Chirurgie thoracique · Vol. 22 Décembre 2018

Atout de la pluridisciplinarité pour une meilleure gestion du drainage thoracique

Clémence Martel-de Kerlivio1, Nicola Santelmo2*, Bénédicte Gourieux1, Sandra Wisniewski1, Gilbert Massard2* Service de pharmacie-stérilisation, hôpitaux universitaires de Strasbourg, France. Service de chirurgie thoracique, hôpitaux universitaires de Strasbourg, France. * Correspondance : nsantelmo@orange.fr ; gilbert.massard@chru-strasbourg.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-4-MAR Citation : Martel-de Kerlivio C, Santelmo N, Gourieux B, Wisniewski S, Massarg G. Atout de la pluridisciplinarité pour une meilleure gestion du drainage thoracique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-MAR   Résumé Objectifs : pour sécuriser le drainage thoracique, acte transversal, il est nécessaire que les professionnels standardisent leurs pratiques. L’objectif de l’étude est 1) de réaliser un état des lieux des connaissances et des pratiques, 2) de rappeler les clés d’un drainage bien conduit et de présenter les dispositifs médicaux disponibles, et 3) de définir un protocole institutionnel pour harmoniser la gestion et le choix d’un système de drainage. Méthodes : le programme de formation a été construit par un binôme pharmacien/chirurgien thoracique, et son impact a été mesuré en comparant les connaissances avant/après l’intervention. Nous avons audité les services impliqués sur leurs pratiques, et proposé des algorithmes décisionnels. Résultats : l’intervention et l’enquête de pratique ont été menées dans les services de réanimation, de pneumologie et de chirurgie thoracique. La participation de 129 infirmiers et médecins à l’atelier de formation a confirmé l’intérêt de la thématique ; leurs connaissances ont significativement progressé après l’intervention (p<0,05). Des protocoles décrivant la conduite à tenir en fonction du type d’épanchement, pour le transport, le retrait et la surveillance du drainage thoracique ont été réalisés, validés par les experts et la Commission du médicament et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS). Enfin, le système de drainage est désormais identique dans tous les services. Discussion : l’accueil enthousiaste que nous avons reçu témoigne de la complémentarité clinique et technique des intervenants et encourage le développement de futurs projets pluridisciplinaires.   Abstract Multidisciplinary approach to improve pleural drainage management Aim: Healthcare providers are committed to standardizing their practice for chest drainage management. The main objective of this study was to review the current knowledge of providers and to propose an ongoing formation program to remind them of the keys factors for good drainage, as well as to present the available medical devices. An additional aim was to produce an institutional protocol and standardize the drainage system used by the units. Methods: A pharmacist and thoracic surgeon worked together to establish the formation program. To evaluate the impact of the program, we compared the knowledge of participants before and after undergoing the formation program. We performed an audit on practices in the relevant units, then proposed a decision tree. Results: Training workshops and an audit on practices were proposed in the departments of resuscitation, pneumology and thoracic surgery. As the subjects met their expectations, we observed consequent involvement of healthcare providers at the workshop (129 nurses and medical practitioners). The workshop significantly improved participants’ knowledge (p < 0.05). The institutional protocol describing drainage management according to the nature of pleural effusion, transport management, removal of chest drainage and drainage monitoring was ratified by local experts. Finally, we proposed that a unified drainage system be made available in all units. Discussion: By working in a complementary manner, we sent clinical and technical messages and received enthusiastic support from the participants. This encourages the development of future multidisciplinary projects.   1. Introduction L’objectif du drainage thoracique est double, puisqu’il s’agit de maintenir le poumon à la paroi thoracique en rétablissant une pression négative dans l’espace pleural, et d’évacuer un épanchement de nature gazeux (pneumothorax), liquidien (pyothorax, hémothorax, chylothorax) ou mixte (hydropneumothorax). Rappelons que le système doit satisfaire aux conditions de perméabilité et d’irréversibilité pour permettre l’évacuation des sécrétions sans retour possible vers la plèvre. Le système doit également être étanche et mis en place dans des conditions stériles [1]. Si le drainage thoracique est une technique simple et éprouvée, la pratique n’en demeure pas moins délicate. La pose du drain et la surveillance du drainage sont des activités transversales réalisées dans de nombreuses unités, pour lesquelles les personnels médicaux et paramédicaux sont complémentaires et doivent être coordonnés. Le drainage thoracique est un acte non sans risque, aussi les professionnels de santé sont tenus de mettre à jour leurs connaissances et de standardiser leurs pratiques pour offrir au patient une prise en charge optimisée et leur garantir l’efficacité et la sécurité des soins. À ces fins, l’objectif principal de l’étude a été de proposer un programme de formation continue aux acteurs du drainage thoracique pour rappeler les clés d’un drainage bien conduit, et d’élaborer un protocole institutionnel pour standardiser la gestion du drainage thoracique dans l’établissement. Le drainage thoracique est un acte pour lequel les professionnels sont formés à différentes écoles, ce qui explique les multiples références de drains et de systèmes de drainage disponibles. Ainsi, il convient de distinguer les drains thoraciques sans mandrin, destinés à être insérés chirurgicalement dans la plèvre du patient, de ceux montés sur trocart ou sur fil-guide, qui font l’objet d’une insertion percutanée. Le drain thoracique est connecté à un système de drainage composé à minima d’une valve anti-retour (type Heimlich), qui est le plus souvent associée à un bocal de recueil des sécrétions. La réexpansion du poumon est possible si une dépression est appliquée au système de drainage : drainage passif ou par gravité si le système est placé en déclive, ou drainage actif si une source d’aspiration extérieure est utilisée (vide mural ou pompe autonome intégrée au système de drainage). Le pharmacien est impliqué dans le choix et le référencement des dispositifs médicaux, il doit répondre aux besoins des utilisateurs et mettre à disposition des dispositifs fiables et adaptés, et toute l’information nécessaire à leur bon usage. L’objectif secondaire de l’étude a été de présenter et de promouvoir le bon usage des dispositifs médicaux dédiés, et de mener une réflexion d’harmonisation des systèmes de drainage au sein de l’établissement, qui est intrinsèquement liée à la volonté de standardisation des pratiques.   2. Matériel et méthode 2.1. Périmètre de l’étude L’étude a été restreinte aux services amenés à prendre en charge la pose et/ou le suivi du drainage, identifiés par une consommation minimale annuelle de 100 systèmes de drainage (année 2014).   2.2. Construction d’un programme de développement professionnel continu (DPC) Sous l’égide de la Commission des médicaments et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS) de l’établissement, un binôme pharmacien/chirurgien thoracique a piloté le programme.   2.2.1. Enquête de pratiques L’analyse des pratiques a permis de réaliser une cartographie de la prise en charge du patient drainé dans les services concernés. L’audit a été réalisé par un binôme pharmacien/chirurgien thoracique auprès des chefs de service (ou leur représentant) et des cadres de santé. La grille de recueil a été testée et validée avant réalisation. Ses items déclinent les étapes clés du drainage thoracique, comme les indications principales retenues pour sa mise en œuvre, la répartition des responsabilités, la gestion de la surveillance et du transport des patients, et les dispositifs médicaux (DM) utilisés. Les services audités ont également pu exprimer leur avis (satisfaction ou insatisfaction) sur les DM actuellement référencés, et formuler de nouveaux besoins éventuels. À distance, une analyse des écarts entre la pratique constatée et la pratique souhaitée a été menée par les auditeurs et une restitution a été proposée au service audité lors de l’atelier-formation.   2.2.2. Apport cognitif Une séquence d’atelier-formation a été proposée dans les services ciblés à tous les personnels médicaux et infirmiers. Le support de la formation a été construit par le binôme pharmacien/chirurgien thoracique, après analyse des référentiels et résultats de l’enquête de pratique.   2.2.3. Suivi d’indicateur Le bénéfice de la formation a été évalué en comparant les connaissances des acteurs du drainage thoracique avant et après l’atelier (diffusion d’un questionnaire d’auto-évaluation).   2.2.4. Validation DPC Les personnes ayant participé à l’atelier de formation et répondu aux deux tours des questionnaires ont pu valider un DPC.    2.3. Standardisation des pratiques Sur la base des résultats de l’analyse de pratiques conduite dans les services et de l’avis d’experts locaux, et après revue de la littérature et notamment des recommandations internationales [2-7], nous avons proposé d’élaborer un protocole institutionnel de drainage thoracique, afin de standardiser les pratiques et d’améliorer la qualité des soins dispensés. Cette étape comprend également une harmonisation et une mise à jour des formulaires qui permettent la traçabilité des paramètres relevés lors de la surveillance du drainage en lien avec les logiciels d’aide à la prescription (LAP), et la sélection d’un système de drainage commun à l’ensemble de l’établissement pour faciliter le transfert des patients drainés et optimiser les achats.   2.4. Analyse statistique Les données qualitatives étaient exprimées en effectifs et pourcentages, et les données quantitatives en valeurs moyennes ± écart type et en médianes accompagnées des valeurs extrêmes. La comparaison de la note globale du questionnaire a été réalisée à l’aide du test de Wilcoxon pour série appariée. Le taux de bonnes réponses a également été comparé question par question entre les deux périodes en utilisant le test du Chi2. Une «p-value» <0,05 a été considérée comme significative. La comparaison de la note globale entre les deux périodes, selon la catégorie professionnelle et selon la spécialité, a été réalisée en utilisant un modèle de régression linéaire mixte. Ces analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel R (www.r-project.org).   3. Résultats 3.1. Enquête de pratique L’enquête a été menée auprès de 21 acteurs en santé dans 15 unités fonctionnelles des services cibles du programme : chirurgie thoracique, pneumologie, services de réanimation (médicale, chirurgicale, pédiatrique et néonatale). Nous avons inclus les services d’imagerie qui sont impliqués dans la pose de drain ; les services de chirurgie abdominale et cardiaque ont été exclus. Parmi les observations, nous avons noté que la familiarité du personnel avec la gestion du drainage était très disparate en fonction des services, et que seule la pédiatrie disposait d’un protocole dédié. Le déploiement du dossier patient informatisé (annexé au logiciel d’aide à la prescription) a permis d’intégrer un formulaire de recueil des paramètres de surveillance du drainage. Dans 11 UF sur 15, les paramètres de surveillance sont recueillis informatiquement. Cependant, plusieurs LAP coexistent dans l’établissement (DxCare®, ICCA®), et les services n’utilisent pas tous le même formulaire et n’objectivent pas les données de la même façon. La gestion du transport des patients drainés apparaît peu sécurisée et il apparaît aussi que les risques liés à la manipulation du drain sont méconnus : clampage à mauvais escient, connexions/déconnexions, risque septique, pas d’accompagnement des patients, sauf pour les services de réanimation.   3.2. Programme de formation L’atelier de formation s’est déroulé en 4 étapes : restitution de l’enquête, partie théorique (anatomie, indications, objectifs et caractéristiques du drainage), recommandations pour la pratique, et mise au point sur le bon usage des DM impliqués (démonstration à l’appui). Les 14 ateliers ont enregistré 129 participants [figure 1]. [caption id="attachment_4219" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Répartition des participants par service et par fonction (N=129).[/caption] Selon les services, les formations ont pu toucher jusqu’à 29% des manipulateurs en radiologie, 75% des IDE, 71% des internes et 86% des médecins seniors. Tous les participants ont été destinataires d’un questionnaire d’évaluation avant et après la formation, et 38,8% (N=50) d’entre eux ont répondu aux deux tours. Cette population de 50 participants a été sélectionnée pour mesurer l’impact du programme, en mettant en évidence la progression de leurs connaissances avant/après les ateliers de formation. Au premier tour, la note moyenne des réponses au questionnaire est de 3,62/10 et au second tour de 4,86/10, l’écart entre les deux notes est significatif (p<0,01). L’analyse séquentielle des réponses, question par question, indique que trois messages relatifs aux fonctions de la plèvre, aux indications du drainage et la gestion du système en siphonage ont été particulièrement bien assimilés par les participants [figure 2].   [caption id="attachment_4220" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Nombre de réponses justes au questionnaire, analyse par question.[/caption] Le groupe infirmiers et manipulateurs en radiologie et le groupe des médecins seniors réalisent une progression significative des résultats après l’intervention (p <0,05). Globalement, peu de services réalisent une progression significative des résultats après l’intervention, excepté le service de réanimation chirurgicale (p<0,05). Le service de radiologie réalise également une progression remarquable, d’autant que la note globale au premier tour était faible (<2/10). Le service de chirurgie thoracique obtient la note maximale au second tour (>6/10), mais la progression n’est pas significative au vu de l’effectif des répondants. La satisfaction des participants aux ateliers a été évaluée. Parmi les 50 répondants ciblés, aucun n’a jugé la qualité de la formation insatisfaisante. Trois personnes l’ont jugée peu satisfaisante (6%), 30 satisfaisante (60%) et 17 tout à fait satisfaisante (34%). Sur une échelle de 1 à 10, sa qualité a été estimée à 7,32 en moyenne. Les 50 personnes ayant participé aux formations et répondu aux deux tours des questionnaires ont pu valider un DPC.   3.3. Actions entreprises 3.3.1. Protocole institutionnel de drainage thoracique Le protocole de drainage thoracique a été construit sous forme de diagrammes d’aide à la décision pour la prise en charge du patient dans les situations cliniques courantes. Six algorithmes décrivent ainsi la conduite à tenir pour le drainage en fonction du type d’épanchement (pneumothorax spontané, pleurésie purulente, pleurésie maligne et hémothorax), pour décider de l’ablation du drain et pour la bonne gestion du transport des patients drainés. Une check-list de surveillance a également été formalisée. Les protocoles ont été validés par la communauté médicale et la COMEDIMS des hôpitaux universitaires de Strasbourg [Annexe 1].   3.3.2. Harmonisation des formulaires de surveillance Nous avons comparé les items proposés par les différents formulaires de surveillance existants et une réflexion de pertinence et de simplification a été menée. Le formulaire a été refondu afin de mettre les items en commun [Annexe 2]. À l’avenir, un volet permettra la traçabilité de la mise en place (date de pose, type de drain et calibre, type de système de drainage, vérifications effectuées, date de réfection du pansement, etc.) et un second volet permettra de relever les paramètres de surveillance proprement dit (quantité recueillie, aspect, valeur de la dépression, bullage, traite ou clampage du drain, changement de système de recueil, etc.).   3.3.3. Harmonisation des systèmes de drainage Lors de l’audit de pratiques, les services ont unanimement accepté de tendre à harmoniser les systèmes de drainage dans l’établissement. Nous avons proposé de déployer un système de drainage commun répondant aux contraintes exprimées par les utilisateurs. Ainsi, nous avons recherché un système pouvant se transformer en système de drainage autonome (adjonction d’une pompe autonome) pour le transport du patient, besoin exprimé par la majorité des services. Nous avons également voulu sélectionner un système stable, simple d’utilisation et doté d’une grande capacité de recueil. Par ailleurs, nous avons voulu proposer un système déjà utilisé et connu dans l’un des services pour bénéficier de leur expérience, pour améliorer l’adhésion des professionnels et accompagner le changement de pratique. Le système compact Simple 3® double chambre avec connecteur/déconnecteur pour pompe Mobile et PalmEvo® (référence 10125, ADHESIA) a été retenu après une phase de test dans le service de chirurgie thoracique. Il est désormais positionné comme système de drainage de première intention. D’autres systèmes de drainage sont conservés dans des indications de niche : l’un dispose d’un manomètre intégré permettant de réguler finement la dépression appliquée pour les services de pédiatrie, et l’autre permet l’application d’une dépression de l’ordre de 400cmH2O pour le drainage postopératoire de chirurgie cardiaque. Enfin, dans les suites de lobectomie mini-invasive, les chirurgiens thoraciques souhaitent conserver un dispositif de drainage autonome sophistiqué permettant le monitorage précis du débit des fuites aériennes et du volume des sécrétions recueillies, en vue de raccourcir la durée du drainage et de permettre en parallèle la remobilisation rapide des patients après la chirurgie.   4. Discussion 4.1. Rationnel de l’étude Le ressenti d’un manque de connaissances des acteurs en matière de drainage thoracique a conduit quelques chirurgiens thoraciques à proposer ce travail. Ce constat est partagé par d’autres communautés médicales et a été décrit dans la littérature [8-10]. Il apparaît un manque de consensus, y compris dans les principes de surveillance des indications habituelles. Deux études [8,9] ont proposé des questionnaires ciblés sur la prise en charge des patients drainés. Les résultats ont montré le déficit des connaissances des soignants, soulignant la nécessité de formation des acteurs. Parallèlement, la déclaration de plusieurs cas de matériovigilance sur des DM de drainage thoracique au niveau local a objectivé des risques potentiels lors de leur utilisation et a confirmé le besoin de réaliser une campagne de formation, afin de sécuriser la prise en charge du patient. En effet, le manque de formation peut conduire à des accidents au moment de la mise en place du drain. D’autres complications peuvent également survenir au décours d’une gestion inadéquate du système de drainage (pneumothorax suffocant, emphysème sous-cutané, pleurésie purulente, œdème a vacuo, etc.) Une gestion appropriée du drainage thoracique demande la maîtrise du bon usage des dispositifs médicaux impliqués. L’objectif pédagogique et la complémentarité technique et clinique des pilotes du projet (binôme pharmacien/chirurgien) ont légitimé notre offre de formation à destination des acteurs du drainage. Le choix de formations communes aux équipes médicales et infirmières s’inscrit dans cet esprit recherché d’échanges pluriprofessionnels concernant des actes médicaux et paramédicaux étroitement liés.   4.2. Analyse des écarts et mesures correctives L’analyse des écarts de l’enquête de pratique a identifié des faiblesses dans la qualité et la sécurité des soins liés au drainage thoracique et a été force de propositions. L’absence de protocole de drainage dans 13 UF sur 15 a motivé la rédaction de documents qualité sous forme d’algorithmes décisionnels. Les documents en vigueur [Annexe 1] sont mis à disposition à titre informatif, ils peuvent être une base de travail pour d’autres équipes qui souhaiteraient s’engager dans la standardisation des pratiques. Le travail récent mené par l’équipe du Dr Seguin s’inscrit également dans cette démarche, en formulant des réponses à des questions pratiques relatives à la gestion du drainage après lobectomie [11]. Cet article confirme la volonté des experts d’échanger sur leurs pratiques et de les standardiser. D’autres actions ont été menées, notamment pour sécuriser et simplifier les transferts de patients : harmonisation des formulaires de surveillance et choix effectif d’un système de drainage commun. Dans un traité sur la prévention de l’erreur médicale [12], des qualiticiens experts prennent l’exemple du manque d’harmonisation des systèmes de drainage thoracique au sein d’un hôpital pour illustrer le concept d’erreur médicale latente, et le qualifient d’évènement porteur de risque. L’harmonisation du système de drainage était donc une priorité dans la prévention du risque d’erreur. Le gain à l’harmonisation est également économique, car les surcoûts entraînés par le changement complet de système de drainage lors des transferts entre les services de l’établissement sont réduits par la standardisation du système de drainage dans l’ensemble de l’établissement (hors indications de niche). Les essais menés sur le système de drainage retenu ont mis en évidence une tendance de la tubulure à « plicaturer » : des améliorations ont pu être apportées par l’industriel sur le produit afin qu’il soit fiabilisé.   4.3. Impact du programme de formation sur les connaissances Les 14 séances d’ateliers organisées ont permis de regrouper 129 professionnels de santé. Cette importante participation des médecins et des infirmiers témoigne d’une attente des acteurs du drainage thoracique. L’état des lieux des connaissances des soignants avant leur participation à l’atelier a objectivé les lacunes ressenties par les experts. L’analyse des résultats de l’évaluation avant/après montre une progression significative des connaissances des participants, même si les notes restent plus basses qu’attendues. L’analyse des notes question par question nous permet d’identifier des points critiques de connaissances non acquis. Ainsi, nous pourrons améliorer le support de notre présentation, notamment en clarifiant les messages relatifs à la conduite à tenir lorsqu’un drain présente des fuites aériennes et au transport d’un patient drainé. L’analyse en sous-groupes de l’impact de la formation, par service d’appartenance ou par catégorie professionnelle, rend non significative la progression des connaissances. Ce phénomène peut s’expliquer par les faibles effectifs de certaines catégories professionnelles. Nous noterons aussi qu’il est difficile d’atteindre un niveau de connaissances et de compétences homogène dans la gestion du drainage. En effet, le drainage thoracique est un acte technique, influencé par la dextérité, le ressenti et le vécu des soignants. Ces résultats néanmoins très encourageants nous poussent à améliorer et à pérenniser ce programme de formation.   4.4. Limites de l’étude Les services cibles de l’intervention ont été identifiés par leur consommation en systèmes de drainage. Une prochaine campagne de sensibilisation pourra proposer ce programme aux services d’urgences et de chirurgie adulte et pédiatrique, au SAMU et aux autres services d’imagerie. Une autre approche de sélection aurait été de pouvoir identifier les patients drainés, et de remonter au service les ayant pris en charge. Cependant, quoique la classification commune des actes médicaux (CCAM) décrive plusieurs actes relatifs au drainage thoracique (chapitre 6.3.6 : Évacuation de collection pleurale), ceux-ci ne font pas partie des actes classant dans un groupe homogène de malades (GHM), et leur codage est facultatif car sans impact financier. Comme ces actes ne sont pas valorisés, la réalisation d’une requête informatique identifiant les patients drainés n’a pas été possible. Le créneau horaire choisi pour la formation des équipes infirmières intervenait juste après le passage des consignes entre les équipes du matin et celles de l’après-midi, vers 14 heures. Seuls les infirmiers quittant leur poste du matin ont pu participer aux ateliers, l’équipe de l’après-midi devant assurer la continuité du service. Autant que cela a été possible, nous avons organisé au moins deux séances afin de toucher le plus large échantillon des pools infirmiers.   4.5. Perspectives L’accueil de l’atelier de formation par les participants a été enthousiaste. Nous avons bénéficié du label DPC pour proposer notre offre de formation, ce qui a pu motiver les participants. Si l’atelier a globalement été jugé utile par les participants, il ne figurait toutefois pas dans les priorités de formation que les cadres de santé proposent à leurs équipes. Nous avons été sollicités par plusieurs professionnels de santé pour étudier la faisabilité de pérennisation du programme. Pour le rendre accessible au plus grand nombre, un module de formation est hébergé sur la plateforme de e-learning de l’Observatoire des médicaments, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (OMEDIT) de la région Centre-Val de Loire. L’objectif est d’intégrer ce dernier dans les programmes de formation d’accueil des nouveaux agents, notamment des infirmiers et des internes.   5. Conclusion Le drainage thoracique est un acte technique, et son déroulement doit faire l’objet d’une surveillance attentive. Un programme de formation pédagogique a permis de réunir tous les acteurs du drainage et ainsi d’encadrer leurs pratiques, de rassurer les professionnels de santé qui n’en sont pas toujours familiers et de sécuriser la prise en charge du patient. Les liens qui se sont établis au cours des différentes étapes du programme, entre les différentes disciplines du corps médical, sont également à considérer comme des ouvertures vers de futurs projets à bâtir ensemble. La validation institutionnelle permet de formaliser le protocole de drainage thoracique et d’amorcer la standardisation des pratiques. L’un des intérêts de cette étude est aussi de montrer qu’une amélioration significative de la prise en charge du patient drainé demeure compatible avec le souci de la maîtrise des coûts impliqués. En effet, l’harmonisation des pratiques et le choix de dispositifs validé par les professionnels de santé ont permis d’optimiser les achats et l’offre de dispositifs médicaux de qualité.   Références Galvaing G, Riquet M, Dahan M. Principes du drainage thoracique. EMC-Tech Chir-Thorax 2013;8(4):1-11[42-200]. Havelock T, Teoh R, Laws D, Gleeson F. Pleural procedures and thoracic ultrasound: British Thoracic Society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65:61-76. https://doi.org/10.1136/thx.2010.137026 PMid:20696688 MacDuff A, Arnold A, Harvey J. Management of spontaneous pneumothorax: British Thoracic Society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65:18-31. https://doi.org/10.1136/thx.2010.136986 PMid:20696690 Roberts ME, Neville E, Berrisford RG, Antunes G, Ali NJ. Management of a malignant pleural effusion: British Thoracic Society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65:32-40. https://doi.org/10.1136/thx.2010.136994 PMid:20696691 Davies HE, Davies RJO, Davies CWH. Management of pleural infection in adults: British Thoracic Society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65:41-53. https://doi.org/10.1136/thx.2010.137000 PMid:20696693 Maskell NA, Davies CWH, Nunn AJ, Hedley EL, Gleeson FV, Miller R, et al. U.K. Controlled Trial of Intrapleural Streptokinase for Pleural Infection. N Engl J Med 2005;352:865-874. https://doi.org/10.1056/NEJMoa042473 PMid:15745977 Tschopp JM, Bintcliffe O, Astoul P, et al. ERS task force statement: diagnosis and treatment of primary spontaneous pneumothorax. Eur Respir J 2015;46:321-35. https://doi.org/10.1183/09031936.00219214 PMid:26113675 Lehwaldt D, Timmins F. The need for nurses to have in service education to provide the best care for clients with chest drains. J Nurs Manag 2007;15:142-148. https://doi.org/10.1111/j.1365-2834.2007.00643.x PMid:17352696 Magner C, Houghton C, Craig M, Cowman S, Nurses' knowledge of chest drain management in an Irish Children's Hospital. J Clin Nurs 2013;22:2912-2922. https://doi.org/10.1111/jocn.12299 PMid:23829520 Durai R, Hoque H, Davies TW. Managing a Chest Tube and Drainage System. AORN J 2010;91:275-283. https://doi.org/10.1016/j.aorn.2009.09.026 PMid:20152201 Bouassida I, Seguin-Givelet A, Brian E, Grigoroiu M, Gossot D. Évolutions actuelles du drainage thoracique après lobectomie : vers une approche standardisée. J Chir Thorac Cardiovasc 2017;21(2). Rodziewicz TL, Hipskind JE. Medical Error Prevention. StatPearls 2018;Mar30.   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Ces résultats ont été présentés lors des Journées d’automne de la SFCTCV de décembre 2015, Paris.  Date de soumission : 12/07/2018. Acceptation : 15/10/2018.  
décembre 3, 2018
Chirurgie thoracique · Vol. 22 Décembre 2018

Indications et suites opératoires des pneumonectomies au Centre hospitalier universitaire national (CHUN) de Fann à Dakar

Assane Ndiaye1, David Douglas Banga Nkomo1,3*, Souleymane Diatta1, Papa Salmane Ba1, Magaye Gaye1, Pape Adama Dieng1, Yacine Dia2, Amadou Gabriel Ciss1, Mouhamadou Ndiaye1 Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHUN de Fann, Dakar, Sénégal. Service de pneumologie, CHNU de Fann, Dakar, Sénégal. Centre des urgences de Yaoundé, Yaoundé, Cameroun. *Auteur correspondant : dbangankomo@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV22-4-NDI Citation : Ndiaye A, Banga Nkomo DD, Diatta S, Ba PS, Gaye M, Dieng PA, Dia Y, Ciss AG, Ndiaye M. Indications et suites opératoires des pneumonectomies au Centre hospitalier universitaire national (CHUN) de Fann à Dakar. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-NDI   Résumé Objectif : notre étude avait pour but de présenter les indications et le devenir des patients ayant bénéficié d’une pneumonectomie dans notre pratique quotidienne. Matériel et méthode : nous avons mené une étude descriptive rétrospective de janvier 2004 à décembre 2015, dans laquelle nous avons inclus 106 patients ayant bénéficié d’une pneumonectomie. Résultats : les principales indications étaient la dilatation des bronches (n=65) ; l’aspergillome pulmonaire (n=30), et le cancer bronchopulmonaire primitif (n=5). Le taux de morbidité était de 34,91% (n=37). Les taux de mortalité peropératoire et postopératoire étaient respectivement de 1,88% (n=2) et de 2,83% (n=3). Les principales complications étaient l’infection pariétale (n=12 ; 11,32%), l’empyème post-pneumonectomie (n=11 ; 10,38%) et l’hémothorax post-pneumonectomie (n=8 ; 7,55%). Conclusion : les principales complications dans notre pratique quotidienne sont infectieuses (infection pariétale et empyème post-pneumonectomie). Les résultats sont satisfaisants car les taux de morbidité et de mortalité sont superposables à ceux retrouvés dans la littérature.   Abstract Indications and outcome of pneumonectomy: a retrospective study of 106 patients Aim: To report the indications and outcomes of pneumonectomy. Materials and methods: We retrospectively reviewed 106 patients who underwent pneumonectomy between January 2004 and December 2015. Results: The main indications for pneumonectomy were bronchiectasis (n=65), pulmonary aspergilloma (n=30) and primary lung cancer (n=5). The morbidity rate was 34.91% (n=37). Intraoperative mortality was 1.88% (n=2) and 30-day mortality was 2.83% (n=3). The main postoperative complications were wound infection (n=12, 11.32%), post-pneumonectomy empyema (n=11, 10.38%) and post-pneumonectomy bleeding (n=8, 7.55%). Conclusion: Wound infection and post-pneumonectomy empyema were the main postoperative complications. Nevertheless, the results of pneumonectomy were found to be satisfactory.   1. Introduction Dans les régions de forte endémie tuberculeuse, la pneumonectomie est généralement réalisée pour le traitement des séquelles de tuberculose [1-3]. Tandis qu’ailleurs elle est très souvent réalisée pour la prise en charge des cancers bronchopulmonaires [4-6]. Quelle que soit l’indication et quel que soit le contexte, la morbidité et la mortalité après une pneumonectomie restent élevées [5]. En Afrique subsaharienne, les séries portant sur les pneumonectomies sont peu fréquentes. Aussi, en plus de présenter les indications et le devenir des patients ayant bénéficié d’une pneumonectomie dans notre service, notre étude a également pour objectif de contribuer à l’accroissement des données de la littérature sur la question dans notre contexte.   2. Matériel et méthode Nous avons mené une étude rétrospective descriptive dans le service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire du Centre hospitalier national universitaire de Fann, de janvier 2004 à décembre 2015. Dans cette étude, nous avons inclus tous les patients ayant bénéficié d’une pneumonectomie. Pour chaque patient inclus les données colligées étaient les suivantes : L’âge, le sexe du patient et les comorbidités si elles existaient. Les signes fonctionnels ayant amené le patient à consulter et le délai moyen de ladite consultation. Les lésions radiologiques observées. Les résultats de l’évaluation de la fonction respiratoire et de l’état nutritionnel. La technique chirurgicale, à savoir la voie d’abord utilisée, le côté de la pneumonectomie, la technique du traitement du moignon bronchique, la technique du traitement du pédicule vasculaire et le curage ganglionnaire lorsqu’il était réalisé. L’indication de la pneumonectomie. La durée moyenne du drainage thoracique. La durée moyenne du séjour postopératoire. La (ou les) complication(s) per et/ou postopératoire(s)observée(s). La durée moyenne du suivi postopératoire. La cause du décès. Les données répertoriées ont été saisies rétrospectivement et leur analyse s'est faite grâce au logiciel Epi info version 7.0. 3. Résultats Durant la période d’étude, 106 patients ont bénéficié d'une pneumonectomie dans notre service. Soixante-sept de ces patients (63,2%) étaient de sexe masculin, soit un sexe ratio de 1,7. Leur âge moyen était de 36 ans, avec des extrêmes de 3 mois et de 70 ans. La principale comorbidité majeure retrouvée était le diabète (n=5). Chez les patients qui présentaient des lésions de destruction pulmonaire, les facteurs étiologiques retrouvés étaient la tuberculose pulmonaire (n=79), une pathologie infectieuse non mycobactérienne dans l’enfance (n=2) et un corps étranger inhalé (n=4). Les signes fonctionnels, souvent associés, ayant amené les patients à consulter étaient l’hémoptysie (n=73), la bronchorrhée (n=45), la toux (n=45), la douleur thoracique à type de point de côté (n=45) et la dyspnée d’effort (n=28). Le délai moyen de cette consultation était de 35 mois. Les lésions radiologiques élémentaires mises en évidence par le scanner et la radiographie du thorax étaient les bronchectasies (n=65), une pachypleurite (n=63), des cavités résiduelles (n=53), un syndrome de condensation rétractile (n=27), une image en grelot évocatrice d’un aspergillome pulmonaire (n=26), une masse ou un nodule pulmonaire isolé (n=6) et une bulle d'emphysème géante, compressive (n=4). En outre, 90 patients présentaient une hypertrophie compensatrice du poumon controlatéral au poumon lésé. La figure 1 montre l’aspect tomodensitométrique de dilatation des bronches pulmonaires gauches associées à une hypertrophie du poumon controlatéral.   [caption id="attachment_4209" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Dilatation des bronches pulmonaires gauches associées à une hypertrophie du poumon controlatéral.[/caption]   Le VEMS moyen préopératoire était de 1,85 l/s (extrêmes de 0,6 l/s et 3,25 l/s). Trente-neuf patients (36,8%) avaient un VEMS préopératoire inférieur à 60% de la valeur théorique. L’évaluation de l’état nutritionnel, basée sur l’estimation de l’IMC, avait révélé que nos patients avaient un IMC moyen de 18,7 [12,1-42,86]. Près de la moitié de nos patients, c’est-à-dire 50,94% (n=54), avaient réalisé une sérologie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) qui était revenue négative. La pneumonectomie était réalisée pour une lésion bénigne dans 101 cas et pour une lésion maligne dans 5 cas. Le tableau 1 résume les indications des pneumonectomies.   Tableau 1. Indications des pneumonectomies.   Indications Fréquence Lésion bénigne 101 (95,28%) Dilatation des bronches 65 Aspergillome pulmonaire 30 Bulle d’emphysème géante et compressive 3 Pleurésie enkystée post-tuberculeuse 2 Emphysème lobaire géant 1 Empyème post-lobectomie 1 Plaie de l’artère pulmonaire gauche chez un patient devant bénéficier d’une lobectomie supérieure 1 Tumeur endobronchique 1 Tumeur pulmonaire bénigne 1 Cancer bronchopulmonaire primitif 5 (4,72%)   La voie d’abord était toujours une thoracotomie postérolatérale. Une résection costale y a été associée chez 12 patients. Le nombre maximal de côtes reséquées étaient de 2. Ceci a été le cas chez 3 patients. La pneumonectomie a été réalisée à gauche dans 70 cas (66%). Le geste principal a consisté en une pneumonectomie extrapéricardique (n=76), en une pleuropneumonectomie (n=28) et en une pneumonectomie de totalisation (n=2). La suture bronchique a été manuelle, selon la technique de Sweet dans 100 cas (94,33%) et mécanique dans les autres cas. Le moignon bronchique suturé a ensuite été enfoui dans 81 cas. Le tissu utilisé pour l’enfouissement de ce moignon était la graisse péricardique (n=2), le muscle intercostal (n=7) et la plèvre médiastinale (n=72). La figure 2 représente une vue peropératoire d’un moignon bronchique recouvert par un lambeau de muscle intercostal. [caption id="attachment_4207" align="aligncenter" width="161"] Figure 2.A : Vue peropératoire du lambeau musculaire intercostal après prélèvement.[/caption] [caption id="attachment_4208" align="aligncenter" width="139"] Figure 2.B : Vue peropératoire d’un lambeau de muscle intercostal recouvrant un moignon bronchique.[/caption] Le curage ganglionnaire médiastinal était le seul geste associé (5 cas). Dix incidents peropératoires ont été notés. Il s’agissait de brèches diaphragmatiques (n=3), de plaies vasculaires (n=2) et de troubles du rythme cardiaque (n=5). Les plaies vasculaires étaient une plaie de l’artère pulmonaire et une plaie de l’artère sous-clavière, tandis que les troubles du rythme étaient à type de tachycardie ventriculaire et de bradycardie. La mortalité peropératoire était de 1,88% (n=2). Les décès peropératoires étaient dus à une plaie de l’artère pulmonaire n’ayant pu être réparée et à une tachycardie ventriculaire à l’origine d’une fibrillation ventriculaire n’ayant pu être corrigée. La durée moyenne du drainage thoracique était de 7 jours (extrêmes de 1 jour et de 90 jours). Chez 31 patients (29,24%), elle a été supérieure ou égale à 7 jours. La durée moyenne de séjour postopératoire était de 13 jours (extrêmes de 5 et de 59 jours). Le taux de morbidité de notre série était 34,91% (n=37). Les principales complications étaient l’infection de la paroi (n=12 ; 11,32%), l’empyème post-pneumonectomie (n=11 ; 10,38%) et l’hémothorax post-pneumonectomie (n=8 ; 7,55%). Les différentes complications retrouvées sont présentées dans le tableau 2. Le taux de mortalité postopératoire était de 2,83% (n=3). Les décès postopératoires, au nombre de 3, étaient dus à une insuffisance respiratoire secondaire à un empyème post-pneumonectomie associé à une fistule bronchopleurale (n=2) et à une défaillance multiviscérale par coagulation intravasculaire disséminée à la suite d’un hémothorax post-pneumonectomie (n=1). Le suivi postopératoire avait concerné 89 patients (83,96%). La durée moyenne du suivi postopératoire était de 28 mois (extrêmes de 1 mois et de 11 ans). Durant ce suivi, 7 patients avaient été réadmis (taux de réadmission de 6,6%). L’empyème post-pneumonectomie était le seul motif de réadmission.    Tableau 2. Complications après pneumonectomie. Type de morbidité Fréquence Infection de la paroi 12 (11,32%) Empyème post-pneumonectomie 11 (10,38%) Hémothorax post-pneumonectomie 8 (7,55%) Fistule bronchopleurale 4 (3,77%) Pneumonie sur poumon unique 3 (2,83%) Sepsis 3 (2,83%) Hématome de la paroi 2 (1,89%) Chylothorax 1 (0,94%) Décompensation diabétique 1 (0,94%) Paralysie récurentielle 1 (0,94%)   4. Discussion Les pneumonectomies dans notre étude sont réalisées pour des pathologies pulmonaires malignes et bénignes. Il est vrai que ces dernières sont les plus fréquentes. Dans la plupart des séries traitant des pneumonectomies réalisées dans un contexte comme le nôtre, les bronchectasies ou dilatation des bronches post-tuberculose constituent la principale indication des pneumonectomies [1,2,7]. Dans ces séries, les patients sont jeunes avec un âge moyen généralement inférieur à 50 ans, sont issus d’un milieu socio-économique défavorisé de pays sous-développés ou en développement et ont très peu ou pas du tout de comorbidité. De plus, comme dans notre série, ils sont très souvent dénutris et ne sont pas immunodéprimés par le VIH. Dans les pays développés par contre, les pneumonectomies intéressent des populations plus âgées et le cancer bronchopulmonaire primitif constitue la principale pathologie amenant à réaliser une pneumonectomie. Les pneumonectomies pour des lésions inflammatoires dans ces pays sont réalisées chez des patients immigrés ou ayant un terrain particulier tel qu’une immunodépression [4,5]. Hormis en cas de lésion maligne, les auteurs s’accordent sur le fait que seuls les patients symptomatiques doivent être opérés [1,2,5,7]. Le délai moyen de consultation de notre étude est inférieur à celui retrouvé par d’autres auteurs [3,8,9]. Dans notre contexte d’endémie tuberculeuse, l’hémoptysie d’abondance variable, la toux persistante, la bronchorrhée amène plus souvent à consulter que la dyspnée [3,9], car les patients ont très souvent une hypertrophie du poumon controlatéral, qui compense la perte fonctionnelle du poumon détruit. Les séquelles des maladies inflammatoires ou des maladies infectieuses sont caractérisées par une modification permanente de la structure de l’arbre trachéobronchique et du parenchyme pulmonaire. Ces modifications permanentes expliquent les altérations de la fonction respiratoire observées chez ces patients. Le VEMS moyen de notre série est néanmoins supérieur à celui des séries de Kim et al. [3] ou de Li et al. [9] dont les sujets ont tous bénéficié d’une pneumonectomie pour une destruction pulmonaire post-tuberculeuse. La thoracotomie postérolatérale passant par le 4e espace ou le 5e espace intercostal constitue notre seule voie d’abord. Cette voie d’abord nous semble la plus judicieuse dans les pneumonectomies indiquées pour des lésions bénignes inflammatoires, du fait de la fréquence élevée de patients ayant une pachypleurite, une symphyse apicale ou diaphragmatique. La vidéothoracoscopie n’est jusque-là recommandée que dans le cadre d’essai thérapeutique [10]. Une résection costale est souvent associée à la thoracotomie postérolatérale [6,9,11]. En effet, lorsqu’il existe une pachypleurite étendue, elle permet d’amorcer le décollement extrapleural et de pénétrer dans le thorax. Le nombre de côtes à reséquer, fonction du degré du pincement intercostal, est rarement supérieur à 2 [8]. La pneumonectomie gauche est la plus fréquente dans la plupart des séries [1,2,5-7,9]. Contrairement à d’autres auteurs tel que Li et al. [9], nous n’avons pas réalisé de pneumonectomie intrapéricardique. Les pneumonectomies de totalisation ne sont pas exceptionnelles en chirurgie thoracique. Sur une série de 525 pneumonectomies réalisées sur une période de 10 ans, Jungraithmayra et al. [12] retrouvent qu’elles représentent 16,4% de toutes les pneumonectomies. Dans notre série elles représentent moins de 2% des pneumonectomies. Les indications des pneumonectomies de totalisation sont une récidive d’une tumeur maligne, ou plus fréquemment une récidive ou une progression d’une pathologie bénigne comme dans notre série [12]. Ainsi, en cas d’empyème faisant suite à une lobectomie une pneumonectomie peut être réalisée lorsque le poumon résiduel ne peut se réexpandre comme cela a été le cas chez l’un de nos patients [11]. Les pleuropneumonectomies sont plus fréquentes que les pneumonectomies de totalisation [5,6,13]. La pleuropneumonectomie augmente certes la difficulté de la technique opératoire, mais elle permet d’éviter, lorsqu’elle est réalisée avec succès, l’ouverture des poches pulmonaires et donc la contamination peropératoire de la cavité de pneumonectomie. Aucune étude n’ayant démontré la supériorité de la suture mécanique sur la suture manuelle dans la prévention des fistules bronchopleurales post-résection pulmonaires [14,15], l’attitude de notre équipe pour le traitement du moignon bronchique est d’effectuer une suture manuelle selon la technique de Sweet. Nous mettons plutôt l’accent, comme la plupart des auteurs, sur le renforcement de la suture bronchique [2,3,6,8,9,16]. Des incidents opératoires ont été rapportés par des auteurs tels que Massard et al. [11], ou Owen et al. [6]. Il s’agit souvent comme dans notre série de lésions diaphragmatiques, de lésions vasculaires ou de troubles du rythme cardiaque. Les difficultés de pneumolyse au niveau des apex pulmonaires, du diaphragme et du médiastin dues aux symphyses pleurales souvent présentes dans ces zones expliquent les plaies vasculaires peropératoires [2,11]. Lorsque l’hémorragie résultant de ces lésions vasculaires n’est pas jugulée à temps, ces plaies peuvent conduire aux décès de patients [6]. L’une des pneumonectomies de notre série a justement été réalisée dans le cadre du contrôle d’un saignement secondaire à une plaie importante et proximale de l’artère pulmonaire gauche. Le drainage de la cavité de pneumonectomie peut permettre de mettre en évidence un empyème, un hémothorax ou un chylothorax. Pour certains auteurs, le faible taux de complications suscitées révélées par le drainage de la cavité de pneumonectomie ne justifie pas la pose d’un drain en cas de pneumonectomie [17]. Aussi la gestion du drainage post-pneumonectomie n’est pas consensuelle [18]. Pour Morcos et al. [18], il convient à chaque équipe de déterminer et d’établir des protocoles pour cette gestion. Notre attitude est le drainage systématique de la cavité de pneumonectomie, la pneumonectomie dans notre contexte étant une chirurgie très hémorragique. Toutefois notre durée moyenne de drainage reste supérieure à celle de la plupart des auteurs [3,5,6,9]. Notre taux de complication se situe dans l’intervalle des taux retrouvés dans la littérature qui varient entre 12% et 40% [1,2,6,7]. Les complications rencontrées dans notre série sont fréquemment retrouvées dans la littérature, quelle que soit la pathologie sous-jacente, avec des fréquences variables [1,2-5,7,11]. Toutefois, des auteurs, tels que Owen et al. [6], retrouvent des complications cardiovasculaires chez des patients ayant bénéficié d’une pneumonectomie pour une tumeur maligne. Dans notre série, les infections pariétales constituent la principale complication, en termes de fréquence. Leur taux est quasiment le double par rapport aux taux observés dans la littérature qui sont de l’ordre de 5 à 6% [3,6,11]. Aucun élément lié au patient ou lié à l’acte opératoire ne nous a permis d’expliquer ce résultat. Néanmoins des mesures ont été prises pour contribuer à la réduction des infections postopératoires. Ainsi, les patients en préopératoire font des séances de kinésithérapie en vue d’améliorer le drainage bronchique, bénéficient d’une antibiothérapie adaptée à un antibiogramme obtenu lors d’un examen cytobactériologique des crachats. En peropératoire, outre la protection des bordures de la thoracotomie avec des compresses abdominales imprégnées de bétadine jaune, nous procédons systématiquement au lavage de la cavité de pneumonectomie avec un mélange de solution iodée et de sérum salé isotonique. L’incidence de l’empyème post-pneumonectomie varie entre 2 et 32% [1,3,6,11]. Le taux d’empyème post-pneumonectomie de notre série reste donc dans l’intervalle des données de la littérature. La fistule bronchopleurale peut survenir isolément après une pneumonectomie. Son incidence varie de 4 à 20% et son taux de mortalité varie de 20 à 70% [19,20]. Nous avons enregistré un seul cas de fistule bronchopleurale. Celle-ci, survenue précocement (4 jours après la pneumonectomie) La mortalité per-opératoire est exceptionnelle en cas de pneumonectomie pour une tumeur maligne [6]. Par contre, en cas pneumonectomie pour une lésion bénigne en général et pour une lésion inflammatoire en particulier, il est fréquent d’avoir des décès peropératoires. Ces décès sont essentiellement dus à des troubles du rythme cardiaque ou à des plaies des gros vaisseaux, des plaies du cœur qui surviennent lors de la dissection. Notre taux de mortalité peropératoire qui est de 1,89% (2 cas) se situe dans les limites inférieures des taux retrouvés dans la littérature qui oscillent entre 1,1% et 6,8% [2,3,11]. Quant au taux de mortalité postopératoire, il est superposable à ceux des auteurs dont les patients ont bénéficié d’une pneumonectomie pour la prise en charge de lésions bénignes telles que les séquelles de la tuberculose.   5. Conclusion La pneumonectomie dans notre contexte est réalisée chez des patients relativement jeunes, très souvent de sexe masculin, pour la prise en charge de pathologies généralement bénignes. Ses résultats sont satisfaisants car les taux de morbidité et de mortalité sont superposables à ceux retrouvés dans la littérature. Par ailleurs, notre étude, outre le fait qu’elle constitue un apport pour la pratique de la pneumonectomie dans notre contexte, nous aura également permis de prendre des mesures pour la réduction des complications infectieuses (infection pariétale et empyème post-pneumonectomie), principales complications dans notre pratique quotidienne.   Références Bouchikh M, Smahi M, Ouadnouni Y, Achir A, Msougar Y, Lakranbi M, Herrak L, El Aziz S, El Malki HO et Benosman A. La pneumonectomie pour les formes actives et séquellaires de la tuberculose. Rev Mal Respir 2009;26:505-13. DOI: RMR-05-2009-26-5-0761-8425-101019-200904387 Byun CS, Chung KY, Narm KS, Lee JG, Hong D, Lee CY, M.D. Early and Long-term Outcomes of Pneumonectomy for Treating Sequelae of Pulmonary Tuberculosis. Korean J Thorac Cardiovasc Surg 2012;45:110-5. DOI: 10.5090/kjtcs.2012.45.2.110 https://doi.org/10.5090/kjtcs.2012.45.2.110 Kim YT, Kim HK, Sung SW, Kim JH. Long-term outcomes and risk factor analysis after pneumonectomy for active and sequela forms of pulmonary tuberculosis. Eur J Cardiothorac Surg 2003;23:833–9. DOI: https://doi.org/10.1016/S1010-7940(03)00031-9 https://doi.org/10.1016/S1010-7940(03)00031-9 Pricopi C, Mordant P, Rivera C, Arame A, Foucault C, Dujon A, Le Pimpec Barthes F, Riquet M. Postoperative morbidity and mortality after pneumonectomy: a 30-year experience of 2064 consecutive patients. Interact CardioVascThorac Surg 2015;20:316–21. DOI: 10.1093/icvts/ivu417. Epub 2014 Dec 8 https://doi.org/10.1093/icvts/ivu417 Rivera C, Riquet M, Arame A, Mangiameli G, Abdennadher M, Pricopi C, Badia A, Dahan M, Le Pimpec-Barthes F. Pneumonectomy for benign disease: indications and postoperative outcomes, a nationwide study. Eur J Cardiothorac Surg 2015;48:435–40. DOI: 10.1093/ejcts/ezu439 https://doi.org/10.1093/ejcts/ezu439 Owen RM, Force SD, Pickens A, Mansour KA, Miller DL, Fernandez FG. Pneumonectomy for benign disease: analysis of the early and late outcomes. Eur J Cardiothorac Surg 2013;43:312–7. DOI: 10.1093/ejcts/ezs284 https://doi.org/10.1093/ejcts/ezs284 Kendja F, Demine B, Ouede R, Kouame J, Yangni-AngateKh, Tanauh Y. Les poumons et lobes détruits d'origine tuberculeuse : indications et résultats chirurgicaux. Ann Afr Chir Thor Cardiovasc 2010;5:39-43. Halezeroglu S, Keles M, Uysal A, Celik M, Senol C, Haciibrahimoglu G, Arman B. Factors Affecting Postoperative Morbidity and Mortality in Destroyed Lung. Ann Thorac Surg 1997;64:1635– 8. https://doi.org/10.1016/S0003-4975(97)00999-5 Li Y, Hu X, Jiang G, Chen C. Pneumonectomy for Treatment of Destroyed Lung: A Retrospective Study of 137 Patients. Thorac Cardiovasc Surg 2017;65(7):528-534. DOI: 10.1055/s-0036-1583524. https://doi.org/10.1055/s-0036-1583524 Thomas P, Dahan M, Riquet M, Massard G, Falcoz PE, Brouchet L, Le Pimpec Barthes F, Doddoli C, Martinod E, Fadel E et Porte H. Pratiques chirurgicales dans le traitement du cancer primitif non à petites cellules du poumon. Recommandations de la SFCTCV : pratiques chirurgicales dans le traitement du cancer du poumon. Rev Mal Resp 2008;25:1031-6. DOI: 10.1019/200720361 Massard, Dabbagh A, Wihlm JM, Kessler R, Barsotti P, Roeslin N, Morand G. Pneumonectomy for Chronic Infection Is a High-Risk Procedure. Ann Thorac Surg 1996;62:1033-8. DOI: 10.1016/0003-4975(96)00596-6 https://doi.org/10.1016/0003-4975(96)00596-6 Jungraithmayra W, Hassea J, Olschewskib M, Stoelben E. Indications and results of completion pneumonectomy. Eur J Cardiothorac Surg 2004;26:189–96. DOI: 10.1016/j.ejcts.2004.03.028 https://doi.org/10.1016/j.ejcts.2004.03.028 Mansour Z, Kochetkova EA, Santelmo N, Meyer P, Falcoz PE, Olland A, Kessler R, Wihlm JM, Quoix E, Massard G. Risk factors for early mortality and morbidity after pneumonectomy: a reappraisal. Ann Thorac Surg 2009;88(6):1737-43. DOI: 10.1016/j.athoracsur.2009.07.016. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2009.07.016 Di Maio M, Perrone F, Deschamps C and Rocco G. A meta-analysis of the impact of bronchial stump coverage on the risk of bronchopleural fistula after pneumonectomy. Eur J Cardiothorac Surg 2015;48:196-200. DOI: 10.1093/ejcts/ezu381. https://doi.org/10.1093/ejcts/ezu381 Pasch S, C Schröder. Bronchopleural Fistula after Pneumonectomy: Mechanical Stapling Versus Hand Suturing. The Internet Journal of Thoracic and Cardiovascular Surgery 2005;8:1-4. Shiraishi Y, Nakajima Y, Koyama A, Takasuna K, Katsuragi N, Yoshida S. Morbidity and Mortality after 94 Extrapleural Pneumonectomies for Empyema. Ann Thorac Surg 2000;70:1202–7. https://doi.org/10.1016/S0003-4975(00)01612-X Bhattacharya SK, Polk JW. Management of postpneumonectomy space. Appraisal of a technique used in 408 consecutive cases. Chest 1973;63:233-5. https://doi.org/10.1378/chest.63.2.233 PMid:4688070 Morcos K, Shaikhrezai K, Kirk AJB. Is it safe not to drain the pneumonectomy space? Interact CardioVascThorac Surg 2014;18:671–5. DOI: 10.1093/icvts/ivt563 https://doi.org/10.1093/icvts/ivt563 Pralay S, Chandak T, Shah R, Talwar A. Diagnosis and Management Bronchopleural Fistula. Indian J Chest Dis Allied Sci 2010;52:97-104. Simeone AA. Empyema and Bronchopleural Fistula Following Lung Resection. Curr Resp Med Rev 2012;8:274-9. https://doi.org/10.2174/157339812802652152   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 26/09/2018. Acceptation : 19/11/2018.  
décembre 3, 2018
Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Décembre 2018

Pansement à pression négative pour patients opérés de pontage coronaire Résultats d’une étude prospective monocentrique

Maud-Emmanuelle Olivier, Chadi Aludaat, Yohan Nguyen, Emmanuelle Durand, Li Liu, Annick Lefebvre, Paul Marticho, Yves Assad Saade, Sylvain Rubin, Vito Giovanni Ruggieri*   Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, centre hospitalier et universitaire Robert Debré, Reims, France. * Correspondance : vgruggieri@chu-reims.fr   DOI : 10.24399/JCTCV22-4-OLI Citation : Olivier ME, Audaat C, Nguyen Y, Durand E, Liu L, Lefebvre A, Marticho P, Saade YA, Rubin S, Ruggieri VG. Pansement à pression négative pour patients opérés de pontage coronaire Résultats d’une étude prospective monocentrique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-OLI   Résumé Introduction : les infections du site opératoire représentent des complications majeures affectant les patients opérés de pontages aortocoronariens avec prélèvement bilatéral des artères mammaires internes. Nous présentons dans cette étude prospective monocentrique les résultats de l’utilisation d’un pansement préventif à pression négative chez des patients à haut risque infectieux opérés de pontages coronaires par double greffon mammaire. Matériels et méthodes : entre janvier 2013 et décembre 2016, nous avons recueilli de façon prospective les données des patients opérés de pontages coronaires isolés avec prélèvement bilatéral des artères mammaires internes, réalisés dans notre service au CHU de Reims avec (n=161) ou sans (n=266) utilisation postopératoire du pansement préventif à pression négative (Prevena,Kinetic Concepts, Inc., San Antonio, Texas, États-Unis). Un groupe avec Prevena et un groupe contrôle ont été appareillés pour réaliser les analyses. Résultats : deux groupes appariés composés de 128 patients chacun aux caractéristiques comparables ont été obtenus. Les résultats concernant les infections de cicatrice de sternotomie étant répartis de façon similaire entre le groupe ayant un pansement conventionnel (10,9%) et celui ayant un pansement préventif à pression négative (10,2%) (p=1,00). Les patients traités avec ce pansement préventif montraient une tendance avec un taux d’infection du site opératoire (superficielle ou médiastinite) plus bas que ceux traités avec un pansement conventionnel (5,5% versus 10,2%, p=0,210), cette différence n’était pas statistiquement significative. Les tests d’interaction montraient des résultats comparables pour tout type d’infections du site opératoire, parmi les patients avec et sans comorbidité significative. Conclusion : les résultats de cette étude suggèrent que l’utilisation systématique de ces pansements préventifs à pression négative ne diminuerait pas le risque d’infection de cicatrice chez les patients ayant bénéficié d’un prélèvement bilatéral d’artères mammaires internes pour pontages coronariens. Une plus large étude randomisée serait nécessaire pour évaluer l’efficacité de l’utilisation du pansement préventif à pression négative chez les patients ayant bénéficié d’une chirurgie cardiaque de pontages coronaires à haut risque infectieux.   1. Introduction Les infections du site opératoire (ISO) sont une des plus sévères complications de la chirurgie cardiaque, encore de nos jours. En particulier, les ISO sont le talon d’Achille des pontages aortocoronariens (PAC) avec prélèvement bilatéral des artères mammaires internes (BAMI) [1], probablement dû à la diminution significative de la vascularisation sternale en lien avec le prélèvement BAMI [2]. Bien que le prélèvement BAMI puisse améliorer le résultat à long terme après le PAC [3], la crainte d’une ISO est l’une des raisons qui empêchent l’utilisation généralisée de cette stratégie de revascularisation [4]. Ainsi un certain nombre de stratégies pré, intra et postopératoires sont connues pour potentiellement réduire le risque d’ISO [5]. Récemment, un pansement préventif à pression négative (INPWT) pour la cicatrice sternale fermée a été mis au point afin de réduire le risque d’ISO avec des résultats encourageants [6, figure 1]. Le mécanisme derrière l’efficacité potentielle de l’INPWT est l’élimination des fluides et des matériaux infectieux de l’incision chirurgicale. Dans cette étude, nous avons évalué l’efficacité de cette méthode pour prévenir les complications de la plaie sternale chez les patients bénéficiant d’un prélèvement BAMI.   [caption id="attachment_4198" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Dispositif Prevena (http://fr.kci-medical.ch/CH-FRE/prevena).[/caption]   [caption id="attachment_4199" align="aligncenter" width="226"] Figure 2. Pansement Prevena en aspiration sur une cicatrice sternale (www.en.auh.dk/departments/department-of-plastic-and-brest-surgery).[/caption] 2. Méthodes Quatre cent vingt-sept patients ont bénéficié d’un pontage aortocoronarien isolé en utilisant  le prélèvement BAMI au CHU de Reims, France, d’avril 2013 à décembre 2016. Les données sur les caractéristiques de base, les variables opératoires et les résultats de ces patients ont été collectés prospectivement grâce à une fiche technique dédiée. Les patients qui ont subi un pontage coronarien en utilisant une seule artère mammaire interne ou toute procédure cardiaque majeure associée ont été exclus de cette étude. La prophylaxie antibiotique consistait, suivant les recommandations de la SFAR, en l’administration de céfazoline 1,5 g avant l’induction de l’anesthésie, suivie de 750 mg toutes les 2 heures en peropératoire. Après l’intervention chirurgicale, 750 mg de céfazoline ont été administrés toutes les 6 heures pendant 48 heures. Le site d’incision chirurgicale a été désinfecté immédiatement avant la chirurgie avec de la povidone-iode à 7,5% (gommage chirurgical Betadine, Meda Pharma, Paris, France) 4 fois suivi d’un lavage à la povidone-iode 10% une fois (Betadine Dermique, Meda Pharma, Paris, France) comme recommandé par la HAS. Les prélèvements BAMI étaient réalisés de façon à obtenir des greffons pédiculés intacts. La sternotomie a été fermée avec 7 cerclages métalliques simples. La couche sous-cutanée a été fermée avec Vicryl 1-0 ou 2-0 (Ethicon SAS, Issy-les-Moulineaux, France) et la peau par voie intracutanée avec Monocryl 4-0 (Ethicon SAS, Issy-les-Moulineaux, France). La glycémie était précautionneusement surveillée et un traitement par insuline par voie intraveineuse était systématiquement administré chez les diabétiques après la chirurgie. Pendant la période d’étude, un pansement préventif à pression négative sur incision fermée (PrevenaTM, Kinetic Concepts, Inc., San Antonio, Texas, États-Unis) a été utilisé sur la plaie sternale chez 161 patients. Les patients restants ont été pris en charge avec un pansement stérile classique. La décision d’utiliser le INPWT était basée sur le choix du chirurgien individuel. La prévalence de l’utilisation de ce pansement à pression négative était de 9,1% en 2013, de 24,1% en 2014, de 51,7% en 2015 et de 42,9% en 2016 (p <0,001). Dans la cohorte INPWT, ce pansement était mis en place immédiatement après la fermeture de la peau sur la cicatrice de sternotomie, dans des conditions stériles en salle d’opération. La pompe d’aspiration y a été connectée et une pression négative de -125 mmHg a été appliquée. Ce pansement en mousse était retiré après 5 ou 7 jours sous surveillance médicale. Dans la cohorte témoin, un pansement conventionnel a été utilisé (Tegaderm, 3M, St. Paul, Minnesota, États-Unis). Le premier pansement a été changé le deuxième jour postopératoire puis renouvelé suivant l’inspection de la plaie sternale tous les 2 jours. Le critère principal de cette étude était la survenue d’une ISO de toute gravité, ainsi qu’une ISO superficielle, une ISO profonde ou médiastinite. Le diagnostic et la sévérité de l’ISO ont été définis et classés selon la classification des infections du site opératoire du Centers for Disease Control and Prevention [7]. Les résultats secondaires de cette étude étaient le décès intrahospitalier, la durée du séjour à l’hôpital, la durée du séjour en unité de soins intensifs, la dialyse, le ballon de contre-pulsion intra-aortique postopératoire, la transfusion sanguine et la reprise opératoire pour hémorragie. Cette étude a été approuvée par le Comité d’éthique de cette institution. L’étude n’a pas été financée.   2.1. Analyses statistiques L’analyse statistique a été effectuée en utilisant le logiciel statistique SAS, version 9.2 (SAS Institute Inc, Cary, Caroline du Nord, États-Unis) et le logiciel statistique SPSS v. 24.0 (IBM Corporation, New York, États-Unis). Aucune tentative de remplacement des valeurs manquantes n’a été effectuée. Le test-U de Mann-Whitney, le test de Fisher et les tests Chi2 ont été utilisés pour l’analyse univariée dans la population non appariée. Un appariement par score de propension a été utilisé pour sélectionner 2 groupes de patients, subissant un traitement INPWT ou un pansement stérile conventionnel, respectivement avec des caractéristiques de base similaires. Le score de propension a été estimé en utilisant un modèle de régression logistique non parcimonieux comprenant les covariables suivantes : âge, sexe, indice de masse corporelle, maladie pulmonaire, diabète, chirurgie cardiaque antérieure, fraction d’éjection ventriculaire gauche, EuroSCORE II [8] et STS [9]. Un appariement de score de propension un à un a été effectué en utilisant la méthode  du nearest neighbour et un logit score de propension avec un écart type de 0,2. Pour évaluer l’équilibre entre les groupes appariés, nous avons utilisé le t-test sur les échantillons appariés pour les variables continues, le test de McNemar pour les variables dichotomiques et l’analyse des différences normalisées après l’appariement. Le déséquilibre entre les cohortes d’étude était acceptable lorsque la différence normalisée était inférieure à 10%. Afin de mettre en évidence des relations d’interaction avec d’autres facteurs de risque, des tests d’interaction ont été réalisés. Ces derniers l’ont été par des sous-groupes avec des comorbidités pertinentes, que ce soit pour toute ISO ainsi que pour une ISO superficielle, profonde ou médiastinite. Tous les tests étaient bilatéraux et p<0,05 était considéré comme statistiquement significatif.   3. Résultats Les caractéristiques des patients et les variables opératoires sont résumées dans le tableau 1. Dans cette série, 38 patients ont présenté une ISO (8,9%). Soit une ISO superficielle a été observée chez 11 patients (2,6%) et une ISO profonde ou médiastinite chez 27 patients (6,3% ; médiastinite chez 19 patients, 4,4%). La croissance de la culture était positive dans tous les cas [tableau 2], mais un patient n’avait que des manifestations de signes cliniques d’ISO superficielle.   Tableau 1. Caractéristiques de base dans la série globale et les scores de propension avec les paires appariées.              Série globale Score de propension avec paires appariées Caractéristiques de base Pansement conventionnel n=266 INPWT n=161 P-value   Différences standardisées (%) Pansement conventionnel n=128 INPWT n=128 P-value   Différences standardisées (%) Âge (ans) 66,3±10,0 67,6±8,7 0,162 0,138 67,8±9,0 67,2±8,4 0,606 0,067 Femmes 28 (10,5) 26 (16.2) 0,090 0,166 23 (18,0) 20 (15,6) 0,590 0,063 IMC (kg/m2) 27,7±4,0 29,5±5,4 <0,001 0,399 28,9±4,4 29,1±4,9 0,660 0,044 Diabète traité 73 (27,4) 106 (65,8) <0,001 0,832 73 (57,0) 73 (57,0) 1,000 0,000 Pathologie pulmonaire   35 (13,2)   31 (19,3)   0,091   0,166   21 (16,4)   22 (17,2)   0,853   0,021 Urgence chirurgicale   1 (0,4)   0   0,436   0,087   0   0   -   0,000 FEVG 0,929 0,764 0,313 0,842 30-50% 78 (29,3) 45 (27,9) 46 (35,9) 34 (26,5) <30% 16 (6,0) 9 (5,6) 7 (5,4) 8 (6,3) No. anastomoses distales 2,8±0,7 2,9±0,8 0,297 0,106 2,7±0,6 2,9±0,8 0,112 0,209 DCA (min) 62,4±20,7 62,6±21,8 0,938 0,008 61,9±19,0 62,9±21,5 0,617 0,052 CEC (min) 95,0±26,5 94,9±21,8 0,938 0,003 92,3±22,8 96,1±30,6 0,278 0,142 STS score (%) 1,4±1,1 1,4±1,2 0,794 0,026 1,5±1,2 1,4±1,2 0,617 0,061 EuroSCORE II (%) 2,9±1,4 3,2±1,3 0,013 0,247 3,2±1,4 3,1±1,4 0,736 0,042 Les variables continues sont rapportées en moyenne et écart type. Les variables nominales sont exprimées en nombre et en pourcentage (entre parenthèses). INPWT: Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; IMC : indice de masse corporelle ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; DCA : durée de clampage aortique ; CEC : durée de circulation extracorporelle.   Tableau 2. Résultats des cultures bactériennes chez 38 patients avec infection du site opératoire post-sternotomie. Souches bactériennes No Staphylococcus aureus 11 Staphylococcus epidermidis 9 Staphyloccus coag. neg. 9 Escherichia coli 4 Serratia marcescens 2 Propionibacterium acnes 2 Staphylococcus schleiferi 1 Proteus mirabilis 1 Morganella morganii 1 Klebsiella pneumoniae 1 Enterobacter cloacae 1 Enterobacter aerogenes 1 Achromobacter 1 Gram positive bacteria 1 Culture stérile 1 Plus d’une souche bactérienne a été observée chez 7 patients.     Concernant la prise en charge des patients, ceux présentant une ISO superficielle ont bénéficié d’une antibiothérapie adaptée de courte durée et d’une surveillance associée à des soins réguliers de cicatrice. Ceux présentant une ISO profonde ou médiastinite ont été traités par une antibiothérapie adaptée de longue durée et intraveineuse ainsi qu’une reprise au bloc opératoire pour mise à plat, parage et nettoyage. Dans la série globale, aucune différence significative n’a été observée entre ces cohortes, que ce soit en termes de résultats primaires ou secondaires [tableau 3].   Tableau 3. Résultats.              Série globale Score de propension avec paires appariées Résultats Pansement conventionnel n=266 INPWT n=161 P-value   Pansement conventionnel n=128 INPWT n=128 P-value   Tout type d’ISO 21 (7,9) 17 (10,6) 0,349 14 (10,9) 13 (10,2) 1,000 ISO superficielle 4 (1,5) 7 (4,3) 0,111 1 (0,8) 6 (4,7) 0,063 ISO profonde 5 (1,9) 3 (1,9) 1,000 3 (2,3) 2 (1,6) 1,000 Médiastinites 12 (4,5) 7 (4,3) 0,937 10 (7,8) 5 (3,9) 0,302 ISO profonde ou médiastinite 17 (6,4) 10 (6,2)   0,941 13 (10,2) 7 (5,5) 0,134 Dialyse 6 (2,3) 4 (2,5) 1,000 4 (3,1) 4 (3,1) 1,000 BCPIA 11 (4,1) 2 (1,2) 0,144 4 (3,1) 1 (0,8) 0,180 Reprise pour saignement 4 (1,5) 3 (1,9) 0,777 2 (1,6) 2 (1,6) 1,000 Transfusion sanguine 161 (60,5) 102 (63,49) 0,560 83 (64,8) 82 (64,1) 0,901 Aucune transfusion CGR 1,9±2,0 2,2±2,3 0,236 2,1±2,3 2.1±2,3 0,937 Durée USI (jours) 4,7±3,0 6,0±6,0 0,004 4,9±3,4 5.9±6,0 0,092 Durée d’hospitalisation totale (jours)   12,0±9,0   13,8±11,5   0,016   13,1±10,8   13,6±11,0   0,718 Mort intrahospitalière 7 (2,6) 3 (1,9) 0,749 7 (5,5) 3 (2,3) 0,157 Les variables continues sont rapportées en moyenne et écart type. Les variables nominales sont exprimées en nombre et en pourcentage (entre parenthèses). INPWT: Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; ISO : infection du site opératoire ; BCPIA : ballon de contre-pulsion intra-aortique ; CGR : culot de globules rouges ; USI : unité de soins intensifs.   Malgré l’absence de différences significatives, on a pu observer quelques tendances en nombre absolu, comme une diminution du nombre d’ISO (tout type confondu) dans le groupe  INPWT (pansement conventionnel : 21 vs  INPWT : 17, p=0,349). Le nombre d’ISO profonde ou médiastinite a été diminué dans le groupe INPWT (soit 10 vs 17, p=0,941). Enfin la mortalité intrahospitalière est augmentée dans le groupe conventionnel comparé au groupe INPWT (7 vs 3, p=0,749).  Cependant le nombre d’ISO superficielle a augmenté dans le groupe INPWT comparé au groupe pansement conventionnel (7 vs 4, p=0,111).  Et la durée d’hospitalisation totale est augmentée dans le groupe INPWT (13,8±11,5 vs 12,0±9,0, p=0,016). Sur la durée de l’étude aucun patient ayant présenté une ISO superficielle ou profonde ou médiastinite n’a récidivé, ni nécessité de multiples reprises au bloc opératoire. Aucune mortalité directe n’a pu être mise en évidence non plus. Cependant une morbidité existe avec une prolongation de la durée d’hospitalisation, les effets secondaires des médicaments (antibiothérapie) et l’impact psychologique non négligeable pour le patient. L’appariement des scores de propension a abouti à 128 paires avec des caractéristiques de base similaires. Cependant la fraction d’éjection ventriculaire gauche était plus faible parmi la cohorte de pansements stériles conventionnels. Les scores EuroSCORE II et STS étaient similaires entre les cohortes de l’étude, comme indiqué par des différences standard <10%. Le test de McNemar n’a pas montré de différences concernant les ISO tout type confondu (pansements  conventionnels : 10,9% vs INPWT : 10,2%, p=1,00), ainsi que pour la répartition entre les différents type d’ISO et les cohortes conventionnelles ou INPWT [tableau 3]. Les patients traités par INPWT ont présenté moins d’ISO profonde ou médiastinite que les patients du groupe contrôle (5,5% vs 10,2%, p=0,210). Mais la différence n’était pas statistiquement significative. Cette fois encore, on a pu observer que le nombre d’ISO superficielle augmente dans le groupe INPWT comparé au groupe pansement conventionnel (6 vs 1, p=0,063). Enfin les tests d’interaction ont montré que ces résultats étaient cohérents pour toutes ISO ainsi que pour une ISO profonde ou médiastinite chez les patients avec et sans comorbidités significatives [tableaux 4 et 5].  Contrairement à ce que l’on pouvait supposer ni le sexe (homme OR : 0,34 vs femme OR : 2,96, p=0,934), ni le diabète (non diabétique OR : 0,33 vs diabétique OR : 3,08, p=0,684), ni des troubles respiratoires type BPCO (non BPCO OR : 0,44 vs BPCO OR : 2,28, p=0,669) ou l’indice de masse corporel (IMC<30 OR : 0,87 vs IMC>30 OR : 1,15, p=0,177) n’ont d’effet sur le risque d’ISO tous types confondus. Aucune différence n’a été observée dans les autres résultats entre les cohortes de l’étude [tableau 3].   Tableau 4. Infections du site opératoire et tests d’interaction par sous-groupes. OR 95% IC INPWT vs. Pansement conventionnel 1,00 0,42 2,38 Interaction OR 95% IC Chi 2  p-value Homme 0,34 0,10 1,13 0,17 0,934 Femme 2,96 0,89 9,87 Âge <70 ans 0,55 0,18 1,68 0,72 0,665 Âge ≥70 ans 1,83 0,60 5,63 Pas diabétique 0,33 0,09 1,23 0,04 0,684 Diabète 3,08 0,81 11,61 Non pathologie pulmonaire 0,44 0,12 1,56 0,60 0,669 Pathologie pulmonaire 2,28 0,64 8,12 FEVG >50% 0,35 0,11 1,11 0,11 0,932 FEVG ≤50% 2,86 0,90 9,10 Indice de masse corporelle <30 0,87 0,28 2,67 0,20 0.177 Indice de masse corporelle ≥30 1,15 0,37 3,54 INPWT : Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; OR : odds ratio ; IC : intervalle de confiance ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche.   Tableau 5. Infections du site opératoire profondes ou médiastinites et tests d’interaction par sous-groupes. OR 95% IC INPWT vs pansement conventionnel 0.23 0,8 1,51 Interaction OR 95% IC Chi 2 p-value Homme 0,40 0,07 2,34 0,10 0,719 Femme 3,36 0,99 11,47 Âge <70 ans 0,49 0,14 1,45 0,20 0,922 Âge ≥70 ans 2,23 0,69 7,25 Non diabétique 0,36 0,10 1,39 0,06 0,662 Diabète 2,75 0,72 10,52 Pas pathologie pulmonaire 0,39 0,11 1,41 0,08 0,663 Pathologie pulmonaire 2,56 0,71 9,27 FEVG >50% 0,40 0,12 1,31 0,03 0,432 FEVG ≤50% 2,49 0,77 8,09 Indice de masse corporelle <30 1,07 0,33 3,46 0,43 0,456 Indice de masse corporelle ≥30 0,94 0,29 3,05 INPWT : Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; OR : odds ratio ; IC : intervalle de confiance ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche.   4. Discussion Les présents résultats ont montré que l’utilisation de l’INPWT ne réduit pas de manière significative le risque d’ISO chez les patients bénéficiant d’un pontage avec l’utilisation de prélèvements BAMI. Ces résultats sont cliniquement pertinents, car ces patients présentent un risque majeur de complications de la cicatrice sternale, ce qui empêche l’utilisation généralisée de prélèvements BAMI. Malgré les premiers rapports encourageants d’Atkins et al. [10] et Colli et Camara [11], nous n’avons pas été en mesure d’observer un bénéfice significatif avec l’utilisation de ce nouveau traitement prophylactique des cicatrices. La prolongation de la durée d’hospitalisation qui a pu être observée dans le groupe INPWT peut probablement être due aux multiples facteurs de risque présentés par cette population (diabète non équilibré en postopératoire, trouble respiratoire en lien avec une BPCO ou surpoids) demandant une attention particulière de l’équipe et souvent une surveillance prolongée. La nécessité de garder le pansement type INPWT pendant 7 jours a aussi prolongé la durée d’hospitalisation totale. Et on observe une augmentation du nombre absolu d’ISO superficielle dans le groupe INPWT. La surveillance accrue de ses patients et les facteurs de risque présentés par les patients peuvent avoir biaisé le diagnostic en surévaluant ce dernier. Mais contrairement à ce que l’on pouvait s’attendre, aucun facteur d’interaction n’est mis en évidence (diabète, BPCO, IMC…). Un autre biais est à noter dans cette population. Les artères mammaires internes étaient prélevées suivant les habitudes du chirurgien. Ainsi la grande majorité n’étaient pas squelettisées. L’analyse de l’interaction a montré que le bénéfice d’INPWT n’était pas évident même dans les sous-groupes de patients présentant des comorbidités cliniquement pertinentes. Des études comparatives antérieures de Grauhan et ses collègues [13,14] ont montré une diminution du risque d’ISO, après une chirurgie cardiaque chez l’adulte. Cependant, l’une de ces études manquait de données de base sur ces patients et l’analyse comparative n’a pas été ajustée pour les covariables de base et les covariables opératoires [13]. Une autre étude incluant des patients obèses a montré que le risque de ISO était significativement plus faible après INPWT, comparé au pansement conventionnel stérile (4% vs 16%, p=0,03) [14]. L’étude actuelle a montré que l’INPWT était associé à un nombre absolu inférieur d’ISO sévères, c’est-à-dire d’ISO profondes et médiastinites, comparé au pansement stérile conventionnel des cicatrices sternales. Bien que cette différence n’ait pas atteint la signification statistique, cette observation suggère que d’autres études avec une taille d’échantillon adéquate sont nécessaires pour obtenir des résultats concluants sur l’efficacité potentielle de l’INPWT chez les patients adultes subissant une chirurgie cardiaque. En fait, afin de détecter une réduction de 50% du risque d’ISO profonde ou médiastinite, la taille estimée de l’échantillon pour l’étude cas témoin appariée serait de 255 patients dans chaque cohorte (estimation basée sur le taux observé dans le groupe témoin de 10%, alpha : 0,05, puissance : 0,80). Par conséquent, l’analyse post-hoc suggère que la présente analyse est clairement insuffisante pour détecter une réduction de risque aussi importante. Cependant, la randomisation à INPWT et le traitement conventionnel des plaies stériles de 510 patients subissant un prélèvement BAMI est irréaliste. Une population d’étude encore plus grande serait nécessaire pour démontrer une diminution significative du risque d’ISO profonde avec INPWT, quand un taux groupé de 2,4% de cette complication [12] est pris en considération. Autre fait important, une analyse des coûts est également nécessaire pour estimer le fardeau économique d’un grand nombre de patients devant être traités pour prévenir une infection du site opératoire. Dans ce contexte, le nombre limité et la qualité sous-optimale des études, évaluant l’INPWT dans la chirurgie cardiaque adulte, empêchent des résultats concluants. Cependant, les avantages potentiels de l’INPWT pourraient être extrapolés à partir des résultats d’études randomisées dans d’autres domaines de la chirurgie. Deux études randomisées récentes ont montré un avantage significatif de l’utilisation de l’INPWT après laparotomie [15,16]. Néanmoins, un essai randomisé beaucoup plus large par Shen et al. [17] n’a montré aucun avantage avec l’utilisation de l’INPWT chez les patients subissant une chirurgie abdominale. De plus, l’INPWT n’a pas réussi à réduire le risque d’infection du site opératoire dans d’autres études randomisées concernant différents contextes chirurgicaux [18,19]. Ces résultats suggèrent que la valeur de l’INPWT après la chirurgie est encore controversée et son utilisation systématique ne peut pas être recommandée, jusqu’à ce que des essais correctement réalisés aient démontré son efficacité dans la réduction des complications chirurgicales chez les patients bénéficiant d’une chirurgie cardiaque adulte. Des analyses groupées de séries de cas témoins appariés pourraient également être utiles pour mieux évaluer l’efficacité de l’INPWT chez ces patients. La nature non randomisée est une limitation majeure de cette étude. Cependant, le recueil de données était prospectif. Les données sur les ISO, les résultats de culture bactérienne, ainsi que le traitement médical et chirurgical de ces patients ont été détaillés selon des critères préfixés. De plus, cette étude n’est pas suffisamment puissante pour détecter une réduction de 50% du risque en fonction de la proportion d’ISO observée dans la cohorte conventionnelle de pansements stériles.   5. Conclusion Les résultats de cette étude suggèrent que l’utilisation systématique de ces pansements à pression négative peut ne pas réduire de manière significative le risque d’ISO, chez les patients subissant un pontage coronaire avec l’utilisation de greffons BAMI. Au vu des rapports précédents, montrant des avantages significatifs avec l’utilisation de cette méthode, on peut se demander si la puissance de cette étude était suffisante pour un événement rare. Une grande étude randomisée est justifiée pour évaluer définitivement l’efficacité de l’INPWT chez les patients adultes bénéficiant d’une chirurgie cardiaque. Des analyses groupées de séries de cas témoins appariés de bonne qualité peuvent également être utiles pour évaluer l’efficacité de l’INPWT chez ces patients et évaluer d’autres facteurs d’interaction (comme la dénutrition…). Cette étude est donc très encourageante et nous incite à poursuivre.   Références Kouchoukos NT, Wareing TH, Murphy SF, Pelate C, Marshall WG Jr. Risks of bilateral internal mammary artery bypass grafting. Ann Thorac Surg 1990;49:210-217. https://doi.org/10.1016/0003-4975(90)90140-2 Parish MA, Asai T, Grossi EA, et al. The effects of different techniques of internal mammary artery harvesting on sternal blood flow. J Thorac Cardiovasc Surg 1992;104:1303-1307. PMid:1434710 Lytle BW, Blackstone EH, Loop FD, et al. Two internal thoracic artery grafts are better than one. J Thorac Cardiovasc Surg 1999;117:855-872. https://doi.org/10.1016/S0022-5223(99)70365-X Mastrobuoni S, Gawad N, Price J, et al. Use of bilateral internal thoracic artery during coronary artery bypass graft surgery in Canada: The bilateral internal thoracic artery survey. J Thorac Cardiovasc Surg 2012;144:874-879. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2012.01.022 PMid:22342478 Sajja LR. Strategies to reduce deep sternal wound infection after bilateral internal mammary artery grafting. Int J Surg 2015;16(Pt B):171-178. Grauhan O, Navasardyan A, Tutkun B, et al. Effect of surgical incision management on wound infections in a poststernotomy patient population. Int Wound J 2014;11 Suppl 1:6-9. https://doi.org/10.1111/iwj.12294 PMid:24851729 Mangram AJ, Horan TC, Pearson ML, Silver LC, Jarvis WR. Guideline for prevention of surgical site infection, 1999. Hospital Infection Control Practices Advisory Committee. Infect Control Hosp Epidemiol 1999;20:250-278. https://doi.org/10.1086/501620 PMid:10219875 Nashef SA, Roques F, Sharples LD, et al. EuroSCORE II. Eur J Cardiothorac Surg 2012;41:734-744. https://doi.org/10.1093/ejcts/ezs043 PMid:22378855 Online STS Adult Cardiac Surgery Risk Calculator. http://riskcalc.sts.org/stswebriskcalc/#/. Accessed on June 2017. Atkins BZ, Wooten MK, Kistler J, Hurley K, Hughes GC, Wolfe WG. Does negative pressure wound therapy have a role in preventing poststernotomy wound complications? Surg Innov 2009;16:140-146. https://doi.org/10.1177/1553350609334821 PMid:19460818 Colli A, Camara ML. First experience with a new negative pressure incision management system on surgical incisions after cardiac surgery in high risk patients. J Cardiothorac Surg 2011;6:160. https://doi.org/10.1186/1749-8090-6-160 PMid:22145641 PMCid:PMC3305521 Deo SV, Altarabsheh SE, Shah IK, et al. Are two really always better than one? Results, concerns and controversies in the use of bilateral internal thoracic arteries for coronary artery bypass grafting in the elderly: a systematic review and meta-analysis. Int J Surg 2015;16(Pt B):163-70. Grauhan O, Navasardyan A, Tutkun B, et al. Effect of surgical incision management on wound infections in a poststernotomy patient population. Int Wound J 2014;11 Suppl 1:6-9. https://doi.org/10.1111/iwj.12294 PMid:24851729 Grauhan O, Navasardyan A, Hofmann M, Müller P, Stein J, Hetzer R. Prevention of poststernotomy wound infections in obese patients by negative pressure wound therapy. J Thorac Cardiovasc Surg 2013;145:1387-92. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2012.09.040 PMid:23111014 O'Leary DP, Peirce C, Anglim B, et al. Prophylactic negative pressure dressing use in closed laparotomy wounds following abdominal operations: a randomized, controlled, open-label trial: The P.I.C.O. Trial. Ann Surg 2017;265:1082-1086. https://doi.org/10.1097/SLA.0000000000002098 PMid:27926575 Li PY, Yang D, Liu D, Sun SJ, Zhang LY. Reducing surgical site infection with negative-pressure wound therapy after open abdominal surgery: a prospective randomized controlled study. Scand J Surg 2017 (in press). https://doi.org/10.1177/1457496916668681 Shen P, Blackham AU, Lewis S, et al. Phase II randomized trial of negative-pressure wound therapy to decrease surgical site infection in patients undergoing laparotomy for gastrointestinal, pancreatic, and peritoneal surface malignancies. J Am Coll Surg 2017;224:726-737. https://doi.org/10.1016/j.jamcollsurg.2016.12.028 PMid:28088597 PMCid:PMC5498990 Manoharan V, Grant AL, Harris AC, Hazratwala K, Wilkinson MP, McEwen PJ. Closed incision negative pressure wound therapy vs conventional dry dressings after primary knee arthroplasty: a randomized controlled study. J Arthroplasty 2016;31:2487-2494. https://doi.org/10.1016/j.arth.2016.04.016 PMid:27341973 Masden D, Goldstein J, Endara M, Xu K, Steinberg J, Attinger C. Negative pressure wound therapy for at-risk surgical closures in patients with multiple comorbidities: a prospective randomized controlled study. Ann Surg 2012;255:1043-1047. https://doi.org/10.1097/SLA.0b013e3182501bae PMid:22549748   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 20/04/2018. Acceptation : 20/11/2018.  
décembre 3, 2018
Cas clinique · Vol. 22 Décembre 2018

Utilisation d’une endoprothèse pour résoudre une plaie trachéale majeure suivant une œsophagectomie

George Rakovich Service de chirurgie thoracique, hôpital Maisonneuve-Rosemont, université de Montréal, Montréal, Canada. * Correspondance : george.rakovich@umontreal.ca   DOI : 10.24399/JCTCV22-4-RAK Citation : Rakovich G. Utilisation d’une endoprothèse pour résoudre une plaie trachéale majeure suivant une œsophagectomie. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-RAK   Résumé Les plaies trachéales représentent des situations graves qui sont difficiles à traiter, particulièrement dans le contexte d’une œsophagectomie, où la proximité des sutures gastro-œsophagiennes entraîne un risque de fistule aérodigestive fatale. Le cas rapporté décrit les étapes de la prise en charge d’une plaie de la membraneuse trachéale suivant une œsophagectomie en utilisant une endoprothèse trachéale temporaire, alors que l’imagerie a éventuellement documenté une guérison circonférentielle complète de la trachée.   Abstract Airway stenting to resolve major tracheal injury following esophagectomy Major tracheal tears are life-threatening injuries that may be challenging to treat, particularly in the context of an esophagectomy, where the proximity of gastroesophageal sutures represents a risk for developing a fatal aerodigestive fistula. This paper presents the successful treatment of an iatrogenic tear of the mid-zone of the membranous trachea using a self-expandable silicone-covered nitinol stent. Complete circumferential healing was observed on cross-sectional imaging within 8 weeks of stent insertion, allowing its subsequent removal and representing a favorable outcome.   Introduction Une plaie trachéale chez un patient critique suivant une œsophagectomie peut représenter un défi immense. Une prise en charge chirurgicale agressive et la considération judicieuse de techniques endoscopiques appropriées permettront de maximiser les chances d’une issue positive.   Observation Un patient de 70 ans avec un adénocarcinome de stade T3N0 du cardia et de multiples comorbidités médicales a subi une œsophagectomie minimalement invasive avec reconstruction cervicale. La procédure s’est déroulée sans incident. Au 7e jour postopératoire, le patient a développé une fibrillation auriculaire et a dû être réintubé pour un syndrome de détresse respiratoire de l’adulte (SDRA). La procédure d’intubation s’est déroulée de façon urgente dans la nuit et a été décrite par l’équipe de garde comme techniquement difficile, nécessitant l’utilisation d’un mandrin métallique et plusieurs tentatives d’insertion du tube endotrachéal. Le CT scan effectué dans les heures qui ont suivi a démontré une déchirure de la paroi membraneuse de la trachée, confirmée par bronchoscopie. La déchirure était située à 62 mm des cordes vocales et 45 mm de la carène. On dénotait également au CT scan des stigmates de fuite anastomotique, sans qu’il n’y ait de communication avec les voies respiratoires. Le patient a été ramené au bloc opératoire et l’anastomose défaite. La trachée a été réparée avec des points interrompus au fil de polypropylène et recouverte d’un lambeau de muscle intercostal. Le ballonnet du tube endotrachéal a été positionné tout juste distalement à la réparation, mais il y avait peu de jeu à cause de la proximité de la carène. Le conduit gastrique a été repositionné en antérieur afin d’éviter le risque de fistulisation ; la mobilisation du conduit gastrique avait été complète, incluant une manœuvre de Kocher, procurant suffisamment de longueur pour compléter une nouvelle anastomose œsophagogastrique au niveau cervical, à distance de la plaie trachéale. Douze jours après la réparation trachéale, une bronchoscopie flexible a montré une désintégration de la réparation qui avait été accotée par le ballonnet malgré les précautions. En salle d’opération, une endoprothèse auto-expansible de nitinol recouverte de silicone (UltraflexTM, Boston Scientific, Marlborough, MA, États-Unis) a été déployée par-dessus la déchirure en utilisant un bronchoscope flexible. Le patient a été réintubé au-dessus de l’endoprothèse. La fuite d’air initiale était modérée et s’est résolue en 10 jours ; le patient a été extubé au 14e jour, suivant la résolution du SDRA, et n’a requis aucune autre intervention respiratoire. Des CT scan sériés ont montré une contraction progressive de la déchirure et une guérison circonférentielle de la paroi trachéale à 8 semaines [figure 1]. L’endoprothèse a été retirée sans difficulté 13 mois après son insertion, en utilisant une bronchoscopie flexible sous anesthésie générale (le délai avait été occasionné par des problématiques continues de santé). Une bronchoscopie à 6 semaines a montré une guérison complète de la trachée et le patient a fini par complètement récupérer [figure 2].   [caption id="attachment_4173" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Évolution d’une plaie de la partie membraneuse de la trachée chez un patient ayant subi une œsophagectomie minimalement invasive.La plaie est représentée au moment du diagnostic, immédiatement après l’insertion d’une endoprothèse, et 8 semaines après l’insertion de l’endoprothèse, permettant de documenter une guérison circonférentielle.[/caption]   [caption id="attachment_4174" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Endoprothèse trachéale en place juste avant le retrait (A) ; bronchoscopie cinq mois après le retrait montrant une guérison complète de la membraneuse (B).[/caption]   Discussion La portion membraneuse de la trachée est mince et vulnérable au traumatisme direct durant la dissection chirurgicale ou au traumatisme thermique différé occasionné par les sources d’énergie utilisées en intraopératoire. Elle peut aussi être lésée par une intubation endotrachéale traumatique [1,2]. Il est probable qu’une combinaison de facteurs ait été à l’origine de la plaie subie par notre patient : un traumatisme chirurgical non reconnu est toujours possible et aurait pu fragiliser la membraneuse, alors que le contexte et les difficultés techniques entourant la procédure d’intubation suggèrent que cette dernière aurait certainement pu occasionner un traumatisme supplémentaire, la résultante de ces différentes blessures étant une perforation transmurale. Les déchirures trachéales peuvent compromettre la fonction ventilatoire et se compliquer de médiastinite et d’une contamination continue des voies respiratoires dont l’aboutissement est l’insuffisance respiratoire et le décès [1-4]. Dans le contexte d’une œsophagectomie, la proximité du conduit gastrique et des lignes d’agrafes gastro-œsophagiennes complique le problème à cause d’un risque élevé de fistule aérodigestive fatale. En général, un traitement conservateur comportant l’observation et les antibiotiques peut être une option dans les cas de ruptures limitées et contenues qui provoquent peu ou pas d’emphysème sous-cutané et qui ne compromettent pas la ventilation, à la condition que la trachée ne soit pas exposée à des pressions élevées et qu’il n’y ait pas de plaie concomitante de l’œsophage [1-4]. Le traitement chirurgical consiste typiquement en une réparation primaire sans tension recouverte d’un lambeau musculaire [1,2,4]. L’utilisation d’endoprothèses dans le traitement des plaies trachéales est rapportée de façon anecdotique [1,4]. Dans ces cas, les endoprothèses ont été insérées temporairement et retirées en dedans de quelques semaines, une fois la guérison documentée à l’imagerie. Les endoprothèses de silicone sont faciles à retirer même après de longues périodes, permettant d’accorder à la trachée le temps nécessaire à la guérison, et leur risque de complication est faible [1]. Cependant, leur utilisation exige une bronchoscopie rigide et elles sont difficiles à manipuler, ce qui limite leur utilisation chez le patient critique post-œsophagectomie ; elles se conforment plutôt mal aux contours des voies respiratoires, peuvent migrer, et leur calibre interne restreint les rend susceptibles aux bouchons de mucus [5]. En contrepartie, les endoprothèses métalliques couvertes sont faciles à déployer, moins susceptibles de migrer, se conforment librement à une lumière angulée ou irrégulière, et sont bien tolérées [3,5]. Le métal exposé aux extrémités de la prothèse peut cependant induire de l’inflammation, engendrer une érosion ou stimuler une hypergranulation qui peut occasionner une sténose et rendre difficile l’extraction [3]. En conséquence, l’utilisation des endoprothèses métalliques dans les lésions bénignes des voies aériennes demeure controversée. Cependant, il existe des signalements de succès dans l’utilisation de ces endoprothèses pour traiter des perforations trachéales et plusieurs témoignages de l’évolution du profil de sécurité des conceptions récentes [1,3,4].   Conclusion Dans ce cas-ci, la transposition du conduit gastrique pour éloigner l’anastomose des voies aériennes est le geste qui nous aura finalement procuré de la flexibilité dans la prise en charge de la plaie trachéale et nous aura permis de considérer l’endoprothèse comme option thérapeutique. Un bris contigu des voies aériennes et digestives aurait mené à une fistule aérodigestive catastrophique et une situation ingérable. Les plaies trachéales survenant dans le contexte d’œsophagectomie représentent une situation très spécifique et un défi immense qui devrait être abordé agressivement par une combinaison d’approches chirurgicales et endoscopiques afin de maximiser les chances d’une issue positive.   Références Marchese R, Mercadante S, Paglino G, Agozzino C, Villari P, Di Giacomo G. Tracheal stent to repair tracheal laceration after a double-lumen intubation. Ann Thorac Surg 2012;94(3):1001-3. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2011.12.080 PMid:22916757 Schneider T, Storz K, Dienemann H, Hoffmann H. Management of iatrogenic tracheobronchial injuries: a retrospective analysis of 29 cases. Ann Thorac Surg 2007;83(6):1960-4. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2007.01.042 PMid:17532378 Madden BP, Sheth A, Ho TB, McAnulty G. Novel approach to management of a posterior tracheal tear complicating percutaneous tracheostomy. Br J Anaesth 2004;92(3):437-9. https://doi.org/10.1093/bja/aeh061 PMid:14742343 Di Gaetano M, Mazza F, Ferrari E, Maineri P, Barabino G, Ratto GB. Selective bilateral main stem bronchial intubation for the management of severe respiratory distress syndrome due to iatrogenic carinal perforation. Can J Anaesth 2014;61(2):211-2. https://doi.org/10.1007/s12630-013-0083-8 PMid:24318727 Chin CS, Litle V, Yun J, Weiser T, Swanson SJ. Airway stents. The Annals of Thoracic Surgery 2008;85(2):S792-S796. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2007.11.051 PMid:18222219   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 25/09/2018. Acceptation : 15/10/2018.    
décembre 3, 2018
Chirurgie thoracique · Vol. 22 Décembre 2018

La chirurgie pulmonaire vidéo-assistée a-t-elle un impact sur les complications postopératoires chez les patients avec un antécédent de cancer des voies aérodigestives supérieures ?

Tchala Kassegne*, David Boulate, Myriam Ammi, Olaf Mercier, Elie Fadel Hôpital Marie-Lannelongue, Le Plessis-Robinson * Correspondance : kasstchala@hotmail.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-4-KAS Citation : Kassegne T, Boulate D, Ammi M, Mercier O, Fadel E. La chirurgie pulmonaire vidéo-assistée a-t-elle un impact sur les complications postopératoires chez les patients avec un antécédent de cancer des voies aérodigestives supérieures ?. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-KAS   Résumé Les tumeurs des voies aérodigestives supérieures (VADS) et les tumeurs pulmonaires ont en commun les mêmes facteurs de risques. Leur association, synchrone ou métachrone, est fréquemment décrite. L’objectif de notre étude était d’établir le taux de complications postopératoires chez les patients avec un antécédent de tumeur des VADS et de déterminer si la chirurgie vidéo-assistée (VATS) diminue le risque de complications postopératoires chez ces patients. Nous avons également cherché à savoir si une prise en charge chirurgicale première de la tumeur pulmonaire avant celle de la tumeur des VADS, dans les présentations synchrones, diminuait significativement les complications postopératoires. Cette étude rétrospective monocentrique a été menée à l’hôpital Marie Lannelongue. Elle incluait les patients avec un antécédent de tumeur des VADS, opérés d’une tumeur pulmonaire entre 2010 et 2017. Nous avons établi deux groupes : un groupe de patients opérés par thoracotomie et un groupe de patients opérés par VATS. Nous avons comparé le taux de complications postopératoires des deux groupes. Il s’agissait de 121 patients (77% d’hommes), dont l’âge moyen était de 64,7±8,1 ans. 61% des patients (n=74) ont bénéficié d’une résection pulmonaire par thoracotomie et 39% (n=47) par VATS. Le taux global de complications postopératoires était de 57% (n=69), dont 3,3% de mortalité intrahospitalière (n=4). La VATS réduisait significativement le taux de pneumopathie infectieuse (43,2% vs 17%, p=0,003), ainsi que le taux de détresse respiratoire (21,6% vs 2,1%, p=0,003) comparé à la thoracotomie. Les troubles de la déglutition constituaient le facteur de risque de complication post-résection pulmonaire dans cette étude (OR=3,3 [1,1-10,7]). La prise en charge première de la tumeur pulmonaire n’a pas démontré de réduction significative des complications postopératoires. Le taux de complication post-résection pulmonaire des patients présentant un antécédent de tumeur des voies aérodigestives supérieures est important. La résection pulmonaire vidéo-assistée diminue le taux de pneumopathie postopératoire. La présence préopératoire de troubles de la déglutition est un facteur de risque de complication. Ceci doit être pris en compte dans la stratégie thérapeutique de ces patients.   Abstract Does video-assisted pulmonary surgery have an impact on postoperative complications in patients with previous head and neck cancer? Head and neck cancers (HNC) and lung tumors share the same risk factors, and their association, synchronous or metachronous, is frequently described. The aim of our study was to determine the postoperative complication rate in patients with a previous history of HNC, and to determine whether video-assisted thoracic surgery (VATS) decreases the risk of postoperative complications in these patients. We also investigated whether surgical management of the lung tumor before the HNC reduced the incidence of postoperative complications in synchronous presentations. This retrospective, single-center study was conducted at Marie Lannelongue Hospital. It included patients with a history of HNC who underwent a pulmonary resection between 2010 and 2017. We established two groups of patients, those operated by thoracotomy and those operated by VATS, and compared the postoperative complication rate between the two groups. There were 121 patients (77% men) with an average age of 64.7 ± 8.1 years. Of these patients, 61% (n = 74) underwent thoracotomy lung resection and 39% (n = 47) had VATS. The overall postoperative complication rate was 57% (n = 69), with 3.3% intrahospital mortality (n = 4). Use of VATS significantly reduced the rate of pneumonia (43.2% vs. 17%, p = 0.003) and respiratory distress syndrome (21.6% vs. 2.1%, p = 0.003) compared to thoracotomy. Swallowing disorders represented a risk factor for complications after pulmonary resection in this study (OR = 3.3 [1.1, 10.7]). Initial management of the pulmonary tumor did not significantly reduce the rate of postoperative complications. The complication rate after pulmonary resection in patients with a history of HNC is high. Video-assisted pulmonary resection reduces the rate of postoperative pneumonia. Swallowing disorders represent a risk factor for complications, and this must be taken into account in the management of these patients.   1. Introduction Les tumeurs des VADS (voies aérodigestives supérieures) et les tumeurs pulmonaires ont en commun la même population à risque. Le tabac est le principal facteur de risque commun à ces deux pathologies. Les tumeurs des VADS sont les tumeurs les plus fréquemment associées au cancer du poumon [1,2]. La prévalence d’un deuxième cancer pulmonaire chez les patients avec des antécédents de tumeur des VADS est de 6,9% [3]. En France, le type histologique le plus fréquent des cancers de VADS est le carcinome épidermoïde [4]. Les autres types histologiques sont représentés par les adénocarcinomes et les carcinomes non indifférenciés. Le larynx, la cavité buccale, le pharynx sont très fréquemment touchés. De plus les poumons représentent un site métastatique dans les cancers de VADS. La prise en charge des tumeurs des VADS peut porter atteinte aux fonctions respiratoires et de déglutition [5-9]. Lorsqu’une tumeur pulmonaire non à petites cellules survient chez un patient avec un antécédent de tumeur des VADS, la prise en charge de cette seconde tumeur peut être chirurgicale selon l’extension de la pathologie. La lobectomie reste une option thérapeutique majeure pour ces patients. Globalement on peut noter dans la littérature un taux de complication post-lobectomie autour de 16% pour les lobectomies par VATS (Video-assisted Thoracoscopic Surgery) et autour de 30% pour les lobectomies par thoracotomie [10]. Les facteurs de risque de complications postopératoires de résection pulmonaire décrits dans la littérature sont : l’âge, le tabac, la fonction respiratoire préopératoire, la durée d’intervention, le saignement peropératoire, le type de résection pulmonaire, les pathologies cardiovasculaires, la chimiothérapie préopératoire [11-18]. L’antécédent de tumeur de VADS est également un facteur de risque de complications postopératoires [19]. L’objectif de notre étude était d’établir le taux de complications postopératoires chez les patients avec un antécédent de tumeur des VADS et de déterminer si la VATS diminue le risque de complications postopératoires chez ces patients. Nous avons également cherché à savoir si une prise en charge première de la tumeur pulmonaire avant la tumeur ORL (dans les présentations synchrones) diminuait significativement les complications postopératoires. 2. Matériels et méthodes Cette étude rétrospective monocentrique a été menée entre janvier 2010 et décembre 2017 à l’hôpital Marie Lannelongue (HML). 2.1. Population Nous avons inclus tous les patients opérés d’une résection pulmonaire entre 2010 et 2017 et qui présentaient un antécédent de tumeur des VADS. Nous avons également inclus les patients ayant un diagnostic concomitant d’une tumeur pulmonaire et d’une tumeur des VADS et considéré que ces patients présentaient des tumeurs synchrones. Pour ces patients, la stratégie était celle de la prise en charge première de la tumeur pulmonaire afin de diminuer les risques d’infection pulmonaire liés aux troubles de déglutition que peut provoquer le traitement premier des tumeurs des VADS. En cas de critères d’intubation difficile, celle-ci était faite sous fibroscopie. Une trachéotomie était également réalisée en cas de difficulté d’intubation. Tous les dossiers des patients étaient présentés en réunion de concertation pluridisciplinaire et les indications chirurgicales étaient validées de façon collégiale. Une trachéotomie préventive était systématiquement réalisée en cas de troubles de déglutition pour protéger les poumons du risque d’inhalation. Elle est donc réalisée dans le même temps chirurgical que la résection pulmonaire. Il s’agit d’une trachéotomie temporaire. Nous avons défini deux populations de patients. Un groupe de patient dont la résection pulmonaire était faite par thoracotomie postérolatérale (TPL) et un second groupe par VATS. Les patients qui ne présentaient pas de tumeur des VADS et les patients qui ont présenté une tumeur des VADS après la chirurgie pulmonaire ont été exclus de l’étude. 2.2. Recueil de données Les données ont été recueillies à partir des dossiers papiers et informatisés des patients dans un tableur Excel. Les données démographiques regroupaient : l’âge, le sexe, les antécédents notables des patients, le stade de la tumeur pulmonaire. Nous avons également recueilli des données sur le bilan fonctionnel préopératoire, le traitement effectué pour la tumeur des VADS. La voie d’abord et le type de résection pulmonaire effectué pour le traitement du cancer du poumon non à petites cellules étaient recueillis. Nous avons relevé les différentes complications survenues au cours de l’hospitalisation et ainsi que les évènements jusqu’à la consultation postopératoire. 2.3. Analyse statistique Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS (SPSSTM Inc, Chicago, Illinois, États-Unis) version 15.0. Les variables continues sont décrites sous la forme de moyenne ± écart type, les variables qualitatives le sont par la fréquence de chaque classe. Les tests d’indépendance entre deux variables qualitatives ont été effectués par des tests du Chi2 et entre deux variables quantitatives par un test t de Student. La significativité statistique était déterminée par une valeur de p<0,05.   2.4. Avis du comité d’éthique Cette étude a été soumise au comité d’éthique de HML et a obtenu un avis favorable. Elle a été menée dans le respect des règles d’éthique et de la protection du secret médical. 3. Résultats   3.1. Population Deux mille cinq cent six résections pulmonaires ont été effectuées au HML pour cancer bronchopulmonaire entre 2010 et 2017. Nous avons donc recherché dans cette population les patients avec un antécédent de tumeur des VADS synchrone ou métachrone. Notre population d’étude comporte au final 121 patients. Quarante-sept patients (38,8%) dans le groupe VATS et 74 patients (61,2%) dans le groupe TPL. Le choix entre VATS et TPL était lié à l’expérience du chirurgien, aux facteurs anatomiques de la tumeur et à la période de chirurgie, sachant que la chirurgie vidéo-assistée s’est progressivement accrue au cours de l’étude, du fait de l’amélioration du matériel. On note 17 patients avec des tumeurs synchrones et 104 tumeurs métachrones. Le diagramme de flux est représenté par la figure 1.   [caption id="attachment_4181" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Diagramme de flux de la population de l’étude.[/caption]   Les caractéristiques démographiques sont résumées dans le tableau 1. On ne peut pas conclure à une différence significative entre les deux populations, sauf dans la sous-population des lobectomies. On a significativement plus de lobectomies dans le groupe TPL.   Tableau 1. Les caractéristiques démographiques.  Variables Données manquantes Patients VADS n=121 (%) Patients TPL n=74 (%) Patients VATS  n=47 (%) p Âge 0 64,7±8,1 64,6±8,6 64,8±7,4 0,92 Sexe 0 0,348   Hommes 0 93 (76,9) 59 (79,7) 34 (72,3)   Femmes 0 28 (23,1) 15 (20,3) 13 (27,7) IMC 1 23,5±4,8 23,3±3,9 23,7±6 0,67 Tabac actif 1 29 (24,2) 16 (21,6) 13 (28,3) 0,4 Tabac sevré 1 86 (71,7) 57 (77) 29 (63) 0,09 VEMS (%) 3 85±18 86±15 84±22 0,55 Stade cancer poumon 11 0,22    I 69 (62,7) 40 (58) 29 (69)    II 23 (20,9) 13 (19,1) 10 (23,8)    III 17 (15,5) 14 (20,6) 3 (7,1)    IV 1 (0,9) 1 (1,5) 0 (0) Type de résection pulmonaire   Wedge 0 16 (13,2) 7 (9,5) 9 (19,1) 0,12   Segmentectomie 0 3 (2,5) 1 (1,4) 2 (4,3) 0,32   Lobectomie 0 104 (86) 68 (91,9) 36 (76,6) 0,018   Bilobectomie 0 1 (0,8) 1 (1,4) 0 (0) 0,42   Pneumonectomie 0 3 (2,5) 2 (2,7) 1 (2,1) 0,84     3.2. VATS versus TPL Le taux de complication post-résection pulmonaire chez les patients avec un antécédent de tumeur des VADS est de 57%. Le taux de mortalité est de 3,3%. Nous n’avons pas trouvé d’association statistiquement significative entre la voie d’abord (TPL ou VATS) et les complications postopératoires au global (p=0,15). De manière significative, on observe plus de pneumopathie et détresse respiratoire (nécessitant une admission en réanimation) dans le groupe TPL. La durée de séjour hospitalier est également significativement augmentée dans le groupe TPL. Huit patients au total ont nécessité une ventilation prolongée avec une trachéotomie postopératoire. Il n’y a pas de différence significative concernant ce résultat dans les deux groupes. Le tableau 2 résume les différentes complications dans les deux groupes.   Tableau 2. Complications postopératoires en fonction de la voie d’abord. Complications Données manquantes Patients VADS n=121 (%) Patients TPL n=74 (%) Patients VATS  n=47 (%) p Décès 0 4 (3,3) 3 (4,1) 1 (2,1) 0,56 Complications 0 69 (57) 46 (62,2) 23 (48,9) 0,15 Pneumopathie 0 40 (33,1) 32 (43,2) 8 (17) 0,003 Détresse respiratoire 0 17 (14) 16 (21,6) 1 (2,1) 0,003 Ventilation non invasive 0 2 (1,7) 0 (0) 2 (4,3) 0,07 Encombrement bronchique 0 24 (19,8) 18 (24,3) 6 (12,8) 0,12 Fistule bronchopleurale 0 5 (4,1) 3 (4,1) 2 (4,3) 0,95 Bullage prolongé 0 8 (6,6) 4 (5,4) 4 (8,5) 0,5 Reprise chirurgicale 0 11 (9,1) 6 (8,1) 5 (10,6) 0,63 Embolie pulmonaire 0 1 (0,8) 1 (1,4) 0 (0) 0,8 ACFA 0 8 (6,6) 4 (5,4) 4 (8,5) 0,5 IDM 0 1 (0,8) 0 (0) 1 (2,1) 0,2 Hémothorax 0 2(1,7) 0(0) 2(4.3) 0.07 AVC 0 1(0,8) 1(1,4) 0(0) 0,42 Ventilation prolongée 0 8(6,6) 5(6,8) 3(6,4) 0.93 Séjour hospitalier (j) 0 15±19 18±19 11±17 0,04     3.3. Prise en charge chirurgicale première de la tumeur pulmonaire dans les tumeurs synchrones Nous n’avons pas relevé d’impact significatif de la prise en charge en première position de la tumeur pulmonaire sur les complications postopératoires. Le taux de bullage prolongé est proportionnellement plus élevé dans les tumeurs synchrones. Cette stratégie n’a pas d’influence sur le taux de pneumopathie ou de détresse respiratoire. Ces résultats sont présentés dans le tableau 3.   Tableau 3. Complications postopératoires des tumeurs synchrones. Complications Données manquantes Patients VADS n=121 (%) Tumeurs synchrones n=17 (%) Tumeurs métachrones  n=104 (%) p Décès 0 4 (3,3) 0 (0) 4 (3,8) 0,41 Complications 0 69 (57) 10 (58,8) 59 (56,7) 0,87 Pneumopathie 0 40 (33,1) 4 (23,5) 36 (34,6) 0,36 Détresse respiratoire 0 17 (14) 2 (11,8) 15 (14,4) 0,77 Ventilation non invasive 0 2 (1,7) 0 (0) 2 (1,9) 0,56 Encombrement bronchique 0 24 (19,8) 3 (17,6) 21 (20,2) 0,8 Fistule bronchopleurale 0 5 (4,1) 1 (5,9) 4 (3,8) 0,69 Bullage prolongé 0 8 (6,6) 3 (17,6) 5 (4,8) 0,04 Reprise chirurgicale 0 11 (9,1) 1 (5,9) 10 (9,6) 0,62 Embolie pulmonaire 0 1 (0,8) 0 (0) 1 (1) 0,68 ACFA 0 8 (6,6) 1 (5,9) 7 (6,7) 0,89 IDM 0 1 (0,8) 0 (0) 1 (1) 0,68 Hémothorax 0 2 (1,7) 0 (0) 2 (1,9) 0,56 AVC 0 1 (0,8) 0 (0) 1 (1) 0,68   3.4. Facteur de risque de complication postopératoire Lorsqu’on étudie les facteurs pouvant influencer le taux de complications postopératoires, seule la présence d’un trouble de la déglutition préopératoire augmente significativement le taux de complication  (OR=3,3 [1,1-10.7]). L’âge, le sexe, le tabac, le type de résection et le type de traitement ORL n’impactent pas significativement les complications postopératoires. Ces résultats sont présentés dans le tableau 4.   Tableau 4. Analyses univariées et multivariées des facteurs de risques. Analyse univariée  Analyse multivariée Variables Données manquantes Complications postopératoires n=69 (%) Pas de Complication n=52 (%) p OR [IC 95%] p Troubles de déglutition préopératoire 0 15 (21,7) 4 (7,7) 0,036 3,3 [1,1-10,7] <0,001 Trachéotomie préventive 0 8 (11,6) 2 (3,8) 0,12 0,002 Âge 0 65±8 63±7 0,12 0,911 IMC 1 23±4.5 24±5.2 0,34 Hommes 0 55 (79,7) 38 (73,1) 0,39 Tabac actif 1 17 (25) 12 (23,1) 0,8 VEMS (%) 3 83±15 87±21 0,27 Antécédent de trachéostomie 0 7 (10,1) 6 (11,5) 0,8 Type de résection pulmonaire   Wedge 0 7 (10,1) 9 (17,3) 0,25   Segmentectomie 0 2 (2,9) 1 (1,9) 0,72   Lobectomie 0 61 (88,4) 43 (82,7) 0,37       Bilobectomie 0 1 (1,4) 0 (0) 0,38   Pneumonectomie 0 1 (1,4) 2 (3,8) 0,4 Type de traitement de tumeur des VADS   Chirurgie 2 36 (53,7) 32 (61,5) 0,39   Radiothérapie 2 52 (77,6) 39 (75) 0,73   Chimiothérapie 3 40 (60) 28 (53) 0,46   4. Discussion Cette étude rapporte un taux de complications post-résection pulmonaire élevé chez les patients avec un antécédent de tumeur des VADS. Cet antécédent était bien identifié dans la littérature comme un facteur de risque de complications. Mais les taux de complications étaient peu étudiés. Une étude récente rétrospective de Briend et al. [19] rapportait un taux de complications de 42,4% et une mortalité de 8,5%. Notre taux de complications est plus élevé mais reste concordant lorsqu’on observe par exemple la complication la plus importante qui est la pneumopathie (33% dans notre étude et 32,1% dans l’étude de Briend et al.). La différence de taux de mortalité peut s’expliquer par une proportion de pneumonectomie plus élevée dans l’étude de Briend et al. (12% contre 2,5% dans notre étude). Ces résultats sont concordants avec la littérature [20,21]. Ces taux de complications élevés incitent à une prudence particulière dans la prise en charge des patients avec un antécédent de tumeur des VADS. 4.1. VATS versus TPL Nous n’avons pas établi que la VATS réduisait le risque global de complications post-résection pulmonaire dans notre population, et ceci malgré notre effectif important. Nous pouvons néanmoins conclure qu’il y a moins de pneumopathie et de détresse respiratoire dans le groupe VATS. La pneumopathie constitue la complication la plus fréquente dans notre population et les détresses respiratoires peuvent mettre en jeu le pronostic vital du patient. Ce résultat est donc cliniquement pertinent. La durée d’hospitalisation est également diminuée chez les patients opérés par VATS. Nous n’avons pas trouvé d’études comparant la VATS à la thoracotomie dans cette population. Les données que nous avons trouvées dans la littérature sur les lobectomies VATS versus thoracotomie dans la population générale vont dans le sens d’une diminution globale des complications postopératoires et de la durée de séjour hospitalier [10,22]. La réduction du risque de pneumopathie postopératoire n’a pas été rapportée dans ces études. 4.2. Prise en charge chirurgicale première de la tumeur pulmonaire dans les tumeurs synchrones Notre étude ne démontre pas que le fait de prendre en charge d’abord chirurgicalement la tumeur pulmonaire avant la tumeur des VADS réduit le risque de complication post-résection pulmonaire. Ceci peut s’expliquer par le manque de puissance avec un effectif faible de cette sous-population. Une autre explication peut se trouver dans le fait que 4 patients sur 17 avaient reçu une chimiothérapie néo-adjuvante pour la tumeur des VADS en attendant la chirurgie pulmonaire, or il a été démontré dans la littérature que la chimiothérapie augmentait le risque de complications postopératoires [14]. Une étude randomisée avec un effectif suffisamment important serait nécessaire pour démontrer cette hypothèse. 4.3. Facteur de risque significatif de complications postopératoires Le seul facteur de risque de complications que nous retrouvons est la présence de troubles de la déglutition préopératoire. Ce résultat va dans le sens des conclusions des études de Briend [19] et Herrera [21]. Même si certains facteurs comme le sexe masculin, le tabagisme actif, l’âge, le type de résection pulmonaire ont été identifiés dans la littérature comme facteurs de risque de complications, ceux-ci n’influencent pas le taux de complications dans notre étude [19,23]. La trachéotomie préventive pour réduire le risque d’inhalation et donc de pneumopathie postopératoire n’est pas une attitude clairement validée. Nos résultats suggèrent que cette attitude peut être adoptée chez les patients avec des troubles de la déglutition préopératoire. Nous justifions ceci par le fait que les troubles de la déglutition augmentent le risque de complications, or la trachéotomie préventive, qui n’est pas significative en analyse univariée, devient significative en analyse multivariée lorsqu’il est testé avec les troubles de la déglutition. La trachéotomie préventive peut constituer un facteur de confusion. Elle est significativement liée aux troubles de la déglutition. Ceci est la traduction du fait que dans notre centre la trachéotomie préventive est pratiquée préférentiellement chez les patients présentant des troubles de la déglutition. La trachéotomie préventive seule ne suffit pas à prévenir les pneumopathies postopératoires. 4.4. Limites Notre étude présente la principale limite d’être une étude rétrospective avec les biais qu’elle peut comporter avec des données manquantes. Nous n’avons pas fait de comparaison par score de propension parce que nous ne pensions pas que dans notre étude la différence du nombre de lobectomie entre les deux groupes (VATS et TPL) pouvait constituer un facteur de confusion. L’analyse univariée ne présentait pas la lobectomie comme facteur significativement associé aux complications post-résection pulmonaire. Notre étude apporte néanmoins de nouveaux renseignements sur la résection pulmonaire chez les patients avec un antécédent de tumeur des VADS. Une étude multicentrique randomisée serait nécessaire pour répondre définitivement à certaines questions, comme celle de l’indication de la trachéotomie préventive chez ces patients ou celle de la prise en charge première de la tumeur pulmonaire dans les tumeurs synchrones. 5. Conclusion La prise en charge des patients présentant une tumeur pulmonaire avec un antécédent de tumeur des VADS reste complexe et non consensuelle. Cette étude retrouve un taux de pneumopathie et de détresse respiratoire réduit avec la VATS. Elle établit également que la présence de troubles de la déglutition préopératoire est un facteur prédictif de complications postopératoires. La stratégie de prise en charge chirurgicale première du cancer bronchopulmonaire dans les tumeurs synchrones n’a pas montré de réduction des complications post-résection pulmonaire dans notre étude. Ces patients doivent être opérés par VATS si possible, et il faut rechercher et prendre en charge les troubles de la déglutition pour réduire les complications post-résection pulmonaire dans cette population.   Références Herranz González-Botas J, Varela Vázquez P, Vázquez, Barro C. Second primary tumours in head and neck cancer. Acta Otorrinolaringol Esp 2016;67:123-9. https://doi.org/10.1016/j.otorri.2015.04.001 PMid:26386656 Vogt A, Schmid S, Heinimann K et al. Multiple primary tumours: challenges and approaches, a review. ESMO Open 2017;2:e000172. https://doi.org/10.1136/esmoopen-2017-000172 PMid:28761745 PMCid:PMC5519797 Deleyiannis FW, Thomas DB. Risk of Lung Cancer Among Patients with Head and Neck Cancer. Otolaryngol Head Neck Surg 1997 Jun;116(6):630-636. https://doi.org/10.1016/S0194-5998(97)70239-0 Aupérin A, Hill C. Epidemiology of head and neck carcinomas. Cancer Radiother 2005 Fev;9(1):1-7. https://doi.org/10.1016/j.canrad.2004.11.004 PMid:15804614 Van Monsjou HS, Schaapveld M et al. Cause-specific excess mortality in patients treated for cancer of the oral cavity and oropharynx: A population-based study. Oral Oncol 2016 Jan;52:37-44. https://doi.org/10.1016/j.oraloncology.2015.10.013 PMid:26553390 Salama JK, Stenson KM, List MA et al. Characteristics associated with swallowing changes after concurrent chemotherapy and radiotherapy in patients with head and neck cancer. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2008;134:1060-5. https://doi.org/10.1001/archotol.134.10.1060 PMid:18936351 Tschiesner U, Linseisen E, Baumann S et al. Assessment of functioning in patients with head and neck cancer according to the International Classification of Functioning, Disability, and Health (ICF): a multicenter study. The Laryngoscope 2009;119:915-23. https://doi.org/10.1002/lary.20211 PMid:19358200 Mortensen HR, Jensen K, Grau C. Aspiration pneumonia in patients treated with radiotherapy for head and neck cancer. Acta Oncol 2013;52:270-6. https://doi.org/10.3109/0284186X.2012.742205 PMid:23173758 Nguyen NP, Smith HJ, Sallah S. Evaluation and management of swallowing dysfunction following chemoradiation for head and neck cancer. Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2007;15:130-3. https://doi.org/10.1097/MOO.0b013e32801da0e8 PMid:17413416 Whitson BA, Groth SS, Duval SJ, Swanson SJ, Maddaus MA. Surgery for early-stage non-small cell lung cancer: a systematic review of the video-assisted thoracoscopic surgery versus thoracotomy approaches to lobectomy. Ann Thorac Surg 2008 Dec;86(6):2008-16. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2008.07.009 PMid:19022040 Rostad H, Strand TE, Naalsund A et al. Lung cancer surgery: the first 60 days. A population-based study. Eur J Cardiothorac Surg 2006;29:824-8. https://doi.org/10.1016/j.ejcts.2006.01.055 PMid:16520052 Simonsen DF, Søgaard M, Bozi I et al. Risk factors for postoperative pneumonia after lung cancer surgery and impact of pneumonia on survival. Respir Med 2015;109:1340-6. https://doi.org/10.1016/j.rmed.2015.07.008 PMid:26209227 Boffa DJ, Allen MS, Grab JD et al. Data from The Society of Thoracic Surgeons General Thoracic Surgery database: The surgical management of primary lung tumors. J Thorac Cardiovasc Surg 2008;135:247-54. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2007.07.060 PMid:18242243 Matsubara Y, Takeda S, Mashimo T. Risk stratification for lung cancer surgery: Impact of induction therapy and extended resection. Chest 2005;128:3519-25. https://doi.org/10.1378/chest.128.5.3519 PMid:16304308 Pastorino U, Borasio P, Francese M et al. Lung cancer stage is an independent risk factor for surgical mortality. Tumori 2008;94:362-9. https://doi.org/10.1177/030089160809400313 PMid:18705405 Spaggiari L, Scanagatta P. Surgery of non-small cell lung cancer in the elderly. Curr Opin Oncol 2007;19:84-91. https://doi.org/10.1097/CCO.0b013e32802b7041 PMid:17272978 Takamochi K, Oh S, Matsuoka J et al. Risk factors for morbidity after pulmonary resection for lung cancer in younger and elderly patients. Interact Cardiovasc Thorac Surg 2011;12:739-43. https://doi.org/10.1510/icvts.2010.254821 PMid:21317156 Thomas DC, Blasberg JD, Arnold BN et al. Validating the Thoracic Revised Cardiac Risk Index Following Lung Resection. Ann Thorac Surg 2017;104:389-94. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2017.02.006 PMid:28499655 Briend G, Planquette B, Badia A, Vial A, Laccourreye O, Le Pimpec-Barthes F, Meyer G, Sanchez O. Impact of previous head and neck cancer on postoperative complications after surgical resection for lung cancer: a case-control study. J Thorac Dis 2018 Jul;10(7):3948-3956. doi: 10.21037/jtd.2018.06.77. https://doi.org/10.21037/jtd.2018.06.77 Massard G, Wihlm JM, Ameur S et al. Association of bronchial and pharyngo-laryngeal malignancies. A reappraisal. Eur J Cardiothorac Surg 1996;10:397-402. https://doi.org/10.1016/S1010-7940(96)80104-7 Herrera LJ, Correa AM, Vaporciyan AA et al. Increased risk of aspiration and pulmonary complications after lung resection in head and neck cancer patients. Ann Thorac Surg 2006;82:1982-7;discussion 1987-8. Flores RM, Park BJ, Dycoco J, Aronova A, Hirth Y, Rizk NP, Bains M, Downey RJ, Rusch VW. Lobectomy by video-assisted thoracic surgery (VATS) versus thoracotomy for lung cancer. J Thorac Cardiovasc Surg 2009 Jul;138(1):11-8 https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2009.03.030 PMid:19577048 Rodriguez M, Gómez-Hernandez MT, Novoa N et al. Refraining from smoking shortly before lobectomy has no influence on the risk of pulmonary complications: a case-control study on a matched population. Eur J Cardiothorac Surg 2017 Mar 1;51(3):498-503. https://doi.org/10.1093/ejcts/ezw359 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Cet article est issu d'un mémoire de DESC. Date de soumission : 03/09/2018. Acceptation : 24/09/2018. Pré-publication : 24/09/2018  
décembre 3, 2018
Cas clinique · Vol. 22 Décembre 2018

Localisation exceptionnelle du kyste hydatique cardiopéricardique au niveau des vaisseaux de la base du cœur avec rare association rénale

I. Maaroufi1*, Y. Moutakillah2, M. Drissi2, H.G. Abdedaim2, M. Aït Houssa2, A. Boulahya2 1. Service de chirurgie cardiovasculaire A, centre hospitalier Ibn Sina, Rabat, Maroc. 2. Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital militaire d’instruction Mohamed V, Rabat, Maroc. * Correspondance : ilham.maaroufi11@gmail.com   DOI : 10.24399/JCTCV22-4-MAA Citation : Maaroufi I, Moutakillah Y, Drissi M, Abdedaim HG, Aït Houssa M, Boulahya A. Localisation exceptionnelle du kyste hydatique cardiopéricardique au niveau des vaisseaux de la base du cœur avec rare association rénale. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-MAA   Résumé L’hydatidose est une pathologie rare, bien que la maladie sévisse de façon endémique dans certains pays, dont ceux du bassin méditerranéen. Elle reste inhabituelle dans les pays occidentaux développés. La localisation cardiaque est rare et la forme cardiopéricardique est la plus souvent rencontrée. Le siège du kyste hydatique au niveau des vaisseaux de la base du cœur reste exceptionnel. Nous rapportons l’observation d’un patient âgé de 58 ans, tabagique chronique, admis pour une douleur thoracique d’allures clinique et électrique coronarienne chez qui le diagnostic d’hydatidose cardiaque multifocale a été posé avec localisation exceptionnelle au niveau de l’aorte ascendante, secondaire à la rupture d’un kyste hydatique du ventricule gauche et rare association avec un kyste rénal. L’échocardiographie transthoracique est l’outil de choix pour le diagnostic et le suivi postopératoire. La tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique jouent un rôle important dans le diagnostic des formes atypiques et le bilan d’extension. La résection chirurgicale sous circulation extracorporelle avec clampage aortique est nécessaire pour éviter le risque de dissémination.   Abstract Hydatid disease is endemic in sub-tropical and tropical regions, including the Mediterranean basin, but remains uncommon in developed Western countries. Its cardiac localization is rare, and the cardio-pericardial is most frequently affected. Infestation of the vessels at the base of the heart is exceptionally rare. We report the case of a 58-year-old patient who was originally admitted for symptoms of coronary insufficiency. The patient, who was a chronic smoker, was diagnosed with multifocal cardiac development consisting of an exceptionally rare hydatid cyst on the aorta secondary to the rupture of a hydatid cyst on the left ventricle, with rare association with a renal hydatid cyst. Transthoracic echocardiography is typically used in the diagnosis and postoperative follow-up of hydatid disease. For the diagnosis of atypical cases, computed tomodensitometry and magnetic resonance imaging are powerful tools, and are useful for staging. Resection under cardiopulmonary bypass with aorta cross clamping is necessary when there is a risk of dissemination.   1. Introduction L’hydatidose est due au développement tissulaire de la forme larvaire d’Echinococcus Granulosus, parasite adulte de l’intestin grêle des canidés. Bien que rarement retrouvée dans les pays occidentaux développés, elle sévit de façon endémique dans le bassin méditerranéen, le Moyen-Orient, l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Australie [1]. La localisation cardiaque du kyste hydatique, souvent asymptomatique, reste rare : 0,03 à 1,1% des localisations de l’hydatidose selon l’Organisation mondiale de la santé [1,2]. Nous rapportons l’observation d’un patient âgé de 58 ans admis pour une douleur thoracique d’allure coronarienne et qui a présenté une localisation exceptionnelle du kyste hydatique au niveau de l’aorte secondaire à la rupture d’un kyste du ventricule gauche (VG), ainsi qu’une association rare avec une localisation rénale. Le but de ce cas clinique est de présenter un aspect exceptionnel de l’hydatidose, aussi bien dans sa localisation rare au niveau des vaisseaux de la base du cœur que dans son association rénale inhabituelle, notamment dans les pays occidentaux désormais exposés à cette pathologie en raison de la mondialisation et des flux migratoires de masse.   2. Observation Un patient âgé de 58 ans, tabagique chronique, a été admis pour douleur thoracique d’allure coronarienne. L’examen cardiovasculaire a retrouvé un assourdissement des bruits du cœur sans signes d’insuffisance cardiaque droite. L’examen abdominal a noté une masse au niveau du flanc droit. Le bilan biologique a décelé une hyper éosinophilie à 15%. L’électrocardiogramme a montré des troubles de repolarisation à type d’ischémie sous épicardique en territoire apicolatéral. L’échocardiographie transthoracique (ETT) a révélé la présence d’un processus tumoral multivésiculaire, d’aspect hydatique, siégeant au niveau de la paroi latérale du ventricule gauche, prenant toute l’épaisseur des segments moyen et apical. Des troubles de la contractilité de la région occupée par la masse ont été retrouvés ainsi qu’un épanchement péricardique de moyenne abondance. La tomodensitométrie thoraco-abdominale (TDM) a confirmé la présence d’un kyste hydatique fissuré sur la face latérale du VG et a révélé la présence d’un kyste rénal droit [figures 1,2]. [caption id="attachment_4189" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Kystes hydatiques des faces antérieure et latérale de l’aorte.[/caption] [caption id="attachment_4190" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Membranes proligères après évacuation du liquide hydatique.[/caption]   Ce patient a bénéficié d’une résection des kystes hydatiques sous circulation extracorporelle. À l’ouverture du péricarde, plusieurs kystes de petites tailles ont été retrouvés au niveau de la partie latérale droite de l’aorte ascendante [figure 3]. [caption id="attachment_4191" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Kyste latéro-VG fissure.[/caption]   Après clampage aortique, le liquide hydatique a été aspiré et du sérum salé hypertonique a été injecté. Les kystes et les dômes saillants ont été réséqués. D’autres kystes épicardopéricardiques de tailles variables retrouvés au niveau de la paroi latérale du VG, dont un mesurant 7-5 cm, ont été réséqués à la suite de l’aspiration du liquide hydatique, de l’injection intrakystique de sérum salé hypertonique et de l’ablation des vésicules filles et des membranes proligères. Du tissu périkystique fortement adhérant à la paroi latérale du VG a été respecté. Le péricarde a été soigneusement lavé avec une solution de peroxyde d’hydrogène. L’examen anatomopathologique a confirmé l’hydatidose. Les suites opératoires ont été simples. Le patient a été mis sous albendazole et transféré pour le traitement du kyste rénal et pour le suivi.   [caption id="attachment_4192" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Kyste rénal droit.[/caption]   3. Discussion Les larves de l’E. Granulosus arrivent au cœur par voie veineuse transhépatique, puis par le système cave. Elles parviennent à l’oreillette gauche en passant par un foramen ovale perméable ou en traversant le filtre pulmonaire. Elles arrivent au myocarde par la circulation coronaire. La croissance dans le myocarde est lente comparativement à celle dans le parenchyme pulmonaire. L’importante masse musculaire et la riche vascularisation du VG expliqueraient la fréquence de la localisation à son niveau. Son régime à haute pression est à l’origine du siège sous-épicardique et non sous-endocardique ou endocavitaire comme c’est le cas pour les kystes du ventricule droit où règne un régime à basse pression [1]. La localisation péricardique est secondaire à la rupture d’un kyste du VG ou par irritation directe du péricarde par les kystes sous-épicardiques [1]. Dans la littérature, l’atteinte hydatique au niveau des vaisseaux de la base du cœur est exceptionnelle. Dans notre cas, l’originalité est la localisation au niveau de l’aorte ascendante. Chez l’être humain, les organes les plus souvent atteints sont le foie et le poumon [2]. L’atteinte cardiaque est rare et le VG est la localisation la plus souvent rapportée (46%), suivie par le ventricule droit (21%), le septum interventriculaire (19,3%), l’oreillette droite (9,7%), l’oreillette gauche (1,6%) et le sinus de Valsalva (1,6%) [2]. Dans notre cas, la fissuration du kyste ventriculaire gauche est à l’origine de l’atteinte péricardique et de la racine de l’aorte par contiguïté. L’association avec la localisation rénale est également inattendue. Dans la littérature, l’hydatidose cardiaque, souvent isolée, peut s’associer à d’autres localisations, essentiellement hépatique et pulmonaire [1]. Nous pensons que les larves ont emprunté la circulation systémique pour arriver à l’artère rénale droite et se développer au niveau du rein droit. Leur développement au sein du rein était probablement concomitant à celui au niveau du VG, puis du péricarde et de la racine de l’aorte. La symptomatologie peut varier selon le nombre, la taille, le siège et l’intégrité des kystes [1]. Le tableau clinique peut prêter à confusion simulant comme dans notre cas un syndrome coronarien clinique et électrique chez un patient porteur de facteurs de risque cardiovasculaire, par compression des petites branches coronaires par le processus tumoral. Les complications peuvent être fatales, à type de syndrome ischémique et arythmies par compression des petits vaisseaux coronaires et du tissu de conduction, insuffisance cardiaque, embolie pulmonaire, systémique et choc anaphylactique par rupture intracardiaque des kystes, tamponnade par réaction exsudative du péricarde [1]. Il n’existe pas de test biologique spécifique de l’hydatidose cardiaque. Les tests sérologiques positifs représentent un signe de présomption d’hydatidose, des tests négatifs n’éliminant pas le diagnostic car certaines réponses immunitaires peuvent échapper à ces tests [1,4]. L’ETT, non invasive et facilement reproductible, reste un outil fiable de diagnostic des kystes hydatiques à aspect échocardiographique liquidien typique et pour le suivi postopératoire des patients [3,5]. L’imagerie en coupe (TDM et IRM) joue un rôle important dans le diagnostic des formations kystiques atypiques, les rapports avec les structures adjacentes et le bilan d’extension de la maladie hydatique au niveau de tous les organes [3]. La stratégie chirurgicale, voie d’abord et canulation, dépend de la localisation des kystes et des éventuelles associations pulmonaires [tableau 1]. Si la thoracotomie droite permet l’excision des kystes pulmonaires associés, la sternotomie reste la voie d’abord idéale car seule garante d’un bilan myocardique et péricardique complet. La résection chirurgicale du kyste hydatique cardiaque doit se faire sous circulation extracorporelle (CEC), en raison du grand risque de dissémination et d’embolie systémique. De plus, le clampage aortique permet une exploration optimale des cavités cardiaques. Certains auteurs préconisent le double clampage de l’aorte et de l’artère pulmonaire (en cas de kyste cardiaque droit) pour prévenir les redoutables complications emboliques systémiques et pulmonaires [5].   Tableau 1. Voies d’abord et traitement chirurgical selon la localisation des kystes.   AUTEUR   LOCALISATION DES KYSTES   TRAITEMENT   SUIVI M. KAPLAN 2001 Kystes de OG, OD et du VD, embolie pulmonaire. Sternotomie, CEC, cystectomie, artériotomie pulmonaire pour résection. Pas de récidive à un an. M. KAPLAN 2001 Kyste de la voie de chasse du VD. Sternotomie, CEC, cystectomie par ventriculotomie droite. Décès. A. ABID 2003 Kyste OD et pulmonaires bilatéraux. Thoracotomie antérolatérale droite, cystectomie par atriotomie droite et cystectomies pulmonaires Pas de récidive. A. ABID 2003 Kyste VD, du SIV et muscle papillaire tricuspide latéral. Sternotomie, CEC, cystectomie par ventriculotomie droite et réimplantation du muscle papillaire tricuspide latéral. Pas de récidive. F. SABZI 2015 Kyste thrombotique de l'apex du VG. Sternotomie, CEC, cystectomie par ventriculotomie associée à une thrombectomie. Pas de récidive à 6 mois. A. L'AARJE 2017 Kyste de la paroi libre du VD. Sternotomie, CEC, cystectomie. _   A. BOGDANOVIC 2017 Kyste péricardique en regard de la face latérale du VG. Thoracotomie antérieure, cystectomie. Pas de récidive à un an. I. MAAROUFI 2017 Multiples kystes cardiopéricardiques et au niveau de la face antérolatérale de l'aorte. Sternotomie, CEC, cystectomies. Pas de récidive à un an. OD : oreillette droite, OG : oreillette gauche, VD : ventricule droit, VG : ventricule gauche, CEC : circulation extracorporelle, SIV : septum interventriculaire. 4. Conclusion Malgré sa rareté, l’hydatidose cardiaque, désormais retrouvée dans tous les pays du monde en raison d’une circulation mondiale plus facile des personnes, est un diagnostic qu’il faut évoquer devant un tableau clinique déroutant. L’ETT garde une place de choix dans le diagnostic et le suivi postopératoire en raison de son innocuité, de sa facilité d’utilisation et de son coût faible. La TDM et l’IRM permettent de conforter le diagnostic mais présentent des limites. La résection des kystes sous CEC avec clampage aortique est indiquée pour des raisons de sécurité et pour se mettre à l’abri de toute dissémination et embolie systémique [5].   Références Yasim A, Ustunsoy H, Gokaslan G, Hafız E, Arslanoglu Y. Cardiac Echinococcosis: A Single-Centre Study with 25 Patients. Heart, Lung and Circulation 2017;26(2):157–163. https://doi.org/10.1016/j.hlc.2016.05.122 PMid:27526976 Oncel D, Oncel G. A rare right atrial mass: Hydatid cyst. European Journal of Radiology Extra 2007;61(3)87–90. https://doi.org/10.1016/j.ejrex.2006.12.006 Kar SK, Ganguly T. Current concepts of diagnosis and management of pericardial cysts. Indian Heart Journal 2017;69(3):364–370. https://doi.org/10.1016/j.ihj.2017.02.021 PMid:28648435 PMCid:PMC5485391 Naeem SN, Burhan H, Khan G. Hydatid cyst of the cardiac interventricular septum. Asian Cardiovascular & Thoracic Annals 2013;11:23(3). Ben Jmaa H, Abdennadher M, Dammak A, Kallel S, Abid L, Msaad S, Masmoudi S, Frikha I. Traitement chirurgical d'un kyste hydatique du septum inter-auriculaire. Journal de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire 2012;16(2):118-120. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 30/05/2017. Acceptation : 24/09/2018.   
décembre 3, 2018