Chirurgie cardiaque · Vol. 21 Septembre 2017

Assistances circulatoires monoventriculaires gauches implantées par thoracotomie postérolatérale sans circulation extracorporelle : expérience monocentrique

Antoine Defontaine1,2*, Erwan Flécher2, Thomas Sénage1, Magali Michel1, Thierry Lepoivre1, Sabine Pattier1, Jean-Christian Roussel1 1. Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU de Nantes, France. 2. Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU de Rennes, France. * Correspondance : a.defontaine@laposte.net   DOI : 10.24399/JCTCV21-3-DEF Citation : Defontaine A, Flécher E, Sénage T, Michel M, Lepoivre T, Pattier S, Roussel JC. Assistances circulatoires monoventriculaires gauches implantées par thoracotomie postérolatérale sans circulation extracorporelle : expérience monocentrique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-DEF   Résumé Objectif : L’assistance circulatoire de longue durée est de plus en plus utilisée dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque terminale. L’objectif de cette étude rétrospective monocentrique était d’évaluer le devenir à court et moyen termes des patients ayant reçu une assistance circulatoire gauche (LVAD) implantée par thoracotomie gauche sans circulation extracorporelle dans notre centre. Méthode et résultats : Dix-huit patients (17 hommes) âgés de 63,3 ± 7,3 ans ont reçu un LVAD entre novembre 2012 et août 2016, 15 (83 %) en alternative à la transplantation, 3 (17 %) en attente de transplantation. L’insuffisance cardiaque était une cardiopathie ischémique dans 72 % des cas (n = 13) et une cardiomyopathie dilatée dans 28 % des cas (n = 5). La durée de suivi était de 17 mois et la survie à 12 mois était de 66 % (73 % dans le sous-groupe des patients en alternative à la transplantation) avec des complications postopératoires acceptables. Conclusion : Cette approche est techniquement faisable sans CEC et peut apparaître comme une alternative à la sternotomie conventionnelle, notamment dans le cadre des patients redux. Sa place reste encore à définir, en particulier en cas de transplantation cardiaque ultérieure.   Abstract Left ventricular assist devices implanted by posterolateral thoracotomy without cardiopulmonary bypass: monocentric outcomes Aim: Long-term mechanical circulatory support is increasingly being used to deal with end-stage heart failure. The objective of this retrospective monocentric study was to evaluate the short- and mid-term evolution of patients receiving left ventricular assist device (LVAD) implanted by left thoracotomy without cardiopulmonary bypass at our center. Methods and results: Eighteen patients (17 males) aged 63.3 ± 7.3 years received LVAD between November 2012 and August 2016 (15 [83%]  as destination therapy and 3 [17%] as a bridge to transplant). Aetiology was ischemic cardiopathy for 13 (72%) cases and dilated cardiomyopathy for 5 (28%) cases. The follow-up time was 17 months and survival at 12 months was 66% (73% in the subgroup of patients implanted as destination therapy), with acceptable postoperative complications. Conclusion: This approach is technically feasible without cardiopulmonary bypass and is a potential alternative to conventional medial sternotomy, especially for redo patients. However, its place has yet to be defined, in particular in patients who require a subsequent heart transplant.   1. Introduction L’assistance circulatoire de longue durée fait maintenant partie de l’arsenal thérapeutique de l’insuffisance cardiaque terminale. Parmi les dispositifs disponibles, les assistances circulatoires monoventriculaires gauches (LVAD : Left Ventricular Assist Device) sont aujourd’hui les plus utilisées. Celles-ci peuvent être implantées de différentes manières [1] : par sternotomie médiane, avec ou sans circulation extracorporelle (CEC), et réinjection au niveau de l’aorte ascendante ; par minithoracotomie latérale gauche (pour la mise en place du dispositif) associée à une minithoracotomie antérosupérieure droite ou une ministernotomie (pour l’anastomose de la canule de réinjection au niveau de l’aorte ascendante) ; ou par thoracotomie postérolatérale gauche, avec ou sans CEC, et réinjection au niveau de l’aorte thoracique descendante. Cette dernière approche a été initialement développée pour appréhender les thorax hostiles au cours de chirurgies redux. Dans notre centre, de plus en plus de dispositifs sont implantés par thoracotomie gauche sans CEC avec comme hypothèses de limiter le risque hémorragique perprocédure (faible anticoagulation peropératoire), de préserver le ventricule droit [2,3] (moindres manipulations du cœur, maintien de l’intégrité péricardique) et éventuellement de faciliter une transplantation cardiaque ultérieure (préservation sternale). L’objectif de cette étude était de montrer la faisabilité de cette approche et d’évaluer le devenir des patients ayant reçu un LVAD par thoracotomie dans notre centre.   2. Patients et méthodes   2.1. Population Tous les patients consécutifs ayant reçu un LVAD implanté par thoracotomie postérolatérale gauche (en excluant ceux implantés par sternotomie) entre novembre 2012 et août 2016 dans notre centre ont été inclus dans cette revue rétrospective monocentrique. Les dispositifs implantés étaient tous des HVAD® (HeartWare®, Framingham, Massachusetts, États-Unis).   2.2. Technique chirurgicale Toutes les implantations d’assistance circulatoire de longue durée rapportées dans ce travail ont été réalisées par le même binôme chirurgical. L’implantation des dispositifs a été effectuée par thoracotomie postérolatérale gauche. Brièvement, les principaux temps de l’intervention étaient : anesthésie générale avec intubation sélective, monitorage des paramètres vitaux (dont cathéter de Swan-Ganz et échographie transœsophagienne [ETO]) ; installation en décubitus latéral droit en laissant le scarpa gauche dans le champ opératoire, sans mise en place systématique de désilets fémoraux, mise en place d’électrodes de défibrillation externes ; thoracotomie postérolatérale gauche dans le 5e ou 6e espace intercostal après repérage échographique de l’apex ; mise en place de la collerette de fixation du LVAD à l’aide de points séparés appuyés sur feutre ; introduction du dispositif après perforation de l’apex (à l’aide de l’emporte-pièce fourni par le constructeur) sous stimulation ventriculaire (électrodes péricardiques) rapide à 200 bpm, après injection d’héparine (1 mg/kg) et remplissage de 500 mL ; anastomose terminolatérale de la canule de réinjection sur l’aorte thoracique descendante ; tunnelisation en S du câble d’alimentation dans la paroi abdominale sous la loge des grands droits (péricarde – région épigastrique sans dépasser la ligne médiane – flanc gauche – sortie du câble périombilicale) ; démarrage du dispositif et purges aériques ; mise en place de dispositifs anti-adhérences (GORE-TEX®) autour de la pompe, de l’apex et de la canule de réinjection. Afin de prévenir la survenue d’insuffisance ventriculaire droite (IVD), l’utilisation de monoxyde d’azote (NO) était systématique dès le bloc opératoire. Le recours à l’ECMO/ECLS (Extracorporeal Membrane Oxygenation/ExtraCorporeal Life Support) droite-droite devant une IVD réfractaire au traitement médicamenteux (élévation de la pression veineuse centrale, hypo(a)kinésie du VD) était décidé après évaluation pluridisciplinaire (chirurgien, anesthésiste, cardiologue). Celle-ci était posée sous amplificateur de brillance par voie percutanée entre l’oreillette droite (OD) (après cathétérisme fémoral), et l’artère pulmonaire (AP) (après cathétérisme jugulaire droit), patient en décubitus dorsal. En postopératoire immédiat, les patients recevaient une anticoagulation par héparine intraveineuse à la seringue électrique (IVSE) à dose anticoagulante (adaptée en fonction de l’anti-Xa – objectif 0,2-0,3) avec relais par antivitamine K (AVK) à la discrétion des équipes de réanimation une fois la phase aiguë postopératoire passée (objectif INR [International Normalised Ratio] entre 2 et 3) et aspirine (75 mg). Le suivi ambulatoire des patients, assuré dans une unité dédiée aux patients transplantés thoraciques ou sous assistance circulatoire, était mensuel pendant les 6 premiers mois puis trimestriel.   2.3. Définitions Nous avons choisi d’utiliser dans ce travail les définitions du registre INTERMACS (www.uab.edu/medicine/intermacs) pour les thromboses de pompe et l’IVD. Les infections de dispositifs sont, elles, définies par le classement de l’ISHLT (International Society for Heart and Lung Transplantation) [4].   2.4. Analyse statistique Le devenir des patients, les complications survenant en postopératoire (d’une part pendant les 30 premiers jours, et d’autre part jusqu’à la sortie de l’hôpital), ainsi que les complications tardives les plus significatives ont été relevés. Ces analyses descriptives ont été réalisées à l’aide du logiciel Microsoft Excel® (Redmond, Washington, États-Unis). Les analyses de survie ont été réalisées avec le logiciel GraphPad Prism® (La Jolla, Californie, États-Unis). Les patients implantés et suivis dans notre centre ont été considérés. En cas de suivi ultérieur (postimplantation) dans un autre centre, les patients étaient considérés comme perdus de vue à la date de leur dernière consultation.   3. Résultats   3.1. Population de l’étude Dix-huit patients (17 hommes et 1 femme) âgés lors de l’implantation de 63,3 ± 7,3 ans (médiane 67 ans, [46 ; 76]) ont reçu un LVAD par thoracotomie gauche [figure 1]. Les données démographiques à l’implantation sont présentées dans le tableau 1. Toutes les implantations ont été faites sans CEC (aucune conversion perprocédure). Aucun patient n’était sous assistance circulatoire mécanique temporaire (ECMO/ECLS ou ballon de contre-pulsion intra-aortique [CPIA]) en préimplantation. Durant la période de l’étude, 10 LVAD (6 HVAD® – HeartWare® – et 4 HeartMate® II – Thoratec®) ont été implantés par sternotomie médiane dans notre centre.   [caption id="attachment_3793" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Nombre d'implantations par thoracotomie gauche par année.[/caption]   Patients (n = 18) Femmes, n (%) 1 (5) Âge lors de la primo-implantation (années)   63,3 ± 7,3 [46 ; 76] médiane 67 ans Étiologie de l’insuffisance cardiaque, n (%) Cardiopathie ischémique Cardiomyopathie dilatée   13 (72) 5 (28) Stratégie d’implantation, n (%) Alternative à la transplantation (DT) Pont vers la transplantation (BTT)   15 (83) 3 (17) BMI (cm/m2) Surface corporelle (m2) 24,7 ± 3,4 [20,5 ; 34,4] 1,87 ± 0,2 [1,7 ; 2,2] Comorbidités, n (%) Tabac BPCO Diabète AOMI   15 (83) 3 (17) 2 (11) 5 (28) NYHA, n (%) III IV   6 (33) 12 (67) Tableau 1. Caractéristiques de la population étudiée.   Sept patients (39 %) ont reçu leur dispositif de façon non programmée, suite à une dégradation sévère de leur état clinique en cours d’hospitalisation (niveau INTERMACS 1 [n = 1, 6 %] ou 2 [n = 6, 33 %]). Onze patients (61 %) ont pu avoir une implantation lors d’une chirurgie dite « réglée » (degré INTERMACS 3 [n = 3, 17 %] à 4 [n = 8, 44 %]) [5] [figure 2].   [caption id="attachment_3794" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Classification INTERMACS des patients lors de l'implantation.[/caption]   Quinze dispositifs (83 %) ont été implantés en alternative à la greffe alors que seulement 3 (17 %) l’ont été en pont vers la transplantation. Ces derniers ont été implantés après échec de greffe en régime prioritaire (priorité nationale [superurgence 1 – SU1] de 2 fois 48 h pour 2 patients [11 %] et de 24 h pour 1 patient [6 %] dont l’état hémodynamique s’est rapidement dégradé nécessitant l’implantation de l’assistance sans délai). Les principales étiologies d’insuffisance cardiaque étaient une cardiopathie ischémique pour 72 % (n = 13) des patients ou une cardiomyopathie dilatée dans 28 % (n = 5) des cas. Douze patients (67 %) avaient eu une resynchronisation cardiaque avec l’implantation de défibrillateur automatique implantable (DAI). Cinq patients (31 %) présentaient une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) préimplantation réversible au cathétérisme droit et 5 (31 %) un TAPSE (Tricuspid Annular Plane Systolic Excursion) ≤ 16 mm à l’échographie transthoracique (ETT) préimplantatoire. La moitié présentait une défaillance rénale avec une clairance de la créatinine inférieure à 60 mL/min. Aucun patient n’était dialysé au moment de l’implantation du LVAD. Les patients ont été suivis jusqu’au 15 mai 2017. La durée de suivi était de 17 ± 15 mois (médiane 25 mois [0 ; 55]). La durée de séjour en réanimation était de 23 ± 17 jours (médiane 15 jours [5 ; 58]) pour un séjour hospitalier moyen des patients survivants de 53 ± 16 jours (médiane 53 jours [24 ; 85]). Un patient a été perdu de vue au 7e mois (suivi dans un autre centre).   3.2. Survie La survie sous LVAD était de 89 %, 66 % et 50 % à 30 jours, 12 mois et 2 ans respectivement [figure 3]. Dans le sous-groupe des patients en alternative à la transplantation (DT), elle était de 93 %, 73 % et 55 % [figure 4].   [caption id="attachment_3795" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Survie globale sous assistance.[/caption]   [caption id="attachment_3796" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Survie globale en alternative à la transplantation cardiaque.[/caption]   3.3. Complications postopératoires (30 premiers jours) Les principales complications postopératoires survenant dans les 30 premiers jours sont présentées tableau 2. Un patient a présenté une suspicion de thrombose de pompe aiguë au 6e jour qui a nécessité un changement de dispositif par thoracotomie sous CEC d’assistance fémorofémorale gauche en reprenant la thoracotomie initiale. Les complications cardiaques immédiates ont été marquées par une IVD sévère aiguë dans 28 % (n = 5) des cas, nécessitant un support par ECMO droite-droite (un patient à J2, 4 en peropératoire ou postopératoire immédiat à J0). Quatorze patients (78 %) ont été transfusés au cours des 48 premières heures postopératoires. Quatre patients (22 %) ont été repris dans le premier mois pour : hémothorax (n = 1), épanchement péricardique (n = 1) ou hématome de paroi (n = 2). Neuf patients (50 %) ont été dialysés mais aucun ne l’était à la sortie de l’hôpital. Douze patients (67 %) ont pu être extubés dans les 24 premières heures alors que 6 (33 %) ont nécessité une intubation orotrachéale prolongée (durée d’intubation 5 ± 7 jours, médiane 1 jour [1 ; 22]. Le retrait des drains thoraciques était à la discrétion de l’équipe de réanimation. Cinq patients (28 %) ont présenté des infections pulmonaires en réanimation. Deux patients (11 %) ont présenté une parésie diaphragmatique gauche justifiant d’une ventilation prolongée ; en revanche, aucun patient ne présentait d’élévation des coupoles diaphragmatiques sur les radiographies de contrôle à distance. Deux patients (11 %) (1 implanté en urgence et 1 de manière programmée) sont décédés dans les suites immédiates de l’implantation du LVAD : un patient de 53 ans, implanté en urgence en BTT, est décédé au 14e jour en réanimation de défaillance multiviscérale et biventriculaire (sous ECMO/ECLS droite-droite) ; un patient de 68 ans, implanté de manière programmée en DT, est décédé 14 jours après la chirurgie d’un arrêt cardiaque (sidération biventriculaire).   Liées au dispositif, n (%) Suspicion de thrombose de pompe Changement LVAD par thoracotomie à J6   1 (6) 1 (6) Cardiaques, n (%) Insuffisance ventriculaire droite ECMO/ECLS DD (< 48 h) : 4 à J0, 1 à J2 Troubles du rythme ventriculaire   5 (28) 5 (28) 2 (11) Postopératoires, n (%) Transfusion (< 48 h) Reprises opératoires < 48 h     Hémothorax     Épanchement péricardique     Hématome de paroi Épuration extrarénale Infections pulmonaires Neuropathie sévère de réanimation   14 (78) 4 (22) 0 1 (6) 1 (6) 2 (11) 9 (50) 5 (28) 2 (11) Décès, n (%) Défaillance multiviscérale Choc cardiogénique   1 (6) 1 (6) Tableau 2. Principales complications postopératoires (< 30 jours).   3.4. Complications hospitalières (du 30e jour à la sortie de l’hôpital) Un patient (6 %) de 66 ans implanté en DT en urgence a présenté une suspicion de thrombose de pompe au 48e jour, alors qu’il était encore hospitalisé en réanimation, suite à des difficultés de gestion du traitement anticoagulant en raison d’un syndrome inflammatoire biologique important. Un traitement par fibrinolyse a été instauré (altéplase 20 mg IV) mais a été compliqué d’une hémorragie cérébrale fatale.   3.5. Complications à distance Les principales complications survenant à distance de l’implantation sont présentées tableau 3. Parmi les complications liées à l’assistance, deux patients (11 %) ont présenté une suspicion de thrombose de pompe aux 7e et 9e mois. Un changement du dispositif en semi-urgence a été effectué pour un patient sous CEC d’assistance fémorofémorale gauche en reprenant la voie d’abord initiale. Pour le 2e patient, la suspicion de thrombose est survenue dans un contexte de sous-dosage significatif aux AVK pris en charge tardivement et ayant conduit au décès du patient. Les complications relatives au câble d’alimentation étaient les suivantes : deux patients (11 %) ont dû être repris au bloc opératoire pour des « infections locales de câble » et 1 (6 %) pour refixer le câble qui présentait une mobilité inhabituelle 5 mois après l’implantation. Aucune infection profonde liée au dispositif telle que définie par l’ISHLT n’a été recensée. Un patient (6 %) a présenté un choc septique sans point d’appel retrouvé au 7e mois entraînant son décès dans un contexte de défaillance multiviscérale. Les complications cardiaques ont été marquées par des troubles du rythme ventriculaire nécessitant une réduction par voie endovasculaire chez 2 patients (11 %). Un patient (6 %) a présenté des épisodes récurrents de décompensation cardiaque globale et un autre patient est décédé au 2e mois d’un choc cardiogénique lié à un surdosage en bêtabloquant. Sur le plan neurologique, un patient (6 %) a présenté au 28e mois un accident ischémique transitoire (AIT) dans un contexte d’orage rythmique. Un autre patient (6 %) a présenté un AVC ischémique au 6e mois, avec récidive au 14e mois, et présentait des troubles séquellaires des fonctions supérieures. Six patients (33 %) sont décédés à distance de l’implantation de leur LVAD après retour à domicile : 1 (6 %) suspicion de thrombose de pompe (cf. tableau 3), 2 (11 %) erreurs de manipulation du dispositif, 1 (6 %) choc septique (cf. tableau 3) et 2 (11 %) chocs cardiogéniques (cf. tableau 3 pour un des cas). Un patient de 66 ans, en DT pour une cardiopathie ischémique, est décédé 18 mois après l’implantation des suites d’un bas débit avec sidération biventriculaire. Deux patients sont décédés suite à une erreur de manipulation du dispositif : un patient de 69 ans, implanté en DT, présentant des troubles majeurs des fonctions supérieures (2 AVC ischémiques) a débranché ses batteries et un patient de 60 ans, implanté en DT pour une cardiopathie ischémique, a coupé la ligne d’alimentation de son dispositif. Un patient, en BTT, a été transplanté 17 mois après l’implantation. L’intervention a été compliquée en raison d’une importante symphyse de la pointe du ventricule gauche avec le poumon gauche, rendant l’accès à la canule de réinjection difficile. Les suites de cette transplantation ont été compliquées d’infections successives aboutissant au décès du patient au 3e mois posttransplantation.   Liées au dispositif, n (%) Suspicion de thrombose de pompe Changement de dispositif à M7 Câble Infection locale Repositionnement   2 (11) 1 (6) 3 (17) 2 (11) 1 (6) Infections, n (%) Hémocultures positives   1 (6) Cardiaques, n (%) Troubles du rythme ventriculaire Décompensation cardiaque globale Choc cardiogénique   2 (11) 1 (6) 1 (6) Neurologiques, n (%) AIT AVC ischémique   1 (6) 1 (6) Décès Suspicion thrombose de pompe Erreur manipulation du dispositif Choc septique Choc cardiogénique   1 (6) 2 (11) 1 (6) 2 (11) Tableau 3. Principales complications tardives.   4. Discussion   4.1. Survie La survie globale sous LVAD des patients implantés par thoracotomie postérolatérale gauche sans CEC dans notre centre est de 89 %, 66 % et 50 % à 30 jours, 1 an et 2 ans respectivement (93 %, 73 % et 55 % en DT – 15 patients sur 18). Dans le registre international INTERMACS (12030 patients), la survie globale sous machine pour tous les patients implantés de pompes à flux continu était de 95 %, 80 % et 70 % à 30 jours, 1 an et 2 ans respectivement [6] alors que pour le dispositif utilisé dans cette étude (HVAD® HeartWare®), elle était de 99 %, 84 % et 76 % à 30 jours, 1 an et 2 ans respectivement (étude ADVANCE [7], 332 patients). Dans le registre INTERMACS, la survie des patients implantés en DT est de 76 % et de 62 % à 1 an et 2 ans respectivement [6]. Bien que de faible effectif et avec une faible durée de suivi n’autorisant pas de conclusion à 2 ans, la survie à 1 an des patients implantés en DT dans notre centre semble similaire à celle recensée dans le registre INTERMACS. Dans notre centre, des travaux précédents ont retrouvé une survie de 82 % à 1 an pour les patients implantés de HVAD® en DT (18 patients, 6 sternotomies/12 thoracotomies) entre 2009 et 2015 (A. Defontaine et al. Assistance circulatoire monoventriculaire gauche HeartWare® en alternative à la transplantation cardiaque : expérience monocentrique. SFCTV 2015, JFIC 2015, Ouest Transplant 2015). La survie, plus faible, de notre étude est impactée par le faible nombre de sujets et le décès lié à des « erreurs de manipulation du dispositif ». La survie reste toutefois plus faible dans la population globale (BTT + DT) mais est impactée par la mortalité des patients implantés en pont vers la transplantation cardiaque (2 décès sous LVAD en attente de greffe et 1 décès en postgreffe). La population de notre étude est également plus âgée (63,3 ans) que celle de l’étude ADVANCE (52,8 ans). À l’évolution de l’insuffisance cardiaque sous LVAD s’ajoutent ainsi les comorbidités liées à une population plus âgée, le problème de la prise en charge du vieillissement sous LVAD dans ses dimensions médicales, sociales et économiques. L’étude internationale rétrospective multicentrique (HVAD LATERAL, Thoracotomy Implant Technique of the HeartWare HVAD® System for the Treatment of Advanced Heart Failure: A Retrospective Analysis) incluant plus de 400 patients sur plus de 15 centres devrait permettre de positionner l’implantation par thoracotomie par rapport aux registres internationaux.   4.2. Défaillance ventriculaire droite Une des difficultés de la gestion des patients sous LVAD est le management du ventricule droit. La survenue d’insuffisance cardiaque droite postimplantation de LVAD est rapportée dans 10 à 40 % des cas [2,3,8]. Plusieurs degrés d’IVD sont définis dans le registre INTERMACS, selon des critères objectifs. Dans notre série, 5 patients (28 %) ont présenté une IVD postopératoire aiguë sévère nécessitant la mise en place d’une ECMO/ECLS droite-droite. Nous n’avons pas retrouvé de corrélation entre la mise en place d’une ECMO/ECLS droite-droite postimplantation et le profil préimplantatoire du VD. Nous pensons que dans certains cas la mise en place de l’assistance VG peut démasquer en peropératoire une défaillance VD sous-évaluée en préopératoire dans un contexte hémodynamique précaire. Parmi ces patients, 4 (80 %) étaient en vie à la date de point de notre étude alors que la survenue d’IVD postimplantation est rapportée comme un facteur de mauvais pronostic [9,10]. Concernant la survenue d’IVD postopératoire, ces résultats n’intègrent pas les patients ayant présenté des degrés d’IVD moindres et restent sous-évalués. La quantification de l’IVD a posteriori reste difficile en l’absence de formulaire de recueil spécifique. Plusieurs équipes ont proposé des scores prédictifs de dysfonction droite postopératoire en fonction de paramètres préopératoires [11]. Ces pistes restent encore à l’étude. Dans notre centre, la stratégie de prise en charge du ventricule droit est systématique. L’utilisation de NO inhalé est systématique en peropératoire. L’utilisation de drogues inotropes ou la mise en place d’une ECMO/ECLS droite-droite dépend de l’évolution initiale postimplantation et repose sur des critères macroscopiques peropératoires, hémodynamiques et échographiques [12]. Bien qu’il semble difficile de prédire la dysfonction droite, nous pensons que l’implantation des LVAD par thoracotomie gauche peut participer à la préservation de la fonction ventriculaire droite en maintenant son intégrité structurelle. Nos effectifs et nos résultats ne permettent pas à ce jour d’illustrer cette hypothèse rapportée par d’autres auteurs [1].   4.3. Évènements thromboemboliques Notre série est associée à un faible taux d’accidents vasculaires cérébraux (n = 2 – 11 %, avec 1 AVC ischémique et 1 AIT) sur la durée de suivi des patients (0,103 événement par patient et par année). Dans la littérature, il est rapporté 15 % d’évènements vasculaires thrombotiques pour le dispositif HVAD (10 % d’AVC ischémiques et 5 % d’AIT) sur un suivi médian de 0,44 ans (0,19 ; 0,97) avec une incidence de 0,241 évènement par patient et par année (AVC ischémique 0,157, AIT 0,084) [13]. Contrairement à une réinjection dans l’aorte ascendante lors des implantations par sternotomie ou bithoracotomie [1], la réinjection au niveau de l’aorte thoracique descendante pourrait préserver les troncs supra-aortiques (TSA) de la migration d’emboles, tout en assurant une vascularisation cérébrale efficace. Néanmoins, certains travaux de modélisation montrent davantage de stase sanguine au niveau de la racine aortique pour les implantations dans l’aorte descendante [1,14]. Quatre patients (22 %) ont présenté une suspicion de thrombose de pompe sur la durée du suivi (0,205 évènement par patient et par année). Dans la classification des évènements indésirables INTERMACS, une thrombose de pompe est suspectée devant une dysfonction du dispositif suggérant la présence de thrombus (hémolyse, insuffisance cardiaque inexpliquée autrement, paramètres de pompe anormaux) et doit être accompagnée d’une intervention en urgence (fibrinolyse, remplacement ou retrait de la pompe ou transplantation) ou être suivie d’évènements cliniques sévères (AVC, thrombose artérielle, décès). Dans notre série, 2 dispositifs ont été changés, un traitement par fibrinolyse a été entrepris et un décès est survenu rapidement. En revanche la thrombose de pompe est avérée uniquement en présence de thrombus dans les éléments du dispositif (pompe ou canules). Dans notre série, une seule pompe a été analysée en peropératoire après son changement sans retrouver de traces de thrombus. Dans la littérature, la survenue de suspicion de thrombose de pompe varie entre 8,1 % (0,08 évènement par patient et par année) sur une durée médiane de 245 jours [15] et 12 % (0,22 évènement par patient et par année) pour un suivi médian de 6 mois sans identification de facteur favorisant significatif [16] pour le dispositif HVAD.   4.4 Infections L’ISHLT a classé les infections des patients sous LVAD [4]. Dans notre série nous avons relevé 2 infections de câble superficielles (11 %) et aucune infection profonde de dispositif. Fleissner et al. ont relevé 25 % d’infections de câble pour le dispositif HVAD et ont proposé de changer leur trajet du tunnelisation du câble afin de réduire ce taux d’infections [17]. Nous avons également choisi de tunneliser le câble d’alimentation à travers la paroi abdominale en S afin de maximiser son trajet sous-cutané et d’essayer de diminuer la survenue d’infections profondes (câble, loge ou dispositif) par voie ascendante qui sont reconnues comme une des complications graves à long terme chez les patients implantés de LVAD. Cagliostro et al. ont montré que l’utilisation d’un dispositif de fixation standard du câble d’alimentation associé à un protocole de pansement à base d’argent permettait de réduire la survenue d’infections de câble [18]. La courte durée de suivi dans notre série peut également expliquer le faible taux de survenue d’infections profondes de dispositifs dont un des facteurs prédictifs les plus importants est la durée sous assistance [19]. La survenue d’une infection de dispositif reste cependant une complication postopératoire fréquente (22,6 %, survenue médiane à 2,9 mois) pour laquelle une antibiothérapie prolongée pourrait permettre d’éviter un changement de dispositif [20].   4.5. Voie d’abord La particularité de notre technique d’implantation réside dans son abord par thoracotomie postérolatérale gauche et dans l’absence d’utilisation de CEC d’assistance. Cette approche réside de l’expérience de notre centre dans les procédures TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation) transapicales (abord direct de l’apex du cœur et largage de la valve sous stimulation ventriculaire) développées dans le cadre des patients ayant des antécédents de chirurgie cardiaque (redux). Deux patients (11 %) de notre série avaient des antécédents de chirurgie coronarienne. Pour l’un les suites opératoires ont été simples, alors que pour le second une ECMO/ECLS droite-droite a été nécessaire à J0. Un des inconvénients de la thoracotomie est son caractère invasif et douloureux. Dans notre série, cela ne semble pas avoir été un frein en postopératoire à la prise en charge globale des patients et au début de la réautonomisation. La majorité des patients ont pu être extubés dans les 24 premières heures, les durées de ventilation prolongée étant principalement dues à des complications générales réanimatoires. Aucune douleur surajoutée n’a été relevée, les patients bénéficiant du développement de la coanalgésie en chirurgie thoracique (blocs, infiltrations…). L’implantation sans CEC présente l’avantage théorique de s’affranchir de ses complications traditionnelles avec en premier plan le saignement lié à l’héparinothérapie, les processus inflammatoires et l’hémolyse. En revanche, l’introduction du dispositif sous stimulation ventriculaire nécessite un contrôle anticipé de la volémie afin de limiter les pertes secondaires à la perforation de l’apex. L’accès au cœur reste limité et ne permet aucun autre geste chirurgical associé. Par mesure de sécurité, le scarpa gauche est laissé dans le champ opératoire en cas de nécessité d’abord fémoral en urgence. Enfin, un des avantages théoriques de cette approche par thoracotomie gauche, par rapport à une sternotomie, est de préserver la voie d’abord en cas de transplantation ultérieure en préservant l’abord sternal. La seule transplantation que nous ayons effectuée, 17 mois après l’implantation du LVAD, a été compliquée par une importante symphyse de la pointe du ventricule gauche avec le poumon, nous amenant à modifier notre technique opératoire en utilisant des dispositifs anti-adhérences autour de la pompe, mais aussi autour de l’apex et de la canule de réinjection.   4.6. Limites de l’étude Cette étude présente nos résultats préliminaires sur l’implantation des assistances circulatoires par thoracotomie. Il s’agit d’une étude monocentrique rétrospective sans collecte des données de manière prospective portant sur une petite cohorte avec une durée de suivi courte. Cela n’en reste pas moins une thérapeutique d’exception intéressant peu de patients dont le suivi est codifié dans une unité dédiée évitant ainsi les pertes de vue et permettant un recueil exhaustif des complications. À notre connaissance, aucune autre étude similaire n’a encore été rapportée dans notre pays.   5. Conclusion La survie globale des patients implantés par thoracotomie postérolatérale gauche sans CEC dans notre centre est de 66 % à 1 an (73 % en DT). Cette approche est techniquement faisable sans CEC et peut apparaître comme une alternative à la sternotomie conventionnelle dans le cadre des patients redux. Son intérêt reste encore à étudier, en particulier en cas de transplantation cardiaque ultérieure.   Références Hanke JS, Rojas SV, Avsar M, Haverich A, Schmitto JD. 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septembre 21, 2017
Chirurgie cardiaque · Vol. 21 Septembre 2017

Description d’un modèle expérimental d’évaluation fonctionnelle et morphologique des endoprothèses vasculaires de petit calibre adapté à l’étude des stents coronaires

Marco Picichè1*, Michel Dauzat2, Hélène Vernhet-Kovaksik3, Roland Demaria4   1. Service de chirurgie cardiaque, hôpital San Bortolo, Vicenza, Italie. 2. Laboratoire de physiologie cardiovasculaire, Nîmes, France. 3. Service de radiologie, CHU Arnaud de Villeneuve, Montpellier, France. 4. Service de chirurgie cardiaque et vasculaire, CHU Arnaud de Villeneuve, Montpellier, France. * Correspondance : marco.piciche@libero.it   DOI : 10.24399/JCTCV21-3-PIC Citation : Picichè M, Dauzat M, Vernhet-Kovaksik H, Demaria R. Description d’un modèle expérimental d’évaluation fonctionnelle et morphologique des endoprothèses vasculaires de petit calibre adapté à l’étude des stents coronaires. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-PIC   Résumé Le but de ce travail est la mise au point d’un modèle expérimental permettant d’étudier les propriétés des endoprothèses de petit calibre type stents. Pour valider ce modèle, on utilise le lapin New Zealand avec le stent placé chirurgicalement dans l’aorte abdominale, et on évalue ensuite la compliance pariétale ainsi que la fonction endothéliale et l’aspect anatomopathologique. Ce modèle permet l’étude de stents de petit calibre, sur le plan de leurs propriétés mécaniques pariétales locales, ainsi que morphologiques. Des études comparatives sont possibles.   Abstract This work aims to develop an experimental model for the study of small endoprostheses. New Zealand rabbits were used to validate this model. The stent is surgically placed in the abdominal aorta. Then, the parietal compliance, endothelial function, and anatomopathological aspects are evaluated. This model allows investigators to study the local parietal properties of small-caliber stents and can be used in comparative studies.   1. INTRODUCTION Les modèles d’évaluation des stents vasculaires se classent en deux catégories : les modèles d’études « in vitro » et les modèles d’études « in vivo » ou modèles animaux. Les espèces utilisées sont très souvent les rongeurs (rats, lapins), parfois le chien ou le cochon et exceptionnellement le primate [1]. En général, les études comportent un groupe témoin face à un groupe implanté, ou un groupe implanté seul. Les critères d’évaluation sont représentés par le maintien de la perméabilité à court, moyen et long termes, apprécié par méthode clinique, avec apparition d’une séméiologie ischémique, par exploration doppler, par artériographie ou intervention chirurgicale avec possibilité d’exploration directe. Un contrôle histologique est nécessaire lorsqu’on est intéressé à étudier l’hyperplasie intimale. Pour l’étude de la fonction endothéliale, on utilise classiquement les chambres d’organes, avec l’étude de la relaxation endothélium dépendante. Dans notre modèle, on pourra évaluer la présence ou l’absence d’une dysfonction endothéliale. Cela sera possible après avoir sacrifié l’animal et préparé chirurgicalement des anneaux d’aorte pour une étude pharmacologique « in vitro ». Pour étudier la compliance pariétale, définie par le rapport de la variation de volume d’un segment vasculaire sur la variation de pression, on peut utiliser une méthode invasive et non invasive. Pendant longtemps, la première méthode a été utilisée, à l’aide des microcapteurs connectés à la paroi aortique et tunnelisés à l’extérieur de l’animal [2]. Depuis quelques années, les microcapteurs ont été remplacés par la méthode non invasive, représentée par l’échographie bidimensionnelle [3-7]. Malgré le perfectionnement de l’industrie des prothèses endovasculaires et le rôle croissant de l’industrie pharmacologique, les problèmes représentés par la resténose et la thrombose intrastent, précoce et tardive, ne sont pas définitivement réglés [8]. Des observations remettent en cause le rôle des stents Drug-eluting (DES) par rapport au Bare-metal (BMS), à cause de plusieurs épisodes de thrombose tardive [9]. Les études sur les modifications de parois et de la fonction endothéliale après mise en place d’un stent représentent une filière de recherche qui nécessite une réactualisation constante, au fur et à mesure que des nouveaux types de stents sont conçus. Nous avons imaginé un modèle animal d’évaluation des stents sur les artères de petit calibre, tant sur le plan structurel (étude de l’endothélialisation, paroi vasculaire) que fonctionnel (relaxation endothélium dépendante, compliance pariétale). L’étude anatomopathologique décrite pourra utilement compléter le travail physiologique afin de rechercher une éventuelle corrélation anatomofonctionnelle. C’est ce modèle qui sera décrit dans ce travail préliminaire, dont le seul but initial est l’évaluation de la faisabilité et de l’utilisation expérimentale fiable de ce modèle.   2. MATÉRIEL ET MÉTHODES   2.1. Préparation de l’animal  Plusieurs types de lapins sont communément utilisés par les études expérimentales. Parmi les différentes variétés, il y a non seulement des différences de couleurs du pelage et des yeux, mais aussi des différences de poids et de diamètre d’aorte. Nous avons choisi le lapin probablement le plus commun. Il s’agit du lapin New Zealand, variété blanche [figure 1].   [caption id="attachment_3811" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Le lapin New Zealand blanc.[/caption]   Tous les animaux ont été traités selon les principes établis par la National Society for Medical Research et le Guide for the Care and Use of Laboratory Animals. Les lapins sont fournis par l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) de Montpellier. Au total, 14 lapins doivent être inclus dans l’étude et subir l’implantation d’un stent dans l’aorte abdominale. Huit lapins reçoivent un stent Bare-metal (BMS), de 3 à 3,5 mm de diamètre et de 8 mm de longueur, et 6 lapins reçoivent des stents Drug-eluting (DES) de 3 à 3,5 mm de diamètre et de 8 à 13 mm de longueur. L’âge moyen des animaux est de six mois. Tous les animaux devaient être tatoués. L’hébergement est assuré dans une animalerie agréée où on cherche à maintenir une température moyenne de 28 °C. Les lapins sont isolés des autres animaux. Un délai de dix jours minimum est respecté entre l’arrivée des lapins à l’animalerie et l’intervention chirurgicale. Cet intervalle est nécessaire pour s’assurer que le lapin est en bonne santé, qu’il s’alimente correctement, qu’il ne perd pas de poids. Tout éventuel signe de maladie ou de fatigue oblige à exclure le lapin pour la mise en place du stent, pour les motivations exposées ci-dessus. Un examen clinique est ainsi effectué pour exclure des sujets avec des maladies telles que la myxomatose, la gale des oreilles, le mal de patte. Le lieu d’hébergement des lapins est isolé des bruits extérieurs et est maintenu au maximum au calme. L’alimentation solide est retirée le matin de l’implantation mais les animaux peuvent par contre s’hydrater jusqu’au moment du prélèvement de l’animalerie. Le lapin éveillé est pesé sur une balance à affichage numérique en grammes (Seca Vogel model 734). Le poids moyen mesuré était de 2,9 kg (minimum : 2,75 kg ; maximum : 3,6 kg). Une série préliminaire de lapins a été utilisée pour l’apprentissage avant de commencer à pratiquer sur les lapins objets de l’étude, en particulier pour arrêter le choix d’une méthode anesthésique fiable et apprendre l’anatomie chirurgicale des régions inguinales et abdominales. Une préanesthésie à la kétamine a été choisie. La voie d’administration est intramusculaire à la dose de 50 mg/kg. L’anesthésie est ensuite maintenue avec injection intraveineuse de kétamine diluée en solution saline à 0,9 % à la dose de 0,1 mg/kg/min. Chaque lapin reçoit une injection intraveineuse de pénicilline G 200000 UI, de dexaméthasone à la dose de 0,4 mg/kg et d’héparine 500 UI. Dès que le lapin entre en narcose, il est rasé en trois endroits différents : au niveau de la partie caudale des deux flancs, en vue du geste chirurgical pour l’exposition des vaisseaux fémoraux, et au niveau de la face interne des deux oreilles, de façon à faciliter l’exposition de l’artère centrale de l’oreille et de la veine centrale auriculaire. Le lapin est installé sur le plateau d’intervention muni d’un matelas chauffant. Les quatre membres sont entravés à l’aide de liens, de façon à maintenir les deux membres inférieurs en légère extension. Les deux membres supérieurs sont simplement attachés sans traction. Une sonde rectale est mise en place. Elle mesure la température centrale de l’animal et indirectement assure le fonctionnement correct du matelas chauffant. La température initiale du lapin est notée, ensuite l’unité de contrôle du matelas chauffant est mise en charge. Le monitorage du rythme cardiaque est effectué en continu ; nous utilisons trois électrodes de type aiguille glissée sous la peau. Deux électrodes sont placées au niveau thoracique antérieur à proximité des creux axillaires droit et gauche, la dernière au niveau de la cuisse gauche, près du relief osseux du genou. L’électrocardioscope (Philips C.M. 110) est ensuite mis en charge et la qualité de l’électrocardiogramme, ainsi que la fréquence cardiaque, est notée. Un clamp type Bull-Dog est placé à la base de l’oreille gauche, au niveau de la veine auriculaire caudale, de façon à réduire son drainage et provoquer une légère congestion veineuse. Deux pulvérisations de lidocaïne (Xylocaïne 5 %) sont effectuées sur la totalité du trajet pour obtenir, en 1 à 2 minutes, une vasodilatation facilitant sa ponction. Celle-ci est accomplie à l’aide d’une aiguille épicrânienne (Vygon Microflex 240.05), qui est ensuite raccordée, à travers une tubulure, à une poche de perfusion de 500 centimètres cubes (cc) de sérum salé isotonique (NaCl 0,9 %). La perfusion est alors débutée à vitesse moyenne, entre 15 à 20 gouttes par minute. L’aiguille épicrânienne est enfin fixée à l’oreille gauche à l’aide de deux bandelettes adhésives. On procède ensuite à l’intubation du lapin. Sur l’animal anesthésié, connecté à un scope, perfusé et entravé sur le plateau opératoire, il est pratiqué d’abord une oxygénation au masque, à 2 l d’0² min – 1, pendant une minute. Ensuite, on positionne la tête et le cou du lapin en extension. La langue est tractée vers la gauche à l’aide d’une pince à disséquer, et on glisse par la droite la canule de pulvérisation d’un flacon de lidocaïne 5 % spray (Xylocaïne 5 % Nébuliseur). La glotte est perçue par la main gauche de l’opérateur. Deux pulvérisations sont administrées : une au niveau de la glotte et l’autre au niveau de l’oropharynx en retirant la canule. Une sonde-guide (Rüsch n° 18) est alors glissée à la place de la canule et positionnée de façon à buter sur la glotte. On perçoit le souffle expiratoire à l’extrémité externe de la sonde-guide. Un mandrin métallique (provenant d’un Seldicath 1,3 mm), recourbé à son extrémité mousse et marqué à la longueur de la sonde-guide, est glissé dans la sonde-guide. Lorsque la marque atteint l’extrémité externe de la sonde-guide, cela signifie que l’extrémité recourbée et mousse du mandrin apparaît au niveau de la glotte. Des mouvements longitudinaux et de rotation, notamment lors de la phase inspiratoire, permettent la pénétration dans la trachée, reconnue par une importante toux réflexe. La sonde-guide est alors retirée en laissant le mandrin en place. Lors de la tentative d’intubation, l’opérateur surveille l’éventuelle apparition de cyanose et de bradycardie. Si une de ces complications apparaît, ou si après 30 secondes les tentatives sont encore infructueuses, une nouvelle oxygénation au masque, avec les mêmes paramètres qu’au début, est pratiquée. La sonde d’intubation (Rüsch Lit 2,5) est alors glissée, après lubrification (Lubrispray, Peters) dans le mandrin. De nouveaux réflexes de toux apparaissent lors de la pénétration de la sonde dans la trachée. Le mandrin est retiré, la bonne position de la sonde d’intubation vérifiée à l’auscultation, et la sonde enfin fixée à la lèvre inférieure droite par un point de Vicryl 3/0. Le masque à oxygène est ensuite placé au niveau de la face de l’animal avec un débit de 1 litre par minute, et reste ainsi pendant toute la durée de l’intervention. Un respirateur (Logic 07 ATM) peut être utilisé pour libération d’un volume contrôlé, en cas de nécessité absolue d’assistance (apnée). En ce qui concerne le cathétérisme artériel, on utilise l’artère centrale de l’oreille droite. Si nécessaire, cette artère est dilatée à l’aide de deux pulvérisations de lidocaïne 5 % spray (Xylocaïne 5 % Nébuliseur). Le cathétérisme est réalisé à l’aide d’un cathéter (Vialon Insyte-W: 0,8. 25 mm) raccordé à la tête de pression. Après purge, il est fixé à l’oreille à l’aide de deux points de Vicryl 3/0. La pression artérielle s’inscrit sur l’écran en continu. Le système est reétalonné à l’aide d’un tensiomètre à mercure (Spengler, France) branché en dérivation sur la tête de pression. Les pressions systolique, diastolique et moyenne sont alors notées. La partie des deux flancs précédemment rasés est badigeonnée avec une solution iodée (Bétadine, solution dermique de polyvidone iodée). Une dernière vérification avant d’inciser comprend le contrôle de la fonction respiratoire (fréquence et amplitude respiratoire, cyanose, positionnement du masque, débit d’oxygène, réglage et proximité du respirateur), de la fonction cardiaque (fréquence cardiaque, aspect de l’électrocardiogramme, pression artérielle), du bon fonctionnement de la voie veineuse (écoulement), du matelas chauffant, et de la température centrale de l’animal.   2.2 Technique chirurgicale expérimentale et mesures in vivo On injecte de la Xylocaïne 1 % sous-cutanée dans la région fémorale droite. La région fémorale gauche est ainsi préparée, mais elle sera utilisée seulement en cas de survenue de problèmes du côté droit. Entre 4 et 8 cc de Xylocaïne sont généralement suffisants pour obtenir une anesthésie locale efficace. L’incision est effectuée perpendiculairement par rapport à l’axe fémoral, au niveau du pli entre la cuisse et le flanc. La longueur est d’environ 3 centimètres et on utilise une lame de bistouri n° 15. Avec un bistouri électrique bipolaire (Lamidey Bipolec), on effectue l’électrocoagulation et la section du tissu sous-cutané. Les tissus apparaissent imbibés de Xylocaïne. La Xylocaïne, en excès, est séchée à l’aide d’une compresse stérile de 7 x 5 centimètres. Puis, on dissèque doucement le tissu sous-cutané à l’aide de ciseaux de microchirurgie, en faisant très attention à ne pas provoquer une lésion du fascia vasculonerveux fémoral. On peut effectuer cette dissection à l’aide d’un microscope optique binoculaire opératoire (Nachet Z45 P, France) avec zoom Flow 150 (Nachet, France) et lumière intégrée (ESM Flow 150) ou bien à l’aide des lunettes chirurgicales utilisées dans la chirurgie cardiaque avec grossissement 2,5 (Designs for Vision, États-Unis, normalement utilisées pour la chirurgie valvulaire) ou 3,5 (normalement utilisées pour la chirurgie coronarienne). Un porte-aiguille d’O’Brien permet de circonscrire l’artère, de la laquer à l’aide d’un petit fil en Vicryl 3/0. Ce geste est répété proximalement et distalement. Une fois l’artère fémorale bien exposée et la veine isolée, on augmente le diamètre de l’artère avec encore une légère imbibition locale de Xylocaïne. Ensuite, après clampage, une artériotomie transverse de 1 mm est faite. Un introducteur de 5 french avec mécanisme à valve (Terumo, Tokyo, Japon) est introduit et placé jusqu’à l’aorte abdominale. Cet introducteur dispose d’un bras latéral, qui peut être utilisé pour la mesure de la tension artérielle en cas de dysfonctionnement du monitorage connecté sur l’artère centrale de l’oreille. Le diamètre aortique est préalablement mesuré par des images bidimensionnelles obtenues avec une sonde de 7,5 MHz (HDI 3000, ATL Ultrasound, Bothell, Washington, États-Unis ; Radius, GE-CGR, Buc, France). Le laboratoire EA2992 sur le site de la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes dispose pour cette étude de deux types de stents, Bare-metal stents (BMS) et Drug-eluting stents (DES). Les stents Bare-metal ont été utilisés les premiers. Ils sont du type ACE Multilink construits par Guidant Europe, à Diegem, en Belgique. Ils ont un diamètre moyen de 3 mm et une longueur de 13 mm. Le diamètre du stent, après implantation, varie en fonction de la pression à l’intérieur du ballon. Un diamètre de 3 mm est obtenu avec une pression de 8 atmosphères, correspondant à 810,6 kPa. On obtient un diamètre de 3,4 mm avec une pression de 20 atmosphères, correspondant à 2026 kPa. Ensuite, la possibilité de disposer également des stents Drug-eluting a permis d’amplifier la recherche, en utilisant toujours le même modèle animal. Les stents utilisés sont de fabrication américaine, Cypher Cordis (Johnson & Johnson). Après passage du guide, le stent, Bare-metal (BMS) ou Drug-eluting (DES), adapté à une artère de calibre de 3 mm, est implanté dans l’aorte sous-rénale avec une surdilatation de 10 %. Le diamètre du stent, après l’implantation, varie en fonction de la pression à l’intérieur du ballon : de 3 mm à 8 atm (810,6 kPa) à 3,41 mm à 20 atm (2026,5 kPa). Les mensurations échographiques des diamètres aortiques sont ainsi réalisées, immédiatement après le stenting, au niveau de l’aorte stentée, 5 mm au-dessus du stent et 5 mm en-dessous du stent. L’axe longitudinal de l’aorte abdominale du lapin est évalué perpendiculairement, à partir du côté gauche du lapin, de façon à ce que le champ d’images puisse inclure la veine cave inférieure. Au moins 3 acquisitions sont effectuées au même site anatomique et toutes les valeurs sont obtenues pendant 40 cycles cardiaques et une moyenne est calculée. Sur les images bidimensionnelles, l’opérateur désigne une aire rectangulaire pour les calculs en incluant les parois proximales et distales, pour une longueur de 3 mm. L’interface entre l’intima et la lumière de la paroi proximale et l’interface entre la lumière et l’intima de la paroi distale sont détectées de façon automatique à travers l’analyse du profil gris de l’image grise (frame) ; le déplacement relatif de ces interfaces sur « frames » consécutives est analysé. Le diamètre est donné comme la distance moyenne entre le bord correspondant à l’interface lumen-intima de la paroi proximale et le bord correspondant à l’interface lumen-intima de la paroi distale ; la déflexion (« waveform ») du diamètre du vaisseau et les changements des diamètres dans le temps sont ensuite générés de façon automatique. Les séquences d’images bidimensionnelles sont transférées par le biais d’Ethernet au système d’élaboration des images (HDILab, Philips Medical System, Pays-Bas). En pratique, on mesure les diamètres systoliques et diastoliques ainsi que les changements temporaux des diamètres. La distensibilité de la paroi artérielle (DPA) est calculée comme DPA = 2Δd/ΔP où « d » est le diamètre diastolique en mm, « ΔP » est la variation de pression systolodiastolique moyenne en kPa, et « Δd » est la variation moyenne du diamètre systolodiastolique en mm. Le mismatch de distensibilité proximale (MDP) entre l’artère native proximale au stent et la paroi au niveau de la partie proximale du stent est calculé avec la formule suivante : MDP = DPPS-DPS/DPPS où DPPS est la distensibilité de la paroi proximale au stent et DPS est la distensibilité de la paroi au niveau du stent. Le mismatch de distensibilité distale (MDD) entre l’artère native distale au stent et la paroi au niveau de la partie distale du stent est calculé avec la formule suivante : MDD = DPDS-DPS/DPDS où DPDS est la distensibilité de la paroi distale au stent et DPS est la distensibilité de la paroi au niveau du stent. Après mise en place du stent et réalisation des mensurations échographiques, on retire le guide et on ferme l’artère fémorale par une simple ligature. Ce geste est suffisant, plutôt que la fermeture par un point, car l’extrémité du membre ne devient pas ischémique. On contrôle l’hémostase par le bistouri bipolaire et on désinfecte à la Bétadine. Puis, on rapproche le plan sous-cutané par quelques points séparés de Vicryl 2/0 et on ferme le plan cutané par un surjet unique de Vicryl 3/0. Après cela, on extube le lapin, on le déconnecte du système de monitorage artériel et de la voie veineuse, et il est reposé dans sa cage pour être reporté à l’animalerie. La deuxième partie de l’étude inclut le sacrifie de l’animal selon les règles en vigueur au laboratoire. L’euthanasie est effectuée entre 8 et 12 semaines après le « stenting ». On procède à la laparotomie verticale médiane avec une incision qui débute de l’appendice xiphoïde et se poursuit jusqu’à la symphyse pubienne, en utilisant une lame de bistouri n° 15. On électrocoagule et on sectionne les adhérences vésicopariétales à la partie basse de la laparotomie. On dispose de grandes compresses stériles (40 x 40 cm), au niveau des berges de l’incision, ainsi qu’au niveau des anses intestinales et du côlon, pour améliorer l’exposition chirurgicale de l’aorte. Un écarteur autostatique type Gosset est mis en place. L’aorte sous-rénale est finalement isolée.   2.3. Étude en chambre d’organes Pour l’étude de la fonction vasomotrice endothéliale, l’aorte est libérée de la graisse périaortique dans une boîte de Pétri remplie d’une solution oxygénée modifiée de Krebs-bicarbonate et divisée en anneaux de 5 mm de longueur. Deux anneaux sont obtenus immédiatement au niveau de l’aorte de part et d’autre du stent. Deux anneaux de contrôle sont obtenus à 2 centimètres de distance du stent. Les 4 anneaux sont placés dans les chambres d’organes [figure 2] (Emka technologies Inc, Paris, France) remplies de 10 ml de solution de Krebs-bicarbonate modifiée et chauffée à 37 °C et oxygénée avec du carbogène (95 % d’O2 et 5 % de CO2). Les anneaux sont suspendus entre deux crochets avec celui situé en haut connecté à un transducteur de force isométrique. Ces anneaux sont suspendus pendant 30 minutes. Les données sont collectées avec un logiciel d’acquisition de signaux biologiques (IOX 1679; Emka technologies Inc, Paris, France).   [caption id="attachment_3812" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Chambre d’organes.[/caption] Chaque anneau artériel est mis en traction jusqu’au point optimal de la courbe tension-longueur (environ 2,5 g). Une première contraction de l’anneau est réalisée par l’ajout de chlorure de potassium (KCl 60 mmol/l). Après qu’un plateau est obtenu, tous les bains sont lavés deux fois avec la solution de Krebs-bicarbonate, et de l’indométacine (10-5 mmol/l) est ajoutée dans chaque bain pour éviter la production de prostanoïdes endogènes. Après 60 minutes de stabilisation, la phényléphrine (avec une dose variable entre 2x10-7 à 3x10-6 mol/l) est ajoutée pour obtenir une seconde contraction. Ensuite, on mesure la relaxation endothéliale-dépendante, par acétylcholine administrée en concentrations progressivement croissantes (10-9 à 10-3 mol/l). À la fin de l’expérimentation, la relaxation endothélium-indépendante est évaluée en utilisant un bolus de nitroprussiate de sodium (SNP 10-5 mol/l).   2.4. Étude histologique Pour l’étude histologique, des sections d’aorte sont effectuées à des intervalles d’environ 2 mm, dans l’axe majeur du vaisseau. Les sites de section sont au nombre de 5 : au niveau du stent à hauteur de sa partie proximale, au niveau du stent à hauteur de sa partie moyenne, au niveau du stent à hauteur da sa partie distale, 10 mm à distance du bord proximal du stent et 10 mm à distance du bord distal. L’aorte est colorée avec hématoxyline-éosine. Pour les observations au microscope, on utilise un microscope optique Leica (modèle DMLB, Leica Microsystems, Wetzlar, Allemagne). Les images des sections d’aorte sont ensuite enregistrées, digitalisées et analysées avec une caméra vidéo Sony-donpisha XC-003P 3CCD et un adaptateur de caméra DC-777 (Sony, Tokyo, Japon) couplé avec une vidéo-digitale Matrox Meteor II (Matrox Electronic System, Dorval, Québec, Canada) et les mensurations sont effectuées en utilisant un software pour l’analyse d’images V1.28 (National Health Institute, États-Unis). La lame élastique interne (LEI) et la lame élastique externe (LEE) sont identifiées par les images digitalisées de la section transverse de l’artère au niveau de la partie de l’aorte stentée. L’épaisseur de l’intima est calculée comme la zone subjacente à la LLI ; l’épaisseur de la média est calculée comme la zone sous la LLE moins l’aire sous la LEI. Le traumatisme vasculaire (Injury Score) peut ainsi être évalué. Comme proposé par Schwartz, il est possible de faire une gradation de la sévérité de ce traumatisme. Les lamines élastiques internes et externes sont prises en tant que paramètres de référence. Les valeurs sont les suivantes : « 0 » si LEI est intacte, « 1 » s’il y a lacération initiale de LEI, « 2 » si la lacération de la LEI est majeure, « 3 » en cas de lacération de la LEE. La valeur moyenne est calculée en faisant la somme des différentes valeurs pour chaque segment analysé, divisé par le nombre des segments. Une gradation de la réaction inflammatoire (Inflammatory Score) est ainsi possible selon l’extension et de la densité de l’infiltration inflammatoire. Les valeurs sont les suivantes : « 0 » si absence de cellule inflammatoire, « 1 » si une infiltration lymphohistiocytaire non circonférentielle est visible, « 2 » en cas d’agrégation cellulaire dense localisée et non circonférentielle, « 3 » en cas d’infiltration dense lymphohistiocytaire circonférentielle. Le score inflammatoire moyen est calculé comme la somme des valeurs d’inflammation prises une par une divisée par le nombre de ces valeurs dans la section examinée.   2.5. Étude statistique Du point de vue statistique, le coefficient de Spearman pourra être utilisé pour évaluer la corrélation entre la vasorelaxation des anneaux d’aorte prélevés de part et d’autre du stent, et l’épaisseur de l’intima, la gradation de la réponse inflammatoire, la gradation du traumatisme vasculaire et le mismatch de distensibilité. Un T test de Student sera utilisé pour les comparaisons des valeurs entre le groupe traité par BMS et le groupe traité par DES.   3. RÉSULTATS PRÉLIMINAIRES Dans le groupe BMS, les causes des décès ont été une dissection aortique suivie de la rupture complète de l’aorte dans un cas, et une fibrillation ventriculaire dans le second. Dans le groupe DES, les causes des décès ont été une hypovolémie consécutive à une hémorragie de la veine et de l’artère fémorale pour un lapin et, probablement, un problème d’hypovolémie et de déshydratation pour le second. En effet, le premier de ces 2 lapins avait saigné à cause d’une déchirure vasculaire lors de l’abord chirurgical. L’évaluation du saignement dans ce modèle animal peut être trompeuse, car la quantité de sang peut par erreur être considérée comme insignifiante, alors que, en réalité, le lapin peut facilement et rapidement se détériorer du point de vue hémodynamique. Une première analyse des valeurs préliminaires dans le groupe BMS suggère que la vasodilatation endothélium-dépendante induite par l’acétylcholine est réduite dans les anneaux, de part et d’autre du stent, par rapport aux anneaux de contrôle, alors qu’il n’y a pas de différence en ce qui concerne la relaxation endothélium-indépendante induite par le nitroprussiate de sodium, et l’amplitude de la contraction, induite par le KCL et la phényléphrine, ne diffère pas non plus dans les différents sites. La compliance vasculaire est réduite au niveau de l’aorte stentée et la compliance apparaît plus conservée dans l’aorte proximale par rapport à l’aorte située distalement au stent. Le traumatisme vasculaire et la réaction inflammatoire apparaissent assez uniformes. Dans les pièces histologiques observées, l’épaisseur de l’intima intrastent était majeure par rapport à l’intima localisée proximalement et distalement au stent, alors que l’épaisseur de la média ne montrait pas de différence significative et témoignait plutôt d’un remodelage positif. Nous faisons l’hypothèse qu’une corrélation peut exister parmi un ou plusieurs des paramètres collectés et l’observation préliminaire d’une réduction de la vasodilatation endothélium-dépendante. Toutefois, dans la littérature, la présence d’une dysfonction endothéliale BMS corrélée est controversée. Sous ce profil, Caramori et al. [10] ont publié des résultats péjoratifs avec une dysfonction endothéliale plus marquée chez les sujets ayant eu des stents, alors que Togni [11] Maier [12], respectivement, ne trouvent pas de dysfonction endothéliale. Cette dysfonction, si elle est présente, pourrait exister d’une part seulement ou, plus probablement, de part et d’autre du stent. Si l’acétylcholine en conditions normales a un effet vasodilatateur en provoquant la synthèse et le relâchement d’oxyde nitrique, l’acétylcholine peut être la cause d’une vasoconstriction paradoxale dans les segments d’endothélium endommagés par le sirolimus, comme publié par Togni [11]. L’absence de couverture endothéliale dans des repères autoptiques a aussi était décrite. La problématique, liée à la dysfonction endothéliale corrélée aux DES, nécessite encore des investigations, d’une part pour approfondir les fins mécanismes qui sont à la base de la vasoconstriction paradoxale et de la durée de ce phénomène, et d’autre part pour approfondir le rôle de la dysfonction endothéliale sur le pronostic et les possibles solutions pour atténuer le risque de resténose et de thrombose intrastent, particulièrement péjoratifs sur le plan coronaire.   4. DISCUSSION Les qualités du lapin, en tant qu’animal de laboratoire, dérivent de plusieurs aspects : le caractère, le prix, l’entretien et l’hygiène. Son caractère est très docile, et même s’il y a des différences d’agressivité entre les différentes variétés de lapin, le New Zealand blanc est parmi les plus dociles. Si la perte d’un lapin n'implique donc pas de dégâts financiers, la perte d’un lapin déjà stenté implique une perte expérimentale importante, car nous ne pouvons plus utiliser l’aorte du lapin pour les chambres d’organes avec l’étude de la relaxation endothélium-dépendante. Le lapin est aussi facile à gérer du point de vue alimentaire. À part ces qualités, le choix d’un lapin New Zealand, en tant que modèle, est surtout justifié par les dimensions de l’aorte abdominale, proche des coronaires humaines. Notre but est un modèle expérimental qui autorise des études concernant les artères de petit calibre, notamment pour approcher le diamètre des artères coronaires. Or, l’aorte abdominale du lapin a un diamètre compris entre 3 et 4 mm. Même si elle est légèrement plus large qu’une coronaire humaine, l’aorte du lapin se prête à une étude sur la réaction de la paroi au niveau des petites artères après stenting, et son diamètre diminue lorsqu’on approche de la bifurcation. L’utilisation du lapin en tant que modèle principal dans la recherche expérimentale vasculaire se justifie donc aussi par cela. Récemment Cho et al. [13] ont utilisé ce modèle pour tester un stent couvert en Ciprofloxacine. Cui et al. ont étudié des nouveaux types de stents couverts par du magnésium. Le but était de provoquer l’occlusion des branches latérales des carotides de lapin pour le traitement des anévrismes des branches collatérales [14]. Des études similaires à notre étude ont utilisé l’aorte abdominale de lapin pour étudier les effets du zinc chez les stents couverts. Yang et al., par exemple, ont utilisé l’aorte de lapin comme dans notre modèle [15]. D’autres auteurs ont largement utilisé ce modèle pour les études des stents dans le rétrécissement œsophagien [16] et pour les stents vasculaires biodégradables [17]. Sur la base de la grande quantité des modèles expérimentaux existants, et des caractéristiques du lapin déjà cités, ce modèle représente encore un modèle utile et polyvalent dans la recherche expérimentale, et le type de recherche le plus concerné semble être celui sur les substituts endovasculaires. La baisse de la compliance sur le site stenté associée aux probables modifications de la relaxation endothéliale-dépendante fait évoquer l’idée d’une intégration biomécanique incomplète des stents, pouvant expliquer certaines évolutions au long cours. Ces mécanismes sont probablement très complexes, intriqués et multifactoriels. Un modèle expérimental simple peut permettre une évaluation rigoureuse de chaque phénomène. Ce modèle validé doit bien sûr, à présent, être largement utilisé par des études rigoureuses afin d’apporter toutes les données expérimentales possibles, pour mieux connaître la physiopathologie de l’intégration des endoprothèses au sein des artères de petit calibre.   5. CONCLUSION Ce modèle expérimental est facile à mettre en place, peu coûteux et reproductible, mais demande le matériel nécessaire dédié et surtout beaucoup de rigueur expérimentale pour maintenir le plus possible de lapins vivants au long cours. L’aorte du lapin ayant un diamètre de 3 à 4 mm, proche des gros troncs coronaires humains, et les caractéristiques d’ensemble du lapin New Zealand blanc font de cet animal un modèle expérimental optimal pour les vaisseaux de petits calibre, proches de celui des artères coronaires humaines, et qui s’adapte bien aux exigences de la recherche, notamment sur les différentes types de stents produits par l’industrie. Cet animal semble donc être le banc d’essai idéal pour étudier les propriétés physiologiques et pharmacologiques de tous les types de stents coronaires, mais aussi pour étudier l’aspect anatomopathologique du vaisseau stenté au long cours, avec, à la clé, une éventuelle corrélation anatomo-onctionnelle. Des études expérimentales ultérieures, sur la base de ce modèle, avec de plus grands effectifs, sont nécessaires pour valider les résultats très préliminaires recueillis pour l’élaboration et la validation initiale du modèle, et ce afin de mieux évaluer, de manière comparative, les stents utilisés en pratique clinique.   RÉFÉRENCES Olivares AM, Althoff K, Chen GF et al. Animal Models of Diabetic Retinopathy. Curr Diab Rep 2017 Aug 24;17(10):93. https://doi.org/10.1007/s11892-017-0913-0 PMid:28836097 PMCid:PMC5569142 Demaria R, Vernhet H, Oliva-Lauraire M-C, Juan J-M, Albat B, Frapier J-M, Aymard T, Dauzat M, Chaptal P.A. 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septembre 21, 2017
Chirurgie cardiaque · Vol. 21 Septembre 2017

Cardioplégie par Custodiol® en chirurgie cardiaque valvulaire : expérience monocentrique

Salah Eddine Boulmakoul1, Marouane Ouazzani1, Gianluca Samarani2, Aniss Seghrouchni1, Thomas Gandet1, Philippe Rouvière1, Jean-Marc Frapier1, Bernard Albat1, Roland Demaria1*   1. Département de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, hôpital universitaire Arnaud de Villeneuve, CHU de Montpellier, France. 2. Département d’anesthésie réanimation, hôpital universitaire Arnaud de Villeneuve, CHU de Montpellier, France. * Correspondance : r-demaria@chu-montpellier.fr DOI : 10.24399/JCTCV21-3-DEM Citation : Boulmakoul SE, Ouazzani M, Samarani G, Seghrouchni A, Gandet T, Rouvière P, Frapier JM, Albat B, Demaria R. Cardioplégie par Custodiol® en chirurgie cardiaque valvulaire : expérience monocentrique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-DEM   Résumé Introduction : Le Custodiol® est une solution cardioplégique qui nécessite le plus souvent qu’une seule injection pour la protection myocardique en chirurgie cardiaque. L’objectif de cette étude est de rapporter l’expérience initiale du service de chirurgie cardiaque du CHU de Montpellier et d'évaluer les résultats per et post opératoires de la chirurgie cardiaque valvulaire dont la protection myocardique est assurée par le Custodiol®. Méthodes : 113 patients qui ont bénéficié  d’une chirurgie valvulaire en utilisant une  protection myocardique par le Custodiol® au CHU de Montpellier ont été inclus. Les données préopératoires, per et postopératoires ont été recueillies de manière rétrospective. Résultats : l'âge moyen était de 67 ans. La durée moyenne de la circulation extra-corporelle (CEC) était de 157 min avec une moyenne de clampage aortique à 106 minutes. L’incidence de la fibrillation ventriculaire  après déclampage aortique était  de 38 % et le recours aux médications inotropes était de 45 %, la fibrillation auriculaire est passée de 51 % en préopératoire à 58 % chez les patients opérés. La moyenne de la fraction d’éjection est passée de 56 % à 50 % et celle du TAPSE  est passée de 19 mm  à 12.8 mm. La mortalité hospitalière était de 1,7 %. Les opérés avec une durée de clampage > 90 min avaient plus de recours aux inotropes (p = 0,0037). Conclusion : Dans cette étude, le recours aux médications inotropes est lié à la durée de clampage aortique qui dépasse 90 minutes. Les résultats postopératoires de Custodiol®  restent satisfaisants, comme dans plusieurs  études déjà publiées, avec l’avantage de la simplification technique de l’injection unique.   Abstract Introduction: Custodiol® is a cardioplegic solution that requires usually only one injection for myocardial protection in cardiac surgery. The objective of this study is to report the experience of the cardiac surgery department of Montpellier University hospital and to evaluate the per and postoperative results of valvular cardiac surgery whose myocardial protection is provided by Custodiol®. Method: Patients (n = 113) who underwent valvular surgery using Custodiol® for myocardial protection at the Montpellier CHU were included. Pre-, peri-, and postoperative data were collected retrospectively. Results: The mean age was 67 years. The mean duration of cardiopulmonary bypass (CPB) was 157 min with a mean aortic clamping time of 106 min. The incidence of ventricular fibrillation after aortic disclamping was 38% and inotropic use was 45%, atrial fibrillation increased from 51% preoperatively to 58% in operated patients. The average of the ejection fraction increased from 56% to 50% and the TAPSE increased from 19 mm to 12.8 mm. Hospital mortality was 1.7%. The patients with a time duration of clamping superior to 90 min had more necessity to inotropes drugs (p=0.0037). Conclusion: In this study, the use of inotropes is related to aortic clamping time exceeding 90 min. Postoperative Custodiol® results remain satisfactory as well as in several published studies, with the one shot advantage.   1. INTRODUCTION L’objectif de la cardioplégie en chirurgie cardiaque est de réduire au maximum la consommation en oxygène du cœur en paralysant l’activité cardiaque, de contrecarrer les effets délétères de l’ischémie myocardique et de limiter les conséquences du métabolisme anaérobie et de la reperfusion. Les solutions de cardioplégie sont utilisées régulièrement depuis le début des années 1970. Leurs compositions ont évolué et plusieurs types de solution de cardioplégie peuvent être utilisées actuellement, instillées par différentes voies d’administration, à différentes températures, selon différents protocoles, et qui reposent essentiellement sur les habitudes et l’historique de chaque service. On dit d’ailleurs qu’il y a autant de méthodes différentes de cardioplégie qu’il y a de services de chirurgie cardiaque… Cependant, l’amélioration progressive des techniques de protection du myocarde a permis une évolution de la chirurgie cardiaque vers des opérations plus sûres et la réalisation d’interventions plus longues chez des patients ayant des facteurs de risque plus importants. Pourtant, l’imperfection des résultats cliniques apporte la preuve des limites des techniques actuellement adoptées. Le choix entre la cardioplégie cristalloïde intra ou extracellulaire ou la cardioplégie sanguine demeure un sujet de controverse entre les différentes équipes. Aucune ne s’est réellement imposée à tous, chaque équipe utilisant ce qui lui semble le mieux et ce dont elle a le plus l’habitude. Le Custodiol® (Köhler Chemie (Allemagne), distribué en France par EUSA Pharma) est une solution cardioplégique de type intracellulaire dont le principe a été développé en Allemagne par Bretschneider il y a déjà plusieurs décennies [4]. Elle est très utilisée comme cardioplégie en chirurgie cardiaque, et depuis longtemps, notamment en Allemagne, dans de gros centres référents reconnus internationalement. Son utilisation ne nécessite le plus souvent qu’une seule injection pour des procédures complexes de chirurgie cardiaque, le temps de clampage de l’aorte pouvant ainsi être prolongé sans que soit renouvelée l’injection de cardioplégie, évitant ainsi des risques traumatiques sur le cœur ou les coronaires, et permettant au chirurgien de poursuivre sans interruption son geste opératoire, pour une plus grande efficacité chirurgicale et un temps de clampage total plus court. Le Custodiol® a donc été enregistré en tant que cardioplégie dans plusieurs pays. Cependant, ce produit a une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France depuis 2008 en tant que produit thérapeutique annexe avec l’indication : solution de rinçage et de conservation hypothermique pour la préservation d’organes (cœur, rein, foie, pancréas). Le 19 décembre 2014, l'ANSM a accordé  une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) dite "de cohorte" pour la spécialité Custodiol®, comme solution de cardioplégie. Pour toutes ces considérations, il nous a paru intéressant de rapporter l’expérience initiale du service de chirurgie cardiaque de Montpellier qui a choisi ce produit notamment pour la chirurgie mitrale vidéo-assistée, et d'évaluer les résultats post opératoires de la chirurgie cardiaque valvulaire dont la protection myocardique est assurée par le Custodiol®.   2. MATÉRIELS ET MÉTHODES   2.1. Custodiol® : composition et protocole d’utilisation La composition de la solution de Custodiol® est détaillée dans le tableau ci-dessous (tableau 1) [5]. Elle  est caractérisée par une faible teneur en sodium et en calcium. L’histidine possède une excellente capacité tampon et permet la neutralisation de  l’acidose intracellulaire causée par les métabolites pendant l’ischémie et limite ainsi les lésions secondaires à la reperfusion. Le mannitol minimise l’œdème tissulaire et réduit  les lésions oxydatives en piégeant les radicaux libres [2]. Les cétoglutamates sont des précurseurs du cycle de Krebs et  améliorent  la production de l’ATP pendant la reperfusion. Le tryptophane a un rôle important dans la stabilisation de la membrane cellulaire des cardiomyocytes [5].   COMPOSITION Na+ (mmol/L) 15 K+ (mmol/L) 9 Mg2+ (mmol/L) 4 Ca2+ (mmol/L) 0,015 Histidine (mmol/L) 198 Tryptophan (mmol/L) 2 Ketoglutarate (mmol/L) 1 Mannitol (mmol/L) 30 pH 7,02-1,20 PROTOCOLE D’UTILISATION Volume de perfusion (L) 1,5 à 2 Pression de perfusion  au niveau de la racine de l’aorte (mmHg) 100-110 Durée de perfusion (min) 6 à 8 Température de perfusion (°C) 5 à 8 Tableau 1. Compositions et protocole d’utilisation de Custodiol®.   Le protocole d’utilisation (Tableau 1) est très important à respecter [18]. Le Custodiol® est administré par le perfusionniste pendant l'opération, à une température de 5-8°C dans le cœur pendant 7-8 minutes en gardant une pression de perfusion entre 100-110 mmHg au niveau de la racine de l’aorte jusqu’à l’arrêt électrique du myocarde et en continuant la perfusion avec une pression de 40 à 50 mmHg après l’arrêt. La température centrale du patient est à 34°C. Une nouvelle administration de Custodiol® peut être nécessaire en cas de reprise d’une activité électrique ou électromécanique  prolongée (on constate souvent une reprise éphémère qui se corrige seule) ou en cas de temps de clampage prolongé supérieur à 2h30 minutes. En cas d’insuffisance aortique significative, il faut canuler et perfuser simultanément les 2 ostia coronaires suivant les mêmes recommandations que pour une perfusion dans la racine de l’aorte (mêmes pressions et même durée de perfusion) [18]. En cas de multiples sténoses coronaires ou de gestes chirurgicaux complexes, une double cardioplégie antérograde puis rétrograde pourrait être nécessaire sans dépasser 30 mmHg de pression de perfusion rétrograde (soit un débit d’environ 250ml/min). En pratique, il faut perfuser les deux tiers du volume par voie antérograde puis le tiers restant par voie rétrograde [18]. De fait, nous n’avons pas réalisé de voie rétrograde avec ce produit. Avant le déclampage, il ne faut pas faire une reperfusion au sang. Si une intervention est commencée avec un type de cardioplégie (Custodiol®ou sang), il ne faut pas changer en cours de procédure de produit de cardioplégie mais rester sur le produit initial puisque les mécanismes d’action pour l’arrêt cardiaque sont différents (Pour la cardioplégie sanguine, l’augmentation de la concentration de potassium dans le milieu extracellulaire diminue le potentiel de repos des cardiomyocytes et finit par les dépolariser, alors que pour le Custodiol®, l’arrêt se fait par l’hyperpolarisation du fait de sa faible teneur en sodium) [18].   2.2. Description de l’étude Il s’agit d’une étude rétrospective incluant 113 patients durant une période allant du mois de janvier 2013 au mois d’août 2016. On a inclus  tous les patients qui ont bénéficié  d’une chirurgie valvulaire (chirurgie mitrale ou mitro-aortique par sternotomie ; chirurgie mitrale, aortique ou mitro-aortique associée à un pontage coronarien ; chirurgie mitrale mini-invasive vidéo-assistée) en utilisant une protection myocardique par le Custodiol®, avec exclusion des patients qui ont bénéficié d’une chirurgie isolée de la valve aortique (itérative ou associée à un remplacement de l’aorte ascendante). Les opérés dont les données colligées se sont avérées insuffisantes à l’exploitation sont exclus. La décision d'utiliser la cardioplégie par Custodiol® a été prise par le chirurgien, le perfusionniste et l'anesthésiste. L’indication de son utilisation a été discutée devant toute chirurgie valvulaire dont le temps de clampage aortique prévu ou anticipé était supérieur à 90 min (chirurgie mitrale, chirurgie valvulaire multiple ou associée à un pontage coronarien, chirurgie redux).   2.3. Recueil et analyse des données Le recueil des données per opératoires a été réalisé à partir des cahiers de compte rendu opératoires et des cahiers de CEC. Le recueil des données pré et postopératoires a été effectué à partir des dossiers médicaux archivés. Toutes les données recueillies sont codées et saisies selon le logiciel EPI INFO (OMS). Les variables quantitatives ont été exprimées en valeur moyenne ± écart type et les variables qualitatives en pourcentage. Concernant la comparaison des proportions, nous avons utilisé le test de Chi 2 ou le test de Fisher. Le seuil de signification statistique a été fixé à 5 %. Une régression logistique multivariée a été réalisée pour prendre en compte des facteurs qui peuvent influencer les résultats.   2.4. Protocoles opératoires et postopératoires Parmi les 113 patients étudiés, 86 (76,1%) ont été opérés pour remplacement ou réparation valvulaire  par sternotomie médiane longitudinale sous une circulation extra corporelle entre l’oreillette droite et l’aorte ascendante, idéalement à 34 °C. La composition et le protocole de perfusion sont montrés dans le tableau 1. Vingt-sept patients (24 %) ont bénéficié d’un remplacement ou d’une réparation mitrale par mini-thoracotomie droite vidéo-assistée sous une CEC par voie fémorale en hypothermie. La cardioplégie a été administrée  par voie antérograde chez tous les cas étudiés. Les patients étaient transférés dans le service de réanimation chirurgicale cardiovasculaire après l’intervention, puis en hospitalisation conventionnelle. Une échographie cardiaque transthoracique de contrôle était réalisée avant la sortie du patient par les cardiologues au service des explorations cardiovasculaires.   3. RÉSULTATS   3.1. Les données préopératoires Les données préopératoires sont résumées dans le tableau 2. L'étude a concerné 113  patients d'âge moyen de 67 ans ± 11,6, ils se répartissent en 43 femmes (38 %) et 70 hommes (62 %) avec un sexe ratio de 1,62. Quatre patients avaient des antécédents de chirurgie cardiaque, et 58 (51 %) patients étaient en arythmie complète par fibrillation auriculaire. Le diagnostic d'endocardite infectieuse est porté chez 3 patients. L’atteinte valvulaire  rhumatismale a été notée chez 9 % des cas étudiés. La FE moyenne était de 56,1 % ± 11 % et des extrêmes de 27 et 77 %. Une fraction d’éjection inférieure à 50 % a été retrouvée chez 27 patients (23,9 %). Le TAPSE moyen était de  19,5 mm ± 5,8 avec une fonction ventriculaire droite altérée chez 12,8 % des cas étudiés. Les données préopératoires stratifiées selon les procédures chirurgicales réalisées sont détaillées dans le tableau 2.   Pourcentages ou moyennes Écart type Min-Max Âge (ans) 67,02 11,59 21-85 Sexe (homme) 70 (61,94 %) - - Taille (cm) 171,45 11,76 149-192 Poids (kg) 73,47 16,25 44-119 IMC 25,21 4,49 17,13-39,66 Surface cutanée (m2) 1,82 0,20 1,4-2,3 Antécédent de chirurgie cardiaque (Redux) 4 (3,53 %) - - Endocardite infectieuse 3 (2,65 %) - - Antécédents de valvuloplastie mitrale percutanée (VMP) 2 (1,76 %) - - Indication urgente 4 (3,53 %) - - Arythmie complète par fibrillation auriculaire 58 (51,32 %) - - Fraction d’éjection 56,17 10,99 27-77 TAPSE (mm) 19,51 5,8 11-36 PAPs (mmhg) 46,42 15,88 20-80 Tableau 2. Les données préopératoires des patients étudiés. IMC : index de masse corporelle ; TAPSE : tricuspid annular plane systolic excursion ; PAPs : pression artérielle pulmonaire systolique. 3.2. Les procédures chirurgicales réalisées Cinquante-deux patients (46 %) ont bénéficié d’une chirurgie mitrale (17 plasties + 35 remplacements) par sternotomie avec réparation ou remplacement de la valve tricuspide chez 37 (71 %) opérés (Figure 1). Une chirurgie mitro-aortique a été notée chez 10 (9 %) cas avec réparation ou remplacement de la valve tricuspide chez 6 patients. La chirurgie mini-invasive de la valve mitrale constitue 24 % (n = 27) de tous les cas étudiés (17 plasties et 10 remplacements). Les chirurgies valvulaires associées à une  revascularisation par pontage aorto coronarien sont réalisées au cours de 24 procédures (21 %). Toutes ont été associées à un geste valvulaire aortique, ou mitrale et aortique avec ou sans chirurgie de la valve tricuspide (Figure 1). [caption id="attachment_3886" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Les procédures chirurgicales réalisées.[/caption]     3.3. Les données de la circulation extracorporelle (CEC) La durée moyenne de la circulation extra corporelle au cours des différentes procédures était de 157 ± 46 minutes (Tableau 3). La durée moyenne de clampage aortique était de 106 ± 32 minutes avec une durée supérieure à 90 minutes pour 80 patients (70 %). L’incidence de fibrillation ventriculaire  après déclampage aortique a été notée chez 44 patients (39 %) avec un  recours aux médications inotropes chez 51 patients (45 %). Les données stratifiées selon les procédures chirurgicales réalisées sont détaillées dans le tableau 3. Ensemble des procédures Chirurgie mitrale ± tricuspide (sternotomie) Chirurgie mitro-aortique ± tricuspide (sternotomie) Chirurgie combinée (valve +pontage) Chirurgie mitrale vidéo-assistée n=113 n=52 n=10 n=24 n=27 Temps de CEC (minutes) 157±46 138±26 172±27 156±34 174±55 Temps de clampage aortique (minutes) 106±32 96±23 109±48 99±21 110±37 Durée d'assistance (minutes) 29±21 24±7 44±10 26±19 36±26 Quantité de Custodiol® (ml) 1793±493 1769±328 1590±583 1756±270 1948±781 Réinjection Custodiol® 11(9.7%) 5(9.6%) 2(20%) 1(4.1%) 3(11%) Défibrillation 44(38%) 22(42%) 4(40%) 11(45%) 7(26%) Inotropres 51(45%) 25(48%) 4(40%) 11(45%) 11(40%) Tableau 3. Les données de la circulation extracorporelle.   3.4. Les résultats postopératoires Le contrôle hospitalier post-opératoire est résumé dans le tableau 4. On note une augmentation de  la fréquence de la fibrillation auriculaire qui est passée de 51 % en préopératoire à 58 % chez les patients opérés. La moyenne de la fraction d’éjection est passée de 56 % à 50 % en postopératoire, et  la moyenne du TAPSE  est passée de 19,5  à 12,8 mm. Les patients ont séjourné en moyenne 2 jours en réanimation avec un taux de mortalité hospitalière de 1, 7 %  (2 cas). Le tableau 5 montre la stratification des résultats post opératoires par rapport à la durée de clampage aortique (inférieure ou supérieure à 90 minutes). La fibrillation auriculaire, l’altération de la fraction d’éjection et le TAPSE postopératoire ainsi que le recours aux inotropes et à la défibrillation sont plus fréquents au cours des interventions où la durée de clampage aortique dépasse 90 min. Les différences ne sont pas statistiquement significatives dans l’analyse univariée et multivariée (en prenant en compte la fraction d’éjection du ventricule gauche, la fonction ventriculaire droite, la fibrillation auriculaire, et les procédures chirurgicales réalisées) sauf pour l’utilisation des inotropes qui est liée à la durée du clampage aortique (>90 min) (p = 0,0037).   Ensemble des procédures Chirurgie mitrale ± tricuspide (sternotomie) Chirurgie mitro-aortique ± tricuspide (sternotomie) Chirurgie combinée (valve +pontage) Chirurgie mitrale vidéo-assistée n=113 n=52 n=10 n=24 n=27 Arythmie complète par fibrillation auriculaire 66(58%) 31(59%) 8(80%) 15(62%) 12(44%) Fraction d’éjection 50±10 49±11 46±13 49±9 52±9 TAPSE 12.8±4 12±3 12±4 11±2 14±3 PAPs 35±9 39±13 43±13 39±9 33±7 Séjours en réanimation 1.9±1 2.1±1 2±3 2±1 1.4±1 Mortalité 2(1.7%) 1(1.9%) 0 1(4%) 0 Tableau 4. Les résultats postopératoires. TAPSE : tricuspid annular plane systolic excursion ; PAPs : pression artérielle pulmonaire systolique.   Clampage Aortique Analyse univariée Analyse multivariée <90 min n=33 >90 min n=80 p Mesure d’association ajustée* IC à 95%   p FA post opératoire 17(51.5%) 49(61.2%) 0.33 1.5 [0.40-5.52] 0.54 FE post-op <50 20(60.6%) 52(65%) 0.65 1.39 [0.38-5.03] 0.61 TAPSE post- op <15 8(24.2%) 32(40%) 0.11 1.92 [0.55-6.65] 0.3 Recours aux inotropres) 9(27.3%) 42(52.5%) 0.014 12.72 [2.28-70.96] 0.0037 Fibrillation ventriculaire après déclampage aortique 12(36.4%) 32(40%) 0.71 1.6 [0.5-5.18] 0.42 Tableau 5. Stratification des résultats selon la durée de clampage aortique. *Modèle ajusté : les mesures d’association (Odd Ratio ajusté) présentées sont ajustées par l’analyse multivariée sur : FE altérée, TAPSE <15 mm, fibrillation auriculaire, et les procédures chirurgicales réalisées [chirurgie mitrale ou mitro-aortique par sternotomie ; chirurgie mitrale vidéo-assistée ; chirurgie combinée (valve+pontage)] FA : fibrillation auriculaire ; FE : fraction d’éjection ; TAPSE : tricuspid annular plane systolic excursion.   4. DISCUSSION   4.1. Analyse comparative de la série Les tableaux 6, 7 et 8 décrivent et résument les différentes données préopératoires, postopératoires et de la circulation extracorporelle de 6 études qui ont été réalisées sur le Custodiol® comme solution de cardioplégie pour  des différentes procédures chirurgicales en chirurgie cardiaque.   Auteur Période d’étude Institution Gestes chirurgicaux réalisés Nombre de cas étudiés Sakata [1] 1994-1996 Sapporo Medical University School of Medicine, Japon Annuloplastie Devega RVT PC   20 Savini [3] 2003-2012 S. Orsola-Malpighi Hospital, University of Bologna, Bologne, Italie Plastie mitrale mini-invasive 49 Boros [6] 2011-2013 University of Arizona Medical Center, Tucson, États-Unis RVAo RVM PC Chirurgie combinée 63   RVAo 26 Braathen [7] 2007-2009 Oslo University Hospital Ulleva°l, Norvège RVM (11 %) Plastie mitrale (89 %) Ablation FA (16 %) 38 Gaudino [8] 2007-2008 Department of Cardiac Surgery, Catholic University, Rome, Italie RVM (29,1 %) Plastie mitrale (70,9 %) 31 Viana [9] 2005-2011 Monash Medical Center, Clayton, Australie Chirurgie valvulaire Chirurgie de l’aorte ascendante PC Chirurgie combinée 126 Tableau 6. Description des études publiées. RVT : remplacement de la valve tricuspide ; PC : pontage coronarien ; RVAo : remplacement de la valve aortique ; RVM : remplacement de la valve mitrale ; FA : fibrillation auriculaire.   Auteur Âge moyen Sexe : % hommes Antécédent chirurgie cardiaque (Redux) FA préop FE préop TAPSE préop Sakata [1] 58 35 % 5 (25 %) - - - Savini [3] 57,3 71,8 % - 10,4 % 63,7 % - Boros [6] (tous les patients) 65,27 % 60,3 % 22,2 % 31,7 % 57,28 % - RVAo 69,53 % 60 % 28 % 28 % 54,66 % - Braathen [7] 59 89 % - - - - Gaudin [8] (tous les patients) 64 80,65 % - - - - Patients avec TAPSE >15 - - - - 59,7 % 48,4 % des patients ont un TAPSE > 15 Patients avec TAPSE < 15 - - - - 53,1 % 51,6% des patients ont un TAPSE < 15 Viana [9] 64 71 % 15 % 24 % Dysfonction VG sévère (6 %) - Tableau 7. Données préopératoires des études publiées. FA : fibrillation auriculaire ; FE : fraction d’éjection ; RVAo : remplacement de la valve aortique ; TAPSE : tricuspid annular plane systolic excursion ; VG : ventricule gauche.   Auteur Durée CEC Durée clampage aortique FV Quantité Custodiol® FA postop FE postop TAPSE postop Inotropes Mortalité Sakata [1] 201 124 10 % - - - - Savini [3] 148 97 24,5 % - 24,49 % 61,2 % - 10,2 % (prolongé) 0 % Boros [6] 124,76 89,02 - - 23,8 % - - 4,8 % RVAo 100 76,69 - - 30,7 % - - 7,7 % Braathen [7] 107 75 71 % 1794 21 % 27 % 0 % Gaudino [8] 92 71 80,64 % - - - - - - Patients avec TAPSE < 15 (préop) 93 70 - - 6 +/- 2 29 % 3,2 % Patients Avec TAPSE>15 (préop) 93 71 - - - 19,35 % 0 % Viana [9] 215 153 - - - - - 6 % Tableau 8. Données de CEC et postopératoires des études publiées. CEC : circulation extracorporelle ; FV : fibrillation ventriculaire ; FA : fibrillation auriculaire ; FE : fraction d’éjection ; TAPSE : tricuspid annular plane systolic excursion ; RVAo : remplacement de la valve aortique.   4.1.1. Fonction ventriculaire gauche et droite en postopératoire Les publications qui rapportent et évaluent la fraction d’éjection du ventricule gauche  et le TAPSE post opératoires sont très rares.  Dans cette série, la moyenne de la fraction d’éjection post opératoire (50%) est inférieure à celle rapportée par Savini (61,2%) [3] dans une  étude  sur la chirurgie mini-invasive de la valve mitrale. Cette différence peut s’expliquer par la durée de la CEC et de clampage aortique qui sont  relativement plus longues vu la nature et le nombre des procédures chirurgicales valvulaires réalisées dans notre série. Généralement, toute intervention sous circulation extracorporelle  porte transitoirement atteinte à la fonction myocardique, cette dysfonction sera d’autant plus sévère que la fonction préopératoire est abaissée et que l’opération pratiquée est à haut risque [10]. Le remplacement de la valve aortique pour rétrécissement serré et la cure chirurgicale de communication inter-auriculaire sont pratiquement les seules circonstances où le ventricule gauche est dans une meilleure situation qu’avant l’intervention [12]. La moyenne de TAPSE post opératoire dans notre étude est supérieure à celle rapportée par Gaudino [8]. Cette différence s’explique par son évaluation du TAPSE post opératoire exclusivement chez les patients qui avaient une fonction ventriculaire droite altérée avant la chirurgie de la valve mitrale.   4.1.2. Les arythmies : fibrillation auriculaire et ventriculaire Dans notre série l’incidence de la fibrillation ventriculaire au déclampage est de 38 %. Ce taux est très variable dans la littérature allant de 10 à 80,64 % [1,3,7,8]. Nous avons noté 66 cas d’arythmie complète par FA en postopératoire soit 58 %, ce qui est un pourcentage plus élevé par rapport à d’autres séries [3,6,7]. Ceci s’explique par un taux plus élevé de patients dans notre étude qui avaient une FA en préopératoire. Selon certaines études [13], l’incidence de la FA après chirurgie cardiaque est élevée. Elle survient plus fréquemment après chirurgie valvulaire (moyenne 50 %) qu’après chirurgie coronarienne (moyenne 28 %). Elle apparaît en général aux 2es–4es jours postopératoires, au pic de la réaction inflammatoire, et dure souvent moins de 48 heures chez 50 % des patients [14]. Le principal facteur incriminé dans son déclenchement est l’âge, mais d’autres facteurs entrent en ligne de compte [12] : la dilatation de l’oreillette gauche (OG), l’hypertension artérielle, l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), le sexe masculin, l’hypomagnésémie, l’hypothyroïdisme, le type de la canulation auriculaire et la durée du clampage aortique [15,16].   4.1.3. Le recours aux inotropes Le recours aux inotropes dans la série étudiée était de 45 %. Son utilisation est statistiquement significative après un clampage aortique supérieur à 90 min. Ce taux est plus élevé par rapport aux études publiées par Savini [3] et Braathen [7]. Ceci s’explique par une durée de CEC et une durée de clampage aortique plus importantes dans notre étude. Il s’explique aussi par le choix de donner ou non des inotropes (ou vasoactifs) en per et postopératoire immédiat, choix personnel de l’anesthésiste-réanimateur en charge du patient à l’instant de la décision. Généralement, la fonction ventriculaire baisse progressivement après la CEC nécessitant la perfusion des inotropes. La récupération prend 8 à 24 heures. Cette dysfonction est d’autant plus sévère que l’atteinte ventriculaire était préexistante et que l’opération était longue et complexe [14].   4.2. Custodiol° comparé à la cardioplégie sanguine : données de la littérature Dans la cardioplégie sanguine, la nécessité de répéter les injections peut engendrer des complications propres, notamment traumatiques, et  entraver le bon déroulement de certains gestes chirurgicaux ou être rendue difficile par la technique chirurgicale ou la voie d'abord. Il est arrivé des cas de déchirures des oreillettes, des veines caves, notamment chez des sujets âgés en chirurgie mitrale et tricuspidienne, à force d’installer et de réinstaller les rétracteurs pour faire la cardioplégie efficacement. Les déchirures aiguës des ostia coronaires, sur des traumatismes de canulation pour cardioplégie ont entraîné des arrêts cardiaques par thrombose ou dissection des coronaires. Enfin, il est classique, bien que rare, d’observer des sténoses ostiales coronaire de développement chronique après canulation des ostia pour cardioplégie. L’utilisation de Custodiol° affranchit de tous ces risques parfois mortels. Sakata dans son étude comparative [1] a trouvé plus de défibrillations spontanées et moins de recours aux ionotropes en utilisant le Custodiol® par rapport à la cardioplégie sanguine. Cependant, Fannelop [16] dans une étude expérimentale, a révélé que la cardioplégie sanguine froide permet une meilleure protection myocardique et une meilleure préservation de la fonction ventriculaire gauche que la solution de Custodiol° dans les premières heures après le déclampage aortique. Baathen [7], dans son étude randomisée se basant sur l’évaluation et la mesure de CPK-MB et de Troponine T, a démontré que la solution de Custodiol° en chirurgie mitrale protège le myocarde aussi bien par rapport à la cardioplégie sanguine froide antérograde. Par contre, son étude a relevé plus de fibrillation ventriculaire en utilisant la solution de Custodiol®. La fonction ventriculaire droite est un facteur pronostique important dans la chirurgie de la valve mitrale et dans la survie [17], ainsi sa protection est d’une importance primordiale. L’étude randomisée de Gaudino [8] a remis en question l’efficacité de la protection myocardique du ventricule droit offerte par la solution de Custodiol® en la comparant à la cardioplégie sanguine. Chez les patients ayant une fonction ventriculaire droite altérée (TAPSE < 15) en préopératoire, les résultats de la cardioplégie sanguine étaient supérieurs par rapport à la solution de Custodiol® concernant le volume et la fraction d’éjection du ventricule droit. Par contre, Viana [9] a démontré, dans une étude comparative entre le Custodiol® et la cardioplégie sanguine chez 1900 patients, qu’il n y a pas de différence significative de tous les paramètres étudiés, en particulier la mortalité et la morbidité postopératoires, entre les deux groupes. Concernant la chirurgie mitrale mini-invasive, Inna Kammerer [19] a trouvé dans une étude comparative et prospective entre le Custodiol® et la cardioplégie sanguine que la cardioplégie au Custodiol® protège mieux le myocarde par rapport à la cardioplégie sanguine en évaluant la mesure de CPK-MB (différence significative après 6h) et de Troponine I (différence significative après 48h de l’intervention). Par contre, cette étude a relevé plus de recours à la défibrillation ventriculaire en utilisant la solution de Custodiol®. Dans une étude rétrospective et non comparative avec d’autre solution de cardioplégie, Savini [3] a démontré qu’il n y a pas de différence significative dans la mesure de CPK-MB après un clampage aortique supérieur à 100 min dans la chirurgie mitrale mini-invasive. Sur le plan technique, l’utilisation d’une solution de cardioplégie  doit tenir compte des contraintes chirurgicales et surtout ne pas allonger le temps d’intervention afin d’éviter un temps de clampage trop long. Dans la cardioplégie sanguine la perfusion répétée par voie antérograde est une alternative qui néanmoins rallonge le temps d’intervention (nécessite d’interrompre le geste à chaque nouvelle injection) alors que la cardioplégie  au Custodiol®, en cela, a moins de contraintes techniques. Dans ces dernières années, une augmentation de l’utilisation du Custodiol® dans quelques centres de chirurgie cardiaque français est observée car il apporte plus de confort opératoire (non négligeable)  aux chirurgiens. Le choix d’une solution de cardioplégie dépend de la nature de l’intervention chirurgicale (durée de clampage aortique) les habitudes et  les protocoles adoptés par chaque service. Le coût  et la disponibilité des solutions entrent également en compte dans le choix. Les cardioplégies sanguines sont les plus utilisées et leurs compositions sont variables  en fonction des centres. Parmi les avantages de cette solution de cardioplégie, sa nature physiologique, son transport de l’oxygène, et son pouvoir  tampon, mais elle pose certains problèmes techniques  pour la répétition des perfusions. Concernant le Custodiol®, il sera privilégié pour les chirurgies à durée de clampage aortique longue (chirurgie de la valve mitrale, chirurgie mini-invasive), et son efficacité  pourrait être maintenue jusqu’à 2h30min (ou 3h). Généralement, les cardioplégies cristalloïdes sont simples d’utilisation, permettent  une meilleure clarté du champ opératoire et ont une faible viscosité pour atteindre  les zones distales et dépasser les sténoses coronariennes serrées. Cependant, elles n’apportent pas d’oxygène et présentent un risque d’hémodilution.   4.3. Limites de l’étude La limite principale de cette étude est son caractère rétrospectif et non comparatif avec les autres solutions ou techniques de cardioplégie. Elle représente de plus une expérience initiale pour l’équipe, avec tout ce que cela comporte. La réalisation des ETT préopératoires et post opératoires par plusieurs  cardiologues peut biaiser ce travail puisque c’est un examen opérateur-dépendant. De plus, l’analyse de troponine et de CPK-MB, n’a pas été possible car les données disponibles n’étaient pas en nombre suffisant (hétérogénéité du per et post opératoire au bloc et en réanimation).   5. Conclusion Les propriétés de Custodiol®  permettent une durée de protection efficace contre l’ischémie jusqu’à 2h–2h30 min. de temps de clampage, évitant le recours à une nouvelle instillation, souvent gênante, voire à risque, dans la plupart des procédures chirurgicales cardiaques. Les résultats postopératoires de Custodiol® en cardioplégie restent généralement satisfaisants, notamment dans les chirurgies à clampage long. Les résultats parfois controversés sont expliqués par la grande disparité entre les différentes études, que ce soit dans le stade évolutif de la cardiopathie au moment opératoire, du type de chirurgie choisi et le nombre et la nature des procédures valvulaires réalisées. Cependant, à l’instar des équipes à gros volume de patients qui l’utilisent très régulièrement et à condition de respecter les règles d’utilisation, ce produit est très facile d’utilisation (une seule injection de cardioplégie) et donne de bons résultats finaux cliniques et échocardiographiques. Il est même parfois utilisé en systématique pour tous les patients, comme dans certains grands centres en Allemagne, ou parfois seulement utilisé pour les malades les plus complexes et les plus longs (plasties mitrales vidéo assistées, chirurgie pluri valvulaire, transplantations cardiaques) notamment pour des raisons économiques, à cause de son coût élevé. Le point important reste que les règles d’utilisation de ce produit doivent toujours être scrupuleusement respectées afin d’optimiser l’efficacité de la cardioplégie sans risque notable associé. Une étude prospective randomisée comparative complète et rigoureuse, sur une grande série de patients, prenant en compte des paramètres cliniques, électriques, échocardiographiques, biologiques notamment, sera cependant nécessaire pour scientifiquement pouvoir le comparer à la cardioplégie sanguine froide.   Références Sakata J, Morishita K, Ito T, Koshino T, Kazui T, Abe T. Comparison of clinical outcome between histidinetriptophan ketoglutalate solution and cold blood cardioplegic solution in mitral valve replacement. J Card Surg 1998; 13:43–7. https://doi.org/10.1111/j.1540-8191.1998.tb01053.x PMid:9892485 Gerardin Marais M, Allorent S. Le point sur les solutés de cardioplégie utilisés en chirurgie cardiaque. Pharm Hosp 2006;41(167):209-216. https://doi.org/10.1016/S0768-9179(06)75396-2 Savini C, Camurri N, Castelli A et al. Myocardial protection using HTK solution in minimally invasive mitral valve surgery. Heart Surg Forum 2005;8:E25YE27. 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Cet article est issu d’un mémoire de DESC. Date de soumission : 28/02/2017. Acceptation : 10/08/2017.   
septembre 21, 2017
Cas clinique · Vol. 21 Septembre 2017

Une hématémèse de grande abondance révélant une fistule prothétodigestive après chirurgie pour maladie de Behçet

Rim Karray1, Hèla Ben Jmaà2*, Olfa Chakroun1, Aiman Dammak2, Iheb Souissi3, Mabrouk Bahloul4, Noureddine Rekik1, Imed Frikha2   1. Service des urgences et SAMU 04 CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. 2. Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. 3. Service d’anesthésie-réanimation, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. 4. Service de réanimation médicale, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. * Correspondance : helabenjemaa2015@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV21-3-KAR Citation : Karray R, Ben Jmaa H, Chakroun O, Dammak A, Souissi I, Bahloul M, Rekik N, Frikha I. Une hématémèse de grande abondance révélant une fistule prothétodigestive après chirurgie pour maladie de Behçet. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-KAR   Résumé Au cours de la maladie de Behçet, l’atteinte artérielle anévrysmale est beaucoup moins fréquente que l’atteinte veineuse. Elle touche le plus souvent l’aorte abdominale. Même après traitement, les complications demeurent graves et sont dominées par les récidives et les faux anévrysmes anastomotiques. Les fistules prothétodigestives sont parmi les complications rares au cours de la maladie de Behçet. Nous rapportons l’observation d’un patient âgé de 54 ans atteint de maladie de Behçet, opéré en urgence pour hémorragie digestive secondaire à une fistule prothétoduodénale. Dans la période postopératoire, le patient est décédé dans un tableau d’état de choc septique.   Abstract A great abundance hematemesis revealing a prostheto-enteric fistula after surgery for Behçet's disease Arterial aneurysms are less frequent than venous involvement in patients with Behçet disease. The most frequent location of these aneurysms is the abdominal aorta. After surgical repair, the recurrence of aneurysms, anastomotic pseudo-aneurysms, and fistula between prosthetic bypass and the duodenum are considered severe complications. Here we report the case of a 54-year-old patient with Behçet disease, who underwent surgery for abdominal aortic aneurysm 1 year previously, and who was admitted to the emergency unit for hematemesis. Fibroscopy confirmed a fistula between the prosthetic bypass and the duodenum. The patient underwent surgical resection of the prosthesis, which was infected, anastomosis of the duodenum, and revascularization by an axillo-bifemoral bypass.  In the postoperative period, the patient died secondary to a septic shock.   1. Introduction L’atteinte de l’aorte abdominale représente l’atteinte artérielle la plus fréquente au cours de la maladie de Behçet [1]. Les anévrysmes sont plus fréquents que les occlusions aortiques et nécessitent une réparation chirurgicale du fait du risque de rupture [2,3]. Les fistules aortodigestives constituent une complication qui a été rarement rapportée au cours de la maladie de Behçet [1,4]. Elles peuvent être primaires ou secondaires après chirurgie de reconstruction aortique. Les fistules secondaires constituent une communication entre l’aorte au niveau de sa ligne de suture proximale et le tractus gastro-intestinal. Leur diagnostic est difficile et doit être évoqué précocement. Elles se manifestent le plus souvent par une hémorragie digestive haute, parfois massive. Leur évolution spontanée est grave mettant en jeu le pronostic vital des patients. L’aorte étant immédiatement en arrière du deuxième et du troisième duodénums, elles sont souvent aortoduodénales, mais parfois ilio-intestinales ou coliques [1,4]. Nous rapportons un cas d’une hématémèse de grande abondance suite à une fistule prothétodigestive compliquant une chirurgie aortique au cours de la maladie de Behçet.   2. Observation Un homme âgé de 54 ans a consulté aux urgences pour hémorragie digestive haute de grande abondance. Le patient était atteint de maladie de Behçet évoluant depuis 18 ans. Il a été opéré il y a un an pour un anévrysme inflammatoire de l’aorte abdominale sous-rénale qui s’étend jusqu’à la bifurcation aortique, pour lequel il a bénéficié d’une mise en place d’une prothèse aorto-bi-iliaque, et a été mis sous corticoïdes et colchicine. L’examen à l’admission a montré un patient fébrile avec une hémorragie digestive de grande abondance, extériorisée sous forme d’hématémèse et de méléna. L’évolution a été marquée par l’installation d’un état de choc qui s’est stabilisé par le remplissage et les transfusions avec tarissement de l’hémorragie. À la biologie, on a noté un syndrome inflammatoire biologique avec une hyperleucocytose à 15000 éléments/mm3, une VS à 70 à la première heure et une CRP à 156mg/l, une anémie avec une hémoglobine à 7,8 g/dl. Le reste du bilan biologique a été normal. La fibroscopie œsogastroduodénale a montré un saignement du duodénum. Le scanner abdomino-pelvien n’a pas objectivé de véritable fistule prothétodigestive, mais il a montré un magma d’anses en regard de la prothèse. Devant ce tableau, la décision a été d’opérer le patient par une double équipe de chirurgie cardiovasculaire et de chirurgie générale. L’intervention s’est déroulée à travers un abord de l’ancienne laparotomie médiane. L’exploration peropératoire a mis en évidence une prothèse infectée entourée par du pus et non adhérente, avec une communication entre la prothèse et le duodénum [figure 1]. La prothèse a été explantée en sa totalité, l’aorte et les deux artères iliaques ont été ligaturées. Le deuxième duodénum a été réséqué, et la continuité digestive a été rétablie par une anastomose avec l’anse iléale. La dernière étape de l’intervention a consisté en une revascularisation extra-anatomique des deux membres inférieurs par la confection d’un pontage axillobifémoral.   [caption id="attachment_3817" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Vue peropératoire montrant une fistule prothétodigestive.[/caption]   Durant la période postopératoire, les deux membres inférieurs étaient chauds et le patient a récupéré tous ses pouls distaux, mais l’état hémodynamique du patient était instable avec une fièvre persistante, ce qui a nécessité sa mise sous catécholamines et sous antibiothérapie à large spectre. L’évolution était marquée par le décès du patient deux jours après l’intervention dans un tableau de choc septique. L’examen bactériologique du prélèvement peropératoire a isolé un Escherichia coli. L’examen anatomopathologique d’un fragment de la paroi aortique a confirmé la présence d’un infiltrat de cellules inflammatoires.   3. Discussion La fistule prothétodigestive est une affection grave qui doit être évoquée systématiquement en cas d’hémorragie digestive chez un patient porteur de prothèse aortique. Elle est particulièrement fréquente en cas d’infection de prothèses intra-abdominales [5]. La maladie de Behçet est une vascularite systémique évoluant par poussées successives imprévisibles qui associe une aphtose bipolaire buccogénitale, une uvéite et des manifestations systémiques notamment cutanées, articulaires, neurologiques et vasculaires (angio-Behçet) [6,7]. L’angio-Behçet est dominé par les thrombophlébites [8]. L’atteinte artérielle est rare au cours de cette pathologie. Elle touche 1 à 2 % des patients [9]. Elle touche avec une prédilection les gros troncs artériels notamment l’aorte, les artères rénales, l’artère poplitée et l’artère pulmonaire. Les anévrysmes de l’aorte abdominale sont plus fréquents que les occlusions et constituent une cause majeure de mortalité à cause du risque de rupture [2,10]. Leur traitement associe la chirurgie à un traitement médical à base de corticostéroïdes et d’immunosuppresseurs visant à diminuer la récurrence de l’atteinte artérielle. La chirurgie de ces anévrysmes au cours de la maladie de Behçet expose à la survenue de faux anévrysmes anastomotiques, la récidive d’anévrysmes, la thrombose des greffons et la fistulisation aux organes adjacents surtout les veines et l’intestin [10,11]. Les fistules aortodigestives secondaires à la chirurgie de reconstruction aortique au cours de la maladie de Behçet constituent une complication rare mais sévère [1,4]. Leur fréquence varie entre 0,4 et 6 % selon les séries [12,13]. Ceci peut être expliqué par la rareté de cette vascularite, la rareté de l’atteinte artérielle au cours de cette maladie et la rareté de cette complication. La pathogénie de ces fistules est complexe. Elle associe des facteurs infectieux locaux, un traumatisme digestif durant la dissection ou par des pseudoanévrysmes anastomotiques, qui sont particulièrement fréquents au cours de la maladie de Behçet, ou par les sutures elles-mêmes sur une paroi aortique fragile, les adhérences fibreuses entre la prothèse pulsatile et l’intestin étant responsables d’un traumatisme intestinal permanent [7,13]. Ainsi, au cours de la maladie de Behçet, la réaction inflammatoire et la fibrose fragilisent la paroi aortique et favorisent de plus en plus l’apparition de ces fistules prothétodigestives et accélèrent leur survenue. Aussi, la mise des patients sous corticothérapie et sous immunosuppresseurs au long cours est un facteur favorisant de l’infection prothétique. Les rapports anatomiques font que la localisation de la fistule est le plus fréquemment duodénale [13]. Dans la littérature, la latence moyenne est de 3 ans avec des extrêmes de 2 jours à 15 ans [12,14], dans notre cas ce délai était d’un an. Le diagnostic positif de ces atteintes est difficile. En effet, les signes d’appel sont variés à type de fièvre, douleurs abdominales, hyperleucocytose ou anémie [15]. Mais le plus souvent elles se manifestent par une hémorragie digestive haute, parfois massive, survenant quelques mois à quelques années après l’intervention [12]. Il s’agit classiquement d’une hémorragie sentinelle récidivante plus ou moins rapidement (au bout de quelques heures à quelques jours) jusqu’à l’hémorragie massive comme c’était le cas de notre patient. De ce fait, la survenue d’un ou de plusieurs de ces signes chez un patient, porteur d’une prothèse aortique ou atteint d’une vascularite systémique comme la maladie de Behçet, doit faire évoquer le diagnostic d’une fistule aortoentérique, réaliser en urgence les examens complémentaires nécessaires, voire même une laparotomie diagnostique et thérapeutique au besoin. L’endoscopie est l’examen de choix pour le diagnostic précoce conduisant à une intervention chirurgicale précoce et salvatrice. Elle permet en plus d’éliminer une cause ulcéreuse de l’hémorragie digestive [16]. Ainsi, une fibroscopie œsogastroduodénale est recommandée au stade le plus précoce chez tout patient présentant des antécédents de maladie de Behçet ou de reconstruction vasculaire abdominale qui présente des signes d’hémorragie digestive et/ou de fièvre inexpliquée [16]. Le duodénum doit être exploré aussi loin que possible jusqu’à sa troisième portion [17]. Par ailleurs, une endoscopie négative ne permet pas d’exclure le diagnostic de fistule aortodigestive. Cet examen doit être alors répété si l’état du patient le permet afin d’exclure d’autres sources de saignement. Si l’endoscopie n’est pas contributive, le scanner thoracoabdominal est indispensable chez les patients stables. Ce dernier peut montrer une collection périphérique avec des bulles d’air [12]. Cependant, la TDM est parfois incapable de distinguer la fistule aortodigestive de l’infection périprothétique sans fistulisation. Chez ces patients aussi, l’artériographie faite en période hémorragique peut avoir un double intérêt diagnostique et thérapeutique. En effet, elle peut montrer une extravasation du produit de contraste ou un faux anévrysme anastomotique [12,15] ; et chez les patients fragiles à haut risque d’anesthésie, un geste d’embolisation peut être envisagé dans l’attente de réaliser un geste radical dans un second temps [18]. Toutefois, tous ces examens complémentaires ne doivent en aucun cas retarder l’intervention chirurgicale qui doit être réalisée en urgence ou en semi-urgence. Une laparotomie à double visée diagnostique et thérapeutique peut être réalisée d’emblée au besoin. Le type de l’intervention sera discuté selon l’état de malade (score ASA, syndrome infectieux) et des conditions locales. Une enquête bactériologique est réalisée, à savoir des hémocultures et des prélèvements peropératoires. Il s’agit d’entérobactéries dans 40 % des cas [12]. Chez notre patient, le germe isolé était Escherichia coli, il a été mis sous céfotaxime et métronidazole. La chirurgie constitue le traitement de référence des fistules aortodigestives, mais celle-ci est grevée d’un risque élevé de morbidité et de mortalité. Elle doit être réalisée dans des centres experts associant une équipe de vasculaire, de chirurgie digestive et de réanimation. Une résection de la prothèse aortique et des tissus avoisinants infectés doit être réalisée. En plus, le traitement comporte le traitement simultané et adapté du versant digestif de la fistule prothétodigestive et un remplacement de la prothèse aortique par une allogreffe aortique cryopréservée, soit une ligature aortique avec revascularisation des membres inférieurs par un pontage extra-anatomique [13]. Le traitement endovasculaire par la mise en place d’une endoprothèse aortique ou la réalisation d’une radioembolisation peut représenter une alternative thérapeutique dans des cas bien précis [17,18]. Ozguc H et al. [19] ont rapporté un cas similaire de fistule entre l’anastomose aortique proximale et le tube digestif chez un homme âgé de 34 ans atteint de maladie de Behçet, et opéré il y a 6 mois d’un anévrysme de l’aorte abdominale. Mais un traitement conservateur a été pratiqué chez ce patient : la prothèse n’a pas été réséquée mais elle a été suturée et couverte par le grand épiploon avec son pédicule, avec des suites favorables. Alkim H et al. [20] ont rapporté le cas d’un homme âgé de 38 ans, suivi pour maladie de Behçet, qui a été opéré pour un pseudoanévrysme rompu de l’aorte abdominale par l’interposition d’un greffon prothétique tubulaire. Quinze mois plus tard, il a été réadmis pour une hémorragie digestive de grande abondance, avec une fièvre. À l’endoscopie digestive, le diagnostic d’une fistule entre le greffon et le duodénum était retenu. Il a bénéficié de la résection de la prothèse avec suture digestive et interposition d’une deuxième prothèse avec omentoplastie. Chez notre patient, devant le caractère urgent de l’atteinte et devant la non-disponibilité d’une allogreffe et d’une endoprothèse, nous avons opté pour la ligature et la revascularisation extra-anatomique. La technique de reconstruction extra-anatomique est grevée d’une mortalité postopératoire élevée par le risque de rupture du moignon aortique, la dévascularisation pelvienne et le risque de nécrose colique [21]. La revascularisation anatomique par une nouvelle prothèse est une alternative qui comporte un taux élevé de récidive de l’infection [21]. Le recours à des allogreffes réduit le risque de récidive infectieuse. Cependant, la disponibilité des allogreffes est un facteur limitant de cette technique, surtout en urgence. L’importance des lésions digestives est aussi un facteur pronostique majeur [22].   4. Conclusion Notre cas rapporté confirme que la fistule prothétodigestive est une affection grave qui doit être évoquée systématiquement en cas d’hémorragie digestive chez un patient porteur de prothèse aortique. Elle est particulièrement fréquente chez les patients opérés pour anévrysmes secondaires à une maladie de Behçet du fait de la fragilité de la paroi aortique par l’inflammation lors de cette affection, et de la mise de ces patients sous traitements corticoïde et immunosuppresseur. Une prise en charge multidisciplinaire précoce est nécessaire. Ce traitement est basé sur l’excision de la prothèse et son remplacement par une allogreffe aortique cryopréservée ou par un pontage extra-anatomique et le traitement simultané et adapté du versant digestif de la fistule.   Références Ben Ghorbel I, Ibn Elhadj Z, Miled M, Houman M-H. Hématémèse de grande abondance par rupture d'un anévrisme de l'aorte abdominale dans le tube digestif au cours d'une maladie de Behçet. La Revue de médecine interne 2006;27:504-506. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2006.03.007 PMid:16713029 Taberkant M, Chtata H, Lekehal B, Alaoui M, Sefiani Y, Boughroum A et al. 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J Am Coll Surg 2008; 207:922-927. https://doi.org/10.1016/j.jamcollsurg.2008.08.010 PMid:19183540   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 20/05/2017. Acceptation : 12/09/2017.   
septembre 21, 2017
Cas clinique · Vol. 21 Septembre 2017

Diagnostic et prise en charge d’une hernie intercostale transdiaphragmatique droite

Romain Hustache-Castaing*, Caroline Rivera, Florence Mazères Service de chirurgie viscérale et thoracique, centre hospitalier de la côte Basque, Bayonne, France. * Correspondance : rom.castaing@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV21-3-HUS Citation : Hustache-Castaing R, Rivera C, Mazères F. Diagnostic et prise en charge d’une hernie intercostale transdiaphragmatique droite. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-HUS   Résumé Nous décrivons le cas d’une femme de 82 ans chez qui est survenue une hernie intercostale transdiaphragmatique droite un an après un traumatisme thoraco-abdominal avec fractures costales. Les circonstances de découverte sont un syndrome subocclusif. La réparation chirurgicale de cette hernie à distance de l’épisode aigu a permis de corriger les troubles du transit et le syndrome restrictif de la patiente avec un gain majeur en qualité de vie.   Abstract Diagnosis and management of a right transdiaphragmatic intercostal hernia We report the case of an 82-year-old woman who developed a right transdiaphragmatic intercostal hernia 1 year after a thoracoabdominal trauma with costal fractures. The circumstance of the discovery was a sub-occlusive syndrome. Surgical repair of this hernia at a distance from the acute episode corrected the transit disorders and the restrictive syndrome of the patient, with a major gain in quality of life.   1. INTRODUCTION La hernie intercostale transdiaphragmatique est une entité rare survenant à distance d’un traumatisme thoraco-abdominal responsable d’une hernie diaphragmatique évoluant vers la hernie intercostale. Le traumatisme entraîne une lésion du diaphragme ainsi qu’une faiblesse au niveau des muscles intercostaux, avec ou sans fracture costale. Ces lésions passent le plus souvent inaperçues initialement. En plus de l’hyperpression physiologique de la cavité péritonéale et la pression négative de la cavité pleurale, et contrairement aux hernies diaphragmatiques post-traumatiques classiques qui sont plus fréquentes à gauche qu’à droite, le caractère intercostal de la hernie intercostale transdiaphragmatique est favorisé par l’obstacle hépatique. La réparation se fait par abord thoracique et/ou abdominal, avec implantation ou non de renfort prothétique. Elle s’envisage de plus en plus par voie mini-invasive grâce aux progrès importants en thoracoscopie et laparoscopie.   2. OBSERVATION Nous rapportons le cas d’une patiente de 82 ans, aux antécédents d’hypertension artérielle, d’hypercholestérolémie, de dégénérescence maculaire liée à l’âge, d’appendicectomie et de prothèse de hanche droite, autonome à domicile, qui consulte aux urgences pour une altération de son état général, avec un Performance Status (PS) à 2, des douleurs abdominales prédominantes en hypochondre droit associées à une subocclusion intestinale. L’interrogatoire révèle l’existence d’une hernie diaphragmatique droite survenue dans les suites d’une fracture costale homolatérale un an plus tôt, pour laquelle un premier avis chirurgical avait été pris, sans décision d’intervention. À l’examen clinique, elle présente une volumineuse masse latérothoracique basale droite, sensible mais dépressible [figure 1]. [caption id="attachment_3833" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Masse latérothoracique basale droite visible à l’examen clinique en décubitus dorsal, circulation veineuse collatérale en regard.[/caption] Le scanner met en évidence la présence de contenu abdominal (épiploon, estomac, colon droit) dans la cavité pleurale droite, puis en sous-cutané par un passage dans le 8e espace intercostal en continuité avec la cavité péritonéale au travers du diaphragme en préhépatique [figures 2 et 3]. [caption id="attachment_3834" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Coupe coronale scannographique thoracoabdominopelvienne montrant la saillie transdiaphragmatique et intercostale droite des viscères ainsi que le volume occupé dans la cavité pleurale droite.[/caption] [caption id="attachment_3835" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Reconstruction en trois dimensions montrant la hernie digestive au travers du 8e espace intercostal.[/caption] Il n’y a pas de signe d’étranglement herniaire ou de perforation d’organe creux, les parois digestives sont de densité normale. Le foie est en position intraabdominale. Les lobes pulmonaires moyen et inférieur sont atélectasiés, il n’y a pas de déviation des structures médiastinales. L’indication opératoire de cure chirurgicale de cette hernie thoracodiaphragmatique et intercostale droite est retenue. Elle est réalisée à distance de l’épisode aigu de troubles du transit, après réalisation d’un bilan fonctionnel cardiorespiratoire qui montre l’absence d’insuffisance cardiaque avec une FEVG à 64 %, un syndrome obstructif réversible sous béta2-mimétiques avec un VEMS passant de 78 % à 90 % de la théorique et un syndrome restrictif modéré avec une CV à 74 %, et une CPT à 86 % de la théorique. L’intervention est réalisée en décubitus latéral gauche de trois quarts [figure 4], avec intubation orotrachéale sélective. [caption id="attachment_3836" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Installation en décubitus latéral gauche de trois quarts, repérage du 8e espace intercostal droit montrant son élargissement.[/caption] Un abord direct par thoracotomie au niveau du 8e espace intercostal droit permet la réduction des organes digestifs dans la cavité péritonéale à travers l’orifice herniaire diaphragmatique droit [figure 5]. Ce dernier est fermé par une prothèse type Sil-Promesh (15 x 20 cm) fixée aux berges du diaphragme par des points séparés de fil non résorbable [figure 6]. L’espace intercostal est quant à lui renforcé par une plaque non résorbable Parietex fixée aux espaces intercostaux sus et sous-jacents par des points séparés de fil résorbable [figure 7]. [caption id="attachment_3837" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Vue peropératoire antérieure après réduction de la hernie montrant la cavité pleurale en haut et la cavité péritonéale en bas.[/caption] [caption id="attachment_3838" align="aligncenter" width="300"] Figure 6. Vue peropératoire antérieure montrant la fermeture de la cavité péritonéale par une prothèse diaphragmatique.[/caption] [caption id="attachment_3839" align="aligncenter" width="300"] Figure 7. Vue peropératoire montrant la fermeture de la cavité pleurale par une plaque prothétique de renfort intercostal.[/caption] Les suites opératoires sont simples avec un dédrainage pleural à J2, et une reprise du transit à J2. La réexpansion pulmonaire est favorisée par de la kinésithérapie respiratoire et de la ventilation non invasive. La sortie d’hospitalisation vers un centre de réhabilitation respiratoire est effective à J6 de l’intervention. La patiente, qui vit seule, regagne son domicile après trois semaines, elle est autonome, non douloureuse et la radiographie thoracique de contrôle montre une réexpansion pulmonaire quasi complète [figure 8]. [caption id="attachment_3840" align="aligncenter" width="300"] Figure 8. Radiographie pulmonaire de face à 1 mois postopératoire montrant l’absence de récidive précoce, une coupole diaphragmatique en place et une bonne expansion pulmonaire.[/caption] À huit mois de l’intervention, la patiente est en très bon état général, PS 0, autonome au domicile, a repris ses activités habituelles dont le jardinage. Elle ne prend plus aucun traitement antalgique et ne présente ni douleur, ni dyspnée, ni troubles du transit. Cliniquement, la hernie pariétale n’a pas récidivé [figure 9]. [caption id="attachment_3841" align="aligncenter" width="300"] Figure 9. Résultat clinique à 8 mois montrant la cicatrisation cutanée et l’absence de récidive.[/caption] La radiographie thoracique est normale et les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) montrent un VEMS à 110 % de la valeur théorique, un coefficient de Tiffeneau à 104 % et une CVF à 117 %.   3. DISCUSSION Les hernies transdiaphragmatiques acquises surviennent, soit à la suite d’un traumatisme thoracoabdominal pénétrant (arme blanche, plaie balistique) avec lésion directe du diaphragme, soit par écrasement (chute, accident de la voie publique) créant une hyperpression abdominale déchirant les fibres musculaires du diaphragme. Sa fréquence est estimée entre 0,8 et 15 % de l’ensemble des traumatismes thoraco-abdominaux [1] et elle est beaucoup plus fréquente à gauche qu’à droite en raison du rôle protecteur du foie [2]. L’histoire naturelle est généralement marquée par trois phases : la phase aiguë, du traumatisme initial jusqu’à l’apparente récupération, la phase latente avec hernie asymptomatique des organes digestifs dans le thorax, et la phase obstructive, marquée par l’étranglement herniaire [3]. Dans notre cas, il s’agit d’une hernie intercostale droite transdiaphragmatique à la phase obstructive, dont la cause initiale est un traumatisme thoracique bas avec fracture de côte, puis dont le mécanisme est favorisé par l’hyperpression abdominale, majorée chez une patiente en surpoids, ainsi que par la dépression pleurale. La différence physiologique de pression thoracoabdominale associée à une zone de faiblesse diaphragmatique est à l’origine de la hernie qui s’aggrave dans le temps. De plus, le trajet sous-cutané des viscères abdominaux peut s’expliquer par l’obstacle hépatique ne permettant pas leur passage direct à travers le diaphragme vers la cavité pleurale. Devant la relative bonne tolérance clinique et le terrain fragile de la patiente, la décision d’une intervention chirurgicale différée est prise. L’absence de signes scannographiques de souffrance digestive permet de programmer l’intervention en semi-urgence et de réaliser un bilan fonctionnel cardiorespiratoire afin d’éviter des troubles hydroélectrolytiques. Une abstention thérapeutique ne paraît pas indiquée chez notre patiente, d’une part en raison du risque d’étranglement herniaire, dont le taux de mortalité varie entre 30 et 80 % [1], et dont elle a présenté des signes annonciateurs sous la forme d’un syndrome sub-occlusif et, d’autre part, compte tenu de l’altération de la qualité de vie engendrée par la hernie. Nous avons choisi d’effectuer la réparation par voie thoracique afin de contrôler la bonne reventilation des lobes atélectasiés en fin d’intervention et parce qu’il n’y avait pas de geste prévu à l’étage abdominal. Cette stratégie est en accord avec ce qui est décrit dans la littérature [4]. Le choix d’une vidéothoracoscopie aurait pu être discuté dans le cas d’une réparation diaphragmatique stricte [5], mais l’utilisation d’un matériel prothétique à la fois pour le défect diaphragmatique et pour l’espace intercostal la rend difficile. Les bénéfices attendus de cette chirurgie sont la diminution des douleurs abdominales et des troubles digestifs, l’amélioration de l’état général, l’augmentation de la capacité respiratoire, l’amélioration de la qualité de vie, voire le gain esthétique. Les complications postopératoires peuvent essentiellement être respiratoires, marquées par une pneumopathie ou un défaut de réexpansion pulmonaire. Elles sont prévenues par la kinésithérapie respiratoire associée à la ventilation non invasive et à la mobilisation précoce. Une paralysie phrénique, dont il est difficile d’estimer si elle est secondaire au traumatisme ou à l’intervention chirurgicale, peut être révélée en période postopératoire. Les complications digestives se limitent dans la grande majorité des cas à un simple ileus intestinal qui se lève en quelques jours et il convient de réalimenter les patients dès la reprise des gaz.   4. CONCLUSION La hernie intercostale transdiaphragmatique est une entité rare dont le diagnostic est rendu difficile par sa survenue tardive après un évènement traumatique. Le traitement est exclusivement chirurgical et doit être envisagé à chaque fois que le patient est opérable car la mortalité des hernies compliquées est importante et la qualité de vie est considérablement améliorée après réparation. RÉFÉRENCES Reber PU, Schmied B, Seiler CA, Baer HU, Patel AG, Büchler MW. Missed diaphragmatic injuries and their long-term sequelae. 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Date de soumission : 11/05/2017. Acceptation : 07/07/2017. Pré-publication : 07/07/2017.  
septembre 21, 2017
Chirurgie cardiaque · Vol. 21 Septembre 2017

Myxomes cardiaques : à propos de 18 cas opérés

Amine Majdoub, Kaled Adamou Nouhou*, Amadou Daouda, Mohamed Messouak  Service de chirurgie cardiovasculaire, CHU Hassan II, Fès, Maroc. * Auteur correspondant : kaledad2@yahoo.fr DOI : 10.24399/JCTCV21-3-MAJ Citation : Majdoub A, Adamou Nouhou K, Daouda A, Messouak M. Myxomes cardiaques : à propos de 18 cas opérés. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-MAJ   Résumé Objectif : le but de notre travail est de rapporter notre expérience dans la prise en charge chirurgicale du myxome cardiaque. Méthode : notre travail est une étude rétrospective descriptive à propos de 18 patients colligés entre janvier 2010 et juillet 2016. Résultats : la fréquence du myxome cardiaque dans notre service est de 3,5 % des patients opérés. L’âge moyen des patients est de 54,5 ans. Le sexe féminin est majoritaire avec une fréquence de 78,6 %. L’accident vasculaire cérébral ischémique représente la circonstance de découverte dans 33,4 % des cas. L’auscultation cardiaque est normale chez 66,7 % de nos patients, elle retrouve un roulement diastolique dans 33,3 % des cas. L’électrocardiogramme de 22,3 % des patients montre une arythmie complète par fibrillation auriculaire. Le myxome est localisé au niveau de l’oreillette gauche dans 88,9 % des cas et est dans l’oreillette droite dans 11,1 %. Une hypertension artérielle pulmonaire a été retrouvée dans 55,6 % des cas. Le traitement a consisté en une résection chirurgicale chez tous nos patients. L’évolution postopératoire immédiate a été simple dans la majorité des cas. Nous avons enregistré un cas de récidive et un cas de décès. Conclusion : l’exérèse chirurgicale, seule option thérapeutique des myxomes cardiaques, présente un bon pronostic.   Abstract Cardiac myxoma: a retrospective descriptive study Aim: We report our experience in surgical management of cardiac myxoma. Method: This retrospective descriptive study includes 18 patients (mean age of 54.5 years, 78.6% female) collected between January 2010 and July 2016. Results: During this period, the frequency of cardiac myxoma in our department was 3.5%. Ischemic stroke led to cardiac myxoma discovery in 6 (33.3%) cases. Cardiac auscultation was normal in 12 (66.7%) of our patients; a diastolic rumble was detected in 6 (33.3%) cases. Atrial fibrillation was identified in the electrocardiograms of 4 (22.3%) patients. The myxoma was localized in the left atrium of 16 (88.9%) cases and was otherwise in the right atrium. Pulmonary arterial hypertension was detected in 10 (55.6%) cases. In all cases, treatment consisted to surgical resection. In most cases, the immediate postoperative evolution was simple. Recurrence occurred in 1 case, and 1 patient died. Conclusion: Surgical excision, the only therapeutic option for cardiac myxomas, has a good prognosis.   1. Introduction Le myxome cardiaque est une tumeur primitive du cœur. Il constitue une entité nosologique rare. Sa fréquence varie entre 1 et 2,8 % dans les séries d’autopsie [1-4]. Tout de même, il représente la forme la plus fréquente des tumeurs primitives du cœur. Près de 75 % de ces tumeurs sont localisées dans l’oreillette gauche [5,6]. La symptomatologie est disparate et dépend surtout de la localisation [7]. Cette maladie est le plus souvent découverte fortuitement. Lorsqu’elle est symptomatique, elle se révèle par des signes d’insuffisances cardiaques ou de complications thromboemboliques. Le diagnostic positif se fait par l’échocardiographie. La prise en charge chirurgicale de cette affection sous circulation extracorporelle a amélioré son pronostic. Cette chirurgie reste indiquée dans tous les cas pour éviter la survenue des complications [7]. Le but de notre travail est de rapporter notre expérience dans la prise en charge chirurgicale du myxome cardiaque.   2. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive portant sur 18 cas de myxome cardiaque opérés dans le service de chirurgie cardiovasculaire du CHU Hassan II de Fès, sur une période allant de janvier 2010 à juillet 2016. Nous avons inclus dans cette étude tous les cas de myxome opérés par notre équipe. Le diagnostic a été posé par l’échocardiographie transthoracique dans tous les cas. Tous les patients ont bénéficié d’une chirurgie à cœur ouvert sous circulation extracorporelle. La voie d’abord a été une sternotomie médiane longitudinale dans tous les cas. La mise en place de la CEC a été réalisée par canulation de l’aorte et des deux veines caves. La cardiotomie a été effectuée par voie biatriale transseptale [figure 1] chez tous nos patients. La cardioplégie était par voie antérograde par la racine de l’aorte utilisant une solution cristalloïde froide.   [caption id="attachment_3844" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Mise en évidence d’un myxome de l’OG après septotomie.[/caption]   Les paramètres suivants ont été étudiés : l’âge, le sexe, les circonstances de découverte, les signes cliniques, les données des examens paracliniques, la conduite chirurgicale et l’évolution postopératoire.   3. Résultats Pendant la période d’étude, 18 cas de myxome ont été opérés soit une fréquence de 3,5 % des patients opérés. Les femmes représentaient 78,6 % de notre échantillon contre 21,4 % d’hommes. L’âge moyen de nos patients était de 54,5 ans avec des extrêmes allant de 21 à 76 ans et un écart type de 45,6 ans. Un antécédent d’hypertension artérielle était retrouvé dans 22,2 % des cas. Les circonstances de découverte étaient dans 33,4 % des cas un accident vasculaire cérébral ischémique et dans 66,6 % des cas il s’agissait d’une poussée d’insuffisance cardiaque. L’auscultation cardiaque était normale dans 66,7 % des cas. Elle retrouvait un roulement diastolique au foyer mitral dans 33,3 % des cas. L’électrocardiogramme révélait une arythmie complète par fibrillation auriculaire dans 22,3 % des cas. La radiographie standard préopératoire a objectivé dans 11,1 % des cas une cardiomégalie isolée, dans 44,4 % des cas une cardiomégalie associée à une surcharge hilaire bilatérale. Elle était normale chez 44,5 % des patients. L’échographie cardiaque transthoracique mettait en évidence une localisation dans l’oreillette gauche dans 16 cas (88,9 %) et dans l’oreillette droite dans 2 cas (11,1 %). La taille de la masse varie de 24/34 mm à 61/120 mm. La tumeur était polylobée dans 12 cas, arrondie dans 6 cas. Six patients avaient des lésions valvulaires associées dont 3 cas d’insuffisance mitrale, 1 cas d’insuffisance tricuspide, 1 cas de rétrécissement mitral et 1 cas d’insuffisance mitrale et tricuspide concomitante. Un cas de double localisation septale et valvulaire mitrale a également été retrouvé. Le traitement a consisté en une exérèse chirurgicale sous circulation extracorporelle dans tous les cas. La durée moyenne de la circulation extracorporelle était de 1 h avec des extrêmes allant de 30 min à 1 h 28 et un écart type de 40 min. La durée moyenne de clampage aortique était de 35 min (extrêmes de 21 min et 1 h) avec un écart type de 25 min. Le geste consistait en une résection totale de la tumeur et de sa base d’implantation [figure 2] associée à une plastie mitrale dans 3 cas, une commissurotomie dans 1 cas, une plastie tricuspide dans 1 cas et une plastie tricuspide et mitrale chez 1 patient. La durée moyenne d’hospitalisation était de 10 jours dont 48 h en service de réanimation.   [caption id="attachment_3845" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Accouchement d’un myxome de l’OG avec sa base d’implantation.[/caption]   Les suites opératoires immédiates étaient simples dans la majorité des cas. Néanmoins nous avons enregistré un cas de décès dans un tableau de détresse respiratoire aiguë. L’échographie cardiaque transthoracique postopératoire de contrôle était normale chez tous nos patients. Un patient a présenté une récidive 6 mois après la cure chirurgicale qui a nécessité une reprise chirurgicale. Ce patient était porteur d’un myxome de l’oreillette gauche chez qui une exérèse totale avait été réalisée.   4. Discussion Le myxome cardiaque est une tumeur histologiquement bénigne à composante gélatineuse friable issue du reliquat embryonnaire des cellules mésenchymateuses séquestrées dans la fosse ovale du septum interauriculaire. Cela explique la forte prédominance de son site d’implantation au niveau septale [1-3].  Sa fréquence varie entre 1 et 2,8 %. Dans notre série, elle était de 3,5 % [1-4]. Nous avons enregistré une prédominance féminine (78,6 % des cas). Cette prédominance est retrouvée par plusieurs auteurs [4,7]. En effet, Denguir et al. [8] ont également rapporté une prédominance féminine, Muthubaskaran et al. [9] dans une série indienne de 32 patients colligés en 21 ans ont retrouvé 59,3 % de femmes. L’âge moyen de nos patients était de 54,5 ans. Cela correspond aux données de la littérature où le myxome est constaté dans la tranche d’âge 30 à 60 ans [4]. Sur le plan clinique, l’auscultation cardiaque de la majorité (66,7 %) de nos patients était normale. Elle retrouvait un roulement diastolique au foyer mitral mimant un rétrécissement mitral dans 33,3 % des cas. Il faut noter que ce signe est fugace et dépend de la position dans laquelle on réalise l’examen. L’auscultation cardiaque doit être réalisée en position assise ou debout permettant un prolapsus de la masse intra-auriculaire gauche qui va représenter un obstacle au remplissage ventriculaire, dont la traduction clinique est représentée par le roulement diastolique. En plus de ce tableau clinique rappelant un rétrécissement mitral, plusieurs manifestations cliniques peuvent être rencontrées : syncopes, lipothymies à déclenchement postural lors de l’enclavement de la tumeur dans l’orifice mitral entraînant une obstruction totale aiguë plus ou moins prolongée [10]. Des embolies systémiques, un tableau fébrile mimant une endocardite ou une maladie du système, une altération de l’état général ou des signes d’insuffisance cardiaque peuvent également être retrouvés. Cette insuffisance cardiaque peut être gauche, droite ou globale, en fonction de la localisation de la tumeur. L’échographie transthoracique représente l’examen de référence pour le diagnostic du myxome cardiaque. Elle permet de préciser les caractéristiques morphologiques de la tumeur (siège, nombre, taille, forme, base d’implantation, mobilité…) et son retentissement cardiaque [1,4]. L’image échographique classique est celle d’une masse mobile fixée à la paroi par un pédicule. Cette masse, le plus souvent échogène, présente des plages hyper et hypoéchogènes. Dans notre série, la masse était localisée au niveau de l’oreillette gauche dans 88,9 %. Cette localisation auriculaire gauche est de loin la plus fréquente dans la littérature. Elle est retrouvée huit fois sur dix [1]. Muthubaskaran et al. ont retrouvé une localisation atriale gauche chez 72,2 % de leurs patients [9]. Plus de la moitié des patients de notre série présente une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Cette dernière est due au fait que le myxome réalise un obstacle au flux sanguin auriculoventriculaire gauche [1]. L’échographie transœsophagienne, la tomodensitométrie et l’IRM peuvent également être utilisées pour le diagnostic, surtout dans les cas difficiles avec le thrombus intracardiaque qui constitue le principal diagnostic différentiel. Ces examens permettent aussi de faire la différence avec d’autres tumeurs intracardiaques. Le diagnostic de certitude de myxome est anatomopathologique. Sur le plan macroscopique, le myxome se présente comme une masse gélatineuse lisse, arrondie ou irrégulière et friable [figures 3, 4]. Il est parfois le siège de zones de calcifications, de nécrose ou d’hémorragie. Microscopiquement, on observe des amas de cellules lipidiques dans un stroma myxoïde.   [caption id="attachment_3847" align="aligncenter" width="300"] Figures 3 et 4. Pièces opératoires de myxomes de l’OG.[/caption]   Le myxome cardiaque se complique souvent d’embolie artérielle. Cette dernière complique 25 à 40 % des myxomes cardiaques [11]. Toutes les artères (systémique et pulmonaire) peuvent être concernées selon la localisation de la tumeur. Ces embolies touchent les artères cérébrales dans 30 % des cas [12]. Cela justifie l’importance des accidents vasculaires cérébraux qui sont révélateurs dans ces circonstances d’un myxome de l’oreillette gauche. Dans notre série, 33,3 % des myxomes étaient révélés par un AVC. Plusieurs hypothèses ont été émises. Certains auteurs rapportent une migration d’emboles tumoraux [12-14] due à la composante friable de la tumeur. La deuxième hypothèse est l’embolie cruorique [14] qui peut être secondaire aux troubles du rythme cardiaque et/ou à la dilatation de l’oreillette gauche en cas de myxome de cette dernière. Dans notre série, 22,3 % des patients avaient une arythmie au moment du diagnostic, Susheel Kumar et al. [15] retrouvaient 3,28 % de fibrillation auriculaire dans une cohorte de 61 patients. Tous nos patients ont été opérés. La résection chirurgicale constitue la seule option thérapeutique des myxomes cardiaques. Il s’agit d’une chirurgie qui doit être effectuée sans délai pour éviter la survenue des complications (thromboembolique, mort subite…). Le choix de la voie d’abord est fonction de l’expérience du chirurgien. Certains préfèrent la voie atriale gauche qui donnerait un accès facile et rapide à la tumeur [16]. Pour d’autres, la voie biatriale transseptale donne non seulement une bonne exposition de la tumeur mais aussi facilite son extraction avec une manipulation minimale et permet aussi une exploration aisée de toutes les cavités cardiaques [17-19]. Bortolotti et al. [20] recommandent, dans les cas de myxomes implantés autour de la fosse ovale, une résection de la base d’implantation avec une large pastille du septum sur toute son épaisseur. Le défect septal ainsi créé sera fermé par un patch. Pour les tumeurs implantées au niveau des parois, une résection de la base d’implantation emportant l’endocarde et une partie du myocarde sous-jacent est fortement recommandée. L’évolution à moyen terme était marquée par une récidive au niveau de l’oreillette gauche chez un de nos patients. Gerbode et al. [21] avaient décrit pour la première fois en 1967 la récidive d’un myxome de l’oreillette gauche 4 ans après la résection initiale. Une résection incomplète a été incriminée dans le processus de survenue de cette récidive. En plus de celle-ci d’autres causes ont été énumérées : l’embolie des fragments de la tumeur friable ou l’existence de tumeurs multifocales non identifiées. Selon Mc Carthy et al. [22], le risque de récidive est de 1 à 3 % en cas de myxome sporadique, 10 % en cas de myxome familial, 21 % en cas de complexe de Carney et 33 % en cas de myxomes multiples. Nous avons enregistré un cas de décès. La chirurgie du myxome cardiaque, bien que de bon pronostic, peut en effet être grevée de mortalité. Les auteurs rapportent une mortalité opératoire de l’ordre de 5 % selon la présence ou non de comorbidités [23,24].   5. Conclusion Le myxome est la tumeur cardiaque primitive la plus fréquente. Son évolution naturelle peut être emmaillée de complications, comme des accidents thromboemboliques ou une mort subite. De ce fait elle constitue une urgence chirurgicale. L’exérèse chirurgicale, seule option thérapeutique, présente un bon pronostic. À long terme, l’évolution est le plus souvent favorable ; néanmoins la récidive reste possible, justifiant une surveillance échographique.   Références Riberi A, Gariboldi V, Grisoli D, Collart F. Les tumeurs cardiaques. Rev Pneumol Clin 2010;66:95-103. https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2009.12.012 PMid:20207301 Suraj Maraj MS, Pressman GS, Figueredo VM. Primary Cardiac Tumors. Int J Cardiol 2009;133:152-156. https://doi.org/10.1016/j.ijcard.2008.11.103 PMid:19128845 Reynen K. Frequency of primary tumors of the heart. Am J Cardiol 1996;77:107. https://doi.org/10.1016/S0002-9149(97)89149-7 Butany J, Nair V, Naseemuddin A, Nair GM, Catton C, Yau T. Cardiac tumors: diagnosis and management. 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septembre 21, 2017