Z. Ammor*, I. Issouffou, L. Belliraj, H. Harmouchi, M. Lakranbi, Y. Ouadnouni, M. Smahi
Service de chirurgie thoracique, CHU Hassan II, Fès, Maroc.
* Correspondance : dr.a.ammor@gmail.com
DOI : 10.24399/JCTCV23-2-AMM
Citation : Ammor Z, Issouffou I, Belliraj L, Harmouchi H, Lakranbi M, Ouadnouni Y, Smahi M. Les adénomes parathyroïdiens ectopiques médiastinaux : quelle voie d’abord ? Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(2). doi: 10.24399/JCTCV23-2-AMM
RÉSUMÉ
Introduction : les adénomes parathyroïdiens peuvent être localisés en situation ectopique dans 11 à 25% des cas. Le diagnostic topographique reste une étape essentielle, qui est responsable parfois de 50% d´échec de la chirurgie.
Matériels et méthodes : étude rétrospective à propos de 7 cas, opérés dans notre formation pour un adénome parathyroïdien ectopique médiastinale durant 4 ans.
Résultats : tous les cas étaient de sexe féminin, l’âge moyen était de 56,8 ans. Les signes d’appel étaient : urinaires, ostéoarticulaires. Sur le plan biologique, tous les cas présentaient une hypercalcémie corrigée ainsi qu’une hyperparathormonémie. Toutes les patientes avaient bénéficié d’une échographie cervicale qui n’objectivait un nodule parathyroïdien ectopique droit que chez une seule patiente. Une imagerie par résonance magnétique cervicale dans un cas, qui était cause d’une cervicotomie blanche par les viscéralistes. Une tomodensitométrie cervicothoracique dans tous les cas objectivait une localisation précise de l’adénome parathyroïdien ectopique médiastinal (APEM). La scintigraphie au 99mTc-sestamibi réalisée dans 5 cas était concluante. La voie d’abord était cervicale (2 cas), cervicothoracique (2 cas) et thoracique (3 cas).
Conclusion : le bilan radiologique lors de la prise en charge des APEM permet au chirurgien de réaliser un acte ciblé “frappe chirurgicale”, grâce à des voies d’abord adaptées, un temps opératoire écourté, évitant les explorations chirurgicales blanches.
ABSTRACT
Mediastinal ectopic parathyroid adenomas: Which pathway?
Introduction: Parathyroid adenomas can be located in an ectopic situation in 11 to 25% of cases. Topographical diagnosis remains an essential step and is sometimes responsible for 50% failure of the surgery.
Materials and methods: Retrospective study on 7 cases, operated in our department for a parathyroid mediastinal ectopic adenoma (APEM) for 4 years.
Results: All cases were female; mean age was 56.8 years. Warning symptoms were urinary and osteo articular. Biologically, all cases had corrected hypercalcemia and hyperparathormonemia. Six patients had undergone cervical ultrasonography, and a parathyroid right ectopic nodule was found in a single case. In one case, a cervical MRI was the cause of an inconclusive cervicotomy by the visceralists. In all cases, cervicothoracic CT showed a precise localization of APEM. 99mTc sestamibi scintigraphy was performed in 5 cases and was conclusive. The approach was cervical (2 cases), cervico-thoracic (2 cases) or thoracic (3 cases).
Conclusion: Radiological assessment during the management of APEM allows the surgeon to perform a targeted act « Surgical Strike », thanks to adapted approaches, a shortened operating time and avoiding inconclusive surgical explorations.
1. Introduction
L’hyperparathyroïdie primaire est le mode révélateur le plus fréquent des adénomes parathyroïdiens. Il peut être localisé en situation ectopique dans 11 à 25% des cas, dont l’emplacement le plus fréquent est le médiastin (70% des cas sont intrathymiques, 30% sont dans la gaine carotidienne, en paraœsophagien, sillon trachéo-œsophagien ou en intrathyroïdien).
Le diagnostic topographique reste une étape essentielle dans la prise en charge diagnostique des adénomes parathyroïdiens ectopiques médiastinaux (APEM). Il est responsable parfois de 50% d’échec de la chirurgie.
Par de ce travail, en analysant les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives de cette pathologie rare, nous allons souligner la place prépondérante de l’imagerie préopératoire permettant un acte chirurgical réussi.
2. Matériels et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective à propos de 7 cas, suivis pour hyperparathyroïdie primaire en service d’endocrinologie, puis opérés dans notre formation (service de chirurgie thoracique du CHU Hassan II à Fès) pour un adénome parathyroïdien ectopique médiastinal pendant une durée de 4 ans, allant de février 2014 jusqu’à février 2018.
3. Résultats
Tous les cas de notre étude étaient de sexe féminin, l’âge moyen était de 56,8 ans (44-70 ans). Parmi les antécédents, on trouve une cholécystectomie dans 2 cas et un cas opéré pour un cancer du sein.
Les signes d’appel étaient divers :
- Sur le plan clinique, les manifestations ostéoarticulaires à type de douleurs osseuses et fracture spontanée, ainsi qu’une ostéoporose étaient présentes dans 4 cas ; les manifestations urinaires à type de douleurs lombaires et lithiase rénale récidivante dans 2 cas, et un cas a été suivi pour un syndrome sec [figure 1].
- Sur le plan biologique, tous les cas présentaient une hypercalcémie corrigée qui variait entre 110 et 138 mg/l avec une moyenne à 124 mg/l, ainsi qu’un taux de parathormone qui variait entre 3 et 20 fois la normale avec un taux moyen de 9,5 fois la normale.

En termes de moyens d’exploration paraclinique : 6 patientes avaient bénéficié d’une échographie cervicale, objectivant un nodule parathyroïdien ectopique droit dans un cas et des lésions nodulaires thyroïdiennes dans 5 cas.
Une cervicotomie blanche a été réalisée dans une autre formation, où le bilan topographique se contentait d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) cervicale qui a objectivé la présence d’un nodule parathyroïdien eutopique [figure 2]. En postopératoire, la patiente a bénéficié d’une scintigraphie, objectivant une hyperfixation sur un adénome parathyroïdien ectopique médiastinal antérieur.

Une tomodensitométrie (TDM) cervicothoracique réalisée dans tous les cas objectivait une localisation précise de l’APEM (médiastin : antérosupérieure 5 cas, moyen 1 cas, postérieure 1 cas) [figure 3]. La scintigraphie au 99mTc-sestamibi réalisée dans 5 cas était concluante (un adénome parathyroïdien médiastinal 3 cas, cervical latérotrachéal 2 cas) [figure 4].


Après un traitement médical bien conduit fait d’une réhydratation parentérale, 4 patientes étaient mises sous biphosphonates jusqu’à normalisation de la calcémie.
La voie d’abord chirurgicale était :
- une cervicotomie de Kocher : 2 cas ;
- une cervicotomie présternocleïdo-mastoïdienne avec manubriotomie : 1 cas ;
- une cervicotomie de Kocher avec une manubriotomie : 1 cas.
- une sternotomie : 1 cas ;
- une manubriotomie : 1cas ;
- une thoracotomie : 1 cas.
Le geste de résection de l’APEM a été associé à une thymectomie chez 3 patientes et une lobectomie-isthmectomie thyroïdienne chez une autre, nécessitant un examen extemporané dans 1 cas. Le siège de l’adénome parathyroïdien était intrathymique dans 3 cas, en latérotrachéal dans 2 cas, en intertrachéo-œsophagien dans 1 cas et dans la gaine carotidienne dans 1 cas.
Les suites opératoires étaient simples, toutes les patientes ont normalisé leur calcémie et leur parathormonémie. Deux d’entre elles ont présenté une hypocalcémie jugulée par substitution de calcémie par voie orale avec normalisation ultérieure. Le recul a varié de 1 à 16 mois avec une moyenne de 8 mois qui était sans particularités.
4. Discussion
Jadis, le diagnostic des adénomes parathyroïdiens était révélé à des stades très évolués par des lésions osseuses ou de la lithiase rénale [1]. Aujourd’hui, sa découverte est principalement fortuite chez des patients asymptomatique ou peu symptomatique à la suite d’un dosage systématique [1,2].
Les signes cliniques de l’hypercalcémie sont assez fréquemment révélateurs de cette pathologie [3]. C’est sur la biologie que repose le diagnostic, défini par l’association hypercalcémie-parathormone plasmatique élevée, ou en discordance avec la calcémie [4-6].
L’imagerie avant le geste chirurgical a pour objectif la localisation préopératoire d’un APEM, responsable de 50% d’échec de la chirurgie cervical [7]. Les 4 principaux moyens sont :
- L’échographie cervicale reste l’examen de première intention qui permet d’explorer les sites habituels des parathyroïdes et dans le cas échéant, la recherche d’adénome ectopique cervical le long de la gaine des carotides et de l’espace paraœsophagien.
- La TDM cervicothoracique se justifie essentiellement en cas de discordance du couple échographie cervicale-scintigraphie au sestamibi, en particulier dans l’exploration des zones qui restent aveugles à l’échographie comme les aires rétrotrachéales ou rétro-œsophagiennes où l’air gêne le passage du faisceau ultrasonore mais aussi et surtout les zone susceptibles d’ectopie. Ces dernières sont représentées en premier par le médiastin et plus rarement le pharynx.
- L’IRM cervicothoracique est indiquée pour des adénomes parathyroïdes ectopiques qui échappent à l’échographie cervicale. Elle reste supérieure au scanner qui est relativement peu performant à cause des artéfacts, dus en particulier aux épaules [8]. De plus, elle est non irradiante et permet une imagerie multiplanaire avec des détails anatomiques et un contraste supérieur ; elle ne nécessite pas une injection d’iode.
- La scintigraphie au 99mTc-sestamibi a été établie comme étant la méthode d’imagerie de choix et ce d’autant plus qu’elle donne des résultats supérieurs à ceux des autres techniques, telles que l’échographie, le scanner et l’IRM [3,4,6-10] permettant la détection, au cours du même examen, de glandes parathyroïdes hyperfonctionnelles quelle que soit leur localisation eutopique ou ectopique.
À sensibilité différente [figure 5], l’imagerie préopératoire de l’APEM a une place prépondérante dans son diagnostic et sa localisation. Le couple échographie-scintigraphie reste l’examen clé [figure 6] : il permet d’augmenter le taux de succès chirurgical et diminuer les explorations chirurgicales blanches inutiles, en adaptant la voie d’abord où la voie cervicale reste la plus réalisée, nécessitant un élargissement par une sternotomie partielle ou totale ou une thoracotomie, lors des localisations médiastinales postérieures [11] [figure 7].



5. Conclusion
Le bilan radiologique reste un temps essentiel dans la prise en charge des APEM et offre une cartographie cervicomédiastinale exacte permettant au chirurgien de réaliser un acte ciblé “frappe chirurgicale”, grâce à des voies d’abord adaptées, un temps opératoire écourté évitant les explorations chirurgicales blanches.
Références
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Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.
Date de soumission : 02/09/2018. Acceptation : 18/02/2019. Pré-publication : 18/03/2019.