
Quelques médecins ou chirurgiens, parmi nous, font progresser définitivement et en peu de temps la prise en charge de maladies jusque-là non traitées, par une découverte thérapeutique ou une innovation chirurgicale. Ils marquent l’histoire de la médecine. Francis Fontan était de ceux-là.
Il fit des études médicales à la faculté de médecine de Bordeaux, puis de 1952 à 1962 un internat et un clinicat mixte médicochirurgical avec le professeur Pierre Broustet, qui créa le service universitaire de cardiologie, et le professeur Georges Dubourg, qui initia la chirurgie cardiaque à Bordeaux.
Le traitement chirurgical des malformations cardiaques congénitales simples était alors acquis mais les pathologies complexes, telles que l’atrésie tricuspidienne, y échappaient. Après une précoce étude autopsique chez un jeune homme, des expérimentations animales de dérivation cavopulmonaire partielle (déjà pratiquées par Bakoulev et Balankin en URSS et Glenn et Patino aux États-Unis), le professeur Fontan, encouragé par le professeur Broustet, réalisa en 1968 la première dérivation cavopulmonaire totale (DCPT) chez l’homme sur un cas d’atrésie tricuspidienne. Il publia avec le professeur Baudet les résultats des premiers cas de « l’Intervention de Fontan » en 1971 dans la revue internationale Thorax.
Par la suite, des patients lui furent adressés des cinq continents.
Il apporta des modifications techniques opératoires et établit avec le professeur Choussat les critères de sélection de cette intervention. Reprise par tous les services de chirurgie cardiaque pédiatrique, elle connut de nombreuses variations techniques et d’autres applications de DCPT réalisant toutes le by-pass du cœur droit définissant la « circulation de type Fontan ».
Francis Fontan fut ainsi l’un de ceux (avec Kirklin, Senning, Jatene et d’autres encore) qui bouleversèrent le devenir des jeunes patients atteints de malformations cardiaques congénitales complexes.
Il apporta aussi en chirurgie cardiaque adulte des avancées techniques dans les anévrismes du ventricule gauche et de la crosse aortique… Il développa la première banque française d’homogreffes.
Invité comme membre d’honneur dans de nombreux congrès nord-américains, il voulut et initia une société européenne et, avec quelques-uns, créa en 1986 l’European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS), dont il fut le premier président, et organisa le deuxième congrès à Bordeaux. C’est aujourd’hui la plus importante société mondiale de la spécialité.
Il participait récemment encore au fonctionnement de l’EACTS et avait le plaisir et l’honneur de remettre chaque année au congrès présidentiel de la société le Prix pour l’éducation Francis Fontan.
Chef du service de chirurgie cardiaque de Bordeaux de 1968 à 1992, il était très fier d’avoir formé ses élèves bordelais, français et étrangers qui lui sont restés très attachés. Il était un pédagogue exigeant et sévère, mais bienveillant et courtois. Il a marqué des générations de chirurgiens et de cardiologues. Après une vie très riche, Francis Fontan nous a quittés le 14 janvier à l’âge de 88 ans, entouré de son épouse, de ses trois enfants et ses six petits-enfants.