Recommandations · Vol. 21 Juin 2017

Risques infectieux liés aux générateurs thermiques utilisés pendant les circulations extracorporelles : info ou intox ?

Guillaume Lebreton1,2, Sandra Fournier3, Marion Subiros4, Nicolas Veziris5,6, Faiza Mougari5,7, Côme Daniau4, Anne Berger-Carbonne4, Emmanuelle Cambau5,7   1. Service de chirurgie cardiaque, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. 2. UMRS 1166 ICAN, Faculté de Médecine, université Pierre et Marie Curie, Paris. 3. Équipe opérationnelle d’hygiène, Direction de l’organisation médicale et des relations avec les universités, AP-HP, Paris. 4. Direction maladies infectieuses, Agence nationale santé publique France. 5. Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux (CNR-MyRMA). 6. Laboratoire de bactériologie, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. 7. Laboratoire de bactériologie et virologie, hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris. Correspondance : guillaume.lebreton@aphp.fr    DOI : 10.24399/JCTCV21-2-LEB Citation : Lebreton G, Fournier S, Subiros M, Veziris N, Mougari F, Daniau C, Berger-Carbonne A, Cambau E. Risques infectieux liés aux générateurs thermiques utilisés pendant les circulations extracorporelles : info ou intox ? Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-LEB   1. Contexte   1.1. Cas d’infection rapportés En avril 2015, l’ECDC lançait une alerte européenne à la suite de plusieurs cas d’infections généralisées à Mycobacterium chimaera chez des patients ayant subi une chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle (CEC). Depuis 2011, 52 cas d’infection à M. chimaera en post-opératoire de chirurgie cardiaque ont été rapportés en Europe [1-8] : France (2 cas), Allemagne (5 cas), Irlande (4 cas), Pays-Bas (4 cas), Espagne (1 cas), Royaume Uni (25 cas) et Suisse (10 cas). Parmi eux, 10 décès ont été rapportés [lien]. Les autres pays européens n’ont pas fait de recherche active, ou bien n’ont pas trouvé de cas. Des cas ont également été décrits aux États-Unis où 66 cas, dont 14 décès, sont rapportés par la Food & Drugs Administration [lien], au Canada, en Australie et à Hong-Kong. Une démarche d’information des patients a été entreprise aux États-Unis et au Canada. Ces infections sont survenues entre 3 mois et 5 ans après la chirurgie cardiaque sous CEC [1-3]. Il s’agissait d’infections graves et disséminées : endocardite, spondylodiscite, abcès cérébral, infection oculaire [1-3,5-6]…   1.2. Mycobacterium chimaera M. chimaera est une mycobactérie atypique (non tuberculeuse), à croissance lente (2-3 semaines), présente dans l’environnement et naturellement dans les eaux. Elle est rarement responsable d’infections graves chez l’homme. Sa mise en évidence nécessite des milieux de culture et des procédés spécifiques visant à l’identifier. La réalisation de prélèvements bactériologiques « classiques » ne permet donc pas d’identifier ce germe. De plus, en cas de présence d’autres bactéries communes (ex staphylocoques pour les prélèvements cliniques ou Pseudomonas pour les prélèvements d’eau), l’isolement de cette bactérie à croissance lente est plus difficile.   1.3. Générateurs thermiques et infection à M. chimaera Il est maintenant bien établi que les générateurs thermiques (GT) utilisés pendant la CEC sont impliqués dans la contamination via une aérosolisation de germes contenus dans l’eau des bacs des GT [1,9-10]. M. chimaera a été identifiée dans des prélèvements d’air et de surface réalisés dans les salles d’opération lorsque le GT fonctionne, y compris à distance du GT au niveau de la table d’opération [1,9]. Aux États–Unis, l’investigation de cas groupés a montré que les souches cliniques et les souches environnementales étaient similaires, orientant vers une source commune de la contamination par mycobactéries. Depuis l’alerte européenne, les fabricants recommandent d’effectuer régulièrement une recherche de mycobactéries dans l’eau des GT. Cette recherche n’est pour l’instant ni standardisée ni normalisée et il est recommandé de travailler en collaboration avec un laboratoire ayant une expertise dans ce domaine et en mycobactériologie. En effet, les prélèvements peuvent être faussement négatifs à mycobactéries en cas de présence de nombreux autres germes (champignons, Pseudomonas, autres bactéries saprophytes) ou positifs avec des mycobactéries autres que M. chimaera dont l’identification précise sera nécessaire. L’ECDC indique que les différents cas européens rapportés ont bénéficié d’une CEC avec un générateur thermique 3T fabriqué avant septembre 2014 par le laboratoire LivaNova (ex-Sorin Group en Allemagne). La même mycobactérie a été identifiée dans l’eau des bacs des GT utilisés pendant la CEC [2,9-11] et dans l’eau de l’usine qui fabrique ces GT en Allemagne2. De surcroit, des GT neufs ont été colonisés en quelques mois par M. chimaera [12]. Bien qu’à ce jour, aucun cas d’infection lié à un autre type de GT n’ait été rapporté, l’implication d’autres modèles de générateurs thermiques reste possible, de même que d’autres modes de contaminations environnementales ou au cours des manipulations de l’appareil. Des mesures, notamment la mise en place d’un processus de désinfection des nouveaux GT avant expédition, ont été prises dès septembre 2014 chez le fabricant des générateurs en lien avec ces cas. À ce jour, il n’a pas été déclaré de cas d’infection postopératoire causée par M. chimaera associée à un générateur 3T fabriqué après septembre 2014. Toutefois, les délais de survenue des infections et la croissance lente de ces germes appellent à la prudence. Une décontamination des GT par désinfection profonde est proposée par LivaNova pour les GT de moins de 10 ans. Une action de LivaNova pour rendre le dispositif hermétique est également annoncée. Un protocole renforcé de désinfection (changement quotidien de l’eau des bacs et désinfection toutes les 2 semaines) n’a pas permis de maîtriser la contamination des GT [12]. Des équipes en Europe ont fait le choix, soit de placer le GT en dehors de la salle d’opération, ce qui nécessite des travaux pour percer une ouverture laissant passer les tuyaux reliant le GT à l’appareil de circulation extracorporelle [10] (et pose la question des pertes de charges du GT et de la décontamination des tuyaux), soit de construire un coffrage autour du GT, branché sur les grilles d’extraction d’air du bloc opératoire [12]. Ces solutions coûteuses et pas toujours réalisables ne semblent toutefois pas garantir l’absence de contamination et entraînent des modifications des espaces de travail et des réseaux de ventilation qui peuvent exposer les patients à d’autres risques.   2. Situation en France Une enquête, menée par Santé publique France et le Centre national de référence des mycobactéries et de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux (CNR-MyRMA) a recensé en France 2 cas d’infections invasives à M. chimaera après chirurgie cardiaque sous CEC survenus en 2012 et 2014 chez des patients opérés en 2009 et 2012, dont un cas décédé de cette infection. Un groupe de travail de l’AP-HP (associant hygiénistes, perfusionnistes, ingénieurs biomédicaux, chirurgien, microbiologistes, représentant du CNR MyRMA) a montré que les pratiques d’entretien des GT avant l’alerte étaient très différentes d’un hôpital à un autre, tant sur les produits utilisés que sur le rythme de changement de l’eau et de désinfection. La procédure d’entretien figurant dans le manuel d’utilisation du fabricant n’apparaissait pas toujours applicable (produits non disponibles au marché ou en France, matériel et personnel en nombre insuffisant). Une procédure commune d’entretien et de désinfection des GT a alors été établie et validée par le CLIN central de l’AP-HP en juin 2016.   2.1. Actions de la Direction générale de la santé (DGS) et de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) Des MARS (messages d’alerte rapide sanitaire) ont été envoyés par la DGS et la DGOS aux Agences régionales de Santé (ARS) en juin 2015 (MARS N°2015_04) et en mars 2017 (MARS N°2017_11) pour informer et sensibiliser les services de chirurgie cardio-vasculaire et thoracique, de cardiologie, de maladies infectieuses, de réanimation, de bactériologie, et les équipes opérationnelles d’hygiène. Ces MARS rappellent aux établissements de santé pratiquant des actes de chirurgie cardiaque les recommandations suivantes, visant à éviter la survenue de nouveaux cas et permettre leur diagnostic sans retard le cas échéant : – Suivre les recommandations d’entretien et de désinfection du fabricant pour tous les modèles de générateurs thermiques. De même, toutes les préconisations complémentaires qui seraient faites par l’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH) de l’établissement portant sur la formation du personnel, sur l’entretien des locaux adaptés et la prise en compte de la non disponibilité du matériel pendant les périodes de désinfection doivent être appliquées. – Dans le bloc opératoire, après évaluation préalable des risques et si cela est techniquement possible, le générateur thermique sera sorti de la salle d’intervention chirurgicale pour limiter le risque de contamination dans cette enceinte. Lorsque le générateur thermique reste présent dans le bloc opératoire, il devra se situer le plus loin possible de la table d’intervention et sa ventilation sera dirigée à l'opposé du patient et si possible en direction de l'évacuation d'air de la salle. Dans ce cas, la vidange des tuyaux reliés à l’appareil sera réalisée après la fin de l’intervention, lorsque le patient aura quitté le bloc opératoire. Pour rappel, les installations d’air doivent être maîtrisées et vérifiées dans ces locaux et leur entretien assuré. – Les cliniciens prenant en charge les patients après une chirurgie cardiaque avec CEC ne manqueront pas d’évoquer le diagnostic d’infections invasives à M. chimaera devant une symptomatologie infectieuse atypique apparaissant tardivement (plusieurs mois à années) après une intervention chirurgicale sous CEC. Le tableau clinique est varié, pouvant constituer une endocardite avec ou sans infection du greffon selon le type d’intervention, une ostéomyélite sternale ou des infections disséminées (bactériémies, spondylodiscites, hépatites granulomateuses, néphrites, etc.). La médiane de survenue des lésions est de 19 mois, allant de 3 mois à 5 ans. Le traitement de ces infections est long, associant plusieurs antibiotiques et de la chirurgie. – Les services de bactériologie et les laboratoires de biologie médicale doivent veiller à ajouter la recherche de mycobactéries atypiques, en cas de culture négative pour les bactéries usuelles (staphylocoques, streptocoques, bacilles à Gram négatif etc.). Si la culture se révèle positive à mycobactéries, leur identification devra être faite par un laboratoire habitué aux techniques de mycobactériologie. En cas de mycobactéries du complexe avium (MAC) dont fait partie M. chimaera, la souche bactérienne devra être adressée pour confirmation au CNR-MyRMA. – Tout cas diagnostiqué devra être signalé à l’EOH ou au CLIN de l’établissement et sera signalé dans e-sin à l’attention de l’ARS et du CCLIN. L’investigation autour du cas s’attachera à effectuer des prélèvements du matériel de CEC le plus rapidement possible.   2.3. Enquête Santé publique France À la demande de la DGS, Santé publique France et le CNR-MyRMA réalisent une enquête sur les pratiques liées aux matériels de circulation extracorporelle en France ayant pour objectifs de poursuivre la recherche rétrospective de cas d’infection à M. chimaera après une chirurgie cardiaque sous CEC, de décrire les pratiques autour de la maintenance, l’entretien et l’utilisation des GT et de déterminer le niveau de contamination microbiologique d’un échantillon de GT (échantillon d’établissements tirés au sort). Cette enquête, réalisée dans les 63 établissements de santé qui pratiquent des actes de chirurgie cardiaque en France, vise à documenter les orientations à venir de la stratégie nationale pour l’utilisation, la maintenance/désinfection des générateurs thermiques pour les CEC.   3. Conclusion Depuis 2011, plus de 50 cas d’infections invasives à Mycobacterium chimaera ont été rapportés en Europe chez des patients ayant subi une chirurgie cardiaque sous CEC et plus de 60 aux États Unis. Un lien de cause à effet est établi entre la survenue de ces infections et la contamination des générateurs thermiques utilisés pendant la CEC, par un phénomène d’aérosolisation. M. chimaera étant une mycobactérie atypique à croissance lente, l’enquête microbiologique permettant d’identifier une contamination par M. chimaera nécessite une recherche spécifique et des techniques spécialisées. La négativité d’un prélèvement bactériologique « standard » ne signifie pas l’absence de contamination ou d’infection à mycobactérie atypique. La survenue d’une infection à M. chimaera pouvant survenir plusieurs années après la contamination, il convient d’évoquer cette infection chez un patient ayant subi une chirurgie cardiaque sous CEC plusieurs mois ou années auparavant, en recherchant spécifiquement ces mycobactéries atypiques. Tout cas diagnostiqué doit être signalé à l’ARS. La DGS et la DGOS ont émis deux MARS sur le sujet et demandent de suivre les recommandations d’entretien et de désinfection du fabricant pour tous les GT et de sortir le GT de la salle d’intervention chirurgicale (si cela est réalisable) ou à défaut de l’éloigner le plus loin possible de la table d’opération, en orientant sa ventilation à l'opposé du patient et si possible en direction de l'évacuation d'air de la salle. Une enquête préliminaire réalisée dans plusieurs centres de chirurgie cardiaque en France a mis en évidence de grandes hétérogénéités de pratiques quant à l’entretien des GT de CEC. Une enquête nationale, commandée par la DGS et la DGOS, portant sur les 63 centres de chirurgie cardiaque pour faire le point sur la situation en France débutera dans les prochaines semaines. Le risque infectieux lié aux GT est documenté dans le monde entier et responsable de plusieurs décès. Bien que ce risque apparaisse très faible et très largement inférieur aux bénéfices de la chirurgie cardiaque sous CEC, il est très probablement sous-estimé et incite à la prudence. Des mesures d’information au grand public ont été entreprises à l’étranger. Il convient donc de ne pas minimiser ce risque, et de s’assurer dans son centre du respect des bonnes pratiques.   Recommandations de bonnes pratiques Sensibiliser les personnels soignants au risque et à la détection des cas. Veiller à l’information du patient avec la signature du consentement avant la chirurgie cardiaque et conserver une copie de ce consentement dans le dossier. Assurer une traçabilité entre le GT utilisé et le patient. Connecter et déconnecter les tuyaux à l’oxygénateur, tuyaux hors charge, si possible en l’absence du patient, ou avant l’incision en cas d’intervention en urgence et après fermeture cutanée ou réalisation du pansement si le thorax doit rester « ouvert ». Placer le GT le plus loin possible de la table d’opération, diriger le ventilateur arrière vers la grille d’extraction de l’air de la salle d’opération. Veiller au respect de l’hygiène des mains tout au long de l’intervention lors de la manipulation des différents éléments du couple générateur/oxygénateur. Respecter le protocole d’entretien des GT recommandé par l’industriel ou le CLIN et tracer les changements d’eau et de désinfection. Mettre en place une surveillance prospective des médiastinites et endocardites post-CEC à germes de l’environnement et germes saprophytes. Réaliser des analyses anatomopathologiques et microbiologiques en cas de retrait d’une prothèse valvulaire entre 6 mois et 5 ans après la pose de la valve, dans un contexte inexpliqué et/ou infectieux.   Références Sax, H. et al. Prolonged Outbreak of Mycobacterium chimaera Infection After Open-Chest Heart Surgery. Clin. Infect. Dis. Off. Publ. Infect. Dis. Soc. Am. 61, 67–75 (2015). https://doi.org/10.1093/cid/civ198 PMid:25761866 Haller, S. et al. Contamination during production of heater-cooler units by Mycobacterium chimaera potential cause for invasive cardiovascular infections: results of an outbreak investigation in Germany, April 2015 to February 2016. Euro Surveill. Bull. Eur. Sur Mal. Transm. Eur. Commun. Dis. Bull. 21, (2016). Kohler, P. et al. Healthcare-associated prosthetic heart valve, aortic vascular graft, and disseminated Mycobacterium chimaera infections subsequent to open heart surgery. Eur. Heart J. 36, 2745–2753 (2015). https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehv342 PMid:26188001 Achermann, Y. et al. Prosthetic valve endocarditis and bloodstream infection due to Mycobacterium chimaera. J. Clin. Microbiol. 51, 1769–1773 (2013). https://doi.org/10.1128/JCM.00435-13 PMid:23536407 PMCid:PMC3716099 Perkins, K. M. et al. Notes from the Field : Mycobacterium chimaera Contamination of Heater-Cooler Devices Used in Cardiac Surgery — United States. MMWR Morb. Mortal. Wkly. Rep. 65, 1117–1118 (2016). https://doi.org/10.15585/mmwr.mm6540a6 PMid:27740609 Tan, N. et al. Disseminated Mycobacterium chimaera Infection After Cardiothoracic Surgery. Open Forum Infect. Dis. 3, ofw131 (2016). https://doi.org/10.1093/ofid/ofw131 Sommerstein, R. et al. Mycobacterium chimaera Outbreak Associated With Heater-Cooler Devices: Piecing the Puzzle Together. Infect. Control Hosp. Epidemiol. 1–6 (2016). doi:10.1017/ice.2016.283 https://doi.org/10.1017/ice.2016.283 Chand, M. et al. Insidious risk of severe Mycobacterium chimaera infection in cardiac surgery patients. Clin. Infect. Dis. Off. Publ. Infect. Dis. Soc. Am. (2016). doi:10.1093/cid/ciw754 https://doi.org/10.1093/cid/ciw754 Sommerstein, R. et al. Transmission of Mycobacterium chimaera from Heater-Cooler Units during Cardiac Surgery despite an Ultraclean Air Ventilation System. Emerg. Infect. Dis. 22, 1008–1013 (2016). https://doi.org/10.3201/eid2206.160045 PMid:27070958 PMCid:PMC4880077 Götting, T. et al. Heater-cooler units: contamination of crucial devices in cardiothoracic surgery. J. Hosp. Infect. 93, 223–228 (2016). https://doi.org/10.1016/j.jhin.2016.02.006 PMid:27101883 Garvey, M. I. et al. Decontamination of heater-cooler units associated with contamination by atypical mycobacteria. J. Hosp. Infect. 93, 229–234 (2016). https://doi.org/10.1016/j.jhin.2016.02.007 PMid:27112044 Schreiber, P. W. et al. Reemergence of Mycobacterium chimaera in Heater-Cooler Units despite Intensified Cleaning and Disinfection Protocol. Emerg. Infect. Dis. 22, 1830–1833 (2016). https://doi.org/10.3201/eid2210.160925 PMid:27649345 PMCid:PMC5038437 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  
juin 6, 2017
Chirurgie thoracique · Vol. 21 Juin 2017

Gestion des traumatismes thoraciques en milieu non spécialisé : quels résultats ?

Younssa Hama1,3*, Sani Rabiou3, Idé Kadi1, Maman Sani Chaibou2,3, Rachid Sani1,3, Yacouba Djimba Harouna1,3   Département de chirurgie et spécialités chirurgicales, hôpital national de Niamey, Niger Département d’anesthésie réanimation et urgences, hôpital national de Niamey, Niger. Faculté des sciences de la santé de l’université Abdou Moumouni, Niamey, Niger. *Auteur correspondant : younssah@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV21-2-HAM Citation : Hama Y, Rabiou S, Kadi I, Chaibou MS, Sani R, Harouna YD. Gestion des traumatismes thoraciques en milieu non spécialisé : quels résultats ? Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-HAM   Résumé Objectif : évaluer la prise en charge des traumatismes du thorax en service de chirurgie générale à l’hôpital national de Niamey, Niger. Patients et méthode : il s’agissait d’une étude rétrospective de 5 ans incluant 107 patients pris en charge pour traumatisme thoracique en service de chirurgie générale à l’hôpital national de Niamey. Résultats : il s’agissait de 92 hommes et 15 femmes, d’un âge moyen de 34,9 ans [± 16,8]. Le transport des patients était médicalisé dans 18,7 % des cas. Le délai moyen d’admission était de 3,6 heures [± 1,2]. Les traumatismes thoraciques survenaient surtout après un accident de la voie publique (49,5 %) ou une agression (25,2 %). Le traumatisme thoracique était fermé dans 69,2 % des cas et ouvert dans 30,8 % des cas. Les fractures des côtes étaient les lésions les plus fréquentes (28,9 %), suivaient les contusions et les plaies du poumon (23,7 %), les hémothorax (22,4 %) et les pneumothorax (17,7 %). Les lésions associées les plus fréquentes étaient les fractures des membres (26,1 %), les traumatismes crâniens (16,8 %) et de l’abdomen (13,8 %). Le traitement était opératoire chez 49,5 % des cas. Les complications immédiates étaient dominées par les infections du site opératoire à type de pyothorax (2 cas) et de suppuration pariétale (3 cas). La mortalité était de 12,1%. Conclusion : les traumatismes thoraciques surviennent surtout chez des adultes jeunes de sexe masculin. Ils entraînent essentiellement des traumatismes fermés du thorax. La mortalité est élevée.   Abstract Management of chest trauma in a non-specialist center Objective: To evaluate the management of chest trauma in general surgery. Patients and methods: A retrospective study over 5 years included 107 patients managed for chest trauma in general surgery at the National Hospital of Niamey. Results: Study comprised of 92 men and 15 women with an average age of 34.9 years±16.8. Patient transport was medicalized in 18.7% of cases. The mean intake time was 3.6 h±1.2]. Chest trauma occurred mainly due to a car crash (49.5%) or an assault (25.2%). Thoracic trauma was closed in 69.2% of cases and opened in 30.8% of cases. Rib fractures were the most frequent lesions (28.9%), followed by contusions and wounds of the lung (23.7%), haemothorax (22.4%) and pneumothorax (17.7%). The most common associated lesions were limb fractures (26.1%), head trauma (16.8%) and abdominal trauma (13.8%). Treatment was operative in 49.5% of cases. Immediate complications were pyothorax (2 cases) and parietal suppuration (3 cases). Mortality was 12.1%. Conclusion: Chest trauma occurred mainly in young adult males, leading to closed trauma to the thorax and high mortality.   1. INTRODUCTION Les traumatismes thoraciques sont fréquents et potentiellement graves puisqu’ils peuvent entraîner des détresses vitales [1]. Cette éventuelle gravité dépend à la fois du traumatisme thoracique mais aussi des lésions associées avec lesquelles ils peuvent se potentialiser mutuellement, déterminant parfois un polytraumatisme [2]. La fréquence et la gravité des traumatismes thoraciques sont en augmentation en Afrique subsaharienne à cause de l’accroissement du parc automobile souvent vétuste [3,4], mais aussi à cause de la multiplicité des zones de conflits armés dans cette partie du monde [5]. À l’opposé les moyens de prise en charge diagnostique et thérapeutique de ces patients parfois gravement atteints n’ont proportionnellement pas augmenté. Au Niger, et tout particulièrement à l’hôpital national de Niamey, les traumatismes thoraciques sont pris en charge en chirurgie générale faute d’un service de chirurgie thoracique. Cette étude a pour objectif de rapporter les résultats du traitement des traumatismes thoraciques pris en charge en service de chirurgie générale à l’hôpital national de Niamey. 2. PATIENTS ET METHODE Il s’agissait d’une étude rétrospective et descriptive de 5 ans allant de janvier 2010 à décembre 2014 réalisée dans les services de chirurgie générale A, B et C2 de l’hôpital national de Niamey. L’étude a concerné les patients des 2 sexes pris en charge pour traumatisme thoracique durant la période de l’étude. Les données ont été colligées à partir des registres du service des urgences, des dossiers des patients, des registres de comptes rendus opératoires et des registres des services de chirurgie générale A, B et C2. Les variables étudiées étaient l’âge, le sexe, le délai d’admission, les circonstances du traumatisme, le mode de transport, les lésions thoraciques, les lésions extrathoraciques associées, le traitement, la morbidité et la mortalité des traumatismes thoraciques. 3. RÉSULTATS La série comportait 107 cas de traumatisme du thorax, soit 0,3 % des traumatismes. Il s’agissait de 92 hommes et de 15 femmes avec un sex ratio de 6,1. L’âge moyen des patients était de 34,9 [± 16,8] ans avec des extrêmes de 2 et de 94 ans. Les patients âgés de 15 à 45 ans représentaient 69,7 % des cas. Un antécédent d’affections bronchopulmonaires chroniques était retrouvé chez 3,6 % des patients. Le transport des patients du lieu de l’accident à l’hôpital était médicalisé pour 18,7 % des patients, 81,7 % étaient transportés à l’hôpital par leurs parents ou par un véhicule de transport en commun. Le délai moyen d’admission des patients était de 3,6 [± 1,2] heures. 9,3 % des patients étaient admis dans l’heure qui suivait le traumatisme, 35,5 % des patients étaient admis entre la première et la sixième heure qui suivaient le traumatisme et 7,5 % des patient étaient admis au-delà de 24 heures après le traumatisme. Les circonstances de survenue du traumatisme thoracique sont résumées dans le tableau 1. Tableau 1. Répartition des patients en fonction des circonstances du traumatisme thoracique. Circonstance du traumatisme Nombre Pourcentage (%) Accident de la voie publique 53 49,5 Agression par arme blanche 21 19,6 Agression par arme à feu 6 5,6 Chute d’un arbre 6 5,6 Accident du travail 2 1,9 Accident domestique 2 1,9 Autres 17 15,9 Total 107 100   La douleur thoracique était le maître symptôme retrouvé chez tous les patients, accompagnée d’une dyspnée chez 27,1 % des patients et d’une hémoptysie chez 1,9 % des patients. Cependant 8,4 % des patients étaient admis en état de choc. Il s’agissait d’un traumatisme fermé du thorax chez 69,2 % des patients et d’une plaie thoracique chez 30,8 % des patients [figure 1].   [caption id="attachment_3734" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Plaie pénétrante du thorax.[/caption] Le bilan lésionnel était basé sur la radiographie du thorax réalisée chez 83,2 % [figures 2 et 3] des patients et un scanner thoracique réalisé chez 7,5 % des patients ; un patient a eu une échographie-doppler du cœur. [caption id="attachment_3736" align="aligncenter" width="224"] Figures 2 et 3. Radiographies du thorax de face et de profil réalisées pour plaie par arme à feu du thorax.[/caption]   Le traumatisme thoracique était bilatéral chez 8 patients. Le traumatisme thoracique était isolé chez 46,7 % des patients et associé à une lésion extrathoracique chez 53,3 % des patients. Cette association lésionnelle réalisait un polytraumatisme chez 19,6 % des patients. Les lésions thoraciques et les lésions extrathoraciques associées sont respectivement résumées dans les tableaux 2 et 3. Tableau 2. Répartition des patients en fonction des lésions thoraciques. Lésions thoraciques Nombre Pourcentage (%) Fractures de côtes 31 28,9 Volet costal 6 5,6 Rupture du diaphragme 4 3,7 Fracture du sternum 1 0,9 Hémothorax 24 22,4 Pneumothorax 19 17,7 Contusion pulmonaire 18 16,8 Hémopneumothorax 15 14,01 Plaie du cœur 1 0,9   Tableau 3. Répartition des patients en fonction des lésions extrathoraciques associées. Lésions extrathoraciques associées Nombre Pourcentage (%) Traumatisme de membres 28 26,1 Traumatisme crânien 18 16,8 Traumatisme abdominal 14 13,08 Traumatisme du bassin 5 4,6 Traumatisme vertébromédullaire 2 1,8 Traumatisme de l’œil 1 0,9   Les ruptures du diaphragme siégeaient 3 fois sur 4 sur l’hémidiaphragme gauche. Le diagnostic de rupture diaphragmatique était radiologique dans 3 cas (présence de structure digestive dans le thorax) et opératoire chez un patient. Le traitement avait été opératoire chez 49,5 % des patients ; les indications de thoracotomies étaient dominées par la détresse circulatoire chez 7 patients (avec plaies soufflantes sur corps étranger intrathoracique chez 4 patients et un drain thoracique ramenant d’emblée plus d’un litre de sang frais). Les gestes thérapeutiques réalisés et le traitement antalgique sont résumés dans les tableaux 4 et 5 [figures 4 à 6]. Tableau 4. Répartition des patients en fonction du type de traitement. TYPE DE TRAITEMENT n (%) TRAITEMENT NON OPÉRATOIRE Traitement non opératoire sans drainage thoracique 37 (34,6) Traitement non opératoire avec drainage thoracique 49 (45,7) TRAITEMENT OPÉRATOIRE Parage de plaie pariétale thoracique sans drainage thoracique 9 (8,4) Extraction de corps étranger avec drainage thoracique 4 (3,8) Suture du poumon avec drainage thoracique (hémostase) 3 (2,8) Suture du diaphragme avec drainage thoracique 4 (3,8) Ostéosynthèse de côtes avec drainage thoracique 1 (0,9) TRAITEMENT OPÉRATOIRE DES LÉSIONS ASSOCIÉES Ostéosynthèse de membres 10 (13,9) Évacuation d’hématome intracrânien 4 (3,8) Splénectomie 3 (2,8) Suture de plaie digestive 4 (3,8) Parage de plaie de membres 2 (1,8) Exofixation du bassin 1 (0,9) Packing abdominal 3 (2,8)   Tableau 5. Répartition des patients en fonction des antalgiques utilisés. Antalgiques utilisés Nombre Pourcentage (%) Paracétamol 23 21,4 Paracetamol + Tramadol 20 18,7 Paracetamol + Néfopam 58 54,2 Morphine 6 5,7   [caption id="attachment_3739" align="aligncenter" width="169"] Figures 4, 5 et 6. Corps étranger cervicothoracique, le temps cervical de son extraction et le patient à J5 postopératoire.[/caption]   En cas de drainage thoracique, l’ablation du drain était décidée s’il ramenait moins de 300 ml de liquide séreux par jour. Le séjour hospitalier moyen était de 26,5 jours [±13,7] jours. Les complications immédiates étaient dominées par les infections à type de pyothorax, survenu chez 2 patients traité médicalement avec drainage thoracique, et de suppuration de la paroi abdominale survenue chez 3 patients. On notait un cal vicieux costal douloureux chez un patient. La mortalité était de 12,1 %. Les causes de décès étaient un choc hémorragique dans un contexte de polytraumatisme chez 7 patients et de traumatisme thoracique chez un patient, une contusion du foie avec packing abdominal chez 2 patients, un traumatisme crânien chez 2 patients et un traumatisme vertébromédullaire cervical chez un patient. 4. DISCUSSION Les traumatismes du thorax sont rarement traités en chirurgie générale par rapport aux services de chirurgie thoracique et/ou de traumatologie. En effet les traumatismes thoraciques représentaient 0,3 % des traumatismes dans notre série alors que leur fréquence varie de 10 à 40 % dans les services de chirurgie thoracique et/ou de traumatologie [6-8]. Les traumatismes fermés du thorax sont relativement plus fréquents que les plaies du thorax [9] ; dans notre série les traumatismes fermés du thorax représentaient 69,2 % des patients. À Niamey, comme partout ailleurs, les traumatismes thoraciques sont plus fréquents chez l’adulte jeune de sexe masculin [10]. Ainsi l’âge moyen des patients de notre série était de 39,4 ans avec un sex ratio de 6,1. Dans notre série les traumatismes thoraciques étaient dus pour 49,5 % des patients aux accidents de la voie publique. En Afrique subsaharienne, les accidents de la voie publique constituent avec les agressions les premières causes de traumatismes thoraciques. L’importance des agressions serait due à la multiplication des zones de conflits en Afrique subsaharienne [5]. Les accidents de la voie publique constituent un problème de santé publique aussi bien à Niamey au Niger [4] que dans le reste de l’Afrique [11,13] et l’apparition d’automobiles de plus en plus rapides, souvent déjà bien utilisées auparavant en Europe, sur des routes parfois vétustes ne fait qu’amplifier le problème. La majorité des patients de notre série ont été acheminés à l’hôpital, après le traumatisme thoracique, par un moyen de transport non médicalisé bien qu’il existe un SAMU disponible à tout moment. La sous-utilisation des services du SAMU par nos populations montre qu’un effort supplémentaire d’information devrait être fourni en vue d’un changement de comportement de nos populations. Les traumatismes fermés du thorax sont plus fréquents que les plaies du thorax, en effet, dans notre série, 69,2 % des patients avaient un traumatisme fermé du thorax. Cette prédominance des traumatismes fermés du thorax dans nos régions a aussi été rapportée par Nwafor et al. : au sud-est du Nigeria ils représentaient 61,2 % des traumatismes du thorax [14]. L’épanchement hémorragique et/ou aérien avec ou sans fracture de côtes constitue les lésions les plus courantes aux cours des traumatismes thoraciques [13]. Cependant les lésions extrathoraciques sont également fréquentes et parfois graves. Ainsi une lésion extrathoracique était associée à la lésion thoracique chez 53,3 % des patients de notre série et chez 48,8 % des patients de la série d’Atri et al. Cette association lésionnelle réalisait un polytraumatisme chez 19,6 % de nos patients. Les traumatismes thoraciques selon Yena [13] surviennent dans un contexte de polytraumatisme dans 20 à 30 % des cas en Afrique. La prise en charge de ces traumatisés graves dans notre contexte se fait en milieu de chirurgie générale, où exercent des chirurgiens viscéraux et des chirurgiens généralistes, faute d’un service de chirurgie thoracique et d’un service de traumatologie. En dehors de la formation chirurgicale de base, il n’y a pas de formation spécifique à la traumatologie. Mais avec l’augmentation des conflits armés, ces chirurgiens ont été formés à la chirurgie de guerre sous l’égide de la Croix rouge. Dans l’immédiat nous nous devons de renforcer les compétences des chirurgiens généralistes et viscéraux à la prise en charge des traumatismes. Pour ce faire l’Advanced Trauma Operative Management de l’American College of Surgeons, désormais accessible en Afrique de l’Ouest, constitue une belle opportunité. Plus tard l’acquisition de moyens techniques comme la radiologie interventionnelle et la thoracoscopie, mais aussi l’organisation de nos hôpitaux à travers un « trauma system » nous permettra, à l’instar des pays anglo-saxons, de proposer une prise en charge organisée et appropriée à nos patients avec une baisse significative de la mortalité [16]. En attendant ce jour, les traumatisés graves seront les patients pour lesquels nos hôpitaux n’offriront pas une prise en charge adaptée. 5. CONCLUSION Les traumatismes thoraciques à Niamey sont surtout dus aux accidents de la voie publique. Le blessé thoracique est souvent acheminé à l’hôpital par un moyen de transport non médicalisé. Les lésions associées sont fréquentes et variées. La morbimortalité est élevée.   Références Avaro J P, D'journo X B, Trousse D et al. Le traumatisme thoracique grave aux urgences, stratégie de prise en charge initiale. Réanimation. 2006;15(8):561-567. https://doi.org/10.1016/j.reaurg.2006.10.010 Rabiou S, Hama Y, Didier J et al. Gestion initiale des plaies thoraciques pénétrantes aux urgences. J Fran Viet Pneu. 2016;20(7):6-14. https://doi.org/10.12699/jfvp.7.20.2016.6 Trembley R, Ndiaye EM. Les caractéristiques du secteur du transport urbain à Dakar. Perspective Afrique 2008;3(1-3):1-19. Hoekman P, Oumarou MT, Djia A. Les traumatismes dus aux accidents motorisés : un problème de santé publique à Niamey, Niger. Med Afr Noire 1996;43(11):596-601. Bonnecase V, Brachet J. Crise et chuchotement au Sahel. Politique africaine 2013;130:5-22. https://doi.org/10.3917/polaf.130.0005 LoCicero J, Mattox KL. Epidemiology of chest trauma. Surg Clin North Am 1989;69(1):15-19. https://doi.org/10.1016/S0039-6109(16)44730-4 Bardenheuer M, Obertacke U, Waydhas C et al. Epidemiology of the severely injured patient. 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juin 2, 2017
Chirurgie cardiaque congénitale et pédiatrique · Vol. 21 Juin 2017

Anomalie de connexion de l’artère coronaire droite au sinus postérogauche avec trajet inter-aorticopulmonaire : technique de réimplantation directe sans aortotomie transverse

Julia Mitchell¹*, Roland Henaine¹,², Nouredine Atmani¹, Olivier Metton¹, Sylvie Di Fillipo³, Jean Ninet¹ Service de chirurgie des cardiopathies congénitales, hôpital cardiologique Louis Pradel, Lyon, France. Université Claude Bernard, laboratoire de physiologie INSERM, unité 1060, CarMen, Cardioprotection, Lyon, France. Service de cardiologie pédiatrique, hôpital cardiologique Louis Pradel, Lyon, France. * Correspondance : julia.mitchell@chu-lyon.fr DOI : 10.24399/JCTCV21-2-MIT Citation : Mitchell J, Henaine R, Atmani N, Metton O, Di Fillipo S, Ninet J. Anomalie de connexion de l’artère coronaire droite au sinus postérogauche avec trajet inter-aorticopulmonaire : technique de réimplantation directe sans aortotomie transverse. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-MIT Résumé Introduction : l’anomalie de connexion de l’artère coronaire droite dans le sinus postérogauche associe un trajet inter-aorticopulmonaire, un trajet intramural et des anomalies ostiales. Elles sont reconnues pour être une cause de mort subite chez les athlètes. Il n’existe aucune recommandation concernant l’attitude thérapeutique. La prise en charge chirurgicale notamment chez l’adulte est très controversée. Matériels et méthode : il s’agit d’une étude rétrospective, unicentrique de 30 cas opérés dans notre centre entre janvier 2003 et décembre 2016. Résultats : Seize patients avaient moins de 18 et 10 plus de 30 ans. Quatorze patients pratiquaient du sport. 86,6 % des patients étaient symptomatiques avec 5 morts subites. Le délai moyen entre le diagnostic et l’intervention était de 18,5 mois (0,5-179). Tous les patients ont bénéficié d’un coroscanner et d’une réimplantation en position anatomique. Le délai moyen de suivi était de 25,6 mois (1-701) avec un décès à 3 mois postopératoires. À la date des dernières nouvelles, 92,8 % des patients étaient NYHA I et 60 % avaient repris une activité physique. Conclusion : seule la réimplantation permet de restaurer l’anatomie coronaire et d’autoriser la reprise d’activité physique. L’évolution ou l’apparition à long terme d’une coronaropathie sur cette coronaire droite réimplantée doivent être évaluées.   Abstract Anomalous connection of the right coronary artery to the opposite aortic sinus with interarterial course: technique of direct re-implantation without transverse aortotomy Introduction: Anomalous connection of the right coronary artery to the opposite coronary sinus is associated with an inter-arterial course, an intramural course and ostia anomalies. They are known to cause sudden death in athletes. However, no recommendation for therapy is available, and the surgical treatment is very controversial, especially in adults. Material and method: A retrospective study of 30 patients who underwent operations in our center between January 2003 and December 2016. Results: Sixteen patients were under 18 years of age, and 10 were over 30 years. Fourteen patients practiced sport. Of the cases, 86.6 % were symptomatic with five sudden deaths. The average time between diagnosis and intervention was 18.5 months (range: 0.5 –179). All patients benefited from a coroscanner and re-implantation in anatomical position. The average time of follow-up was 25.6 months (range: 1–701), with a death at 3 post-operative months. When patients were informed of their condition, 92.8% were classified as NYHA I, and 60% returned to physical activity. Conclusion: Only re-implantation allows the restoration of coronary anatomy and enables patients to practice sports safely. The evolution, or long-term appearance, of a coronaropathy on the right re-implanted coronary artery needs further investigation. 1. Introduction La connexion anormale d’une artère coronaire dans le sinus opposé (Anomalous Aortic Connexion of a Coronary Artery, AACCA) peut concerner l’artère coronaire gauche (Anomalous Left Coronary Artery, ALCA) comme l’artère coronaire droite (Anomalous Right Coronary Artery, ARCA). L’ARCA peut alors être associée à une anomalie de trajet [1] entre l’aorte et l’artère pulmonaire (Inter-Arterial Course, IAC) depuis le sillon auriculoventriculaire droit. On considère que 0,1 % à 0,3 % de la population est concerné par ces anomalies. L’exacte prévalence des AACCA dans la population générale reste difficile à déterminer et a longtemps été estimée sur des séries autopsiques ou des séries de cas [2]. Les AACCA sont reconnues pour être la deuxième cause de décès par mort subite chez les athlètes [3]. L’amélioration des techniques de dépistage et d’imagerie a considérablement augmenté la prévalence de ces anomalies ces dix dernières années [4]. Il n’existe cependant aucune recommandation concernant l’attitude thérapeutique, et la prise en charge chirurgicale systématique reste débattue. Plusieurs techniques chirurgicales ont été décrites. Si la nécessité absolue de la prise en charge chirurgicale des ALCA avec IAC est bien connue, celle des ARCA avec IAC, notamment chez l’adulte, est très controversée [5]. Nous décrivons une série de 30 patients opérés dans notre centre entre janvier 2003 et décembre 2016, par réimplantation directe d’une ARCA avec IAC dont 27 patients opérés sans aortotomie transverse.   2. Patients et méthodes Nous avons constitué une cohorte de patients opérés d’une ARCA avec IAC par une technique de réimplantation directe entre janvier 2003 et décembre 2016, à partir de notre base de données. Notre étude est une étude rétrospective, unicentrique. Il s’agit d’une étude de cas. Nous avons constitué un fichier anonyme et obtenu l’accord du centre d’investigation clinique. Le suivi s’est fait en postopératoire immédiat et à la date des dernières nouvelles sur les données des comptes rendus des consultations. L’amélioration clinique des survivants a été évaluée sur la présence ou non de symptôme, la reprise d’une activité physique et l’absence de signes ischémiques à l’électrocardiogramme ou au holter-ECG. La réimplantation coronaire a été évaluée en échographie cardiaque transthoracique à 2 dimensions couplée au doppler ainsi qu’au coroscanner et/ou en coronarographie. La fonction du ventricule gauche a été évaluée en échographie cardiaque transthoracique à 2 dimensions sur la fraction de raccourcissement. L’évolution ou l’apparition d’une ischémie myocardique postopératoire a été évaluée, soit par une épreuve d’effort, soit par une scintigraphie myocardique au thallium.   2.1. Statistiques Calculs de moyenne, de médiane et écarts types avec un intervalle de confiance à 0,25. Des tests non paramétriques de Wilcoxon ont été réalisés sur séries appariées pour les comparaisons de moyenne. Réalisation de tests de Fisher pour les comparaisons de proportion quand les effectifs étaient inférieurs à 5. P significatif si < à 0,05.   2.2. Population Entre janvier 2003 et décembre 2016, 30 patients ont bénéficié d’une chirurgie pour une ARCA avec IAC. Parmi ces 30 patients, 16 avaient moins de 18 ans et 10 plus de 30 ans à l’intervention (0,18-52) [figure 1].   [caption id="attachment_3713" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Répartition par âge à l’intervention (nombre/an) des patients opérés d’une ARCA (Anomalous Right Coronary Artery) avec IAC (Inter-Arterial Course).[/caption]   Le sexe ratio H/F était de 4. Le poids moyen à l’intervention était de 58 kilogrammes (3,6-118). 20 % des patients avaient au moins un facteur de risque cardiovasculaire. Deux patients étaient tabagiques actifs, 3 en surpoids (BMI > 27), 1 présentait une HTA chronique dans le cadre d’un hyperaldostéronisme primaire, 1 une HTA essentielle et 1 un diabète non insulino-dépendant. Aucun antécédent familial d’anomalie coronaire n’a été retrouvé, mais la mère d’une patiente est décédée dans le cadre d’une maladie de Uhl. Cinq patients (16,6 %) présentaient une pathologie chronique associée (1 Kawasaki sans atteinte coronaire, 1 épilepsie, 1 spondylarthrite ankylosante, 1 maladie de Fabry, 1 maladie de Guillain Barré). Aucun patient n’était syndromique. Sept patients (23,3 %) présentaient une malformation cardiaque associée (1 coarctation de l’aorte, 1 communication interventriculaire [CIV] périmembraneuse, 1 atrésie pulmonaire sans CIV [avec CIA résiduelle], 2 communications interatriales [CIA], 1 bicuspidie aortique et 1 non-compaction du VG). Quatorze patients (46,6 %) pratiquaient du sport de manière régulière et 7 en compétition (23,3 %).   2.3. Présentation clinique 86,6 % des patients étaient symptomatiques avec 5 patients (16,6 %) ayant présenté une mort subite récupérée. Un seul de ces patients avait des prodromes et un suivi cardiologique régulier avant l’épisode de mort subite. Six patients ont présenté 1 ou plusieurs épisodes de syncope (20 %), 20 présentaient des douleurs thoraciques (66,6 %). Dans 63,3 % des cas les douleurs sont notées au cours ou au décours immédiat d’un effort. Pour 3 patients, un contexte infectieux associé à des douleurs thoraciques atypiques a conduit à un bilan cardiologique permettant le diagnostic. Deux patients ont été diagnostiqués dans le cadre du suivi d’un souffle cardiaque et 1 au cours du suivi pour maladie de Fabry. Une ARCA a été découverte dans les suites d’un bilan pour ACFA aiguë mal tolérée [tableau 1].   Tableau 1. Présentation clinique pré et postopératoire des patients.   Sexe Age à l’intervention (ans) Signes cliniques Sport (1=oui  0=non) Facteurs de risque   Malformation associée Délais intervention (mois) Geste associé NYHA postopératoire DDN 1 M 17 douleurs tho 1 4 I 2 M 52 douleurs tho 0 6 I 3 M 11 douleurs tho 1 107 I 4 M 32 douleurs tho 0 tabac 1 I douleurs tho 5 F 51 douleurs tho 0 1 II douleurs tho 6 M 48 passage ACFA 0 Bicuspidie Ao 28 RVA I 7 M 10 syncope douleurs tho 1 14 I 8 M 11 douleurs tho 1 2 I 9 F 40 mort subite 1 3 I 10 M 10 douleurs tho 0 CIV opérée 19 I 11 M 23 douleurs tho 0 9 I 12 M 16 douleurs tho 0 3 I 13 M 9 0 0 5 I 14 M 5 souffle 0 35 I 15 F 52 douleurs tho 0 DNID 5 II 16 F 7 syncope douleurs tho 1 Coarctation opérée 43 I 17 M 0,18 mort subite TDR in utero 0 FOP 2 FOP II DCD 18 M 24 douleurs tho 1 HTA 3 I 19 M 23 mort subite 1 HTA Non compaction VG 0,5 I 20 M 17 mort subite 0 1 I 21 M 17 douleurs tho 1 CIA 5 CIA Pdv Pdv 22 M 15 douleurs tho 0 APSI CIA résiduelle 179 CIA RVP II douleurs tho 23 F 17 mort subite prodromes 0 3 I syncope défibrillateur 24 M 19 souffle 1 2 I 25 M 46 douleurs tho 1 2 I douleurs tho 26 M 14 syncope douleurs tho 1 13 I 27 M 7 syncope douleurs tho 1 10 I 28 M 34 douleurs tho 1 tabac 2 I 29 F 51 syncope douleurs tho 0 46 I 30 M 38 syncope douleurs tho 0 2 I Douleurs tho : douleurs thoraciques, Ao : aortique, DNID : diabète non insulinodépendant, HTA : hypertension artérielle, CIV : communication interventriculaire, FOP : foramen ovale perméable, CIA : communication interatriale, VG ventricule gauche, APSI : atrésie pulmonaire à septum intacte, DCD : décédé, Pdv : perdu de vue. 2.4. Bilan préopératoire   Tous les patients ont bénéficié d’un ECG, d’une radiographie du thorax de face, d’une échographie cardiaque transthoracique à 2 dimensions couplée au doppler et d’un coroscanner [figure 2].   [caption id="attachment_3714" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Série d’images scannographiques d’ARCA (flèche) avec trajet inter-aorticopulmonaire en coupes transverses et coronales.[/caption] À l’ECG, 3 patients avaient une onde Q séquellaire et 7 une onde T négative dans le territoire inférieur. Cinq patients avaient un bloc de branche droit incomplet. Quatre patients ont eu un holter-ECG non contributif. L’échographie cardiaque transthoracique à 2 dimensions couplée au doppler a permis d’établir le diagnostic dans 83 % des cas [figure 3].   [caption id="attachment_3715" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. ETT montrant le trajet inter-aorticopulmonaire d’une ARCA.[/caption]   Un malade a bénéficié d’une échographie transœsophagienne. La fraction de raccourcissement moyenne était de 39 %. Sept patients ont eu une imagerie par résonnance magnétique dont 2 pour suspicion de myocardite, 3 afin d’éliminer une dysplasie arythmogène du VD et 1 permettant de faire le diagnostic d’une non-compaction du VG. De même, 7 patients, tous adultes, ont bénéficié d’une coronarographie. Quatorze patients ont pu bénéficier d’une épreuve d’effort dont 4 positives électriquement (3 sous-décalages du segment ST en V1, V2 et V3 et 1 ESV soutenus) et 2 positives cliniquement avec récidive douloureuse. Cinq patients ont eu une exploration par scintigraphie myocardique au thallium mais une seule a mis en évidence des séquelles d’ischémie myocardique. 10 % des patients présentaient une coronaropathie mais non significative (sténose < 50 %) sur le réseau droit ou gauche.   2.5. Technique opératoire Le délai moyen entre le diagnostic et l’intervention était de 18,5 mois (0,5-179). L’âge moyen à l’intervention était de 24,2 ans (2,2 mois-52 ans). Depuis 2003, le nombre de patients adressé en chirurgie progresse avec un maximum de 8 patients opérés en 2015 [figure 4].   [caption id="attachment_3716" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Répartition des patients opérés par an. Courbe de tendance (moyenne/3 ans).[/caption]   Tous les patients ont été opérés sous CEC par sternotomie médiane. Deux patients avaient déjà bénéficié d’une sternotomie médiane dont 1 patient ayant déjà bénéficié de 2 sternotomies (1 fermeture de CIV, 1 valvulotomie pulmonaire puis shunt systémicopulmonaire) et un patient d’une thoracotomie gauche pour cure de coarctation. Ces anomalies étaient passées inaperçues. Le temps moyen de CEC était de 52 minutes (32-108) et le temps moyen de clampage aortique de 29 minutes (16-68). Il y a eu 5 gestes associés : 1 remplacement de la valve aortique par prothèse mécanique ; 1 remplacement de la valve pulmonaire par bioprothèse avec plastie d’élargissement du tronc de l’artère pulmonaire et 3 fermetures de CIA (1 directe et 2 par patch). Tous les patients ont bénéficié d’une réimplantation directe de l’ARCA en position anatomique. Toutes les réimplantations ont été associées à une plastie ostiale soit par refend postérieur soit par patch d’élargissement (3 patients). 90 % des patients ont bénéficié d’une réimplantation directe sans aortotomie transverse selon une technique développée dans notre centre.   2.5.1. Technique de réimplantation directe sans aortotomie transverse [figure 5] [caption id="attachment_3717" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Technique de réimplantation directe en position anatomique sans aortotomie transverse. A : mobilisation de la coronaire droite et de la branche infundibulaire (flèche montrant l’ARCA) ; B : aortotomie à l’emporte-pièce de 4 mm de diamètre ; C : réimplantation directe en palette par un monosurjet continu ; D : aspect aorte declampée de la coronaire droite en position anatomique.[/caption] Sous CEC, en normothermie. Mobilisation de l’artère coronaire droite dans ses premiers centimètres avant sa connexion dans le mur aortique à cœur battant (A). Clampage aortique et réalisation d’une cardioplégie antérograde grâce à une solution cristalloïde. Transsection de l’artère coronaire au niveau de sa connexion dans le mur aortique. Fermeture de l’orifice d’entrée aortique par un monosujet « aller-retour ». Réalisation d’une aortotomie circulaire à l’emporte-pièce (B). Recoupe de l’artère coronaire « à bonne longueur ». Réalisation d’une contre-incision à sa face postérieure afin de réaliser une réimplantation « en palette » (C). Réimplantation de l’artère coronaire sur l’artériotomie aortique par un monosurjet (D).   2.5.2. Technique de réimplantation directe avec aortotomie transverse Dans les mêmes conditions opératoires, la coronaire est réimplantée de manière directe dans la paroi aortique après confection d’une « logette » et réalisation d’un refend antérieur permettant un élargissement de l’ostium à l’aide d’un patch de péricarde autologue comme cela a pu être décrit par Gaudin et al. [10].   2.6. Résultat postopératoire Il n’y a eu aucune complication peropératoire. Aucun malade n’a bénéficié d’une assistance circulatoire de type ECMO postopératoire. Le délai moyen d’extubation était de 5 heures (2-48), la durée d’hospitalisation moyenne en réanimation de 1,1 jour (1-4). On ne dénombre aucun décès postopératoire à 30 jours. Il y a eu 5 complications : 2 pneumopathies traitées par antibiothérapie, 1 épanchement pleural ayant nécessité un drainage, 1 défaillance cardiaque postopératoire nécessitant un support aminergique de plus de 2 jours et une médiastinite nécessitant une reprise opératoire. La durée moyenne d’hospitalisation était de 7,5 jours (5-20).   2.7. Follow-up Le délai moyen de suivi était de 25,6 mois (1-101), avec un décès à 3 mois postopératoires et 1 perdu de vue. À la date des dernières nouvelles, 26 patients étaient NYHA I soit 92,8 %. Quatre patients conservaient des douleurs thoraciques. 60 % des patients avaient repris une activité physique. Seize patients prenaient un traitement médicamenteux dont 68,7 % un traitement par B-bloquants. Tous les patients ont reçu un traitement par aspirine pendant 3 mois postopératoires. Trois patients conservaient une onde T négative à l’ECG et sur les 8 patients ayant bénéficié d’un holter-ECG, aucun trouble de la conduction ou du rythme n’a été mis en évidence. Une échographie cardiaque transthoracique 2D couplée au doppler a été réalisée à chaque consultation. La fraction de raccourcissement moyenne était de 37 % à la DDN, la coronaire droite était visualisée en position anatomique dans 96 % des cas avec un flux antérograde. Tous les patients ont bénéficié d’un coroscanner postopératoire. Au scanner de contrôle, 3 patients présentaient un aspect grêle de la coronaire droite réimplantée dont une mesurée à 2,5 mm de diamètre. Pour un patient, l’évolution s’est faite vers une sténose ostiale complète de l’artère coronaire droite réimplantée. Il s’agit du patient présentant une atrésie pulmonaire opéré d’une réimplantation de l’ARCA, associée à un remplacement de la valve pulmonaire et d’une fermeture de CIA résiduelle. En peropératoire l’artère coronaire droite était décrite comme grêle avec un diamètre dans son trajet inter-aorticopulmonaire n’excédant pas 2 mm de diamètre. Les suites opératoires avaient été simples. L’ETT postopératoire montrait une coronaire réimplantée perméable et bien perfusée, un TAPSE VD à 18 mm, un bon fonctionnement de la bioprothèse et une absence de shunt résiduel. Deux ans après la chirurgie, le patient a présenté un malaise syncopal associé à des douleurs thoraciques d’effort. Le bilan alors réalisé (ECG, holter-ECG, troponines, ETT, épreuve d’effort) s’est révélé négatif. Le coroscanner montrait un ostium grêle mais perméable. Malheureusement le patient, alors âgé de 18 ans, a présenté le même tableau clinique 18 mois après, ce qui a conduit à la réalisation d’une coronarographie [image 4]. Celle-ci a révélé un réseau gauche dominant, une sténose ostiale complète de la coronaire droite réimplantée avec une collatéralité reprenant le réseau droit. Il n’y a pas eu de récidive douloureuse depuis.   [caption id="attachment_3718" align="aligncenter" width="300"] Figure 6. Coronarographie sélective de la CD en vue latérale gauche : sténose ostiale complète, valve pulmonaire biologique en place.[/caption]   Cinq patients ont eu une scintigraphie myocardique et 3 une coronarographie postopératoire. Une scintigraphie montrait des séquelles d’ischémie myocardique mais celles-ci existaient en préopératoire. 75 % des patients ont eu une épreuve d’effort postopératoire. Trois étaient sous-maximales. Il n’y a eu aucune réintervention. Mais une patiente a bénéficié d’une pose d’un défibrillateur automatique implantable pour syncopes itératives à l’emporte-pièce, dans le cadre d’une dysplasie arythmogène du ventricule droit (mutation RYR2 positive) sans qu’aucun trouble du rythme n’ait été objectivé.   2.8. Mortalité Il y a eu un décès à 3 mois postopératoires. Il s’agit du patient le plus jeune, opéré à 2 mois de vie, à 3,6 kg. Cet enfant était suivi depuis la période anténatale pour des troubles du rythme in-utero et le diagnostic d’ARCA a été posé à la naissance par échographie. Aucune autre lésion n’était associée en dehors d’un foramen ovale persistant. Il a alors été décidé un traitement médical à visée anti-arythmique, l’enfant a cependant présenté une mort subite à domicile et a été opéré en urgence d’une réimplantation directe avec fermeture de CIA [figure 7].   [caption id="attachment_3719" align="aligncenter" width="300"] Figure 7. Images peropératoires montrant l’ostium de l’ARCA dans le sinus postérogauche et sa réimplantation en palette en position anatomique après aortotomie transverse par un double surjet arrêté.[/caption] 3. Discussion Les mécanismes exacts physiopathologiques des manifestations cliniques et des morts subites des ARCA sont mal connus [6]. Plusieurs hypothèses ont été développées dans la littérature afin d’expliquer l’ischémie myocardique et les troubles du rythme résultant des ARCA avec IAC [7]. Les symptômes apparaissent le plus souvent à l’acmé d’un effort ou dans les suites immédiates et sont vraisemblablement la conséquence d’une compression externe de l’artère coronaire droite dans sa portion inter-aorticopulmonaire [8]. Cependant, la pression dans l’artère pulmonaire reste inférieure, même au cours d’un effort prolongé et intense, à celle dans l’artère coronaire. De plus, dans une étude en 2003, Angelini et al. ont démontré que le trajet reste « comprimé » même dans les phases du cycle cardiaque où le tronc de l’artère pulmonaire est à distance [9]. Il semble que le trajet intramural soit le véritable responsable de la symptomatologie. Plusieurs études ont démontré que la portion intramurale a une circonférence intra-luminale moindre. Hors à l’effort, la tension pariétale sur l’aorte augmente et par ce mécanisme le trajet intramural se trouve comprimé, en particulier lors de la systole. Ceci est d’autant plus vrai en regard de la commissure valvulaire [10]. Dans une ARCA, la coronaire droite se connecte toujours selon un angle non orthogonal dans la paroi aortique. Cet angle peut être plus ou moins aigu et associé à un « king-king ». L’ostium lui-même est le plus souvent en « bec de flûte ». Il peut également être sténotique, voire punctiforme. Parfois on retrouve une membrane faisant obstruction. De même, l’appareil valvulaire aortique peut partiellement obturer cet ostium, en particulier quand celui-ci est paracommissural [10]. Si les premières descriptions sont des séries autopsiques [11], de plus en plus d’études tentent de déterminer la prévalence exacte des AACCA et donc des ARCA, soit à partir de séries coronarographiques, soit radiologiques. Les ARCA semblent donc concerner 0,06 à 0,9 % de la population. En 2013, Angelini publiait une étude de dépistage par IRM sur une population de jeunes adultes où il retrouvait 0,6 % d’ARCA [12]. Les ARCA sont 6 à 10 fois plus fréquentes que les ALCA mais sont le plus souvent asymptomatiques et les ALCA sont responsables de près de 85 % des morts subites dans les AACCA [13]. Dans leur série Maron et al. estimaient à 0,61 pour 100000 personnes/année le risque de mort subite chez les athlètes de haut niveau, avec 17 % attribués aux AACCA [3]. Brothers et al, par une analyse similaire, avec une prévalence dans la population générale des AACCA de 0,6 % et considérant les ARCA 6 fois plus fréquentes que les ALCA, arrivaient à la conclusion que le risque de mort subite, chez les patients présentant une ARCA, était de 0,004 % [7]. Ce risque a été décrit comme 80 fois plus élevé chez les athlètes que dans la population générale et les athlètes porteurs d’une AACCA ont été exclus des compétitions. Enfin, la corrélation entre anomalie coronaire et coronaropathie est incertaine mais la présence d’une coronaropathie pourrait être un facteur aggravant des AACCA. A contrario, une AACCA augmenterait le risque de coronaropathie [14]. Cependant aucun facteur de risque prédictif de mort subite n’a pu être mis en évidence et il paraît impossible de déterminer le risque de mort subite dans la population générale. Le seul facteur de risque admis est l’âge inférieur à 30 ans au diagnostic. La symptomatologie des ARCA est souvent frustre et non spécifique. Beaucoup de malades sont diagnostiqués à l’occasion d’une mort subite récupérée. La plupart se déclarent alors asymptomatiques avant l’épisode qui survient le plus souvent à l’effort. Certains malades sont diagnostiqués de manière fortuite bien que la motivation de la réalisation des examens ayant conduit au diagnostic pose la question d’une réelle asymptomatologie. Communément, des douleurs thoraciques non spécifiques, des palpitations, des malaises ou des syncopes sont décrits [1]. L’électrocardiogramme et les holter-ECG sont généralement normaux ou dans les limites de la normale. On peut cependant retrouver des ondes T amples en V1, V2 et V3. Pour certains, les troubles du rythme permettent le diagnostic (fibrillation ventriculaire, tachycardie ventriculaire). De même, les épreuves d’effort sont négatives électriquement et cliniquement, moins de 10 % des patients opérés, dans la littérature, avaient une épreuve d’effort positive [7]. Le diagnostic est essentiellement fait sur l’échographie cardiaque 2 dimensions couplée au doppler couleur. Elle met en évidence : l’anomalie de connexion, le trajet intramural et inter-aorticopulmonaire. L’échographie permet aussi de quantifier la fonction ventriculaire. Afin de confirmer le diagnostic, le coroscanner est l’examen de choix, il permet de déterminer la longueur du trajet inter-aorticopulmonaire, le trajet intramural et l’anatomie ostiale. Les dernières générations permettent de diminuer au maximum l’irradiation en particulier dans la population pédiatrique [15]. L’IRM offre l’avantage d’évaluer la viabilité et l’ischémie myocardique et d’éliminer le diagnostic différentiel de myocardite [4]. Certains auteurs suggèrent qu’elle permettrait de mettre en évidence une fibrose myocardique signe d’une ischémie chronique répétée et qui pourrait être le signe prédictif de troubles du rythme ventriculaire [16]. La coronarographie n’est quasiment plus pratiquée à visée diagnostique. La scintigraphie myocardique ayant pour objectif de démasquer les lésions d’ischémie est bien souvent peu contributive. Devant les incertitudes physiopathologiques et diagnostiques qu’engendrent les AACCA la prise en charge thérapeutique est plus que débattue. Si les ALCA semblent obtenir un consensus quant à leur prise en charge chirurgicale, il n’en est pas de même pour les ARCA. De plus, l’âge au diagnostic d’une ARCA semble pour certaines équipes être un facteur décisionnel de prise en charge chirurgicale ou non [17]. Les traitements médicamenteux par B-bloquants ou inhibiteurs de l’enzyme de conversion ont été rapportés comme protecteurs du risque de mort subite. Par ailleurs, la plupart des équipes contre-indiquent la pratique du sport. Cependant la restriction d’activité physique semble difficile à obtenir dans la population pédiatrique et peut avoir des conséquences physique (surpoids) et psychologique sur le patient et sa famille [18]. À ce jour, un patient non opéré est suivi dans notre centre. Il s’agit d’une jeune fille de 14 ans porteuse d’une maladie d’Ebstein. Le diagnostic d’ARCA a été porté à l’âge de 5 ans en ETT et confirmé par un coroscanner. Elle n’a jamais présenté de douleurs thoraciques ou de troubles du rythme. À l’ECG, il existe un bloc de branche droit incomplet. L’épreuve d’effort s’est révélée négative. L’échographie montre une dysfonction ventriculaire droite en rapport avec la maladie d’Ebstein. Une contre-indication au sport a été mise en place. Dans notre centre, nous posons une contre-indication à la pratique du sport en compétition pour tous les malades présentant une AACCA non opérée ; les patients et leur famille sont informés des signes devant faire consulter en urgence et un suivi médical régulier. On peut trouver dans la littérature des séries de quelques cas d’ARCA traitées par cathétérisme interventionnel. Il s’agit le plus souvent d’ARCA sans IAC avec sténose ostiale. Différentes techniques chirurgicales ont été proposées dans la prise en charge des ARCA avec IAC. Afin de pallier la compression externe par le tronc de l’artère pulmonaire, certains ont proposé de procéder à une translocation latérale ou antérieure du tronc de l’artère pulmonaire. Certains auteurs y associent une ostioplastie [19,20]. Pour les patients adultes, le pontage coronarien peut être proposé avec ligature proximale afin de supprimer un flux compétitif. Lorsqu’une coronaropathie est associée, ceci peut se justifier davantage mais cette technique sur l’adulte jeune sans coronaropathie est controversée car le réseau distal est alors entièrement dépendant de la qualité et de la pérennité du pont. L’utilisation de l’artère thoracique interne est préférée car elle préserve un potentiel de croissance et résisterait mieux au développement de l’athérosclérose. Cependant la réalisation de pontage chez l’enfant pose différents problèmes dont celui de la reprise chirurgicale. La technique de « unroofing » est la plus répandue, elle a été décrite par Mustafa et al. en 1981 et consiste à exciser la paroi du segment intramural. La difficulté se situe lorsque le segment intramural est long et rétro-commissural, certains auteurs procèdent alors à un détachement de la commissure mais cela peut conduire à long terme à une insuffisance aortique. C’est pourquoi la création d’un néo-ostium a pu être proposée. Malheureusement, bien que très prometteuse, cette technique a montré des cas d’insuffisance aortique à long terme et d’ischémie résiduelle. La réimplantation directe en position anatomique est la seule technique permettant de s’affranchir du trajet inter-aorticopulmonaire, du trajet intramural et des anomalies ostiales. Elle consiste à sectionner l’artère coronaire au niveau de son abouchement dans la paroi aortique et de la réimplanter en position anatomique. Bien souvent il y est associé une ostioplastie afin d’élargir celui-ci soit par un refend postérieur soit par une technique d’élargissement par patch. Dans notre centre, nous avons développé une technique de réimplantation directe sans aortotomie transverse avec de très bons résultats postopératoires. La principale difficulté réside dans la détermination du site de réimplantation que nous repérons avant le clampage aortique et la réalisation de la cardioplégie. Aucun malade opéré selon cette technique n’a présenté d’insuffisance aortique secondaire et n’a subi une réintervention. Il est difficile d’établir le résultat à long terme des procédures chirurgicales, la littérature ne rapportant que des séries avec peu de malades, ne bénéficiant pas tous de la même technique opératoire et avec absence parfois de distinction entre les ALCA et les ARCA. Aucun décès immédiat n’a été cependant rapporté. Les complications postopératoires décrites sont celles de toute chirurgie cardiaque (saignement postopératoire, épanchement péricardique, pneumopathie…) et sont généralement inférieures à 20 %. Toutefois, ces chirurgies sont le plus souvent pratiquées sur des patients jeunes sans comorbidité. Il en est de même dans notre série. Le seul décès survenu concernait en effet un nourrisson avec des troubles du rythme in utero ayant présenté une dysfonction biventriculaire préopératoire (FR 21 %) après une mort subite récupérée. Les réinterventions décrites concernent les patients présentant une insuffisance aortique, le plus souvent dans les suites d’une technique par unroofing avec réimplantation de la commissure [20]. Aucun patient de notre série n’a été repris chirurgicalement. Pour le patient présentant une sténose ostiale une technique de reperméabilisation par procédure interventionnelle se discute car la sténose est relativement courte et le réseau d’aval perméable, repris par la coronaire gauche. Le bilan de viabilité myocardique effectué dans ce sens montre une absence de signe ischémique. Il faut rappeler que ce patient a un réseau gauche dominant. On peut noter que le traitement chirurgical a supplanté ces dernières années le traitement médical et que l’attitude thérapeutique n’est pas la même dans les centres ayant une solide expérience en chirurgie congénitale. Nous avons vu progresser le nombre de patients adressés pour chirurgie au fil des années. Tous les patients vus en consultation ont accepté la prise en charge chirurgicale, la plupart d’entre eux exprimant clairement des angoisses, voire un syndrome anxiodépressif quant au risque de mort subite. Chez l’adulte, une coronarographie préopératoire est plus facilement réalisée. La technique la plus souvent choisie est le pontage et souvent une procédure est associée. La durée d’hospitalisation est souvent plus longue. Le seul facteur de risque de mort subite des AACCA communément admis est l’âge inférieur à 30 ans. Dans notre étude, 10 patients avaient plus de 30 ans à l’intervention soit un tiers de la population. Ils étaient tous symptomatiques avec un tableau de mort subite. Six patients avaient bénéficié d’une coronarographie préopératoire avec une coronaropathie non significative. Le délai d’intervention n’était que de 9,6 mois contre 22,9 mois pour les moins de 30 ans. Il y a eu 1 perdu de vue. La durée moyenne de suivi a été de 26,9 mois. À la DDN, 2 patients étaient NYHA II. Cinq avaient repris une activité physique et 3 se plaignaient de douleurs thoraciques récidivantes. Huit patients ont eu une épreuve d’effort à la DDN dont une sous-maximale pour sous-décalage du segment ST. Tableau 2. Comparaison entre les patients opérés avant et après 30 ans.   < 30 ans (n = 20) >30 ans (n = 10) p-value H/F 18/2 = 9 6/4 = 1,5 Poids moyen (kg) 48,6 77,8 Activité sportive 12 2 Mort subite 4 1 Épreuve d’effort 8 6 Délai intervention (mois) 22,9 9,6 p = 0,01 Durée CEC 52,4 51,7 p = 0,46 Durée clampage 30,1 28,7 p = 0,40 Geste associé 4 (3 CIA, 1 RVP) 1 (RVA) Durée hospitalisation (jours) 7,5 7,6 p = 0,58 Complications postopératoires < 30 jours 3 2 Follow-up (mois) 24,9 26,9 p = 0,45 NYHA I à la DDN 17 (n = 19) 7 (n = 9) B-bloquants à la DDN 11 (n = 19) 6 (n = 9)     Si l’on compare les 2 populations [tableau 2], on remarque que le nombre de morts subites est plus élevé chez les moins de 30 ans. Or 1 seul patient de moins de 10 ans a présenté une mort subite récupérée comme chez les patients de plus de 30 ans, on peut donc considérer l’âge à risque entre 10 et 30 ans. Le délai entre le diagnostic et l’intervention est plus court chez les plus de 30 ans. En effet nous avons été davantage attentistes chez les plus jeunes avec une mise en place d’une restriction des activités physiques et une contre-indication au sport associées à un suivi régulier jusqu’à la réalisation des examens paracliniques (coroscanner, épreuve d’effort) dans de bonnes conditions techniques. Il n’y a pas de différence significative entre ces deux groupes et les suites opératoires sont superposables, chez les plus de 30 ans la disparition de l’angoisse quant au diagnostic semble améliorer la qualité de vie des patients et les patients se trouvent en meilleure santé mais cela est probablement en rapport avec le suivi médical régulier. Certains d’entre eux se plaignent cependant de douleurs thoraciques mais celles-ci sont décrites comme différentes des douleurs préopératoires (douleurs pariétales). Une seule patiente a été hospitalisée à plusieurs reprises pour angor mais cette patiente est diabétique, hypertendue et en surpoids. Elle présentait en préopératoire une coronaropathie avec une sténose non significative du réseau droit. Celle-ci a évolué vers une coronaropathie droite et gauche sans nécessité autre qu’un traitement médical. Le suivi à distance annuel est a minima avec la réalisation d’un coroscanner et d’un holter-ECG en postopératoire immédiat puis un suivi échographique régulier. La reprise d’une activité physique et du sport en compétition est autorisé à 6 mois postopératoires. Plusieurs équipes ont proposé un algorithme décisionnel pour la prise en charge des AACCA, le plus abouti est celui de l’équipe du Texas Children’s Hospital [19]. Les ARCA avec IAC doivent donc être traitées chirurgicalement quand : il existe des symptômes ou des signes ischémiques au bilan paraclinique ; il existe un trajet intramural ou des anomalies ostiales ; il existe un retentissement psychologique du diagnostic sur la qualité de vie du patient et de sa famille.   4. Conclusion La prise en charge chirurgicale des ARCA avec IAC reste controversée en particulier chez l’adulte de plus de 30 ans, notre étude montre un bon résultat chirurgical de la réimplantation aortique et décrit les résultats de la technique de réimplantation sans aortotomie transverse. Nous pensons que seule la réimplantation directe permet de restaurer de manière pérenne l’anatomie coronaire et d’autoriser la reprise d’activité physique même en compétition. Les ARCA avec IAC sont toujours associées à un trajet intramural et à des anomalies ostiales. En ce sens, en dehors des rares cas de découvertes fortuites chez le sujet de plus de 50 ans pouvant accepter le risque faible mais non nul de mort subite et de restreindre ses activités physiques, tout patient diagnostiqué dans notre centre est adressé au chirurgien. Cette étude est une étude rétrospective monocentrique de 30 patients opérés par une réimplantation directe ces 15 dernières années dont les résultats nous confortent dans la nécessité de la prise en charge chirurgicale de ces patients, l’évolution à long terme doit être cependant évaluée notamment en ce qui concerne l’évolution ou l’apparition d’une coronaropathie sur cette coronaire droite réimplantée. En effet, toute coronaire opérée et ce quelle que soit la technique ou la cause présente un risque évolutif « pour son propre compte » et doit être surveillée.   Références Angelini P, Velasco JA, Flamm S. Coronary anomalies: incidence, pathophysiology and clinical relevance. Circulation 2002;105:2449-54. https://doi.org/10.1161/01.CIR.0000016175.49835.57 PMid:12021235 Davis JA, CecchinF, JonesTK et al. Major coronary artery anomalies in a pediatric population: incidence and clinical importance. 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Acceptation : 10/05/2017.     
juin 2, 2017
In memoriam · Vol. 21 Juin 2017

Hommage à Armand Piwnica

Le Professeur Armand Piwnica a quitté cette terre, sa famille et ses amis le Samedi 8 octobre 2016 en fin d’après-midi. Plein de vie et d’énergie, d’intelligence et de curiosité, il a quitté ce monde brutalement sans signe précurseur quand un battement de son cœur est subitement devenu le dernier, entouré de sa famille comme c’était l’habitude le samedi. Le choc fut brutal pour sa famille proche, Huguette, sa femme de toujours car ils s’étaient connus et mariés très jeunes, ses enfants, sa fierté : sa fille, brillante avocate au Barreau de Paris et son fils, célèbre avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation et leurs enfants, soit ses petits-enfants et aussi ses arrières petits enfants qui étaient la joie de sa vie. Armand Piwnica avait deux passions dans la vie : sa famille, dont il était le socle fédérateur indiscuté et son métier. Ses parents venus de Pologne avaient connu grâce à leur dur labeur une réussite sociale et financière remarquables. Armand était né à Paris. Doué d’une intelligence rare, il avait le culte du travail, était curieux de tout et en particulier de son métier. Il fit sa scolarité au lycée Voltaire puis ses études de Médecine à Paris. Il gravit ainsi les marches de la Voie dite « Royale » pour devenir Professeur et Chirurgiens des Hôpitaux de Paris auprès de son Maître vénéré, le Professeur Charles Dubost, alors pionnier de la Chirurgie Cardio-vasculaire en Europe et auréolé de la réussite de la première résection d’anévrysme aortique au Monde. Malgré son ascension rapide, Armand Piwnica avait su en précurseur, grâce à une bourse de l’American College of Surgeons, consacrer une année de sa formation aux États-Unis, à la Mayo Clinic, à Minneapolis et à Houston auprès des grands Maîtres de l’époque grâce à qui il avait compris le caractère indispensable de l’échange et de la recherche. La vie a ses étapes et il devint Chef de Service à l’hôpital Lariboisière de Paris où ses qualités humaines et d’organisateur lui permirent de créer de toute pièce un merveilleux service où j’ai eu la chance de lui succéder. En dépit de toute la difficulté de quitter son rôle de Chef de Service qui était – avec sa famille – toute sa vie, il fit en sorte de me confier le service et toute l’équipe avec une telle bienveillance que cette transmission de flambeau fut sûrement nostalgique pour lui mais sans heurt et efficace. Après des années de Consultanat et des Travaux à l’Académie Française de Chirurgie, il revint à sa passion de toujours la Médecine et la Chirurgie en devenant Directeur Médical de l’Hôpital Américain de Paris où sa stature et ses talents de négociateur permirent de d’apaiser le climat dans cet établissement où exercent des médecins parfois talentueux mais toujours à l’ego bien ancré. C’est au cours de cette carrière marquée par 800 communications et une trentaine d’ouvrages, que parurent les premiers travaux sur les pacemakers isotopiques, les transplantations cardiaques, les assistances circulatoires par contre-pulsion, les bioprothèses péricardiques, les valves bi-leafflets, pour ne citer que quelques contributions… C’est là que se développa à ses côtes la formation de son fidèle et talentueux assistant, le professeur Philippe Ménasché, exerçant depuis à l’hôpital Georges Pompidou et qui lui fait honneur comme Chirurgien et Chercheur de renommée internationale. Armand Piwnica était un brillant chirurgien. Ses malades l’adoraient et lui témoignaient une longue reconnaissance pour ses excellents résultats conjugués avec un contact parfois bourru mais toujours sensible qui les rattachait à la vie. Tout le personnel soignant, médical et paramédical, lui était dévoué et beaucoup étaient présents à son enterrement. Chevalier de la Légion d’Honneur, le Professeur Piwnica avaient acquis les plus hauts grades académiques et hospitaliers, faisait partie des plus grandes sociétés savantes internationales américaines, anglaises et européennes, fut Président de l’EACTS (European Association of Cardio-Thoracic Surgegy) et de la SFCTCV (Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire) organisant et présidant les congrès correspondant. Mais surtout, il fut l’Ambassadeur de la chirurgie cardiaque française et attaché au rapprochement internationale des membres de notre spécialité. Il a facilité l’accueil des jeunes chirurgiens étrangers, a toujours eu pour eux des attentions personnalisées et a instauré à leur intention le Collège Français de Chirurgie Thoracique et Cardio-vasculaire pour qu’ils regagnent leurs pays d’origine avec un souvenir et un diplôme de la France. La majorité d’entre eux a ainsi pu fonder ou développer la chirurgie cardiaque dans leurs pays respectifs. Il a conduit également de nombreuses missions opératoires et d’enseignement, notamment au Moyen-Orient, en Arabie Saoudite et en Égypte sans oublier  qu’il réalisa le premier cœur ouvert en Afrique du Nord, à Alger en 1976… À toutes ces qualités, Armand Piwnica additionnait la richesse d’une culture musicale et artistique hors du commun. La visite du MOMA à New York avec lui donnait l’impression de la faire en compagnie du Conservateur du Musée. Voici en quelques mots malhabiles la personne qui nous a quittés dans la jeunesse de ses 89 ans. Nous sommes tristes et nous nous associons au chagrin de sa famille. Nous avons perdu un Maître et un ami, mais son souvenir vivifiant restera présent parmi nous et continuera d’inspirer nos actes et nos pensées. Professeur Gérard Bloch. Paris, 22 novembre 2016 DOI : 10.24399/JCTCV21-2-BLO Citation : Bloch G. Hommage à Armand Piwnica. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-BLO  
juin 2, 2017
Chirurgie thoracique · Vol. 21 Juin 2017

Évolutions actuelles du drainage thoracique après lobectomie : vers une approche standardisée

Imen Bouassida1, Agathe Seguin-Givelet*1,2*, Emmanuel Brian1, Madalina Grigoroiu1, Dominique Gossot1   Institut du thorax Curie-Montsouris, département thoracique, institut mutualiste Montsouris, Paris, France. Université Sorbonne Paris Cité, UFR SMBH université Paris 13, France. * Correspondance : agathe.seguin-givelet@imm.fr DOI : 10.24399/JCTCV21-2-SEG Citation : Bouassida I, Seguin-Givelet A, Brian E, Grigoroiu M, Gossot D. Évolutions actuelles du drainage thoracique après lobectomie : vers une approche standardisée. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-SEG   Résumé Objectifs : proposer une gestion standardisée du drainage thoracique après exérèse pulmonaire majeure. Méthodes : nous avons fait une revue de la littérature récente et une analyse des publications (des études prospectives, études randomisées, revues et séries monocentriques jugées pertinentes) publiées sur la base PubMed entre 2001 et 2016 et ayant pour objectif principal la gestion du drainage thoracique après chirurgie d’exérèse pulmonaire majeure (pneumonectomies exclues). Résultats : nous émettons 7 propositions : favoriser l’utilisation d’un seul drain thoracique ; arrêter l’aspiration en premier jour postopératoire en l’absence de fuites ; éviter de traire le drain, le retirer pour un recueil quotidien de liquide séreux n’excédant pas les 400 ml/24 h ; réaliser les radiographies thoraciques de contrôle de façon ciblée ; mettre le drain en siphonnage au cinquième jour postopératoire en cas de bullage prolongé et réserver le système de drainage électronique à des indications particulières. Conclusion : au vu de l’hétérogénéité de gestion du drainage thoracique après chirurgie d’exérèse pulmonaire majeure, nous avons émis plusieurs propositions permettant de standardiser cette prise en charge.   Abstract Current trends in thoracic drainage after lobectomy: Towards a standardized approach Objectives: To propose a standardized management of thoracic drainage after major lung resection. Methods: We performed a review of recent literature and analysis of publications (prospective and randomized studies, reviews, and relevant monocentric series) on the Pubmed database between 2001 and 2016. The main objective was to develop a strategy for the management of thoracic drainage after major lung resection (excluding pneumonectomy). Results: The following strategies were proposed: (1) promote the use of one chest tube, (2) stop suction on the first post-operative day if no air leak occurs, (3) avoid milking the drain, (4) remove it when the daily quantification of serous liquid does not exceed 400 mL/24 h, (5) perform targeted chest X rays, (6) proceed to under-water seal drainage on the fifth post-operative day in cases of prolonged air leaks, (6) reserve the electronic drainage system for specific indications. Conclusions: Considering the heterogeneous approaches of thoracic drainage after lung resection, we have proposed strategies to standardize management of the procedure.   1. Introduction Bien que le drainage pleural existe depuis le temps d’Hippocrate [1], le premier système de drainage fermé pour le traitement d’un empyème n’a été mis au point par Gotthard Bülau qu’en 1875 [2]. Il a été repris en 1922 par Lilienthal pour la prise en charge postopératoire des patients [3,4] et depuis lors, les techniques de drainage et les systèmes de recueil ont connu de nombreuses modifications et améliorations. Toutefois, il n’existe actuellement aucune approche standardisée de la gestion du drainage thoracique après chirurgie d’exérèse pulmonaire majeure. L’attitude la plus habituelle consiste en la mise en aspiration continue du ou des drains thoraciques puis de leur ablation à l’arrêt du bullage et si le liquide séreux recueilli quotidiennement n’excède pas les 100 mL/24h/drain. Dans la surveillance des patients drainés, la réalisation systématique de radiographie pulmonaire quotidienne reste une pratique répandue [5,6]. Cette attitude est de plus en plus discutée en raison de l’évolution des techniques chirurgicales et d’une permissivité plus grande notamment en termes de recueil journalier des sérosités postopératoires. Une enquête nord-américaine récente, s’intéressant à la gestion du drainage thoracique entre différents groupes de chirurgiens [7], met en évidence des différences significatives dans la prise en charge du drainage thoracique en fonction de l’âge du chirurgien (junior versus senior), de son mode d’exercice (public versus libéral) et de son activité opératoire (< 30 lobectomies par an versus > 75 lobectomies par an). Les chirurgiens juniors ayant une activité opératoire importante n’utilisaient dans cette étude qu’un seul drain retiré rapidement. Par ailleurs, seuls 50 % d’entre eux continuaient à pratiquer une surveillance radiologique quotidienne de leurs patients drainés. Ceci témoigne de l’hétérogénéité et de l’évolutivité des pratiques dans la gestion du drainage thoracique.   2. Objectif L’objectif de ce travail a été d’analyser et de faire une synthèse des différents articles publiés entre 2001 et 2016 sur le drainage thoracique après résection pulmonaire majeure (lobectomies ou segmentectomies, les pneumonectomies étant exclues), afin de déterminer une approche consensuelle répondant à 7 questions pratiques : Combien de drains thoraciques après lobectomie ? Quelle est la place de l’aspiration ? La manipulation (ou traite) du drain en postopératoire est-elle utile ? Quels sont les critères décisionnels pour enlever un drain ? Une radiographie thoracique quotidienne systématique est-elle nécessaire après résection pulmonaire majeure ? La gestion en ambulatoire du drain en cas de bullage prolongé est-elle possible ? Quelle est la place de l’utilisation du système de drainage électronique après lobectomie ?   3. Méthodes Nous avons réalisé une analyse de la littérature à partir de la base de données PubMed en sélectionnant les articles répondant aux critères suivants : travaux publiés entre 2001 et 2016 ; études prospectives, études randomisées, revues de la littérature, séries monocentriques jugées pertinentes ; travaux ayant pour objectif principal la gestion du drainage thoracique après chirurgie d’exérèse pulmonaire majeure, les pneumonectomies étant exclues. Au terme de cette analyse, 41 articles ont été retenus, une synthèse des données de la littérature a été établie et nous avons émis les propositions suivantes.   Tableau récapitulatif. Gestion du drainage thoracique après lobectomie. Problématique Types d’étude Propositions de l’institut mutualiste Montsouris Nombre de drains Tanaka 2014 (11) (RCT) Okur 2009 (10) (RCT) Gómez-Caro 2006 (9) (RCT) Dawson 2010 (12) (Revue de la littérature) Alex 2003 (8) (Série rétrospective)   Un seul drain dans la majorité des cas Aspiration ou siphonnage Lang 2016 (13) (Méta analyse de RCT) Qiu 2013 (19) (Méta analyse de RCT) Coughlin 2012 (20) (Méta analyse de RCT) Deng 2010 (21) (Méta analyse de RCT) Prokakis 2008 (18) (RCT) Brunelli 2005 (17) (RCT) Alphonso 2005 (15) (RCT) Brunelli 2004 (22) (RCT) Marshall 2002 (15) (RCT) Cerfolio 2001 (14) (RCT) Marshall 2002 (22) (RCT) Cerfolio 2001 (21) (RCT) Mise au bocal à J1 (en l’absence de fuite aérique et/ou de pneumothorax) Manipulation du drain Dango 2010 (23) (RCT)   Pas de manipulation du drain Ablation du drain Xie 2015 (25) (RCT) Zhang 2014 (26) (RCT) Olgac 2014 (28) (RCT) Bejerrgaard 2014 (27) (Série prospective) Jiang 2015 (29) (Série rétrospective) Cerfolio 2008 (24) (Série rétrospective)   Si quantité recueillie n’excède pas 400 mL/24h + absence de bullage + liquide séreux Radiographie thoracique systématique Cunningham 2014 (30) (Série rétrospective) Reeb 2013 (31) (Méta analyse) Sepehripour 2012 (33) (Méta analyse) Cerfolio 2011 (32) (Série rétrospective)   En salle de réveil, à la demande, au retrait du drain Bullage prolongé Leo 2013 (37) (RCT) Schmocker 2016 (34) (Série rétrospective) Drahush 2016 (35) (Série rétrospective) Cerfolio 2009 (38) (Série rétrospective) Rice 2002 (36) (Série rétrospective)   Drain au bocal à partir de J5 Possibilité de gestion en ambulatoire au-delà Système de drainage électronique Likendik 2015 (41) (RCT) Gilbert 2015 (42) (RCT) Pompili 2014 (39) (RCT) Afoke 2014 (48) (Méta analyse de RCT) Brunelli 2013 (43) (RCT) Varela 2010 (45) (Revue) Brunelli 2010 (40) (RCT) Filosso 2010 (46) (RCT) Varela 2009 (44) (RCT) Cerfolio 2008 (47) (RCT)   Utilisation réservée pour un drainage prolongé en aspiration   RCT : essai contrôlé randomisé.   4. Discussion     4.1. Combien de drains thoraciques après lobectomie [8-11] L’utilisation de 2 drains thoraciques après lobectomie, l’un antéro-apical pour le drainage de l’air, l’autre postérobasal pour les sérosités, était jusqu’à maintenant de pratique courante. Certaines équipes ont cependant décrit l’utilisation d’un seul drain : ainsi Alex et al. ont publié en 2003 une étude sur 120 patients comparant l’utilisation d’un seul drain thoracique après lobectomie à deux drains. La douleur postopératoire était significativement moindre pour le groupe ayant un seul drain, ainsi que le coût du traitement expliqué par la réduction du nombre d’examens radiologiques [8]. Par la suite, dans une étude randomisée publiée en 2006, Gómez-Caro et al. ont montré que le groupe possédant un seul drain après lobectomie nécessitait moins d’analgésiques que le groupe à deux drains [9]. Dans l’étude d’Okur et al., l’analyse prospective d’une série de 100 patients opérés pour des lobectomies et bilobectomies par thoracotomie montrait l’équivalence de l’utilisation d’un seul drain comparé à deux drains en termes de durée de drainage et d’hospitalisation, et une diminution de la douleur évaluée par le score EVA (échelle visuelle analogique) et mesurée au deuxième jour postopératoire et à la fin de la deuxième semaine postopératoire. Les auteurs ont souligné cependant l’intérêt de l’utilisation de deux drains chez les patients avec lobectomie et pariétectomie ou en cas de risque hémorragique [10]. Plus récemment, Tanaka et al. dans une étude prospective randomisée comparant l’utilisation d’un drain versus deux drains en cas de chirurgie vidéo-assistée n’ont pas mis en évidence de différence significative en termes de réexpansion pulmonaire et de durée de drainage [11]. Les données actuelles de la littérature sont en faveur de l’utilisation d’un seul drain thoracique après lobectomie. Le choix de mettre en place deux drains est néanmoins laissé à l’opérateur, en fonction du geste réalisé (bilobectomie), de la qualité du parenchyme pulmonaire (emphysème) et des conditions locales (suintement hémorragique en fin d’intervention, par exemple).   4.2. Quelle est la place de l’aspiration sur le drain ? [13-22] Les avantages de l’aspiration versus la mise en siphonnage après résection pulmonaire majeure sont discutés. En théorie, la mise en aspiration du drain thoracique assure une apposition des plèvres diminuant ainsi le risque de décollements postopératoires. Cependant, cette pratique pourrait favoriser la persistance de fuites aériennes [13]. Les premières études randomisées publiées depuis 2001 ont montré la supériorité de la mise au bocal, après une brève durée d’aspiration versus une aspiration exclusive sur la durée du bullage [14,15]. A contrario, l’étude randomisée d’Alphonso et al. publiée en 2005 ne montrait pas de différence significative en termes de durée de bullage [16]. Une pratique intermédiaire serait une mise en aspiration de manière discontinue : Brunelli a montré en 2005 que le recours à une aspiration faible à moins de 10 cm H2O la nuit, alternée par la mise au bocal le jour, diminuait la durée de drainage comparativement à la mise au bocal exclusive [17]. En 2008, Prokakis montrait que l’aspiration initiale diminuait l’incidence des décollements apicaux persistants mais sans mettre en évidence de différence significative sur la durée du drainage et la durée d’hospitalisation [18]. Deux méta-analyses récentes, regroupant des études prospectives randomisées réalisées entre 2001 et 2013, ont montré que la mise en aspiration comparée à la mise en siphonnage ne présentait aucun avantage en termes de diminution du bullage, de durée du drainage et d’hospitalisation [13,19]. Il faut toutefois souligner l’hétérogénéité des indications et des pratiques de certaines études intégrées dans ces deux méta-analyses rendant leurs conclusions moins solides : en effet, certaines cohortes mêlaient des interventions de chirurgie pulmonaire majeure (lobectomie ou segmentectomie) à des résections atypiques, voire des patients opérés de pneumothorax. La date de mise en siphonnage était également variable, allant de J0 à J2. Dans une méta-analyse publiée en 2016, 70 % des chirurgiens reconnaissaient utiliser une aspiration sur le drain sans pouvoir justifier cette pratique par des arguments scientifiques [13]. Les données actuelles de la littérature sont en faveur de l’absence d’intérêt d’une aspiration exclusive et de l’innocuité de la mise en siphonnage du drain de façon précoce. Notre proposition est de mettre le drain au bocal à J1 (en l’absence de fuites aériques ou de pneumothorax constaté sur la radiographie postopératoire immédiate). 4.3. La manipulation ou la traite du drain est-elle utile ? [23] La manipulation du drain thoracique afin de mobiliser les caillots et de favoriser le drainage sans obturation du drain est de pratique courante. L’utilité de cette traite du drain peut être remise en question par les résultats d’une étude prospective randomisée qui a montré l’augmentation du volume de sérosités recueillies lors de la manipulation du drain sans différence significative sur la durée du bullage, du drainage et de l’hospitalisation ni de différence sur les taux de la morbimortalité [23]. Les rares données actuelles de la littérature (basées sur une seule étude randomisée) sont en faveur de ne pas traire le drain thoracique après lobectomie. 4.4. Quand réaliser l’ablation du drain ? De quels critères décisionnels disposons-nous ? [24-29] Des critères stricts ont été adoptés antérieurement pour l’ablation du drain: 1) absence de bullage et 2) débit quotidien de sérosités maximum compris entre 100 mL à 250 mL/24h, les auteurs qualifiant de sérosités un liquide non sanglant et non chyleux. Néanmoins plusieurs équipes tolèrent actuellement un débit quotidien plus important sans connaître une augmentation significative du taux de complications ni de réhospitalisation. Ainsi dans l’étude rétrospective de Cerfolio et al., comprenant 2077 résections pulmonaires opérées par thoracotomie, le sous-groupe des 364 patients ayant bénéficié de l’ablation du drain thoracique pour un volume situé entre 250 et 450 mL/24h ont eu des suites simples et une diminution de leur durée moyenne d’hospitalisation, sans majoration des complications ni du taux de réhospitalisation [24]. De même l’étude prospective de Xie et al. portant sur 168 lobectomies et comparant l’ablation du drain pour un volume total < 450 mL/24h versus un volume < 300 mL/24h versus un volume de < 150 mL/24h mettait en évidence une diminution significative de la durée de drainage et d’hospitalisation pour les deux premiers groupes, avec une augmentation des ponctions pleurales pour le groupe < 450 mL/24h sans augmentation du taux de patients nécessitant un drainage itératif [25]. Zhang et al. ont comparé dans une étude prospective randomisée le retrait du drain pour un volume de < 300 mL/24h versus < 100 mL/24h et ont montré une diminution significative de la durée du drainage et d’hospitalisation sans différence en termes de complications postopératoires [26]. Enfin, Bjerregaard, dans une étude prospective portant sur 622 lobectomies et bilobectomies par chirurgie vidéo-assistée, a montré que l’ablation des drains pour un recueil quotidien séreux < 500 mL/24h était associée à un taux minime de réintervention estimée à 2,8 % et qui consistait dans la majorité des cas en la réalisation d’une simple ponction pleurale [27]. D’autres critères en rapport avec la composition chimique du liquide recueilli ont été étudiés pour conforter cette décision. Ainsi l’étude prospective randomisée d’Olgac et al. montrait que le drain peut être retiré en toute sécurité en prenant comme critère d’ablation un ratio appelé PrRP/B (correspondant au dosage des protides dans la plèvre rapporté au dosage des protides dans le sang) et qui doit être inférieur à 0,5 quel que soit le volume de sérosités recueilli [28]. Néanmoins si ce critère biologique est corrélé au volume quotidien drainé, il s’avère que dans cette étude, le ratio PrRP/B était inférieur à 0,5 lorsque le volume avoisinait les 450 mL/24h. Le recours à ce ratio PrRP/B < 0,5 lors de l’ablation du drain thoracique pourrait probablement aider à la prise de décision mais son inconvénient majeur est de multiplier les dosages biologiques. Les données actuelles de la littérature sont en faveur d’une ablation du drain thoracique lorsque le recueil quotidien de liquide pleural séreux n’excède pas 400 mL/24h, sans réalisation de dosage biologique particulier.   4.5. Une radiographie thoracique journalière est-elle nécessaire après résection pulmonaire majeure ? [30-33] La réalisation d’une radiographie thoracique quotidienne de contrôle après résection pulmonaire chez les patients drainés est de pratique courante dans la majorité des équipes. Cette attitude est maintenant discutée. Des études récentes plaident en faveur de la réalisation de radiographies à la demande, c’est-à-dire basée sur l’examen clinique ou la survenue d’un événement imprévu. Ainsi, le travail de Cunningham et al. en chirurgie thoracique pédiatrique comparait 50 enfants ayant eu une radiographie postopératoire immédiate, des radiographies journalières pendant la période du drainage et une dernière imagerie après le retrait du drain à un groupe de 98 enfants ayant bénéficié d’une radiographie uniquement sur signe clinique d’appel (fièvre, hypoxie, emphysème sous-cutané, bullage prolongé) et une radiographie après ablation du drain [30]. Cette étude a montré une diminution de moitié du nombre de radiographies pour le deuxième groupe, sans différence significative du taux de complications et de la durée de drainage. La revue de la littérature de Reeb et al. publiée en 2013 à propos de l’intérêt de la radiographie quotidienne après chirurgie pulmonaire concluait en sa faible valeur diagnostique et thérapeutique. A contrario, la réalisation de radiographies à la demande diminuerait le nombre d’examens radiologiques par patient, sans augmenter les incidents, la durée d’hospitalisation, le taux de réadmission et de mortalité avec une diminution des coûts et de l’irradiation corporelle totale [31]. Cerfolio et al., dans une étude comprenant 1037 résections pulmonaires, ont montré que seuls les patients hypoxiques bénéficiaient d’une radiographie quotidienne [32]. Dans une revue de la littérature publiée en 2012 par Sepehripour analysant l’intérêt de la radiographie après ablation de drain en chirurgie cardiothoracique, le bénéfice de cet examen systématique n’était pas démontré et la symptomatologie clinique était le meilleur critère prédictif de redrainage [33]. En conclusion, la réalisation systématique de radiographie thoracique quotidienne ne semble pas avoir un intérêt. Toutefois il faut noter les limites des études susmentionnées, étant des méta-analyses de chirurgie cardiothoraciques ou des études rétrospectives. Des études prospectives et des essais randomisés s’intéressant particulièrement aux résections pulmonaires majeures sont souhaitables. Les données actuelles de la littérature sont en faveur de radiographies thoraciques ciblées après résection pulmonaire majeure : en salle de réveil, au retrait du drain, en cas d’évolution non attendue : bullage prolongé, emphysème sous-cutané, hypoxie, suspicion d’infection… 4.6. La gestion en ambulatoire du drain en cas de bullage prolongé est-elle possible ? [34-38] La fuite aérienne prolongée définie par un bullage supérieur à 5 jours est la complication la plus fréquente après exérèse pulmonaire majeure [34,35]. En l’absence de conduite thérapeutique codifiée, la gestion du bullage prolongé demeure éclectique. Les études ayant comparé la mise en aspiration versus la mise en siphonnage ont trouvé que cette dernière était supérieure [17,36]. Rice et al. ont souligné l’intérêt de l’arrêt précoce de l’aspiration dans la gestion des fuites d’air persistantes [36]. Néanmoins, Leo et al. dans une étude prospective sur 500 patients ont montré le bénéfice de l’aspiration continue pendant 3 jours, suivie de la mise en siphonnage versus la mise au bocal d’emblée, en termes de diminution de la durée totale de bullage [37]. Par ailleurs, plusieurs études sont en faveur de la sortie du patient à domicile, drain en place, en cas de bullage prolongé [34,36]. Ce type de prise en charge en ambulatoire est considéré comme sûr avec une diminution de la durée d’hospitalisation et du coût de la prise en charge globale sans augmentation de la morbidité. Cerfolio et al., dans une étude comprenant 194 cas de bullage persistant au 4e jour dans une série de 6034 résections pulmonaires, ont montré qu’il était possible de faire sortir les patients drain en place sur un appareil portable. Le drain était retiré en toute sécurité après 14 jours de drainage, si les patients étaient asymptomatiques (ni emphysème sous-cutané, ni majoration du pneumothorax, soit un espace pleural fixé), malgré la persistance du bullage et un décollement stable [38]. Les données actuelles de la littérature sont en faveur de l’arrêt de l’aspiration en cas de bullage prolongé. La gestion en ambulatoire d’un drainage prolongé est envisageable sous réserve d’une prise en charge optimale à domicile. Notre proposition est la mise au bocal à partir du 5e jour en cas de fuites aériennes prolongées.   4.7. Quelle est la place actuelle de l’utilisation du système de drainage électronique après lobectomie ? [39-48] Le système de drainage électronique est un dispositif portable alimenté par une batterie rechargeable, en système fermé. Il élimine la variabilité inter-observateur avec la mesure objective des fuites d’air enregistrée par le système et affichée sur un écran. Il permet également de maintenir la pression intrapleurale initialement prédéfinie par l’utilisateur. Plusieurs études prospectives randomisées ont été publiées ces dernières années plaidant en faveur de l’utilisation du système de drainage électronique [39-40]. L’étude prospective randomisée de Brunelli et al., portant sur 106 lobectomies et comparant un système de drainage électronique à un système « classique », a montré la diminution de la durée du drainage et d’hospitalisation de 0,9 jour en cas de drainage électronique en apportant une diminution des coûts globaux, malgré le prix nettement supérieur du dispositif électronique [40]. L’étude prospective randomisée multicentrique de Pompili et al. portant sur 381 patients ayant eu une lobectomie et/ou une segmentectomie comparait l’utilisation de 191 dispositifs de drainage électronique à 190 dispositifs de recueil traditionnel. Elle a montré une diminution significative de la durée du drainage et d’hospitalisation en cas de drainage électronique avec une satisfaction supérieure du patient et du personnel soignant. Ce système permet en effet une déambulation et une autonomie renforcée du patient [39]. Néanmoins ces résultats sont remis en cause par la publication en 2015 de deux études prospectives randomisées. La première, de Lijkendijk et al., portait sur 105 lobectomies et comparait un système de drainage numérique (Thopaz® Medela AG, Baar, Suisse) au système traditionnellement utilisé (PLEUR-EVAC®) [41]. Aucune différence significative en termes de durée de drainage et d’hospitalisation n’était retrouvée. La deuxième étude de Gilbert et al. comparait l’utilisation d’un dispositif électronique à un dispositif traditionnel sans montrer un avantage du système électronique concernant les durées du drainage et d’hospitalisation, ceci même pour les patients présentant un bullage prolongé [42]. Enfin l’étude prospective randomisée de Brunelli et al. de 2013 réalisée chez 100 patients opérés de lobectomie et portant sur l’intérêt du maintien d’une pression intrathoracique prédéfinie, que le patient soit en aspiration ou en siphonnage, n’a montré aucun bénéfice du système électronique [43]. Si l’avantage reconnu du système électronique est l’autonomisation précoce du patient par l’amélioration de sa capacité de déambulation [39], les recommandations actuelles de mise au bocal précoce du drain dès J1 réduisent l’intérêt du système électronique. Enfin l’utilisation d’un dispositif de drainage électronique est également discutable au vu de l’évolution et de la rapidité du retrait du drain dans certaines équipes de chirurgie thoracique. Les  données actuelles de la littérature sont en faveur du système électronique en termes d’autonomisation du patient. Mais dans la perspective d’une mise du drain précocement en siphonnage (question 2), nous proposons l’utilisation d’un système de drainage électronique pour les patients nécessitant une mise en aspiration prolongée, au-delà de J5.   5. Conclusion Les modalités du drainage thoracique après chirurgie d’exérèse pulmonaire ne sont pas consensuelles. Il nous a semblé utile de définir une approche plus standardisée s’appuyant sur des études récentes qui s’éloignent parfois des habitudes d’équipe.   Références Chadwich J, Mann W. H. The medical works of Hippocrates. Charles C Thomas, Springfield 1950. Meyer JA. Gotthard Bülau and closed water-seal drainage for empyema, 1875-1891. 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juin 2, 2017
Chirurgie cardiaque · Vol. 21 Juin 2017

Résultats du remplacement valvulaire aortique isolé chez l’octogénaire : évaluation monocentrique périopératoire sur 769 patients entre 2002 et 2014

Basile Marie1, Thomas Sénage1, Philippe Lacoste1, Sabine Pattier1, Magali Michel1, Ousama Al Habash1, Christian Périgaud1, Antoine Mugniot1, Bertrand Rozec2, Jean-Christian Roussel1* 1. Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU de Nantes, France. 2. Département d’anesthésiologie, CHU de Nantes, France. *Correspondance : jeanchristian.roussel@chu-nantes.fr DOI : 10.24399/JCTCV21-2-MAR Citation : Marie B, Sénage T, Lacoste P, Pattier S, Michel M, Al Habash O, Périgaud C, Mugniot A, Rozex B, Roussel JC. Résultats du remplacement valvulaire aortique isolé chez l’octogénaire : évaluation monocentrique périopératoire sur 769 patients entre 2002 et 2014. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-MAR   Résumé Objectif : évaluer la morbimortalité hospitalière du remplacement valvulaire aortique (RVA) isolé dans une population d’octogénaires opérée entre 2002 et 2014. Méthodes : Sept cent soixante-neuf octogénaires de sexe masculin dans 46,4 % des cas (n = 357), d’un âge moyen de 82,7 ± 2,4 [80-94,4] ans ont été opérés d’un RVA biologique isolé dans un même centre. L’indication opératoire était un rétrécissement valvulaire aortique serré dans 79,3 % des cas (n = 610). Les chirurgies redux étaient exclues. Résultats : La mortalité hospitalière a été de 1,95 % (n = 15) pour un EuroSCORE 2 moyen de 2,7 ± 3 [0,9-41,2]. La durée d’hospitalisation en réanimation était de 3,1 ± 4,5 jours pour un séjour global de 13,5 ± 7,9 jours. Les principales complications postopératoires étaient la transfusion sanguine (62,5 %), l’insuffisance rénale (15,6 %) nécessitant une dialyse dans 2,7 % des cas, des fuites paraprothétiques (1 à 2/4) (3,4 %), une ventilation prolongée (> 48h) (2,9 %), l’implantation d’un pacemaker (1,4 %), un accident vasculaire cérébral (1,2%), une médiastinite (0,5 %). En analyse multivariée, les facteurs de risque de mortalité hospitalière étaient le choc cardiogénique préopératoire (OR = 34,8 [4,2-215,9]) et le BMI > 30 (OR 4.5 [1,3-16,2]). Conclusion : le remplacement valvulaire aortique isolé chez l’octogénaire est une chirurgie sûre, présentant une très faible morbimortalité et dont les sujets à risque sont bien identifiés. Abstract Outcomes of isolated aortic valve replacement in a monocentric cohort of 769 octogenarians between 2002 and 2014 Objective: To assess hospital morbi-mortality of isolated aortic valve replacement (AVR) in a monocentric cohort of octogenarians. Methods: Between 2002 and 2014, 769 octogenarian patients, male in 46.4% (n=357), with a mean age of 82.7±2.4 years [range: 80–94.4], underwent isolated AVR with implantation of a biological valvular prosthesis in our center. The main surgical indication was aortic stenosis in 79.3% of patients. Patients who underwent redo surgeries were excluded from the study. Results: The hospital mortality rate was 1.95% (n=15) with a Euroscore 2 average of 2.7±3 [range: 0.9–41.2]. Mean intensive care unit stay was 3.1 ±4.5 days with a total hospital stay of 13.5±7.9 days. The main postoperative complications included blood transfusion (62.5%), renal failure (15.6%) requiring dialysis in 2.7 % of the cases, para-prosthesis aortic insufficiency (1 to 2/4) (3.4%), prolonged artificial ventilation (>48h) (2.9%), pace-maker implantation (1.4%), stroke (1.2%) and mediastinitis (0.5%). Multivariate predictors of hospital mortality were cardiogenic shock (OR=34.8 [4.2–215.9]), and a BMI greater than 30 (OR 4.5 [1.3–16.2]). Conclusion: Currently, aortic valve replacement in octogenarians is a reliable surgery with a low hospital morbi-mortality rate. It also provides effective identification of patients at risk.   1. Introduction Les octogénaires constituent une population particulière en chirurgie, notamment en chirurgie cardiaque [1] en raison de leur fragilité et de comorbidités plus fréquentes. Malgré tout, les résultats du remplacement valvulaire aortique (RVA) chirurgical après 80 ans continuent de s’améliorer [2]. Même si les résultats à long terme restent à démontrer, l’essor du TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation) bouleverse actuellement les indications opératoires chez un nombre important de patients à haut risque chirurgical [3,4]. L’incidence élevée du rétrécissement valvulaire aortique dans une population occidentale vieillissante [5] et l’émergence de ces nouvelles technologies constituent autant de nouveaux enjeux dans la prise en charge des octogénaires porteurs d’une valvulopathie aortique. L’évaluation des risques opératoires pour cette sous-population de patients âgés est maintenant primordiale dans la discussion de leur prise en charge [6-9], surtout depuis la publication récente d’études comparant le TAVI et la chirurgie pour des patients à risque modéré [10]. Dans un avenir proche, les patients octogénaires porteurs d’une sténose aortique seront probablement dirigés en première intention vers un programme TAVI. D’où l’importance d’évaluer les complications postopératoires du remplacement valvulaire aortique actuel, notamment sur le plan neurologique et rythmologique. L’objectif de cette étude rétrospective monocentrique était d’évaluer la morbimortalité hospitalière du RVA isolé chez l’octogénaire, et d’identifier les facteurs de risque de mortalité précoce.   2. Patients et méthodes   2.1. Patients Entre janvier 2002 et décembre 2014, 769 patients octogénaires ont été opérés consécutivement d’un remplacement valvulaire aortique isolé avec implantation d’une bioprothèse dans le service de chirurgie cardiaque du centre hospitalier universitaire de Nantes. Les patients opérés d’un remplacement du culot aortique (intervention type Bentall), de la crosse aortique ainsi que de tout autre geste associé ont été exclus de notre étude. De même, les interventions redux n’ont pas été incluses dans notre cohorte. Durant la même période, 555 patients octogénaires ont été opérés d’un remplacement valvulaire aortique associé à une revascularisation myocardique chirurgicale (moyenne 1,7 pontage par patient).   2.2. Gestes opératoires Les techniques opératoires, le choix de la cardioplégie ainsi que le modèle de la bioprothèse implantée étaient laissés à la discrétion de l’opérateur. Tous les patients ont bénéficié d’un abord chirurgical classique par sternotomie médiane. Il n’a pas été réalisé de voies mini-invasives. La cardioplégie était antérograde ou rétrograde, soit au sang répétée à 20 minutes d’intervalle, soit au cristalloïde répétée à 30 minutes d’intervalle. Les valves étaient implantées par trois surjets de Prolène 2-0. Un contrôle échocardiographique postopératoire était systématiquement réalisé avant la sortie du patient. Un traitement anticoagulant à dose curative pendant la durée de l’hospitalisation a été réalisé pour l’ensemble de la cohorte. Les données cliniques et paracliniques ont été enregistrées rétrospectivement puis prospectivement dans une base de données informatisée utilisée dans le service de chirurgie cardiaque (CordaBase, autorisation CNIL n° 910300) depuis 2009. La morbimortalité a été analysée en respectant les recommandations de l’AATS-STS-EACTS [11]. La mortalité décrite dans cette étude est celle observée à la fin du séjour hospitalier. L’étude a été menée dans le respect de la législation des études cliniques.   2.3. Caractéristiques L’âge moyen des patients de cette étude était de 82,7 ± 2,4 [80,0-94,4] ans, 16,9 % (n = 130) des patients avaient plus de 85 ans et 46,4 % (n = 357) étaient de sexe masculin. L’indication de la chirurgie était un rétrécissement valvulaire aortique dans 79,3 % des cas et 29,1 % (n = 256) des patients présentaient une dyspnée stade III ou IV de la NYHA. Les caractéristiques préopératoires cliniques et échographiques de cette population sont précisées dans les tableaux 1 et 2. Les bioprothèses implantées étaient principalement la valve Mitroflow (Sorin S.p.A., Milan, Italie) (31,5 % ; n = 242), la valve Magna Ease (Edwards Lifesciences, Irvine, États-Unis) (24,4 % ; n = 188) et la valve Carpentier Edwards Perimount (Edwards Lifesciences, Irvine, États-Unis) (23,7 % ; n = 182), les autres modèles représentant 20,4 % des implantations (n = 158). Nous n’avons pas implanté de valve type sutureless lors de cette période. La répartition des tailles de prothèse était la suivante : 19 mm (14,6 %), 21 mm (38,5 %), 23 mm (30 %), 25 mm (14 %) et 27 mm (2,3 %). Les temps moyens de circulation extracorporelle et de clampage aortique ont été respectivement de 67 ± 18 min et 51 ± 14 min. La cardioplégie était réalisée au sang chaud dans 81,1 % des cas (n = 624), et de façon antérograde dans 95,8 % des cas (n = 737). Tableau 1. Caractéristiques démographiques préopératoires de la cohorte d’octogénaires et leurs influences sur la mortalité observée. Âge ≥ 80 ans (n = 769) n % p Âge (années) 82,7 ± 2,4 [80,0-94,4] ns Sexe féminin 412 53,6 ns Surface corporelle 1,7 ± 0,2 [1,2-2,4] 0,064 Indice de masse corporelle 26,6 ± 4,3 [15,4-45,3] 0,063 Insuffisance aortique isolée 14 1,8 ns Maladie aortique 81 10,5 ns Endocardite active 4 0,5 ns NYHA III ou IV 224 29,1 ns Syncope 76 9,9 ns Antécédents familiaux 39 5,1 ns Hypertension artérielle 499 64,9 ns Diabète 114 14,8 ns Dyslipidémie 311 40,4 ns Obésité 166 21,6 ns Tabac 119 15,5 ns Insuffisance respiratoire (VEMS < 50 %) 13 1,7 ns BPCO 43 5,6 ns SAS 12 1,6 ns AOMI 59 7,7 ns Néoplasie 42 5,5 ns Insuffisance rénale 64 8,3 0,03 Dialyse 1 0,1 ns AVC 23 3 ns Sténose carotidienne > 50 % 24 3,1 ns Infarctus du myocarde 21 2,7 ns Statut programmé 600 78 ns Statut pressé 109 14,2 ns Statut urgent 31 4 ns Choc cardiogénique préopératoire 7 0,9 0,007 Intubation préopératoire 1 0,1 ns OAP préopératoire 79 10,3 ns Fibrillation auriculaire 115 15 ns Log EuroSCORE 10,5 ± 6,6 [5,5-67,9] ns EuroSCORE 2 2,7 ± 2,96 [0,9-41,2] ns La colonne de droite affiche l’analyse statistique univariée de l’effet de chaque facteur sur le décès hospitalier. NYHA : New York Heart Association ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; SAS : syndrome d’apnée du sommeil ; AOMI : artériopathie oblitérante des membres inférieurs ; AVC : accident vasculaire cérébral ; OAP : œdème aigu pulmonaire.   Tableau 2. Paramètres échographiques préopératoires de la cohorte. n % p Fraction d’éjection du VG (FEVG) 60,1 ± 10 [25-85]   ns FEVG < 50 % 110 14,3 % ns FEVG < 30 % 11 1,43 % - PAPS > 60 mmHg 19 2,5 % ns Surface Aortique 0,66 ± 0,17 [0,25-2,25]   ns Gradient aortique moyen 54,9 ± 15,1 [16-105]   ns Insuffisance Aortique > 2 95 12,4 % ns La colonne de droite affiche l’analyse statistique univariée de l’effet de chaque facteur sur le décès hospitalier. FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; PAPS : pression artérielle pulmonaire systolique.   2.4. Statistiques Les données quantitatives sont exprimées en moyenne ± écart type. Des tests non paramétriques (test exact de Fisher et test de Mann-Whitney) ou paramétriques (test de Student et du Chi2) ont été utilisés selon les données comparées. Un p < 0,05 a été considéré comme significatif (test bilatéral). Une analyse multivariée par régression logistique a été réalisée selon un algorithme pas à pas descendant en ayant comme seuil d’entrée un p < 0,20, afin de rechercher des facteurs indépendants de mortalité périopératoire. La calibration du modèle a été vérifiée (test de Hosmer-Lemeshow). Les facteurs suivants ont été testés comme facteurs de risque de mortalité : l’âge, le sexe, la surface corporelle, le BMI, l’insuffisance aortique, la présence d’une endocardite active, un statut NYHA III ou IV, la survenue de syncopes préopératoires, les antécédents familiaux de RVA, l’hypertension artérielle, le diabète, la dyslipidémie, l’obésité, le tabac, l’insuffisance respiratoire, le statut BPCO, la présence d’un syndrome d’apnée du sommeil, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs, l’antécédent de néoplasie, l’insuffisance rénale, la dialyse préopératoire, l’antécédent d’AVC, l’association d’une sténose carotidienne > 50 %, l’antécédent d’infarctus du myocarde, le degré d’urgence de la chirurgie, la présence d’un choc cardiogénique ou d’un OAP préopératoire, la fibrillation auriculaire préopératoire, le Log EuroSCORE et l’EuroSCORE 2.   3. Résultats Cette cohorte d’octogénaires a été marquée par une mortalité hospitalière de 1,95 % (n = 15), contre 2,67 % prévue par l’EuroSCORE 2. Les principales causes de mortalité hospitalières sont représentées dans le tableau 3 et étaient dominées par la défaillance multiviscérale et les causes cardiaques. En analyse univariée, les principaux facteurs de risque préopératoires de mortalité étaient l’insuffisance rénale et le choc cardiogénique [tableau 1]. Le caractère urgent de la chirurgie, le terrain respiratoire ou la notion de rétrécissement aortique syncopal n’étaient en revanche pas associés, dans notre cohorte, à une augmentation significative de la mortalité après RVA isolé chez les patients de plus de 80 ans. Les données échographiques préopératoires, notamment la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG), n’étaient pas non plus associées à une augmentation de la mortalité hospitalière [tableau 2]. Les facteurs de risque de mortalité hospitalière significatifs en analyse multivariée sont représentés dans le tableau 4.   Tableau 3. Causes des décès hospitaliers des octogénaires opérés d’un RVA biologique isolé entre 2002 et 2014 au CHU de Nantes Cause de décès n % Défaillance multiviscérale 4 26,7 % Mort subite 3 20,0 % Choc cardiogénique 2 13,3 % SDRA 2 13,3 % Sevrage CEC impossible 2 13,3 % Tamponnade 1 6,7 % Sepsis 1 6,7 % Total 15 100,0 % SDRA : syndrome de détresse respiratoire aiguë ; CEC : circulation extracorporelle   Tableau 4. Facteurs de risque significatifs de mortalité hospitalière en analyse multivariée OR 95 % CI Choc cardiogénique préopératoire 34,8 4,2-215,9 IMC > 30 vs IMC entre 20-30 4,5 1,3-16,2 IMC : Indice de masse corporelle.   De janvier 2002 à décembre 2014, les octogénaires ont représenté 27% (n = 769) de l’ensemble de l’activité chirurgicale du RVA biologique isolé dans notre centre (n = 2843). Le nombre d’octogénaires a progressivement augmenté pour atteindre environ 70 patients par an depuis 2009. Cependant la proportion des octogénaires par rapport à la cohorte globale de patients opérés d’un RVA biologique isolé n’a que légèrement augmenté au cours de cette même période (30,4 % en 2014 contre 22,3 % en 2002). La durée moyenne de séjour hospitalier était de 13,5 ± 7,9 jours (médiane 11 jours) dont 3,1 ± 4,5 jours (médiane = 1 jour) en réanimation. L’ensemble des paramètres interventionnels et postopératoires sont représentés dans le tableau 5. Par ordre de fréquence les principales complications postopératoires observées dans notre cohorte d’octogénaires sont la transfusion (62,5 %, n = 481), la défaillance rénale postopératoire (15,6 %, n = 120) (mais avec seulement 2,7 % de dialyse) et le passage en fibrillation auriculaire (15,5 %, n = 119). Une fuite paraprothétique (1 à 2/4) a été retrouvée chez 3,4 % des patients et la durée de ventilation a été supérieure à 48h dans 2,9 % des cas. L’implantation d’un pacemaker a été nécessaire pour 1,4 % des patients, et 1,2 % a présenté un accident vasculaire cérébral. Une médiastinite n’a été retrouvée que chez 0,5 % des malades (n = 4). Tableau 5. Paramètres interventionnels et postopératoires de la cohorte de patients octogénaires. Âge > 80 ans (n = 769) Nb % Durée CEC (min) 67,1 ± 18,3 [32-190] Durée de clampage aortique (min) 50,8 ± 14,3 [23-157] Cardioplégie au sang 624 81,1 % Sortie CEC sous inotropes 67 8,7 % Sortie CEC sous inotropes (> 2) 13 1,7 % Passage en fibrillation auriculaire 119 15,5 % Pose de pacemaker 11 1,4 % Support inotropique en réanimation 109 14,2 % Durée de ventilation 10,4 ± 41,8h [0-600] ; médiane 5h Ventilation prolongée > 48h 22 2,9 % Défaillance rénale 120 15,6 % Dialyse 21 2,7 % Reprise opératoire 31 4,0 % Fuites paraprothétiques (1 à 2/4) 26 3,4 % Reprise pour saignement 16 2,1 % Infection (toutes confondues) 33 4,3 % Médiastinite 4 0,5 % AVC 9 1,2 % Transfusion 481 62,5 % Durée de séjour en réanimation 3,1 ± 4,5 [0-37] ; médiane 1 jour Durée de séjour hospitalière (jours) 13,5 ± 7,9 j [6-112] ; médiane 11 j Décès hospitalier 15 1,95% AVC : accident vasculaire cérébral.   Durant la période de notre étude, l’évolution du Log EuroSCORE et de l’EuroSCORE 2 moyen dans cette population d’octogénaires est restée relativement stable [figure 1]. Avec un faible nombre d’événements, la mortalité hospitalière de notre cohorte d’octogénaires a été globalement stable entre 2002 et 2014 [figure 1]. Le tableau 6 représente la mortalité observée et prédite en fonction de trois sous-groupes (EuroSCORE < 10 % ; 10 % < EuroSCORE < 20 % ; EuroSCORE > 20 %). La mortalité prédite avec le Log EuroSCORE était systématiquement supérieure à celle observée, alors que l’EuroSCORE 2 estimait cette dernière de façon plus précise.   [caption id="attachment_3690" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Évolution de la mortalité des patients de la cohorte en fonction des années (comparaison de la mortalité annuelle observée avec le Log EuroSCORE et l’EuroSCORE 2 entre 2002 et 2014).[/caption]   Tableau 6. Mortalité observée et prédite, en fonction de 3 sous-groupes de Log EuroSCORE de la cohorte de 769 octogénaires opérés d’un RVA biologique iso. n Mortalité prédite Log EuroSCORE Mortalité prédite EuroSCORE 2 Mortalité observée Log EuroSCORE < 10 % 494 7,67 ± 1,20 1,93 ± 1,10 2,02 % (n = 10) 10 % < Log EuroSCORE < 20 % 232 12,86 ± 2,64 3,22 ± 1,81 1,29 % (n = 3) Log EuroSCORE > 20 % 43 31,81 ± 12,06 8,25 ± 9,40 4,65 % (n = 2) 769 10,59 ± 6,57 2,67 ± 2,96 1,95 % (n = 15)     4. Discussion Avec une mortalité hospitalière de 1,95 %, notre série confirme que la chirurgie valvulaire aortique conventionnelle chez l’octogénaire est une chirurgie sûre, adaptée à la prise en charge de cette pathologie dans ce sous-groupe de population. Cette faible mortalité hospitalière est bien entendue multifactorielle avec en premier lieu, une meilleure prise en charge périopératoire et une meilleure sélection des patients octogénaires. La littérature montre d’ailleurs qu’une sélection rigoureuse des patients permet aux octogénaires d’avoir une mortalité hospitalière équivalente à celle des non-octogénaires après RVA biologique isolé [12]. Ainsi, avec une durée médiane de ventilation de 5 heures et seulement 3 % de ventilation prolongée, le taux de complications respiratoires graves a été très faible dans notre étude, probablement prévenues lors de la sélection des patients avec seulement 5,6 % (n = 43) des patients présentant une bronchite chronique sévère et 1,7 % (n = 13) un VEMS altéré en préopératoire [tableau 1]. Les scores de mortalité actuellement disponibles, comme l’EuroSCORE 2, sont cependant peu discriminants dans la prédiction du risque de mortalité au niveau individuel [13], alors que la mortalité globale semble mieux estimée. L’EuroSCORE 2 donnait ainsi une meilleure estimation du taux de mortalité de notre cohorte de sujets octogénaires [figure 1] que le Log EuroSCORE, bien qu’il surestimait encore le risque individuel de décès [figure 2]. [caption id="attachment_3691" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Mortalité observée comparée à la mortalité prédite selon chaque EuroSCORE, estimée à l’échelle individuelle.[/caption] Malgré un faible nombre d’événements, notre travail a mis en évidence des facteurs de risque significatifs de mortalité hospitalière. En analyse multivariée, le choc cardiogénique préopératoire ainsi que le BMI supérieur à 30 kg/m² comparé au BMI compris entre 20 et 30 kg/m² semblaient significativement augmenter le risque de mortalité hospitalière. Ce dernier résultat va à l’encontre du paradoxe décrit par certaines études [14] sur un éventuel effet protecteur de l’obésité sur la morbimortalité hospitalière en chirurgie cardiaque. Dans l’étude de Stamou et al. [14], les patients obèses étaient cependant significativement plus jeunes que les patients à BMI normal, expliquant peut-être la perte de l’effet protecteur de l’obésité dans une cohorte de sujets plus âgés comme la nôtre. Les causes de décès postopératoires, dominées par la défaillance multiviscérale et les causes cardiaques (choc cardiogénique et troubles du rythme essentiellement), rappellent la fragilité du terrain de cette population. L’ischémie digestive liée à un bas débit cardiaque ou d’origine thromboembolique, décrite dans la littérature comme potentiellement dramatiques chez des patients octogénaires [15] ne semble pas avoir affectée notre cohorte de patients. Face à l’essor incontestable et logique du TAVI, les risques du remplacement valvulaire aortique chez l’octogénaire doivent donc être parfaitement évalués et encore améliorés. Les techniques de chirurgie valvulaire aortique mini-invasives (mini-thoracotomie antérieure droite, mini-sternotomie) sont particulièrement séduisantes, notamment chez ces patients fragiles. En dehors d’un point de vue strictement esthétique, elles limitent les perturbations thoraciques mécaniques pouvant influencer la dynamique respiratoire, et contribuent à une reprise d’autonomie plus précoce, paramètre primordial chez les patients les plus âgés. Elles présentent cependant l’inconvénient d’une réalisation technique plus difficile avec une réelle courbe d’apprentissage. Les valves sutureless récemment développées pourraient trouver ici toute leur application. Même si aujourd’hui les indications du TAVI sont encore réservées aux patients à haut risque chirurgical ou récusés pour une chirurgie, les études cliniques comparatives entre la chirurgie et le TAVI ainsi que les améliorations techniques récentes (valves Sapien III, CoreValve Evolut R…) vont probablement faire basculer les valves percutanées en techniques de première intention chez l’octogénaire. Il est cependant important de rappeler les faibles taux d’implantation de pacemaker (1,4 %) et de fuites paraprothétiques (3,4 %) dans notre série de patients sélectionnés, qui restent des complications relativement fréquentes après les procédures TAVI. En effet, le taux d’implantation de pacemaker est multiplié par 4 dans les registres français et anglais [4,16] par rapport à la chirurgie et concerne même 24,2 % des patients implantés avec une CoreValve. Les fuites paraprothétiques post-TAVI sont également fréquentes et détectées chez plus de 60 % des patients [16], avec un risque de surmortalité démontré à moyen terme [16]. Les complications neurologiques à type d’AVC semblent également non négligeables avec une incidence à 30 jours atteignant 3 à 4 % des patients en post-TAVI [4,16]. Ces complications sont d’autant plus préoccupantes qu’elles sont directement liées à la technique et moins dépendantes du terrain et de la gravité du patient. De ce fait, les améliorations techniques apportées avec les modèles plus récents de valves percutanées, comme la prothèse Sapien III [17] qui est dotée d’une collerette périprothétique ou la prothèse Evolute R qui est repositionnable, permettront probablement un meilleur contrôle des complications post-TAVI.   5. Conclusion Cette étude confirme les excellents résultats du remplacement valvulaire aortique conventionnel chez l’octogénaire et rappelle que la chirurgie présente une faible morbimortalité hospitalière chez des patients sélectionnés. L’EuroSCORE 2 semble permettre une meilleure estimation du taux moyen de mortalité. Cependant, il demeure encore incapable de prédire de manière fiable le risque individuel de mortalité hospitalière du sujet octogénaire. Références Krane M, Voss B, Hiebinger A, Deutsch MA, Wottke M, Hapfelmeier A et al. Twenty years of cardiac surgery in patients aged 80 years and older: risks and benefits. The Annals of thoracic surgery 2011;91(2):506-13. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2010.10.041 PMid:21256302 Vasques F, Messori A, Lucenteforte E, Biancari F. Immediate and late outcome of patients aged 80 years and older undergoing isolated aortic valve replacement: a systematic review and meta-analysis of 48 studies. 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The Annals of Thoracic Surgery 2007;83(5):1651-6; discussion 6-7. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2006.09.068 PMid:17462374 Leon MB, Smith CR, Mack MJ, Makkar RR, Svensson LG, Kodali SK et al. Transcatheter or Surgical Aortic-Valve Replacement in Intermediate-Risk Patients. The New England Journal of Medicine 2016;374(17):1609-20. https://doi.org/10.1056/NEJMoa1514616 PMid:27040324 Akins CW, Miller DC, Turina MI, Kouchoukos NT, Blackstone EH, Grunkemeier GL et al. Guidelines for reporting mortality and morbidity after cardiac valve interventions. European Journal of Cardio-Thoracic Surgery: Official Journal of the European Association for Cardio-thoracic Surgery 2008;33(4):523-8. https://doi.org/10.1016/j.ejcts.2007.12.055 PMid:18313319 Saxena A, Poh CL, Dinh DT, Smith JA, Shardey GC, Newcomb AE. Early and late outcomes after isolated aortic valve replacement in octogenarians: an Australasian Society of Cardiac and Thoracic Surgeons Cardiac Surgery Database Study. 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juin 2, 2017
Cas clinique · Vol. 21 Juin 2017

Les tumeurs neuroblastiques du médiastin de l’adulte : à propos de 2 cas

Ibrahim Issoufou1*, Layla Belliraj1, Sani Rabiou1, Fatmazahra Ammor1, Hicham Harmouchi1, Marouane Lakranbi1, Rachid Sani2,3, Yassine Ouadnouni1˒4, Mohamed Smahi1 Service de chirurgie thoracique, CHU Hassan II, Fès, Maroc. Service de chirurgie générale, HNN, Niamey, Niger. Faculté des sciences de la santé, université Abdou Moumouni, Niamey, Niger. Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, faculté de médecine et de pharmacie, Fès, Maroc. ⃰ Correspondance : alzoumib84@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV21-2-ISS Citation : Issoufou I, Belliraj L, Rabiou S, Ammor F, Harmouchi H, Lakranbi M, Sani R, Ouadnouni Y, Smahi M. Les tumeurs neuroblastiques du médiastin de l’adulte : à propos de 2 cas. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-ISS Résumé Les tumeurs des ganglions du système nerveux autonome sont des tumeurs essentiellement de l’enfant. Il s’agit du ganglioneurome, du ganglioneuroblastome et du neuroblastome. Ce dernier constitue la forme la plus maligne et sa prise en charge n’est pas encore codifiée. Chez l’adulte, ils restent exceptionnels. À travers deux observations de ganglioneurome et de neuroblastome, nous décrirons les variétés cliniques et paracliniques de ces tumeurs ainsi que les possibilités thérapeutiques et le pronostic de ces entités rares de l’adulte.   Abstract Neuroblastic tumors of the mediastinum in adults: a review of two cases Tumors of the ganglia of the autonomic nervous system are usually found in adolescents, and include ganglioneuroma, ganglioneuroblastoma and neuroblastoma. The latter is the most malignant and its management has not been codified. Neuroblastomas are relatively uncommon in adults. By observing single cases of ganglioneuroma and neuroblastoma, we describe the clinical and paraclinic types of these tumors, and therapeutic possibilities and prognosis. 1. Introduction Les tumeurs des ganglions du système nerveux autonome sont des tumeurs essentiellement de l’enfant [1]. Le Pediatric Oncology Group (POG) en distingue 3 types constituant un continuum anatomopathologique. Il s’agit du ganglioneurome, du ganglioneuroblastome et du neuroblastome [2]. Leur pronostic varie en fonction de la composition de la tumeur en cellules matures et de leurs degrés de différenciation. Le neuroblastome constitue la forme la plus maligne et sa prise en charge n’est pas encore codifiée. Chez l’adulte, ils restent exceptionnels. À travers deux observations de ganglioneurome et de neuroblastome, nous décrirons les variétés cliniques et paracliniques de ces tumeurs ainsi que les possibilités thérapeutiques et le pronostic de ces entités rares de l’adulte.   2. Observation 1 Patient de 41 ans sans antécédent notable consultant pour une symptomatologie évoluant depuis 6 mois associant dyspnée stade Sadoul I et douleurs thoraciques. Le patient est en bon état général. Une opacité paratrachéale cervicothoracique ronde et bien limitée est visualisée sur la radiographie thoracique [figure 1]. Il n’y avait pas de lyse costale, ni d’épanchement pleural homolatéral, ni d’ascension de la coupole diaphragmatique droite.   [caption id="attachment_3696" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Opacité paratrachéale droite arrondie avec signe cervicothoracique positif.[/caption]   [caption id="attachment_3697" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Masse extraparenchymateuse de la gouttière costovertébrale mesurant 8,5 x 5 x 3,5 cm.[/caption] Une masse extrapleurale de densité liquidienne sans rehaussement après injection de produit de contraste située dans la gouttière costovertébrale de T2 à T4 (8,5 x 5 x 3,5 cm) est visualisée sur la tomodensitométrie [figure 2]. Une IRM [figure 3] réalisée a montré une lésion tissulaire sans extension au canal rachidien.   [caption id="attachment_3698" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Lésion tissulaire sans extension au canal rachidien.[/caption]   Le diagnostic d’une tumeur nerveuse du médiastin postérieur a été retenu. Une thoracotomie postérolatérale droite à travers le 5e espace intercostal et conservatrice du muscle grand dorsal a été réalisée. L’exploration a trouvé une tumeur médiastinale postérieure aux dépens de la chaîne sympathique thoracique. Une exérèse tumorale complète a été réalisée. Les résultats anatomopathologiques sont en faveur d’un ganglioneurome. Il s’agissait d’une prolifération tumorale bien limitée par endroit par une capsule fibreuse. Elle était faite de cellules fusiformes disposées en faisceaux courts entrecroisés, leurs noyaux étaient fusiformes d’aspect sinueux et formaient parfois des aspects palissadiques. Il s’y associait des cellules ganglionnaires de grande taille au cytoplasme abondant éosinophile, au noyau central régulier avec nucléole proéminent d’aspect caractéristique. Les suites opératoires étaient simples, le patient était sorti à J+4. Le suivi pendant 20 mois n’avait pas objectivé de récidive ni de métastase.   3. Observation 2 Un patient de 28 ans, sans antécédents pathologiques notables, consultait pour des douleurs thoraciques droites isolées évoluant depuis 2 semaines. La radiographie thoracique [figure 4] montrait une volumineuse opacité occupant la presque totalité de l’hémichamp thoracique droit de contours nets, sans épanchement pleural ni lyse costal en regard. La TDM thoracique [figure 5] a mis en évidence une volumineuse tumeur de la gouttière costovertébrale droite calcifiée, refoulant le poumon et les structures médiastinales sans les envahir, et une composante à développement extrathoracique. Il n’y avait pas d’adénopathies médiastinales.   [caption id="attachment_3699" align="aligncenter" width="276"] Figure 4. Opacité occupant la presque totalité de l’hémichamp thoracique droit.[/caption]   [caption id="attachment_3700" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Volumineuse masse de la gouttière costovertébrale droite calcifiée refoulant le poumon et les structures médiastinales sans les envahir, associée à une composante exothoracique.[/caption]   Un bilan d’extension comprenant une TDM cérébrale, abdominale et pelvienne était réalisé mais n’a pas objectivé de localisation secondaire. La décision d’une exérèse chirurgicale a été retenue. Une thoracotomie postérolatérale droite passant par la 5e côte réséquée a été réalisée. L’exploration trouvait une volumineuse tumeur de la gouttière costovertébrale refoulant le poumon en avant sans l’envahir, à point de départ intercostal, associée à une seconde tumeur à développement endo et extrathoracique au travers du 7e espace intercostal. Une exérèse complète de la volumineuse tumeur a été réalisée mais persistait un doute sur un prolongement endocanalaire à travers le trou de conjugaison de T7 repéré aux clips radio-opaques. Une deuxième exérèse complète de l’extension exothoracique a été réalisée emportant l’arc postérieur de la 7e cote et l’espace intercostal correspondant. L’exploration trouvait en outre des nerfs intercostaux hypertrophiés. Les résultats anatomopathologiques sont en faveur d’un neuroblastome. Il s’agissait d’une prolifération tumorale bien limitée par une capsule fibreuse. Les cellules tumorales sont arrondies, à cytoplasme peu abondant et à noyau arrondi, hyperchromatique et un nucléole peu visible. Dans certains foyers on notait la présence de cellules ganglionnaires. Il s’y associe une composante schwanienne ne dépassant pas 30 % de l’ensemble de la surface tumorale. Des remaniements hémorragiques, nécrotiques et calciques sont également notés. À l’immunohistochimie, les cellules tumorales exprimaient les anticorps neuroendocrines, à savoir l’anticorps anti-CD56, antisynaptophysine et antichromogranine. Le tissu osseux était indemne de toute prolifération tumorale. Une scintigraphie osseuse au technétium 99 et une IRM médullaire ont été réalisées en postopératoire. L’IRM montrait un prolongement endocanalaire, tandis que la scintigraphie osseuse a montré une hyperfixation intense intéressant le corps vertébral de D8 évoquant une métastase. Une biopsie osseuse sur D8 a ainsi été réalisée. Les résultats anatomopathologiques sont en faveur d’une localisation secondaire du neuroblastome. Une nouvelle TDM cérébrale, thoracique abdominale et pelvienne a été réalisée, montrant une récidive locale du neuroblastome associée à des localisations pleurales bilatérales et pulmonaire, ainsi qu’une nouvelle lésion hépatique d’allure secondaire sans adénopathies médiastinales. Le dossier discuté en RCP d’oncologie thoracique, la décision d’une chimiothérapie adjuvante a été retenue. Mais l’état général du patient s’est rapidement dégradé puis son décès est survenu avant le début du traitement adjuvant.   4. Discussion Le ganglioneurome, le ganglioneuroblastome et le neuroblastome sont des tumeurs naissant dans le système nerveux sympathique et provenant des cellules de la crête neurale [3]. Ils se développent le long de l’axe des ganglions sympathiques s’étendant du cou à la région pelvienne. Selon le POG, le ganglioneurome est défini par la présence de gangliocyte et d’un stroma mature, faisant de lui une tumeur bénigne [1]. Il peut naître de novo ou provenir d’une différenciation d’un neuroblastome ou d’un ganglioneuroblastome induite par une radio ou une chimiothérapie [4]. Il se localise dans le médiastin postérieur dans 40 % des cas [5]. Le ganglioneuroblastome lui est constitué de gangliocytes et de neuroblastes immatures, d’où sa malignité intermédiaire. Le neuroblastome quant à lui est très indifférencié et constitué uniquement de neuroblastes immatures [1]. C’est en 1863 que Virchow en fit la première description. Il s’agit d’une tumeur de haut grade de malignité. Les sites de prédilection par ordre décroissant sont les glandes surrénales dans 35 % des cas, le reste du rétropéritoine dans 30 à 35 % et le médiastin postérieur dans 20 % [3]. Sa fréquence diminue avec l’âge. Plus de 90 % des patients sont âgés de moins de 6 ans d’où sa rareté chez l’adulte [6]. La particularité de la localisation chez l’adulte est le risque plus élevé de métastase cérébrale et pulmonaire, une moindre extension médullaire et un pronostic particulièrement sombre [7]. Ce qui ne fut pas le cas chez notre patient qui a présenté une extension endocanalaire. Les tumeurs neuroblastiques bénignes peuvent rester asymptomatiques de révélation tardive ou de découverte fortuite, tandis que les formes malignes du fait de leur agressivité sont symptomatiques. Plus des 2/3 des patients sont métastatiques au moment du diagnostic [3]. Les signes cliniques sont liés à la compression locorégionale ou à l’extension métastatique. Chez notre patient la douleur thoracique était le seul signe révélateur. Une toux sèche, une dyspnée ou un syndrome de Claude Bernard-Horner peuvent également être retrouvés. Des syndromes paranéoplasiques ont été décrits tel le syndrome opsomyoclonique (ataxie, myoclonies lors des mouvements volontaires et secousses oculaires) ou une diarrhée aqueuse liée à la sécrétion tumorale de la VIP (Vaso-Active Intestinal Peptide) [3]. Dans les formes malignes comme bénignes, le bilan paraclinique comporte des examens biologiques et d’imagerie. Ces bilans biologiques comporteront d’abord une numération formule sanguine à la recherche d’une anémie ou d’une thrombopénie. Ces derniers seraient le témoin d’un envahissement médullaire. Puis le dosage urinaire des métabolites des catécholamines. Il s’agit de l’acide vanylmandélique (VMA) et homovanillique (HVA) dans les urines de 24 heures. Certains auteurs rapportent une valeur pronostique du rapport VMA/HVA. Un ratio supérieur à 1 serait témoin d’un pronostic favorable [3]. L’imagerie permet de localiser la tumeur et d’étudier ses rapports avec les structures adjacentes et de faire le bilan d’extension. La radiographie thoracique face/profil constitue le premier examen demandé et permet de préciser une opacité médiastinale postérieure avec parfois des signes de malignité tel une lyse costale ou un épanchement pleural associé. La TDM thoracique injectée permet de mieux caractériser cette opacité en précisant ses mensurations, la présence de calcifications, ces rapports avec les organes de voisinage et les vaisseaux ; elle recherche également la présence d’adénopathies. Bien que le scanner permette de suspecter une extension médullaire rachidienne, l’IRM reste l’examen de choix. Il apparaît un hyposignal relatif en T1 et un hypersignal en T2 de la moelle osseuse avec le classique aspect en sablier [8]. Cette IRM permet également d’éliminer les autres diagnostics différentiels des masses médiastinales postérieures, notamment une méningocèle ou un diverticule œsophagien, d’autant plus que la lésion est du côté droit. Chez nos patients, ce couple TDM-IRM thoracique a permis d’établir un bilan exhaustif de la tumeur, de même que le bilan d’extension. Ce dernier comportera aussi, dans les formes malignes, une scintigraphie au MIBG (méta-iodo-benzylguanidine). Elle permet de réaliser une véritable cartographie de la tumeur, toute fixation osseuse étant anormale [8]. Elle se base sur la concentration du MIBG dans les granules sécrétoires. Ainsi lorsque la tumeur est sécrétante (ce qui est le cas de près de 95 % des neuroblastomes mais moindre pour les ganglioneuromes), sa spécificité diagnostique rapproche les 100 % tandis qu’elle est de 90 % pour la détection des métastases [8]. Mais lorsque la tumeur ne fixe pas le MIBG, une scintigraphie osseuse au technétium 99 est réalisée pour la recherche de métastase osseuse. Cette dernière a permis chez notre patient de préciser une localisation osseuse secondaire sur D8. Cette scintigraphie doit être systématique et précéder toute chirurgie de résection. Les résultats du PET scan seraient comparables à ceux de la scintigraphie au MIBG ou légèrement supérieurs dans la détection des lésions primitives et des localisations secondaires [9]. Dans notre pratique, le bilan d’extension comportait une TDM cérébrale, abdominale et pelvienne, une IRM médullaire et une scintigraphie osseuse au technétium 99. Ce bilan doit être la pierre angulaire de la démarche diagnostique afin de déterminer la meilleure approche thérapeutique. La chirurgie reste la seule pratique curative de ces tumeurs nerveuses médiastinales. L’indication chirurgicale est retenue d’emblée devant la résécabilité de la tumeur et l’absence de métastase. Ce qui était le cas de nos deux patients malgré un volume tumoral important dans le cas du neuroblastome. Ainsi, à l’issue des résultats de la chirurgie et en fonction de la clinique et du bilan d’extension, le neuroblastome sera classé en fonction de l’International Neuroblastoma Staging System (INSS) [3]. Chez notre patient, la suspicion d’une extension endocanalaire a permis de classer la tumeur au stade IIA en postopératoire immédiat puis en stade IV après la mise en évidence de métastase à distance. L’association radiochimiothérapie semble améliorer le pronostic de ces patients, qui, malgré tout, reste péjoratif avec une survie à 3 ans de 15 % [3].   5. Conclusion Les tumeurs des ganglions sympathiques du médiastin sont des tumeurs rares de l’adulte. Leur prise en charge est essentiellement basée sur l’exérèse chirurgicale complète dans les formes localisées et constitue le seul garant d’un bon pronostic. Les formes malignes très agressives nécessitent un bilan d’extension exhaustif avant toute décision thérapeutique. La présence de métastases à distance au moment du diagnostic dans la majorité des cas de ces tumeurs sont responsables d’un pronostic très péjoratif.   Références Mordant P, Le Pimpec-Barthes F, Riquet M. Tumeurs nerveuses du médiastin de l'adulte. Rev Pneumol clin 2010;66:81-94. https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2009.12.010 PMid:20207300 Joshi VV, Canfor AB, Attshuter G et al. Recommendations for modification of terminology of neuroblastic tumors and prognostic significance of Shimada classification. Cancer 1992;69:2183-2196. https://doi.org/10.1002/1097-0142(19920415)69:8<2183::AID-CNCR2820690828>3.0.CO;2-C Lonergan GJ, Schwab CM, Suarez ES et al. Neuroblastoma, ganglioneuroblastoma, and ganglioneuroma: radiologic-pathologic correlation. Radiographics 2002;22:911-34. https://doi.org/10.1148/radiographics.22.4.g02jl15911 PMid:12110723 Lin PC, Lin SH, Chou SH et al. Ganglioneuroma of posterior mediastinum in a 6-year-old girl: imaging for pediatric intrathoracic incidentaloma. Kaohsiung J Med Sci 2010;26:496-501. https://doi.org/10.1016/S1607-551X(10)70078-4 Hayat J, Ahmed R, Alizai S, et al. Giant ganglioneuroma of the posterior mediastinum. Interact Cardiovasc Thorac Surg 2011;13:344-345. https://doi.org/10.1510/icvts.2011.267393 PMid:21693453 Plantaz D, Pasquier D, Dyon JF et al. Neuroblastomes : aspects cliniques, biologiques et thérapeutiques actuels. Médecine nucléaire–Imagerie fonctionnelle et métabolique 2001;25:207-212. Franks LM, Bollen A, Seeger RC et al. Neuroblastoma in adults and adolescents an indolent course with poor survival. Cancer 1997;79:2028-35. https://doi.org/10.1002/(SICI)1097-0142(19970515)79:10<2028::AID-CNCR26>3.0.CO;2-V Aloui-Kasbi N, Felah S, Bellagha I et al. Le neuroblastome : apport de l'imagerie. Journal de pédiatrie et de puériculture 2004;17:28-33. https://doi.org/10.1016/j.jpp.2003.11.002 Kushner BH, Yeung HWD, Larson SM et al. Extending positron emission tomography scan utility to high-risk neuroblastoma: fluorine-18 fluorodeoxyglucose positron emission tomography as sole imaging modality in follow-up of patients. J Clin Oncol 2009 Mar 1; 27(7): 1041–1046. https://doi.org/10.1200/JCO.2008.17.6107 PMid:19171710 PMCid:PMC2667809 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 20/12/2016. Acceptation : 28/02/2017.   
juin 2, 2017
Chirurgie cardiaque congénitale et pédiatrique · Vol. 21 Juin 2017

Management du canal atrioventriculaire avec double orifice de la valve atrioventriculaire gauche

Célia Gran*, Fédoua El Louali, Caroline Ovaert, Virginie Fouilloux, Loïc Mace   Service médicochirurgical de cardiologie pédiatrique, hôpital la Timone enfant, CHU Marseille, France. *Correspondance : celia.gran@ap-hm.fr DOI : 10.24399/JCTCV21-2-GRA Citation : Gran C, El Loual F, Ovaert C, Fouilloux V, Mace L. Management du canal atrioventriculaire avec double orifice de la valve atrioventriculaire gauche. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-GRA   Résumé Objectif : comparer l’évolution postopératoire de la population de canal atrioventriculaire (CAV) avec double orifice de la valve atrioventriculaire gauche (VAVG) à un groupe témoin de CAV appariés. Méthodes : onze patients, opérés entre 2008 et 2016, et ayant un CAV avec double orifice de la VAVG (groupe 1) ont été comparés à 11 patients témoins (groupe 2), appariés sur l’âge, le poids et le type de CAV. Résultats : la durée médiane de séjour en réanimation était significativement plus élevée dans le groupe 1 (p = 0,038). La mortalité post opératoire était de 18,2 % dans le groupe 1 versus 0 % dans le groupe 2 ( p < 0,0001). Dans le groupe 1, la fermeture totale de la cleft n’était pas plus à risque de sténose. Il y avait davantage de fuite significative en cas de fermeture partielle ou de non-fermeture de la cleft. La principale indication de réintervention était une insuffisance de la VAVG. Conclusion : la présence d’un double orifice de la VAVG est un facteur de risque de mortalité et de réintervention. La fermeture totale de la cleft est un facteur permettant de limiter l’évolution vers une fuite de la VAVG, sans risque de sténose.   Abstract Management of atrioventricular septal defects with double orifice of the left atrioventricular valve Aim: To compare the post-operative results of patients with atrioventricular septal defect (AVSD) and double orifice of the left atrioventricular valve (LAVV), to a matched control group. Methods: A retrospective matched cohort study to compare 11 patients with AVSD and LAVV double orifice (group 1), with 11 control patients (group 2), matched by weight, age and AVSD type. Native LAVV double orifice or those after Alfieri-plasty, were included. All patients underwent operations between 2008 and 2016. Results: The median stay in the intensive care unit was significantly higher in the first group (p=0.038). There were two deaths in group 1 and none in group 2 (p<0.0001). The subgroup analysis of double orifice showed that total cleft closure was not a risk factor for LAVV stenosis. More significant regurgitation was evident when the cleft was left open or when it was partially closed. The main indication for reoperation was the occurrence of significant LAVV regurgitation. Conclusion: For patients with AVSD, double orifice of LAVV is a risk factor for death and reoperation. The total cleft closure appears to limit regurgitation, without being associated with stenosis.   1. Introduction Le double orifice de la valve atrioventriculaire gauche (VAVG) est une anomalie cardiaque rare. Elle peut être isolée ou associée à d’autres cardiopathies, la plus fréquente étant le canal atrioventriculaire (CAV) [1,2]. Bien que les résultats de la correction chirurgicale des CAV aient progressé ces dernières années, la présence de particularités anatomiques au niveau de la VAVG peut complexifier sa réparation. Le double orifice de la VAVG est reconnu comme facteur de risque de mortalité et de réintervention [3]. Les techniques de plastie à utiliser dans ce cadre, comme la gestion de l’orifice accessoire et la fermeture de la cleft, sont encore débattues. La crainte d’une sténose postopératoire fait habituellement préférer des plasties moins agressives, majorant ainsi le risque de fuite résiduelle. L’objectif de notre étude est d’analyser et de comparer la population de CAV avec double orifice de la VAVG à un groupe témoin apparié, afin de déterminer les moyens d’améliorer l’évolution postopératoire de ces patients à risque.   2. Patients et méthodes 2.1. Patients Il s’agit d’une étude rétrospective, cas témoin, appariée, monocentrique, portant sur les patients ayant bénéficié d’une réparation biventriculaire de canal atrioventriculaire, dans le service de chirurgie cardiaque pédiatrique de l’hôpital de la Timone à Marseille, France. La période d’inclusion s’étend du 1er janvier 2008 à fin janvier 2016. L’analyse portait sur l’évolution des patients présentant un double orifice de la valve atrioventriculaire gauche (groupe 1, n = 11), soit natif, soit créé lors de l’intervention selon la technique d’Alfieri [4]. Ils ont été comparés à 11 patients témoins (groupe 2), appariés sur le poids, l’âge, le type de CAV (partiel, intermédiaire ou complet).   2.2. Recueil des données Les données ont été recueillies à partir des dossiers archivés dans le service. Les détails anatomiques du CAV et de la VAVG ainsi que la technique chirurgicale étaient détaillés dans le compte rendu opératoire. Toutes les échographies cardiaques réalisées en préopératoire et en postopératoire immédiat ont été relues par le même cardiologue du service. La fuite de la VAVG était classée en 4 stades : triviale, minime, modérée ou sévère. Un gradient moyen sur la VAVG supérieur à 5 mmHg était considéré comme sténosant [5].   2.3 Technique opératoire Toutes les interventions ont été réalisées par sternotomie médiane. Le péricarde était soit ouvert, soit prélevé et conservé, selon les préférences de l’opérateur. La circulation extracorporelle était mise en route entre les 2 veines caves et l’aorte ascendante. Le tronc artériel brachiocéphalique était canulé de manière sélective en cas d’hypoplasie de l’arche aortique associée, afin de réaliser la plastie de l’arche sous circulation cérébrale sélective. Une hypothermie modérée a été instaurée sauf pour 3 patients (2 dans le groupe double orifice et 1 dans le groupe témoin), chez qui une hypothermie profonde à 20 °C a été nécessaire (plastie de l’arche ou retour veineux pulmonaire trop important). Après clampage aortique et injection de la solution de cardioplégie (au sang froid potassique toutes les 18 minutes), l’atriotomie droite, parallèle au sillon atrioventriculaire, a été pratiquée afin d’évaluer l’anatomie du CAV. La technique chirurgicale utilisée variait selon l’anatomie du patient, à la discrétion du chirurgien. On distingue : la technique à un patch de Rastelli [6], la technique à 2 patchs [7] ou la technique selon Wilcox Nunn [8] pour les CAV complets. Pour les CAV intermédiaires, la technique de Nunn a été réalisée. Pour les CAV partiels, la CIA ostium primum a été fermée à l’aide d’un patch. Le sinus coronaire était laissé soit à droite, soit à gauche, en fonction des préférences de l’opérateur. La plastie de la VAVG pouvait inclure : une fermeture de la cleft (partielle ou totale), une ou des commissuroplasties, une annuloplastie, la fermeture d’un orifice accessoire, la fermeture d’une cleft accessoire, la résection d’une membrane supravalvulaire ou la création d’un double orifice selon Alfieri [4]. La VAVG pouvait être laissée telle quelle en cas d’absence de fuite au test d’hyperpression à l’eau et/ou de potentiel risque de sténose postplastie (par exemple pilier unique ou piliers rapprochés/fusionnés).   2.4. Statistiques Les données sont exprimées soit en moyenne et écart type, soit en médiane et extrêmes. Les variables continues et discontinues ont été analysées par des tests non paramétriques (respectivement tests de Mann-Whitney et de Chi2). Le seuil de significativité a été fixé à 0,05. La courbe de survie sans réintervention a été construite à l’aide des courbes de Kaplan-Meier. Les analyses statistiques ont été réalisées en utilisant le logiciel IBM SPSS version 10.0 (IBM Inc, New York, États-Unis).   3. Résultats 3.1. Description de la population Sur les CAV ayant bénéficié d’une réparation biventriculaire entre janvier 2008 et janvier 2016, 9 présentaient un double orifice de la VAVG et 2 ont bénéficié d’une plastie selon Alfieri sur la VAVG. Un total de 11 patients a été analysé dans l’étude (groupe 1). Ces patients ont été appariés sur le poids, l’âge et le type de CAV à 11 autres patients ayant bénéficié d’une réparation biventriculaire de CAV durant la même période (groupe 2 témoins). Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 populations [tableau 1].   Tableau 1. Caractéristiques des patients et comparaison cas/témoins. Double orifice de la VAVG N (%) Groupe témoin N (%) p Âge médian (mois) (min-max) 2,7 (0,7-45,5) 3,4 (0,9-48,2) 0,43 Poids médian (kg) (min-max) 5,5 (3,2-13) 5,3 (3,1-14) 0,417 Sexe Masculin Féminin   6 (54,5) 5 (45,5)   3 (27,3) 8 (72,7) 0,523 Diagnostic anténatal 8 (72,7) 8 (72,7) 1 Trisomie 21 3 (27,3) 5 (45,5) 0,266 Autres malformations extracardiaques 2 (18,2) 2 (18,2) 1 Traitement préopératoire Anti-congestif Ventilation mécanique Amines   8 (72,7) 3 (27,3) 2 (18,2)   8 (72,7) 0 (0) 0 (0)   1 0,001 0,01 Type de CAV Partiel Intermédiaire Complet   3 (27,3) 1 (9,1) 7 (63,6)   3 (27,3) 1 (9,1) 7 (63,6) 1 CAV équilibré 8 (72,7) 9 (81,8) 1 HTAP préopératoire 7 (63,6) 9 (81,8) 0,052 Malformation cardiaque associée 3 (27,3) 4 (36,4) 0,189 Fuite VAVG ≥ modérée 3 (27,3) 5 (45,5) 0,28 Technique opératoire 1 patch Rastelli 1 patch Nunn 2 patchs 1 patch CIA   2 (18,2) 6 (54,5) 0 (0) 3 (27,3)   3 (27,3) 2 (18,2) 2 (18,2) 4 (36,4) 0,30 CAV : canal atrioventriculaire, HTAP : hypertension artérielle pulmonaire, CIA : communication atrioventriculaire   3.2. Description des patients ayant un double orifice Trois patients (27 %) étaient atteints de trisomie 21 (patients 1, 7 et 11). Seuls 2 patients ne présentaient pas de signes d’insuffisance cardiaque et n’ont donc pas nécessité de traitement préopératoire. Trois patients étaient ventilés en préopératoire et 2 étaient sous traitement aminergique. 63,6 % (n = 7) présentaient une HTAP préopératoire. Un patient, atteint d’une hypoplasie de l’arche avec coarctation aortique, était sous prostaglandine. Aucune intervention n’a été réalisée avant la réparation biventriculaire (ni cerclage, ni cure de coarctation). On compte 7 CAV complets (4 de type A et 3 de type C selon la classification de Rastelli), 1 CAV intermédiaire et 3 CAV partiels. Trois patients présentaient un CAV déséquilibré aux dépens des cavités gauches, sans que cela contre-indique une réparation biventriculaire. Trois patients présentaient une autre anomalie cardiaque : sténose pulmonaire dans un cas, coarctation aortique avec hypoplasie de l’arche dans un cas et cœur triatrial avec veine cave supérieure gauche et canal artériel persistant dans le dernier cas. En préopératoire, la VAVG était le siège d’une fuite minime dans 6 cas sur 11, modérée dans 3 cas et était continente dans 2 cas. Aucun ne présentait de fuite sévère en préopératoire. Le siège de la fuite se situait sur la cleft dans 6 cas, centrale dans 1 cas et mixte dans 2 cas. Deux patients avaient des piliers rapprochés et un avait un pilier fusionné avec cordages courts. Sur les 9 patients ayant un double orifice natif de la VAVG, 2 avaient un double orifice équilibré, 6 avaient un orifice accessoire postérieur et 1 présentait un aspect de triple orifice [tableau 2]. Tableau 2. Caractéristiques anatomiques de la VAVG dans le groupe double orifice. Type CAV Rastelli Caractéristique orifice accessoire Piliers Caractéristiques appareil sous-valvulaire Valve murale étroite Autres 1 CAVc A postérieur 2 Dystrophie valvulaire 2 CAVp - équilibré 2 Cordages courts, fusion pilier valve murale sur orifice antérieur Oui 3 CAVp - postérieur 2 Déviation antérieure 4 CAVc équilibré 2 Cordages courts 5 CAVi - postérieur 2 6 CAVc C postérieur 2 7 CAVc A Alfieri 2 Pilier postéromédian rudimentaire Déviation postérieure Oui 8 CAVc A Triple orifice 2 Déviation antérieure Fusion pointe composant mural avec bords de la cleft 9 CAVc C Alfieri 2 Déviation postérieure 10 CAVp - postérieur 2 Piliers rapprochés Dysplasie bords de la fente mitrale 11 CAVc C postérieur 2 CAV : canal atrioventriculaire ; c : complet, i : intermédiaire, p : partiel L’âge moyen lors de l’intervention était de 11,1 ± 13,3 mois. Le poids moyen était de 6,4 ± 2,9 kg. Deux patients sur 11 avaient un poids < 3,5 kg et 5/11 étaient âgés de moins de 2,5 mois. L’âge médian de correction du CAV complet était de 2,5 mois (0,7-14,4). Dans 54,5 %, la technique de Nunn a été utilisée. La technique à un patch de Rastelli a été utilisée dans 2 cas. Les 3 autres patients, ayant tous un CAV partiel, ont bénéficié d’une fermeture de CIA ostium primum par patch. La plastie de la VAVG comprenait : fermeture totale de la cleft dans 7 cas, partielle dans 3 cas, la cleft a été laissée ouverte dans 1 cas, annuloplastie dans 1 cas, commissuroplastie dans 2 cas, fermeture partielle d’un orifice accessoire dans un cas et création d’un double orifice selon la technique d’Alfieri dans 2 cas. Un geste chirurgical supplémentaire a été nécessaire chez 4 patients. On compte : une plastie pulmonaire, une résection anastomose de type Crafoord avec plastie d’élargissement de l’arche aortique, une résection de cloison dans le cadre d’un cœur triatrial et une pose d’ECMO jugulocarotidienne. Les durées moyennes de CEC et de clampage aortique étaient respectivement de 172,2 ± 38,1 minutes et 105,5 ± 37,2 minutes.   3.3. Évolution postopératoire   3.3.1. Suites postopératoires immédiates [tableau 3] La durée médiane de séjour en réanimation était de 6 jours (1-68) dans le groupe 1 et 4 jours (1-16) dans le groupe 2 (p = 0,038). Cinq patients (45,5 %) dans chaque groupe ont présenté des complications en réanimation : 3 complications septiques, 2 dysfonctions ventriculaires gauches, 1 bloc auriculoventriculaire de 3e degré, 1 fuite sévère de la VAV droite, 1 hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) dans le groupe 1 et 4 HTAP, 2 tachycardies supraventriculaires dans le groupe 2. Les ETT postopératoires immédiates retrouvaient : 5 VAVG non fuyantes : 2 dans le groupe 1 et 3 dans le groupe 2 ; 11 fuites minimes : 4 dans le groupe 1 et 5 dans le groupe 2 ; 6 fuites modérées : 4 dans le groupe 1 et 2 dans le groupe 2 ; 2 fuites sévères dans le groupe 1. Il n’y avait pas de différence significative entre le groupe double orifice et le groupe témoin. Deux patients (18,2 %) présentaient une sténose de la VAVG en postopératoire immédiat dans le groupe 1 contre 1 patient (9,1 %) dans le groupe 2 (gradient moyen à 8 mmHg dans les 3 cas). Tableau 3. Comparaison de l'évolution postopératoire immédiate double orifice vs témoins. Double orifice de la VAVG N (%) Groupe témoin N (%) p Fuite VAVG ≥ modérée 5 (45,5) 3 (27,3) 0,33 Sténose VAVG 2 (18,2) 1 (9,1) 0,2 Shunt résiduel 2 (18,2) 3 (27,3) 0,5 Durée ventilation mécanique (jours) 4 (0,5-68) 1 (0,5-14) 0,084 Durée de réanimation (jours) 6 (1-68) 4 (1-16) 0,038 Durée d’hospitalisation (jours) 20 (7-68) 13 (6-74) 0,169 Complication postopératoire 5 (45,5) 5 (45,5) 0,83 VAVG : valve atrioventriculaire gauche   3.3.2. Évolution postopératoire à moyen terme Le suivi moyen était de 31,2 mois (3-90,2) pour le groupe 1 et 34,2 mois (4,2-84,9) pour le groupe 2. La mortalité postopératoire était de 18,2 % dans le groupe 1 versus 0 % dans le groupe 2 (p < 0,0001). Sur les 2 patients décédés, on retrouve 1 décès à 3 mois postopératoire dans un contexte de dysfonction ventriculaire gauche (patient 11) [tableau 4] et 1 décès à 1 an postopératoire, suite à une thrombose de valve tricuspide chez une patiente ayant bénéficié d’une implantation de valve biologique tricuspide en position supra-annulaire pour fuite sévère de la VAV droite (patient 7). Tableau 4. Comparaison de l'évolution postopératoire tardive double orifice versus témoins. Double orifice de la VAVG N (%) Groupe témoin N (%)  p Fuite VAVG ≥ modérée 4 (36,4) 4 (36,4) 0,11 Sténose VAVG 1 (9,1) 3 (27,3) 0,004 Stade NYHA > 1 2 (18,2) 0 (0) 0,0001 Traitement postopératoire 7 (63,6) 4 (36,4) 0,39 Réopération 5 (45,5) 3 (27,3) 0,286 Réopération pour fuite VAVG 3 (27,3) 2 (18,2) 0,5 Décès 2 (18,2) 0 (0) 0,0001 VAVG : valve atrioventriculaire gauche Les ETT réalisées à distance retrouvaient : 3 VAVG non fuyantes : 2 dans le groupe 1 et 1 dans le groupe 2 ; 11 fuites minimes : 5 dans le groupe 1 et 6 dans le groupe 2 ; 7 fuites modérées : 3 dans le groupe 1 et 4 dans le groupe 2 ; 1 fuite sévère dans le groupe 1. Une sténose de la VAVG était présente dans 3 cas : 1 cas dans le groupe 1 (gradient moyen à 16 mmHg) et 2 cas dans le groupe 2 (6,5 et 9 mmHg). L’évolution du gradient moyen sur la VAVG est représentée sur la figure 1. Il y avait significativement plus de sténose postopératoire tardive dans le groupe témoin (p = 0,004). [caption id="attachment_3674" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Évolution du gradient moyen de la VAVG (en mmHg) chez les patients présentant une sténose postopératoire immédiate (à gauche) et/ou tardive (à droite).[/caption] La fermeture totale de la cleft n’était pas plus à risque de sténose chez les patients présentant un double orifice : sur 7 patients ayant eu une fermeture totale de la cleft, seul un présentait une sténose postopératoire immédiate contre ¼ dans le sous-groupe non-fermeture ou fermeture partielle (p = 0,035). Cette tendance se confirme à long terme, où aucun des patients ayant eu une fermeture totale de cleft n’a eu de sténose. Par contre, il y avait davantage de fuite significative en cas de fermeture partielle ou de non-fermeture de la cleft (75 % versus 28,6 % ; p = NS) [tableaux 5 et 6]. Dans le groupe 1 double orifice, les patients atteints de trisomie 21 développaient statistiquement moins de sténose mitrale en postopératoire (p = 0,007) et présentaient moins d’insuffisance de la VAVG (p = NS) [tableau 7]. Tableau 5 : Analyse en sous groupe (double orifice n=11) : effet de la fermeture complète de la cleft sur la sténose et la fuite de la VAVG en post opératoire immédiat Fermeture totale de la cleft p OUI n (%) NON n (%) Sténose de la VAVG 0,035      OUI 1 (14,3) 1 (25)      NON 6 (85,7) 3 (75) Fuite de la VAVG ≥ modérée 0,24      OUI 2 (28,6) 3 (75)      NON 5 (71,4) 1 (25) VAVG : valve atrioventriculaire gauche   Tableau 6 : Analyse en sous groupe (double orifice n=11) : effet de la fermeture complète de la cleft sur la sténose en post opératoire tardif Fermeture totale de la cleft p OUI n (%) NON n (%) Sténose de la VAVG 0,012      OUI 0 (0) 1 (25)      NON 7 (100) 3 (75) VAVG : valve atrioventriculaire gauche Tableau 7 : analyse de l'évolution post opératoire tardive des patients trisomique 21 dans le groupe double orifice Trisomie 21 p OUI n (%)   NON n (%) Sténose de la VAVG 0,007      OUI 0 (0) 1 (12,5)      NON 3 (100) 7 (87,5) Fuite de la VAVG ≥ modérée 0,366      OUI 0 (0) 4 (50)      NON 3 (100) 4 (50) VAVG : valve atrioventriculaire gauche   3.4. Réopération Cinq patients (45,5 %) ayant un double orifice ont bénéficié de 7 reprises chirurgicales. Le délai moyen entre la réparation chirurgicale et la première réintervention était de 3 mois (0,26-77,48). La courbe de survie sans événement (décès ou réintervention sur la VAVG) est visible en figure 2. L’indication de réintervention sur la VAVG était, dans chaque cas, pour fuite sévère. On compte 3 reprises pour plastie de la VAVG dans le groupe 1 et 2 dans le groupe 2 (p = 0,5). Aucune reprise pour sténose de la VAVG n’a été indiquée à ce jour. Les caractéristiques des patients réopérés dans le groupe double orifice sont résumées dans le tableau 8.   [caption id="attachment_3677" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Survie sans événement (décès et réopération sur la valve atrioventriculaire gauche).[/caption] Tableau 8. Caractéristiques des patients ayant nécessité une ou plusieurs réintervention(s). CAV : canal atrioventrivulaire ; CIA : communication atrioventrioventriculaire ; VAVG : valve atrioventriculaire gauche ; VAVD : valve atrioventriculaire droite ; BAV : bloc auriculoventriculaire ; RVT : remplacement valvulaire tricuspide.   4. Discussion La présence d’un double orifice sur la valve atrioventriculaire gauche est une malformation rare. Elle peut s’associer à d’autres anomalies cardiaques, la plus fréquente étant le CAV. Dans ce cadre, la présence d’une anomalie sur la VAVG et, plus précisément un double orifice, est un facteur de risque de mortalité et de réintervention [9].   4.1. Double orifice de la VAVG : facteur de risque La présence d’un double orifice de la VAVG est clairement un facteur de gravité. Dans notre étude, 3 patients avec un CAV complet étaient dans un état clinique instables en préopératoire avec une insuffisance cardiaque sévère ayant nécessité une ventilation mécanique, voire un traitement aminergique. Ainsi, dans notre population de CAV complet avec double orifice, l’âge à l’intervention est abaissé avec un âge médian à 2,7 mois, en comparaison avec la population globale de CAV complet [10]. Outre ces critères de gravité préopératoire, ces enfants ont des suites plus défavorables. La durée de réanimation est significativement plus élevée dans le groupe double orifice que dans le groupe témoin apparié sur l’âge, le poids et le type de CAV. De même pour la mortalité, qui atteint 18,2 % contre 0 % dans le groupe témoin. Cette surmortalité est également retrouvée dans de nombreuses études qui montrent un taux de décès postopératoire allant de 20 et 50 % selon les équipes [2,11]. À l’inverse, Hoohenkerk et Ando concluent à l’absence de surmortalité en cas de double orifice [9,13]. Concernant l’évolution à moyen terme, le risque de réintervention global et de reprise chirurgicale de la VAVG est lui aussi plus élevé en cas de double orifice [12,13]. Cette différence n’est pas significative dans notre étude, probablement du fait d’un faible effectif. La principale indication de réintervention est une VAVG régurgitante. La fuite se situe dans la majorité des cas au niveau de la cleft, et le facteur de risque reconnu est l’absence de fermeture de celle-ci ou sa fermeture partielle [11-13].   4.2. Technique de plastie de la VAVG et évolution La compétence de la VAVG avec double orifice est variable. Elle peut être le siège d’une fuite, en général sur l’orifice principal, dont l’intensité peut aller de triviale à sévère. L’orifice accessoire, lui, est plus souvent continent ou peu fuyant [2,13]. En conséquence, les techniques opératoires proposées sont multiples. La réparation de la VAVG va de l’abstention (valve peu ou pas fuyante avec appareil sous-valvulaire peu favorable) à une plastie simple ou complexe. Le management de l’orifice accessoire est encore controversé. La majorité des équipes le laissent intact s’il est compétent, limitant ainsi le risque de sténose postopératoire [12-14]. Par contre, la création d’un orifice unique par section du pont fibreux est largement reconnue comme pourvoyeuse de fuite sévère et à fort risque de mortalité, et doit donc être évitée [12-14]. La non-fermeture de la cleft dans les CAV est un facteur de risque de mortalité, de progression d’insuffisance de la VAVG et de réintervention, retrouvé dans diverses études [12,14]. La majorité des équipes a tendance à laisser plus fréquemment la cleft ouverte en cas de double orifice de la VAVG, du fait du risque de sténose qu’une fermeture pourrait engendrer. Ainsi, la préférence irait plus vers une fuite résiduelle que vers une sténose. Or, à ce jour, aucune étude n’a démontré que la fermeture totale de la cleft était associée à un risque de sténose postopératoire. L’équipe de la Mayo Clinic [15] et Hoohenkerk [13] prônent la fermeture totale de la cleft dès que l’anatomie sous-valvulaire le permet (absence de pilier unique ou valve murale dysplasique), sans que cela soit associé à une majoration du risque sténotique. Ceci est en accord avec nos résultats mais dans toutes les études, l’effectif n’est pas assez important pour le démontrer. À l’instar de ces études, Macé [16] montre que la création d’un double orifice associée à la fermeture de la cleft n’est pas à risque de sténose. Cependant, au-delà de la taille du composant mural, l’appareil sous-valvulaire doit être bien analysé, comme la taille des piliers et la longueur des cordages.   4.3. Perspective d’amélioration Notre série rapporte un taux de mortalité et de réintervention non négligeable. Cela peut s’expliquer autant par le sur-risque que présente le double orifice de la VAVG que par le jeune âge à l’intervention de certains des patients. En effet, les 2 patients décédés ont été opérés avant 2,5 mois de vie. Si d’une manière générale, la tendance actuelle est vers une réparation précoce des CAV avant l’âge de 6 mois, il existe peu d’études sur les patients opérés entre 1 et 3 mois. Certaines études montrent qu’un poids < 3,5 kg et un âge < 2,5 mois sont associés à un risque de décès intrahospitalier, une augmentation de la durée de ventilation mécanique et de la durée de séjour, ainsi qu’à une augmentation du taux de complication [10]. Cela s’explique d’une part du fait de l’état clinique plus grave de ces patients, mais aussi par la fragilité des tissus valvulaires. Ainsi, chez les patients en grande insuffisance cardiaque, la réparation précoce n’est pas toujours idéale. Un moyen de différer la réparation chirurgicale chez ces patients à risque serait de réaliser un cerclage du tronc de l’artère pulmonaire. Cela permet d’améliorer l’état clinque du patient avant la correction chirurgicale, limiter la morbimortalité liée au petit poids, au jeune âge et à l’HTAP. Cependant, le cerclage ne peut être réalisé qu’en cas de VAV peu fuyante afin qu’il ne devienne pas délétère. Plus récemment, Corno [17] a démontré l’intérêt du cerclage ajustable chez des nourrissons ayant une anatomie non favorable ou avec des comorbidités associées. Nakano [12] montre qu’il y a moins de fermeture de la cleft réalisée chez les patients opérés avant l’âge de 1 an. Cela sous-tend aussi l’idée du bénéfice d’attendre, afin de réaliser une plastie la plus complète possible. À l’opposé, Makoto [9] ne retrouve pas de bénéfice au cerclage préopératoire, mais la population est plus âgée, avec un âge moyen à l’intervention de 7,1 mois. Ainsi, le cerclage devrait, dans ces cas difficiles et à risque du fait du double orifice, être envisagé chez des patients sélectionnés. Le deuxième enjeu dans la prise en charge de ces patients est d’améliorer le taux de réintervention à moyen terme. Comme dans les CAV classiques, la principale indication est la fuite résiduelle de la VAVG. La réparation de la VAVG doit donc être optimisée. En préférant garder une fuite devant le potentiel risque de sténose, on s’expose au risque de majoration des lésions. En effet, la fuite de la VAVG va exacerber la surcharge de volume du ventricule gauche, conduisant à une dilatation progressive de l’anneau. Il y a donc augmentation de la fuite par défaut de coaptation et altération de la fonction ventriculaire gauche. Le risque de reprise chirurgicale est donc augmenté, d’autant que les forces de traction vont s’exercer sur la cleft, pouvant amener à une déchirure secondaire. L’équipe de Boston de Padala [18] a proposé un modèle in vitro recréant une anatomie de VAVG de CAV. L’effet de la fermeture de la cleft, de la dilatation ou de la réduction de l’anneau a été testé. Ainsi, il conclut que la dilatation de l’anneau a un rôle significatif dans l’évolution de la fuite, d’autant plus si la cleft n’est que partiellement fermée. Le sous-taillage de l’anneau lors de la réparation présenterait 3 avantages : la diminution de la dilatation valvulaire, l’augmentation de la coaptation et la restauration de la compétence valvulaire. Ainsi, cette stratégie améliorerait la morbidité et diminuerait le taux de réintervention. L’analyse de Alghamdi et Caldarone [19] sur la plastie mitrale conclut qu’une sténose mitrale modérée est préférable à une fuite, même minime. Physiologiquement, si on se réfère au nomogramme de Rowlatt [20], l’évolution du diamètre théorique de la valve mitrale n’est pas proportionnelle à la surface corporelle. Le débit cardiaque indexé à la surface corporelle diminue avec l’âge. On peut donc supposer qu’une sténose modérée générée lors de la réparation biventriculaire ne se majorera pas avec le temps, voire même aurait tendance à régresser. De même, on remarque que les patients ayant bénéficié d’une plastie selon Alfieri ont des gradients stables avec le temps, révélant un potentiel de croissance [16]. Ainsi, si on transpose cela au double orifice, il serait intéressant d’évaluer le bénéfice d’une plastie plus agressive, quitte à réduire l’aire de l’orifice effectif de la VAVG.    4.4. Avantages et limites de l’étude Le principal inconvénient de cette étude est son caractère rétrospectif et monocentrique. L’étude rétrospective expose au risque de données manquantes. Puisque le double orifice de la VAVG dans le CAV est une anomalie rare, il est difficile d’obtenir un nombre de patients suffisant pour réaliser une analyse adéquate. De plus, une étude prospective nécessiterait une durée d’inclusion très longue. Une étude pluricentrique serait donc un moyen d’améliorer la puissance de l’étude. L’appariement sur l’âge, le poids et le type de CAV est un réel avantage permettant d’analyser spécifiquement l’effet de la présence du double orifice. Afin de diminuer la variabilité interindividuelle inhérente au caractère opérateur dépendant de l’échographie, toutes les échocardiographies ont été relues par le même cardiologue. Cela a permis une meilleure reproductibilité des mesures.   5. Conclusion La présence d’un double orifice de la VAVG est un facteur de risque de mortalité et de réintervention. La crainte de sténose post-plastie conduit à un risque de fuite de la VAVG. La fermeture totale de la cleft est un facteur permettant de limiter l’évolution vers une fuite de la VAVG, sans risque de sténose. L’utilisation de techniques de plastie plus agressive serait un autre moyen d’améliorer les suites, quitte à induire une légère sténose.   Références Trowitzsch E, Bano-Rodrigo A, Burger BM, Colan SD, Sanders SP. 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juin 2, 2017
Judiciaire · Vol. 21 Juin 2017

Dix règles simples pour mieux se défendre en cas de mise en cause judiciaire

Roland Demaria, expert près la cour d’appel de Montpellier Chirurgie cardiaque, CHU et université de Montpellier Correspondance : r-demaria@chu-montpellier.fr DOI : 10.24399/JCTCV21-2-DEM Citation : Demaria R. Dix règles simples pour mieux se défendre en cas de mise en cause judiciaire. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-DEM   La recherche d’une responsabilité en cas de complication postopératoire, même mineure, associée à une demande de réparation financière, concerne davantage notre pratique chirurgicale que celle de nos maîtres. Si cela ne doit pas être inutilement exagéré, il convient cependant de se prémunir, en cas de mise en cause judiciaire, de toute pratique qui pourrait être préjudiciable pour le chirurgien dans la procédure. Dix règles simples de bonne pratique permettront de se défendre efficacement, voire d’éviter un conflit pénible pour toutes les parties. Elles seront à respecter en amont, pendant et après l’intervention.   Règle 1 : Être « dans les clous » concernant sa pratique personnelle. À savoir, pratiquer la chirurgie pour laquelle on est correctement formé, diplômé, bien assuré, dans des conditions de moyens reconnus dans son centre. Il est fortement souhaitable d’être accrédité, d’être membre du Collège et de sa société savante. Tout cela montre que vous êtes totalement compétent et reconnu pour réaliser la prise en charge de cette pathologie et évitera une brèche facilement exploitable contre vous. Enfin, ne pas opérer alors qu’on était de garde la veille en ayant passé toute la nuit au bloc opératoire. Un exemple est le chirurgien cardiaque qui ferait son endartériectomie carotidienne annuelle le lendemain d’une nuit complète passée sur une dissection aortique, et dont le patient aurait au réveil une paraplégie…   Règle 2 : Tout malade pris en charge doit l’être après discussion pluridisciplinaire médicochirurgicale, et cela doit être écrit dans le dossier médical. On doit se référer au staff de service, à la discussion avec les cardiologues (nommer les principaux), les anesthésistes, gériatres ou d’autres intervenants. Il faut pouvoir montrer que la décision opératoire – voire les gestes réalisés – a été prise de manière consensuelle, après discussion collégiale du dossier. Il est souhaitable de « coller » aux recommandations au mieux, mais il peut arriver que le fait d’être hors recommandations soit compris à condition d’expliquer clairement les raisons, et que cela fût une décision collégiale, du fait du contexte global de ce patient.   Règle 3 : Tout malade pris en charge doit être pleinement et clairement informé par le chirurgien, et cela doit être écrit dans le dossier médical. Le chirurgien doit informer le patient, le plus en amont possible de la chirurgie afin de laisser un temps de réflexion suffisant. Cette information doit porter sur la discussion pluridisciplinaire qui a eu lieu et qui a abouti à l’indication, sur les risques de l’évolution naturelle de sa maladie, sur les alternatives thérapeutiques éventuelles, sur l’opération et toutes ses modalités (cicatrices, CEC, greffons coronaires, prothèses avec avantages et inconvénients des prothèses biologique versus mécanique, jusqu’à l’origine du tissu animal utilisé…). Les risques fréquents ou graves doivent être déclinés (décès, infarctus, infection, AVC, transfusions, pacemaker, assistance postopératoire…). La suite de la prise en charge (réanimation, service, centre de réadaptation) sera aussi indiquée. Il est très important de faire signer une reconnaissance d’information et de consentement qui doit être complète (et si possible tenir sur une page). Une note dans le dossier médical, une lettre au correspondant donnant ces informations ou indiquant que le patient a été complètement informé aura aussi une valeur mais ne se substituera pas au document signé. Celui-ci sera consigné dans le dossier médical. Enfin, l’information donnée doit l’être sur un mode bienveillant et non se transformer en cours magistral angoissant…   Règle 4 : Être rigoureux au bloc et imposer la rigueur dans l’équipe. Vérifier la disponibilité du matériel requis la veille, penser toujours que l’on fait l’opération pour le patient et non pas pour se lancer dans des prouesses inappropriées, dont le rapport risque/bénéfice serait défavorable au patient et… jugées défavorablement par un expert. Exiger la rigueur autour de vous, demander en fin d’opération le compte des compresses ou des petits instruments utilisés, si l’anatomopathologie a bien été envoyée… et surtout ne pas oublier de noter tout cela dans le compte rendu opératoire.   Règle 5 : Rédaction exhaustive et rigoureuse du compte rendu opératoire. Lui seul pourra peut-être vous défendre en cas de procédure, et ce parfois plusieurs années plus tard… Il se focalise sur la pathologie constatée en peropératoire et sur la technique opératoire détaillée. Il faut donc noter la rigueur de la préparation, décrire la voie d’abord, toutes les atteintes pathologiques constatées dans le détail et qui peuvent influencer la technique choisie (la description des coronaires par exemple, faisant reculer sur un pontage pourtant prévu par le staff pluridisciplinaire). On ne doit pas se contenter du trop classique : « …selon la méthode habituelle », mais décrire la technique de pose de sa prothèse valvulaire, le fil utilisé… Tout doit être clairement noté, de même que le contrôle ETO réalisé (avec le nom du cardiologue qui la réalise), le compte des compresses réalisé et correct en fin d’opération…   Règle 6 : Bien suivre le postopératoire de son patient et ne pas oublier de le notifier dans le dossier médical. Une courte note quotidienne dans le dossier, même si tout se déroule normalement, est une bonne chose. On y rajoutera que l’on a complété l’information de son patient qui sera heureux de mieux comprendre l’utilité de l’échographie postopératoire ou l’intérêt de sa rééducation qui approche. Dans certains pays anglo-saxons, le chirurgien date et signe le dossier papier de son patient, sans rien ajouter d’autre, pour simplement laisser une trace qu’il l’a vu…   Règle 7 : Être réactif et disponible en cas de complication. Expliquer, prendre du temps, être à l’écoute. Recevoir les gens dans un endroit calme, isolé, et sans délai par rapport à la complication. Ne pas être fuyant mais encore plus disponible qu’à l’ordinaire. Ne pas se faire détester par des réactions de refus de contact ou des réactions hautaines, distantes. Rester poli mais ferme, si vous êtes mis en cause brutalement. Ne pas parler d’emblée d’erreur ou de faute et ne pas la rejeter sur autrui ou sur son institution. Rester factuel, disponible, voire compatissant sans théâtralisme inutile. Être humain et non sur une défensive prématurée. Recevoir aussi en compagnie d’un collègue anesthésiste ou cardiologue pour apporter des informations complémentaires et montrer la collégialité de la prise en charge. Ne pas hésiter à prendre des avis (par exemple en infectiologie) et noter cela dans le dossier médical. Prendre du temps pour informer des recours possibles, des possibilités thérapeutiques ultérieures, ne pas fermer la porte et rester l’allié de votre patient.   Règle 8 : Revoir son patient après la réadaptation postopératoire, et adresser un courrier final à TOUS les correspondants. Ce courrier doit faire le point sur les cicatrices, l’état général, les consignes de surveillance ultérieure, les règles de prophylaxie de l’endocardite si le patient est porteur d’une prothèse valvulaire, le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires si il s’agit d’un coronarien. Bien indiquer, après s’en être assuré, que le patient a compris tout cela. Il est bon aussi d’écrire que l’on a dicté le courrier en présence du patient lui-même qui aura ainsi entendu les recommandations envoyées à tous ses médecins.   Règle 9 : Bien vérifier l’ensemble du dossier médical, notamment après la dernière visite. Le compléter, le ranger, noter tous les éléments qui vous semblent importants dans ce dossier. Rappelez-vous que le dossier médical sera votre seul allié dans une procédure. Il faut y trouver les raisons de l’indication, les examens complémentaires préopératoires, la discussion pluridisciplinaire, des traces de l’information complète, le compte rendu opératoire complet, le suivi, les courriers de consultation… La prochaine fois que vous le rouvrirez, ce sera peut-être pour y rechercher vos éléments de défense…   Règle 10 : Être l’acteur de sa défense. Si malgré tous vos efforts, vous vous retrouvez mis en cause, devenez l’acteur de votre propre défense. Ne faites pas comme si cela ne vous concernait pas ou très peu. Contactez rapidement la cellule juridique de votre hôpital qui vous conseillera, contactez rapidement aussi votre assurance qui vous attribuera un médecin conseil, un avocat expérimenté qui vous fera éviter des erreurs de comportement ou de procédure qui pourront ensuite se révéler préjudiciables à votre défense. Surtout, ne tentez pas, à partir du moment où vous êtes mis en cause, de modifier des éléments du dossier ce qui se retournerait justement contre vous… Rappelez-vous que si vous avez correctement suivi les règles ci-dessus, et avec un dossier complet, votre défense sera bien plus simple et efficace, malgré les moments toujours pénibles de ce genre de procédure.   Conclusion  Il ne faut certes pas tomber dans une sinistrose exagérée, mais il ne faut pas être non plus naïf dans sa pratique. Le même malade qui vous prenait publiquement pour son sauveur pourra se transformer en un adversaire redoutable qui utilisera tous les moyens dont il dispose pour obtenir ce qu’il souhaite. C’est peut-être en voyant dans toute prise en charge un futur procès éventuel que l’on optimisera encore la prise en charge globale des patients, car ces règles simples, non exhaustives, ne font finalement que nous améliorer encore, sur le plan médical et relationnel.
juin 2, 2017
Éditorial · Vol. 21 Juin 2017

La réforme de l’internat nous interpelle sur notre mission d’enseignement

Nous entendions parler de la réforme du 3e cycle des études médicales depuis plus de 10 ans. Après des phases de grand calme et des moments de tempête, il semble maintenant que le bateau, chargé de bonnes et de moins bonnes choses, achève sa traversée. Les principaux textes officiels sont à votre disposition sur notre site. Parmi les principaux points de la réforme (qui, il faut le dire, est plus conçue pour mettre en place la formation de milliers d'internes en Médecine générale, en Médecine d'urgence ou en Médecine gériatrique que pour les spécialités chirurgicales) on notera : une organisation basée sur les CHU et les (nouvelles) régions ; une durée de formation uniforme de 6 ans pour toutes les spécialités chirurgicales ; des interrogations sur la phase d'approfondissement, introduisant un statut "plus qu'interne" et "moins qu'assistant" ; une importance redonnée aux coordinations locale et régionale. Formellement, c'est un véritable contrat d'apprentissage qui sera passé entre la coordination locale et chaque interne à l'issue de la première année ; la volonté de former et d'évaluer par compétences. La compétence est beaucoup plus que la connaissance, il s'agit de la mise en œuvre, en situation, de connaissances, de capacités et de comportements. Évaluer les compétences, c'est aussi une compétence à développer pour nous. Cela fait d'ailleurs le pont avec le DPC dont le but est justement le maintien de celles-ci. Pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, il faut aussi mettre en exergue une reconnaissance sans précédent du rôle des Collèges. Regroupés au sein d'une Coordination nationale des collèges d'enseignants en médecine (CNCEM), ils travaillent avec les sous-sections de CNU et les doyens. Les textes officiels renvoient pour définir les connaissances, les compétences et les critères d'agrément des stages aux "plateformes" des Collèges, distinguant ainsi sans ambiguïté leur place. Nous allons donc finalement définir nous-mêmes, avec une capacité d'adaptation permanente, sur nos outils numériques, ce qu'est notre métier et comment il faut se former pour pouvoir être autorisé à l'exercer. Nous devons donc, en parallèle, mener à bien deux développements. De façon consensuelle, identique pour toutes les régions et adaptée aux évolutions de notre spécialité, définir les connaissances nécessaires (et mettre en place les outils de transmission de celles-ci), définir les compétences et leurs évaluations et adapter les modalités de formation en fonction de tout ceci. Il nous faut aussi faire évoluer les statuts du Collège (qui datent de 2004) afin qu'ils soient aussi proches que possible de ceux des autres Collèges d'enseignants et qu'ils nous permettent de remplir avec pertinence, pérennité et réussite ce premier processus capital. La caractéristique d'un Collège est de regrouper des enseignants. C'est d'ailleurs par extension que le lieu physique où cet enseignement était dispensé est devenu un collège. Nos Collèges médicaux regroupent les enseignants par leur spécialité, telle que définie par une section du CNU et un diplôme valant droit d'exercice : le DES, reflétant ainsi notre double aspect de professionnels du soins et d'universitaires. Les lieux d'enseignement sont surtout devenus numériques et virtuels, mais n'en sont pas moins réels et utiles. Fidèle à notre principe de guichet unique représentant notre spécialité, le bureau du Collège de CTCV travaillera en pleine transparence avec la SFCTCV (et son comité pédagogique, structure de référence), avec les membres de notre sous-section 51-03 du CNU et avec les coordonnateurs locaux et régionaux du DES qui seront nommés par les doyens. Le diplôme du Collège sera toujours obtenu, avec ses différentes options, à la suite de l'examen du Collège, qui sera plus sélectif et très important à avoir. Il est et sera nécessaire pour être membre de la SFCTCV, pour les chirurgiens exerçants en France. Nous le considérons comme requis pour une carrière hospitalière ou hospitalo-universitaire, voire même tout simplement une carrière. Il validera l'acquisition de la pleine autonomie et la maturité des compétences nécessaires, en phase avec les réalités de notre spécialité. En effet, nous ne sommes pas sans inquiétude sur les limites et les difficultés d'application de ces textes en chirurgie. Nous savons, bien sûr, que le DES monolithique, avec ses 6 ans prévus de formation et les nouvelles règles régissant durées et modalités du travail des internes, sera surtout le diplôme qui permettra à un jeune, apte (et autorisé) à être chirurgien "thoracique" (au sens américain, large, du terme) d'entrer dans la réalité d'une équipe où il recevra une formation sur-spécialisée post-internat, finalement proche d'un fellowship anglo-saxon. Il trouvera sa place dans ce groupe et plus globalement dans notre collectif en fonction des besoins de cette équipe, des ses affinités (et compétences !), et de l'évolution des structures de soins dans une organisation territoriale. C'est donc bien le diplôme du Collège et ses options qui seront le vrai reflet des acquis d'une formation qui additionnera le DES (qui valide une formation homogène et globale de chirurgien thoracique et cardiovasculaire) et le post-internat plus spécifique qui débouchera sur une ou plusieurs de nos facettes d'activité, en perpétuelle évolution. Nous devons tous nous approprier cette réforme. Certains de ses points restent encore flous, et notamment son accompagnement budgétaire. Nous devons néanmoins anticiper et en faire un tremplin nous permettant d'aller plus haut et plus loin dans l'excellence de notre formation et le développement de notre exercice. Tous les membres du Collège de CTCV (donc tous les enseignants, au sens large du terme) seront convoqués à une journée de travail et d'échanges obligatoire dans la suite des Journées d'Automne, le samedi 9 décembre 2017. Nous ferons de cette journée, en nous aidant de ce qui se fait dans les autres Collèges français et les instances européennes, un moment privilégié au cours duquel se construira au mieux notre planning et nos méthodes de travail pour les années à venir. Nous aurons déjà bien commencé à mettre en place les groupes d'enseignants responsables et les modules d'enseignements, et nous viserons surtout les formations de phase d'approfondissement et de consolidation (capitales pour nous, et applicables à partir de 2018 et 2021 respectivement). Nous échangerons enfin sur les nouveaux statuts du Collège, qui auront été mis en ligne auparavant afin de les valider. DOI : 10.24399/JCTCV21-2-KRE Citation : Kreitmann B, Dumont P. La réforme de l'internat nous interpelle sur notre mission d'enseignement. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-KRE
juin 2, 2017