Chirurgie thoracique · Vol. 20 Mars 2016

Résultats multicentriques de l’assistance circulatoire en transplantation bipulmonaire chez les patients atteints de mucoviscidose dans le cadre de COLT

Philippe Lacoste1, A. Hauguel1, Adrien Tissot1, Pascal-Alexandre Thomas2, Martine Reynaud-Gaubert2, Édouard Sage3, Antoine Roux3, Anne Olland4, Claire Dromer5, Françoit Philit6, Véronique Boussaud7, J. Claustre8, Sacha Mussot9, Olivier Brugière10, Marcel Dahan11, Christiane Knoop12, Antoine Magnan1, Christian Périgaud1 et le consortium COLT   1. CHU Nantes, Institut du thorax, France. 2. Hôpital Nord, CHU de Marseille, France. 3. Hôpital Foch, Suresnes, France. 4. Nouvel hôpital civil, CHU de Strasbourg, France. 5. CHU de Bordeaux, hôpital Haut-Lévêque, Pessac, France. 6. Hôpital Louis-Pradel, CHU de Lyon, France. 7. Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris, France. 8. CHU de Grenoble, France. 9. Centre chirugical Marie-Lannelongue, Le Plessis-Robinson, France. 10. Hôpital Bichat, Paris, France. 11. Hôpital Larrey, Toulouse, France. 12. Service de pneumologie, Bruxelles, Belgique. Correspondance : philippe.lacoste@chu-nantes.fr   Résumé Objectif : La transplantation bipulmonaire est la seule thérapie possible pour les patients en insuffisance respiratoire terminale. La gravité clinique des patients nécessite de recourir à des assistances circulatoires (circulation extracorporelle [CEC] ou Extra Corporeal Membrane Oxygenation [ECMO]) en pré, per ou postopératoire. L’objectif de cette étude est d’étudier les résultats cliniques de la transplantation bipulmonaire en fonction des assistances circulatoires, dans le cadre de la cohorte multicentrique COLT (COhort in Lung Transplantation). Méthodes : D’octobre 2009 à juin 2012, 157 patients ont bénéficié d’une transplantation bipulmonaire pour mucoviscidose. Concernant les assistances peropératoire : 71 transplantations ont nécessité une CEC, 28 une ECMO, 58 patients ont pu être transplantés sans assistance (off-pump). Dix patients ont bénéficié d’une ECMO préopératoire en « bridge to transplant », 13 patients ont nécessité une ECMO en postopératoire. Résultats : Concernant les données pré et peropératoires, le groupe ECMO peropératoire contient plus de patients transplantés en super urgence (p < 0,05), et plus de patients présentant des adhérences pleurales (p < 0,05). Le groupe off-pump préserve du risque de reprise chirurgicale, et a une survie significa- tivement supérieure à ceux ayant nécessité le soutien d’une assistance circulatoire au cours de la chirurgie (survie de 94,6 % à 1 et 2 ans). Le groupe ECMO préopératoire a une survie de 90 % et 80 % à 1 et 2 ans. Pour les patients nécessitant une ECMO postopératoire, la survie à 1 an est de 71 %. Discussion : Les patients atteints de mucoviscidose capables de supporter une transplantation bipulmonaire off-pump présentent une meilleure survie à 1 et 2 ans. L’ECMO peut constituer une alternative à la CEC, et présente des intérêts pour le « bridge to transplant » et l’assistance postopératoire.   Abstract Outcomes of extracorporeal support in bilateral lung transplantation for cystic fibrosis in the framework of the COLT cohort Aim: Bilateral lung transplantation is considered as a therapeutic option for patients with end-stage cystic fibrosis. The objective was to study the results of pre, peri and post-operative extracorporeal support (cardiopulmonary bypass (CBP) or extracorporeal membrane oxygenation (ECMO)) needed during bilateral lung transplantation in cystic fibrosis (CF) patients in the framework of the Cohort in Lung Transplantation (COLT) study. Methods: COLT consists of sharing clinical and biological data of included patients in each center, collected in a database dedicated to COLT. From October 2009 to June 2012, 157 patients underwent bilateral lung transplantation for CF. Fifty-eight patients were transplanted off-pump, 71 patients needed CBP and 28 required ECMO. Ten patients needed ECMO in the bridge to transplant, and 13 patients required ECMO as post-operative support. The mean follow-up period was two years. Results: Concerning pre- and per-transplantation data, there were more patients transplanted as a high emergency procedure, and more patients with pleural adhesion in the peri-transplantation ECMO group (p<0.05). The off-pump group showed better survival than the extra-corporeal support groups (94.6% at one and two years). Bridge to transplant ECMO patients showed 90% and 80% survival at one and two years. Patients who needed post-transplantation ECMO had a 71% survival once beyond the immediate post-op period. Discussion: Patients with cystic fibrosis able to support off-pump bilateral lung transplantation had the best survival at one and two years post-transplant. In lung transplantation, ECMO is an alternative to CPB, and is valuable for pre-transplantation bridge to transplant and post-operative support. Télécharger le PDF de l'article complet Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Ces résultats ont été présentés lors des Journées d’Automne de la SFCTCV de décembre 2014 - Paris.  
mars 15, 2016
Chirurgie thoracique · Vol. 20 Mars 2016

Résultat du traitement des luxations sternoclaviculaires postérieures par résection claviculaire médiale – À propos de 10 cas

Albéric de Lambert, Augustin Pirvu, Kheira Hireche, Dan Angelescu, Philippe Chaffanjon, Pierre-Yves Brichon   Clinique universitaire de chirurgie thoracique vasculaire et endocrinienne, CHU de Grenoble, La Tronche, France. Correspondance : alberic.de-lambert@ch-metropole-savoie.fr   Résumé Objectif : Nous rapportons notre expérience sur le traitement des luxations sternoclaviculaires postérieures (LSCP) par résection claviculaire médiale. Méthodes : Il s’agit d’une étude rétrospective. De 2005 à 2014, 10 patients ont bénéficié consécutivement d’une résection claviculaire médiale pour LSCP. Le délai moyen entre le traumatisme et la chirurgie était de 12,6 jours (extrêmes 0­73 jours). La résection n’était pas associée à une stabilisation. Les patients ont bénéficié d’une évaluation fonctionnelle à long terme par entretien téléphonique avec utilisation des questionnaires de scores SST (Simple Shoulder Test) et QuickDASH (Disabilities of the Arm, Shoulder and Hand). Résultats : L’évaluation à distance a été possible pour 8 patients. Le délai moyen était de 60 mois (10 à 111 mois). Le score moyen du SST était de 10,87 ± 2,1 (7­12), le score moyen du QuickDASH était lui de 8,8 ± 10,1 (0­25). Tous les patients ont pu retrouver leur activité sportive antérieure. Conclusion : La résection claviculaire médiale est une technique simple qui offre des résultats satisfaisants en cas de LSCP aiguë ou chronique.   Abstract Medial clavicle excision for posterior dislocation of the sterno-clavicular joint – results of 10 cases Aim: We report our experience in the management of posterior dislocation of the sterno­clavicular joint treated by resection of the medial end of the clavicle. Methods: This was a retrospective study. From 2005 to 2014, 10 consecutive patients underwent medial clavicle resection for posterior dislocation of the sterno­clavicular joint. The mean time from injury to surgery was 12.6 days (range 0 to 73 days). The resection was not associated with surgical stabilization. Patients underwent a long­term functional assessment by phone interview using the survey and score of Simple Shoulder Test (SST) and Disabilities of the Arm, Shoulder and Hand (quickDASH). Results: A long term evaluation was carried out on 8 patients. The mean follow­up time was 60 months (minimum 10, maximum 111). The SST score was 10.87 ± 2.1 (7­12) and the QuickDASH score was 8.8 ± 10.1 (0­25). All patients recovered their previous sporting activities. Conclusion: Resection of the medial end of the clavicle is a simple technique which provides good functional results in acute or chronic posterior dislo­cation of the sternoclavicular joint. Télécharger le PDF de l'article complet Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Cet article est issu d'un mémoire de DESC.  
mars 15, 2016
Éditorial · Vol. 20 Mars 2016

Notre discipline au centre de changements disruptifs

[caption id="attachment_2664" align="alignleft" width="283"] Pascal-Alexandre Thomas, président SFCTCV[/caption] Les innovations technologiques et les possibilités illimitées d’analyse des « big data » sont à l’origine de changements radicaux dans tous les domaines de la santé. Notre discipline est en première ligne de ces bouleversements. Qu’il s’agisse de la saisie continue de paramètres cliniques, de la capture des interfaces biomédicales, des données de l’analyse biomoléculaire des cancers, ou encore des progrès de l’imagerie médicale, nos pratiques professionnelles sont fondamentalement modifiées. Dans le même temps, l’intelligence artificielle investit nos blocs opératoires. La chirurgie de- vient mini-invasive, robot-assistée, et adopte une réalité « augmentée » par la vision 3D et l’imagerie de fusion. Ce contexte modifie l’architecture même de nos plateaux techniques devenus « hybrides », et traduit une prise en charge diagnostique et thérapeutique devenue de plus en plus multidisciplinaire et multiprofessionnelle. À ces changements spectaculaires – et donc bien visibles – s’ajoutent des évolutions sociétales et réglementaires plus subtiles dans leur perception et donc souvent mal appréhendées, souvent contournées, et parfois même publiquement contestées. On peut citer le développement professionnel continu (DPC), rendu particulièrement opaque par des changements réglementaires incessants et inaboutis, mais dont l’obligation faite à tout praticien a été une nouvelle fois réaffirmée par l’actuelle loi de santé. On peut aussi mentionner l’avènement inéluctable de la certification des individus et des équipes, et surtout de leur recertification, dans un contexte européen qui ne tardera pas à s’imposer aux états membres, comme il l’a fait avec la réforme des études médicales ou celle de la réglementation du temps de travail, véritables bombes à retardement tapies dans nos organisations.   Accueillir le changement, éviter le chaos Il n’y a pas d’autre option que celle d’accueillir ces changements et dans certains cas les anticiper. C’est en tout cas la responsabilité de la génération actuellement en place dans nos structures. Nous disposons d’un certain nombre d’atouts pour faire face à ces défis. Le premier d’entre eux est la cohérence de notre discipline, en dépit de l’hyperspécialisation croissante dans ses trois branches cardiaque, thoracique et vasculaire. Nous avons su préserver une base culturelle et de formation commune qui a permis l’appropriation rapide des techniques chirurgicales vidéo et robot-assistées, le développement de l’assistance dans toutes ses indications hémodynamiques et respiratoires, et le renouveau de la transplantation d’organes thoraciques. Le second est la cohésion de notre communauté, conséquence de sa modeste taille, qui nous permet de nous connaître tous individuellement, et favorise les actions solidaires. Depuis plus de soixante ans, forte de ces deux atouts, la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire a pu suivre la stratégie du « guichet unique » qui a fait son succès. Tout ce qui concerne la formation, l’exercice professionnel et la diffusion des avancées scientifiques est coordonné par elle, grâce et parfois en dépit de l’émergence régulière de nouvelles entités ou structures comme le furent successivement le Collège de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire, les Syndicats, l’Organisme d’Accréditation (OA), le Conseil National Professionnel (CNP) et l’Organisme du Développement Professionnel Continu (ODPC). Cette stratégie s’est concrétisée par le succès, unique à ce jour, de nos bases de données Epithor® et Epicard®. Une des premières décisions du conseil d’administration que vous avez élu en décembre dernier a d’ailleurs été de renforcer encore ces outils qui nous permettent en temps réel de suivre le volume et la qualité de nos activités, capacité qui nous met en position de force dans nos rapports avec les tutelles. Le passage de nos bases sur Internet va grandement simplifier la participation à celles-ci, et nous permettre dans un avenir proche d’atteindre l’exhaustivité de la saisie de nos activités. Dans le même but, le développement des bases nationales dédiées à l’assistance mécanique et à la chirurgie des pathologies cardiaques congénitales est en cours de finalisation. Enfin, un accord se dessine avec nos partenaires chirurgiens vasculaires pour le développe- ment d’une base de données commune et développée sur le modèle Epithor®/Epicard® avec l’aide de la SFCTCV. Cette capacité à suivre quantitativement et qualitativement nos activités, tant au niveau des individus et des équipes qu’au plan national, n’a pas pour unique finalité l’évaluation des pratiques. Elle permet aussi d’anticiper les futurs besoins de santé dans notre discipline, aussi bien en termes de démographie médicale que de formation. Cette anticipation est le principal levier dont nous disposons pour éviter le chaos qui résulterait d’une formation basée quantitativement sur une filiarisation dictée principalement par la volonté de contrôler les dépenses de santé, et dissociée des évolutions épidémiologiques des pathologies que nous traitons et technologiques des procédures que nous effectuons.   Les enjeux et défis de la formation Pour la formation initiale, ces enjeux et défis sont conditionnés par la conjonction de la mise en place de façon effective de la Directive européenne sur le temps de travail des médecins en formation qui devrait réduire de près de la moitié le temps de présence des internes dans les services, et de la réforme du 3e cycle des études médicales qui prévoit la réduction à 6 années de la durée du cursus dans les disciplines chirurgicales, dont la nôtre. L’impact est doublement délétère. Ce contexte de pénurie va profondément perturber le fonctionnement des services hospitaliers, sans que ces changements aient été anticipés. Il pose clairement la question du transfert d’un certain nombre de tâches, aujourd’hui assurées par les internes, vers des personnels paramédicaux dont la durée de formation est moins longue et moins onéreuse. Ils impliquent de suivre de très près les trajectoires individuelles des internes de la filière afin de les amener à satisfaire les critères quantitatifs et qualitatifs de formation exigés par le Collège. À cet égard, nous avons soutenu financièrement l’initiative de l’Association des Jeunes Chirurgiens Thoraciques et Cardio-vasculaire (AJCTCV) de la plateforme numérique EPIFORM que nous souhaitons rendre obligatoire pour tout interne engagé dans le cursus. Ces changements imposent surtout de réinventer la pédagogie autour des pratiques interventionnelles avec le développement de la simulation et de la réalité virtuelle. D’un point de vue pragmatique, le temps d’apprentissage peut être au moins partiel- lement dissocié du temps hospitalier, ce qui pallie de facto la réduction du temps de présence hospitalier. La dématérialisation que représente la simulation en santé per- met aussi de satisfaire le paradigme éthique émergent, et pour le moins disruptif en chirurgie, du « Jamais la première fois chez le patient ». Elle permet surtout l’amélio- ration du savoir-faire, l’analyse et la modification des comportements des individus et des équipes, tout particulièrement en situation de crise, ce que l’on pensait jusque-là du domaine privilégié voire exclusif de l’urgence par la participation des internes aux gardes et astreintes. À l’évidence, l’intégration de ces outils est aussi nécessaire pour le DPC avec la dématérialisation de ses programmes, le développement de l’e-learning et des e-congrès, la certification ou la recertification des chirurgiens et des équipes et l’accréditation des centres au moyen de référentiels validés. Enfin, l’utilisation de nos bases de données interconnectées et capables de suivre la trajectoire des patients mais aussi des acteurs devient la clé de voûte de cette révolution. Il sera en effet possible de tracer tant le chirurgien que le formateur tout du long de leur carrière, de quantifier et évaluer la transmission du savoir, apportant ainsi une dimension factuelle à un domaine jusqu’alors très subjectif.   Hasards et nécessités Si le pire ou le meilleur ne sont jamais certains, le hasard ne profite qu’aux esprits préparés. À cet effet, la SFCTCV modifie sa configuration et proposera en conséquence une réforme de ses statuts au vote de l’assemblée générale de ses membres en juin prochain. Cette réforme transcrit la volonté de mettre tous les acteurs de ces changements disruptifs autour de la même table de réflexions et de décisions : toutes celles et tous ceux impliqués dans la formation initiale et continue, la certification, l’accréditation, les avancées scientifiques et technologiques, la représentation syndicale et la dimension académique de notre discipline. Des évolutions radicales dans le format de nos rencontres bisannuelles des Journées de Printemps et d’Automne vous seront proposées. Le « tout numérique » dominera notre environnement. Ainsi, à l’heure des engagements planétaires sur la solidarité climatique, le congrès de Nantes sera notre premier congrès « sans papier ». Les Journées d’Automne 2016 devraient proposer nos premiers e-évènements. Notre journal et le nouveau site Internet de la SFCTCV porteront aussi ces changements. Leur rythme sera soutenu, car nous souhaitons que vous en perceviez les effets dès cette année. Le succès de cette entreprise ambitieuse repose sur l’adhésion et la participation active de notre communauté au projet. Celles de nos jeunes sont d’ores et déjà acquises. Leur enthousiasme est communicatif. Ils sont notre avenir. L’ampleur de la tâche nécessite un appareil administratif renforcé, ce qui a été assuré par le recrutement d’un directeur exécutif adjoint en janvier 2016. Tout ceci a un coût, et les modifications réglementaires contraignant le financement par les industriels de la santé et qui devraient être appliquées en janvier 2018 offrent des perspectives il est vrai assez inquiétantes pour la pérennité de nos actions. Mais ces contraintes pour- raient finalement ne pas être un problème, mais plutôt la solution menant à un modèle économique innovant qu’il nous reste à inventer. Nul doute qu’avec cette nouvelle génération de chirurgiens thoraciques et cardio- vasculaires l’imagination soit au pouvoir.
mars 15, 2016