Éditorial · Vol. 23 Septembre 2019

Un bachelier de 2025 veut devenir chirurgien…

[caption id="attachment_115" align="alignleft" width="170"] Par le Pr Bernard Kreitmann, directeur du Collège[/caption] Le concours d’entrée en 2e année (PCEM1, PACES…) de 1971 a été remplacé en 2020 par « des objectifs pluriannuels d’admission en première année du deuxième cycle définis au regard d’objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former établis par l’État pour répondre aux besoins du système de santé, réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins et permettre l’insertion professionnelle des étudiants ». La loi « Santé 2022 » a mis en place une obligation de diversification du parcours des étudiants en santé. Tout ceci étant très complexe, les étudiants s’arrangent heureusement avec les anciennes « prépas » privées qui étaient utilisées pour augmenter le concours PACES et qui se sont transformées en « centres de conseils en diversification du parcours » en gardant plus ou moins les mêmes tarifs.   Une fois admis en 2e année de médecine, il faut commencer à se préparer pour se spécialiser tout en menant à bien les deux premiers cycles d’études. L’admission en 3e cycle (ex-internat) est en effet d’abord subordonnée à l’obtention d’une note minimale à des épreuves nationales « permettant d’établir que l’étudiant a acquis les connaissances et compétences suffisantes au regard des exigences de la formation de troisième cycle ». Pour ce qui est des connaissances, le référentiel d’apprentissage du second cycle a été revu en 2019/20 avec la notion de connaissances de rang A (ce que doit connaître tout médecin) et de rang B (ce que doit connaître en fin de 2e cycle celui qui veut faire tel ou tel DES) et un examen est organisé de façon inter-régionale en septembre de la 6e année. Les compétences sont évaluées « au fil de l’eau », évaluations formatives non classantes, donc dissociées de l’orientation vers le 3e cycle, répétées tout au long des stages puis évaluation ayant valeur chiffrée pour le 3e cycle faite avec des examens de type ECOS (pour lesquels il y a des examinateurs ayant validé une formation spécifique et des lieux appropriés). Ces ECOS régionaux sont en avril de la 6e année. Le choix de sa ville de CHU et de la spécialité résulte d’un processus complexe qui intègre la note obtenue au contrôle de connaissances, celle obtenue au contrôle de compétences et une note de « parcours » chiffrée. Par exemple, si un étudiant a fait un semestre du 2e cycle à l’étranger, il aura « gagné » des points parcours. Subtilement, les notes obtenues aux questions de connaissances de rang B sont pondérées avec des coefficients en fonction des spécialités visées. La réponse juste à la question de rang B « Etiologies de l’astasie-abasie », donnera plus de points pour une demande de DES de Neurologie, que pour la Chirurgie TCV (heureusement !). Comme les résultats du contrôle de connaissances sont connus dès le début de la 6e année, l’étudiant sait déjà plus ou moins si « ça se présente bien, ou non, pour telle spécialité » et peut en 6e année travailler ses points parcours et ses compétences pour améliorer son classement ou pour rattraper la situation, selon le cas. Là aussi, les « centres de conseils en diversification du parcours » peuvent, moyennant rétribution, aider les étudiants qui en ont les moyens. Le processus de matching entre les demandes de postes de 3e cycle (la demande consiste en un couple CHU/DES) et les possibilités d’accueil est informatisé, avec un algorithme géré par une IA qui ressemble à celui de l’ancien « Parcours-Sup » qui avait fait beaucoup parler dans les années 2018-2020.   Ensuite, l’étudiant accède enfin au 3e cycle. Il suit alors, dans le CHU désigné par le matching, la maquette de formation correspondant au DES déterminé. Il gère avec son smartphone son portfolio d’actes et ses acquisitions de compétences obligatoires, avec une application dédiée qui a deux versions. La gratuite est intéressante, mais expose à pas mal de publicités et de notifications commerciales. La version « premium » est un peu chère mais plus fluide et elle permet de générer automatiquement le fichier qui doit être transmis en fin de semestre au coordonnateur. Certains coordonnateurs, souvent contractuels pour un « centre de conseils », ont droit à une version encore plus performante de l’application, qui vérifie automatiquement les cursus et dont l’IA propose (ou non) de valider les étudiants. Par contre, les obligations de formation par simulation prévues dans les maquettes des DES chirurgicaux ont été transformées en « recommandations », car les plateformes de simulation publiques ne fonctionnent pas bien, faute de financement. Depuis 2024, en chirurgie thoracique et cardiovasculaire, il faut faire un semestre en pratique ambulatoire, pour les néoplasies thoraciques, dans un « territoire avec une offre de soins insuffisante caractérisée par des difficultés dans l'accès aux soins ».   Devenu « médecin junior », c’est-à-dire entré dans la dernière phase du 3e cycle, il commence à avoir une position et une activité qui ressemblent à ce qu’étaient celles des internes des années 2000, selon ce que les anciens lui racontent. Mais cela ne dure qu’un an ou deux, selon le DES suivi. Puis, devenu médecin spécialiste, il prépare ses épreuves de certification qui arriveront dans quelques années et essaye de gagner sa vie, et celle de sa famille, tout en remboursant les prêts étudiants qu’il a dû souscrire. Heureusement, grâce au « centre de conseils » privé qu’il avait choisi, il a pu avoir des taux intéressants.   Le pire n’est jamais certain, mais ce qui l’est, c’est l’évolution (certains diraient la dérive) planificatrice et centralisatrice des textes réglementaires qui apparaissent à cadence accélérée depuis quelques années. Par exemple, jusqu’à la réforme de 2016, et en dehors du numerus clausus, on peut dire qu’il n’y avait aucune régulation formelle du nombre de spécialistes. Un interne des années 2000 s’orientait librement en fonction de ses possibilités, de ses goûts et des interactions avec une équipe et un chef de service. Depuis l’arrêté du 12 juillet 2019 consacré aux FST et aux options de DES, qui en « rajoute une couche », on dénombre 82 régulations séparées : la répartition est fixée nationalement par DES et par ville de CHU, plus par options et/ou FST et par ville de CHU.   Le pire n’est pas certain, mais ce qui l’est, c’est que nous devons métaboliser rapidement ces changements et nous organiser pour que, dans notre pays, les jeunes aient envie de, et plaisir à devenir des chirurgiens thoraciques et cardiovasculaires d’excellence. Pour ceci, il faut changer notre point de vue. Avant, la relation de formation était surtout faite d’échanges personnalisés entre un senior et un jeune. « Tu m’aides, puis je t’aide ». « Je te laisse faire, mais je suis là si tu as besoin de moi ». Maintenant, nous devons imaginer une relation de formation plus complexe dans laquelle tous les seniors de notre spécialité accompagnent tous les jeunes, dès le 2e cycle, en les accompagnant sur leur « parcours » et en leur donnant accès aux outils de formation adéquats de façon adaptée à leur progression. Mais le meilleur outil restera toujours notre disponibilité et notre enthousiasme à transmettre ce que nous avons nous-mêmes reçu. [caption id="attachment_4466" align="aligncenter" width="840"] © Macrovector[/caption]
septembre 12, 2019
Éditorial · Vol. 23 Juin 2019

Éditorial

Cher(e)s collègues, cher(e)s ami(e)s, [caption id="attachment_4367" align="alignleft" width="199"] Jean-Philippe Verhoye, président de la SFCTCV.[/caption] Une nouvelle mandature  de trois ans s’ouvre à nous, pétrie d'enthousiasme et d’énergie face à une conjoncture clinique, scientifique et économique en rupture par rapport à tout ce que nous avons pu connaître jusqu'à maintenant. Notre congrès cette année se déroule à Rennes et s'intitule désormais « Journées de Formation Francophones et Européennes en Chirurgie Thoracique et Cardiovasculaire ». C’est un moment privilégié pour discuter ouvertement des prospectives professionnelles globales en termes de formation continue, d’accréditation, de certification, et pour clarifier les nouvelles étapes de la formation initiale afin de donner à nos jeunes chirurgiens des perspectives solides sur l’évolutivité et le profil de leur carrière. Ces journées doivent être aussi un lieu d’échanges francophones forts, de partages européens et internationaux constructifs. À ce titre, deux sessions Francophone et Anglophone sont clairement identifiées. Notre école de chirurgie a été respectée pour l’audace et l’engagement de ses pionniers. Les élèves de nos maîtres ont fait école dans le monde entier et sont respectés à leur tour. Les nouvelles équipes françaises, conscientes de la richesse de ces racines chirurgicales communes, ont à cœur de raviver cette mémoire et, au-delà des actions humanitaires, s’orientent vers de véritables partages de compétences sous forme de rencontres pédagogiques, de stages  validant au Maroc, au Vietnam, en Inde… Bien d’autres partenariats sont en discussion. Avec nos équipes, nous, chirurgien(ne)s thoraciques et cardiovasculaires, sommes exposé(e)s aux drames des civilisations auxquelles nous appartenons : attaques des grandes cités,  fusillades, arrivée massive de patients criblés, ou issues de catastrophes naturelles. En un éclair, il nous faut réagir, nous organiser, trier, accueillir et sauver… cela demande une expertise et des entraînements simulés. Il est essentiel de s’informer, de se former et d’apprendre de l’expérience de nos confrères militaires, anesthésistes réanimateurs Ibode, Iade, des offices de polices et de gendarmerie. À l’avenir, une séance complète sera consacrée à cet état d’alerte qui nous concerne tous. Notre société présente à la mémoire de Marc Laskar un fonds de dotation présidé par le Pr Lionel Camilleri que je remercie sincèrement. Ce fonds est dédié à la recherche chirurgicale et à l’excellence de la formation de nos juniors. La soirée du congrès fait place à des événements culturels de bienfaisance dont le but est de nous sensibiliser, de sensibiliser les entreprises nationales et les populations locales et régionales à nos actions et à leur retombée en termes de santé publique dans un contexte culturel propice à la philanthropie. Pour cette mandature, Dominique Carlac’h, PDG de D&Consultant, sportive de haut niveau et vice-présidente du Medef, a élégamment accepté d’être la première marraine du fonds. Pour la soirée du 12 juin, le chanteur et poète contemporain Arthur H se produira au couvent des Jacobins à 20h30. Le jeudi 13 juin, le couple virtuose Éric Lebrun et Marie-Ange Leurent se produiront aux grandes orgues de la cathédrale Saint-Pierre de Rennes à 20h30. Enfin, tout au long de ce séjour scientifique, vous aurez le plaisir d’apprécier les photos artistiques sur le thème « du soin et des soignants » de Natacha Sibellas et Philippe Crestet, ainsi que la sensuelle délicatesse des sculptures sur porcelaine de Limoges de Laurence Lavollée. Je remercie tous  les orateurs, les modérateurs, les organisateurs, les artistes, nos partenaires et vous, chers congressistes, pour cet engagement précieux qui laisse augurer de la qualité de ces 72es journées . Humilité Humanité Audace…
juin 7, 2019
Chirurgie humanitaire · Éditorial · Vol. 22 Septembre 2018

À propos de l’article «La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?» – Editorial

Pr Roland Henaine, service de chirurgie cardiaque pédiatrique, hospices civils de Lyon, France. DOI : 10.24399/JCTCV22-3-HEN Citation : Henaine R. À propos de l'article «La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?» – Editorial . Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(3). doi: 10.24399/JCTCV22-3-HEN L’article du Dr  Marielle Gouton « La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer? », qui décrit la prise en charge d’une population spécifique en France par l’association humanitaire Mécénat Chirurgie Cardiaque, soulève plusieurs commentaires.   Considérations médicales La prise en charge chirurgicale initiale du ventricule unique, où presque 90% des patients ont bénéficié d’un diagnostic anténatal, est plus précoce en France. En général, elle se situe dans les premiers mois de vie. Dans la population humanitaire décrite dans l’article, elle est à plus d’un an de vie. Ce retard a sûrement une incidence sur la survie à long terme. Cette prise en charge tardive s’explique par le quasi absence du diagnostic anténatal dans les pays défavorisés, par une difficulté d’accès au système hospitalier, par la rareté des compétences locales pour établir un diagnostic, mais aussi par un délai incompressible administratif entre le diagnostic et l’arrivée de l’enfant en France. Une fois opéré et de retour dans son pays, se pose la question de la qualité du suivi. En effet, plus particulièrement dans cette pathologie, trois étapes sont nécessaires pour réaliser la procédure dite «de Fontan”, et au-delà, la surveillance d’une éventuelle prise d’anti-vitamines K et la détection de ce qu’on appelle le «Failing Fontan». Le pronostic à long terme après chirurgie de Fontan dépend de la cardiopathie sous-jacente (ventricule de type droit ou gauche) et des antécédents et résultats des chirurgies itératives. Les échecs par dysfonction myocardique et/ou insuffisance de la valve auriculoventriculaire surviennent plus souvent si le ventricule unique est de type droit. À long terme, les patients restent exposés à des complications plus ou moins sévères. La stase dans le tube extracardiaque entraîne une entéropathie exsudative et des troubles du rythme dans le cas de Fontan intracardiaque. On dénombre ainsi les troubles du rythme à type d’arythmies supraventriculaires, la dégradation de la fonction myocardique, la fuite auriculoventriculaire, les thromboses du circuit cavopulmonaire, l’entéropathie exsudative, la circulation collatérale systémico-pulmonaire, les fistules artérioveineuses pulmonaires [1,2], l’hypoxie et cyanose, l’endocardite infectieuse, les réinterventions, l’adaptation socioprofessionnelle et enfin la transplantation cardiaque… Dans l’étude réalisée par F.Fontan et al [3], la survie actuarielle à 1 mois, 6 mois, 1, 5, 10 et 15 ans était respectivement de 90%, 87%, 87%, 86%, 84%, et 74%. En résumé, la nécessité d’une surveillance rigoureuse et d’une prise en charge multidisciplinaire est de mise, ce qui n’est pas évident pour des patients défavorisés et qui habitent parfois à plusieurs centaines de kilomètres du centre de cardiopédiatrie.   Considérations financières Ces patients sont payants. C’est l’association humanitaire Mécénat Chirurgie Cardiaque qui couvre intégralement les frais ; ceux-ci sont en moyenne de 12000 euros/intervention. L’argent est le nerf de la guerre et il n’est pas illimité . D’un point de vue strictement comptable, un enfant avec VU coûtera à l’association l’équivalent de trois enfants avec une correction «biventriculaire» qui ne nécessitent en général qu’une intervention. Certes, la vie humaine n’a pas de prix et l’enfant pris en charge est précieux quelle que soit sa pathologie, mais on ne peut se soustraire de tenir compte de la réalité financière et une sélection rigoureuse des cas à traiter doit être de mise.   Conclusion Les deux questions posées par les auteurs de cet article sont les suivantes : Est-il possible de prendre en charge cette population particulière ? Vu l’excellente organisation déployée par l’association, la réponse est oui. Est-il légitime de les prendre en charge ? Vu les bons résultats de la série, la réponse est oui, à condition d’améliorer sans cesse le suivi entre les étapes chirurgicales et après le Fontan.   Je tiens à saluer tous les acteurs de Mécénat Chirurgie Cardiaque, médicaux ou non, en France et à l’étranger, pour ce formidable travail fourni au quotidien et pour ses excellents résultats. Le peu que l'on peut faire, le très peu que l'on peut faire, il faut le faire, pour l’humanité et avec enthousiasme.   Références Henaine R, Vergnat M, Bacha EA, Baudet B, Lambert V, Belli E, Serraf A. Effects of lack of pulsatility on pulmonary endothelial function in the Fontan circulation. J Thorac Cardiovasc Surg. 2013 Sep;146(3):522-9 https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2012.11.031 PMid:23219498 Henaine R, Vergnat M, Mercier O, Serraf A, De Montpreville V, Ninet J,  Bacha EA. Hemodynamics and arteriovenous malformations in cavopulmonary anastomosis: the case for residual antegrade pulsatile flow . J Thorac Cardiovasc Surg. 2013 Dec;146(6):1359-65 https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2013.02.036 PMid:23490250 Fontan F, Kirklin JW, Fernandez G, Costa F, Naftel DC, Tritto F, Blackstone EH. Outcome After a "Perfect" Fontan Operation. Circulation 1990;81:1520-1536 https://doi.org/10.1161/01.CIR.81.5.1520 PMid:2331765  
septembre 5, 2018
Éditorial · Vol. 21 Juin 2017

La réforme de l’internat nous interpelle sur notre mission d’enseignement

Nous entendions parler de la réforme du 3e cycle des études médicales depuis plus de 10 ans. Après des phases de grand calme et des moments de tempête, il semble maintenant que le bateau, chargé de bonnes et de moins bonnes choses, achève sa traversée. Les principaux textes officiels sont à votre disposition sur notre site. Parmi les principaux points de la réforme (qui, il faut le dire, est plus conçue pour mettre en place la formation de milliers d'internes en Médecine générale, en Médecine d'urgence ou en Médecine gériatrique que pour les spécialités chirurgicales) on notera : une organisation basée sur les CHU et les (nouvelles) régions ; une durée de formation uniforme de 6 ans pour toutes les spécialités chirurgicales ; des interrogations sur la phase d'approfondissement, introduisant un statut "plus qu'interne" et "moins qu'assistant" ; une importance redonnée aux coordinations locale et régionale. Formellement, c'est un véritable contrat d'apprentissage qui sera passé entre la coordination locale et chaque interne à l'issue de la première année ; la volonté de former et d'évaluer par compétences. La compétence est beaucoup plus que la connaissance, il s'agit de la mise en œuvre, en situation, de connaissances, de capacités et de comportements. Évaluer les compétences, c'est aussi une compétence à développer pour nous. Cela fait d'ailleurs le pont avec le DPC dont le but est justement le maintien de celles-ci. Pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, il faut aussi mettre en exergue une reconnaissance sans précédent du rôle des Collèges. Regroupés au sein d'une Coordination nationale des collèges d'enseignants en médecine (CNCEM), ils travaillent avec les sous-sections de CNU et les doyens. Les textes officiels renvoient pour définir les connaissances, les compétences et les critères d'agrément des stages aux "plateformes" des Collèges, distinguant ainsi sans ambiguïté leur place. Nous allons donc finalement définir nous-mêmes, avec une capacité d'adaptation permanente, sur nos outils numériques, ce qu'est notre métier et comment il faut se former pour pouvoir être autorisé à l'exercer. Nous devons donc, en parallèle, mener à bien deux développements. De façon consensuelle, identique pour toutes les régions et adaptée aux évolutions de notre spécialité, définir les connaissances nécessaires (et mettre en place les outils de transmission de celles-ci), définir les compétences et leurs évaluations et adapter les modalités de formation en fonction de tout ceci. Il nous faut aussi faire évoluer les statuts du Collège (qui datent de 2004) afin qu'ils soient aussi proches que possible de ceux des autres Collèges d'enseignants et qu'ils nous permettent de remplir avec pertinence, pérennité et réussite ce premier processus capital. La caractéristique d'un Collège est de regrouper des enseignants. C'est d'ailleurs par extension que le lieu physique où cet enseignement était dispensé est devenu un collège. Nos Collèges médicaux regroupent les enseignants par leur spécialité, telle que définie par une section du CNU et un diplôme valant droit d'exercice : le DES, reflétant ainsi notre double aspect de professionnels du soins et d'universitaires. Les lieux d'enseignement sont surtout devenus numériques et virtuels, mais n'en sont pas moins réels et utiles. Fidèle à notre principe de guichet unique représentant notre spécialité, le bureau du Collège de CTCV travaillera en pleine transparence avec la SFCTCV (et son comité pédagogique, structure de référence), avec les membres de notre sous-section 51-03 du CNU et avec les coordonnateurs locaux et régionaux du DES qui seront nommés par les doyens. Le diplôme du Collège sera toujours obtenu, avec ses différentes options, à la suite de l'examen du Collège, qui sera plus sélectif et très important à avoir. Il est et sera nécessaire pour être membre de la SFCTCV, pour les chirurgiens exerçants en France. Nous le considérons comme requis pour une carrière hospitalière ou hospitalo-universitaire, voire même tout simplement une carrière. Il validera l'acquisition de la pleine autonomie et la maturité des compétences nécessaires, en phase avec les réalités de notre spécialité. En effet, nous ne sommes pas sans inquiétude sur les limites et les difficultés d'application de ces textes en chirurgie. Nous savons, bien sûr, que le DES monolithique, avec ses 6 ans prévus de formation et les nouvelles règles régissant durées et modalités du travail des internes, sera surtout le diplôme qui permettra à un jeune, apte (et autorisé) à être chirurgien "thoracique" (au sens américain, large, du terme) d'entrer dans la réalité d'une équipe où il recevra une formation sur-spécialisée post-internat, finalement proche d'un fellowship anglo-saxon. Il trouvera sa place dans ce groupe et plus globalement dans notre collectif en fonction des besoins de cette équipe, des ses affinités (et compétences !), et de l'évolution des structures de soins dans une organisation territoriale. C'est donc bien le diplôme du Collège et ses options qui seront le vrai reflet des acquis d'une formation qui additionnera le DES (qui valide une formation homogène et globale de chirurgien thoracique et cardiovasculaire) et le post-internat plus spécifique qui débouchera sur une ou plusieurs de nos facettes d'activité, en perpétuelle évolution. Nous devons tous nous approprier cette réforme. Certains de ses points restent encore flous, et notamment son accompagnement budgétaire. Nous devons néanmoins anticiper et en faire un tremplin nous permettant d'aller plus haut et plus loin dans l'excellence de notre formation et le développement de notre exercice. Tous les membres du Collège de CTCV (donc tous les enseignants, au sens large du terme) seront convoqués à une journée de travail et d'échanges obligatoire dans la suite des Journées d'Automne, le samedi 9 décembre 2017. Nous ferons de cette journée, en nous aidant de ce qui se fait dans les autres Collèges français et les instances européennes, un moment privilégié au cours duquel se construira au mieux notre planning et nos méthodes de travail pour les années à venir. Nous aurons déjà bien commencé à mettre en place les groupes d'enseignants responsables et les modules d'enseignements, et nous viserons surtout les formations de phase d'approfondissement et de consolidation (capitales pour nous, et applicables à partir de 2018 et 2021 respectivement). Nous échangerons enfin sur les nouveaux statuts du Collège, qui auront été mis en ligne auparavant afin de les valider. DOI : 10.24399/JCTCV21-2-KRE Citation : Kreitmann B, Dumont P. La réforme de l'internat nous interpelle sur notre mission d'enseignement. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-KRE
juin 2, 2017
Éditorial · Vol. 21 Mars 2017

Qui va m’aider demain ?

Nous sommes le jeudi 17 mars 2022, il est 19h. Jacques, chirurgien cardiaque dans un des gros centres publics français, prépare son programme du lendemain. Comme souvent, il s’agit de deux interventions valvulaires assez complexes, des reprises sur des patients âgés ayant déjà bénéficié, outre leurs interventions préalables, de plusieurs procédures par cathétérisme interventionnel ayant altéré définitivement toute possibilité de canulation périphérique simple. Il soupire…, mais le plus compliqué pour lui, c’est de savoir qui va l’aider. Sur les cinq chirurgiens titulaires, deux ont leur propre programme, 1 est en congés et la dernière est en repos de sécurité. La seule chef de clinique du service (il y en avait deux avant, mais les besoins universitaires en formation de spécialistes de Gériatrie et de Médecine générale et d'Urgence croissants ont amené l’Université à redéployer les postesa) est, comme tous les vendredis, en laboratoire universitaire de simulation pour encadrer les internes de phase socleb qui apprennent à poser des drains. Si avant il avait tous les jours cinq internes en chirurgie, il n'y a plus que trois postesc dans le service, dont un obligatoirement réservé à la phase socle, un pour la phase d’approfondissement et un poste d’assistant spécialiste de 3e cycle. Le premier est vacant, car le service a perdu son agrément (très contraignant) de formation de phase 1 pour les autres spécialités chirurgicales. Une des internes est en repos obligatoire (son temps total de travail, en incluant les demi-journées réglementaires hors du service risquait de dépasser 48 h sur les derniers sept jours !d) et l’assistant spécialiste doit valider ses compétences sur les anastomoses mammaires et est donc affecté dans une autre salle. Depuis deux ans, les hôpitaux ont arrêté de financer des postes de FFI ; il en reste un, auto-financé, un jeune chirurgien africain qui a eu une bourse de l’OMS, mais à la suite d’un contentieux juridique sur une affaire médico-légale récente, les directeurs d’hôpitaux interdisent la participation active aux soins des personnes dans sa situation. Jacques sera donc aidé par un infirmier. Malheureusement, les hôpitaux ont limité le recrutement et la formation d’infirmiers de bloc en 2018, car ceux-ci, regroupés en association d’Ibodes et à la suite des décrets de 2015e sur certains actes exclusifs, avaient alors obtenu une "maigre" revalorisation salariale. Jacques sait donc que, pour l’aider, il y aura un des huit nouveaux infirmiers embauchés mi-février pour remplacer ceux qui sont partis pour aller de l’autre côté de la frontière. Il soupire encore plus… Le même jour, de l’autre côté de la frontière, Albert, chirurgien cardiaque dans un des gros centres publics, participe à la réunion de préparation du programme de demain. Tout le monde est là, sauf deux PAf qui sont en salle d’opération pour finir le programme et un autre qui fait la visite. La stratégie chirurgicale pour ses deux patients est revue avec le PA qui sera avec lui. Il s’agit d’une jeune femme qui était Ibode en France, qui s’est expatriée car son pays ne reconnaissait ni la valeur de son diplôme d’Ibode, ni ses capacités de pratiques avancéesg. Elle a plus de dix ans de pratique dans son métier et elle est maintenant payée à sa juste valeur et autorisée à accomplir tout ou partie d’une intervention chirurgicale en cardio-thoracique, sur délégation nominative. Elle sera avec un interne en phase 2 qui l’aidera à la canulation périphérique, et plus tard pour gérer la pose de la CEC et la fermeture. Les internes aiment particulièrement travailler avec elle, car elle a beaucoup d’expérience et prend le temps de bien montrer et expliquer. Les trois autres chirurgiens du centre (ils étaient cinq avant, mais maintenant, avec les PA, ils ont pu augmenter leur activité tout en diminuant beaucoup leurs contraintesh) présentent de même leur programme du lendemain. La spécialiste de la chirurgie robotisée travaillera dans deux salles en quasi-simultanéité avec un interne en phase 3 et deux PA, les consoles de traitement communiquant entre elles. La réunion se termine et l’interne en phase 1 (qui est d'ailleurs français, en échange international) s’éclipse vite car un des PA a promis de l’aider pour fermer un des patients qui est en salle, il pourra ainsi valider une compétence en drainage en complément à la simulation qu’il a fait dans le centre d’auto-formation, encadré à distance par un des seniors. Personne ne soupire… En 2016, 8044 postes d'internes ont été ouverts pour les choix après ECN, dont 3749 pour la Médecine générale ; en 2017, première année d'application de la réforme du 3e cycle, 8800 postes seront ouverts dont 3740 pour la Médecine générale + 720 postes pour la Gériatrie et la Médecine d'urgence, qui apparaissent avec cette réforme. Les termes de phases socle, d'approfondissement et d'assistants spécialistes de 3e cycle sont introduits dans la réforme du 3e cycle. Pour la chirurgie thoracique et cardiovasculaire, ces phases dureront respectivement 1 an (2 x 6 mois), 3 ans (6 x 6 mois) et 2 ans (2 x 1 an). La thèse devra être soutenue en fin de phase 2 ; le DES vaudra autorisation d'exercice. En 2016, 404 internes ont choisi la chirurgie générale (dont par exemple 61 pour l'Île de France et 22 pour Marseille). En 2017, 31 pourront choisir le DES de chirurgie thoracique et cardiovasculaire (dont 4 pour l'Île de France et 1 pour Marseille). Si on additionne le nombre total des postes ouverts dans les futurs DES qui sont à l'heure actuelle des DESC de Chirurgie, on trouve 402 postes. Décret n° 2015-225 du 26 février 2015. Décret n° 2015-74 du 27 janvier 2015, décision Conseil d'État du 7 décembre 2016. Du "Physician assistant" au "Paramedical assistant"
, les PA à la française en CTCV comme un nouveau métier intégré dans les pratiques avancées infirmières. Rapport au CA de la SFCTCV, décembre 2016. Lire le rapport Le projet de loi de modernisation de notre système de santé (loi santé 2016) prévoit que les professionnels paramédicaux puissent s’engager dans des « pratiques avancées ». En clair, élargir leurs compétences cliniques et leur pratique de soins pour prendre des décisions plus complexes qu’actuellement, au sein d’une équipe coordonnée par un médecin. Thourani VH, Miller JI Jr. Physicians assistants in cardiothoracic surgery: a 30-year experience in a university center. Ann Thorac Surg. 2006 Jan;81(1):195-9; discussion 199-200. Il faut lire aussi la discussion, intéressante. DOI : 10.24399/JCTCV21-1-KRE Citation : Kreitmann B. Qui va m'aider demain ?. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(1). doi: 10.24399/JCTCV21-1-KRE    
février 21, 2017
Éditorial · Vol. 20 Septembre 2016

Préparer l’avenir est l’affaire de toutes les générations

[caption id="attachment_2663" align="alignleft" width="150"] Hicham Masmoudi, président AJCTCV[/caption] [caption id="attachment_2664" align="alignleft" width="150"] Pascal-Alexandre Thomas, président SFCTCV[/caption] Le Conseil d’Administration de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire, élu en décembre 2015, a résolument renforcé ses actions en faveur de la formation des jeunes chirurgiens qui est l’axe prioritaire de sa stratégie. L’Association des Jeunes Chirurgiens Thoraciques et Cardio-Vasculaires participe aux travaux du CA et de ses comités dans lesquels elle siège de droit, conformément à la réforme des statuts votés en juin dernier en assemblée générale. La SFCTCV a lancé une large réflexion sur la nécessaire évolution de la formation initiale et continue de ses membres, en collaboration avec le Collège CTCV et l’ODPC. La réorganisation des enseignements prendra place progressivement, mais débutera en 2016. Un des projets fondateurs de cette politique est illustré par le soutien apporté à EPIFORM mis en place par l’AJCTCV. EPIFORM a pour ambition de devenir le compagnon de route de l’interne en formation et du chef de clinique. Depuis le 1er Janvier 2016, la participation active à EPIFORM a été rendue obligatoire par la SFCTCV et le Collège CTCV pour accéder au statut de membre Junior et présenter l’examen du Collège. Il se présente sous la forme d’un livret électronique offrant de très nombreuses possibilités. Il comprend plusieurs parties. Le « Clinical Log Book » qui permet à l’interne en formation ou « apprenant » de renseigner tous les gestes techniques qu’il a pu réaliser avec 4 niveaux d’autonomie : observation, partiellement réalisé, complètement réalisé et encadrement d’un junior. Chaque apprenant déclare un « tuteur » exerçant dans le même service chargé de valider les informations saisies. Le tuteur peut également apporter des commentaires libres. Il pourra de même accéder à une synthèse sous forme de graphique de l’ensemble des gestes techniques réalisés par son apprenant. L’« Academic Log Book » renseigne les informations personnelles, les différentes formations universitaires et professionnelles suivies (thèse, master, DU et DIU), les activités pédagogiques, la participation aux sessions du Collège, les publications orales et écrites (avec un calcul automatique des points attribués par le Conseil National des Universités), les distinctions reçues et permet de générer automatiquement un curriculum vitae. La « Communauté » offre un forum, un accès à une messagerie ainsi qu’à un annuaire permettant de partager des informations, de poser des questions mais également de suggérer des modifications de la plateforme. L’objectif, dès 2016, est de permettre aux coordonnateurs régionaux et inter-régionaux de suivre individuellement le cursus des internes en formation dont ils ont la charge. EPIFORM devient l’outil informatique de validation de chaque semestre. Il permettra enfin de suivre la qualité de la formation et des formateurs. Les formations cliniques permettent d’intégrer rapidement les innovations technologiques. Cette année sera la « saison 2 » du Tour de France « VATS » en partenariat avec la société Ethicon. Deux centres experts supplémentaires en chirurgie thoracique mini-invasive, les CHU de Rennes et Montpellier, viendront renforcer les cinq centres de la « saison 1 » : Paris (hôpital Tenon), Marseille, Rouen, Strasbourg et Toulouse. Cette formation permettra à dix nouveaux juniors (internes et chefs de clinique) répartis en binômes d’être en immersion pendant deux jours dans chacun de ces centres. Le partenariat financier permet de prendre en charge intégralement le transport et l’hébergement de chacun des participants dont la sélection relève exclusivement de la SFCTCV. Chaque année, AJCTCV et SFCTCV proposent de nombreuses journées de formation en chirurgie thoracique et cardiaque. Ces journées sont organisées soit à l’initiative d’équipes universitaires, soit en partenariat avec l’industrie. Ainsi, ont pu être proposées des journées de formation sur cadavres perfusés à Poitiers concernant la chirurgie de la paroi thoracique et la chirurgie cardiaque ; en chirurgie cardiaque congénitale à Lyon ; à l’École de chirurgie de Nancy avec un accès à un simulateur endovasculaire et à la chirurgie robotique sur animal vivant. Certains partenaires industriels ont organisé des enseignements sous la forme de « Master Class » aussi bien en chirurgie cardiaque qu’en chirurgie thoracique. La participation y a été active et les retours très favorables. Une politique de labellisation permet en outre de rassembler toutes les initiatives de formation de qualité au sein d’un curriculum « SFCTCV ». La recherche prépare l’avenir de notre spécialité. Un atelier d’aide à la conception des protocoles de recherche sera organisé à l’occasion des Journées d’Automne. Les bourses et prix délivrés par la SFCTCV sont en constante augmentation, et ciblent les profils académiques. Dès cette année, les bourses d’études « Marc Laskar » ont priorisé le financement des projets de recherche de Master 2, mais également les mobilités universitaires, qui représentent les deux « oubliés » des bourses institutionnelles. Le prix St-Jude continue grâce au soutien et à la fidélité de notre partenaire. Comme c’est devenu une tradition, les quatre meilleures communications orales présentées aux Journées Présidentielles ont été récompensées avec un prix. Ils sont maintenant réservés à des orateurs juniors, tout comme le nouveau venu en 2016, le prix Covidien, qui récompense la meilleure présentation dans le domaine de la chirurgie mini-invasive et a vocation à être pérennisé. Notre métier change au rythme des innovations technologiques. La formation et son financement doivent impérativement s’y adapter. C’est notre fil rouge.  
septembre 15, 2016
Éditorial · Vol. 20 Juin 2016

Mémoire, voyages et perspectives…

L’espace, le temps, l’aventure et la science constituent la trame des romans de Jules Verne, né le 8 février 1828 à Nantes. Il nous est apparu comme une évidence que son œuvre guide la rédaction de cet éditorial. À commencer par le chiffre 20 de Vingt mille lieues sous les mers. Vingt ans nous séparent de la tenue du congrès organisé par le professeur Jean-Luc Michaud que nous aurons plaisir à retrouver pour le dîner de gala au château des Carpathes. Si la valeur n’attend pas le nombre des années et que nous avons déjà rencontré Un capitaine de quinze ans, il est certain que l’expérience vient avec le temps, temps qui n’épargne pas nos patients. Ainsi, la première séance commune évoquera le défi que représente la prise en charge de nos patients toujours plus âgés. L’organisation du programme des séances thématiques s’est attachée à développer des sujets de chirurgie cardiaque, thoracique et vasculaire, triptyque cher à notre service. Les Cinq semaines en ballon renvoient au ballon d’angioplastie et la chirurgie vasculaire occupera cette année une place privilégiée, en hommage au professeur Philippe Patra. De L’Île mystérieuse, nous nous sommes orientés vers Lille et le professeur Alain Prat pour élaborer les séances thématiques de la chirurgie cardiaque. Ce ne fut pas Nord contre Sud pour retenir les urgences valvulaires et la fibrillation atriale. L’île renvoie aussi à ses machines que nous vous invitons à visiter. Le Tour du monde en quatre-vingts jours nous permettra de rencontrer les pathologies infectieuses qui peuvent détruire les poumons à travers des destinations exotiques. Les voyages exposent souvent à des incidents et parfois des accidents, et sans être confrontée aux péripéties de Michel Strogoff ou aux Tribulations d’un chinois en Chine, la paroi thoracique ne sera pas épargnée. De la Terre à la Lune, Autour de la Lune, et bien au-delà, Jacques Laskar traitera d’ordre et chaos dans le système solaire, après un hommage à son frère aîné. Sans papiers ni sacoches, ce 69e congrès de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire orienté vers l’innovation et la multidisciplinarité ne sera pas, nous l’espérons, Sans dessus dessous. Son organisation n’a pas été Une fantaisie du docteur Ox et aurait pu nous prendre Deux ans de vacances sans le soutien précieux et bienveillant d’Anne Boutet et d’Anne-­Marie Spinosi que nous tenons à remercier, ainsi que l’ensemble des membres du conseil d’administration d’hier et d’aujourd’hui. L’éditorial de Marc Laskar aurait certainement été différent, sans rapport avec le Testament d’un excentrique et il aurait eu à cœur que son congrès soit le vôtre. En son nom et en sa mémoire, nous vous souhaitons la bienvenue à Nantes, ville d’ouverture sur l’océan et la modernité.       François Bertin et Francis Pesteil,  vice-présidents du 69e congrès SFCTCV
juin 3, 2016
Éditorial · Vol. 20 Mars 2016

Notre discipline au centre de changements disruptifs

[caption id="attachment_2664" align="alignleft" width="283"] Pascal-Alexandre Thomas, président SFCTCV[/caption] Les innovations technologiques et les possibilités illimitées d’analyse des « big data » sont à l’origine de changements radicaux dans tous les domaines de la santé. Notre discipline est en première ligne de ces bouleversements. Qu’il s’agisse de la saisie continue de paramètres cliniques, de la capture des interfaces biomédicales, des données de l’analyse biomoléculaire des cancers, ou encore des progrès de l’imagerie médicale, nos pratiques professionnelles sont fondamentalement modifiées. Dans le même temps, l’intelligence artificielle investit nos blocs opératoires. La chirurgie de- vient mini-invasive, robot-assistée, et adopte une réalité « augmentée » par la vision 3D et l’imagerie de fusion. Ce contexte modifie l’architecture même de nos plateaux techniques devenus « hybrides », et traduit une prise en charge diagnostique et thérapeutique devenue de plus en plus multidisciplinaire et multiprofessionnelle. À ces changements spectaculaires – et donc bien visibles – s’ajoutent des évolutions sociétales et réglementaires plus subtiles dans leur perception et donc souvent mal appréhendées, souvent contournées, et parfois même publiquement contestées. On peut citer le développement professionnel continu (DPC), rendu particulièrement opaque par des changements réglementaires incessants et inaboutis, mais dont l’obligation faite à tout praticien a été une nouvelle fois réaffirmée par l’actuelle loi de santé. On peut aussi mentionner l’avènement inéluctable de la certification des individus et des équipes, et surtout de leur recertification, dans un contexte européen qui ne tardera pas à s’imposer aux états membres, comme il l’a fait avec la réforme des études médicales ou celle de la réglementation du temps de travail, véritables bombes à retardement tapies dans nos organisations.   Accueillir le changement, éviter le chaos Il n’y a pas d’autre option que celle d’accueillir ces changements et dans certains cas les anticiper. C’est en tout cas la responsabilité de la génération actuellement en place dans nos structures. Nous disposons d’un certain nombre d’atouts pour faire face à ces défis. Le premier d’entre eux est la cohérence de notre discipline, en dépit de l’hyperspécialisation croissante dans ses trois branches cardiaque, thoracique et vasculaire. Nous avons su préserver une base culturelle et de formation commune qui a permis l’appropriation rapide des techniques chirurgicales vidéo et robot-assistées, le développement de l’assistance dans toutes ses indications hémodynamiques et respiratoires, et le renouveau de la transplantation d’organes thoraciques. Le second est la cohésion de notre communauté, conséquence de sa modeste taille, qui nous permet de nous connaître tous individuellement, et favorise les actions solidaires. Depuis plus de soixante ans, forte de ces deux atouts, la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire a pu suivre la stratégie du « guichet unique » qui a fait son succès. Tout ce qui concerne la formation, l’exercice professionnel et la diffusion des avancées scientifiques est coordonné par elle, grâce et parfois en dépit de l’émergence régulière de nouvelles entités ou structures comme le furent successivement le Collège de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire, les Syndicats, l’Organisme d’Accréditation (OA), le Conseil National Professionnel (CNP) et l’Organisme du Développement Professionnel Continu (ODPC). Cette stratégie s’est concrétisée par le succès, unique à ce jour, de nos bases de données Epithor® et Epicard®. Une des premières décisions du conseil d’administration que vous avez élu en décembre dernier a d’ailleurs été de renforcer encore ces outils qui nous permettent en temps réel de suivre le volume et la qualité de nos activités, capacité qui nous met en position de force dans nos rapports avec les tutelles. Le passage de nos bases sur Internet va grandement simplifier la participation à celles-ci, et nous permettre dans un avenir proche d’atteindre l’exhaustivité de la saisie de nos activités. Dans le même but, le développement des bases nationales dédiées à l’assistance mécanique et à la chirurgie des pathologies cardiaques congénitales est en cours de finalisation. Enfin, un accord se dessine avec nos partenaires chirurgiens vasculaires pour le développe- ment d’une base de données commune et développée sur le modèle Epithor®/Epicard® avec l’aide de la SFCTCV. Cette capacité à suivre quantitativement et qualitativement nos activités, tant au niveau des individus et des équipes qu’au plan national, n’a pas pour unique finalité l’évaluation des pratiques. Elle permet aussi d’anticiper les futurs besoins de santé dans notre discipline, aussi bien en termes de démographie médicale que de formation. Cette anticipation est le principal levier dont nous disposons pour éviter le chaos qui résulterait d’une formation basée quantitativement sur une filiarisation dictée principalement par la volonté de contrôler les dépenses de santé, et dissociée des évolutions épidémiologiques des pathologies que nous traitons et technologiques des procédures que nous effectuons.   Les enjeux et défis de la formation Pour la formation initiale, ces enjeux et défis sont conditionnés par la conjonction de la mise en place de façon effective de la Directive européenne sur le temps de travail des médecins en formation qui devrait réduire de près de la moitié le temps de présence des internes dans les services, et de la réforme du 3e cycle des études médicales qui prévoit la réduction à 6 années de la durée du cursus dans les disciplines chirurgicales, dont la nôtre. L’impact est doublement délétère. Ce contexte de pénurie va profondément perturber le fonctionnement des services hospitaliers, sans que ces changements aient été anticipés. Il pose clairement la question du transfert d’un certain nombre de tâches, aujourd’hui assurées par les internes, vers des personnels paramédicaux dont la durée de formation est moins longue et moins onéreuse. Ils impliquent de suivre de très près les trajectoires individuelles des internes de la filière afin de les amener à satisfaire les critères quantitatifs et qualitatifs de formation exigés par le Collège. À cet égard, nous avons soutenu financièrement l’initiative de l’Association des Jeunes Chirurgiens Thoraciques et Cardio-vasculaire (AJCTCV) de la plateforme numérique EPIFORM que nous souhaitons rendre obligatoire pour tout interne engagé dans le cursus. Ces changements imposent surtout de réinventer la pédagogie autour des pratiques interventionnelles avec le développement de la simulation et de la réalité virtuelle. D’un point de vue pragmatique, le temps d’apprentissage peut être au moins partiel- lement dissocié du temps hospitalier, ce qui pallie de facto la réduction du temps de présence hospitalier. La dématérialisation que représente la simulation en santé per- met aussi de satisfaire le paradigme éthique émergent, et pour le moins disruptif en chirurgie, du « Jamais la première fois chez le patient ». Elle permet surtout l’amélio- ration du savoir-faire, l’analyse et la modification des comportements des individus et des équipes, tout particulièrement en situation de crise, ce que l’on pensait jusque-là du domaine privilégié voire exclusif de l’urgence par la participation des internes aux gardes et astreintes. À l’évidence, l’intégration de ces outils est aussi nécessaire pour le DPC avec la dématérialisation de ses programmes, le développement de l’e-learning et des e-congrès, la certification ou la recertification des chirurgiens et des équipes et l’accréditation des centres au moyen de référentiels validés. Enfin, l’utilisation de nos bases de données interconnectées et capables de suivre la trajectoire des patients mais aussi des acteurs devient la clé de voûte de cette révolution. Il sera en effet possible de tracer tant le chirurgien que le formateur tout du long de leur carrière, de quantifier et évaluer la transmission du savoir, apportant ainsi une dimension factuelle à un domaine jusqu’alors très subjectif.   Hasards et nécessités Si le pire ou le meilleur ne sont jamais certains, le hasard ne profite qu’aux esprits préparés. À cet effet, la SFCTCV modifie sa configuration et proposera en conséquence une réforme de ses statuts au vote de l’assemblée générale de ses membres en juin prochain. Cette réforme transcrit la volonté de mettre tous les acteurs de ces changements disruptifs autour de la même table de réflexions et de décisions : toutes celles et tous ceux impliqués dans la formation initiale et continue, la certification, l’accréditation, les avancées scientifiques et technologiques, la représentation syndicale et la dimension académique de notre discipline. Des évolutions radicales dans le format de nos rencontres bisannuelles des Journées de Printemps et d’Automne vous seront proposées. Le « tout numérique » dominera notre environnement. Ainsi, à l’heure des engagements planétaires sur la solidarité climatique, le congrès de Nantes sera notre premier congrès « sans papier ». Les Journées d’Automne 2016 devraient proposer nos premiers e-évènements. Notre journal et le nouveau site Internet de la SFCTCV porteront aussi ces changements. Leur rythme sera soutenu, car nous souhaitons que vous en perceviez les effets dès cette année. Le succès de cette entreprise ambitieuse repose sur l’adhésion et la participation active de notre communauté au projet. Celles de nos jeunes sont d’ores et déjà acquises. Leur enthousiasme est communicatif. Ils sont notre avenir. L’ampleur de la tâche nécessite un appareil administratif renforcé, ce qui a été assuré par le recrutement d’un directeur exécutif adjoint en janvier 2016. Tout ceci a un coût, et les modifications réglementaires contraignant le financement par les industriels de la santé et qui devraient être appliquées en janvier 2018 offrent des perspectives il est vrai assez inquiétantes pour la pérennité de nos actions. Mais ces contraintes pour- raient finalement ne pas être un problème, mais plutôt la solution menant à un modèle économique innovant qu’il nous reste à inventer. Nul doute qu’avec cette nouvelle génération de chirurgiens thoraciques et cardio- vasculaires l’imagination soit au pouvoir.
mars 15, 2016