Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Septembre 2019

Délai optimal de revascularisation chirurgicale des infarctus du myocarde hémodynamiquement stables et facteurs de mauvais pronostic

Chloé Bernard, Marie Catherine Morgant*, Aline Jazayeri, Alain Bernard, Ghislain Malapert, Saed Jazayeri, Andranik Petrosyan, Olivier Bouchot. Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU de Dijon, France. * Correspondance : mariecatherine.morgant@chu-dijon.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-3-BER Citation : Bernard C, Morgant MC, Jazayeri A, Bernard A, Malapert G, Jazayeri S, Petrosyan A, Bouchot O. Délai optimal de revascularisation chirurgicale des infarctus du myocarde hémodynamiquement stables et  facteurs de mauvais pronostic. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(3). doi: 10.24399/JCTCV23-3-BER RÉSUMÉ Objectif : Après un infarctus du myocarde (IDM), l’artère coupable est généralement reperméabilisée par angioplastie, mais certains patients n’en bénéficient pas, ayant à la place une chirurgie dont la mortalité est élevée (15-20%). Notre objectif était de définir un délai optimal de revascularisation chirurgicale des patients stables après IDM. Méthodes : étude rétrospective, monocentrique de 2007 à 2017 incluant 477 patients victimes d’IDM, hémodynamiquement stables au diagnostic et opérés de pontages coronariens en semi-urgence. Trois groupes ont été définis en fonction du délai de revascularisation : £2 (n=32, 6,7%), 3-10 (n=321, 67,3%) et ³ 11 jours (n=124, 26%). Résultats : les 3 groupes ne présentaient pas de différence significative concernant leurs caractéristiques préopératoires. La mortalité à 30 jours était de 5,5% (n=26), significativement plus élevée dans le groupe revascularisé avant J2 (15,6 vs 4 vs 6,45%, p=0,019). Les facteurs de risque de mortalité identifiés dans notre étude étaient l’âge (OR-1,05 [1,00-1,11] p=0,027), l’artériopathie périphérique (OR-3,31 [1,16-9,43] p=0,024) et la récidive ischémique (OR-4,88 [2,12-11,3] p<0,001). Il existait 92 récidives (19%) préopératoires avec un taux plus élevé dans les groupe 1 et 3 (14 (40%) vs 48 (15%) vs 30 (24%), p<0,001). Conclusion : le délai optimal de revascularisation post-IDM semble être entre J3 et J10. Le terrain et la gravité de la maladie semblant également influencer la mortalité, une prise en charge personnalisée doit être discutée.   ABSTRACT Optimal timing of surgical revascularization in hemodynamically stable patients after acute myocardial infarction and definition of poor prognosis factors Objective: After myocardial infarction (MI), culprite artery is revascularized with angioplasty. Surgery complete the procedure in second time. If surgery is emergent, resulting death rate is 15-20%. Our aim was defined optimal timing for revascularization surgery in stable patients after MI.  Methods: 2007-2017 retrospective monocentric study including 477 patients after MI, stable, who underwent urgent coronary bypass. 3 groups were described, depending on surgery timing ; during the first two days (n=32, 6.7%), between 3-10days (n=321, 67.3%) and after 11days (n=124, 26%). Primary end point was 30-day mortality. Results: Clinical characteristics didn’t differ in the 3 groups. Death rate was significantly higher in group1 (n=5; 15.6 %vs n=13; 4.0 % vs n=8; 6.4 %, p=0.019). Mortality risk factors were age (OR1.05; CI95%: 1.00-1.11; p= 0.027), arteriopathy (OR3.31; CI95%: 1.16-9.43; p=0.024) and preoperative ischemic recurrency (OR 4.88; CI95%: 2.12-11.3; p< 0.001). 92 patients presented preoperative ischemic recurrency (19%) with higher rate in groups 1&3 [14(40%) vs 48(15%) vs 30(24%), p< 0.001]. Recurrency rate was significantly higher in patients with unsuccessful angioplasty (7vs 15%, p=0.02). Conclusion: Optimal timing for surgical revascularization of MI seems to be between 3 and 10 days in stable patients. Patient’s condition and disease severity must be considered in individual management strategy.   1. Introduction L’infarctus du myocarde (IDM) représente une cause majeure de mortalité en France. Son incidence est stable du fait du vieillissement de la population et de la persistance des facteurs de risque cardiovasculaire. Néanmoins, depuis quelques années, avec l’essor des unités de soins intensifs cardiologiques et le développement de nouvelles thérapeutiques, notamment l’angioplastie, la fibrinolyse et la pharmacologie antithrombotique, la mortalité qui en découle a nettement diminué. Jusqu’ici, la chirurgie de revascularisation par pontages coronariens (PC) était restée en marge du traitement en urgence, puisque réalisée précocement, elle a tendance à entraîner une morbimortalité élevée par extension et hémorragie de la zone infarcie. Actuellement, elle est réservée à la revascularisation complète dans un second temps, après la désobstruction de l’artère coupable par angioplastie ou fibrinolyse à la phase aiguë. En pratique, seulement 5% des IDM sont revascularisés chirurgicalement en urgence en première intention [1]. Cinq autres pourcents des patients bénéficient de pontages en situation de sauvetage après échec de l’angioplastie primaire [1]. La mortalité opératoire de ces patients opérés précocement est particulièrement élevée : 15 à 20% pour les patients opérés dans les 48 heures après IDM et 4-5% pour ceux opérés après 48 heures [2,3]. Face à cette mortalité élevée des pontages réalisés précocement, de nombreuses équipes ont étudié l’influence du délai de revascularisation [4,5], de la circulation extracorporelle (CEC) [6,7] et de l’existence de facteurs de mauvais pronostic en préopératoire. Différents délais de revascularisation ont été analysés dans la littérature, mais il est difficile de donner des conclusions du fait de la grande hétérogénéité des études. En effet, d’une part, les délais proposés varient de 6 heures à 30 jours, et d’autre part, le profil de risque des patients modifie la mortalité postopératoire [8]. Il existe par exemple un surisque chez les patients à haut risque cardiovasculaire dont la définition varie là aussi en fonction des études. L’objectif principal de notre étude est donc de définir un délai optimal de revascularisation chirurgicale après infarctus du myocarde chez les patients hémodynamiquement stables. L’objectif secondaire est de mettre en évidence les facteurs de mauvais pronostic pré et peropératoires.   2. Matériels et méthodes Entre janvier 2007 et décembre 2017, 14.518 patients ont été pris en charge pour IDM au centre hospitalier universitaire de Dijon. Parmi ces patients, 477 (3,3%) ont bénéficié d’une revascularisation chirurgicale par pontages. Nous avons formé 3 groupes à partir de cette population en fonction du délai séparant le diagnostic d’infarctus de la réalisation de pontages. Cet intervalle de temps exprimé en jours est défini par le terme «délai IDM-PAC». La répartition des patients dans les différents groupes (≤2 jours, entre 3 et 10 jours et ≥11 jours) est rapportée dans la figure 1.   [caption id="attachment_4509" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Sélection des patients.[/caption]   L’ensemble des données a été recueilli de façon rétrospective grâce aux dossiers informatisés des patients. Le diagnostic d’IDM était fait sur l’association de douleurs thoraciques typiques ou atypiques, de modifications électriques de l’électrocardiogramme (ECG) (décalage du segment ST, bloc de branche gauche de novo, modification de l’onde T) et d’une hausse de la troponine (définie par un dosage ³0,10µg/L). Dans notre population, 162 patients (34%) avaient fait un syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST (syndrome coronarien aigu = SCA ST+) et 315 (66%) un SCA sans sus-décalage du segment ST (SCA ST-). Les critères d’inclusion étaient les patients majeurs ayant présenté un SCA, hémodynamiquement stables au moment du diagnostic et ayant bénéficié d’une revascularisation chirurgicale par pontages en 1re intention ou dans les suites d’un échec d’angioplastie primaire. Les patients présentant un choc cardiogénique (Killip 3 et 4), une complication d’infarctus type communication interventriculaire (CIV) ou une insuffisance mitrale (IM) ischémique nécessitant une chirurgie combinée, ceux requérant une chirurgie associée (remplacement valvulaire et/ou remplacement d’aorte ascendante) ou ceux ayant présenté un arrêt cardiorespiratoire avant coronarographie diagnostique étaient exclus. Le critère de jugement principal était la mortalité globale postopératoire. Elle regroupait l’ensemble des décès survenus dans les 30 jours suivant la chirurgie. Les critères de jugement secondaires étaient les récidives ischémiques préopératoires (association de douleurs thoraciques, d’ascension des troponines ou de modifications électriques dans l’intervalle IDM-PAC) et la survenue d’événements cardiaques ou cérébrovasculaires majeurs en postopératoire. Ces événements étaient définis par le bas débit d’origine cardiaque (signes d’hypoperfusion périphérique associés à une altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche ± hyperlactatémie), le choc cardiogénique (hypotension artérielle ne répondant pas au remplissage vasculaire et nécessitant un support en amines), l’arrêt cardiorespiratoire, les reprises pour tamponnade ou saignement médiastinal postopératoire majeur et les accidents vasculaires cérébraux (AVC objectivés par une imagerie cérébrale). Les patients avaient tous bénéficié d’une coronarographie diagnostique ainsi que d’une administration d’anti-agrégant plaquettaire (aspirine) en préopératoire. La chirurgie se faisait par abord conventionnel (sternotomie médiane), le choix de l’utilisation d’une circulation extracorporelle (CEC) dépendait de l’opérateur et de la fonction cardiaque du patient, tout comme le choix des greffons (artères mammaires internes gauche et droite et veine saphène interne). Cette étude a reçu l’aval du comité d’éthique local et a été enregistré sur Clinical Trials sous le numéro NCT03863158.   3. Analyses statistiques Les variables continues étaient exprimées par leur moyenne et leur écart type. Les variables catégorielles étaient rapportées par leur effectif et pourcentage respectif. En analyse univariée, les variables continues ont été comparées grâce au test t de Student. Les variables catégorielles ont été comparées grâce au test de Chi2. Pour l’analyse multivariée, nous avions utilisé un modèle de régression logistique dans lequel avaient été incluses les variables préopératoires qui avaient un p<0,2 au cours de l’analyse univariée. L’adéquation du modèle a été testée à l’aide du test de Hosmer-Lemeshow. La valeur prédictive du modèle a été évaluée grâce à l’aire sous la courbe ROC. Le logiciel de statistique utilisé était Stata 14 (StataCorp, College Station, Texas, États-Unis).   4. Résultats   4.1. Population   4.1.1. Préopératoire Les 3 groupes possédaient des caractéristiques clinicobiologiques préopératoires comparables [tableau 1]. Un quart de la population totale étaient des femmes (n=111, 23%). Les facteurs de risques cardiovasculaires étaient principalement représentés par les antécédents de tabagisme (55%), le diabète (26%), l’obésité (22%) et l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) touchant 13% des patients. Trente-trois patients (7%) présentaient une insuffisance rénale préopératoire (définie par une créatinine >200µmol/L). La fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) moyenne était de 53±11,4%. Il n’existait pas de différence significative (p=1,15) de l’Euroscore 2, dans et entre les 3 groupes (4,35±2,9 vs 2,89±3,6 vs 3,09±5,1) avec une moyenne de 3,04±4,1. La proportion de patients présentant un SCA ST+ était la plus élevée dans le groupe 1 (50% vs 36% vs 23%). La majorité des patients n’avait pas nécessité de transfusion en pré ou peropératoire, mais le groupe 1 fut significativement plus transfusé que les autres avec un nombre moyen de 1,25 culot transfusé par patient (vs 0,85 et 0,91, p=0,037).   Tableau 1. Caractéristiques préopératoires. CGR : concentrés de globules rouges ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche.   Quarante et un patients avaient bénéficié d’une tentative d’angioplastie stenting lors de la coronarographie diagnostique (8,6%). Soixante-huit patients (14%) avaient nécessité la mise en place d’un ballon de contrepulsion immédiatement après la réalisation de la coronarographie, principalement en cas de sténose serrée du tronc commun. On dénombrait au total 230 atteintes du tronc commun (48%), sans différence significative dans la répartition entre les 3 groupes. Le délai moyen de revascularisation était de 10,5 jours ± 13,2.   4.1.2. Peropératoire Trois cent quatre-vingts patients (80%) avaient bénéficié de pontages coronariens sous CEC, dont 2 cas de CEC d’assistance. Il n’existait pas de différence significative concernant la répartition de la chirurgie avec ou sans CEC entre les différents groupes. Les durées moyennes de CEC et de clampage étaient comparables entre les 3 groupes, respectivement 69±53, 69±43 et 72±41 minutes de CEC (p=0,17) et 40±34, 50±31 et 50±30 minutes de clampage (p=0,87). Le nombre d’anastomoses réalisées était comparable entre les groupes (2,8 vs 3,0 vs 2,9, p=0,2). Les greffons majoritairement utilisés étaient les 2 artères thoraciques internes en cas de lésions bitronculaires (98%), associés à une veine saphène interne en cas d’atteinte tritronculaire (77%). Aucun prélèvement d’artère radiale n’a été réalisé. Le taux de revascularisation complète était plus faible dans le groupe revascularisation précoce (84,4% vs 91,6% vs 87%, p=0,67) sans que cette différence ne soit significative. Les caractéristiques peropératoires sont résumées dans le tableau 2.   Tableau 2. Caractéristiques peropératoires. CEC : circulation extracorporelle.   4.2. Mortalité   4.2.1. Mortalité globale Vingt-six patients sont décédés en postopératoire, soit 5,5% de la population totale. Les causes de mortalité étaient essentiellement des défaillances multiviscérales (n=12, 46,1%), des arrêts cardiorespiratoires (ACR) ou de chocs cardiogéniques (n=9,35%), des ischémies mésentériques (n=2, 8%) et des accidents vasculaires cérébraux (AVC) (n=1,4%) [tableau 3]. Parmi les ACR, un était secondaire à une thrombose de pontage à J1 postopératoire. En analyse univariée, le taux de mortalité du groupe 1 était significativement plus élevé que dans les 2 autres groupes (n=5 ; 15,6% vs n=13 ; 4,0% vs n=8 ; 6,4%, p=0,019).   Tableau 3. Mortalité à J30. Par contre, en analyse multivariée, le délai de revascularisation n’était pas identifié comme un facteur de risque de mortalité (p=0,362) [tableau 4]. Les facteurs de risque de mortalité mis en évidence étaient l’AOMI (odd ratio 3,31 ; IC95%:1,16-9,43 ; p=0,024), l’âge (odd ratio 1,05 ; IC95%:1,00-1,11 ; p=0,027) et la récidive ischémique préopératoire (odd ratio 4,08 ; IC95%:1,68-9,86 ; p<0,01). La transfusion pré et peropératoire (p=0,353), la durée du clampage (p=0,353) ou encore le nombre d’anastomoses réalisées (p=0,503) ne semblaient pas influer sur la mortalité à 30 jours.   Tableau 4. Analyse multivariée des facteurs de risque de mortalité à 30 jours.   Les patients dont l’état préopératoire avait nécessité la mise en place d’une contrepulsion intra-aortique post-coronarographie (n=68) présentaient un taux de mortalité plus important (n=8/99 ; 8% vs n=18/378 ; 4,7%) que les patients sans contrepulsion, sans que cette différence ne soit significative en analyse multivariée (odd ratio 1,45 ; IC95%:0,567-3,54 ; p=0,42). Dans l’intervalle IDM-PAC, 92 événements de récidives ischémiques sont survenus (19%), avec respectivement, 14 (40%), 48 (15%) et 30 (24%) récidives dans les groupes 1, 2 et 3. Les groupes 1 et 3 présentaient un taux de récidive significativement plus élevé que le groupe 2 (p=0,02) [tableau 1 et figure 2].   [caption id="attachment_4517" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Répartition des décès associés à une récidive en fonction du délai de revascularisation.[/caption]   La récidive ischémique associait douleurs thoraciques, élévation des troponines et modification électriques. Parmi les récidives, 34 ont nécessité la mise en place d’un ballon de contrepulsion intra-aortique (37%). Les récidives ischémiques pouvaient se compliquer d’œdème aigu pulmonaire (n=11, 12%), d’arrêt cardiorespiratoire (n=4, 4,3%) ou encore de choc cardiogénique (n= 4, 4,3%). Dans l’ensemble de nos cas, la récidive précipitait la chirurgie. Le groupe 1 comportait significativement plus de patients ayant nécessité la mise en place d’un ballon de contrepulsion intra-aortique (BCPIA) (post-coronarographie immédiate et post-récidive) en préopératoire (n=24 (75%) vs n=70 (22%) vs n=5 (4%)) que les groupes 2 et 3 (p<0,001). Ce même groupe incluait également significativement plus de patients ayant eu une tentative d’angioplastie primaire (n=10(31%) vs n=17 (5%) vs n=14 (11%)) que les 2 autres groupes (p<0,001) [tableau 1]. Le taux de récidive était significativement plus élevé chez les patients ayant eu une tentative d’angioplastie primaire (7% vs 15% p=0,02) [tableau 5]. Par contre, il n’existait pas de différence significative en fonction du type de syndrome coronarien aigu (SCA ST- ou ST+) (p=1,0), ni de l’atteinte tritronculaire ou non (p=0,23).   Tableau 5. Analyse des caractéristiques préopératoires en fonction de la récidive.   La mise en place précoce d’une contrepulsion (immédiatement après la coronarographie diagnostique) chez ces patients stables ne semblait pas diminuer le risque de récidives ischémiques avant la chirurgie. En effet, le taux de récidive était comparable chez les patients avec (n=14) et sans (n=78) contrepulsion post-coronarographie initiale (19% vs 21%, p=0,91).   4.3. Morbidité postopératoire Sept patients (1,5%) ont nécessité une reprise pour infection de cicatrice sternale, dont 2 se sont compliquées d’un choc septique. Les complications postopératoires ont été rapportées dans le tableau 6. Le taux de récidives ischémiques tardives (>3 jours post-PC) était plus élevé dans le groupe revascularisation précoce (9% vs n=16 ; 5% vs n=7 ; 5,5%), ainsi que le taux de reprises pour hémostase (6% vs n=11 ; 3% vs n=3 ; 2%). Le groupe 1 était le groupe présentant le taux le plus élevé de complications (n=13 ; 41% vs n=85 ; 26% vs n=27 ; 22%) sans que cette différence ne soit statistiquement significative (p=0,43).   Tableau 6. Répartition de la morbidité postopératoire.   5. Discussion Depuis 2018, les recommandations de l’ESC et de l’EACTS proposent de discuter de façon collégiale de la prise en charge de chaque cas d’infarctus du myocarde. Le but étant de proposer aux patients un traitement adapté en fonction de leur profil et de la sévérité de leur atteinte coronarienne. Klempfner et al. ont montré une réduction du nombre de patients adressés pour la réalisation de pontages coronariens en urgence ces 10 dernières années, probablement du fait de la morbimortalité élevée qui lui est imputée (6,7% en 2000 vs 1,7% en 2010, p<0,001) et de l’efficacité de l’angioplastie [8]. La mortalité des pontages en urgence n’a pas diminué en 20 ans (14,3% vs 10%, p=0,15), contrairement à celle des revascularisations programmées [8]. La littérature portant sur ce sujet est très hétérogène et la plupart des études ne montrent pas de différence significative entre revascularisation précoce et tardive post-IDM sur la mortalité à J30 [4]. L’objectif de la revascularisation précoce est d’obtenir une limitation de la zone infarcie, une récupération du myocarde en hibernation et surtout une réduction des récidives d’infarctus qui pourrait mener à une perte définitive de la fonction cardiaque ou à un décès. C’est pourquoi certains auteurs préconisent une revascularisation chirurgicale précoce. Ainsi, Grothusen et al. proposent un délai optimal de revascularisation de 48h pour les SCA ST- en montrant l’absence de différence en termes de mortalité, de récidive ischémique, d’insuffisance cardiaque et de choc cardiogénique [5]. Pour Piroze et al., ce délai peut même être avancé à 24h, là encore pour les SCA ST- [9]. La revascularisation précoce présente d’autres avantages, comme un taux de transfusion plus faible ou encore des durées d’hospitalisations plus courtes [4]. Cependant, dans notre étude, nous avons constaté que les patients les plus transfusés étaient ceux revascularisés avant 48h. Assmann et al. rapportent des résultats similaires aux nôtres et préconisent que les patients stables après un SCA (ST+ ou -) devraient bénéficier d’une temporisation de leur revascularisation chirurgicale jusqu’à J3 [10]. Parikh et al. ont montré dans leur étude que les patients après un SCA ST- avec plus de facteurs de risque et revascularisés après 48h présentaient la même mortalité à J30 que les patients moins à risque qui étaient revascularisés avant 48h [4]. Une méta-analyse publiée en 2014 a émis l’hypothèse de l’existence d’une courbe en « U » de la mortalité postopératoire par rapport au délai de revascularisation des patients opérés en urgence [11]. D’après leur analyse, la mortalité serait plus faible pour les patients opérés entre J3 et J5 et il existerait une surmortalité avant et après ce délai. Cette tendance est assez similaire aux résultats de notre étude. Les auteurs expliquent qu’à la phase aiguë il existe un état inflammatoire systémique majeur qui augmente la morbimortalité de la chirurgie en urgence, justifiant ainsi son report. Maganti et al. montrent que la chirurgie précoce est à haut risque de morbimortalité essentiellement pour les patients à haut risque cardiovasculaire [12]. Cette tendance est confirmée notamment par Klempfner et al. en 2016 [8]. L’ensemble de ces résultats semble indiquer que les patients à faible risque cardiovasculaire peuvent bénéficier d’une revascularisation chirurgicale précoce, mais en respectant un délai minimum de 48h. Tandis que les patients à haut risque devraient bénéficier d’une temporisation de la chirurgie. Ce délai supplémentaire devrait permettre aux patients à risque une récupération partielle de la fonction cardiaque et une optimisation médicale de leur état général et de leurs comorbidités. Certaines équipes citées précédemment différenciaient les SCA ST- des SCA ST+, ce qui n’est pas notre cas. En effet, lors d’une étude préliminaire, nous avions observé que les courbes de mortalité de ses 2 groupes étaient significativement identiques, nous avons donc pris le parti de les étudier de façon globale, ce qui nous permettait par ailleurs d’avoir des effectifs plus importants. Parfois, le délai de revascularisation ne dépend pas que de l’état du patient, le traitement reçu par le patient à la phase aiguë, anticoagulants, antiagrégants notamment, peut pousser au report de la chirurgie. De nombreuses équipes ont validé l’augmentation du risque hémorragique chez les patients ayant reçu du clopidogrel dans les 5 à 7 jours précédant les pontages. Mais son administration avant la coronarographie serait associée à une réduction significative à 30 jours du nombre d’événements ischémiques dans le cadre des SCA ST- [13]. La balance bénéfice-risque est à évaluer au cas par cas. Dans notre étude, la récidive a été mise en évidence comme un facteur de risque de mortalité de la population globale. Nous n’avons pas retrouvé d’études récentes décrivant la récidive ischémique préopératoire comme un facteur de risque de mortalité. En observant les 2 groupes dont le taux de mortalité et le taux de récidives sont les plus importants (groupes 1 et 3), il semblerait que cette récidive soit la conséquence de deux facteurs ; le terrain cardiovasculaire précaire des patients (groupe 1) et le délai d’attente des pontages (groupe 3). Ce qui devrait inciter à ne pas trop repousser la chirurgie. Nous avons défini notre intervalle IDM-PAC afin d’observer la fréquence des récidives et son impact sur la mortalité. Dans cet intervalle, que Grieshaber et al. appellent « la période d’attente », un risque majeur de développer un syndrome de bas débit cardiaque (hyperlactatémie et dépendance aux amines), voire un choc cardiogénique est décrit. D’après cette équipe, 12% des patients revascularisés après 48h développaient un bas débit [14]. Ce risque de développer une complication potentiellement fatale justifie à lui seul le fait de vouloir réduire cette période d’attente. En observant notre groupe 3, il semblerait que plus on retarde la revascularisation chirurgicale (au-delà de J11), plus les patients risquent de présenter une nouvelle souffrance coronaire. Même si nous n’avons pas démontré de différence significative entre nos différents groupes, la surmortalité des patients du groupe opéré précocement pourrait être due à une accumulation de facteurs de risque chez certains patients. Ce haut risque est défini par de multiples facteurs préopératoires mis en évidence dans la littérature. Ainsi, la mortalité accrue des patients opérés précocement (<48h) après l’IDM serait fortement liée aux facteurs de risque préopératoires, tels que l’âge >65 ans [5,8], la fonction ventriculaire gauche (FEVG) altérée [5,8,12], l’insuffisance rénale aiguë (IRA) [8] ou l’anémie [16]. La prise d’antiagrégants plaquettaires et d’héparine sont également associées à un surisque, ici, hémorragique, forçant parfois au report de la chirurgie. La défaillance ventriculaire gauche est une des complications principales de l’ischémie et est un des principaux facteurs péjoratifs à prendre en compte avant la chirurgie dans le cas des SCA ST+. D’autres facteurs de risque, notamment biologiques, reflétant la gravité du SCA ont été décrits : un taux de troponines élevées [15] et une hyperlactatémie [8]. Dans notre série, l’assistance de prédilection était le BPCIA, il semblait cependant ne pas prévenir le risque de récidives ischémiques. Ces données concordent avec les résultats de l’étude IABP-SHOCK II qui ne montrait pas d’amélioration de la survie chez les patients en choc cardiogénique post-IDM après pose d’une contrepulsion [17]. Cette assistance augmente la perfusion coronaire mais sans décharger le cœur, il persiste donc un phénomène de distension myocardique responsable d’un collapsus de la microcirculation avec lésions des myocytes et altération de la fonction cardiaque. Les patients en bas débit pourraient tirer avantage d’une assistance circulatoire de type ECLS (Extracorporeal Life Support) avec décharge ventriculaire gauche ou d’une assistance intraventriculaire gauche transvalvulaire aortique type Impella (Abiomed, Danvers, Massachusetts, États-Unis). La majorité des équipes pratique les pontages en urgence sous CEC (94%) [10]. Le cœur battant semble en théorie optimal pour les SCA car il évite une «sur-ischémie» grâce à la mise en place de shunt et l’absence de cardioplégie, il éviterait le syndrome d’ischémie-reperfusion et diminuerait le stress oxydatif et inflammatoire. Cependant en pratique, il n’a pas été démontré de supériorité pour le «sans» ou le «avec CEC» dans la prise en charge chirurgicale de l’IDM. Pour certains, dont Fattouch et al., la revascularisation à cœur battant doit être réservée à la chirurgie précoce (<48h) [20]. Nous n’avons pas mis en évidence dans notre série de différences de morbimortalité postopératoire entre le «sans» et le «avec CEC», quel que soit le délai de revascularisation.   6. Limites Compte tenu du caractère rétrospectif de notre étude, certaines données n’ont pu être recueillies, ainsi les informations concernant les troponines, les lactates et le traitement préopératoire (antiagrégants plaquettaires et  fibrinolytiques) sont manquantes. Ces marqueurs nous auraient permis d’explorer l’hypothèse selon laquelle les patients du groupe 1 présentaient un bas débit cardiaque ou une hypoperfusion périphérique.   7. Conclusion Au total, dans notre étude, la période optimale pour revasculariser chirurgicalement les infarctus du myocarde stables semble être entre J3 et J10. Avant J3, la récidive est potentiellement liée à une fragilité des patients. Les patients à haut risque, eux, devraient bénéficier d’un report de la chirurgie au-delà de 48h. Cet intervalle «d’attente» doit permettre une optimisation de leur état cardiaque et général. Pour les patients avec altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) et/ou signes d’hypoperfusion périphérique, la mise en place d’une assistance circulatoire temporaire (type ECLS ou Impella) devrait être discutée.  Le groupe revascularisé après 11 jours récidivait pendant la période d’attente de la chirurgie, il pourrait donc probablement tirer des bénéfices d’une revascularisation plus précoce.   Références Caceres M et Weiman DS. Optimal timing of coronary artery bypass grafting in acute myocardial infarction. Ann Thorac Surg 2013 Jan;95(1):365-72.https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2012.07.018PMid:23200230 Chen HL et Liu K. Timing of coronary artery bypass graft surgery for acute myocardial infarction patients: a meta-analysis. Int J Cardiol 2015 Nov;177(1):53-6.https://doi.org/10.1016/j.ijcard.2014.09.127PMid:25499339 Biancari F et al. Outcome of emergency coronary artery bypass grafting, J Cardiothorac Vasc Anesth 2015 Apr;29(2):275-82. 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Thorac Cardiovasc Surg 2009 Mar;137(3):650-6.https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2008.11.033PMid:19258083   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 06/05/2019. Acceptation : 19/07/2019.
septembre 20, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Septembre 2019

Les premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali : résultats et perspectives

Allaye Ombotimbé1*, Issa Boubacar Maïga1, Jacques Saye1, Moussa Bazongo1 Cheick Ahmed Sékou Touré1, Abdoul Aziz Maïga1, Seydou Togo1, Moussa Abdoulaye Ouattara1, Nouhoum Ouologuèm2, Massama Konaté2, Nouhoum Diani3, Boumzebra Drissi4, Sadio Yéna1   Service de chirurgie thoracique, hôpital du Mali, Bamako. Service de cardiologie, hôpital du Mali, Bamako. Service de réanimation, hôpital du Mali, Bamako. Service cardiovasculaire, CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc. * Correspondance : ombotimbe.allaye@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-3-OMB Citation : Ombotimbé A, Maïga IB, Saye J, Bazongo M, Sékou Touré CA, Maïga AA, Togo S, Ouattara MA, Ouologuèm N, Konaté M, Diani N, Drissi B, Yéna S. Les premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali : résultats et perspectives.  Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(3). doi: 10.24399/JCTCV23-3-OMB RÉSUMÉ Objectif : décrire les résultats de la première mission de la chirurgie à cœur ouvert dans le pays et proposer les perspectives de son développement au Mali. Patients et méthodes : il s’agit d’une étude rétrospective et descriptive portant sur les premières interventions à cœur ouvert au cours d’une mission de partenariat avec le Maroc à l’hôpital du Mali, allant du 17 au 23 septembre 2016. Les paramètres étudiés ont été les données cliniques, thérapeutiques et évolutives. Résultats : six patients ont été colligés. L’âge moyen des patients était de 22,5 ans. Une dyspnée d’effort cotée au moins 2 sur l’échelle de NYHA a été retrouvée dans tous les cas. On notait deux cas de maladie mitrale, deux cas de rétrécissement mitral, un cas d’insuffisance mitrale et un cas de communication interauriculaire. Il a été effectué 4 remplacements valvulaires mitraux, une plastie mitrale et une fermeture de CIA. La durée moyenne l’hospitalisation a été de 13 jours. L’évolution a été simple dans tous les cas.  Conclusion : la chirurgie à cœur ouvert est faisable dans notre contexte actuel. Le partenariat sud-sud à travers des missions de formation et de compagnonnage est nécessaire.   ABSTRACT The first cases of open heart surgery in Mali: results and perspectives Objective: To describe the results of the first mission of open heart surgery in the country and to propose the prospects for its development in Mali. Patients and methods: this is a retrospective and descriptive study on the first open heart interventions during a partnership mission with Morocco to the Mali hospital from September 17 to 23, 2016. The studied parameters were the clinical, therapeutic and evolutionary data. Results: Six patients have been collected. The average age of patients was 22.5 years. A dyspnea on exertion of at least 2 on the NYHA scale was found in all cases. There were two cases of mitral disease, two cases of mitral stenosis, one case of mitral insufficiency, and one case of atrial septal defect (ASD). Four mitral valve replacements, one mitral valve repair and one ASD closure were performed. The average duration of hospitalization was 13 days. The evolution was simple in all cases. Conclusion: Open heart surgery is feasible in our current context . The South-South partnership through training and companionship missions is necessary.   1. Introduction Dans les pays en développement, la chirurgie cardiaque n’est pas suffisamment pratiquée ou bien elle est absente [1]. Les cardiopathies chirurgicales sont dépistées et beaucoup d’entre elles ne bénéficient pas de l’apport de la chirurgie [1]. Leur prise en charge pose dans bien des cas des problèmes diagnostiques et/ou thérapeutiques [2]. Chez l’enfant, on estime par exemple qu’il y a 800 000 nouveau-nés chaque année dans le monde avec une cardiopathie congénitale [3]. Aussi, il y a une prévalence élevée du rhumatisme articulaire aigu responsable de valvulopathies rhumatismales chez les enfants, soit 37,6% des pathologies cardiovasculaires [4]. Chez les adultes, les cardiopathies ischémiques sont de plus en plus fréquentes et elles sont liées principalement à la pandémie de l’hypertension artérielle, à l’intoxication alcoolotabagique chronique, au diabète, à la sédentarité et aux dyslipidémies [5]. La chirurgie cardiovasculaire est indispensable pour la prise en charge adéquate de ces nombreuses maladies en Afrique. Le problème est criant au Mali. Par exemple en 2006, la prévalence hospitalière des cardiopathies congénitales était de 1,28% au Mali [6]. Seulement 2% des cas sont traités par les organisations non gouvernementales à l’extérieur, sur plus de 2700 cas de cardiopathies chirurgicales qui attendent actuellement une intervention chirurgicale [3]. Le but de cette étude était de décrire les résultats des premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali et de proposer des perspectives pour son développement.   2. Patients et méthodes Il s’agit une étude rétrospective et descriptive qui a porté sur les premières interventions à cœur ouvert réalisées dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali durant la période du 17 au 23 septembre 2016. Sur une cohorte de 10 patients ayant une indication de chirurgie à cœur ouvert proposés par le service de cardiologie, le programme a exclu 4 patients pour pathologies complexes, un pour l’existence d’hépatite virale évolutive, 2 patients pour un syndrome coronarien associé et un cas d’insuffisance mitrale sévère avec une hypertension artérielle pulmonaire sévère chez une fille de 5 ans, en l’absence de matériels pédiatriques adaptés. Tous les patients ont bénéficié d’une évaluation clinique, d’une radiographie thoracique, d’une échographie cardiaque transthoracique, d’un bilan biologique et d’une consultation anesthésique. Six patients ont finalement été opérés. Les interventions ont été réalisées au cours d’une mission de partenariat sud-sud entre l’équipe de l’hôpital du Mali et celle du CHU Mohammed VI de Marrakech au Maroc. Sur le plan organisationnel, le plateau technique a été renforcé par l’octroi de matériels médicaux par l’équipe marocaine. La voie d’abord était une sternotomie médiane chez tous les patients. Les interventions chirurgicales ont été réalisées sous circulation extracorporelle (CEC) entre deux canules veineuses et une canule aortique. La protection myocardique a été assurée par une solution de cardioplégie au sang total enrichi en potassium toutes les 20 minutes à la racine de l’aorte avec une autre canule. En postopératoire, les patients étaient surveillés au service de réanimation. Les paramètres étudiés ont été les données cliniques, thérapeutiques et évolutives. Le suivi postopératoire des patients était basé sur l’examen clinique, la biologie et l’échographie cardiaque.   3. Résultats L’âge moyen des patients était de 22,5 ans (±10,5) avec un sexe-ratio de 1. Les caractéristiques sociodémographiques, cliniques et échographiques des patients ont été répertoriées dans le tableau 1. L’indice cardiothoracique moyen était de 0,62±0,98. Deux patients étaient en arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire. Le diamètre télédiastolique moyen du ventricule gauche était de 57±2 mm, la fraction d’éjection moyenne préopératoire était de 53,83%±10,79. La pression artérielle pulmonaire systolique (PAPS) était supérieure ou égale à 30mmHg±5 chez 4 patients.   Tableau 1. Les caractéristiques sociodémographiques cliniques et échographiques.   Patients Âge/Sexe Fonction Signes cliniques Diagnostic échographique 1 29/F Secrétaire – Dyspnée NYHA 3 – Douleurs thoraciques – Palpitations – Hémoptysie – RM serré 2 23/F Élève – Dyspnée NYHA 3 – Hémoptysie – Toux – Palpitations – Maladie mitrale – Thrombus OG – ACFA – IT 3 24/M Commerçant – Dyspnée NYHA 2 – Asthénie – Toux – CIA ostium secundum 4 15/F Élève – Dyspnée NYHA 3 – Douleurs thoraciques – Palpitations – Maladie mitrale – IT 5 12/M Élève – Dyspnée NYHA 3 – Palpitations – Toux – Asthénie   – IM sévère – IT 6 33/M Cultivateur – Dyspnée NYHA 3 – Douleurs thoraciques – Toux – Asthénie – RM – Thrombus AG – ACFA – IT F : féminin ; M : masculin ; RM : rétrécissement mitral ; OG : oreillette gauche ; ACFA : arythmie complète par fibrillation auriculaire ; IT : insuffisance tricuspidienne ; CIA : communication interauriculaire ; IM : insuffisance mitrale ; AG : auricule gauche.   Les valvulopathies mitrales étaient d’origine rhumatismale dans 5 cas, et dans un cas il s’agissait de cardiopathie congénitale. Les gestes chirurgicaux ainsi que les différentes durées du monitoring ont été répertoriés dans le tableau 2. Une transfusion sanguine en peropératoire a été réalisée chez 5 patients qui avaient un taux d’hémoglobine peropératoire de 8g/dl en moyenne avec un nombre moyen de trois poches de culot globulaire. Un traitement anticoagulant à base d’acénocoumarol à vie a été instauré chez 4 patients. Ce traitement était ajusté en fonction des résultats du taux de l’International Normalised Ratio (INR) qui doit être compris entre 2 et 3 et surveillé par les cardiologues. En réanimation, ils étaient extubés après une durée moyenne de 7±2,09 heures et avec un séjour de 3,5±0,55 jours.   Tableau 2. Répartition des gestes chirurgicaux et de la durée du monitoring. Patient            Traitement Durée en minute CEC Clampage aortique Assistance 1 – RVM par valve mécanique 50 33 10 2 – RVM par valve mécanique – Plastie tricuspide De Vega – Thrombectomie 109 75 20 3 – Fermeture de la CIA par patch péricardique 38 25 10 4 – RVM par valve mécanique – Plastie tricuspide De Vega 100 75 15 5 – Plastie mitrale – Plastie tricuspide De Vega 132 100 20 6 – RVM par valve mécanique – Plastie tricuspide De Vega  – Thrombectomie – Aveuglement AG 105       75 20 Durée moyenne 95 69 16 CEC : circulation extracorporelle ; RVM : remplacement valvulaire mitral ; CIA : communication interauriculaire ; AG : auricule gauche.   Les suites opératoires immédiates étaient simples chez 5 patients. Nous avons noté un cas d’épanchement péricardique qui a bénéficié d’une ponction évacuatrice échoguidée. La durée moyenne d’hospitalisation était de 13,17±2,14 jours. L’évolution était favorable dans tous les cas à 3 mois. Après un recul de 30 mois, tous les patients étaient asymptomatiques avec un indice cardiothoracique à 0,52±0,09 et une fraction d’éjection à 59,33±6,28 %.   4. Discussion Notre étude confirme la faisabilité de la chirurgie à cœur ouvert dans notre contexte au vu des résultats obtenus suite à cette première mission. La réussite actuelle est due à une convergence de tous les acteurs. Pour cette première édition, il était important de rendre accessible financièrement cette chirurgie aux bénéficiaires, grâce à l’obtention d’une gratuité totale. Cela était nécessaire, puisque l’ensemble des patients opérés provenait de famille d’indigents. Le problème des maladies cardiovasculaires au Mali et en Afrique subsaharienne est considérable et le sera de plus en plus si rien n’est fait. En 2006, on a estimé à 15% le taux de la population malienne souffrant de maladies cardiaques, soit environ 1 600 000 patients [7]. Ce qui paraît sous-évalué actuellement. Les difficultés pour la grande majorité des patients à assurer une prise en charge chirurgicale tant localement qu’à l’étranger réduisent considérablement leur espérance de vie. Une majorité de la population est économiquement démunie et pauvre. En effet au Mali, en 2006, le coût moyen d’une évacuation sanitaire a été évalué par patient à 10 698 378,00 CFA (soit 16 300 euros) [8]. Pour les malades évacués sanitaires, ce coût est extrêmement élevé comparé aux ressources de l’État. Le développement de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert doit être ressentie et vécue comme une activité à haute valeur qui est aussi une opportunité pour améliorer le contexte général des soins. En effet, sa pratique amène le perfectionnement de nombre de spécialités comme la cardiologie, l’anesthésie-réanimation, la biologie, l’imagerie ou le biomédical. C’est avec cette vision que des initiatives se sont développées respectivement à l’hôpital du Point G, à l’hôpital Mère-Enfant et à l’hôpital du Mali. À l’hôpital du Point G, c’est avec le partenariat hospitalier universitaire le reliant à celui d’Angers. Ce projet en cours depuis novembre 2007 se développe et a enregistré des missions chirurgicales pour l’instant sur la chirurgie à cœur fermé. Il est en train d’être concrétisé par la construction d’un centre de chirurgie cardiovasculaire doté d’une unité d’exploration cardiaque fonctionnelle. La construction par la Chaîne de l’Espoir d’un bloc de chirurgie cardiopédiatrique plus réanimation à l’hôpital Mère-Enfant et la réalisation, depuis son ouverture en septembre 2018, de plus de 100 interventions à cœur ouvert concernent les enfants. Cette réalisation privée permettra de mettre fin à des évacuations sanitaires d’enfants. Quant à celui de l’hôpital du Mali, il vient d’être lancé en 2016 sur la base d’un partenariat sud-sud avec le centre hospitalier universitaire Mohammed VI de Marrakech au Maroc. Cependant, pour être consolidé, ce projet a besoin d’être soutenu pour effectuer plusieurs missions. La pérennisation de la chirurgie à cœur ouvert au Mali passe par l’implication en termes d’équipement, de formations des spécialistes et la subvention du coût des interventions. Il faut développer les capacités humaines et logistiques du service pour répondre à la demande accrue de la population malienne en matière de soins de chirurgie à cœur ouvert, et pour ce faire une politique de santé stable au plus haut niveau est indispensable. Il faut également une réunion de concertation pluridisciplinaire afin d’aboutir à un travail d’équipes des diverses structures et professionnels de santé, afin de mettre en place un centre de chirurgie cardiaque adulte. La coopération avec les équipes à technologie médicale avancée en matière de chirurgie cardiaque permettra une autonomisation de l’équipe malienne à travers un accompagnement.   5. Conclusion Le développement de la chirurgie à cœur ouvert est un challenge au Mali. Notre travail a démontré qu’elle est actuellement faisable. À travers des missions ponctuelles, certaines pathologies cardiochirurgicales pourront être prises en charge. Dans un premier temps, elle a besoin d’un engagement humain et d’un compagnonnage administratif et technique à travers un partenariat.   Références Brousse V, Imbert P, Mbaye P. Évaluation au Sénégal du devenir des enfants transférés pour chirurgie cardiaque. Med Trop 2003;63:506-12. Van Der Linde D, Konings EEM, Slager MA. Birth prevalence of congenital heart disease worldwide. J Am Col Cardiol 2011;58:2241-47.https://doi.org/10.1016/j.jacc.2011.08.025PMid:22078432 Coulibaly B, Diarra M, Dicko M, et al. Coopération Angers-Bamako dans le cadre de la chirurgie cardiovasculaire. État des lieux et perspectives : la chirurgie cardiaque à cœur ouvert au Mali est-elle réalisable ? J Chir thorac et cardiovasc 2014;18(1):55-8. 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Acceptation : 19/07/2019.
septembre 20, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Septembre 2019

À propos de l’article sur “les premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali” – Editorial

L’intérêt clinique de la publication d’Allaye Ombotimbé et collaborateurs est somme toute limité, voire désuet. La principale problématique et le principal intérêt de cet article concernent la discussion, et notamment l’analyse des conséquences d’une telle mission. Car la caractéristique concernant la faisabilité sous cette forme de ce type de mission n’est absolument pas le problème. Ainsi, en amenant le matériel spécifique et les personnels compétents, ce type de mission peut être réalisé à n’importe quel point du globe avec un minimum de caractéristiques techniques requises (fluides, stérilisation et alimentation électrique fiable). Ces dernières se trouvant dans beaucoup d’endroits de la planète et notamment en Afrique. On ne démontre rien en faisant cela. La problématique ne se trouve pas dans la faisabilité, mais plutôt dans la perception de la durabilité de l’activité après ce type de mission. Il faut noter par ailleurs que la mission a été réalisée en 2016 et que, depuis, il ne s’est rien passé dans cet hôpital… En effet, le vrai problème est la pérennisation. Celle-ci devrait s’inscrire dans une perspective de long terme qui concerne les autorités sanitaires et la communauté médicale du pays. Elles doivent libérer les énergies et mettre en œuvre les moyens pour avoir un vrai programme d’installation et de pérennisation de cette activité. Cela permettrait de répondre à ce besoin de santé publique, notamment sur le plan économique. Les dépenses en évacuation sanitaires évitées permettraient de réorienter ces budgets vers une activité pratiquée sur place.   La bonne méthode serait : un modèle économique viable et pérenne de prise en charge, pensé en amont du projet ; la formation préalable du personnel spécialisé (chirurgiens, anesthésistes-réanimateurs, cardiologues et personnel paramédical spécifique) avec un vrai programme concerté et non des projets individuels ; puis l’installation, de manière concomitante à la formation des professionnels de santé, de la structure sanitaire dédiée à ces soins, et ceci de façon à répondre aux besoins de la population de façon pérenne.   Il est bon de rappeler que différentes missions ponctuelles sur les pathologies cardiaques chirurgicales de ce type ont été réalisées en Afrique noire francophone, qu’elles soient à visée diagnostique ou thérapeutique. Ces pays ont vu l’arrivée, pendant environ une à deux semaines, de missions sanitaires issues d’ONG, pour effectuer des actes techniques hautement spécialisés (République démocratique du Congo, Cameroun, Mauritanie, Burkina Faso…). Mais depuis, la continuité des soins et de ces programmes est restée lettre morte. On note aussi que quelques rares pays en Afrique noire francophone avaient des activités dans le domaine ; celles-ci ont périclité, faute de moyens économiques et de réelle prise en charge pérenne au niveau étatique. Il existe actuellement en Afrique noire francophone une classe moyenne émergente qui commence à avoir un pouvoir d’achat conséquent et une prévoyance sanitaire salariale. Il faut croire que dans l’avenir, cela créera un «marché», dans la mesure où il s’agit d’une discipline médicale dont l’aspect lucratif n’est pas négligeable. La conséquence logique sera l’avènement et le développement de cette activité sous la forme privée. Ce qui est déjà le cas de la cardiologie interventionnelle, autre activité lucrative, dans de nombreux pays africains. Ainsi, les structures privées prendront malheureusement le pas sur la médecine à vocation sociale qui relève des pouvoirs publics. Dr Patrice Binuani, chirurgien cardiaque, CHU Angers
septembre 20, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Mars 2019

Malperfusion compliquant une dissection aortique aiguë de type A : quelle est la prise en charge optimale ?

Thibaut Schoell1,4*, Marina Clément1, Frédérique Jault1, Mojgan Laali1, Eleodoro Barreda1, Akhtar Rama1, Guillaume Hekimian2, Adrien Bougle3,4, Pascal Leprince1,4, Guillaume Lebreton1,4   1. Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique de la Pitié Salpêtrière, Paris, France. 2. Service de réanimation médicale de la Pitié Salpêtrière, Paris, France. 3. Département d’anesthésie réanimation de la Pitié Salpêtrière, Paris, France. 4. Faculté de médecine de Sorbonne université, Paris, France. * Correspondance : tiboschoell@hotmail.com     DOI : 10.24399/JCTCV23-1-SCH Citation : Schoell T, Clément M, Jault F, Laali M, Barreda E, Rama A, Hekimian G, Bougle A, Leprince P, Lebreton G. Malperfusion compliquant une dissection aortique aiguë de type A : quelle est la prise en charge optimale ?. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(1). doi: 10.24399/JCTCV23-1-SCH   Résumé Objet : la dissection aortique de type A (DAAA) peut se compliquer de malperfusion d’organe. La malperfusion peut être myocardique, cérébrale, digestive, médullaire, rénale ou des membres et peut concerner plusieurs organes à la fois. L’objectif de cette étude était de rapporter les résultats pour ces malades dans notre centre. Matériel et méthodes : nous avons suivi une cohorte de patients ayant bénéficié d’une prise en charge chirurgicale d’une DAAA entre janvier 2011 et décembre 2015. Nous avons analysé les résultats de morbimortalité postopératoire. Résultats : pendant les 5 ans de l’étude, 159 patients ont été opérés d’une réparation de l’aorte. La malperfusion concernait 28 patients (18%), 16 malperfusions cérébrales, 8 ischémies de membre, 2 médullaires, 1 myocardique et 1 mésentérique. La mortalité postopératoire était de 57% (16 patients sur 28) chez les patients souffrant d’une malperfusion contre 21% (28 patients sur 131) chez les patients sans malperfusion (p=0,003). Conclusion : la malperfusion d’organe compliquant une DAAA aggrave donc le pronostic de ces patients. La prise en charge de ces patients doit faire appel à des équipes multidisciplinaires pour optimiser le traitement.   Abstract Malperfusion complicating acute type A aortic dissection: What is the optimal management? Background: Type A aortic dissection can lead to organ malperfusion. This malperfusion can affect the myocardium, the brain, the bowels, the spinal cord, the kidneys or the limbs, with one or several of them being affected at the same time. Our study aimed to report the results of those patients in our center. Methods: We followed a cohort of patients who were surgically treated for Type A aortic dissection between January 2011 and December 2015. We analyzed the results of postoperative morbi-mortality. Results: During the 5 year study, 159 patients underwent surgical aortic repair. Malperfusion was reported in 28 patients (18%): 16 cerebral malperfusions, 8 limb ischemia, 2 spinal cord malperfusions, 1 myocardium ischemia, and 1 mesenteric ischemia. Postoperative mortality was 57% (16 patients out of 28) among patients suffering from malperfusion versus 21% (28 patients out of 131) among patients without malperfusion (p=0.003). Conclusions: The prognosis of patients suffering from Type A aortic dissection is negatively affected by the existence of organ malperfusion. The treatment of those complicated patients requires multidisciplinary consultation to improve outcomes.   1. Introduction La survie des patients présentant une dissection aiguë de l’aorte ascendante (DAAA) dépend, outre les comorbidités du patient, des complications présentes à son admission. La complication la plus redoutée après la rupture aortique est la malperfusion d’organe. En effet, tous les organes (notamment ceux avec une vascularisation terminale) peuvent subir une malperfusion pouvant aller jusqu’à l‘ischémie. Il existe deux mécanismes : soit l’artère est obstruée par le faux chenal (obstruction statique), soit le vrai chenal est comprimé par le faux chenal (obstruction dynamique). Ces deux mécanismes peuvent s’ajouter. La malperfusion concerne le cœur, le cerveau, le tube digestif, la moelle épinière, les reins, les membres inférieurs respectivement dans 10%, 10%, 6%, 2%, 9% et 13 % des cas de DAAA dans le registre allemand [1]. Dans ce même registre, la mortalité à 30 jours dépend entre autres du nombre d’organes malperfusés allant de 12,6% lorsqu’il n’y a pas de malperfusion, jusqu’à 43,4% lorsque trois organes sont concernés [1]. La malperfusion peut cependant être sous-diagnostiquée : les scanners sont parfois incomplets, uniquement thoraciques lorsqu’ils sont réalisés à la recherche d’une embolie pulmonaire, le patient peut être non interrogeable et la biologie (bilan hépatique, lactates, créatininémie…) est souvent non disponible à la prise en charge. La prise en charge classique des DAAA est centrée sur l’aorte ascendante avec traitement de la porte d’entrée, remplacement de l’aorte ascendante, éventuellement d’une partie ou de l’intégralité de la crosse dans le but d’éviter la rupture et de réséquer la porte d’entrée. Lorsqu’il existe une malperfusion d’organe, cette prise en charge peut être mise en défaut par la persistance des portes de réentrée (dans l’aorte descendante ou abdominale) qui alimentent le faux chenal. Le mécanisme de l’ischémie d’organe peut alors persister. C’est pourquoi certaines équipes ont adopté des stratégies différentes en commençant par la reperfusion des organes malperfusés. Nous décrivons ici la morbimortalité des patients pris en charge dans notre service d’une DAAA associée à une malperfusion et essayons de trouver, dans la littérature, une prise en charge plus adaptée à ces patients compliqués.   2. Matériels et méthodes   2.1. Patients Nous avons étudié tous les patients pris en charge chirurgicalement dans le cadre d’une DAAA dans notre service (chirurgie cardiovasculaire et thoracique hôpital Pitié Salpêtrière) entre janvier 2011 et décembre 2015. Parmi ces patients, notre attention s’est portée particulièrement sur ceux présentant une malperfusion d’organe. Les données cliniques préopératoires, peropératoires et postopératoires immédiates ont été colligées de manière rétrospective. Les données de suivi à long terme ont été obtenues par appel téléphonique des patients. Un questionnaire standardisé leur était proposé. Lorsque les patients n’étaient pas joignables, les personnes de confiance désignées au moment de l’intervention étaient appelées, les médecins traitants des patients (médecins généralistes ou cardiologues) étaient également sollicités en cas de besoin. Pour chaque événement d’intérêt, le compte rendu d’hospitalisation correspondant était récupéré.   2.2. Techniques opératoires L’intervention était menée en urgence par sternotomie médiane. La technique  opératoire classiquement utilisée dans le service était la suivante : Canulation de l’artère axillaire pour assurer  une perfusion antérograde. Cardioplégie antérograde dans les ostia coronaires (cardioplégie froide, tiède ou cristalloïde suivant les cas et les préférences des chirurgiens). Remplacement de l’aorte ascendante régulièrement étendue à tout ou partie de la crosse aortique. Anastomose distale réalisée en arrêt circulatoire partiel avec perfusion cérébrale sélective et hypothermie modérée (28 °C). Remplacement de la racine aortique si celle-ci était dilatée. En cas d’insuffisance aortique, respecter les insuffisances fonctionnelles (si besoin resuspension commissurale) et remplacement de la valve en cas de valvulopathie organique. Dans tous les cas, contrôle en post-CEC de l’étanchéité de la valve en ETO. La revascularisation d’un organe malperfusé était réalisée après la réparation aortique si l’ischémie perdurait.   2.3. Critères de jugement étudiés La morbimortalité postopératoire et à 5 ans était étudiée. En préopératoire, les malperfusions étaient définies comme suit : L’ischémie coronaire : définie par des anomalies à l’électrocardiogramme (segment ST ou apparition d’une onde Q), une élévation des enzymes ou un trouble de la cinétique à l’échocardiographie. Elle survient dans 10 à 15% des cas selon les séries. La présence d’une anomalie ECG entraîne un retard de diagnostic de la DAA (de 4 à 24h dans l’IRAD). Les complications neurologiques : l’accident vasculaire cérébral (AVC) défini par un déficit systématisé ou le coma. Elles sont dues à une obstruction des troncs supra-aortiques mais peuvent survenir sur un bas débit (choc cardiogénique ou tamponnade). Ces complications font souvent reporter l’intervention. Notre politique est d’opérer ces patients sans délai. La malperfusion rénale : la fonction rénale peut être assurée par un rein, le diagnostic est donc radiologique avec un retard de perfusion d’un ou des reins. L’ischémie digestive est définie par une douleur abdominale, des diarrhées, des saignements digestifs associés à une imagerie compatible (obstruction de l’artère mésentérique supérieure ou du tronc cœliaque). Elle est souvent associée avec une autre malperfusion d’organe. L’ischémie médullaire est définie par une paraplégie ou une paraparésie non expliquée par une ischémie des membres. L’ischémie de membre est définie par une abolition du pouls associée à des douleurs du membre, à une pâleur, éventuellement à un déficit sensitivomoteur et à une obstruction iliofémorale à l’imagerie. En postopératoire : La mortalité postopératoire était définie comme tout décès survenant dans les 30 jours postopératoires, ou avant la fin de l’hospitalisation. La morbidité précoce incluait toute complication se produisant pendant l'hospitalisation.   2.4. Analyse des données Les données ont été collectées rétrospectivement dans la base de données du service, déclarée à la CNIL. Les comparaisons de moyennes ont été faites grâce au test T de Student, et les comparaisons de pourcentages par le test du Chi2. Dans les deux cas, le risque de première espèce était fixé à 0,05. Le logiciel R de l’association R Foundation for Statistical Computing a été utilisé pour réaliser l’analyse statistique.   3. Résultats   3.1. Patients Durant les cinq ans de l’étude, 159 patients présentant une DAAA ont été opérés dans notre centre. Les données démographiques sont présentées dans le tableau 1. Parmi ces patients, 28 présentaient une malperfusion (17,6%), il n’existe pas de différence significative dans les différentes comorbités pour ces patients et ceux ne présentant pas de malperfusion. Lors de leur prise en charge, les patients ayant une malperfusion présentaient davantage de choc et étaient davantage intubés que les patients sans malperfusion. La répartition des organes ischémiques est présentée dans le tableau 2. Un patient était dans le coma (malperfusion cérébrale). Notons que le patient avec malperfusion digestive avait une malperfusion de membre associé.   Tableau 1. Caractéristiques des 159 patients présentant une dissection aortique avec ou sans malperfusion. Sans malperfusion n=131 Avec malperfusion n=28 p Âge* 64,3+/-13,2 66,7+/-14,7 0,44 Homme 83 (63%) 18 (64%) 1 HTA 94 (70%) 16 (60%) 0,2 BMI* 25,6+/-4,3 25,5+/-3,4 0,92 Obèse 14 (11%) 3 (11%) 1 Insuffisance rénale 13 (10%) 5 (20%) 0,38 Diabète 7 (5%) 2 (7%) 1 ATCD d’AVC 6 (5%) 2 (7%) 0,41 Coronaropathie 7 (5%) 2 (7%) 1 Redux 13 (10%) 2 (7%) 0,92 Intubation à l'admission 3 (2%) 6 (21%) 0,0004 Tamponnade 7 (5%) 4 (14%) 0,2 Choc 0 8 (29%) 0,002 * : moyenne +/- écart type.   Tableau 2. Organes malperfusés pour 28 dissections aortiques. Malperfusion n % Cérébrale 16 57,1 Membres inférieurs 8 28,6 Médullaire 2 7,1 Mésentérique 1 3,6 Myocardique 1 3,6     3.2. Données opératoires La chirurgie était réalisée en CEC avec une canulation permettant un flux antérograde lorsque c’était possible. Les segments aortiques remplacés ainsi que les pontages réalisés sont détaillés dans le tableau 3. Il n’y avait pas de différences significatives concernant ces items, à l’exception de la revascularisation des membres inférieurs qui apparaissait uniquement pour 3 patients avec malperfusion de membres inférieurs. Tableau 3. Caractéristiques opératoires pour 159 dissections aortiques de type A. Sans malperfusion n=131 Avec malperfusion n=28 p Racine aortique 29 (22%) 7 (25%) 0,93 Hémicrosse 84 (64%) 19 (68%) 0,87 Crosse aortique 19 (15%) 4 (14%) 1 Pontage coronarien 10 (8%) 1 (3%) 0,94 Reperfusion des membres inférieurs 0 3 (11%) 0,003 réimplantation des TSA 18 (14%) 3 (11%) 1 Perfusion antérograde 93 (71%) 20 (71%) 0,32 Arrêt circulatoire partiel 104 (81%) 22 (79%) 0,78   Les patients ayant nécessité une reperfusion des membres inférieurs ont bénéficié d’une thrombectomie iliaque, d’un pontage fémorofémoral croisé et d’un pontage axillobifémoral. Concernant la chirurgie des troncs supra-aortiques (TSA), il ne s’agissait que d’une réimplantation du TABC pour 8 patients sans malperfusion et pour un patient avec malperfusion. Les pontages coronariens étaient réalisés dans 10 cas sur la coronaire droite (ostium disséqué sans ischémie) et pour un cas sur le réseau gauche.   3.3. Résultats postopératoires   3.3.1. Mortalité postopératoire immédiate La mortalité postopératoire était de 57% (16 patients sur 28) chez les patients souffrant d’une malperfusion contre 21% (28 patients sur 131) chez les patients sans malperfusion (p=0,003). Les causes de décès sont présentées dans le tableau 4a.   Tableau 4a. Causes de mortalité dans les suites d’une dissection aortique de type A selon qu’il y ait ou non une malperfusion d’organe. Sans malperfusion n=131 Avec malperfusion n=28 Mortalité 28 (21%) 16 (57%) MOF 12 (43%) 13 (81%) Choc hémorragique 7 (25%) 2 (13%) AVC 4 (14%) 1 (6%) Cardiologique 5 (18%) 0   À noter que chez 8 patients le recours à l’Extracorporeal Life Support (ECLS) a été nécessaire pour sortir de la circulation extracorporelle (4 dans chaque groupe), tous ces patients sont morts dans un délai médian de 4 jours (0 à 32 jours).   3.3.2. Morbidité postopératoire immédiate Parmi les patients survivants, 6 patients (50%) avec malperfusion ont présenté au moins une complication et 50 (49%) pour ceux sans malperfusion. Les complications sont présentées dans le tableau 4b.   Tableau 4b. Complications dans les suites d’une dissection aortique de type A selon qu’il y ait ou non une malperfusion. Complication Sans malperfusion n=103 Avec malperfusion n=12 Morbidité 50 (49%) 6 (50%) AVC 12 (12%) 2 (17%) Dialyse 8 (8%) 2 (17%) Choc cardiogénique 11 (11%) 2 (17%) Choc hémorragique 7 (7%) 3 (25%) Pneumopathie 41 (40%) 4 (33%) Drainage péricardique 6 (6%) 1 (8%) Médiastinite 1 (1%) 0   4. Discussion Une mortalité de 57% a été retrouvée pour cette série de patients présentant une DAAA compliquée de malperfusion contre 21% pour les patients sans malperfusion. La défaillance multiviscérale est la cause principale. Cette défaillance peut être due à une persistance de la malperfusion d’organe malgré la réparation de l’aorte. Certains auteurs décrivent aussi un syndrome d’ischémie-reperfusion engendrant un syndrome de réponse inflammatoire systémique délétère qui fait retarder la réparation de l’aorte par certaines équipes. Depuis 1994, l’équipe du Michigan propose une reperfusion première par fenestration du flap intimal. La réparation aortique est faite dans un second temps lorsque les défaillances d’organe ont récupéré [2]. De 1992 à 1994, Deeb rapporte une mortalité de 89 % (8/9) des patients opérés en urgence avec une malperfusion motivant leur changement de pratique [2]. Lors de leur première publication, 20 patients avaient été pris en charge avec une malperfusion. La fenestration première avait permis d’opérer, après récupération des défaillances d’organe, 17 patients. Un patient est mort d’une rupture aortique, un autre de défaillance multiviscérale et le troisième a été limité en l’absence de récupération de conscience suite à un coma. L’intervention sur l’aorte a eu lieu dans un délai médian de 21 jours (de 2 à 67 jours) avec au final 75% de survie dans cette population très grave. Lors d’une deuxième publication concernant les 173 patients pris en charge entre 1997 et 2007 [14], 70 présentaient une malperfusion (7 AVC, 40 ischémies mésentériques, 30 infarctus rénaux, 23 ischémies de jambe). Vingt-trois patients sont morts avant la réparation de l’aorte (12 de collapsus sur probable rupture de l’aorte, 5 en défaillance multiviscérale sur la malperfusion et 6 sur l’aggravation de l’AVC). Le délai médian de prise en charge de l’aorte était de 4 jours. Quatre des 47 patients opérés sont morts (8,5%), soit au total 38,7% de mortalité pour les patients avec une malperfusion d’organe. La chirurgie différée (avec une médiane de 4 jours) comme le propose l’équipe du Michigan [2] permet donc de revasculariser les patients précocement en permettant d’améliorer les dysfonctions d’organe et de sélectionner pour la chirurgie les patients qui ont le meilleur pronostic. Il reste le risque de rupture aortique avec 17% de rupture en attendant la chirurgie dans leur deuxième série. L’équipe de Yokohama a une stratégie encore plus agressive [3]. Lorsqu’une malperfusion est présente dans une DAAA, la revascularisation est réalisée en premier. Cette revascularisation est réalisée par shunt externe à partir de l’artère fémorale vers l’artère mésentérique supérieure, ou de l’artère brachiale vers les fémorales en fonction de la localisation de l’ischémie ; la revascularisation coronaire est réalisée par dilatation et stenting sans anti-agrégation, et les artères à destinée cérébrale sont fenêtrées. L’aorte est prise en charge immédiatement après, dans le même temps opératoire. Les patients âgés, avec des comorbidités, ou ceux qui avaient des défaillances d’organes irréversibles ne sont pas opérés, éliminant 19% des patients avec une mortalité de 39% pour ces patients non opérés. Dans leur série rétrospective publiée en 2018, parmi 438 patients pris en charge pour dissection, 108 (24%) présentaient une malperfusion. La prise en charge globale a été laissée à l’appréciation du chirurgien. Une revascularisation première a été réalisée dans 33 cas, suivie de 28 réparations immédiates de l’aorte, avec une mortalité de 15,2%. Les causes de non-opération étaient des dysfonctions neurologiques ou des infarctus du myocarde, entraînant 4 décès sur 5 patients. La mortalité des patients ayant pu bénéficier à la fois d’une revascularisation et d’une réparation aortique est de seulement 3,6%. Pour les 75 autres patients malperfusés qui n’ont pas été revascularisés, 65 ont eu une réparation de l’aorte avec une mortalité pour ces derniers de 19%. Les patients sans malperfusion opérés avaient quant à eux une mortalité de 3,4%. Au prix d’une sélection importante, cette revascularisation première permet aussi de faire une sélection entre ceux qui vont bénéficier de la reperfusion et ceux dont les défaillances d’organe sont irréversibles. La prise en charge immédiate de l’aorte après la revascularisation permet d’éviter les ruptures de l’aorte qui ternissaient les résultats de l’équipe du Michigan. Deeb en 1997 [2] émettait déjà l’hypothèse que le syndrome de reperfusion et le syndrome inflammatoire associé entraînaient une mortalité importante, ce qui justifiait d’attendre la récupération d’organe pour effectuer la réparation centrale. Les bons résultats de l’équipe de Yokohama, qui effectue la réparation sans délais après la revascularisation, vont à l’encontre de cette théorie [3]. De son côté l’équipe de Stanford [4], sur une série de 305 patients présentant une DAAA s’étendant jusqu’à l’aorte descendante, ne retrouve pas de différences en terme de mortalité entre les patients avec ou sans malperfusion (19/223, 8,5% contre 11/82, 13,4% respectivement p=0,2). Leur approche chirurgicale est standard avec une chirurgie de l’aorte première. Peu de patients malperfusés ont besoin d’une procédure de revascularisation complémentaire [4]. Plusieurs auteurs ont proposé de couvrir l’aorte descendante proximale en association au traitement classique de l’aorte ascendante et de la crosse. Dans les DAAA s’étendant à l’aorte descendante, l’équipe de Houston [5] déploie une endoprothèse courte (10-15 cm) en arrêt circulatoire de manière antérograde dans le vrai chenal. Cette technique leur permet d’améliorer le taux de reperfusion postopératoire pour les patients souffrant d’une malperfusion, sans augmenter ni la durée de l’arrêt circulatoire, ni le taux d’insuffisance rénal, ni le taux de paraplégie/paraparésie [5]. Dans le registre international, la malperfusion digestive était associée à une surmortalité (63,2% vs 23,8% ; p<0,001). Les patients présentant une DAAA avec ischémie mésentérique bénéficiaient d’un traitement médical plus fréquemment que les autres (30,9% vs 11,6% ; p<,001). La prise en charge chirurgicale de ces patients est un facteur protecteur (OR 0,1 ; 95% CI, 0,028-0,539 ; p<0,005). Il existe cependant probablement un biais de sélection des patients jugés éligibles à la chirurgie [6]. La dissection aortique compliquée d’une malperfusion étant rare, il n’existe pas de grosse cohorte et encore moins d’études randomisées permettant de tirer des conclusions sur la prise en charge à adopter. Cependant, il existe dans certains pays comme en Allemagne des registres permettant, outre d’avoir des données prospectives fiables, de colliger l’ensemble des patients d’une population et de rechercher des facteurs de risque sur une grosse cohorte. Il est impératif de développer des registres nationaux pour permettre de progresser sur la prise en charge d’une maladie où chaque centre ne traite que quelques cas par an. Peut-être faudrait-il ajouter une page dédiée dans la base de données française Epicardweb, ce qui permettrait de recueillir tous les items utiles à la description de cette pathologie.   4.1. Malperfusion cérébrale Sur les 16 patients avec une malperfusion cérébrale de notre série, 8 sont décédés en postopératoire (mortalité de 50%). Dans la majorité des cas, la défaillance multiviscérale en était la cause, une seule transformation hémorragique a été notée. Les 8 survivants ont eu une récupération neurologique sans séquelle, 3 patients ont bénéficié d’une chirurgie aortique complémentaire (2 chirurgies de la crosse pour dilatation et une chirurgie d’une dilatation anévrismale de l’aorte thoracoabdominale). La présence d’un accident vasculaire cérébral ou d’un coma est souvent considérée comme une contre-indication à la chirurgie dans la DAAA. Plusieurs équipes rapportent pourtant de bons résultats. L’équipe de Leipzig [7] procède à une revascularisation sélective par pontage extra-anatomique de la carotide incriminée. Dans leur série, 6,5% des patients avec une DAAA se présentaient avec une malperfusion cérébrale (23/354), la mortalité postopératoire pour ce groupe de patients était de 13%, et 30% à 3 ans sans différence de mortalité avec les patients souffrant d’une DAAA sans malperfusion cérébrale. Seulement 3 patients ont présenté une transformation hémorragique lors de l’intervention, dont 2 n’ont pas récupéré. Morimoto [8] a retrouvé, pour ces patients, un déficit neurologique limité (National Institutes of Health Stroke Scale <10) et un délai entre les symptômes et la chirurgie de moins de 9,1 h comme facteur de bon pronostic. Concernant les patients avec une DAAA dans le coma, une cohorte japonaise retrouve de bons résultats dans les suites de la chirurgie immédiate. En effet sur 30 patients pris en charge dans le coma, 24 ont été opérés immédiatement, avec une survie de 87%, une récupération neurologique dans 79% des cas et sans transformation hémorragique [9]. Les mêmes résultats sont décrits dans le registre international. La prise en charge chirurgicale donnait de meilleurs résultats que le traitement médical en terme de mortalité (87,2% pour les patients traités médicalement contre 33,3% pour les patient opérés) et de récupération neurologique [10]. Les complications neurologiques présentaient une contre-indication au traitement chirurgical des DAAA à cause du risque de transformation hémorragique. Les études récentes favorisent plutôt une prise en charge chirurgicale précoce pour espérer une récupération neurologique avec des résultats plus favorables que ceux du traitement médical. Certains proposent une perfusion carotidienne précoce avant même l’arrivée du patient au bloc opératoire [11]. Okita et al., dans une petite série de trois patients comateux avec une hémiplégie, décrivent un shunt externe fémorocarotidien, cette technique a permis une bonne récupération neurologique pour ces trois malades.   4.2. Malperfusion iliofémorale Huit patients avaient une ischémie de membre isolée à l’admission. Cinq patients sont décédés en postopératoire (62,5%), dans la majorité des cas de défaillance multiviscérale. Dans la série d’Uchida, la mortalité des patients en ischémie de membre inférieur était de 18%. La reperfusion précoce par shunt externe leur permettait de ne pas avoir de rhabdomyolyse postopératoire [3]. Le plus souvent l’ischémie de membre inférieur est due à une obstruction dynamique et est levée par la reperfusion du vrai chenal. Cependant une reperfusion précoce pourrait éviter une rhabdomyolyse prolongée pouvant conduire à une défaillance rénale et multiviscérale. L’association à la malperfusion d’un autre organe est fréquente et doit être recherchée.   4.3. Malperfusion médullaire Deux patients ont présenté une malperfusion médullaire avec paraplégie. Ces deux patients ont survécu avec une récupération complète pour l’un d’entre eux. Le traitement est le plus souvent chirurgical. L’équipe de Sandhu [12] reporte une belle série de 482  DAAA avec 23 ischémies médullaires (4,8%). La récupération a été complète pour 61% des patients et incomplète pour 17%. La présence d’une ischémie médullaire n’était pas un facteur de risque de mortalité. Cependant les patients qui ne récupéraient pas avaient une mortalité plus élevée que ceux qui récupéraient (33% vs 5,9%).   4.4. Malperfusion mésentérique Nous n’avons noté qu’un patient avec malperfusion digestive dans notre série. Le diagnostic n’est pas toujours fait au moment de la prise en charge, car le scanner ne va pas toujours jusqu’à l’abdomen, la biologie est souvent non disponible et la symptomatologie parfois incomplète. Pour le patient identifié comme tel, il a présenté des douleurs abdominales, et le diagnostic a été posé grâce au scanner thoracoabdominal. Une ischémie de membre était associée. Il a été transféré en choc (sous noradrénaline) avec une acidose métabolique (lactates à 9,8). Un épanchement péricardique était présent, justifiant la prise en charge chirurgicale urgente et la canulation sous-clavière première. À l’ouverture du péricarde, l’aorte était rompue. Les suites ont été rapidement défavorables avec une défaillance multiviscérale, un choc hémorragique conduisant au décès du patient à J1. Cette histoire caricaturale, par sa gravité, nous montre l’impasse thérapeutique que représente ce genre de patients. En effet, un traitement différé était impossible du fait de la tamponnade. Une fois la défaillance multiviscérale installée, les mesures de réanimation sont souvent inefficaces. Plus récemment, un autre patient a été pris en charge dans notre centre, le scanner concernait seulement l’étage thoracique et il n’y avait pas d’argument clinique pour une malperfusion digestive. Nous avons procédé à la chirurgie aortique en urgence. Dans les suites, une acidose s’est installée conduisant à réaliser un scanner thoracoabdominal et à découvrir une obstruction de l’artère mésentérique supérieure. La revascularisation par stenting de celle-ci n’a pas suffi à corriger le choc, conduisant rapidement au décès. Dans le registre international, la malperfusion digestive était associée à une surmortalité (63,2% vs 23,8% p<0,001). Ce pronostic péjoratif est en partie dû au fait qu’à la malperfusion mésentérique s’associait plus fréquemment un déficit neurologique, une insuffisance rénale ou une ischémie de membre [6]. Les patients présentant une DAAA avec ischémie mésentérique bénéficiaient d’un traitement médical plus fréquemment que les autres (30,9% vs 11,6% ; p<,001). Le traitement endovasculaire était aussi utilisé plus souvent dans ce cas (16,2% vs 0,5% ; p<0,001). La mortalité de ces patients dépendait du traitement : 95,2% (20/21) pour le traitement médical, 72,7% (8/11) pour le traitement endovasculaire et 63,2% (15/36) pour le traitement chirurgical/hybride. La prise en charge chirurgicale de ces patients était un facteur protecteur (OR 0,1 ; 95% CI, 0,028-0,539 ; p<0,005). Il existe cependant probablement un biais de sélection des patients jugés éligibles à la chirurgie. Les modalités de prise en charge ont été débattues précédemment. La chirurgie reste le traitement de référence et le seul qui puisse sauver ces patients extrêmement graves. La place et le timing de la fenestration restent à définir et dépendent des habitudes de chaque équipe. L’ischémie mésentérique doit être évoquée en postopératoire pour tout patient dont les lactates ne baissent pas après une réparation d’une dissection aortique et sa prise en charge doit être multidisciplinaire.   4.5. Malperfusion myocardique Comme pour la malperfusion mésentérique, la malperfusion coronarienne est probablement sous-estimée. Nous n’en avons retrouvé qu’une seule dans notre série. La prise en charge de la malperfusion coronarienne ne fait pas autant débat que pour les autres malperfusions. Seules quelques petites séries proposent un traitement percutané des lésions coronariennes avant la chirurgie de l’aorte ascendante [13]. Ce type de prise en charge permettrait une revascularisation plus précoce mais avec le risque de rupture de l’aorte ascendante. Elle aurait peut-être une place dans une salle hybride où la procédure percutanée se ferait pendant les abords pour la canulation. Le diagnostic de DAAA peut aussi se faire sur la table de coronarographie, comme c’est le cas de la moitié des malades revascularisés précocement de la série des mêmes auteurs [13]. Il n’y a alors pas de perte de temps à stenter la coronaire incriminée. Dans la majorité des cas, la revascularisation se fait par pontage aortocoronarien lors de la réparation aortique. Lorsque seul l’ostium est disséqué une réparation peut être réalisée.   5. Conclusion La malperfusion est un facteur de risque de mortalité dans les DAAA. Dans notre série, la mortalité est de 57% chez les patients souffrant d’une malperfusion contre 21% chez les patients sans malperfusion (p=0,003). Plusieurs organes sont souvent touchés et le diagnostic peut être difficile, notamment pour l’ischémie digestive, myocardique et rénale. La prise en charge optimale dépend de l’organe touché. Lorsque la malperfusion est cérébrale, la chirurgie est urgente et le temps d’ischémie est un facteur important pour la récupération. Dans les malperfusions viscérales, la reperfusion est urgente et peut se faire soit au cours d’une chirurgie conventionnelle (le rétablissement du flux dans le vrai chenal peut alors suffire), soit par voie endovasculaire (par fenestration associée ou non à un stenting des artères incriminées). Le timing fait débat, l’aorte peut être réparée en premier lieu ou dans un deuxième temps, lorsque la revascularisation a été privilégiée. Dans ce dernier cas, la récupération fonctionnelle des organes est attendue. Dans tous les cas, il ne faut pas hésiter à répéter l’imagerie en postopératoire si une acidose s’installe afin de diagnostiquer une ischémie. Il faut alors reperfuser les organes et ce le plus précocement possible. Dans tous les cas, la prise en charge de ces patients est un travail d’équipe impliquant des chirurgiens (cardiaques et vasculaires), des anesthésistes-réanimateurs, des radiologues, et en amont des urgentistes et des cardiologues. Les décisions thérapeutiques doivent être prises au cas par cas en fonction de l’expérience de chaque équipe. Une base française pour ces malades pourrait être développée à partir d’Epicardweb.   Références Czerny M., Schoenhoff F, Etz C, Englberger L, Khaladj N, Zierer A, et al. The impact of pre-operative malperfusion on outcome in acute type A aortic dissection: results from the GERAADA registry. J Am Coll Cardiol 2015;65:2628-2635. https://doi.org/10.1016/j.jacc.2015.04.030 Deeb GM, Williams DM, Bolling SF, et al. Surgical delay for acute type A dissection with malperfusion. Ann Thorac Surg 1997;64:1669-75;discussion 1675-7. Uchida K, Karube N, Kasama K, Minami T, Yasuda S, Goda M, et al. Early reperfusion strategy improves the outcomes of surgery for type A acute aortic dissection with malperfusion. J Thorac Cardiovasc Surg 2018;156:483-9. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2018.02.007 Chiu P, Tsou S, Goldstone AB, Louie M, Woo YJ, Fischbein MP. 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mars 19, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Mars 2019

Facteurs influençant la mortalité périopératoire dans les dissections aortiques aiguës de type A opérées

Charline-Hélyette Pujos, Marie-Catherine Morgant, Saed Jazayeri, Ghislain Malapert, Andranik Petrosyan, Étienne Tatou, Roger Brenot, Alain Bernard, Olivier Bouchot*   Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU François Mitterrand, Dijon, France. * Correspondance : olivier.bouchot@chu-dijon.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-1-PUJ Citation : Pujos CH, Morgant PC, Jazayeri S, Malapert G, Petrosyan A, Tatou E, Brenot R, Bernard A, Bouchot O. Facteurs influençant la mortalité périopératoire dans les dissections aortiques aiguës de type A opérées. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(1). doi: 10.24399/JCTCV23-1-PUJ   Résumé Objectif : déterminer les facteurs influençant la mortalité précoce dans les dissections aortiques aiguës de type A opérées (DAAA). Méthodes : étude rétrospective incluant 230 patients consécutifs opérés d’une DAAA entre janvier 2007 et décembre 2017. Résultats : les temps de clampage, de circulation extracorporelle et d’arrêt circulatoire étaient respectivement de 111,7±44,2 ; 165,2±64,8 et 20,1±19,5 min. Le taux de mortalité précoce était de 23,5%. Une corrélation a été retrouvée entre mortalité et sexe féminin (p=0,023), tamponnade (p<0,05), instabilité hémodynamique (p<0,05) et insuffisance rénale aiguë préopératoire (p=0,036). L’analyse multivariée a identifié comme facteurs de risque de mortalité l’accident vasculaire cérébral associé à une dissection des troncs supra-aortiques (OR=7,4 ; p=0,03), une malperfusion digestive (OR=4,3 ; p=0,024) ou un syndrome coronarien aigu (OR=3,3 ; p=0,019). Par ailleurs, l’analyse des mesures de l’aorte ascendante (AA) a été réalisée dans plus de 90% des cas. Le diamètre moyen de l’AA était de 50,9±8,1 mm et les mesures étaient inférieures à 55 mm chez 166 patients (72,2%). Conclusion : parmi nos patients opérés de DAAA, les facteurs de risque de mortalité précoce sont les syndromes de malperfusion neurologique, digestif et coronarien. Nous avons mis en évidence que la majorité de nos patients opérés avaient une AA inférieure à 55 mm.   Abstract The factors influencing on the mortality after acute type A aortic dissection in early post-operative period Objective: To determine the factors influencing early mortality in acute type A aortic dissection surgery (AAAD). Methods: This retrospective study included 230 patients operated on AAAD between January 2007 and December 2017. Results: Aortic cross-clamping, cardiopulmonary bypass and circulatory arrest times were 111.7±44.2, 165.2±64.8 and 20.1±19.5 minutes, respectively. The perioperative mortality rate was 23.5%. A statistically significant correlation was found between mortality and female sex (p=0.023), cardiac tamponade (p<0.05), pre-operative hemodynamic instability (p<0.05) and preoperative acute renal failure (p=0.036). Multivariate analysis identified the stroke with dissection of supra-aortic trunks (OR=7.4, p=0.03), visceral malperfusion (OR=4.3, p=0.024) and acute coronary syndrome (OR=3.3, p=0.019) as a mortality risk factors. Moreover, the measurement of the ascending aorta (AA) was performed in more than 90% of cases. The mean diameter of the AA was 50.9±8.1mm and the diameter was less than 55mm in 166 patients (72.2%). Conclusion: The risk factors of early mortality after AAAD surgery are neurological, visceral and coronary malperfusion. We found that the majority of our patients had an aortic diameter less than 55 mm.   1. Introduction Les dissections aortiques aiguës de type A (DAAA) sont des pathologies rares (2 à 6 pour 100000 personnes par an) mais dont l’évolution naturelle est catastrophique [1,2]. Malgré l’amélioration des techniques de diagnostic et l’évolution des pratiques chirurgicales, la mortalité post-chirurgie reste élevée (13 à 26%) [3-6]. Les DAAA restent par conséquent un challenge en termes de prise en charge. En effet, l’étendue du geste réalisé reste débattue. S’il est admis la nécessité d’une prise en charge chirurgicale en urgence avec remplacement de l’aorte ascendante afin d’exclure la porte d’entrée et de prévenir le décès par tamponnade, le remplacement de la racine et/ou de la crosse en cas d’extension de la dissection reste controversé [7]. C’est pourquoi, certains préconisent un geste simple et plus rapide pour limiter la morbimortalité initiale [8]. D’autres optent pour un geste plus extensif, avec résection étendue afin de prévenir la formation d’anévrysme à distance qui nécessiterait une réintervention [9,10]. De même, il est admis qu’une aorte ascendante avec un diamètre supérieur à 55 mm est à risque de dissection et implique une prise en charge chirurgicale [1]. Cependant, nombreux sont les patients présentant une dissection aortique avec un diamètre inférieur [11]. Les DAAA sont donc une entité complexe. L’objectif principal de notre étude a été d’évaluer les facteurs influençant la mortalité périopératoire dans les dissections aortiques aiguës de type A opérées en urgence au CHU de Dijon. L’objectif secondaire était d’évaluer le diamètre de l’aorte ascendante au moment de la dissection aortique.   2. Matériels et méthodes 2.1. Population Entre janvier 2007 et décembre 2017, 230 patients ont été opérés en urgence d’une dissection aortique aiguë de type A dans notre centre. Le caractère aigu de la DAAA était défini par une prise en charge dans les 14 jours suivant l’apparition des symptômes. Les patients présentant une dissection chronique (>14 jours) ou décédés avant la prise en charge chirurgicale (absence de sternotomie) ont été exclus. Les données des patients pré, per et postopératoires ont été recueillies rétrospectivement. Le diagnostic était confirmé par angioscanner, échocardiographie transthoracique (ETT) et/ou échographie transœsophagienne (ETO). Les mesures du diamètre maximal de l’aorte ascendante ou des sinus de Valsalva ont pu être réalisées dans 94% des cas. 2.2. Analyse statistique Les variables continues sont exprimées par leur moyenne et leur déviation standard. Les variables catégorielles seront rapportées par leur effectif et leur pourcentage. Pour l’analyse univariée, les variables continues sont comparées grâce à test t de Student. Les variables catégorielles sont comparées à l’aide du test de Chi2. Pour l’analyse multivariée, nous avons utilisé un modèle de régression logistique. Dans le modèle, ont été incluses les variables préopératoires et celles qui avaient un p<0,2 au cours de l’analyse univariée. L’adéquation du modèle a été testée à l’aide du test d’Hosmer-lemeshow. La valeur prédictive du modèle a été évaluée grâce à l’aire sous la courbe ROC. Le logiciel de statistique utilisé était STATA 14 (StataCorp, College Station, Texas, États-Unis).   3. Résultats 3.1. Population Les caractéristiques démographiques et les antécédents des patients sont résumés dans le tableau 1. Notre cohorte était composée majoritairement d’hommes (63%), l’âge moyen était de 66±12 ans [32,4-90,4], avec 29 patients (12,6%) de plus de 80 ans. Le principal facteur de risque cardiovasculaire était l’hypertension artérielle présente chez 172 patients (74,8%). Huit patients (3,5%) avaient un antécédent de chirurgie cardiaque ancienne (remplacement valvulaire aortique, pontage aortocoronarien…). Seize patients (6,9%) présentaient une bicuspidie aortique, 19 patients (8,3%) étaient suivis pour un anévrysme de l’aorte ascendante et 12 (5,2%) pour une maladie annuloectasiante.   Tableau 1. Caractéristiques démographiques et antécédents des patients. Démographie n (%) Nombre de patients 230 Âge (ans) (min-max) 66±12 (32,4-90,4) Âge ≥80 ans 29 (12,6) Sexe masculin 145 (63) Antécédents Facteurs de risque cardiovasculaire – HTA 172 (74,8) – dyslipidémie 65 (28,3) – tabagisme actif 52 (22,6) – diabète 13 (5,7) IMC (kg/m²) (min-max) 26,7±5,2 (16,9-53,3) Comorbidités – chirurgie cardiaque ancienne 8(3,5) – IRA 68 (29,4) – valve aortique bicuspide 16 (6,9) – anévrysme aorte ascendante 19 (8,3) – maladie annuloectasiante 12(5,2) – syndrome de Marfan 1 (0,4) – EuroSCORE 2 (min-max) 7,4±12 (1,3-52,5) HTA : hypertension artérielle ; IMC : indice de masse corporelle ; IRA : insuffisance rénale aiguë définie par une créatininémie supérieure à 200 µmol/L ou une clairance de la créatininémie selon la formule MDRD.    3.2. Données préopératoires La majorité des patients (79,6%) ont consulté initialement pour une douleur thoracique, cependant pour près de 20% le premier symptôme était une syncope. Quarante-six patients (20%) présentaient des signes de malperfusion digestive (nausées, vomissements…). Seize patients (6,9%) ont présenté un AVC (hémiplégie ou monoplégie) et 8 patients (3,5%) un AIT. Une insuffisance rénale aiguë était présente chez 68 patients (29,5%). Plus de 90% des patients ont eu une ETT ou une ETO en préopératoire. La fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) moyenne était de 60,3%±6,3 [25%-80%]. Vingt-deux patients (9,6%) avaient une FEVG inférieure à 50% et 68 (32,5%) une insuffisance aortique (IA)≥3 [tableau 2]. En associant les données scannographiques et échocardiographiques, des mesures du diamètre maximal de l’aorte ascendante (AA) ont été réalisées (histogramme 1). Le diamètre moyen de l’AA était de 50,9±8,1 mm [30-82,6]. Les mesures  de l’AA étaient inférieures à 55 mm chez 166 patients (72,2%).   Tableau 2. Caractéristiques paracliniques préopératoires des patients. FEVG 211 (91,7) FEVG (min-max) 60,3±6,3 (25-80) Insuffisance aortique – grade 0 38 (18,3%) – grade I 45 (21,6%) – grade II 57 (27,4) – grade III 32 (15,4) – grade IV 36 (17,1)  FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche.   [caption id="attachment_4258" align="aligncenter" width="300"] Histogramme 1. Répartition des diamètres au niveau de l’aorte ascendante en cas de dissection aortique aiguë de type A, avec un diamètre moyen de 51±8,1 mm [30-82,6].[/caption]  3.3. Données peropératoires et stratégie chirurgicale La prise en charge chirurgicale a été principalement réalisée en urgence (79,6%) ou en situation de sauvetage (19,6%). La canulation artérielle était effectuée au niveau axillaire droit avec interposition d’une prothèse GORE-TEX® (GORE, Flagstaff, Arizona, États-Unis) chez 134 patients (58,5%) et la canulation veineuse en atriocave chez 208 patients (90%). En cas d’instabilité hémodynamique du patient, la canulation artérielle et veineuse était réalisée par voie fémorale. Dans les premières années de l’étude, la cardioplégie utilisée était principalement du cristalloïde (Saint-Thomas) (61,4%) ou du sang froid (38,6%). Mais depuis septembre 2013, l’utilisation du CUSTODIOL® (Eusa Pharma, Limonest, France) a été croissante (54%) aux dépens des autres types de cardioplégies (respectivement 14,2% et 30,1%), et préférentiellement par voie antérograde (83,3%). Selon les constatations opératoires, un geste sur la racine ou la crosse était effectué. En effet, en cas de dissection étendue à au moins deux sinus ou en cas de dilatation des SV>50 mm, un geste était effectué sur la racine (47,2%). Différentes techniques chirurgicales étaient réalisées selon les habitudes du chirurgien. Ainsi, il a été réalisé un remodelage de la racine aortique avec annuloplastie aortique externe chez 46 patients (20,3%), un Bentall modifié chez 37 patients (16,3%), un hémi-Yacoub chez 17 patients (7,5%) et un Tirone David chez 7 patients (3,1%). Un court arrêt circulatoire était effectué pour vérifier l’exclusion de la porte d’entrée au niveau de la crosse aortique. S’il était constaté la présence d’une porte d’entrée au niveau de la crosse, ou si la crosse était disséquée, le geste de remplacement était étendu à celle-ci. Ainsi, 111 patients (48,2%) ont eu un remplacement de l’hémicrosse, 36 (15,8%) de la crosse complète et 8 (3,5) une trompe d’éléphant dont une Thoraflex™ Hybrid (Vascutek, Renfrewshire, Écosse) (tableau 3). L’arrêt circulatoire était réalisé sous hypothermie modérée (28°C) chez 184 patients (80%) ou sous hypothermie profonde (≤20 °C) chez 14 patients (6,1%). Il est systématiquement associé à une perfusion cérébrale antérograde bilatérale au sang froid. Parmi les 36 patients admis avec suspicion de syndrome coronarien aigu (SCA), 19 patients (8,2%) ont nécessité un pontage aortocoronarien principalement au niveau de la coronaire droite (79%) et en veine saphène interne inversée (80%). Les temps moyens de clampage aortique, de circulation extracorporelle (CEC) et d’arrêt circulatoire distal étaient respectivement de 111,7±44,2 ; 165,2±64,8 et 20,1±19,5 min.   Tableau 3. Données peropératoires et procédures chirurgicales. Données peropératoires n (%) – temps de clampage (min) 111,7±44,2 min – temps de CEC (min) 165,2±64,8 min – temps d’arrêt circulatoire (min) 20,1±19,5 [0-156] – température moyenne (°C) 28,4±3,9 (15-37) – hypothermie profonde ≤20 °C 12 (5,2) – hypothermie modérée 28 °C 137 (59,6) Procédures chirurgicales n (%) Geste sur la racine 107 (47,2) – remodelage avec AAE 46 (20,3) – Bentall modifié 37 (16,3) – hémi-Yacoub 17 (7,5) – réimplantation (Tirone David) 7 (3,1) Geste sur la crosse – hémicrosse 111 (48,2) – crosse complète 36 (15,8) – trompe éléphant 8 (3,5) Pontages aortocoronariens 19 (8,2) CEC : circulation extracorporelle ; AAE : annuloplastie aortique externe.   3.4. Données postopératoires L’ensemble des complications et des données postopératoires sont résumées dans le tableau 4. Quarante et un patients (18,2%) ont présenté un AVC en postopératoire confirmé en imagerie, dont 2 qui existaient déjà en préopératoire. Parmi les 9 qui ont gardé un déficit, 4 patients présentaient déjà des signes neurologiques (hors AVC) en préopératoire. Soixante-sept patients (29,9%) ont présenté une IRA postopératoire, parmi lesquels 36 patients (16%) ont nécessité une dialyse, qui a été transitoire dans 94,4% des cas. La majorité des patients (61,8%) a pu être extubée en moins de 24 heures. Dix-huit patients (9%) ont dû être réintubés suite à un échec de sevrage ventilatoire. Finalement, 7 patients ont eu besoin d’une trachéotomie (3,5%). Douze patients (5,3%) présentaient en postopératoire des signes de malperfusion digestive et 5 (2,2%) ont nécessité une résection digestive pour ischémie mésentérique. Deux cent douze patients (92,2%) ont eu une transfusion (concentrés de globules rouges et/ou plaquettes et/ou plasma frais congelés). Une reprise chirurgicale pour hémostase a été réalisée chez 26 patients (11,3%). Les patients opérés en hypothermie profonde (≤20 °C) ont nécessité plus de transfusion en comparaison des patients opérés en hypothermie modérée (28 °C) mais sans que cette différence soit statistiquement significative (CGR : 10,4 vs 7 ; p=0,36 ; plaquettes : 1,9 vs 1,2 ; p=0,43 ; PFC : 9,3 vs 5 ; p=0,10). Le contrôle échographique retrouvait une FEVG post-chirurgie conservée chez 164 patients (69,6%). Quinze patients (8,2%) présentaient une IA grade II. La durée d’hospitalisation moyenne était de 14,5 jours [0-133] avec un séjour moyen de 7 jours [0-52] en réanimation.   Tableau 4. Complications et données postopératoires. n (%) Neurologiques 75 (32,6) Cardiologiques 110 (47,8) Rénales 91 (39,6) Pulmonaires 64 (27,8) Digestives 12 (5,3) Vasculaires 22 (9,6) Transfusion 212 (92,2) – CGR (min-max) 7,3±7,44 (0-44) – plaquettes (min-max) 1,3±1,6 (0-12) – PFC (min-max) 5,3±6 (0-29) Données échographiques à la sortie – FEVG moyenne 59,6±8,6 [25-77] – FEVG <50% 19 (8,3) – insuffisance aortique • grade 0 114 (62,3) • grade I 53 (29) • grade II 15 (8,2) CGR : concentré de globules rouges ; PFC : plasma frais congelé ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche. Les résultats CGR, plaquettes et PFC en cas hypothermie profonde ou modérée sont des moyennes.   3.5. Mortalité Cinquante-quatre patients sont décédés (23,5%) en périopératoire, dont 16 (7%) en peropératoire. Trois décès (1,3%) sont survenus lors de la sternotomie. Trente-trois patients (14,4%) ont fait un arrêt cardiorespiratoire (ACR), soit sur trouble du rythme (fibrillation ventriculaire ou tachycardie ventriculaire), soit de cause hypoxique. Il y a eu 20 patients (37%) décédés d’ACR parmi lesquels un patient qui a présenté un SCA avec nécessité de pontage aortocoronarien, refusé par le patient, entraînant son décès à J2. Douze patients (22,2%) sont décédés d’AVC massif et 10 (18,5%) de choc hémorragique [tableau 5].   Tableau 5. Causes de mortalité. Cause de décès n (%) – ACR 20 (37) – AVC 12 (22,2) – hémorragie 10 (18,5) – défaillance multiviscérale 9 (16,7) – ischémie mésentérique 2 (3,7) – choc septique 1 (1,9)  ACR : arrêt cardiocirculatoire ; AVC : accident vasculaire cérébral.   En analyse univariée, les facteurs de mortalité préopératoire retrouvés étaient le sexe féminin (p=0,023), la présence d’une tamponnade (p=0,001) et d’une instabilité hémodynamique (p<0,05). En préopératoire, 39 patients (17%) présentaient des troubles confusionnels ou des signes neurologiques (hors AVC) sans qu’un lien avec la mortalité n’ait été mis en évidence (p=0,445). À l’inverse, si le patient présentait un AVC (7%) seul (p=0,001) ou associé à une dissection des troncs supra-aortiques (TSA)  (p=0,007), la différence était alors significative. Les patients de plus de 80 ans ne présentaient pas d’excès de mortalité (p=0,135). De même, aucune comorbidité que ce soit cardiologique (p=0,467) ou vasculaire (p=0,495) n’a été mise en évidence comme facteur de risque. A contrario, l’IRA préopératoire était associée à la mortalité postopératoire (p=0,036). Les autres facteurs analysés sont regroupés dans le tableau 6. Il a été retrouvé un lien avec la durée de CEC (p<0,05) mais pas avec le temps de clampage aortique (p=0,09). En cas de temps d’arrêt circulatoire prolongé, le taux de mortalité était également augmenté sans que la différence ne soit statistiquement significative (p=0,08) (24 min dans le groupe décès versus 18 min dans le groupe vivant). Le temps d’arrêt circulatoire distal était en revanche statistiquement associé au risque d’AVC (p<0,05) (30 min [AVC] versus 18 min [sans AVC]). Il n’y avait pas d’association entre un geste sur la racine (p=0,597) ou sur la crosse (p=0,149) et la mortalité, cependant la réalisation d’une trompe d’éléphant semble plus morbide (p=0,057). Les principaux facteurs postopératoires de risque de mortalité périopératoire identifiés étaient l’AVC (p<0,001), l’IRA (p=0,007) et la dialyse (p<0,001).   Tableau 6. Résumé des facteurs pré, per et postopératoires avec un lien avec la mortalité en analyse univariée. Caractéristiques Vivants Décédés p Préopératoires – sexe féminin 58 27 0,023* – âge ≥80 ans 19 10 0,135 – HTA 131 41 0,66 – comorbidités cardiologiques 35 13 0,467 – comorbidités vasculaires 11 2 0,495 – IRA 47 21 0,036* – instabilité hémodynamique 24 21 <0,05* – tamponnade 34 22 0,001* – AVC 7 9 0,001* Peropératoires – temps de clampage 109,2 [40-264] 121 [27-267] 0,09 – temps de CEC 155,3 [57-511] 196,5 [33-445] <0,05* – temps de perfusion cérébrale 18,7 [0-63] 24,3 [0-156] 0,08 – crosse 24 12 0,134 – trompe d’éléphant 4 4 0,057 – remodelage de la racine avec annuloplastie aortique externe 38 8 0,356 – réimplantation type tirone David 6 1 0,598 – Bentall 27 10 0,405 – hémi-Yavoub 14 3 0,466 – pontage aortocoronarien 10 9 0,008* Postopératoires – IDM 4 5 0,011 – AVC 20 21 <0,001* – complications digestives 5 7 0,039* – IRA 45 22 0,007* – épuration extrarénale 20 16 <0,001* – TIH 7 8 0,002* HTA : hypertension artérielle ; IRA : insuffisance rénale aiguë ; AVC : accident vasculaire Ischémique ; CEC : circulation extracorporelle ; IDM : infarctus du myocarde ; TIH : thrombopénie induite à l’héparine ; *=p significatif ≤0,05.   En analyse multivariée [tableau 7], la présence d’un AVC préopératoire avec dissection des TSA a été identifiée comme un facteur de risque de mortalité important (OR=7,4 IC [1,2-44,5] ; p=0,03). De même, la présence d’une malperfusion digestive préopératoire ou d’un SCA était associée à un risque de mortalité augmenté (respectivement OR=4,3 IC [1,2-14,9] ; p=0,024 et OR=3,3 IC [1,2-8,8] ; p=0,019). À l’inverse, parmi les facteurs non modifiables, ni le sexe féminin ni l’âge supérieur à 80 ans n’ont été mis en évidence comme facteurs de risque de mortalité (OR=0,48 IC [0,2-1,1] ; p=0,074 et OR=0,9 IC [0,3-2,8] ; p=0,879). De même, en cas de présence d’une tamponnade (OR=2,2 IC [0,9-5] ; p=0,068) ou d’une insuffisance rénale aiguë en préopératoire (OR=0,99 IC [0,4-2,4] ; p=0,988).   Tableau 7. Analyse multivariée des facteurs de risque de mortalité préopératoire dans les dissections aortiques aiguës de type A. Facteurs étudiés Odd Ratio Intervalle de confiance p Sexe féminin 0,48 0,21-1,07 0,074 Âge ≥80 ans 0,92 0,29-2,81 0,88 AVC seul 5,15 0,83-31,9 0,078 AVC et dissection TSA 7,36 1,21-44,45 0,03* Malperfusion digestive 4,25 1,21-14,9 0,024* Tamponnade 2,16 0,94-4,94 0,068 Suspicion de SCA 3,26 1,21-8,77 0,019* IRA 0,99 0,41-2,36 0,988 EuroSCORE 2 1,099 1,03-1,17 0,004* AVC : accident vasculaire cérébral ; TSA : tronc supra-aortique ; SCA : syndrome coronarien aigu ; IRA : insuffisance rénale aiguë définie par une créatininémie supérieure à 200 µmol/L ou une clairance de la créatininémie selon la formule MDRD ; *=p significatif ≤0,05. Ont été incluses dans le modèle des variables préopératoires prédictives de mortalité postopératoire.   4. Discussion Les DAAA sont une urgence médicochirurgicale avec une mortalité périopératoire qui reste élevée allant de 13% à 26% selon les séries [3,5,13]. Notre mortalité périopératoire est de 23,5%, ce qui est similaire aux autres études réalisées sur de plus larges cohortes (GERAADA [3], IRAD [5]). Notre population était comparable à celle de l’IRAD [5] : 2952 patients ayant présenté une DAAA entre 1995 et 2013, avec un âge moyen de 61 ans (vs 66 ans), 67,5% d’hommes (vs 63%) et 74,4% d’HTA (vs 74,8%). Geirsson et al. retrouvent un taux de mortalité en diminution sur la dernière décennie, de 24% à 13% entre 2005 et 2014 [6]. L’une des explications avancées est que l’augmentation du nombre de patients opérés a permis l’acquisition d’une expertise dans la prise en charge des DAAA [6]. Nous avons observé la même tendance de la mortalité dans notre centre sur une période plus courte (de 26% avant 2010 à 20% depuis 2015 mais sans significativité statistique), avec parallèlement un nombre de patients croissant (de 18 en 2007 à 26 en 2017). Dans notre cohorte, nous avons identifié comme facteurs de risque de mortalité précoce, la présence d’un AVC préopératoire avec dissection des TSA, d’un syndrome de malperfusion digestif ou coronarien. Ces constatations concordent avec les données de la littérature  [3,13]. En effet, Conzelmann et al. identifient l’AVC préopératoire avec dissection des TSA comme facteur de mortalité (OR=1,468 ; p=0,001 vs OR=7 ;  p=0,03). Cependant, la présence préopératoire de syndrome de malperfusion ne doit pas selon nous contre-indiquer la prise en charge chirurgicale, car la reperfusion du vrai chenal avec exclusion du faux chenal permet fréquemment la régression des syndromes de malperfusion [13]. Nous avons identifié d’autres facteurs préopératoires tels que la tamponnade, l’instabilité hémodynamique comme facteur de risque de mortalité, imposant à notre sens, une prise en charge la plus rapide possible. Ces mêmes facteurs sont fréquemment décrits dans d’autres études [4,12]. De plus, Conzelmann et al. [3] ont mis en évidence comme facteur de risque de mortalité un temps de CEC allongé (p<0,02 vs p<0,05 dans notre série). Toutefois, le lien entre l’allongement du temps de CEC et la mortalité périopératoire nous semble plutôt lié à des facteurs confondants. L’allongement du temps de CEC étant plus le reflet d’une condition précaire du patient (sevrage difficile, hémostase prolongée) que seulement lié à un geste opératoire plus complexe. En effet, l’extension du geste chirurgical à la racine ou à la crosse aortique n’est pas associée à une augmentation de la mortalité précoce que ce soit dans notre cohorte (respectivement p=0,597 et p=0,149) ou dans la littérature récente [7,9,10,14]. Si l’ensemble des équipes s’accordent sur le remplacement systématique de l’aorte ascendante, certains proposent des gestes plus étendus sur la racine et/ou la crosse afin de prévenir l’évolution anévrysmale de l’aorte résiduelle disséquée [3,7,10]. Concernant la gestion de la racine aortique en cas de dissection de celle-ci, une intervention de Bentall modifiée peut être réalisée et a l’avantage d’être plus rapide et d’être maîtrisée par tous les chirurgiens. Cependant, cela implique un remplacement valvulaire aortique chez des patients relativement jeunes ayant souvent une valve aortique saine nécessitant la mise en place d’une valve mécanique. Par conséquent, d’autres auteurs proposent des techniques de conservation de la valve aortique [14,15] pour éviter les complications liées aux prothèses valvulaires (dégénérescence, thrombose, hémorragie et infection). Ainsi, si cela est possible, nous privilégions, dans notre centre, une technique de conservation de valve, en réalisant un remodelage de la racine aortique associé à une annuloplastie aortique externe (20,3%) ou un hémi-Yacoub (7,5%) ou encore une intervention de Tirone David (3,1%). Aucune augmentation de la mortalité précoce n’a été mise en évidence. Ceci est comparable aux résultats de Bavaria et al. [9] ou plus récemment  de Kunihara et al. [10]. En outre, nous réalisons l’anastomose distale aorte ouverte de façon à réséquer le maximum d’aorte disséquée, comme cela a déjà été rapporté dans la littérature [16,17]. Et en cas d’arrêt circulatoire, nous privilégions l’hypothermie modérée avec perfusion cérébrale antérograde bilatérale à l’hypothermie profonde, car cela permet une diminution du temps de CEC et une diminution des troubles de la coagulation, comme mis en évidence par Harrington et al. [18]. Compte-tenu d’une population actuelle vieillissante, nous avons étudié s’il y avait un lien entre la mortalité et un âge ≥80 ans. Sans mettre en évidence de résultats significatifs (OR=0,92 IC [0,29-2,81] ; p=0,88). Kawahito et al. rapportent les mêmes constatations (p=0,85) [19]. Omura et al. [20], qui retrouvent une augmentation de la mortalité hospitalière (OR=3,27 IC [1,22-8,76] ; p=0,02) dans cette population, décrivent également que cette surmortalité ne persiste pas à 6 mois, ni à 5 ans. Ces données sont en faveur d’une prise en charge ne reposant pas exclusivement sur l’âge du patient. Une des autres explications avancées de la diminution de la mortalité est un diagnostic plus précoce grâce à la démocratisation de l’utilisation de l’angioscanner, passant de 46% en 1995 à 73% en 2013 selon Pape et al. [5]. Ainsi 90% des patients de notre cohorte ont eu un angioscanner préopératoire et cela nous a permis d’effectuer des mesures de l’aorte ascendante au moment de la dissection aortique.  Effectivement, chez plus de 70% des patients, le diamètre de l’aorte ascendante était inférieur aux recommandations internationales dont le seuil est de 55 mm [1], comme cela a déjà été souligné dans la littérature. Pape et al. [11] retrouvent que 59% des patients présentant une DAAA ont un diamètre de l’AA inférieur à 55 mm (vs 72% dans notre série) et même inférieur à 50 mm chez 40% (vs 44,3% dans notre série). Cela nous amène à une interrogation sur les meilleurs critères indiquant le moment optimal de prise en charge chirurgicale afin de prévenir les dissections aortiques aiguës. Cette étude présente cependant plusieurs limites. En premier lieu, un biais de recrutement lié au caractère monocentrique et également un biais lié au caractère rétrospectif avec la perte d’information.   5. Conclusion Chez nos patients opérés d’une dissection aortique aiguë de type A, les facteurs de risque de mortalité précoce identifiés sont les syndromes de malperfusion neurologique, digestif et coronarien. De plus, grâce à une imagerie de plus en plus accessible, nous avons constaté que plus de 70% de nos patients opérés ont un diamètre de l’aorte ascendante inférieur aux recommandations actuelles (55 mm). L’analyse à plus long terme est nécessaire pour démontrer l’intérêt de cette conservation de la valve sur la morbimortalité des patients.   Références Erbel R, Aboyans V, Boileau C, Bossone E, Bartolomeo RD, Eggebrecht H, et al. 2014 ESC Guidelines on the diagnosis and treatment of aortic diseasesDocument covering acute and chronic aortic diseases of the thoracic and abdominal aorta of the adultThe Task Force for the Diagnosis and Treatment of Aortic Diseases of the European Society of Cardiology (ESC). 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mars 19, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Mars 2019

Insuffisances mitrales des cardiomyopathies dilatées à fonction ventriculaire gauche basse : intérêt du remplacement valvulaire mitral à cœur battant avec conservation totale de l’appareil sous-valvulaire. À propos de deux cas et revue de la littérature

Abdelkader Boukhmis1, 2*, Mohammed El-Amin Nouar1, 2, Yacine Djouahar1, 2   Service de chirurgie cardiaque, CHU Mustapha Bacha, Alger, Algérie. Faculté de médecine, université d’Alger, Algérie. * Correspondance : kaderboukhmis@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-1-BOU Citation : Boukhmis A, El-Amin Nouar M, Djouahar Y. Insuffisances mitrales des cardiomyopathies dilatées à fonction ventriculaire gauche basse : intérêt du remplacement valvulaire mitral à cœur battant avec conservation totale de l’appareil sous-valvulaire. À propos de deux cas et revue de la littérature. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(1). doi: 10.24399/JCTCV23-1-BOU   Résumé La chirurgie à cœur battant a l’avantage de supprimer les lésions d’ischémie-reperfusion fréquemment notées après un arrêt cardioplégique. Cette technique a été proposée en chirurgie valvulaire, particulièrement devant des fractions d’éjection ventriculaires gauches (FEVG) effondrées. En nous basant sur deux cas cliniques d’insuffisance mitrale secondaire à une cardiomyopathie dilatée ayant bénéficié d’un remplacement mitral à cœur battant avec une conservation totale de l’appareil sous-valvulaire, nous avons réalisé une revue de la littérature concernant l’intérêt de cette technique. 1er patient : homme âgé de 71 ans, au stade IV de la NYHA avec une FEVG à 24%. 2e patient : homme âgé de 54 ans, au stade III de la NYHA avec une FEVG à 30%. Le sevrage des circulations extracorporelles, ayant duré respectivement 43 et 52 min, s'est déroulé aisément sans recourir aux inotropes. Les durées de la ventilation artificielle (respectivement : 3 et 6 h) et des soins intensifs (respectivement : 24 et 48 h) étaient courtes, compte tenu de l’hémodynamique précaire des deux patients. Après 13 mois de recul moyen, la FEVG a atteint respectivement 38% et 45%. Cette technique chirurgicale peut améliorer les résultats opératoires et à court terme des insuffisances mitrales secondaires en dysfonction ventriculaire gauche.   Abstract Mitral regurgitations of dilated cardiomyopathies with impaired left ventricular function: Interest of beating heart mitral valve replacement with total chordal sparing. Report of two cases and a review of the literature Beating heart surgery has the advantage of suppressing ischemia-reperfusion injuries which are frequently noted after cardioplegic arrest. This technique has been proposed in valvular surgery, particularly in front of impaired left ventricular ejection fractions (LVEFs). Based on two clinical cases of mitral regurgitation secondary to dilated cardiomyopathy having benefited from a beating heart mitral valve replacement with a total chordal sparing, we conducted a review of the literature concerning the interest of this technique. 1st Patient: Male, 71 years-old, with NYHA Stage IV and an LVEF=24%. 2nd patient: Male, 54 years-old, with NYHA stage III and a LVEF=30%. The weaning of the extracorporeal circulations, having lasted for 43 and 52 min, respectively, proceeded easily without recourse to the inotropes. The duration of artificial ventilation (3 and 6 hours, respectively) and intensive care (24 and 48 hours, respectively) were short, given the precarious hemodynamics of both patients. After 13 months of average follow-up, LVEF reached 38% and 45%, respectively. This surgical technique can improve the operative and short-term outcomes of secondary mitral regurgitation with left ventricular dysfunction.   1. Introduction Les indications chirurgicales des insuffisances mitrales (IM) secondaires, en dysfonction ventriculaire gauche (VG) sévère, demeurent limitées [1], particulièrement en l’absence de lésions coronaires significatives associées. Ceci est dû à l’absence d’un avantage de survie avéré, de l’annuloplastie restrictive en arrêt cardioplégique [2], qui a été la technique la plus largement adoptée à travers le monde devant cette entité. Malgré l’efficacité et la sécurité des différents protocoles d’arrêt cardioplégique récents, aucun d’entre eux ne fait l’unanimité. Leurs effets secondaires inhérents aux lésions d’ischémie-reperfusion sont toujours associés à une morbimortalité non négligeable, notamment en cas de dysfonction VG préopératoire [3]. Ceci a favorisé le regain d’intérêt pour la chirurgie valvulaire à cœur battant avec ou sans clampage aortique [4]. Cette technique a l’avantage d’assurer une perfusion coronaire continue, avec du sang oxygéné et normothermique, évitant ainsi toutes lésions d’ischémie-reperfusion particulièrement néfastes en cas de dysfonction VG sévère. Par ailleurs, il est établi que le remplacement valvulaire mitral (RVM) avec conservation de l’appareil sous-valvulaire est la meilleure option devant les IM ischémiques [5], où une annuloplastie mitrale comporte un risque important de récidives précoces et de réhospitalisation pouvant assombrir davantage le pronostic de ces patients. Entre 2006 et 2018, nous avons pris en charge 512 patients pour une IM primaire isolée ou associée à une insuffisance tricuspide. La plastie mitrale n’a été possible que chez 105 d’entre eux du fait de la prépondérance de l’étiologie rhumatismale. Toutes nos IM secondaires ischémiques (n=17) ont bénéficié d’un remplacement valvulaire mitral prothétique associé à une revascularisation coronaire. Durant cette période, 236 autres patients ont bénéficié d’une chirurgie mitrale redux suite à un dysfonctionnement aigu ou chronique, de plasties ou de prothèses valvulaires. La protection myocardique a toujours été une cardioplégie sanguine froide sauf chez deux patients présentant une IM secondaire à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) effondrée (≤30%), qui ont bénéficié d’un RVM à cœur battant.   2. Observations 1er patient : homme âgé de 71 ans, ayant été hospitalisé à trois reprises durant les 12 derniers mois pour une décompensation cardiaque gauche ; s’est présenté en 2015 pour une dyspnée au stade IV de la classification de la New York Heart Association (NYHA), malgré un traitement médical optimal. L’échographie transthoracique a noté chez lui une IM de grade IV secondaire à une cardiomyopathie dilatée (CMD) et une valve aortique étanche. Le VG avait un diamètre télédiastolique (DTDVG) de 75 mm et un diamètre télésystolique (DTSVG) de 59 mm. La FEVG était de 24%. La pression artérielle pulmonaire, calculée à travers une insuffisance tricuspide de grade I-II, était de 62 mmHg. La coronarographie n’a pas objectivé de lésions coronaires significatives. 2e patient : homme âgé de 54 ans, aux antécédents d’une hospitalisation pour décompensation cardiaque gauche remontant à 3 mois ; s’est présenté en 2018 pour une dyspnée au stade III de la NYHA malgré un traitement médical optimal. L’échographie transthoracique a objectivé chez lui une IM de grade III secondaire à une CMD associée à une insuffisance tricuspide fonctionnelle de grade II et une valve aortique étanche. Le VG avait un diamètre télédiastolique (DTDVG) de 74 mm et un diamètre télésystolique (DTSVG) de 48 mm. La FEVG était de 30% et la pression artérielle pulmonaire était de 59 mmHg. La coronarographie était sans particularités.   3. Technique opératoire L’intervention s’est déroulée chez les deux patients à travers une sternotomie médiane verticale, sous circulation extracorporelle (CEC) aortobicave menée en normothermie. Afin d’éviter les embolies gazeuses cérébrales lors de cette chirurgie à cœur battant et sans clampage aortique, plusieurs mesures ont été respectées scrupuleusement : a) Patients en position de Trendelenburg, b) pression artérielle moyenne sous CEC à 70-75 mmHg, maintenant la valve aortique constamment fermée, c) aspiration efficace à la racine aortique, d) atriotomie gauche effectuée sous clampage aortique transitoire, le temps d’ouvrir la valve mitrale par un aspirateur, supprimant ainsi l’éjection antérograde du VG, e) ouverture maintenue de l’une des deux ailettes de la prothèse valvulaire par une sonde de décharge gauche, f) les manœuvres de purge cardiaque doivent être effectuées sous clampage aortique transitoire et enfin g) le maintien de l’aspiration aortique jusqu’à la fin du remplissage des cavités cardiaques. Les deux patients ont bénéficié d’un remplacement valvulaire mitral par une prothèse mécanique à double ailette no 31, associé à une conservation totale de l’appareil sous-valvulaire. Chez le premier patient, nous avons conservé toute la valve mitrale et nous n’avons procédé à aucune résection tissulaire. Les deux feuillets valvulaires ont été plicaturés par les fils de fixation de la prothèse, passant de l’anneau mitral vers le bord libre du feuillet correspondant. Chez le deuxième patient, la plicature du feuillet antérieur a entraîné une traction excessive sur les cordages correspondants et nous a amené à réaliser une variante technique de la conservation complète de l’appareil sous-valvulaire. Elle a consisté à desinsérer la grande valve mitrale puis à exciser sa partie centrale dénuée de cordages, de façon à obtenir deux pastilles valvulaires attachées aux cordages antérieurs. Ces derniers ont été fixés par les fils de la prothèse au niveau des commissures correspondantes.   4. Résultats La CEC a duré respectivement 43 et 52 min et son sevrage a été aisé chez les deux patients sans recourir aux drogues inotropes positives ou à une assistance circulatoire. La ventilation artificielle a duré respectivement 3 et 6 h et les deux patients ont séjourné en soins intensifs pendant respectivement 24 et 48 h. L’échocardiographie postopératoire immédiate a objectivé que la conservation totale de l’appareil sous-valvulaire ne gênait pas la chambre de chasse VG et n’entraînait pas une majoration du gradient transprothétique mitral (respectivement 4,1 mmHg et 3,7 mmHg) [figure 1]. À la première heure postopératoire, les troponines étaient basses (respectivement 0,036 et 0,054 ng/ml) et ont continué à diminuer ultérieurement. Le deuxième patient a été repris au bloc opératoire à H6, suite à un saignement postopératoire d’origine biologique (850 ml) et a nécessité la transfusion de 3 culots globulaires. L’examen neurologique n’a décelé aucun trouble sensitivomoteur, sensoriel ou neurocognitif chez les deux patients. La durée de séjour postopératoire était respectivement de 9 et 13 jours. Après un recul moyen de 13 mois (respectivement 24 et 2 mois), les deux patients étaient au stade II de la NYHA, leurs prothèses valvulaires n’ont présenté aucun dysfonctionnement fuyant ou sténosant et leurs FEVG se sont améliorées pour atteindre respectivement 38% et 45%.   [caption id="attachment_4278" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Échocardiographie de contrôle. Remplacement valvulaire mitral par une prothèse mécanique à double ailette sans résection de la valve mitrale.[/caption] Cette échocardiographie réalisée à j1 montre clairement que la conservation totale de l’appareil sous-valvulaire, lors d’un remplacement prothétique de la valve mitrale, ne gêne pas la chambre de chasse du ventricule gauche et n’augmente pas le gradient transprothétique mitral.   5. Discussion   5.1. Les points positifs de cette technique 1) Lors d’une chirurgie mitrale à cœur battant, la perfusion coronaire continue avec du sang oxygéné normokaliémique et normothermique d’un cœur complètement déchargé assure une bonne protection myocardique et réalise ainsi une assistance circulatoire, se traduisant en postopératoire par des taux d’enzymes myocardiques bas. 2) La suppression des lésions d’ischémie-reperfusion myocardique préserve la fonction systolique postopératoire immédiate. Ceci se manifeste par une sortie de CEC aisée et une hémodynamique périopératoire stable, malgré la dysfonction VG. 3) La préservation de la fonction myocardique raccourcit la période d’assistance circulatoire et réduit la durée de la CEC et de ses effets secondaires sur les différents organes, se traduisant par une réduction des durées de ventilation artificielle et des soins intensifs. 4) L’absence d’un clampage aortique permet de réduire les embolies athéromateuses et peut s’avérer indispensable devant des aortes en porcelaine. 5) La conservation totale de l’appareil sous-valvulaire, lors d’un remplacement mitral prothétique, préserve la fonction systolique VG à plus long terme.   Malgré les progrès réalisés avec les différents protocoles d’arrêt cardioplégique, des lésions d’ischémie-reperfusion myocardique restent inévitables [6]. Elles sont à l’origine d’arythmies, de foyers d’infarctus du myocarde et de bas débits postopératoires. De surcroît, il a été démontré que l’arrêt cardioplégique altère le drainage lymphatique du cœur, générant ainsi un œdème myocardique pouvant affecter la fonction myocardique postopératoire [7]. À l’inverse, la chirurgie mitrale sur un cœur battant et complètement déchargé offre des conditions plus physiologiques et moins agressives pour ces myocardes à fonction altérée. En effet, la perfusion coronaire continue avec du sang oxygéné et normothermique supprime tout risque de survenue de lésions d’ischémie-reperfusion, en assurant des niveaux d’oxygénation myocardique peropératoires proches des valeurs préopératoires. Matsumoto a démontré dans une étude randomisée que cette technique permet de réduire significativement les taux de troponines, de créatine kinase MB et des niveaux de drogues catécholaminergiques nécessaires, comparativement aux patients opérés avec une perfusion continue d’une cardioplégie sanguine tiède [8]. D’autres études expérimentales ont également objectivé une réduction de l’accumulation des fluides extracellulaires et de la production de lactates, ainsi qu’une meilleure préservation des réserves d’énergie ; quand la stratégie de protection myocardique était basée sur une perfusion coronaire continue, avec du sang normothermique et normokaliémique [9,10]. Ces résultats constituent la base expérimentale justifiant le recours à une chirurgie valvulaire à cœur battant, lorsque des périodes prolongées d'ischémie myocardique sont prévues.   Nous avons été marqués durant cette approche à cœur battant par la facilité du sevrage de la CEC et par la stabilité hémodynamique périopératoire qui nous ont épargné le recours aux drogues inotropes positives, souvent nécessaires devant des dysfonctions VG sévères. Ce constat a été fait également par d’autres auteurs chez des patients à très haut risque opératoire [11,12]. Une étude comparative non randomisée, portant sur une population à fonction myocardique majoritairement bien conservée, a objectivé que la chirurgie mitrale à cœur battant réduit significativement les taux d’enzymes myocardiques, le recours aux inotropes positifs, la durée d’intubation, ainsi que la durée totale d’hospitalisation, sans pour autant réduire la mortalité opératoire [13]. Cependant, dans la catégorie des patients avec des IM à fraction d’éjection ˂30%, Ghosh a noté que cette technique réduit significativement la mortalité observée par rapport à la mortalité prédite par l’EuroSCORE [14]. Pasic a récemment publié une série de 120 patients à très haut risque chirurgical (EuroSCORE logistique moyen : 26,1±20,6%), ayant bénéficié d’une chirurgie mitrale à cœur battant. Il a noté que malgré leurs comorbidités préopératoires importantes, la mortalité hospitalière n’était que de 10% chez l’ensemble des patients, de 7,5% chez les patients sans choc cardiogénique et uniquement de 2,4% dans le groupe des IM ischémiques à dysfonctions VG sévères (FEVG moyenne : 23±5,5%) [12]. Notons que l’équipe du même auteur a rapporté, dans une série antérieure, une mortalité opératoire dépassant 30% dans le groupe des cardiomyopathies ischémiques opérées avec un arrêt cardioplégique [15]. Par ailleurs, il a été démontré également que l’approche à cœur battant via une thoracotomie droite lors d’une chirurgie mitrale redux réduit la durée des ventilations artificielles, ainsi que le nombre des transfusions sanguines et la mortalité opératoire, comparativement à une chirurgie à cœur fibrillant et en hypothermie à 28° [11]. En effet, la fibrillation ventriculaire électriquement induite diminue considérablement la délivrance de l’oxygène au myocarde et redistribue le flux coronaire en dehors des zones sous-endocardiques [11]. De surcroît, l’hypothermie générale requise par cette dernière technique prolonge significativement la durée de la CEC, en raison du temps nécessaire au refroidissement et au réchauffement général, augmentant ainsi le saignement postopératoire et les transfusions sanguines [11]. Nos deux patients avaient une valve aortique étanche, qui est une condition sine qua non pour avoir un champ opératoire exsangue, lors d’une chirurgie mitrale à cœur battant et sans clampage aortique. Chez un troisième patient, la présence d’une fuite aortique minime a gêné l’exposition et le déroulement de l’intervention et nous a contraint à réaliser un arrêt cardioplégique sous clampage aortique. Ricci a par ailleurs publié une technique de perfusion coronaire simultanée rétro et antérograde après un clampage aortique, permettant une chirurgie polyvalvulaire à cœur battant [16]. La principale critique faite à cette approche à cœur battant et sans clampage aortique est le risque d’embolies gazeuses. Le respect scrupuleux des mesures suscitées, visant à prévenir ce risque potentiel, nous a permis d’éviter cette complication chez nos patients dont l’examen neurologique postopératoire est normal. Deux études randomisées, basées sur un monitorage neurologique peropératoire (électroencéphalogramme, index bispectral, doppler transcrânien) [17] et sur des tests neurocognitifs postopératoires [18] n’ont pas noté de différence significative entre les deux techniques. Ce constat a été également fait par d’autres études observationnelles [13,16] portant sur une chirurgie mitrale ou polyvalvulaire à cœur battant. La dilatation importante du VG et la traction excessive exercée sur les cordages par le déplacement des deux piliers nous ont dissuadés d’opter pour une annuloplastie restrictive, laquelle comporte dans ces conditions un risque important de récidive d’IM et de réadmissions [5]. Dans l’optique de mieux préserver la fonction systolique à plus long terme, nous avons réalisé un RVM conservant la totalité de l’appareil sous-valvulaire. En effet, une méta-analyse [19] a confirmé que la conservation de l’appareil sous-valvulaire, comparativement à sa résection complète, réduit significativement la mortalité opératoire, les bas débits cardiaques postopératoires ainsi que la mortalité à 5 ans de la chirurgie. Yun a démontré clairement dans une étude randomisée comparant la conservation complète versus partielle de l’appareil sous-valvulaire (petite valve uniquement), que la première technique est associée à une réduction significative de la taille, du stress systolique et de la masse VG, ainsi qu’à une FEVG significativement plus élevée [20].   5.2. Contre-indications Les fuites aortiques modérées à sévères (grade≥II) sont considérées comme une contre-indication absolue à la chirurgie mitrale à cœur battant sans clampage aortique. La présence d’une insuffisance aortique minime ne représente par contre qu’une contre-indication relative.   5.3. Indications possibles – Les patients jugés à haut risque ou inappropriés pour une chirurgie mitrale en arrêt cardioplégique : patients en choc cardiogénique, patients sous ventilation artificielle, patients sous support inotropes ou sous assistance circulatoire [14]. – Chirurgie mitrale redux [11]. – Insuffisances mitrales en dysfonction VG sévère [13]. – Calcification importante de l’aorte ascendante ou « aorte en porcelaine » [12].   6. Conclusion Le remplacement mitral prothétique à cœur battant avec conservation totale de l’appareil sous-valvulaire peut améliorer les résultats opératoires et à court terme des insuffisances mitrales secondaires à fractions d’éjections effondrées.   Références Baumgartner H, Falk V, Bax J, et al .2017 ESC/EACTS Guidelines for the management of valvular heart disease The Task Force for the Management of Valvular Heart Disease of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). 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Preservation versus non-preservation of mitral valve apparatus during mitral valve replacement: a meta-analysis of 3835 patients. Interactive CardioVascular and Thoracic Surgery 2012;15:1033-1039. https://doi.org/10.1093/icvts/ivs379 Yun K, Sintek C, Miller D, et al. Randomized trial comparing partial versus complete chordal-sparing mitral valve replacement: Effects on left ventricular volume and fonction. J Thorac Cardiovasc Surg 2002;123:707-14. https://doi.org/10.1067/mtc.2002.121048 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 25/09/2018. Acceptation : 11/01/2019.  
mars 19, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Décembre 2018

Pansement à pression négative pour patients opérés de pontage coronaire Résultats d’une étude prospective monocentrique

Maud-Emmanuelle Olivier, Chadi Aludaat, Yohan Nguyen, Emmanuelle Durand, Li Liu, Annick Lefebvre, Paul Marticho, Yves Assad Saade, Sylvain Rubin, Vito Giovanni Ruggieri*   Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, centre hospitalier et universitaire Robert Debré, Reims, France. * Correspondance : vgruggieri@chu-reims.fr   DOI : 10.24399/JCTCV22-4-OLI Citation : Olivier ME, Audaat C, Nguyen Y, Durand E, Liu L, Lefebvre A, Marticho P, Saade YA, Rubin S, Ruggieri VG. Pansement à pression négative pour patients opérés de pontage coronaire Résultats d’une étude prospective monocentrique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-OLI   Résumé Introduction : les infections du site opératoire représentent des complications majeures affectant les patients opérés de pontages aortocoronariens avec prélèvement bilatéral des artères mammaires internes. Nous présentons dans cette étude prospective monocentrique les résultats de l’utilisation d’un pansement préventif à pression négative chez des patients à haut risque infectieux opérés de pontages coronaires par double greffon mammaire. Matériels et méthodes : entre janvier 2013 et décembre 2016, nous avons recueilli de façon prospective les données des patients opérés de pontages coronaires isolés avec prélèvement bilatéral des artères mammaires internes, réalisés dans notre service au CHU de Reims avec (n=161) ou sans (n=266) utilisation postopératoire du pansement préventif à pression négative (Prevena,Kinetic Concepts, Inc., San Antonio, Texas, États-Unis). Un groupe avec Prevena et un groupe contrôle ont été appareillés pour réaliser les analyses. Résultats : deux groupes appariés composés de 128 patients chacun aux caractéristiques comparables ont été obtenus. Les résultats concernant les infections de cicatrice de sternotomie étant répartis de façon similaire entre le groupe ayant un pansement conventionnel (10,9%) et celui ayant un pansement préventif à pression négative (10,2%) (p=1,00). Les patients traités avec ce pansement préventif montraient une tendance avec un taux d’infection du site opératoire (superficielle ou médiastinite) plus bas que ceux traités avec un pansement conventionnel (5,5% versus 10,2%, p=0,210), cette différence n’était pas statistiquement significative. Les tests d’interaction montraient des résultats comparables pour tout type d’infections du site opératoire, parmi les patients avec et sans comorbidité significative. Conclusion : les résultats de cette étude suggèrent que l’utilisation systématique de ces pansements préventifs à pression négative ne diminuerait pas le risque d’infection de cicatrice chez les patients ayant bénéficié d’un prélèvement bilatéral d’artères mammaires internes pour pontages coronariens. Une plus large étude randomisée serait nécessaire pour évaluer l’efficacité de l’utilisation du pansement préventif à pression négative chez les patients ayant bénéficié d’une chirurgie cardiaque de pontages coronaires à haut risque infectieux.   1. Introduction Les infections du site opératoire (ISO) sont une des plus sévères complications de la chirurgie cardiaque, encore de nos jours. En particulier, les ISO sont le talon d’Achille des pontages aortocoronariens (PAC) avec prélèvement bilatéral des artères mammaires internes (BAMI) [1], probablement dû à la diminution significative de la vascularisation sternale en lien avec le prélèvement BAMI [2]. Bien que le prélèvement BAMI puisse améliorer le résultat à long terme après le PAC [3], la crainte d’une ISO est l’une des raisons qui empêchent l’utilisation généralisée de cette stratégie de revascularisation [4]. Ainsi un certain nombre de stratégies pré, intra et postopératoires sont connues pour potentiellement réduire le risque d’ISO [5]. Récemment, un pansement préventif à pression négative (INPWT) pour la cicatrice sternale fermée a été mis au point afin de réduire le risque d’ISO avec des résultats encourageants [6, figure 1]. Le mécanisme derrière l’efficacité potentielle de l’INPWT est l’élimination des fluides et des matériaux infectieux de l’incision chirurgicale. Dans cette étude, nous avons évalué l’efficacité de cette méthode pour prévenir les complications de la plaie sternale chez les patients bénéficiant d’un prélèvement BAMI.   [caption id="attachment_4198" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Dispositif Prevena (http://fr.kci-medical.ch/CH-FRE/prevena).[/caption]   [caption id="attachment_4199" align="aligncenter" width="226"] Figure 2. Pansement Prevena en aspiration sur une cicatrice sternale (www.en.auh.dk/departments/department-of-plastic-and-brest-surgery).[/caption] 2. Méthodes Quatre cent vingt-sept patients ont bénéficié d’un pontage aortocoronarien isolé en utilisant  le prélèvement BAMI au CHU de Reims, France, d’avril 2013 à décembre 2016. Les données sur les caractéristiques de base, les variables opératoires et les résultats de ces patients ont été collectés prospectivement grâce à une fiche technique dédiée. Les patients qui ont subi un pontage coronarien en utilisant une seule artère mammaire interne ou toute procédure cardiaque majeure associée ont été exclus de cette étude. La prophylaxie antibiotique consistait, suivant les recommandations de la SFAR, en l’administration de céfazoline 1,5 g avant l’induction de l’anesthésie, suivie de 750 mg toutes les 2 heures en peropératoire. Après l’intervention chirurgicale, 750 mg de céfazoline ont été administrés toutes les 6 heures pendant 48 heures. Le site d’incision chirurgicale a été désinfecté immédiatement avant la chirurgie avec de la povidone-iode à 7,5% (gommage chirurgical Betadine, Meda Pharma, Paris, France) 4 fois suivi d’un lavage à la povidone-iode 10% une fois (Betadine Dermique, Meda Pharma, Paris, France) comme recommandé par la HAS. Les prélèvements BAMI étaient réalisés de façon à obtenir des greffons pédiculés intacts. La sternotomie a été fermée avec 7 cerclages métalliques simples. La couche sous-cutanée a été fermée avec Vicryl 1-0 ou 2-0 (Ethicon SAS, Issy-les-Moulineaux, France) et la peau par voie intracutanée avec Monocryl 4-0 (Ethicon SAS, Issy-les-Moulineaux, France). La glycémie était précautionneusement surveillée et un traitement par insuline par voie intraveineuse était systématiquement administré chez les diabétiques après la chirurgie. Pendant la période d’étude, un pansement préventif à pression négative sur incision fermée (PrevenaTM, Kinetic Concepts, Inc., San Antonio, Texas, États-Unis) a été utilisé sur la plaie sternale chez 161 patients. Les patients restants ont été pris en charge avec un pansement stérile classique. La décision d’utiliser le INPWT était basée sur le choix du chirurgien individuel. La prévalence de l’utilisation de ce pansement à pression négative était de 9,1% en 2013, de 24,1% en 2014, de 51,7% en 2015 et de 42,9% en 2016 (p <0,001). Dans la cohorte INPWT, ce pansement était mis en place immédiatement après la fermeture de la peau sur la cicatrice de sternotomie, dans des conditions stériles en salle d’opération. La pompe d’aspiration y a été connectée et une pression négative de -125 mmHg a été appliquée. Ce pansement en mousse était retiré après 5 ou 7 jours sous surveillance médicale. Dans la cohorte témoin, un pansement conventionnel a été utilisé (Tegaderm, 3M, St. Paul, Minnesota, États-Unis). Le premier pansement a été changé le deuxième jour postopératoire puis renouvelé suivant l’inspection de la plaie sternale tous les 2 jours. Le critère principal de cette étude était la survenue d’une ISO de toute gravité, ainsi qu’une ISO superficielle, une ISO profonde ou médiastinite. Le diagnostic et la sévérité de l’ISO ont été définis et classés selon la classification des infections du site opératoire du Centers for Disease Control and Prevention [7]. Les résultats secondaires de cette étude étaient le décès intrahospitalier, la durée du séjour à l’hôpital, la durée du séjour en unité de soins intensifs, la dialyse, le ballon de contre-pulsion intra-aortique postopératoire, la transfusion sanguine et la reprise opératoire pour hémorragie. Cette étude a été approuvée par le Comité d’éthique de cette institution. L’étude n’a pas été financée.   2.1. Analyses statistiques L’analyse statistique a été effectuée en utilisant le logiciel statistique SAS, version 9.2 (SAS Institute Inc, Cary, Caroline du Nord, États-Unis) et le logiciel statistique SPSS v. 24.0 (IBM Corporation, New York, États-Unis). Aucune tentative de remplacement des valeurs manquantes n’a été effectuée. Le test-U de Mann-Whitney, le test de Fisher et les tests Chi2 ont été utilisés pour l’analyse univariée dans la population non appariée. Un appariement par score de propension a été utilisé pour sélectionner 2 groupes de patients, subissant un traitement INPWT ou un pansement stérile conventionnel, respectivement avec des caractéristiques de base similaires. Le score de propension a été estimé en utilisant un modèle de régression logistique non parcimonieux comprenant les covariables suivantes : âge, sexe, indice de masse corporelle, maladie pulmonaire, diabète, chirurgie cardiaque antérieure, fraction d’éjection ventriculaire gauche, EuroSCORE II [8] et STS [9]. Un appariement de score de propension un à un a été effectué en utilisant la méthode  du nearest neighbour et un logit score de propension avec un écart type de 0,2. Pour évaluer l’équilibre entre les groupes appariés, nous avons utilisé le t-test sur les échantillons appariés pour les variables continues, le test de McNemar pour les variables dichotomiques et l’analyse des différences normalisées après l’appariement. Le déséquilibre entre les cohortes d’étude était acceptable lorsque la différence normalisée était inférieure à 10%. Afin de mettre en évidence des relations d’interaction avec d’autres facteurs de risque, des tests d’interaction ont été réalisés. Ces derniers l’ont été par des sous-groupes avec des comorbidités pertinentes, que ce soit pour toute ISO ainsi que pour une ISO superficielle, profonde ou médiastinite. Tous les tests étaient bilatéraux et p<0,05 était considéré comme statistiquement significatif.   3. Résultats Les caractéristiques des patients et les variables opératoires sont résumées dans le tableau 1. Dans cette série, 38 patients ont présenté une ISO (8,9%). Soit une ISO superficielle a été observée chez 11 patients (2,6%) et une ISO profonde ou médiastinite chez 27 patients (6,3% ; médiastinite chez 19 patients, 4,4%). La croissance de la culture était positive dans tous les cas [tableau 2], mais un patient n’avait que des manifestations de signes cliniques d’ISO superficielle.   Tableau 1. Caractéristiques de base dans la série globale et les scores de propension avec les paires appariées.              Série globale Score de propension avec paires appariées Caractéristiques de base Pansement conventionnel n=266 INPWT n=161 P-value   Différences standardisées (%) Pansement conventionnel n=128 INPWT n=128 P-value   Différences standardisées (%) Âge (ans) 66,3±10,0 67,6±8,7 0,162 0,138 67,8±9,0 67,2±8,4 0,606 0,067 Femmes 28 (10,5) 26 (16.2) 0,090 0,166 23 (18,0) 20 (15,6) 0,590 0,063 IMC (kg/m2) 27,7±4,0 29,5±5,4 <0,001 0,399 28,9±4,4 29,1±4,9 0,660 0,044 Diabète traité 73 (27,4) 106 (65,8) <0,001 0,832 73 (57,0) 73 (57,0) 1,000 0,000 Pathologie pulmonaire   35 (13,2)   31 (19,3)   0,091   0,166   21 (16,4)   22 (17,2)   0,853   0,021 Urgence chirurgicale   1 (0,4)   0   0,436   0,087   0   0   -   0,000 FEVG 0,929 0,764 0,313 0,842 30-50% 78 (29,3) 45 (27,9) 46 (35,9) 34 (26,5) <30% 16 (6,0) 9 (5,6) 7 (5,4) 8 (6,3) No. anastomoses distales 2,8±0,7 2,9±0,8 0,297 0,106 2,7±0,6 2,9±0,8 0,112 0,209 DCA (min) 62,4±20,7 62,6±21,8 0,938 0,008 61,9±19,0 62,9±21,5 0,617 0,052 CEC (min) 95,0±26,5 94,9±21,8 0,938 0,003 92,3±22,8 96,1±30,6 0,278 0,142 STS score (%) 1,4±1,1 1,4±1,2 0,794 0,026 1,5±1,2 1,4±1,2 0,617 0,061 EuroSCORE II (%) 2,9±1,4 3,2±1,3 0,013 0,247 3,2±1,4 3,1±1,4 0,736 0,042 Les variables continues sont rapportées en moyenne et écart type. Les variables nominales sont exprimées en nombre et en pourcentage (entre parenthèses). INPWT: Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; IMC : indice de masse corporelle ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; DCA : durée de clampage aortique ; CEC : durée de circulation extracorporelle.   Tableau 2. Résultats des cultures bactériennes chez 38 patients avec infection du site opératoire post-sternotomie. Souches bactériennes No Staphylococcus aureus 11 Staphylococcus epidermidis 9 Staphyloccus coag. neg. 9 Escherichia coli 4 Serratia marcescens 2 Propionibacterium acnes 2 Staphylococcus schleiferi 1 Proteus mirabilis 1 Morganella morganii 1 Klebsiella pneumoniae 1 Enterobacter cloacae 1 Enterobacter aerogenes 1 Achromobacter 1 Gram positive bacteria 1 Culture stérile 1 Plus d’une souche bactérienne a été observée chez 7 patients.     Concernant la prise en charge des patients, ceux présentant une ISO superficielle ont bénéficié d’une antibiothérapie adaptée de courte durée et d’une surveillance associée à des soins réguliers de cicatrice. Ceux présentant une ISO profonde ou médiastinite ont été traités par une antibiothérapie adaptée de longue durée et intraveineuse ainsi qu’une reprise au bloc opératoire pour mise à plat, parage et nettoyage. Dans la série globale, aucune différence significative n’a été observée entre ces cohortes, que ce soit en termes de résultats primaires ou secondaires [tableau 3].   Tableau 3. Résultats.              Série globale Score de propension avec paires appariées Résultats Pansement conventionnel n=266 INPWT n=161 P-value   Pansement conventionnel n=128 INPWT n=128 P-value   Tout type d’ISO 21 (7,9) 17 (10,6) 0,349 14 (10,9) 13 (10,2) 1,000 ISO superficielle 4 (1,5) 7 (4,3) 0,111 1 (0,8) 6 (4,7) 0,063 ISO profonde 5 (1,9) 3 (1,9) 1,000 3 (2,3) 2 (1,6) 1,000 Médiastinites 12 (4,5) 7 (4,3) 0,937 10 (7,8) 5 (3,9) 0,302 ISO profonde ou médiastinite 17 (6,4) 10 (6,2)   0,941 13 (10,2) 7 (5,5) 0,134 Dialyse 6 (2,3) 4 (2,5) 1,000 4 (3,1) 4 (3,1) 1,000 BCPIA 11 (4,1) 2 (1,2) 0,144 4 (3,1) 1 (0,8) 0,180 Reprise pour saignement 4 (1,5) 3 (1,9) 0,777 2 (1,6) 2 (1,6) 1,000 Transfusion sanguine 161 (60,5) 102 (63,49) 0,560 83 (64,8) 82 (64,1) 0,901 Aucune transfusion CGR 1,9±2,0 2,2±2,3 0,236 2,1±2,3 2.1±2,3 0,937 Durée USI (jours) 4,7±3,0 6,0±6,0 0,004 4,9±3,4 5.9±6,0 0,092 Durée d’hospitalisation totale (jours)   12,0±9,0   13,8±11,5   0,016   13,1±10,8   13,6±11,0   0,718 Mort intrahospitalière 7 (2,6) 3 (1,9) 0,749 7 (5,5) 3 (2,3) 0,157 Les variables continues sont rapportées en moyenne et écart type. Les variables nominales sont exprimées en nombre et en pourcentage (entre parenthèses). INPWT: Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; ISO : infection du site opératoire ; BCPIA : ballon de contre-pulsion intra-aortique ; CGR : culot de globules rouges ; USI : unité de soins intensifs.   Malgré l’absence de différences significatives, on a pu observer quelques tendances en nombre absolu, comme une diminution du nombre d’ISO (tout type confondu) dans le groupe  INPWT (pansement conventionnel : 21 vs  INPWT : 17, p=0,349). Le nombre d’ISO profonde ou médiastinite a été diminué dans le groupe INPWT (soit 10 vs 17, p=0,941). Enfin la mortalité intrahospitalière est augmentée dans le groupe conventionnel comparé au groupe INPWT (7 vs 3, p=0,749).  Cependant le nombre d’ISO superficielle a augmenté dans le groupe INPWT comparé au groupe pansement conventionnel (7 vs 4, p=0,111).  Et la durée d’hospitalisation totale est augmentée dans le groupe INPWT (13,8±11,5 vs 12,0±9,0, p=0,016). Sur la durée de l’étude aucun patient ayant présenté une ISO superficielle ou profonde ou médiastinite n’a récidivé, ni nécessité de multiples reprises au bloc opératoire. Aucune mortalité directe n’a pu être mise en évidence non plus. Cependant une morbidité existe avec une prolongation de la durée d’hospitalisation, les effets secondaires des médicaments (antibiothérapie) et l’impact psychologique non négligeable pour le patient. L’appariement des scores de propension a abouti à 128 paires avec des caractéristiques de base similaires. Cependant la fraction d’éjection ventriculaire gauche était plus faible parmi la cohorte de pansements stériles conventionnels. Les scores EuroSCORE II et STS étaient similaires entre les cohortes de l’étude, comme indiqué par des différences standard <10%. Le test de McNemar n’a pas montré de différences concernant les ISO tout type confondu (pansements  conventionnels : 10,9% vs INPWT : 10,2%, p=1,00), ainsi que pour la répartition entre les différents type d’ISO et les cohortes conventionnelles ou INPWT [tableau 3]. Les patients traités par INPWT ont présenté moins d’ISO profonde ou médiastinite que les patients du groupe contrôle (5,5% vs 10,2%, p=0,210). Mais la différence n’était pas statistiquement significative. Cette fois encore, on a pu observer que le nombre d’ISO superficielle augmente dans le groupe INPWT comparé au groupe pansement conventionnel (6 vs 1, p=0,063). Enfin les tests d’interaction ont montré que ces résultats étaient cohérents pour toutes ISO ainsi que pour une ISO profonde ou médiastinite chez les patients avec et sans comorbidités significatives [tableaux 4 et 5].  Contrairement à ce que l’on pouvait supposer ni le sexe (homme OR : 0,34 vs femme OR : 2,96, p=0,934), ni le diabète (non diabétique OR : 0,33 vs diabétique OR : 3,08, p=0,684), ni des troubles respiratoires type BPCO (non BPCO OR : 0,44 vs BPCO OR : 2,28, p=0,669) ou l’indice de masse corporel (IMC<30 OR : 0,87 vs IMC>30 OR : 1,15, p=0,177) n’ont d’effet sur le risque d’ISO tous types confondus. Aucune différence n’a été observée dans les autres résultats entre les cohortes de l’étude [tableau 3].   Tableau 4. Infections du site opératoire et tests d’interaction par sous-groupes. OR 95% IC INPWT vs. Pansement conventionnel 1,00 0,42 2,38 Interaction OR 95% IC Chi 2  p-value Homme 0,34 0,10 1,13 0,17 0,934 Femme 2,96 0,89 9,87 Âge <70 ans 0,55 0,18 1,68 0,72 0,665 Âge ≥70 ans 1,83 0,60 5,63 Pas diabétique 0,33 0,09 1,23 0,04 0,684 Diabète 3,08 0,81 11,61 Non pathologie pulmonaire 0,44 0,12 1,56 0,60 0,669 Pathologie pulmonaire 2,28 0,64 8,12 FEVG >50% 0,35 0,11 1,11 0,11 0,932 FEVG ≤50% 2,86 0,90 9,10 Indice de masse corporelle <30 0,87 0,28 2,67 0,20 0.177 Indice de masse corporelle ≥30 1,15 0,37 3,54 INPWT : Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; OR : odds ratio ; IC : intervalle de confiance ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche.   Tableau 5. Infections du site opératoire profondes ou médiastinites et tests d’interaction par sous-groupes. OR 95% IC INPWT vs pansement conventionnel 0.23 0,8 1,51 Interaction OR 95% IC Chi 2 p-value Homme 0,40 0,07 2,34 0,10 0,719 Femme 3,36 0,99 11,47 Âge <70 ans 0,49 0,14 1,45 0,20 0,922 Âge ≥70 ans 2,23 0,69 7,25 Non diabétique 0,36 0,10 1,39 0,06 0,662 Diabète 2,75 0,72 10,52 Pas pathologie pulmonaire 0,39 0,11 1,41 0,08 0,663 Pathologie pulmonaire 2,56 0,71 9,27 FEVG >50% 0,40 0,12 1,31 0,03 0,432 FEVG ≤50% 2,49 0,77 8,09 Indice de masse corporelle <30 1,07 0,33 3,46 0,43 0,456 Indice de masse corporelle ≥30 0,94 0,29 3,05 INPWT : Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; OR : odds ratio ; IC : intervalle de confiance ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche.   4. Discussion Les présents résultats ont montré que l’utilisation de l’INPWT ne réduit pas de manière significative le risque d’ISO chez les patients bénéficiant d’un pontage avec l’utilisation de prélèvements BAMI. Ces résultats sont cliniquement pertinents, car ces patients présentent un risque majeur de complications de la cicatrice sternale, ce qui empêche l’utilisation généralisée de prélèvements BAMI. Malgré les premiers rapports encourageants d’Atkins et al. [10] et Colli et Camara [11], nous n’avons pas été en mesure d’observer un bénéfice significatif avec l’utilisation de ce nouveau traitement prophylactique des cicatrices. La prolongation de la durée d’hospitalisation qui a pu être observée dans le groupe INPWT peut probablement être due aux multiples facteurs de risque présentés par cette population (diabète non équilibré en postopératoire, trouble respiratoire en lien avec une BPCO ou surpoids) demandant une attention particulière de l’équipe et souvent une surveillance prolongée. La nécessité de garder le pansement type INPWT pendant 7 jours a aussi prolongé la durée d’hospitalisation totale. Et on observe une augmentation du nombre absolu d’ISO superficielle dans le groupe INPWT. La surveillance accrue de ses patients et les facteurs de risque présentés par les patients peuvent avoir biaisé le diagnostic en surévaluant ce dernier. Mais contrairement à ce que l’on pouvait s’attendre, aucun facteur d’interaction n’est mis en évidence (diabète, BPCO, IMC…). Un autre biais est à noter dans cette population. Les artères mammaires internes étaient prélevées suivant les habitudes du chirurgien. Ainsi la grande majorité n’étaient pas squelettisées. L’analyse de l’interaction a montré que le bénéfice d’INPWT n’était pas évident même dans les sous-groupes de patients présentant des comorbidités cliniquement pertinentes. Des études comparatives antérieures de Grauhan et ses collègues [13,14] ont montré une diminution du risque d’ISO, après une chirurgie cardiaque chez l’adulte. Cependant, l’une de ces études manquait de données de base sur ces patients et l’analyse comparative n’a pas été ajustée pour les covariables de base et les covariables opératoires [13]. Une autre étude incluant des patients obèses a montré que le risque de ISO était significativement plus faible après INPWT, comparé au pansement conventionnel stérile (4% vs 16%, p=0,03) [14]. L’étude actuelle a montré que l’INPWT était associé à un nombre absolu inférieur d’ISO sévères, c’est-à-dire d’ISO profondes et médiastinites, comparé au pansement stérile conventionnel des cicatrices sternales. Bien que cette différence n’ait pas atteint la signification statistique, cette observation suggère que d’autres études avec une taille d’échantillon adéquate sont nécessaires pour obtenir des résultats concluants sur l’efficacité potentielle de l’INPWT chez les patients adultes subissant une chirurgie cardiaque. En fait, afin de détecter une réduction de 50% du risque d’ISO profonde ou médiastinite, la taille estimée de l’échantillon pour l’étude cas témoin appariée serait de 255 patients dans chaque cohorte (estimation basée sur le taux observé dans le groupe témoin de 10%, alpha : 0,05, puissance : 0,80). Par conséquent, l’analyse post-hoc suggère que la présente analyse est clairement insuffisante pour détecter une réduction de risque aussi importante. Cependant, la randomisation à INPWT et le traitement conventionnel des plaies stériles de 510 patients subissant un prélèvement BAMI est irréaliste. Une population d’étude encore plus grande serait nécessaire pour démontrer une diminution significative du risque d’ISO profonde avec INPWT, quand un taux groupé de 2,4% de cette complication [12] est pris en considération. Autre fait important, une analyse des coûts est également nécessaire pour estimer le fardeau économique d’un grand nombre de patients devant être traités pour prévenir une infection du site opératoire. Dans ce contexte, le nombre limité et la qualité sous-optimale des études, évaluant l’INPWT dans la chirurgie cardiaque adulte, empêchent des résultats concluants. Cependant, les avantages potentiels de l’INPWT pourraient être extrapolés à partir des résultats d’études randomisées dans d’autres domaines de la chirurgie. Deux études randomisées récentes ont montré un avantage significatif de l’utilisation de l’INPWT après laparotomie [15,16]. Néanmoins, un essai randomisé beaucoup plus large par Shen et al. [17] n’a montré aucun avantage avec l’utilisation de l’INPWT chez les patients subissant une chirurgie abdominale. De plus, l’INPWT n’a pas réussi à réduire le risque d’infection du site opératoire dans d’autres études randomisées concernant différents contextes chirurgicaux [18,19]. Ces résultats suggèrent que la valeur de l’INPWT après la chirurgie est encore controversée et son utilisation systématique ne peut pas être recommandée, jusqu’à ce que des essais correctement réalisés aient démontré son efficacité dans la réduction des complications chirurgicales chez les patients bénéficiant d’une chirurgie cardiaque adulte. Des analyses groupées de séries de cas témoins appariés pourraient également être utiles pour mieux évaluer l’efficacité de l’INPWT chez ces patients. La nature non randomisée est une limitation majeure de cette étude. Cependant, le recueil de données était prospectif. Les données sur les ISO, les résultats de culture bactérienne, ainsi que le traitement médical et chirurgical de ces patients ont été détaillés selon des critères préfixés. De plus, cette étude n’est pas suffisamment puissante pour détecter une réduction de 50% du risque en fonction de la proportion d’ISO observée dans la cohorte conventionnelle de pansements stériles.   5. Conclusion Les résultats de cette étude suggèrent que l’utilisation systématique de ces pansements à pression négative peut ne pas réduire de manière significative le risque d’ISO, chez les patients subissant un pontage coronaire avec l’utilisation de greffons BAMI. Au vu des rapports précédents, montrant des avantages significatifs avec l’utilisation de cette méthode, on peut se demander si la puissance de cette étude était suffisante pour un événement rare. Une grande étude randomisée est justifiée pour évaluer définitivement l’efficacité de l’INPWT chez les patients adultes bénéficiant d’une chirurgie cardiaque. Des analyses groupées de séries de cas témoins appariés de bonne qualité peuvent également être utiles pour évaluer l’efficacité de l’INPWT chez ces patients et évaluer d’autres facteurs d’interaction (comme la dénutrition…). Cette étude est donc très encourageante et nous incite à poursuivre.   Références Kouchoukos NT, Wareing TH, Murphy SF, Pelate C, Marshall WG Jr. Risks of bilateral internal mammary artery bypass grafting. Ann Thorac Surg 1990;49:210-217. https://doi.org/10.1016/0003-4975(90)90140-2 Parish MA, Asai T, Grossi EA, et al. The effects of different techniques of internal mammary artery harvesting on sternal blood flow. J Thorac Cardiovasc Surg 1992;104:1303-1307. PMid:1434710 Lytle BW, Blackstone EH, Loop FD, et al. Two internal thoracic artery grafts are better than one. J Thorac Cardiovasc Surg 1999;117:855-872. https://doi.org/10.1016/S0022-5223(99)70365-X Mastrobuoni S, Gawad N, Price J, et al. Use of bilateral internal thoracic artery during coronary artery bypass graft surgery in Canada: The bilateral internal thoracic artery survey. J Thorac Cardiovasc Surg 2012;144:874-879. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2012.01.022 PMid:22342478 Sajja LR. 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décembre 3, 2018
Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Septembre 2018

«Debranching aortique» chez les patients contre-indiqués à la chirurgie classique : cohorte de 32 patients

Antoine Aguettant1, Alexandre Metras1, Mathieu Pernot1, M. Watanabee1, Pierre Oses1, Julien Peltan1, Marie-Nadine Laborde1, Francesco Madonna1, L. Cadusseau1, Aurélie Fresselinat2, Laurent Barandon1, Louis Labrousse1   Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, France. Pharmacie hospitalière, groupe hospitalier sud, CHU de Bordeaux, France. Correspondance : antoine.aguettant@hotmail.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-3-AGU Citation : Aguettant A, Metras A, Pernot M, Watanebee M, Oses P, Peltan J, Laborde N, Madonna F, Cadusseau L, Fresselinat A, Barandon L, Labrousse L . «Debranching aortique» chez les patients contre-indiqués à la chirurgie classique : cohorte de 32 patients. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(3). doi: 10.24399/JCTCV22-3-AGU   Résumé Introduction : le traitement de première intention des anévrismes de l’aorte transverse est la chirurgie ouverte avec arrêt circulatoire. L’essor de la chirurgie endovasculaire permet de nouvelles prises en charge. Cette étude rétrospective recherche la faisabilité et la fiabilité d’une procédure hybride, par traitement aortique endoprothétique associé à une revascularisation chirurgicale des troncs supra-aortiques. Matériel et méthodes : nous avons sélectionné l’ensemble des patients opérés d’une endoprothèse aortique thoracique entre 2000 et 2014. Nous avons inclus de manière rétrospective 32 patients ayant bénéficié d’une  chirurgie endovasculaire de l’arche aortique avec revascularisation chirurgicale des troncs supra-aortiques. Nous avons exclus les revascularisations isolées de l’artère sous-clavière gauche. Le critère principal de jugement était le succès chirurgical définit par une exclusion de l’anévrisme avec absence d’endofuite de type I au décours de la chirurgie. Les critères secondaires étaient : l’incidence d’AVC en postopératoire, la survie a 30 jours, la survie a 2 ans, le délai sans réintervention. Le suivi des patients était réalisé par un scanner avant la sortie de l’hôpital, puis un scanner a 6 mois puis à 1 an, puis tous les ans. Résultats : le succès chirurgical a été obtenu dans 94% des cas. Seulement 2 patients avaient une endofuite de type I en postopératoire. L’incidence des AVC en postopératoire était de 3% (n=1). La mortalité a 30 jours était de 9% (n=3). Les causes de décès étaient une défaillance cardiaque (n=2) et une défaillance multiviscérale (n=1), ces 3 patients étant hospitalisés en urgence pour fissuration d’anévrisme. L’absence de réintervention était de 91% à 1 an et 84% à 5 ans. La survie à 2 ans était de 62% Conclusion : la faisabilité des debranching aortique dans le traitement des anévrismes de l’aorte transverse est comparable aux procédures totalement endovasculaires et présente une morbi-mortalité moindre qu’en chirurgie ouverte.   Abstract Introduction: The first-line treatment of transverse aortic aneurysms is open surgery with circulatory arrest. The increase in endovascular surgery allows new forms of management. This retrospective study investigated the feasibility and reliability of a hybrid procedure, endoprosthetic aortic treatment associated with surgical revascularization of supra-aortic trunks. Methods: We selected all patients operated on for a thoracic aortic stent between 2000 and 2014. We retrospectively included 32 patients who underwent endovascular aortic arch surgery with surgical revascularization of the supra-aortic trunks. We excluded isolated revascularizations of the left subclavian artery. The primary endpoint was surgical success defined by exclusion of the aneurysm with no type I endoleak following surgery. The secondary endpoints were postoperative stroke incidence, 30-day survival, 2-year survival, and no reoperation. Patient follow-up was carried out by a scanner prior to hospital discharge, and a CT scan 6 months and 1 year later, and then every year. Results: Surgical success was achieved in 94% of cases. Only 2 patients had a type I endoleak postoperatively. The incidence of stroke postoperatively was 3% (n = 1). The 30-day mortality was 9% (n = 3). The causes of death were heart failure (n = 2) and multiorgan failure (n = 1). It should be noted that these 3 patients were hospitalized for emergency aneurysm cracking. The absence of re-intervention was 91% at 1 year and 84% at 5 years. Survival at 2 years was 62%. Conclusion: The feasibility of aortic debranching in the treatment of transverse aortic aneurysms is comparable to fully endovascular procedures, and it has lower morbidity and mortality than open surgery.   1. Introduction Les anévrismes de la crosse aortique restent une pathologie fréquente. Actuellement les progrès de la chirurgie endovasculaire permettent une prise en charge totalement percutanée, moins lourde qui entraîne théoriquement une diminution de la morbimortalité [1]. Ces nouvelles techniques totalement endovasculaires ont cependant encore un taux de complications péri-opératoires et de réopérations non négligeables [2,3]. Le traitement de référence reste donc la chirurgie ouverte mais cette dernière n’est pas applicable chez les patients les plus fragiles et sa place exacte dans ce contexte de développement des techniques endovaculaires doit être probablement en partie redéfinie [4-7]. Nous avons dans ce contexte étudié de manière rétrospective les résultats d’une procédure hybride chez les patients à haut risque ou contre-indiqués à la chirurgie classique ; le «debranching aortique» qui associe couverture aortique endoprothétique par voie percutanée et revascularisation chirurgicale des troncs supra-aortiques permettant l’optimisation de la zone d’appui de l’endoprothèse.   2. Matériel et méthodes Nous avons sélectionné de manière rétrospective l’ensemble des patients opérés d’une endoprothèse aortique thoracique entre 2000 et 2014.   2.1. Critères d’inclusion Étaient inclus les patients ayant bénéficié d’une chirurgie endovasculaire de l’arche aortique avec revascularisation chirurgicale des artères à visée cérébrale. Tous les patients avaient été considérés comme à haut risque ou contre-indiqués à la chirurgie classique en raison de la lourdeur de leurs comorbidités.   2.2. Critères d’exclusion Les revascularisations isolées de l’artère sous-clavière gauche. Une chirurgie de l’aorte ascendante associée. Nous avons inclus 32 patients, dans un contexte d’urgence chirurgicale ou de chirurgie programmée. Le critère principal de jugement était le succès chirurgical défini par une exclusion de l’anévrisme avec absence d’endofuite de type I au décours de la chirurgie. Les critères secondaires étaient l’incidence d’AVC en postopératoire, la survie à 30 jours, la survie à 2 ans, le délai sans réintervention. Un angioscanner thoracique était réalisé en préopératoire. Le sizing de l’anévrisme permettait de définir la taille de l’endoprothèse nécessaire, en préopératoire. Il fallait un collet >20 mm pour pouvoir larguer l’endoprothèse [8-11]. La zone de largage a été définie en fonction de la classification d’Ishimaru [12]. Le diamètre de l’endoprothèse était défini en fonction du diamètre des collets proximaux et distaux. La chirurgie a toujours été réalisée en un seul temps opératoire. Le patient était d’abord opéré du debranching aortique, puis le temps endovasculaire était réalisé. Le debranching consistait soit en un pontage carotidocarotidien cervical, soit en une réimplantation indirecte par prothèse Dacron de 2 ou 3 des troncs supra-aortiques (tronc artériel brachiocéphalique, carotide primitive gauche et sous-clavière gauche) par clampage sans CEC de l’aorte ascendante sous hypotension controlée et/ou pacing rapide. L’implantation de l’endoprothèse a été réalisée par voie fémorale dans tous les cas sauf 2 ou un abord transaortique direct a été préféré de par les tortuosité et diamètre des axes iliaques. Le suivi des patients était réalisé par un scanner avant la sortie de l’hôpital, puis un scanner à 6 mois puis à 1 an, puis tous les ans. Les analyses statistiques ont été réalisées grâce au logiciel GraphPad Prism 6.   Résultats Au total, 32 patients ont été inclus dans l’étude. Il s’agissait principalement d’hommes (n=26), d’âge avancé (moyenne d’âge 73 ans, entre 55 et 83 ans), hypertendus dans 62,5% des cas (n=20) et opérés en urgence dans 25% des cas (n=8). Les caractéristiques des patients sont reportées dans le tableau 1. L’EuroSCORE II moyen était de 14+/-9. La durée moyenne de suivi était de 4,11 ans.   Tableau 1. Caractéristiques des patients. Variable Nombre % Âge 73 (55-83) Sexe Homme 26 81 Femme 6 19 Urgence 8 25 Chirurgie programmée 24 75 Facteurs de risques cardiovasculaires HTA 20 63 Diabète 10 31 Surpoids/Obésité 13 41 Hypercholestérolémie 10 31 Tabac 11 34 Comorbidités BPCO 6 19 ATCD d’AVC 2 6 ATCD d’infarctus du myocarde 8 25 ATCD d’insuffisance rénale 2 6 ATCD de FA 5 16 ATCD de chirurgie aortique Aorte ascendante 1 3 Aorte transverse 2 6 Aorte thoracique descendante 2 6 Aorte abdominale 3 9,5 Chirurgie cardiaque autre 4 12,5 Indication opératoire Dissection de type B 5 16 Fissuration d’anévrisme 7 22 Rupture de l’isthme aortique 2 6 Anévrisme >50 mm 31 97 Endofuite 1 3 HTA : hypertension artérielle ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; ATCD : antécédents ; AVC : accident vasculaire cérébral ; FA : fibrillation auriculaire.   La revascularisation chirurgicale la plus fréquente (75% des patients) est la réimplantation de la carotide gauche (n=24) [tableau 3], en raison d’un collet proximal de largage d’endoprothèse en amont de cette artère (zone 1). L’alternative de revascularisation carotidienne était le pontage carotidocarotidien pratiqué dans 25% des cas (n=8). Le choix entre ces deux techniques se faisait en fonction de la préférence du chirurgien. Une réimplantation du tronc artériel brachiocéphalique a été réalisée dans 59% des cas (n=19). À noter qu’une revascularisation de l’artère sous-clavière gauche n’a été réalisée que chez 47% des patients (n=15). Cette revascularisation d’emblée était décidée par le chirurgien en préopératoire. Aucun patient non revascularisé sur l’artère sous-clavière droite n’a nécessité de revascularisation secondaire. La chirurgie endovasculaire a pu être réalisée dans 100% des cas. Le succès chirurgical a été obtenu dans 94% des cas. Seuls 2 patients avaient une endofuite de type I en postopératoire immédiat. L’incidence des AVC en postopératoire est de 3% (n=1) [tableau 2], sans certitude en l’absence d’imagerie par résonance magnétique. En effet, ce patient est décédé d’une rupture de bronche souche et présentait un retard de réveil. De plus, il est arrivé à l’hôpital intubé-ventilé dans un contexte de fissuration d’anévrisme, et n’a donc pas eu d’évaluation neurologique préopératoire. Les deux endofuites de type I postopératoires (6%) avaient disparu à 30 jours. Nous avons également constaté 3 endofuites de type 2 (9,5%) en postopératoire, ayant toutes disparues au TDM de contrôle à 6 mois. La mortalité à 30 jours était de 9% (n=3). Les causes de décès étaient une défaillance cardiaque (n=2) et une défaillance multiviscérale (n=1). Il est intéressant de noter que ces 3 patients étaient hospitalisés en urgence pour fissuration d’anévrisme. L’absence de réintervention était de 91% à 1 an et 84% à 5 ans (figure 1). La survie à 2 ans était de 62% (figure 2). La durée moyenne de réanimation est de 8,4 jours. Il est à noter une paraplégie postopératoire chez le seul patient décédé de la série. La voie d’abord endovasculaire utilisée était la voie transfémorale dans 97% des cas (n=31) et la voie transventriculaire gauche dans un seul cas, pour une anatomie de l’aorte thoracique non favorable. Les complications peropératoires ont été rares avec un «saut» de la prothèse au largage nécessitant un pontage carotidocarotidien en urgence (n=1), une déchirure de l’artère fémorale commune nécessitant un pontage croisé fémorofémoral (n=1) et une rupture iliaque primitive nécessitant un pontage iliofémoral (n=1). À distance, 16% (n=5) des patients ont été concernés par une endofuite ; de type I dans 9% des cas (n=3), et de type II et III dans 3% des cas (n = 1) respectivement. Cependant un seul patient a nécessité une reprise chirurgicale, endovasculaire, de son endofuite pour augmentation de taille de l’anévrisme (3%)   Tableau 2. Chirurgie et complications. Variable Nombre % Chirurgie aortique Aorte ascendante 0 0 Aorte transverse 32 100 Aorte thoracique descendante 31 97 Complications peropératoires Jump au largage de la prothèse 1 3 Déchirure fémorale commune 1 3 Rupture iliaque 1 3 Complications postopératoires AVC 1 3 Insuffisance rénale 2 6 Paraplégie 1 3 Détresse respiratoire 8 25 Désunion sternale 1 3 Drainage péricardique 1 3 FA 2 6 Décès 1 3 Drainage lombaire peropératoire 7 22 Durée de réanimation 8,4 (0-63) FA : fibrillation auriculaire.   Tableau 3. Type de debranching et endofuites. Type de debranching Nombre % Pontage carotidocarotidien 8 25 Réimplantation TABC 19 59 Réimplantation carotide gauche 24 75 Pontage carotido-sous-clavier gauche 15 47 Endofuites postopératoires Type 1 2 6 Type 2 3 9 Endofuites à distance Type 1 3 9 Moyenne d’apparition : 7,6 ans Type 2 1 3 Type 3 1 3 Apparition à 5 ans   [caption id="attachment_4144" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Probabilité de réintervention.[/caption] [caption id="attachment_4145" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Courbe de survie.[/caption] 4. Discussion Le remplacement chirurgical complet avec hypothermie profonde et arrêt circulatoire, pour les patients ayant un anévrisme de l’arche aortique, reste le traitement de référence chez les patients sans comorbidités [4,6,9,13]. Cependant il reste grevé d’une morbimortalité importante, allant jusqu’à 14% de mortalité ou AVC massif et 17% d’AVC mineur [6]. Même si la sélection des patients, l’étiologie de l’anévrisme, l’expérience des équipes et les techniques de protection cérébrales ont fait diminuer la morbimortalité de ces interventions [4,7], la recherche d’alternatives thérapeutiques est nécessaire chez les patients les plus fragiles qui restent contre-indiqués à la chirurgie classique. L’approche hybride a déjà été largement évaluée, mais les séries publiées incluaient une majorité de debranching de l’artère sous-clavière. La mortalité retrouvée était de 0% à 20% à 30 jours suivant les séries [14-19], ce que nous retrouvons dans nos résultats. Tous les décès précoces de notre étude étaient des patients opérés dans un contexte d’urgence, avec fissuration d’anévrisme. Cette tendance est similaire à celle retrouvée dans la littérature que ce soit en chirurgie ouverte ou en chirurgie endovasculaire [1]. Les progrès des matériels endovasculaires permettent maintenant d’envisager des réparations totalement endovasculaires. Ainsi une étude multicentrique européenne [8] sur le traitement des anévrismes de l’arche aortique par voie endovasculaire avec utilisation de cheminée, non exclusive, pour la revascularisation des troncs aortiques, a montré une faisabilité de 89,5%, ce qui est dans les mêmes proportions que notre étude. Il en était de même de la mortalité à 30 jours, pour laquelle ils retrouvaient une incidence de 9,5%. Cependant la proportion de patients traités par technique hybride n’est pas négligeable car 22% des patients ont eu un debranching avant l’implantation des cheminées dont 43% dans un contexte d’urgence, et 44% durant la même procédure. Ceci montre que la faisabilité du tout endovasculaire reste encore limitée. L’utilisation de cheminées ou de fenêtrées est réalisable mais encore associée à un taux de réintervention important, malgré la faisabilité primaire [2,3,10,20-22]. La nécessité d’une réintervention est de 9% à 1 an, ce qui est dans les mêmes proportions que les études récentes, pour lesquelles ce taux de réintervention est d’environ 10 à 12%, même pour la pose d’endoprothèse thoracique sans debranching associé [23-25]. Ces réinterventions ne concernaient pas les endofuites, mais soit des anévrismes autres associés (n=1), soit des limitations du périmètre de marche secondaires à la chirurgie (n=2). Les endofuites de type I postopératoire se sont résolues spontanément dans 100% des cas, (n=2), et n’ont pas nécessité de réintervention. Ce qui est plutôt mieux qu’avec l’utilisation de cheminée qui nécessite une réintervention pour endofuite dans près de 5% des cas [8,10]. Cette approche endovasculaire peut être intéressante chez les patients déjà opérés par sternotomie et sous anticoagulants [26,16]. Une autre approche totalement endovasculaire intéressante est la fenestration laser in situ [27]. Cependant, cette technique est simple en ce qui concerne la revascularisation de l’artère sous-clavière gauche [27-30], mais plus compliquée à mettre en place pour les autres troncs supra-aortiques, et en cas de couverture de la zone 0, qui oblige à la mise en place d’une perfusion cérébrale par circulation extracorporelle [9]. Dans notre étude, seulement 50% des patients (n=16) ont eu une revascularisation de l’artère sous-clavière gauche. Nous savons que la non-revascularisation de cette artère est significativement associée à un risque majoré d’AVC et en particulier de paraplégie en cas de couverture par l’endoprothèse [30-33]. Dans cette série, un seul patient a fait un possible AVC (sachant qu’il avait été opéré en urgence dans un contexte de fissuration d’anévrisme). La revascularisation systématique de la sous-clavière gauche est cependant devenue dans notre service la règle dans ces techniques de debranching au vu des résultats dans la littérature [30-33] de la non-revascularisation. L’incidence d’AVC retrouvé est de 3%. Cette faible incidence d’AVC peut être en partie expliquée par une population de patients à moins haut risque que les autres séries, mais est aussi à relier au caractère indirect et proximal de la réimplantation des troncs supra-aortiques qui évite que les débris athéromateux déplacés par l’endoprothèse y embolisent. Nous retrouvons un taux de  3% de paraplégie postopératoire dans notre étude (n=1). Ce patient n’avait pas de drainage lombaire. Le taux de drainage lombaire était de 22%. La décision de drainage préopératoire était prise après concertation entre l’anesthésiste et le chirurgien en fonction des habitudes de chacun, de l’étendue de la zone de couverture et du caractère urgent de la chirurgie. Le taux de drainage est supérieur à la majorité des études, en revanche le taux de complications est comparable aux résultats retrouvés dans la littérature (1,8 à 5,7%), sans différence significative entre les patients avec et les patients sans drainage lombaire [34,35].   5. Conclusion La procédure hybride de «debranching aortique» a dans notre expérience confirmé sa faisabilité et ses bons résultats initiaux en terme de morbimortaité. La faisabilité chirurgicale est comparable aux procédures totalement endovasculaires, et la morbimortalité est probablement inférieure à une chirurgie conventionnelle chez les patients à haut risque chirurgical. Ces résultats sont donc encourageants pour le traitement des anévrismes de l’aorte transverse dans cette population à haut risque et devront être comparés à ceux obtenus lors des procédures entièrement percutanées qui se développent.   Références Walsh SR, Tang TY, Sadat U, Naik J, Gaunt ME, Boyle JR, Hayes PD, Varty K. Endovascular stenting versus open surgery for thoracic aortic disease: systematic review and meta-analysis of perioperative results. J Vasc Surg 2008;47:1094–1098. https://doi.org/10.1016/j.jvs.2007.09.062 PMid:18242941 Mangialardi N, Serrao E, Kasemi H, Alberti V, Fazzini S, Ronchey S. Chimney technique for aortic arch pathologies: an 11-year single-center experience. 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septembre 5, 2018
Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Juin 2018

Utilisation du Jarvik 2000 en Destination Therapy

Béatrice Barthélemy*, Guillaume Lebreton, Michaela Niculescu, Pascal Leprince Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, institut de cardiologie, GH Pitié-Salpêtrière, Paris, France. * Auteur correspondant : beatrice.barthelemy@aphp.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-2-BAR Citation : Barthélemy B, Lebrton G, Niculescu M, Leprince P. Utilisation du Jarvik 2000 en Destination Therapy. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(2). doi: 10.24399/JCTCV22-2-BAR   Résumé Les progrès du traitement médical de l’insuffisance cardiaque conduisent à une augmentation du nombre de patients parvenant à un stade avancé de la maladie. Après échec du traitement médical optimal, on peut proposer un recours à une technique chirurgicale. L’utilisation d’une assistance circulatoire en remplacement d’une transplantation cardiaque (Destination Therapy) est une stratégie qui s’est développée depuis les années 2010. Dans cette indication, le Jarvik 2000 occupe, selon nous, une place de choix liée à son implant rétro-auriculaire qui semble occasionner moins d’infection. Nous relatons notre expérience sur une série de six patients implantés en Destination Therapy qui sont retournés à domicile, autonomes, à plus de 5 ans de suivi pour certains. L’un d’entre eux, implanté initialement en Destination Therapy, a néanmoins été transplanté 19 mois après, l’amélioration de son état psychique et la diminution de sa dépendance à l’alcool ayant permis d’envisager la transplantation. Nous avons également réalisé une revue de la littérature afin d’illustrer notre propos.   Abstract Use of Jarvik 2000 as Destination Therapy Progress in the medical care of cardiac heart failure leads to an increase in patients arriving at an advanced stage of the disease. After failure of optimal medical care, a surgical approach may be proposed. The use of a Left Ventricular Assist Device, instead of transplantation (destination therapy) is a strategy that has developed since 2010. We believe Jarvik 2000 with its post-auricular power delivery, which seems to transmit fewer infections, has a central role to play in this new strategy. We report on our experience comprising a case series of 6 patients implanted with a Jarvik 2000 as destination therapy, who have returned home and are living independently, some of them for more than 5 years of follow-up. One of them, implanted initially as destination therapy, was nevertheless transplanted 19 months later, thanks to the improvement in his psychic state and the decrease in his alcohol addiction. We also performed a review of the literature relevant to our subject.   1. INTRODUCTION 1.1. Intérêts et indications actuelles des assistances circulatoires L’insuffisance cardiaque est une pathologie chronique fréquente avec une prévalence de l’ordre de 2 % dans la population générale adulte [1] dont une majorité de dysfonction systolique. Sa prévalence augmente avec l’âge. Les progrès du traitement médical de cette affection conduisent à une augmentation du nombre de patients parvenant à un stade avancé dont la prise en charge reste difficile. Il faut pouvoir, sans tarder, quand l’état clinique s’aggrave malgré un traitement médical optimal, proposer un recours à une technique chirurgicale : transplantation cardiaque ou assistance monoventriculaire gauche. La transplantation cardiaque, pour les patients en insuffisance cardiaque terminale, reste le traitement le plus efficace. Mais avec le nombre croissant de potentiels receveurs, le manque chronique de greffons cardiaques et les caractéristiques des patients (trop vieux ou trop malades), l’assistance monoventriculaire gauche est une alternative. L’assistance monoventriculaire gauche peut donc être implantée en attendant une transplantation (bridge to transplantation) ou comme alternative à la transplantation (Destination Therapy). Chez certains patients la récupération de la fonction ventriculaire gauche permettra le retrait de l’assistance (bridge to recovery). D’autres sont candidats en bridge to candidacy : inéligibles temporairement pour la transplantation (infection active, état neurologique incertain…), ils le redeviennent. Enfin l’assistance monoventriculaire gauche peut être posée chez des patients avec risque vital immédiat jusqu’à évaluation clinique complète (bridge to decision) [2]. Les caractéristiques des patients éligibles à une assistance ventriculaire selon l’ESC [2] sont les patients avec des symptômes sévères datant de plus de 2 mois, malgré un traitement médical optimisé, avec plus d’un critère parmi les suivants : une FEVG < 25 % et un pic de VO2 < 12 ml/kg/mn si mesuré, plus de 3 hospitalisations pour insuffisance cardiaque au cours des 12 derniers mois sans cause déclenchante évidente, une dépendance aux traitements inotropes positifs intraveineux, une dysfonction d’organe progressive (insuffisance hépatique et rénale) par bas débit (pressions capillaires pulmonaires ≥ 20 mmHg et pression artérielle systolique systémique ≤ 80-90 mmHg ou index cardiaque ≤ 2 l/min/m), ou une détérioration de la fonction ventriculaire droite. Classiquement les patients en insuffisance cardiaque terminale éligibles pour une assistance mécanique sont sous inotropes intraveineux. L’évaluation de la fonction droite est cruciale car une dysfonction ventriculaire droite en postopératoire augmente la mortalité périopératoire. Dans certains cas, l’implantation peut se faire sous assistance circulatoire de type ECMO pour préserver la fonction ventriculaire droite [3]. Les patients sont souvent adressés tardivement par les cardiologues dans les centres de transplantation cardiaque et d’assistance mécanique. Il faut donc pouvoir identifier ces patients et les adresser sans retard aux centres compétents. L’utilisation courante des scores pourrait permettre de mieux cerner ces patients (Heart Failure Survival Score ou Seattle Heart Failure Score par exemple). La classification INTERMACS (Interagency Registry of Mechanically Assisted Circulatory Support) [4] est utile pour définir le degré de gravité des patients. Ils sont répartis en 7 niveaux de risque selon leur statut hémodynamique. Les taux de survie diffèrent selon ces niveaux. Au cours de l’évolution, la survie des patients en niveaux 1 et 2 reste faible. Le bénéfice de l’implantation d’une assistance monogauche par rapport à un traitement médical optimal chez des patients inéligibles pour une transplantation cardiaque a démontré, pour la première fois en 2001 dans l’étude REMATCH [5], avec une réduction de 48 % de la mortalité toutes causes dans le groupe recevant l’assistance. À un an la survie était de 52 % dans le groupe implanté. Le taux d’effets secondaires indésirables sérieux était de 2,35 % dans ce groupe. La qualité de vie y était significativement améliorée. Dans le sixième rapport annuel du registre INTERMACS [6], la survie après implantation en Destination Therapy est supérieure à 75 % à 1 an et supérieure à 50 % à 3 ans. Les contre-indications les plus courantes à la transplantation et conduisant donc à l’implantation d’une assistance monoventriculaire gauche sont : l’âge avancé, l’insuffisance rénale et l’indice de masse corporel élevé [7]. Mais l’amélioration de la technologie et la qualité de la survie post-implantation permettent de considérer l’assistance monoventriculaire gauche comme « en compétition » avec la transplantation [8].   1.2. Le dispositif Le Jarvik 2000 (Jarvik Heart Inc., États-Unis) est un dispositif d’assistance circulatoire mécanique à débit continu électrique intracorporel monoventriculaire gauche. Il a obtenu le marquage CE en 2005. Il est composé d’une pompe implantée dans le ventricule gauche, d’un câble interne avec connecteur rétro-auriculaire le plus souvent, d’un contrôleur et d’une batterie portés en ceinture ainsi que de câbles externes [image 1]. Il s’agit d’une pompe électrique rotative à débit axial, légère (90 grammes), miniature (2,5 cm de diamètre sur 5,5 cm de long), silencieuse [image 2].   [caption id="attachment_4063" align="aligncenter" width="176"] Image 1. Jarvik 2000, le dispositif (© Jarvik Heart, Inc.).[/caption] [caption id="attachment_4064" align="aligncenter" width="300"] Image 2. Jarvik 2000, la pompe intraventriculaire (© Jarvik Heart, Inc.).[/caption]   Elle est implantée directement à l’intérieur du ventricule gauche natif et réinjecte le sang dans l’aorte, le plus souvent descendante. À l’intérieur se trouve un rotor à aimant (dans un conduit en titane) qui est actionné par la force électromotrice générée par le moteur intégré. Sa rotation fournit la force nécessaire pour faire circuler le sang du ventricule gauche vers la circulation artérielle. Son fonctionnement en mode intermittent avec une réduction de vitesse permet une mise en charge du ventricule gauche et une éjection régulière par la valve aortique native. Un contrôleur externe délivre la puissance à la pompe, permet au patient le contrôle de la vitesse et la gestion des alarmes. Le seul réglage possible est la vitesse de la pompe qui est modifiable au niveau du contrôleur externe par le patient, en fonction de son activité physique. Le débit peut aller jusqu’à 6,5 l/min. Il existe 5 vitesses permettant au patient de s’adapter à l’effort. Il fonctionne grâce à une batterie lithium-ion (d’une autonomie de 10 à 12 heures) et grâce à une batterie au plomb (d’une autonomie de 36 heures). Les différents éléments sont reliés par des câbles externes et un câble interne permettant la transmission de l’énergie en intracorporel. La sortie de ce câble interne est le plus souvent positionnée avec une sortie rétro-auriculaire. Les implantations d’assistance circulatoires monogauches sont en hausse [6,9] [figure 1]. L’implantation des assistances monoventriculaires gauches en Destination Therapy augmente, arrivant à 40 % des implantations [6] [figure 2]. Ceci est rendu possible par l’amélioration de la qualité de vie de ces patients. L’implantation des assistances monoventriculaires gauches occupe une place toujours plus importante par rapport aux transplantations cardiaques [figure 3].   [caption id="attachment_4060" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Nombre d’implantations par an aux États-Unis entre 2006 et 2013 (registre INTERMACS).[/caption] [caption id="attachment_4061" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Augmentation des implantations en Destination Therapy entre 2006 et 2013 aux États-Unis (registre INTERMACS).[/caption] [caption id="attachment_4062" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Proportion d’assistances monoventriculaires gauches implantées et de transplantations cardiaques entre 2006 et 2010 (d’après le Texas Heart Institute).[/caption]   Six cents Jarvik 2000 ont été implantés à ce jour. Il est à noter que le Jarvik 2000 n’a pas encore l’approbation complète de la FDA. Une étude l’approuve en Destination Therapy. En Europe, il a obtenu le marquage CE en bridge to transplantation et en Destination Therapy. Pour être plus utilisé aux États-Unis, il doit compléter avec succès le processus des essais cliniques. La plus longue durée de vie sous Jarvik 2000 est de 9 ans et 8 mois.   2. PATIENTS ET MÉTHODES Il s’agit d’une étude rétrospective concernant les patients implantés d’un Jarvik 2000 en Destination Therapy entre 2009 et 2014 dans le service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire (institut de cardiologie au groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière), vivant à domicile à la date de l’étude.   2.1. Technique d’implantation L’implantation d’un Jarvik 2000 se fait sous anesthésie générale. Elle est possible par thoracotomie gauche sans sternotomie [10,11], ce qui préserve le sternum pour une éventuelle transplantation ultérieure et préserverait la fonction ventriculaire droite en évitant une péricardotomie médiane. La pompe est implantée dans le ventricule gauche (apex) avec une collerette de fixation. L’implantation sans circulation extracorporelle réduit le temps opératoire et le recours aux transfusions peropératoires de culots globulaires [12]. Néanmoins un carottage incomplet du ventricule entraîne un risque de thrombose de la pompe [12]. La canule d’éjection peut être implantée dans l’aorte thoracique descendante le plus souvent. Un angioscanner thoracique est recommandé à la recherche d’athérome ou d’anévrisme de l’aorte thoracique descendante préexistant [10]. Certaines équipes [12] ont proposé, pour éviter les adhérences dans la portion extraventriculaire du dispositif, de placer ce dernier dans un manchon en polyester afin de faciliter l’explantation si besoin. Le câble de l’assistance est tunnélisé au niveau du dôme pleural sous les muscles cervicaux jusqu’à l’incision rétro-auriculaire gauche. La pose de l’implant pour l’alimentation électrique se fait dans la région rétro-auriculaire gauche sur une surface plane, choisie pour la finesse et la qualité de l’os [10,13,14]. La peau à cet endroit n’est pas mobile, ce qui limite le risque d’infection. La cicatrice est peu visible. Les principales contre-indications à l’implantation d’un Jarvik 2000 sont : une dysfonction biventriculaire ou une dysfonction ventriculaire droite, une dysfonction pulmonaire sévère, une hypertension artérielle pulmonaire fixée, une insuffisance hépatique sévère, des troubles majeurs de la crase sanguine, une hémorragie incontrôlée, un syndrome septique et inflammatoire systémique non contrôlé, des lésions irréversibles du système nerveux central, un accident vasculaire cérébral récent, une cachexie, une maladie systémique avec atteinte de plusieurs organes, des désordres psychiatriques mettant en péril l’observance du traitement, un manque de coopération, une affection de mauvais pronostic, un âge de plus de 70 ans, une rupture septale non traitée, une sensibilité connue aux produits d’origine bovine.   2.2. Patients Tous les patients ayant une assistance cardiaque sont suivis dans le service en consultation externe à une fréquence adaptée à leur situation. Les données ont été recueillies dans le dossier médical informatisé et auprès du médecin référent et de l’infirmier chargé de la prise en charge et du suivi des patients porteurs d’assistances cardiaques. Les caractéristiques démographiques des 6 patients sont résumées dans le tableau 1. Dans le tableau 2 sont résumés l’âge, la cardiopathie initiale, la classification INTERMACS et la cause du décès des patients implantés en Destination Therapy décédés.   3. RÉSULTATS Sur les 27 patients ayant eu l’implantation d’un Jarvik 2000 entre 2009 et 2014 dans le service, 6 sont vivants, autonomes à leur domicile à la date de l’étude. L’historique de leur pathologie et l’évolution sont résumés pour chacun dans le tableau 1. Les caractéristiques principales des patients implantés en Destination Therapy décédés sont, quant à elles, résumées dans le tableau 2. Le patient 1 était initialement implanté en Destination Therapy en raison de sa pathologie psychiatrique (dépression sévère) et de son addiction à l’alcool avec compliance difficile au traitement. Suite à l’amélioration de son état psychologique et à la diminution de sa consommation alcoolique, il a finalement été permis d’envisager une transplantation cardiaque. Quant au patient 3, une tentative de sevrage a été réalisée en juin 2014 devant un tableau d’hémorragie digestive avec déglobulisation importante (hémoglobine < 7g/dl) sans cause de saignement majeur (scanner abdominal, fibroscopies digestives haute et basse, vidéocapsule du grêle sans anomalie notable) et d’hémolyse importante. La diminution de la vitesse de la pompe a permis la diminution de l’hémolyse sans parvenir à un sevrage de la machine.     Tableau 1. Caractéristiques des patients autonomes à domicile   Patient 1 Patient 2 Patient 3 Patient 4 Patient 5 Patient 6 Âge (ans) 64 40 64 45 71 70 Sexe Homme Homme Homme Homme Femme Femme Taille/Poids (mètre/kilogramme) 1,82/75 1,75/55 1,83/68 1,78/80 1,50/38 1,65/75 Cardiopathie Dilatée à coronaires saines Ischémique Ischémique Dilatée toxique à coronaires saines Dilatée à coronaires saines Valvulaire FEVG 25 % < 20 % 25 % 5 % 25 % 10 % Histoire de la maladie Avril 2009 : insuffisance cardiaque globale. Resynchronisation. Choc cardiogénique et septique. Juin 2009 : choc cardiogénique.   2008 : infarctus (angioplastie + stent artères interventriculaire antérieure et circonflexe). Décompensations cardiaques itératives. Novembre 2011 : infarctus (angioplastie + stent artère interventriculaire antérieure, thrombose, échec désobstruction). Insuffisance mitrale importante + HTAP + altération FEVG. Décembre 2011 : pontage aortocoronaire + remplacement valvulaire  mitral biologique + annuloplastie tricuspide. Plusieurs OAP. Décembre 2011 : BCPIA, insevrable de la dobutamine. Janvier 2014 : choc cardiogénique. Thrombus VG avec ischémie jambe gauche et plusieurs accidents vasculaires cérébraux ischémiques. Insevrable de la dobutamine. 1999 : plusieurs décompensations cardiaques. 2003 : fibrillation auriculaire. 2013 : nouvelle décompensation cardiaque. Juin 2013 : DAI. Janvier 2014 : nouvelle décompensation cardiaque. Mars 2014 : bilan prégreffe => récusée (résistances vasculaires pulmonaires élevées, profil immunologique défavorable). Juillet 2011 : remplacement valvulaire mitral mécanique avec dysfonction VG postopératoire. Bloc auriculoventriculaire complet => pose stimulateur cardiaque. Majoration de la dysfonction VG => DAI + resynchronisation. Multiples décompensations cardiaques nécessitant cures de dobutamine. Antécédents Éthylisme chronique. Dépression sévère. Aucun VIH sous trithérapie, embolie pulmonaire postopératoire. Éthylisme chronique, thrombopénie induite par l’héparine. Aucun Fibrillation auriculaire. 1992 : accident ischémique transitoire. Leucémie sous interféron Facteurs de risque Tabagisme Aucun Aucun Tabagisme Aucun Diabète type II Tabagisme Date implantation Juillet 2009 Septembre 2009 Février 2012 Février 2014 Mars 2014 Août 2014 Voie Thoracotomie gauche Thoracotomie gauche Thoracotomie postérolatérale gauche Sternotomie   Thoracotomie antérolatérale gauche Thoracotomie gauche Suites postopératoires Simples Simples Difficiles 3 mois de réanimation (difficultés de sevrage ventilatoire) Assistance droite temporaire, infection du scarpa, amputation transmétatarsienne gauche. ECMO veinoartérielle droite temporaire, choc septique, thrombopénie, pneumopathie, hémothorax drainé. ECMO veinoartérielle droite temporaire, SIRS, goutte Évolution Changement câble extérieur à 1 an Février 2011 : transplantation Retour à domicile. Réhospitalisé en novembre 2010 : retrouvé sur voie publique en état d’ébriété avec batteries déchargées. Accident vasculaire ischémique sylvien gauche après rebranchement + troubles de l’humeur. Retour à domicile. Février 2012 : chirurgie escarre sacrée. Mai 2012 : anémie avec bilan digestif exhaustif négatif. Juin 2014 : échec tentative de sevrage. 2013 : infection du câble d’alimentation traitée par soins locaux. Retour à domicile, arrêt alcool, insuffisance rénale chronique, infection insertion câble d’alimentation (réimplantation chirurgicale 30.05.15). Retour à domicile Retour à domicile Intermacs 3 3 2 2 3 3 Délai de suivi 5 ans et 7 mois. Autonome à domicile. Aucune complication. 5 ans et 5 mois. Autonome à domicile. Complication thromboembolique. 3 ans. Autonome à domicile (vit entre Paris et le sud de la France). Complication infectieuse. 1 an. Autonome à domicile. Complication infectieuse. 11 mois. Autonome à domicile. Aucune complication. 7 mois. Autonome à domicile. Aucune complication. HTAP : hypertension artérielle pulmonaire ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; OAP : œdème aigu pulmonaire ; BPCIA : ballon de contrepulsion intraaortique ; DAI : défibrillateur automatique implantable ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; ECMO : Extra Corporeal Membrane Oxygenation ; SIRS : syndrome de réponse inflammatoire systémique.   Tableau 2. Résumé des caractéristiques principales des patients implantés en Destination Therapy décédés Patient Âge (ans) Pathologie cardiaque initiale Intermacs Cause du décès Indication 7 74 Ischémique 2 Défaillance multiviscérale Destination Therapy 8 20 Valvulaire, antécédents de greffe 2 Défaillance multiviscérale Destination Therapy 9 75 Ischémique 3 Accident vasculaire cérébral ischémique Destination Therapy 10 60 Ischémique 3 Choc septique Destination Therapy 11 72 Ischémique 4 Choc cardiogénique réfractaire Destination Therapy 12 72 Ischémique 2 Accident vasculaire cérébral hémorragique Destination Therapy 13 59 Dilatée à coronaires saines, idiopathique 3 Choc septique Destination Therapy 14 61 Ischémique 1 Choc hémorragique Destination Therapy 15 42 Toxique (anthracyclines) 1 Accident vasculaire cérébral ischémique Destination Therapy 16 62 Dilatée à coronaires saines, idiopathique 4 Infectieuse Destination Therapy 17 68 Ischémique 1 Arrêt cardiaque à domicile Destination Therapy 18 76 Ischémique 4 Défaillance multiviscérale Destination Therapy 19 66 Ischémique 4 Défaillance multiviscérale Destination Therapy 20 63 Toxique (anthracyclines) 2 Infectieuse Destination Therapy 21 61 Ischémique 4 Choc hémorragique Destination Therapy 22 66 Ischémique 3 Choc septique Destination Therapy 23 63 Ischémique 3 Choc cardiogénique réfractaire Destination Therapy 24 67 Toxique (anthracyclines) 1 Choc septique Destination Therapy 25 75 Ischémique 3 Choc hémorragique Destination Therapy 26 67 Valvulaire 2 Choc cardiogénique réfractaire Destination Therapy 27 59 Toxique (anthracyclines) 4 Choc cardiogénique réfractaire Destination Therapy 4. DISCUSSION Le traitement de premier choix de l’insuffisance cardiaque terminale reste la transplantation cardiaque avec un temps moyen de survie de l’ordre de 11 ans [15]. Mais l’accès à ce traitement est limité par la pénurie de donneurs. L’assistance monoventriculaire gauche est une technique offrant une alternative à la transplantation cardiaque [8,16]. Elle doit, pour ce faire, être fiable et à bas risque de complications vitales. Traditionnellement, elle était implantée en bridge to transplantation. Avec les progrès techniques considérables, elle peut être utilisée à long terme en Destination Therapy. Depuis que les premières assistances ont eu le marquage de la FDA aux États-Unis en 2010 pour la Destination Therapy, cette nouvelle indication a fortement progressé et représente dès lors la première indication d’implantation dans le registre INTERMACS [6]. La survie est superposable à celle après transplantation [17,18]. Dans le cinquième rapport du registre INTERMACS [17], la survie actuarielle à 1 an et à 2 ans sous assistance monoventriculaire gauche est respectivement de 80 % et 75 %. Les facteurs de risque de mortalité précoce dans ce registre sont : l’insuffisance rénale sévère, la dysfonction ventriculaire droite et les niveaux 1 et 2 de la classification INTERMACS au moment de l’implantation. Les patients implantés en Destination Therapy ont un risque de décès supérieur à ceux implantés en bridge to transplantation [17]. Les infections menacent la vie de ces patients et sont associées à un taux de mortalité supérieur (plus grand nombre de réhospitalisations, d’accidents thromboemboliques et de dysfonction de pompe). L’incidence des infections, selon les études, varie entre 14 et 59 % [20]. L’infection du câble de transmission est fréquente [19-21]. Dans les systèmes conventionnels, le câble de transmission abdominal est le site le plus fréquent d’infection [20-22]. Il représente une porte d’entrée pour les agents infectieux (bactéries et champignons), entraînant une infection localisée (qui migre exceptionnellement le long du câble dans les tissus sous-cutanés jusqu’à la pompe). Les bactéries les plus fréquentes sont les staphylocoques dorés, les staphylocoques à coagulase négative, les entérocoques et le Pseudomonas aeruginosa [21]. Quant aux champignons, il s’agit majoritairement de Candida albicans [21]. En comparaison avec le Heart Mate II, Siegenthaler et al. [22] retrouvent moins d’infections avec le Jarvik 2000. Il est à noter que les infections avec un Jarvik 2000 sont plus accessibles au traitement antibiotique seul [22]. La majeure partie de ces infections se développe précocement après l’implantation mais le risque demeure et augmente avec la durée d’utilisation. Ceci nécessite une attention particulière dans le soin et la prévention de l’infection. Les patients qui ont une assistance monoventriculaire gauche sont à risque élevé de développer une infection. Leur état général est souvent altéré. De plus, leur système immunitaire, particulièrement l’état des cellules T, est perturbé par le dispositif [21]. Le diabète [21], l’insuffisance rénale et la dépression [20] sont aussi des facteurs de risque. Lorsqu’il y a une infection du câble de transmission, on peut être amené à enlever le dispositif infecté car il y a des organismes infectieux dans le biofilm. Celui-ci représente une barrière contre les mécanismes de défense de l’hôte et peut ainsi limiter la pénétration et l’activité des agents antimicrobiens. Les infections sont associées à une augmentation de la morbidité et du coût, du fait de la nécessité des réhospitalisations, mais aussi de la mortalité par infection de la pompe ou septicémie [23] chez ces patients porteurs d’assistance cardiaque. Une des particularités du Jarvik 2000 est la sortie rétro-auriculaire du câble. La combinaison d’une fixation rigide et du caractère très vascularisé de la peau recouvrant le crâne diminue les risques d’infection du câble de transmission [23], ce qui en fait un dispositif de choix pour la Destination Therapy. D’autres types de complications pourvoyeuses d’augmentation de la morbimortalité sous assistance monoventriculaire gauche sont les hémorragies, en particulier gastro-intestinales, qui touchent 19 à 40 % des patients [24,25]. Les principales causes sont des malformations artérioveineuses et un syndrome de Von Willebrand acquis. Sous assistance à flux continu, on note un changement histologique de la paroi aortique avec dégénérescence du muscle lisse et des fibres élastiques entraînant fibrose et athérosclérose. On note également un syndrome de Von Willebrand acquis, phénomène non encore complètement compris, par atteinte de molécules jouant un rôle important dans l’hémostase primaire. Un autre type de complications graves, mais dont la fréquence diminue avec les nouvelles générations de matériel, sont les complications thromboemboliques avec séquelles neurologiques. Morgan [26] a conduit une étude chez 100 patients porteurs d’un Heart Mate II. L’incidence des AVC a été de 12 %. Néanmoins, avec les dispositifs d’assistance monoventriculaire gauche, on améliore la survie et la qualité de vie des patients en insuffisance cardiaque terminale [27-30]. Ainsi à 6 mois, les capacités fonctionnelles, et donc de la qualité de vie, se sont améliorées : il n’y a plus de patients en classe IV de la NYHA, la majorité étant en classe II [30]. La qualité de vie est améliorée chez tous les patients, y compris les plus âgés et ceux qui sont implantés en Destination Therapy [31]. Les patients rapportent qu’ils peuvent participer aux activités de la vie quotidienne. Dans son étude, Kugler [29] montre que, lorsque l’on intervient sur plusieurs points, comme le conseil diététique, la réadaptation cardiaque (avec exercice physique sous contrôle) et le support psychologique, on note un grand bénéfice. La détresse psychologique découle d’une anxiété et d’une dépression liées en partie à l’incertitude de la durée de vie sous assistance et à la nécessité de se soumettre à une technologie complexe : changements de batterie, transition de la batterie portable au secteur, gestions des alarmes et suivi médical rapproché [29]. Dans les 3 mois après l’implantation, les patients ont une amélioration significative de leur activité physique comme les greffés [28]. Afin d’améliorer la prise en charge de ses patients et en particulier de diminuer le retentissement psychologique de l’implantation d’une assistance au long cours, il est nécessaire d’assurer une bonne éducation des patients mais aussi de familiariser les soignants avec ces dispositifs. En effet, d’un côté de telles technologies sont essentielles pour la survie de patients arrivés à un stade avancé d’insuffisance cardiaque, et d’un autre côté, ces mêmes technologies les exposent à un risque constant d’évènement neurologique et de mort [32]. L’assistance monoventriculaire gauche de type Jarvik 2000 a des qualités qui lui sont propres [33]. Il s’agit d’un dispositif simple, petit, silencieux, totalement implantable, sans intermédiaire (la turbine étant implantée directement dans la pointe du ventricule), fiable (pas de dysfonction mécanique), qui favorise le travail autonome du cœur, avec une faible consommation d’énergie. Grâce à la réduction de vitesse cyclique, qui permet au cœur d’éjecter de temps à autre, on limite la survenue de thrombose du culot aortique. La connexion électrique se fait avec un câble fin relié à une prise électrique en titane implantée derrière l’oreille (invisible), et le réglage du débit sanguin se fait par le patient (s’adaptant à l’effort). Il peut être implanté chez des patients ayant des surfaces corporelles allant de 1,2 à 2,3 m2. Le patient peut dormir sur le connecteur, se doucher, nager, changer facilement le connecteur sans nécessité de le voir. Il peut permettre un retour à domicile et une reprise d’activité professionnelle. Il offre la possibilité de reprendre des vols internationaux. Ce dispositif diminue donc les risques infectieux, favorise l’autonomie du patient et procure une qualité de vie satisfaisante. Néanmoins certaines contraintes persistent : il faut éviter les efforts physiques trop intenses et la proximité de champs magnétiques puissants (comme ceux de la résonance magnétique nucléaire), l’INR est à surveiller régulièrement et des consultations régulières de contrôle sont à prévoir. La pression artérielle doit être contrôlée car la pompe est très dépendante de la post-charge. L’assistance monoventriculaire gauche reste chère. Du point de vue médical, l’amélioration est significative et cliniquement pertinente mais économiquement le rapport coût/bénéfice reste haut [34].   5. CONCLUSION L’assistance monoventriculaire gauche est de plus en plus utilisée dans l’insuffisance cardiaque terminale de façon définitive (en Destination Therapy), compte tenu du manque de greffons et du vieillissement de la population. Les dispositifs utilisés doivent permettre une amélioration de la qualité de vie et une survie satisfaisante avec le moins d’effets secondaires indésirables possibles. Le Jarvik 2000 est un dispositif qui, par son câble rétro-auriculaire, semble s’accompagner de moins d’infections que les autres dispositifs et permet une autonomie satisfaisante avec possibilité de douches et de baignades. Ceci en fait, selon nous, un dispositif de choix pour la DestinationTherapy. Une bonne éducation des patients et des soignants est nécessaire. L’amélioration de la technologie devrait viser la diminution du nombre d’accidents vasculaires et la diminution du coût qui demeure à ce jour très élevé.   RÉFÉRENCES Ho KL, Pinsky JL, Kannel WB, Lévy D. The Epidemiology of Heart Failure: The Framingham Study. J Am Coll Cardiol 1993;22(4s1):A6-A13. Mc Murray and al. ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2012. European Heart Journal 2012;33:1787-1847. https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehs104 PMid:22611136 Lebreton G, Pozzi M, Léger P et al. Implantation d'un dispositif d'assistance ventriculaire gauche à flux continu sous ECMO. Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2011;15(3):137-140. Alba AC, Rao V, Ivanov J et al. Usefulness of the INTERMACS scale to predict outcomes after mechanical assist device implantation. 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juin 24, 2018
Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Juin 2018

Perméabilité précoce des greffons coronaires et facteurs prédictifs de leur occlusion

Abdelkader Boukhmis1,4*, Mohamed El-Amin Nouar1,4, Mohamed Debieche2,5, Elhadj Boudiaf 3,4   Service de chirurgie cardiaque, CHU Mustapha Bacha, Alger, Algérie. Service de chirurgie cardiaque, CHU de Blida, Algérie. . Service de chirurgie cardiaque, EHS Dr Maouche MA, Alger, Algérie. Faculté de médecine, université d’Alger, Algérie. Faculté de médecine, université de Blida, Algérie. * Auteur correspondant : kaderboukhmis@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV22-2-BOU Citation : Boukhmis A, El-Amin Nouar M, Debieche M, Boudiaf E. Perméabilité précoce des greffons coronaires et facteurs prédictifs de leur occlusion. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(2). doi: 10.24399/JCTCV22-2-BOU   Résumé Objectif : évaluer la perméabilité précoce des greffons coronaires et déterminer les facteurs prédictifs de leur occlusion. Patients et méthode : 238 patients consécutifs ont bénéficié d’un pontage coronaire isolé entre janvier 2014 et mai 2016. Au 6e mois postopératoire, nous avons réalisé un coroscanner quand les tests de stress étaient négatifs et une coronarographie dans le cas contraire. Résultats : 145 imageries coronaires ont été réalisées. Pour 96,3 % des pontages, l’artère mammaire interne gauche et l’artère interventriculaire antérieure étaient perméables. Sur les territoires coronaires droit et circonflexe, la perméabilité des artères mammaires internes droites et des greffons veineux étaient, respectivement de 83,9 % versus 66, 3 %, p = 0,01. L’analyse univariée a objectivé que l’occlusion des greffons veineux était liée au sexe féminin (p = 0,03), aux durées de circulation extracorporelle ≥ 110 min (p = 0,014) et aux transfusions sanguines homologues (p = 0,037). Conclusion : au 6e mois postopératoire, la perméabilité de l’artère mammaire interne gauche est excellente alors que les greffons veineux sont occlus dans 1/3 des cas. L’artère mammaire interne droite doit être privilégiée dans la revascularisation des territoires coronaires circonflexe et droit. Un pontage « tout artériel » est à encourager chez le sexe féminin et les transfusions sanguines homologues sont à éviter en cas de pontage coronaire artérioveineux.   Abstract Objective: To evaluate the patency of early coronary grafts and to determine the factors predicting their occlusion. Material and methods: 238 consecutive patients underwent isolated CABG between January 2014 and May 2016. Six months after surgery we performed a coronary computed tomography angiography (CTA) on patients when stress tests were negative and an invasive coronary angiography (ICA) in the opposite case. Results: 145 coronary angiograms were performed. We found 96.3% of left internal mammary arteries (LIMA) anastomosed to the left anterior descending (LAD) artery were patent. In the right and circumflex coronary territories the patency of the right internal mammary arteries (RIMA) and saphenous vein grafts (SVG) were, respectively, 83.9% and 66.3%, p=0.01. Univariate analysis showed that SVG occlusion was related to female sex (p=0.03), cardiopulmonary bypass time ≥110min (p=0.014) and homologous blood transfusions (p=0.037). Conclusion: In the 6th postoperative month, LIMA has excellent patency, whereas SVG are occluded in 1/3 of cases. RIMA should be favored in the revascularization of the circumflex and right coronary territories. Total arterial revascularization should be encouraged in female patients and homologous blood transfusions should be avoided in cases of arteriovenous coronary bypass.   1. INTRODUCTION Le dysfonctionnement des greffons coronaires réduit la survie à long terme, augmente les récidives d’angor ainsi que le taux de revascularisations itératives [1]. Il a été établi que leur taux d’occlusion augmente avec le temps sous l’effet de l’hyperplasie intimale puis de l’athérosclérose [2]. L’évaluation de leurs perméabilités précoces, avant même que ces deux mécanismes n’entrent en jeu, pourrait mettre en exergue l’impact du profil clinique, de la sévérité des lésions coronaires, des différents déséquilibres biologiques périopératoires, du choix des greffons et de la configuration du pontage coronaire sur l’incidence de leurs occlusions. L’imagerie coronaire de référence reste la coronarographie. Cependant, les coroscanners actuels se sont imposés comme un outil diagnostique des occlusions et des sténoses des greffons coronaires, grâce à leur performance diagnostique élevée et à leur caractère non invasif [3]. L’objectif de cette étude est d’évaluer la perméabilité précoce des greffons coronaires et de cerner les facteurs prédictifs, cliniques, biologiques et opératoires, associés à leurs occlusions.   2. PATIENTS ET MÉTHODE Entre janvier 2014 et mai 2016, 238 patients consécutifs (194 hommes et 44 femmes), âgés en moyenne de 59,4 ± 9,6 ans (de 37 à 84 ans) ont bénéficié d’un pontage coronaire isolé. Le nombre moyen de pontage/patient a été de 2,4 ± 0,8. 11,8 % des patients ont bénéficié d’un monopontage (n = 28/238), 42,4 % d’un double pontage (n = 101/238), 38,2 % d’un triple pontage (n = 91/238), 7,1 % d’un quadruple pontage (n = 17/238) et 0,4 % d’un quintuple pontage (n = 1/238). Un pontage unimammaire dédié à l’interventriculaire antérieure (IVA), avec ou sans ses branches diagonales, a été suffisant chez 12,6 % (n = 30/238) des patients, son association à 1 ou 2 greffons veineux saphènes internes (VSI) était nécessaire chez 28,6 % (68/238) d’entre eux. Le pontage coronaire utilisant les deux artères mammaires internes (AMI) a été réalisé chez 58,8 % (n = 140/238) de nos patients, selon les 4 modalités suivantes : 2 AMI in situ : 18,5 % (n = 44/238) ; 2 AMI in situ + 1 ou 2 VSI : 25,6 % (n = 61/238) ; 2 AMI en Y : 12,6 % (n = 30/238) et 2 AMI en Y + 1 VSI chez 2,1 % (n = 5/238). Chez les patients multitronculaires, la proportion du pontage double mammaire a été de 66,7 % (n = 140/210). Le greffon mammaire composite en Y a permis de réaliser une moyenne d’anastomoses artérielles/patient significativement plus élevée que celle réalisée par le pontage double mammaire in situ, respectivement 2,77 ± 0,84 vs 2,06 ± 0,24, p ˂ 0,0001. Le pontage coronaire a été réalisé à cœur arrêté chez 97,5 % des patients (n = 232/238) et à cœur battant chez les autres, devant des aortes ascendantes très calcifiées (n = 5) ainsi qu’une thrombopénie sévère préopératoire (n = 1). La durée moyenne de la circulation extracorporelle (CEC) et du clampage aortique a été, respectivement 83,4 ± 29,1 min (de 25 à 188 min) et 61,1 ± 27,2 min (de 15 à 136 min). La mortalité opératoire était de 3,36 % (n = 8/238). Durant la période hospitalière, 2,52 % (n = 6/238) de nos patients ont eu un infarctus du myocarde (IDM), 2,52 % (n = 6/238) ont eu un accident vasculaire cérébral (AVC), 8 % (n = 19/238) ont développé une insuffisance rénale postopératoire et 1,3 % (n = 3/238) d’entre eux a contracté une infection sternale profonde. Durant cette période hospitalière aucun patient n’a eu de revascularisation coronaire itérative. Au 6e mois postopératoire, 5 patients étaient perdus de vue, 4 patients ont eu un AVC, aucun patient n’a eu d’IDM récent et un patient est décédé suite à une médiastinite (1/225 = 0,44 %). Les 224 patients convalescents ont été enrôlés pour une évaluation de la perméabilité de leurs pontages coronaires, par un coroscanner quand les examens de stress étaient négatifs et par une coronarographie dans le cas contraire. Seuls 7,6 % des patients (n = 17/224) avaient un angor au stade II de la classification de la société canadienne de cardiologie (CCS), alors que 92,4 % des patients (n = 207/224) étaient asymptomatiques ou avaient un angor au stade I de la même classification. Parmi ces derniers, 68 patients ont refusé de subir une exploration poussée (test d’effort et imagerie coronaire), soit du fait de leur caractère asymptomatique, soit devant leur incapacité à faire le déplacement. Parmi les 156 patients qui ont bénéficié de tests de stress, nous avons exclu 9 patients asymptomatiques de l’évaluation angiographique, vu leurs antécédents d’allergie à l’iode (3 patients) ou leurs taux de créatininémie > 15 mg/l (6 patients). Les greffons coronaires ont été évalués selon la classification de Fitzgibbon [1], qui classe les greffons en : A (excellent), B (passable : greffon ayant un calibre ˂ 50 % de celui de la coronaire pontée) ou 0 (occlus). Afin de déterminer les facteurs prédictifs d’occlusion des greffons coronaires, nous avons procédé à une analyse univariée des variables cliniques, biologiques et opératoires, collectées prospectivement pour chaque patient.   2.1. Analyse statistique Le système utilisé pour l’analyse statistique de notre étude est l’EPI info 6. Les variables qualitatives sont exprimées en fréquences absolues et relatives, alors que les variables quantitatives sont exprimées avec des moyennes et des écarts types. Les pourcentages sont comparés par le test de Chi2, ainsi que par leurs odds ratio avec un intervalle de confiance à 95 %. Le test exact de Fisher (test non paramétrique) est utilisé pour comparer les échantillons de petites tailles. Les moyennes sont évaluées avec le test d’Anova. La valeur de p est considérée comme statistiquement significative si elle est < 0,05.   3. RÉSULTATS Cent quarante-cinq patients ont ainsi bénéficié d’une imagerie coronaire [tableau 1], comprenant 134 coroscanners et 11 coronarographies ayant conduit à une revascularisation instrumentale chez 3 d’entre eux. Notons que 2 patients, dont les tests de stress étaient positifs, ont refusé de subir une imagerie coronaire quelconque vu la stabilisation de leurs symptômes par un traitement médical optimal.   Tableau 1. Caractéristiques de base des patients ayant bénéficié d’une imagerie coronaire. Nombre n = 145 Sexe ratio 4,4 H / 1 F Âge (Année) 59,15 +/- 9,6 ans (37 à 84) HTA 66,9 % (n = 97) Diabète sucré 61,4 % (n = 89) Tabagisme sevré 59,3 % (n = 86) Dyslipidémie 57,9 % (n = 84) Obésité (IMC ˃ 30kg/m²) 27,6 % (n = 40) Artériopathie extracoronaire (sténose > 50 %) 7,6 % (n = 11) AVC préop 4,8 % (n = 7) Angor II-III-IV 88,3 % (n = 128) FEVG = 31-50 % 36,5 % (n = 53) FEVG ≤ 30 % 3,4 % (n = 5) TCG +/- 1, 2, 3 troncs 21,4 % (n = 31) Tritronculaires (TCG sain) 48,3 % (n = 70) Pontage double mammaire 61,4 % (n = 89) HTA : hypertension artérielle ; IMC : indice de masse corporelle ; AVC : accident vasculaire cérébral ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; TCG : tronc commun gauche.   L’analyse a porté sur 143 AMI gauches (AMIG), 89 AMI droites (AMID) et 89 VSI. Concernant les greffons veineux, nous avons constaté qu’à ce stade précoce de l’évolution, ils étaient soit parfaitement bien perméables et réguliers (type A), soit complètement occlus (type O), sans signe de sténose intermédiaire qu’elle soit anastomotique ou tronculaire. Mis à part les greffons AMI parfaits (type A) et occlus (type O), nous avons eu 5 AMIG et 4 AMID grêles, en comparaison aux greffons AMI controlatéraux, cependant leurs calibres étaient à tous points supérieurs à 50 % de celui de la coronaire cible. Vu que ces greffons AMI grêles ne correspondaient pas à la définition du type B, ils ont été classés comme type A. Au 6e mois postopératoire, la perméabilité de l’AMIG dédiée à l’IVA était la plus élevée parmi tous les pontages analysés [tableau 2]. Cependant, sa perméabilité était statistiquement comparable à celle de l’AMID, que ce soit au niveau de l’IVA (p = 0,296. Test exact de Fisher) ou des artères marginales gauches (p = 0,617. Test exact de Fisher) [tableau 2]. Notons que la perméabilité globale des 2 AMI était significativement plus élevée quand elles étaient dédiées à l’IVA en comparaison aux artères marginales gauches, respectivement 95,8 % (n = 137/143) vs 82,8 % (n = 58/70) (odds ratio = 4,68, intervalle de confiance à 95 % [1,539-15,983], p = 0,002. Test exact de Fisher). À l’inverse, la perméabilité de l’AMID n’a pas présenté de différence significative, que ce soit entre le réseau coronaire droit et circonflexe, respectivement : 84,2 % (n = 16/19) vs 83,9 % (n = 52/62) (odds ratio = 0,975. Intervalle de confiance à 95 % [0,153-4,448], p = 1. Test exact de Fisher) ou de part et d’autre de la bifurcation de la coronaire droite (p = 0,422. Test exact de Fisher) [tableau 2].   Tableau 2. Perméabilité des greffons en fonction de leur coronaire cible. Greffons Coronaires cibles % (perméables/total)   AMIG IVA 96,3 (130/135) Artère marginale 75 (6/8) Diagonales 100 (5/5)     AMID IVA 87,5 (7/8) Artère marginale 83,87 (52/62) Tronc CD 66,67 (2/3) IVP/RVG 87,5 (14/16) AMID in situ 80 (48/60) AMID en Y 93,10 (27/29)   VSI Tronc de la CD 63,41 (26/41) IVP/RVG 65 (13/20) Marginales gauches 72,72 (16/22) Diagonales 33,33 (2/6) IVA : interventriculaire antérieure ; AMIG : artère mammaire interne gauche ; AMID : artère mammaire interne droite ; CD : coronaire droite ;  VSI : veine saphène interne ; IVP : interventriculaire postérieure ; RVG : retroventriculaire gauche.   3.1. Facteurs prédictifs de l’occlusion des greffons coronaires L’analyse univariée a révélé que l’âge avancé (˃ 65 ans), la fraction d’éjection ventriculaire gauche préopératoire (FEVG), le diabète sucré, la glycémie à H24, la double anti-agrégation plaquettaire postopératoire (clopidogrel + aspirine), l’hémoglobine glyquée (HbA1C) et la cholestérolémie au 6e mois postopératoire n’ont pas significativement influencé la perméabilité des greffons coronaires qu’ils soient artériels ou veineux [tableaux 3 et 4].   Tableau 3. Facteurs prédictifs d'occlusion des greffons veineux Facteurs étudiés % (n des patients avec 1-2 VSI occluses/total) p odds ratio (IC à 95 %) Âge ≥ 65 ans 45,5 (10/22) 0,482 1,43 (0,47-4,38) Âge < 65 ans 36,8 (21/57) Sexe : Féminin 61,1 (11/18) 0,030 3,22 (0,96-11,03) Sexe : Masculin 32,8 (20/61) Diabétique 40 (18/45) 0,873 1,0 (0,39-3,00) Non diabétiques 38,2 (13/34) Glycémie H24 ≥ 2g/l 37,8 (14/37) 0,743 0,8 (0,31-2,3) Glycémie H24 < 2g/l 41,5 (17/41) HbA1C > 7 % (6 mois postop) 37,9 (11/29) 0,940 0,96 (0,33-2,78 HbA1C ≤ 7 % (6 mois postop) 38,8 (19/49) Chol (6 mois) ≥ 2g/l 45,5 (5/11) 0,649 1,3 (0,31-5,7) Chol (6 mois) < 2g/l 38,2 (26/68) FEVG ≥ 40 % 28,6 (2/7) 0,526 0,58 (0,07-3,79) FEVG < 40 % 40,8 (29/71) Durée de CEC ≥ 110 min 60 (12/20) 0,014 3,58 (1,12-11,73) Durée de CEC < 110 min 29,5 (18/61) Transfusions 55,6 (15/27) 0,037 2,73 (0,93-8,12) Pas de transfusions 31,4 (16/51) Cl créat postop  ≤ 50 ml/min 50 (4/8) 0,745 1,69 (0,32-9,01) Cl créat postop  ˃ 50 ml/min 37,1 (26/70) Aspirine seule 41,4 (24/58) 0,447 1,53 (0,45-5,36) Aspirine + clopidogrel 31,6 (6/19) IC : intervalle de confiance ; HbA1C : hémoglobine glyquée ; Chol (6 mois) : cholestérolémie au 6e mois postopératoire ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; CEC : circulation extracorporelle ; Cl créat postop : clairance de créatinine postopératoire.   Tableau 4. Facteurs prédictifs d'occlusion des greffons mammaires internes gauches. Facteurs étudiés % (n des patients avec AMIG occluse/potal) p odds ratio                (IC à 95 %) Âge ≥ 65 ans 2,9 (1/34) 0,675 0,6 (0,03-6) Âge < 65 ans 4,6 (5/109) Sexe : Masculin 3,4 (4/116) 0,355 0,45 (0,06-3,79) Sexe : Féminin 7,4 (2/27) Glycémie H24 ≥ 2g/l 5,2 (3/58) 0,641 1,4 (0,22-9,7) Glycémie H24 < 2g/l 3,6 (3/84) Chol (6mois) ≥ 2g/l 10,5 (2/19) 0,142 3,5 (0,4-25,39) Chol (6mois) < 2g/l 3,3 (4/123) FEVG préop ˂ 40 % 0 (0/16) 0,372 0,0 (0,00-8,02) FEVG préop ≥ 40 % 4,8 (6/126) Durée de CEC ≥ 110 min 3,57 (1/28) 0,648 0,7 (0,08- 6,93) Durée de CEC < 110 min 4,54 (5/110) AMIG-IVA 3,7 (5/135) 0,050 8,37 (0,6-66,8) AMIG-Marginales 25 (2/8) Transfusions 6,1 (3/49) 0,422 1,9 (0,29-12,80) Pas de transfusions 3,3 (3/92) Cl créat postop ≤ 50ml/min 25 (2/8) 0,039 10,4 (1,07-92,2) Cl créat postop > 50 ml/min 3,1 (4/129) Aspirine seule 4,5 (4/89) 0,967 0,9 (0,14-8,06) Aspirine + clopidogrel 4,7 (2/43) AMIG : artère mammaire interne gauche ; IC : intervalle de confiance ; Chol (6 mois) : cholestérolémie au 6e mois postopératoire ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; CEC : circulation extracorporelle ; IVA : intervention antérieure ; Cl créat postop : clairance de créatinine postopératoire.   4. DISCUSSION Les principaux enseignements tirés de la présente étude sont les suivants. Le pontage AMIG-IVA possède la perméabilité précoce la plus élevée parmi les autres pontages coronaires. Pour la même coronaire cible, les deux greffons AMI ont des perméabilités comparables. L’AMID a la même perméabilité au niveau des artères marginales gauches et de l’artère coronaire droite, ainsi qu’en amont ou en aval de la bifurcation de cette dernière. La configuration du pontage double mammaire en Y n’augmente pas significativement la perméabilité de l’AMID par rapport à la configuration in situ, cependant elle permet de réaliser significativement plus de pontages artériels. Pour les mêmes coronaires cibles, la perméabilité précoce des greffons VSI est significativement plus basse que celle de l’AMID. Le sexe féminin, les durées de CEC dépassant 110 min et les transfusions de sang homologue augmentent significativement le taux d’occlusion des greffons VSI, sans affecter celui des greffons AMI. Sur le plan méthodologique, les 145 patients de cette série angiographique ont été opérés au niveau du même service, par 4 chirurgiens travaillant en binôme à chaque fois. L’idéal aurait été que tous les patients soient opérés par le même chirurgien, afin de supprimer les variations interchirurgiens pouvant influencer les résultats statistiques. Notons par ailleurs que dans l’étude RIGOR [4], les 291 patients colligés ont été opérés par 17 chirurgiens, pratiquant dans 4 hôpitaux différents. Malgré la polémique soulevée ces dernières années autour de la moindre perméabilité des greffons coronaires après un pontage coronaire à cœur battant, nous avons inclus les 6 patients opérés avec cette technique, car ils n’ont reçu que des pontages AMI. Une méta-analyse récente [5] a confirmé que le pontage off-pump ne réduit significativement que la perméabilité des greffons VSI, alors qu’il n’affecte ni celle de l’AMIG ni celle de l’artère radiale. Dés le début de l’étude statistique, nous avons voulu aboutir à une analyse multivariée afin d’identifier les facteurs de risque indépendants en rapport avec l’occlusion des différents greffons. Cependant, vu que l’analyse univariée n’a pas pu isoler plus de 3 facteurs prédictifs significatifs par greffon, l’analyse multivariée a été jugée peu fructueuse par nos statisticiens. Notre étude a objectivé qu’après 6 mois de recul, le taux d’occlusion des greffons VSI est inquiétant, puisque 35,96 % des patients ayant bénéficié d’un pontage artérioveineux ont eu un greffon veineux occlus, contre 33 % dans l’étude multicentrique RIGOR [4]. Dans cet intervalle de temps, la perméabilité des greffons veineux obéit à la loi du tout ou rien, ils sont soit totalement perméables, soit complètement occlus, ce qui dénote du mécanisme thrombotique de leur occlusion. À un stade plus précoce, la proportion des greffons veineux occlus à 1 semaine de la chirurgie avoisine les 10 % [6]. Ceci démontre clairement que la phase périopératoire est déterminante pour la perméabilité des greffons veineux. Goldman [7] a objectivé qu’un greffon VSI perméable à 1 semaine de l’intervention avait 68 % de chance de l’être à 10 ans. À plus long terme, une étude randomisée [8] a objectivé que 38 à 46 % des greffons veineux étaient occlus après 12-18 mois de recul. À ce stade, le mécanisme d’occlusion fait intervenir successivement l’hyperplasie intimale, entre 6 mois et 1 an, puis l’athérosclérose, au-delà d’une année [2]. Le sexe féminin a été identifié, dans notre étude ainsi que dans d’autres études antérieures [9], comme un facteur prédictif d’occlusion des greffons veineux. D’autres auteurs ont démontré qu’il était associé à une augmentation significative de la mortalité précoce après un pontage coronaire isolé, sans toutefois élucider le mécanisme responsable [10]. L’une des hypothèses avancées est une revascularisation coronaire plus difficile chez les femmes, lesquelles possèdent un calibre coronaire plus faible que celui des hommes, indépendamment de leurs surfaces corporelles [11]. L’association significative, dans la présente étude, des transfusions de sang homologue aux occlusions des greffons veineux, a été notée récemment par Engoren [12]. Des études plus anciennes ont démontré que la transfusion de sang conservé provoque un état prothrombotique, en stimulant la libération plaquettaire du CD40L, aboutissant à l’expression du facteur tissulaire et à la réduction de l’activité fibrinolytique. Par ailleurs, Hedstrom [13] a démontré dans une étude randomisée que le taux circulant postopératoire de l’inhibiteur de l’activateur du plasminogene (PAI-1), qui agit comme un facteur procoagulant direct, était plus élevé après des transfusions de sang homologue, comparativement aux transfusions de sang autologue. D’autre part, notre étude a identifié l’association des durées de CEC dépassant 110 min à l’occlusion des greffons veineux au 6e mois postopératoire, corroborant ainsi les théories d’autres auteurs ayant fait ce constat à un stade plus précoce (7jours) [14], mais également à plus long terme (3 ans) [15]. Les greffons VSI utilisés dans la population de la présente étude ont été prélevés à ciel ouvert, selon la technique conventionnelle. Ceci peut expliquer en partie l’occlusion d’un tiers d’entre eux, d’autant plus que Samano et al. [16] ont démontré dans une étude randomisée, qu’après un recul moyen de 16 ans, le prélèvement « No Touch », gardant la graisse périvasculaire autour du greffon VSI, lui confère une perméabilité presque égale à celle de l’AMIG et significativement plus élevée que celle de la technique conventionnelle (p = 0,03). L’excellente perméabilité précoce de l’AMIG dédiée à l’IVA, notée aussi bien dans notre étude (96,3 %) que dans d’autres études angiographiques (93-96 %) [6, 7, 17], conforte son statut de pierre angulaire de la revascularisation coronaire chirurgicale. La perméabilité significativement plus élevée de l’AMID par rapport à celle des greffons veineux au niveau des territoires coronaires circonflexe et droit, parue dans notre étude ainsi que dans celle de Tatoulis [17] doit faire de l’AMID le greffon de choix pour revasculariser ces territoires. Nous avons également mis en évidence, que pour les mêmes coronaires cibles, les 2 AMI, biologiquement semblables, avaient des perméabilités comparables. Ce constat vérifié dans d’autres études [17] confirme la sécurité du pontage double mammaire in situ inversé (AMIG-artères marginales et AMID-IVA), et offre au chirurgien plus de souplesse pour revasculariser l’ensemble du réseau coronaire gauche, y compris les marginales distales, en n’utilisant que les 2 AMI in situ. Bien que nous n’avons pas noté de différences significatives de la perméabilité des deux greffons AMI en fonction du type de leur montage (in situ, in situ inversé ou en Y), les greffons mammaires composites en Y nous ont permis de réaliser significativement plus de pontages artériels par patient. Les autres avantages de ce type de pontage sont la réduction à moyen terme (7 ans) du taux des réinterventions par rapport au pontage double mammaire in situ [18], ainsi que la sécurité qu’il offre en cas d’une éventuelle réintervention avec des pontages AMI perméables. En effet, le greffon mammaire composite en Y passant sur le flanc gauche du cœur sera en position sécurisée, contrairement au pontage double mammaire in situ inversé, où l’AMID précroisant l’aorte ascendante comporte un risque de blessure très important. Par ailleurs, la meilleure perméabilité des deux AMI au niveau de l’IVA en comparaison au réseau marginal gauche a été évoquée également par Tatoulis dans une autre étude portant sur 2127 conduits artériels (p ˂ 0,001) [19]. Cela peut s’expliquer par une difficulté opératoire plus élevée lors du pontage des artères marginales, ainsi que par la possibilité de survenue de tension et/ou de torsion au niveau de ces greffons, notamment lors de la traversée du sinus de Theile. La perméabilité des greffons AMI est non seulement affectée par les lésions pouvant survenir lors de leurs prélèvements, telle que les dissections, les hématomes pariétaux et les brûlures par électrocoagulation, mais également par le degré de sténose de leur coronaire cible [19]. En effet, les sténoses modérées (˂ 60 %) entraînent un flux compétitif voire même inversé à travers les greffons artériels, aboutissant ultérieurement à leur involution. Récemment, une étude randomisée [20] a démontré que le pontage coronaire guidé par la FFR (Fractional Flow Reserve) réduisait significativement le taux d’occlusion des greffons et des récidives de l’angor, comparativement au pontage guidé par la seule coronarographie. La valeur prédictive négative élevée des coroscanners actuels, concernant les sténoses et les occlusions des greffons coronaire [3], permet d’exclure avec une grande certitude tout dysfonctionnement de ces derniers et réserve ainsi la coronarographie aux patients qui nécessiteraient une revascularisation.  Le talon d’Achille de cette imagerie non invasive reste sa plus faible performance diagnostique (sensibilité et spécificité) en matière d’évaluation du degré des sténoses du réseau coronaire natif, notamment en cas de calcifications importantes, rendant difficile la mise en évidence des sténoses modérées qui pourraient expliquer l’occlusion des greffons AMI.   4.1. Limites de cette étude L’un des reproches que l’on pourrait faire à cette étude ayant analysé la perméabilité, à 6 mois de la chirurgie, de 232 AMI et 89 VSI, est le nombre réduit des effectifs comparés, limitant ainsi la puissance des tests utilisés. Le refus de presque un tiers des patients asymptomatiques de bénéficier d’une imagerie coronaire postopératoire a peut-être réduit le taux moyen de perméabilité des différents greffons. Le nombre limité des coronarographies (n = 11), réalisées uniquement chez les patients dont les examens de stress étaient positifs, nous a rendu difficile l’analyse de l’impact du degré des sténoses proximales sur la perméabilité des greffons AMI.   5. CONCLUSION Au 6e mois postopératoire, la perméabilité de l’AMIG est excellente alors que les greffons veineux sont occlus dans 1/3 des cas. L’AMID doit être privilégiée dans la revascularisation des territoires coronaires circonflexe et droit. Un pontage « tout artériel » est à encourager chez le sexe féminin et les transfusions sanguines homologues sont à éviter en cas de pontage coronaire artérioveineux.    RÉFÉRENCES Fitzgibbon GM, Kafka HP, Leach AJ, Keon WJ, Hooper GD, Burton JR. Coronary bypass graft fate and patient outcome: angiographic follow-up of 5,065 grafts related to survival and reoperation in 1,388 patients during 25 years. J Am Coll Cardiol 1996;28:616-26. https://doi.org/10.1016/0735-1097(96)00206-9 Motwani JG, Topol EJ. Aortocoronary saphenous vein graft disease. Circulation 1998;97:916-3. https://doi.org/10.1161/01.CIR.97.9.916 Jones C M, Athanasiou T, Dunne N et al. Multi-Detector Computed Tomography in Coronary Artery Bypass Graft Assessment: A Meta-Analysis. Ann Thorac Surg 2007;83:341-8. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2006.08.018 PMid:17184705 Gluckman TJ, Segal JB, Schulman SP et al. 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juin 24, 2018