Chirurgie thoracique · Vol. 23 Juin 2019

Kyste hydatique du poumon : chirurgie conservatrice ou résection radicale ?

juin 7, 2019
Auteur correspondant : Rachid Marouf

Rachid Marouf*, Ihsan Alloubi

Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Mohammed VI, Oujda, Maroc.

* Correspondance : rachidmarouf@yahoo.fr

 


DOI : 10.24399/JCTCV23-2-MAR

Citation : Marouf R, Alloubi I. Kyste hydatique du poumon : chirurgie conservatrice ou résection radicale ?. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(2). doi: 10.24399/JCTCV23-2-MAR


RÉSUMÉ

Introduction : l’échinococcose humaine est une zoonose causée par des parasites, les ténias du genre Echinococcus. C’est une maladie endémique dans la région méditerranéenne, en Amérique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande, elle sévit dans les régions rurales où l’élevage des ovins et caprins est répandu, et constitue un véritable problème de santé publique.

Objectif : l’objectif de notre travail est d’analyser le rôle du traitement chirurgical dans la prise en charge du kyste hydatique pulmonaire, les différentes techniques chirurgicales conservatrices et radicales, et d’évaluer l’incidence des complications postopératoires.

Méthodes : nous rapportons les résultats chirurgicaux d’un travail rétrospectif sur l’atteinte pulmonaire par la maladie hydatique à propos de 200 cas colligés au centre hospitalier universitaire d’Oujda, Maroc, entre janvier 2008 et avril 2018.

Résultats : la moyenne d’âge était de 36 ans, on notait une prédominance masculine avec une sexe-ratio de 1,5. Le bilan radiologique avait montré plusieurs aspects de kystes, la forme la plus fréquemment rencontrée étant celle du kyste hydatique simple dans 104 cas (52%). Le kyste hydatique était compliqué, soit rompu ou fissuré dans 96 cas (48%). La localisation droite était la plus fréquente, elle a concerné 58% des cas. Le traitement conservateur représente 95% des cas (190 patients). La ponction évacuation a été réalisée chez 154 cas (77%), une périkystectomie dans 14 cas (7%), une kystectomie dans 18 cas (9%) et un capitonnage de la cavité résiduelle dans 180 cas (90%), les kystes associés à un épaississement pleural ont bénéficié d’une décortication dans 4 cas (2%). Par ailleurs, un traitement radical basé sur une résection réglée n’a été réalisé que dans 10 cas (5%). Le pronostic a changé au cours des dernières années, et les résultats sont maintenant communément satisfaisants. Les complications les plus fréquentes sont l’atélectasie et la pneumopathie postopératoire. La mortalité opératoire n’a pas excédé 1%.

Conclusion : le traitement du kyste hydatique pulmonaire est essentiellement chirurgical. La prophylaxie est nécessaire pour l’éradication complète de cette maladie.

 

ABSTRACT

Hydatid cyst of the lung: conservative surgery or radical resection?

Introduction: Human echinococcosis is a parasitic disease caused by tapeworms of the genus Echinococcus. It is an endemic disease in the Mediterranean region, South America, Australia and New Zealand. It is also rampant in rural areas where ovine and caprine breeding is widespread and constitutes a real public health problem. 

Objective: The objective of our work is to analyze the role of surgical treatment in the management of the pulmonary hydatid cysts, assess the different surgical techniques and evaluate the incidence of postoperative complications.

Methods: We retrospectively analyzed 200 patients with lung hydatid cysts collected at the university hospital center of Oujda, Morocco, between January 2008 and April 2018.

Results: The average age is 36 years, there is a male predominance with a sex ratio of 1.5. There are a variety of radiographic images. A simple cyst was the most commonly observed lesion, in 104 cases (52%). Complicated forms were noted in 96 patients (48%) and the right lung was more frequently affected than the left (58%). Conservative treatment accounted for 95% of cases; cystotomy was carried out in 154 cases (77%), peri-kystectomy in 14 cases (7%), cyst removal with capitonnage by Ugon’s method in 18 cases (9 %), capitonnage in 180 cases (90%) and cysts associated with pleural thickening have undergone decortications in 4 cases (2%). However, radical treatment was carried out in only 5% of our interventions (10 cases). The prognosis has changed during the last few years, and results are now usually satisfactory. The most frequent complications are postoperative atelectasis and pneumonia. Operative mortality does not exceed 1%.

Conclusion: The treatment of the pulmonary hydatid cysts is essentially surgical. Prophylaxis is necessary to eradicate the disease completely.


 

1. Introduction

L’hydatidose est une anthropozoonose cosmopolite causée par l’Echinococcus granulosus. Elle sévit en mode endémique au Maroc et constitue un problème majeur de santé publique, surtout en zones rurales où l’élevage et l’agriculture sont les principales sources de vie [1]

 

2. Objectif

  • Rôle du traitement chirurgical dans le traitement du kyste hydatique pulmonaire.
  • Comparaison entre les différentes techniques chirurgicales : conservatrice versus radicale.
  • Évaluation de l’incidence des complications en fonction de la technique chirurgicale.

 

3. Matériels et méthodes

Nous rapportons les résultats chirurgicaux d’un travail rétrospectif sur l’atteinte pulmonaire par la maladie hydatique à propos de 200 cas colligés au centre hospitalier universitaire d’Oujda, Maroc, entre janvier 2008 et avril 2018.

 

4. Résultats

 

4.1. Aspects cliniques et radiologiques

Il s’agissait de 120 hommes (60%) et de 80 femmes (40%) avec un sexe-ratio de 1,5. La notion de contact avec les chiens a été retrouvée dans 66% des cas (132 cas).

Les symptômes cliniques qui amenaient les patients à consulter étaient principalement : la toux dans 136 cas (68%), les douleurs thoraciques dans 124 cas (62%), l’hémoptysie dans 90 cas (45%), la dyspnée d’effort dans 46 cas (23%), la vomique hydatique dans 30 cas (15%) et les expectorations récurrentes dans 30 cas (15%).

L’examen clinique été normal dans 71% des cas, a trouvé un syndrome d’épanchement liquidien dans 21% des cas et un syndrome de condensation dans 8% des cas.

 

Figure A. Aspect radiologique d’une opacité intraparenchymateuse gauche, ronde bien limitée.

 

Figure B. Aspect radiologique d’une opacité excavée avec niveau hydroaérique régulier, basale gauche.

 

Figure C. Aspect scanographique d’un kyste hydatique pulmonaire sain droit.

 

Figure D. Aspect scanographique d’un kyste hydatique pulmonaire gauche rompu dans les bronches.

 

Le bilan radiologique fait de radiographie thoracique complétée par une tomodensitométrie (TDM) thoracique avait trouvé [tableau 1] :

 

Tableau 1. Les différents aspects radiologiques du kyste hydatique pulmonaire.

Aspect radiologique

%

Nombre de patients

Opacité ronde bien limitée

52%

104

Opacité hétérogène mal limitée

15%

30

Opacité excavée avec un niveau hydroaérique régulier

10%

20

Aspect de rupture du kyste hydatique parenchymateux avec une membrane d’endocyste retenue et affaissée (rétention membranaire)

10%

20

Hydropneumothorax

5%

10

Opacités multiples

5%

10

Pleurésie

3%

6

 

Les lésions du poumon droit étaient présentes dans 116 cas (58%), alors que celles du poumon gauche l’étaient dans 70 cas (35%) et des lésions bilatérales étaient visibles dans 14 cas (7%).

La bronchoscopie a été réalisée dans 100 cas (50%) et a confirmé le diagnostic dans 40 cas (20%) en visualisant la membrane hydatique.

La sérologie hydatique (Elisa et immunoélectrophorèse) a été réalisée chez 164 patients (82%) et a été positive dans 130 cas (65%).

 

4.2. Traitement chirurgical [tableau 2]

L’intubation par une sonde sélective à double courant type Robertshaw a été réalisée chez tous nos patients, elle a permis d’éviter l’inondation de l’arbre bronchique controlatéral en cas de rupture et l’obstruction bronchique par des fragments de membrane.

Une analgésie péridurale thoracique, qui est l’élément clé du traitement de la douleur postopératoire, a été positionnée chez 180 de nos patients (90%).

La voie d’abord a été une thoracotomie postérolatérale dans 100 cas (50 %), une thoracotomie latérale avec conservation musculaire dans 70 cas (35%).

Un abord par vidéothoracoscopie (VATS) a été réalisé dans 30 cas (15 %), qui sont majoritairement des jeunes entre 15 et 25 ans et ayant un kyste hydatique du poumon sain à localisation périphérique et de taille ≤6 cm. Par cette voie, les patients ont été placés en position de décubitus latéral. Le chirurgien et l’assistant se tiennent devant ou derrière le patient, en fonction de la localisation du kyste. Trois trocarts ont été placés sur le côté atteint d’une manière triangulaire en fonction de la localisation de la lésion, l’un de ces trocarts étant situé à l’aplomb du kyste [figure 1]. Le principe de la thoracoscopie est de suivre les mêmes étapes que la chirurgie ouverte qui comprend la stérilisation du kyste avec un agent scolicide, l’ablation complète de la membrane hydatique et la fermeture des fistules bronchiques, si elles sont présentent.

 

Figure 1. Ponction évacuation d’un kyste hydatique périphérique sous thoracoscopie.

 

Le premier temps opératoire était l’adhésiolyse des adhérences pleuroparenchymateuses avec exposition du kyste hydatique, puis protection du champ opératoire par injection directe dans la cavité pleurale du sérum salé hypertonique à 10% qu’on utilise comme solution scolicide.

Le traitement conservateur a concerné 95% des patients.

Une kystectomie ou énucléation [figure 2] selon la technique d’Ugon a été réalisée dans 18 cas (9%). La ponction évacuation a été réalisée dans 154 cas (77%). Après avoir exposé le kyste, une grosse seringue est introduite en son sein pour vider le liquide sous tension. Puis la partie éminente est ouverte, un grand tube d’aspiration est introduit immédiatement à travers la même ouverture pour évacuer le reste matériel kystique. La membrane germinative était alors enlevée avec une pince, la cavité résiduelle irriguée avec une solution saline et les fistules bronchiques suturées [figures 3,4]. Dans les situations où le périkyste est en atélectasie ou fibrose, une résection de ce périkyste est faite.

 

Figure 2. Kystectomie ou énucléation.

 

Figures 3-4. Après évacuation du kyste hydatique du poumon et lavage de la cavité par du sérum salé hypertonique, on ferme les fistules bronchiques par des points en X.

 

La cavité résiduelle est fermée au moyen de sutures à partir du niveau le plus profond (capitonnage). La suture des fistules bronchiques et la fermeture de la cavité résiduelle sont faites avec du fil résorbable.

La périkystectomie [figure 5] a été réalisée dans 14 cas (7%).

 

Figure 5. Pièce opératoire d’une périkystectomie emportant le parasite et sa gangue inflammatoire.

 

Les patients ayant un épaississement pleural associé, en plus de la kystotomie et du capitonnage, ont bénéficié d’une décortication pour faciliter l’expansion du poumon dans 4 cas (2%).

Dans les quatorze cas (7%) de polykystoses bilatérales retrouvés dans notre série, on a préféré opérer les patients en deux temps avec un intervalle d’un à trois mois entre les interventions, tout en commençant d’abord par la localisation symptomatique ou la plus volumineuse ou la plus menaçante ou celle qui contenait le plus de kystes.

 

Tableau 2. Traitement chirurgical du kyste hydatique pulmonaire.

 

Traitement

conservateur

 

Kystectomie

18 cas (9%)

 

 

190 cas

(95%)

Ponction évacuation

154 cas (77%)

Périkystectomie

14 cas (7%)

Décortication pleurale

4 cas (2%)

Capitonnage de la cavité résiduelle

 

180 cas (90%)

Traitement radical

Lobectomie

Bilobectomie

8 cas

2 cas

10 cas

(5%)

 

 Par ailleurs, un traitement radical sous forme de résection réglée a été conçu pour 10 patients (5%) pour les raisons suivantes :

  • kyste hydatique détruisant à plus de 50% le lobe dans 6 cas [figure 6] ;
  • kyste avec suppuration pulmonaire sévère persistante dans 2 cas ;
  • kyste hydatique avec fibrose et hépatisation de tout le lobe dans 2 cas [figure 7].

 

Figure 6. Lobectomie inférieure droite pour un kyste hydatique détruisant presque tout le lobe.

 

Figure 7. Lobectomie moyenne pour kyste hydatique avec un lobe fibrosé et hépatisé.

 

4.3. Évolution et surveillance

La durée moyenne d’hospitalisation a été de 6 jours. On a recensé aucun décès.

Nous avons surveillé régulièrement nos patients après leur sortie du service en consultation. Cette surveillance est fondée essentiellement sur la radiographie thoracique au rythme de 15 jours, 3 mois, 6 mois, 1 an, puis chaque année, demandée essentiellement pour l’étude du parenchyme pulmonaire et l’état de la cavité résiduelle. La surveillance sérologique est demandée chaque fois qu’elle est possible à 6 mois puis 1 an après le geste chirurgical. La TDM est réservée aux cas douteux de récidive ou de complication.

Les suites ont été compliquées chez 21 patients (10,5%) [tableau 3].

 

Tableau 3. Les complications du traitement chirurgical du kyste hydatique pulmonaire.

Complication

Nombre de cas

Prise en charge

Atélectasie du poumon sous-jacent

6 cas

Kinésithérapie respiratoire

Bronchoaspiration

Pneumopathie postopératoire

4 cas

Antibiothérapie

Anémie postopératoire

5 cas

Transfusion

Pyothorax

2 cas

Antibiothérapie à large spectre et lavage avec système d’irrigation

Persistance d’une cavité résiduelle par lâchage de sutures après capitonnage (fond de la cavité capitonnée très inflammatoire)

2 cas

1 cas : reprise chirurgicale avec résection réglée après infection de la cavité

1 cas : surveillance

Bullage prolongé

2 cas

Drainage thoracique prolongé

 

Dans notre série, seulement un patient a eu une récidive de kyste hydatique rompu dans la plèvre à 3 ans de distance de sa première opération, justifiant une reprise chirurgicale.

Le faible taux de récidive démontre et valorise l’excellence de la chirurgie conservatrice dans la prise en charge des kystes hydatiques pulmonaires.

 

5. Discussion

L’hydatidose est une parasitose qui sévit toujours en mode endémique au Maroc. Elle constitue un problème majeur de santé publique. Son incidence est de 12/100000 habitants [1].

Les lésions kystiques évoluent très lentement, de sorte que les symptômes peuvent ne pas apparaître et la maladie ne peut être diagnostiquée qu’après plusieurs années.

La chirurgie est le seul traitement radical. Tous les kystes doivent être opérés, qu’ils soient symptomatiques ou pas [2].

Le but de la chirurgie dans le kyste hydatique pulmonaire est de [2,3] :

  • supprimer le parasite et ses annexes ;
  • éviter la dissémination ;
  • conserver autant que possible le maximum de parenchyme pulmonaire fonctionnel ;
  • réséquer les lésions pulmonaires irréversibles ;
  • rétablir l’anatomie et la fonction pulmonaire normale : décortication pour faciliter la réexpansion.

De ces impératifs découlent plusieurs techniques chirurgicales qu’on peut schématiser en techniques conservatrices ou radicales [3] [tableau 4].

Le choix de la technique chirurgicale est, le plus souvent, influencé par l’état du malade, l’état du kyste et du parenchyme pulmonaire adjacent et celui de la fonction respiratoire [4].

En règle générale, le parenchyme pulmonaire doit être préservé autant que possible chez les patients atteints de cette pathologie pulmonaire bénigne et d’évolution lente [5].

Le traitement du parasite se fait par la protection du champ opératoire par des compresses imbibées d’une solution scolicide tel le sérum salé hypertonique, par la manipulation douce du kyste en peropératoire et par la stérilisation du kyste par la solution scolicide qui permet d’éviter la dissémination du germe, ainsi que le risque de récidive [5].

Le traitement du périkyste peut se faire selon deux méthodes, conservatrice ou radicale.

La chirurgie conservatrice comprend les techniques [3,5-7] :

  • d’énucléation ;
  • de kystectomie après aspiration ;
  • de périkystectomie.

La kystectomie ou énucléation selon la technique d’Ugon est réalisée pour les kystes hydatiques pulmonaires périphériques de petite taille, entre 3 et 5 cm, avec un faible risque de rupture. Elle consiste, après incision du périkyste, en l’accouchement du kyste. Cette manœuvre est facilitée par l’application d’une ventilation à pression positive intrabronchique. Les gros kystes ne doivent pas être traités avec cette méthode car il existe un risque de rupture.

La ponction évacuation est la plus fréquemment réalisée pour les kystes sains et/ou rompus mais non infectés et/ou en présence d’un périkyste fin. Cette technique consiste d’abord à inonder le champ opératoire par du sérum salé hypertonique afin de protéger la plèvre de toute souillure parasitaire, puis on repère le dôme saillant du kyste et on aspire par ponction le liquide hydatique à l’aide d’une grosse aiguille ou d’un trocart.

La partie proéminente du kyste est ensuite ouverte, suivie de l’extraction de la membrane hydatique. Le fond de la cavité kystique est lavé minutieusement par la solution scolicide.

La périkystectomie selon la méthode de Perez-Fontana a été proposée en 1953. Elle implique l’excision du kyste hydatique et emporte le tissu pulmonaire réactionnel au kyste en suturant, au fur et à mesure de leur rencontre, les vaisseaux et les bronches érodés, le rapprochement du parenchyme pulmonaire sain au pourtour de la lésion est obligatoire. Cette technique reste réservée pour les kystes hydatiques rompus et infectés et/ou aux périkystes épais.

Traitement de la cavité résiduelle : ces procédures conservatrices sont associées à la fermeture élective des fistules bronchiques qui sont suturées par des points en X. La persistance d’une fistule bronchique expose au bullage important et peut conduire à une réintervention.

Pour effacer au maximum la cavité résiduelle, le capitonnage est une attitude classique, mais n’est pas systématique.

Il existe deux méthodes pour la gestion de la cavité résiduelle du kyste [3,8] :

  • Le capitonnage qui est la fermeture de la cavité, après avoir vidé son contenu et aveuglé les fistules bronchiques. C’est une attitude classique, mais qui n’est pas systématique.
  • La deuxième est la fermeture des orifices bronchiques tout en laissant la cavité ouverte.

 

 Nous partageons l’opinion de nombreux auteurs selon laquelle le capitonnage est utile et efficace. L’utilisation de ce procédé a fait diminuer nettement la morbidité parce qu’il permet d’éviter au maximum la persistance d’une cavité résiduelle et aussi de réduire le risque d’infection de la cavité, des fuites aériques postopératoires et la formation d’un hématome ainsi que d’empyème intracavitaire [3,5,8]. Sonmez et al. [9] concluent que le capitonnage permet de diminuer la durée de drainage, le séjour hospitalier et la morbidité.

Pour les kystes hydatiques géants, la gestion de la cavité résiduelle pose un problème par sa taille énorme et par la présence de grosses fistules bronchiques (on admet qu’un kyste est énorme quand sa taille dépasse 10 cm). Dans cette situation, le capitonnage s’avère difficile et risque de ficeler le parenchyme pulmonaire adjacent, d’entraver sa fonction et d’exposer aux risques de complications [2,3].

 

Tableau 4. Comparaison de la fréquence du traitement conservateur versus chirurgie radicale dans la littérature.

Série

Nombre de cas

Nombre de cas de chirurgie conservatrice

Nombre de cas de chirurgie radicale

Doğan R et al. [3]

1055

91%

9%

Kemal Salih O et al. [5]

405

96,4%

 

3,6%

Dakak M et al. [10]

422

98% (413 cas)

 2% (9 cas)

Hasdiraz L et al. [11]

107

100%

0%

Merini MF [12]    

313

97,8%

2,2%

Marouf et al.

200

95% (195 cas)

5% (10 cas)

 

En cas de rupture intrapleurale du kyste hydatique, le traitement est d’abord du kyste et de sa cavité, suivi d’une décortication. Pour ces kystes périphériques rompus dans la plèvre, les fistules bronchiques sont souvent de petit calibre et facilement traitées [13].

La voie d’abord par vidéothoracoscopie est destinée à des kystes hydatiques sains, de siège périphérique, et de taille ≤6 cm. Cette technique ne peut pas être adaptée aux kystes volumineux en raison du risque de dissémination pleurale et de la difficulté de la fermeture des fistules souvent localisées au fond de la cavité et dans des replis au contact des vaisseaux sanguins. Il en est de même pour les kystes rompus en rapport avec la symphyse pleurale, le calibre des fistules bronchiques et la friabilité du périkyste et du parenchyme adjacent. La chirurgie thoracique vidéoassistée peut être une alternative intermédiaire entre la thoracoscopie et la chirurgie conventionnelle malgré les risques de complications [13-16].

Le principe de la chirurgie thoracoscopique est de reproduire les mêmes gestes que la chirurgie ouverte qui comprend : la stérilisation du kyste avec un agent scolicide, l’extraction complète de la membrane hydatique et la fermeture des fistules bronchiques, si elles sont présentes.

Il est nécessaire d’assurer une bonne aérostase par le contrôle des fistules bronchiques et la gestion de la cavité résiduelle pour éviter les complications opératoires.

Quant à la place de la vidéothoracoscopie dans le traitement radical des kystes hydatiques, elle a ses limites et le risque de conversion reste élevé, par la présence fréquente des adhérences pleurales et la symphyse sur le médiastin et le diaphragme, les scissures qui sont souvent fermées, les ganglions inflammatoires, parfois calcifiés, saignotants et adhérents sur les structures vasculaires et bronchiques [12-14].

Le traitement percutané par vidange et stérilisation du kyste sans intervention chirurgicale n’est jamais proposé dans notre pratique de la chirurgie de kyste hydatique pulmonaire, car nous considérons que cette technique est dangereuse et expose au risque de choc anaphylactique et de dissémination, avec impossibilité de l’extraction de la membrane hydatique et de la fermeture des fistules bronchiques [15].

 

La résection réglée ou traitement radical du kyste hydatique pulmonaire (segmentectomie, lobectomie ou pneumonectomie) est justifiée pour les raisons suivantes [3,5,6,10,16] :

  • Kyste hydatique énorme ou multiples kystes au sein du parenchyme et détruisant à plus de 50% le lobe ou le poumon adjacent.
  • Kyste hydatique avec grande poche de suppuration et inflammation pulmonaire sévère et persistante ou encore kyste hydatique de siège centrolobaire, ou proche du hile.
  • Complications liées au kyste hydatique : bronchiectasie, fibrose pulmonaire ou hémorragie sévère.

Cependant, selon certains auteurs [12,13,17], la grande souplesse du tissu pulmonaire chez l’enfant et surtout les possibilités de récupération du parenchyme pulmonaire endommagé après traitement incitent les chirurgiens à être très économes en matière d’hydatidose pulmonaire.

Le drainage postérieur et antérieur de la cavité pleurale libre assure une bonne réexpansion du parenchyme pulmonaire sous couverture d’une kinésithérapie postopératoire immédiatement commencée dès les premières heures qui suivent l’intervention chirurgicale.

Les complications postopératoires sont rarement graves, dominées par les atélectasies nécessitant une kinésithérapie respiratoire et un traitement antalgique efficace. Les autres complications tels les décollements pulmonaires, les bronchopneumopathies, les empyèmes et les cavités résiduelles source de greffe aspergillaire, de surinfection et d’hémoptysies sont rares et souvent évitées par un effacement progressif de la cavité et un bon capitonnage [15].

Kuzucu et al. [8] ont prouvé dans leur étude que les kystes hydatiques pulmonaires compliqués sont associés avec une morbidité postopératoire plus élevée que les kystes simples, avec une augmentation significative de la fréquence de décortication et de séjour d’hospitalisation (p<0,05).

Le taux de récidive après chirurgie conservatrice pour kyste hydatique pulmonaire est faible, témoignant de la fiabilité de ce procédé, cela a été appuyé par plusieurs études [3,5,6,8]. Dans la série de Doğan et al [3], sur 1055 kystes hydatiques pulmonaires traités chirurgicalement, seulement 8 cas ont eu une récidive dont 7 cas avaient un kyste hydatique compliqué avant chirurgie.

Le traitement médical repose sur les imidazolés (mébendazole ou albendazole) à la dose de 10 à 15 mg/kg par jour pendant une durée de 3 à 6 mois avec un contrôle régulier de la fonction hépatique. Ce traitement s’intègre dans la stratégie non chirurgicale et représente un complément thérapeutique avant et/ou après chirurgie. Les indications du traitement médical du kyste hydatique pulmonaire inclus [3,5,19,20] :

  • Les cas de contre-indication opératoire avec un taux de morbimortalité élevé ou refus de la chirurgie par le patient.
  • En présence d’hydatidose multiple au sein du même organe ou dans des organes différents anatomiquement inaccessibles à une chirurgie.
  • Pour prévenir une récidive après une intervention chirurgicale et ce d’autant plus impérativement qu’existent des facteurs de risque d’échinococcose secondaire ou de dissémination du liquide hydatique en peropératoire. 

Surveillance : un patient opéré pour kystes hydatiques du poumon doit être surveillé régulièrement, dans les suites immédiates ou à long terme [18]. Cette surveillance est fondée essentiellement sur la radiographie thoracique au rythme de 3 mois, 6 mois, 1 an, demandée essentiellement pour l’étude de la nature et l’état de la cavité résiduelle. La surveillance sérologique s’impose chaque fois qu’elle est possible [19]. Cette sérologie est faite 6 mois puis 1 an après le geste chirurgical. La TDM est réservée aux cas douteux de récidive et pour la surveillance des grandes cavités résiduelles.

 

6. Conclusion

La chirurgie reste le seul traitement efficace du kyste hydatique du poumon. La procédure chirurgicale peut être conservatrice ou radicale. La chirurgie conservatrice reste le traitement de choix dans la gestion du kyste hydatique pulmonaire. C’est une procédure simple, sûre, efficace, et qui permet, en plus, de préserver autant que possible le parenchyme pulmonaire fonctionnel. Cependant, la résection chirurgicale radicale reste réservée pour des patients bien sélectionnés avec des indications spécifiques.  La vidéothoracoscopie semble être une méthode fiable et prometteuse.

 

Références

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  2. Avaro JP, Djourno XB, Kabiri EH, Bonnet PM, Doddoli C, Thomas P. Traitement chirurgical des kystes hydatiques du poumon. Le traité EMC, Techniques chirurgicales-Thorax. Doi: 10.1016/S1241-8226(07)45704-8: 432-42
  3. Doğan R, Yüksel M, Cetin G, Süzer K, Alp M, Kaya S, Unlü M, Moldibi B. Surgical treatment of hydatid cysts of the lung: report on 1055 patients. Thorax 1989;44:192-199.
    https://doi.org/10.1136/thx.44.3.192
    PMid:2705149 PMCid:PMC461752
  4. Bisson A, Leroy M. Traitement chirurgical des kystes hydatiques pulmonaires. EMC Techniques chirurgicale-Thorax 1995;42:432.
  5. Kemal Salih O, Topcuoğlu MŞ, Çelik ŞK, Ulus T, Tokcan A. Surgical treatment of hydatid cysts of the lung: analysis of 405 patients. Canadian Journal of Surgery 1998;41(2):131-135.
  6. Aldahmashi M, Alassal M, Kasb I, Elrakhawy H. Conservative surgical management for pulmonary hydatid cyst: analysis and outcome of 148 cases. Canadian Respiratory Journal 2016:8473070.
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  7. Riquet M, Souilamas R. KHP : indications thérapeutiques. EMC Pneumologie 2000:6003.
  8. Kuzucu A, Soysal O, Ozgel M, Yologlu S. Complicated Hydatid Cysts of the Lung: Clinical and Therapeutic Issues. Ann Thorac Surg 2004;77:1200-4.
    https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2003.09.046
    PMid:15063234
  9. Sonmez K, Turkeyilmaz Z, Demirogullari B, et al. Hydatid cysts of thelung in childhood: is capitonage advantageous? Ann Thorac Cardiovasc Surg 2001;7:11-3.
  10. Dakak M. Surgical treatment for pulmonary hydatidosis (a review of 422 cases). J R Coll Surg Edinb 2002Oct;47(5):689-92.
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Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. 

Date de soumission : 01/10/2018. Acceptation : 07/02/2019. Pré-publication : 18/03/2019.