révélé que l’âge avancé (˃ 65 ans), la fraction d’éjection ventriculaire gauche préopératoire (FEVG), le diabète sucré, la glycémie à H24, la double anti-agrégation plaquettaire postopératoire (clopidogrel + aspirine), l’hémoglobine glyquée (HbA1C) et la cholestérolémie au 6e mois postopératoire n’ont pas significativement influencé la perméabilité des greffons coronaires qu’ils soient artériels ou veineux [tableaux 3 et 4].   Tableau 3. Facteurs prédictifs d'occlusion des greffons veineux Facteurs étudiés % (n des patients avec 1-2 VSI occluses/total) p odds ratio (IC à 95 %) Âge ≥ 65 ans 45,5 (10/22) 0,482 1,43 (0,47-4,38) Âge < 65 ans 36,8 (21/57) Sexe : Féminin 61,1 (11/18) 0,030 3,22 (0,96-11,03) Sexe : Masculin 32,8 (20/61) Diabétique 40 (18/45) 0,873 1,0 (0,39-3,00) Non diabétiques 38,2 (13/34) Glycémie H24 ≥ 2g/l 37,8 (14/37) 0,743 0,8 (0,31-2,3) Glycémie H24 < 2g/l 41,5 (17/41) HbA1C > 7 % (6 mois postop) 37,9 (11/29) 0,940 0,96 (0,33-2,78 HbA1C ≤ 7 % (6 mois postop) 38,8 (19/49) Chol (6 mois) ≥ 2g/l 45,5 (5/11) 0,649 1,3 (0,31-5,7) Chol (6 mois) < 2g/l 38,2 (26/68) FEVG ≥ 40 % 28,6 (2/7) 0,526 0,58 (0,07-3,79) FEVG < 40 % 40,8 (29/71) Durée de CEC ≥ 110 min 60 (12/20) 0,014 3,58 (1,12-11,73) Durée de CEC < 110 min 29,5 (18/61) Transfusions 55,6 (15/27) 0,037 2,73 (0,93-8,12) Pas de transfusions 31,4 (16/51) Cl créat postop  ≤ 50 ml/min 50 (4/8) 0,745 1,69 (0,32-9,01) Cl créat postop  ˃ 50 ml/min 37,1 (26/70) Aspirine seule 41,4 (24/58) 0,447 1,53 (0,45-5,36) Aspirine + clopidogrel 31,6 (6/19) IC : intervalle de confiance ; HbA1C : hémoglobine glyquée ; Chol (6 mois) : cholestérolémie au 6e mois postopératoire ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; CEC : circulation extracorporelle ; Cl créat postop : clairance de créatinine postopératoire.   Tableau 4. Facteurs prédictifs d'occlusion des greffons mammaires internes gauches. Facteurs étudiés % (n des patients avec AMIG occluse/potal) p odds ratio                (IC à 95 %) Âge ≥ 65 ans 2,9 (1/34) 0,675 0,6 (0,03-6) Âge < 65 ans 4,6 (5/109) Sexe : Masculin 3,4 (4/116) 0,355 0,45 (0,06-3,79) Sexe : Féminin 7,4 (2/27) Glycémie H24 ≥ 2g/l 5,2 (3/58) 0,641 1,4 (0,22-9,7) Glycémie H24 < 2g/l 3,6 (3/84) Chol (6mois) ≥ 2g/l 10,5 (2/19) 0,142 3,5 (0,4-25,39) Chol (6mois) < 2g/l 3,3 (4/123) FEVG préop ˂ 40 % 0 (0/16) 0,372 0,0 (0,00-8,02) FEVG préop ≥ 40 % 4,8 (6/126) Durée de CEC ≥ 110 min 3,57 (1/28) 0,648 0,7 (0,08- 6,93) Durée de CEC < 110 min 4,54 (5/110) AMIG-IVA 3,7 (5/135) 0,050 8,37 (0,6-66,8) AMIG-Marginales 25 (2/8) Transfusions 6,1 (3/49) 0,422 1,9 (0,29-12,80) Pas de transfusions 3,3 (3/92) Cl créat postop ≤ 50ml/min 25 (2/8) 0,039 10,4 (1,07-92,2) Cl créat postop > 50 ml/min 3,1 (4/129) Aspirine seule 4,5 (4/89) 0,967 0,9 (0,14-8,06) Aspirine + clopidogrel 4,7 (2/43) AMIG : artère mammaire interne gauche ; IC : intervalle de confiance ; Chol (6 mois) : cholestérolémie au 6e mois postopératoire ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; CEC : circulation extracorporelle ; IVA : intervention antérieure ; Cl créat postop : clairance de créatinine postopératoire.   4. DISCUSSION Les principaux enseignements tirés de la présente étude sont les suivants. Le pontage AMIG-IVA possède la perméabilité précoce la plus élevée parmi les autres pontages coronaires. Pour la même coronaire cible, les deux greffons AMI ont des perméabilités comparables. L’AMID a la même perméabilité au niveau des artères marginales gauches et de l’artère coronaire droite, ainsi qu’en amont ou en aval de la bifurcation de cette dernière. La configuration du pontage double mammaire en Y n’augmente pas significativement la perméabilité de l’AMID par rapport à la configuration in situ, cependant elle permet de réaliser significativement plus de pontages artériels. Pour les mêmes coronaires cibles, la perméabilité précoce des greffons VSI est significativement plus basse que celle de l’AMID. Le sexe féminin, les durées de CEC dépassant 110 min et les transfusions de sang homologue augmentent significativement le taux d’occlusion des greffons VSI, sans affecter celui des greffons AMI. Sur le plan méthodologique, les 145 patients de cette série angiographique ont été opérés au niveau du même service, par 4 chirurgiens travaillant en binôme à chaque fois. L’idéal aurait été que tous les patients soient opérés par le même chirurgien, afin de supprimer les variations interchirurgiens pouvant influencer les résultats statistiques. Notons par ailleurs que dans l’étude RIGOR [4], les 291 patients colligés ont été opérés par 17 chirurgiens, pratiquant dans 4 hôpitaux différents. Malgré la polémique soulevée ces dernières années autour de la moindre perméabilité des greffons coronaires après un pontage coronaire à cœur battant, nous avons inclus les 6 patients opérés avec cette technique, car ils n’ont reçu que des pontages AMI. Une méta-analyse récente [5] a confirmé que le pontage off-pump ne réduit significativement que la perméabilité des greffons VSI, alors qu’il n’affecte ni celle de l’AMIG ni celle de l’artère radiale. Dés le début de l’étude statistique, nous avons voulu aboutir à une analyse multivariée afin d’identifier les facteurs de risque indépendants en rapport avec l’occlusion des différents greffons. Cependant, vu que l’analyse univariée n’a pas pu isoler plus de 3 facteurs prédictifs significatifs par greffon, l’analyse multivariée a été jugée peu fructueuse par nos statisticiens. Notre étude a objectivé qu’après 6 mois de recul, le taux d’occlusion des greffons VSI est inquiétant, puisque 35,96 % des patients ayant bénéficié d’un pontage artérioveineux ont eu un greffon veineux occlus, contre 33 % dans l’étude multicentrique RIGOR [4]. Dans cet intervalle de temps, la perméabilité des greffons veineux obéit à la loi du tout ou rien, ils sont soit totalement perméables, soit complètement occlus, ce qui dénote du mécanisme thrombotique de leur occlusion. À un stade plus précoce, la proportion des greffons veineux occlus à 1 semaine de la chirurgie avoisine les 10 % [6]. Ceci démontre clairement que la phase périopératoire est déterminante pour la perméabilité des greffons veineux. Goldman [7] a objectivé qu’un greffon VSI perméable à 1 semaine de l’intervention avait 68 % de chance de l’être à 10 ans. À plus long terme, une étude randomisée [8] a objectivé que 38 à 46 % des greffons veineux étaient occlus après 12-18 mois de recul. À ce stade, le mécanisme d’occlusion fait intervenir successivement l’hyperplasie intimale, entre 6 mois et 1 an, puis l’athérosclérose, au-delà d’une année [2]. Le sexe féminin a été identifié, dans notre étude ainsi que dans d’autres études antérieures [9], comme un facteur prédictif d’occlusion des greffons veineux. D’autres auteurs ont démontré qu’il était associé à une augmentation significative de la mortalité précoce après un pontage coronaire isolé, sans toutefois élucider le mécanisme responsable [10]. L’une des hypothèses avancées est une revascularisation coronaire plus difficile chez les femmes, lesquelles possèdent un calibre coronaire plus faible que celui des hommes, indépendamment de leurs surfaces corporelles [11]. L’association significative, dans la présente étude, des transfusions de sang homologue aux occlusions des greffons veineux, a été notée récemment par Engoren [12]. Des études plus anciennes ont démontré que la transfusion de sang conservé provoque un état prothrombotique, en stimulant la libération plaquettaire du CD40L, aboutissant à l’expression du facteur tissulaire et à la réduction de l’activité fibrinolytique. Par ailleurs, Hedstrom [13] a démontré dans une étude randomisée que le taux circulant postopératoire de l’inhibiteur de l’activateur du plasminogene (PAI-1), qui agit comme un facteur procoagulant direct, était plus élevé après des transfusions de sang homologue, comparativement aux transfusions de sang autologue. D’autre part, notre étude a identifié l’association des durées de CEC dépassant 110 min à l’occlusion des greffons veineux au 6e mois postopératoire, corroborant ainsi les théories d’autres auteurs ayant fait ce constat à un stade plus précoce (7jours) [14], mais également à plus long terme (3 ans) [15]. Les greffons VSI utilisés dans la population de la présente étude ont été prélevés à ciel ouvert, selon la technique conventionnelle. Ceci peut expliquer en partie l’occlusion d’un tiers d’entre eux, d’autant plus que Samano et al. [16] ont démontré dans une étude randomisée, qu’après un recul moyen de 16 ans, le prélèvement « No Touch », gardant la graisse périvasculaire autour du greffon VSI, lui confère une perméabilité presque égale à celle de l’AMIG et significativement plus élevée que celle de la technique conventionnelle (p = 0,03). L’excellente perméabilité précoce de l’AMIG dédiée à l’IVA, notée aussi bien dans notre étude (96,3 %) que dans d’autres études angiographiques (93-96 %) [6, 7, 17], conforte son statut de pierre angulaire de la revascularisation coronaire chirurgicale. La perméabilité significativement plus élevée de l’AMID par rapport à celle des greffons veineux au niveau des territoires coronaires circonflexe et droit, parue dans notre étude ainsi que dans celle de Tatoulis [17] doit faire de l’AMID le greffon de choix pour revasculariser ces territoires. Nous avons également mis en évidence, que pour les mêmes coronaires cibles, les 2 AMI, biologiquement semblables, avaient des perméabilités comparables. Ce constat vérifié dans d’autres études [17] confirme la sécurité du pontage double mammaire in situ inversé (AMIG-artères marginales et AMID-IVA), et offre au chirurgien plus de souplesse pour revasculariser l’ensemble du réseau coronaire gauche, y compris les marginales distales, en n’utilisant que les 2 AMI in situ. Bien que nous n’avons pas noté de différences significatives de la perméabilité des deux greffons AMI en fonction du type de leur montage (in situ, in situ inversé ou en Y), les greffons mammaires composites en Y nous ont permis de réaliser significativement plus de pontages artériels par patient. Les autres avantages de ce type de pontage sont la réduction à moyen terme (7 ans) du taux des réinterventions par rapport au pontage double mammaire in situ [18], ainsi que la sécurité qu’il offre en cas d’une éventuelle réintervention avec des pontages AMI perméables. En effet, le greffon mammaire composite en Y passant sur le flanc gauche du cœur sera en position sécurisée, contrairement au pontage double mammaire in situ inversé, où l’AMID précroisant l’aorte ascendante comporte un risque de blessure très important. Par ailleurs, la meilleure perméabilité des deux AMI au niveau de l’IVA en comparaison au réseau marginal gauche a été évoquée également par Tatoulis dans une autre étude portant sur 2127 conduits artériels (p ˂ 0,001) [19]. Cela peut s’expliquer par une difficulté opératoire plus élevée lors du pontage des artères marginales, ainsi que par la possibilité de survenue de tension et/ou de torsion au niveau de ces greffons, notamment lors de la traversée du sinus de Theile. La perméabilité des greffons AMI est non seulement affectée par les lésions pouvant survenir lors de leurs prélèvements, telle que les dissections, les hématomes pariétaux et les brûlures par électrocoagulation, mais également par le degré de sténose de leur coronaire cible [19]. En effet, les sténoses modérées (˂ 60 %) entraînent un flux compétitif voire même inversé à travers les greffons artériels, aboutissant ultérieurement à leur involution. Récemment, une étude randomisée [20] a démontré que le pontage coronaire guidé par la FFR (Fractional Flow Reserve) réduisait significativement le taux d’occlusion des greffons et des récidives de l’angor, comparativement au pontage guidé par la seule coronarographie. La valeur prédictive négative élevée des coroscanners actuels, concernant les sténoses et les occlusions des greffons coronaire [3], permet d’exclure avec une grande certitude tout dysfonctionnement de ces derniers et réserve ainsi la coronarographie aux patients qui nécessiteraient une revascularisation.  Le talon d’Achille de cette imagerie non invasive reste sa plus faible performance diagnostique (sensibilité et spécificité) en matière d’évaluation du degré des sténoses du réseau coronaire natif, notamment en cas de calcifications importantes, rendant difficile la mise en évidence des sténoses modérées qui pourraient expliquer l’occlusion des greffons AMI.   4.1. Limites de cette étude L’un des reproches que l’on pourrait faire à cette étude ayant analysé la perméabilité, à 6 mois de la chirurgie, de 232 AMI et 89 VSI, est le nombre réduit des effectifs comparés, limitant ainsi la puissance des tests utilisés. Le refus de presque un tiers des patients asymptomatiques de bénéficier d’une imagerie coronaire postopératoire a peut-être réduit le taux moyen de perméabilité des différents greffons. Le nombre limité des coronarographies (n = 11), réalisées uniquement chez les patients dont les examens de stress étaient positifs, nous a rendu difficile l’analyse de l’impact du degré des sténoses proximales sur la perméabilité des greffons AMI.   5. CONCLUSION Au 6e mois postopératoire, la perméabilité de l’AMIG est excellente alors que les greffons veineux sont occlus dans 1/3 des cas. L’AMID doit être privilégiée dans la revascularisation des territoires coronaires circonflexe et droit. Un pontage « tout artériel » est à encourager chez le sexe féminin et les transfusions sanguines homologues sont à éviter en cas de pontage coronaire artérioveineux.    RÉFÉRENCES Fitzgibbon GM, Kafka HP, Leach AJ, Keon WJ, Hooper GD, Burton JR. Coronary bypass graft fate and patient outcome: angiographic follow-up of 5,065 grafts related to survival and reoperation in 1,388 patients during 25 years. J Am Coll Cardiol 1996;28:616-26. https://doi.org/10.1016/0735-1097(96)00206-9 Motwani JG, Topol EJ. Aortocoronary saphenous vein graft disease. Circulation 1998;97:916-3. https://doi.org/10.1161/01.CIR.97.9.916 Jones C M, Athanasiou T, Dunne N et al. Multi-Detector Computed Tomography in Coronary Artery Bypass Graft Assessment: A Meta-Analysis. Ann Thorac Surg 2007;83:341-8. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2006.08.018 PMid:17184705 Gluckman TJ, Segal JB, Schulman SP et al. 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Circulation 2013;128:1405-1411. https://doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.113.002740 PMid:23985788 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 16/01/2018. Acceptation : 17/05/2018. Remerciements : les auteurs tiennent à remercier R. Mansouri, R. Boughrarou, S. E. Bouyoucef et C. Cherid pour leurs contributions actives dans la réalisation des coroscanners, des scintigraphies myocardiques et de l’analyse statistique de cette étude.  
juin 24, 2018
Cas clinique · Vol. 22 Juin 2018

Le shunt de Gerbode : à propos d’un cas

Cédric Mutuale1*, Ismail Ourghebbi1, Mohammed Messouak2   Résident sénior en chirurgie cardiovasculaire, CHU Hassan II, Fès, Maroc. Professeur chef de service de chirurgie cardiovasculaire, CHU Hassan II, Fès, Maroc. *Correspondance : cedricmutuale@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV22-2-MUT Citation : Mutuale C, Ourghebbi I, Messouak M. Le shunt de Gerbode : à propos d’un cas. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(2). doi: 10.24399/JCTCV22-2-MUT   Résumé Le shunt de Gerbode entre dans un ensemble complexe et varié d’anomalies du septum membraneux caractérisé par une communication ventriculo-auriculaire droite. Nous rapportons le cas d’une femme atteinte de la forme rare congénitale qui a bénéficié d’une correction complète sous circulation extracorporelle.   Abtract The Gerbode defect: a single case report Left ventricular to right atrial communications (the Gerbode defect) are rare and complex types of ventricular septal defects. Herein we report a case of a woman with a congenital form. Cardiopulmonary bypass surgery was performed for a successful and complete correction.   1. Introduction Une femme de 27 ans ayant eu une césarienne comme antécédent en 2011 a consulté pour une dyspnée stade II de la NYHA d’évolution progressive devenant stade III, associée à des palpitations, une fatigabilité à l’effort sans douleurs thoraciques. À son admission, c’est une patiente consciente, stable sur le plan hémodynamique, chez qui l’examen cardiovasculaire retrouve un souffle systolique 4/6 irradiant en rayon de roue avec une intensité maximale au 3e EIC en parasternal gauche. Son ECG s’inscrit en rythme régulier sinusal (RRS) avec un axe dévié à droite. Une échographie trans-thoracique (ETT) a montré un shunt de 7-10 mm entre le VG et l’OD de gradient maximal 120 mmHg, avec comme retentissement une dilatation de l’OD, du VD, ainsi qu’une fuite tricuspide importante par diastasis. Aucune végétation ni thrombus n’est visible. L’intervention chirurgicale a consisté en l’installation d’une CEC aortobicave, la cardioplégie au sang a été donnée par la racine de l’aorte. Après atriotomie droite, nous avons découvert une large brèche de 10 mm de diamètre située au-dessus du tendon de Todaro, en regard du feuillet septal de la tricuspide. Quatre points séparés au TiCron 4-0 ont suffi pour colmater la brèche de manière étanche. La fuite tricuspide importante a été corrigée par la mise en place d’un anneau 3D no 32. Le temps de CEC était d’une heure sept minutes et celui du clampage aortique de 43 minutes. Aucune drogue n’a été nécessaire en postopératoire.   [caption id="attachment_4085" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Vue opératoire à travers l’atriotomie droite.VT : valve tricuspide ; VCI : veine cave inférieure ; TDT : tendon de Todaro ; GD: Gerbode defect type II ; VCS : veine cave supérieure.[/caption]   En réanimation où elle a séjourné pendant 48 heures, les suites postopératoires sont marquées par un passage en arythmie complète par fibrillation auriculaire (ACFA) pour laquelle l’amiodarone a été nécessaire pour juguler l’arythmie. L’ETT postopératoire a confirmé l’absence de shunt résiduel et la correction de la fuite tricuspide importante à minime. La patiente est retournée à son domicile 8 jours après le geste, la plaie cicatrisée et le sternum stable.   [caption id="attachment_4086" align="aligncenter" width="228"] Figure 2. Correction de la fuite tricuspide.VTf : valve tricuspide fuyante ; AT 3D : anneau tricuspide 3D Medtronic no 32 ; VTc : valve tricuspide corrigée.[/caption]   2. Discussion Les shunts VG-OD ont été décrits pour la première fois par Buhl en 1857 [1]. C’est pourtant à Gerbode que l’on doit la première série de correction chirurgicale en 1957 aux États-Unis [2]. Bien que plusieurs séries aient été rapportées [3], le shunt de Gerbode reste une pathologie rare, estimée à moins d’1 % de toutes les cardiopathies congénitales. Comprendre le shunt de Gerbode revient à bien cerner le septum membraneux et les structures qu’il sépare. Ce septum est divisé en deux portions en se basant sur l’implantation du feuillet septal de la valve tricuspide : la portion apicale est interventriculaire tandis que la portion basale est atrioventriculaire. Puisque l’implantation de la valve tricuspide est d’un centimètre en dessous de celle de la mitrale, on imagine aisément que la portion atrioventriculaire sépare l’OD et la chambre de chasse du VG [4]. Ainsi distingue-t-on deux types de shunt de Gerbode : le type indirect (type I) qui est le plus fréquent. Ici, c’est au niveau de la portion apicale interventriculaire qu’est situé le shunt et généralement associé à une lésion de jet sur le feuillet septal de la tricuspide qu’il peut perforer, créant ainsi un shunt indirect dans l’OD. le type direct (type II) où c’est la portion basale atrioventriculaire qui comporte une brèche occasionnant un reflux dans l’OD [5]. Ces anomalies septales peuvent donc être acquises le plus souvent ou congénitales comme le montre le tableau 1 [6].   Tableau 1.  Causes du shunt de Gerbode. 1.      Congénitale 2.      Acquises a.      Postchirurgicale (mitrale, aortique, tricuspide, CIA OS primum et/ou secundum) b.      Endocardite infectieuse c.      Infarctus myocardique de la coronaire droite d.      Blunt cardiac trauma   Bien que la notion de consanguinité n’ait pas été retrouvée, notre cas est d’origine congénitale de découverte tardive. À 27 ans, elle est parmi les plus âgées des cas recensés [3,7,8]. Ce qui explique les symptômes de défaillance cardiaque et qui annihile l’illusion d’une fermeture spontanée. Une ETT a suffi pour établir le diagnostic, car devant toute dilatation anormale de l’OD et un fort gradient maximal, 120 mmHg dans ce cas, le shunt de Gerbode doit être suspecté. Quel que soit le type de shunt, l’abord par une atriotomie droite permet une correction complète de la cardiopathie congénitale, ainsi que celle de la fuite tricuspide causée par lésion de jet sur le feuillet septal ou par hyper débit. En dépit du fait que la majorité des équipes ait utilisé un patch pour colmater la brèche, notre expérience de points séparés 4-0 nous a semblé satisfaisante. L’âge tardif de l’intervention explique aussi le fait de l’importance de la fuite tricuspide pour laquelle seule notre équipe a utilisé un anneau 3D. La patiente, en postopératoire, a présenté un trouble de rythme inattendu : si la proximité avec le triangle de Koch présageait le risque d’un bloc auriculoventriculaire de haut grade, elle a pourtant viré dans le sens opposé par un passage en tachy ACFA.   3. Conclusion Le shunt de Gerbode entre dans l’ensemble complexe et varié des anomalies du septum membraneux dont la proximité avec des faisceaux de conduction et les rapports anatomiques exigent une prise en charge chirurgicale complète mais prudente. Le diagnostic positif par un échographe expérimenté semble aisé. L’âge tardif de l’intervention est, cependant, associé à des retentissements plus ou moins importants sur les cavités cardiaques droites et à l’apparition de trouble de rythme.   Références Buhl, cité par Meyer H. Uber angeborene Enge oder Verschluss der Lungenarterienbahn. Virchow's Arch of path Anat 1857;12:532. Gerbode F, Hultgren H, Melrose D et al. 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juin 24, 2018