Simon Rouze1,2,3*, Bertrand de Latour1,2,3, Erwan Flécher1, Julien Guihaire1, Miguel Castro2,3, Romain Corre4, Pascal Haigon2,3, Jean-Philippe Verhoye1,2,3
1. Université de Rennes 1, LTSI, Rennes, France.
2. INSERM, U1099, Rennes, France.
3. Service de chirurgie cardiothoracique et cardiovasculaire, centre hospitalier universitaire de Rennes, France.
4: Service pneumologie, centre hospitalier universitaire de Rennes, France.
Correspondance : simon.rouze@chu-rennes.fr
Résumé
Introduction : le but de cette étude est d’évaluer la faisabilité de l’utilisation peropératoire du CBCT afin de développer une nouvelle procédure de localisation peropératoire de nodules pulmonaires en chirurgie vidéothoracoscopique.
Matériels et Méthodes : les patients inclus étaient âgés de plus de 18 ans. Ils devaient présenter des lésions pulmonaires uniques ou multiples d’une taille allant de 5 à 20 mm. Ces lésions étaient identifiées en préopératoire grâce à un scanner. La procédure, réalisée sous anesthésie générale, débutait par l’introduction des trocarts de chirurgie et la création d’un pneumothorax. Ensuite était réalisée une acquisition en CBCT. La segmentation était ensuite faite, permettant d’obtenir une reconstruction 3D de la lésion. Puis, grâce à la réalisation de scopie sur laquelle était projetée la segmentation en réalité augmentée, le nodule était localisé pendant la vidéothoracoscopie.
Résultats : de mars 2014 à mars 2015, 8 patients ont été inclus dans notre étude. L’âge moyen est de 61 ± 11,7 ans [37-74 ans]. La taille moyenne des lésions était de 13,2 ± 5,1 mm [5-20 mm] et leur profondeur moyenne par rapport à la plèvre de 21,4 ± 10,7 mm [5-36 mm]. La densité moyenne des lésions était de 77,3 ± 81,7HU [0-250 HU]. Quatre patients ont subi une résection de type wedge, 2 patients un wedge suivi d’une lobectomie, un patient un wedge du lobe supérieur associé à une lobectomie inférieure et un patient, une bilobectomie (après conversion en thoracotomie). Le temps opératoire moyen était de 100,6 ± 36,7 min [60-150 min]. Nous avons été capable de détecter tous les nodules et de réaliser la résection dans tous les cas grâce à la scopie en réalité augmentée. Le temps moyen de scopie était de 134,2 ± 55,0 s [24-204 s]. Le temps moyen entre l’incision cutanée et la localisation du nodule était de 11,8 ± 3,8 min [7-17 min].
Conclusion : à notre connaissance, ce travail est le premier décrivant l’application clinique de l’utilisation du CBCT en peropératoire en chirurgie thoracique. Une telle utilisation est faisable et semble représenter un outil efficace pour détecter et aider à la localisation de petits nodules pulmonaires en VATS. Associé à la réalité augmentée, cet outil offre une avancée significative pour la vidéothoracoscopie et la résection de nodules centimétriques non palpables.
Abstract
Localization of pulmonary nodules during VATS thanks to cone beam computed tomography – a preliminary study
Objective: To describe a non-invasive guidance procedure, using intraoperative cone beam computed tomography (CBCT) and augmented fluoroscopy to guide lung resection during video-assisted thoracic surgery (VATS).
Materials and methods: Patients with solitary or multiple lung nodules between 5 and 20 mm were included. Under general anesthesia, a moderate pneumothorax allowing the CBCT acquisition was first performed. Then a segmentation of the lesion was performed on a 3D reconstruction. A projection of this 3D reconstruction was then integrated into the digital workspace and automatically registered into the fluoroscopic images, creating an augmented fluoroscopy. The procedure was continued with classic video-thoracoscopic vision taking account of the augmented fluoroscopy to locate the targeted nodule.
Results: Eight patients were included (mean age 61 ± 11.7 years): seven patients had an isolated lesion and one patient had two lesions (mean size 13.2 ± 5.1 mm). Mean depth to the pleura was 21.4 ± 10.7 mm. Four patients underwent a wedge resection associated with lymph node resection. Two patients had an initial wedge resection followed by a complementary lobectomy associated with lymph node resection (primary lung tumor). One patient had a wedge resection in the upper lobe and a lobectomy of the inferior lobe associated with lymph node resection. One patient underwent a conversion and a bilobectomy due to vascular injury. Mean global operating time was 100.6 ± 36.7 min. All the nodules have been identified on the CBCT acquisitions. Segmentation of the lesion has been performed in all cases. We have been able to detect all the nodules and to successfully perform the resection in all cases thanks to the augmented fluoroscopy. The mean scopic time was 134.2 ± 55.0 s. The mean imaging time, between the incision and the final nodule localization, was 11.8 ± 3.8 min.
Conclusion: This paper is the first describing a clinical application of CBCT performed during thoracic surgery. Associated with augmented reality, it offers a significant advance to VATS resection of subpalpable lung nodules. This preliminary experience highlights the potential of the proposed CBCT approach to improve the perception of targeted small tumors during VATS.
1. INTRODUCTION
Avec le développement des programmes de dépistage du cancer bronchopulmonaire par le biais des scanners « low-dose » [1], le nombre de nodules pulmonaires d’histologie indéterminée est amené à croître de manière considérable [2]. Or, la vidéothoracoscopie (VATS) est un outil crucial dans l’obtention de l’histologie de ces lésions [3,4]. Les méthodes de guidage des nodules en VATS restent majoritairement préopératoires, invasives, nécessitant une imagerie tomodensitométrique (TDM) additionnelle, avec des taux de complications et de non-efficacité du dispositif de guidage non négligeables [5-7].
Parallèlement, le Cone Beam Computed Tomography (CBCT) est une modalité d’imagerie qui connaît un véritable essor (implantologie, chirurgie maxillofaciale, radiothérapie, procédures endovasculaires) [8-11]. Cette imagerie rayon X permet d’obtenir des images tridimensionnelles d’une qualité semblable au scanner en résolution spatiale et proche en résolution en contraste. Concernant les pathologies pulmonaires, le CBCT a été étudié en pneumologie interventionnelle, en radiothérapie et en radiologie [12-14]. L’irradiation induite par un CBCT thoracique est en outre moindre qu’un TDM thoracique conventionnel : respectivement 2,3 à 5 mSv versus 4 à 18 mSv [15,16].
Le but de cette étude est d’évaluer la faisabilité de l’utilisation peropératoire du CBCT afin de développer une nouvelle procédure de localisation peropératoire de nodules pulmonaires en chirurgie vidéothoracoscopique.
2. MATÉRIELS ET MÉTHODES
2.1. Critères d’inclusion
Les patients inclus dans ce protocole sont âgés de plus de 18 ans. Ils doivent présenter des lésions pulmonaires uniques ou multiples d’une taille allant de 5 à 20 mm. La nature de ces lésions peut être connue (lésion pulmonaire primitive, localisation secondaire d’un autre cancer) ou inconnue (chirurgie diagnostique associée ou non à une chirurgie thérapeutique). La distance par rapport à la plèvre de la lésion n’est pas un critère de sélection.
En préopératoire, l’identification de ces lésions est réalisée grâce à une TDM thoracique avec des coupes « parenchymateuses » fines (1,25 mm). Ils ont également bénéficié de la réalisation d’un TEP-scan 18 FDG, pour mettre en évidence une éventuelle activité hypermétabolique de la lésion à réséquer.
Les patients ont eu un bilan préopératoire conventionnel préalable à une chirurgie thoracique :
- radiographie pulmonaire de face ;
- explorations fonctionnelles respiratoires, avec notamment VEMS-CV ± DLCO ± VO2max ;
- bilans biologiques (NFS, ionogramme sanguin, bilan d’hémostase, groupe, Rhésus, RAI) ;
- électrocardiogramme ± échographie cardiaque ;
- fibroscopie bronchique ± biopsies bronchiques.
Si une histologie préopératoire a été obtenue, elle l’a été selon les modalités suivantes :
- biopsie transbronchique ;
- ponction transpariétale scannoguidée.
Les patients ont été informés de la réalisation de la procédure et ont signé un consentement éclairé.
2.2. Critères de non-inclusion
Les patients présentant les caractéristiques suivantes n’ont pas été inclus dans l’étude :
- réintervention (antécédent de chirurgie thoracique homolatérale) ;
- incapacité à réaliser ou obtenir une ventilation unipulmonaire lors de la chirurgie ;
- personne majeure faisant l’objet d’une protection légale (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle) ;
- personne privée de liberté.
2.3. Déroulement de la procédure
La figure 1 résume le déroulé complet de la procédure.

2.3.1. Installation
L’installation du patient lors des acquisitions se fait en conditions chirurgicales, c’est-à-dire en décubitus latéral [figure 2].
En chirurgie thoracique conventionnelle, l’installation en décubitus latéral est permise par :
- un appui sternal ;
- un appui fessier ;
- appui bras du côté du décubitus ;
- bras du côté opéré pendant.

Or, lors d’une acquisition DynaCT, l’ensemble des flans de la table opératoire doivent être libres, pour autoriser une rotation complète à 211° de l’amplificateur de brillance (C-arm). Aussi, l’ensemble des appuis a dû être supprimé. Pour permettre une stabilité du patient en décubitus latéral, un matelas « coquille » à dépression a été utilisé.
Le positionnement des bras a également été adapté : classiquement, le bras opposé à la lésion est en abduction à 90° sur un appui bras, et le bras homolatéral à la lésion est laissé pendant permettant une décoaptation des espaces intercostaux. Or, du fait de la rotation du C-arm autour de la table, une telle installation n’est pas réalisable. Toutefois, l’acquisition rotationnelle a été rendue possible grâce aux modifications suivantes :
- le bras opposé à la lésion est installé fléchi vers la tête, calé par une gouttière radiotransparente ;
- le bras homolatéral à la lésion est placé semi-pendant, reposant sur la table d’opération.
En outre, toujours en raison de l’acquisition rotationnelle, l’ensemble des éléments situés à la tête du patient doit être libre, posant une nouvelle fois des impératifs d’installation. Ainsi, les tubulures de perfusion, du cathéter péridural et les tuyaux du ventilateur mécanique sont regroupés et suspendus pour éviter tout conflit avec le C-arm. De même, les champs doivent être attachés au plus près de la table d’intervention, pour prévenir tout arrachage intempestif par le détecteur ou le tube du C-arm.
2.3.2. Acquisition CBCT
Les acquisitions de Cone Beam Computed Tomography sont obtenues grâce à la fonction DynaCT d’un C-arm conçue pour être utilisée en peropératoire : il s’agit de l’Artis Zeego System®, produit par la société Siemens Healthcare. Celui-ci dispose d’un capteur plan et d’une matrice de 2048 x 1538 éléments. Les paramètres de notre protocole DynaCT sont les suivants :
- incrément de l’angle de rotation : 0,5° ;
- matrice de 512 x 512 voxels ;
- 211° de trajectoire circulaire, durant 8 secondes ;
- une dose délivrée de 0,36 mGy par coupe en moyenne ;
- un total de 419 projections.
Les images ainsi acquises sont transférées sur une station de travail dédiée (MMWP station, Siemens Healthcare). Les images DynaCT sont reconstruites avec une épaisseur de 1 mm, dans les plans axial, coronal et sagittal [figure 3].

Les acquisitions sont réalisées patient anesthésié, installé, champs opératoires en place, dans des conditions d’asepsie complète. Avant l’acquisition, on procède comme suit :
- mise en place du premier trocart de vidéothoracoscopie sous contrôle de la vue permettant l’insertion du vidéothoracoscope ;
- exclusion du poumon par l’anesthésiste ;
- insufflation d’oxygène (débit entre 1 et 4 L/min) pour permettre un trapping du poumon. En effet, un collapsus trop important du poumon (une atélectasie complète) rend le parenchyme pulmonaire trop dense pour pouvoir le distinguer de la lésion à repérer ;
- l’acquisition rotationnelle est ensuite réalisée, poumon controlatéral non ventilé (le temps de l’acquisition seulement).
2.3.3. Procédure chirurgicale
Le matériel de vidéothoracoscopie utilisé est le suivant :
- optique Stryker 30°-10 mm (Stryker Corporate) ;
- caméra haute définition et colonne de vidéochirurgie Stryker (Stryker Corporate) ;
- instruments de vidéothoracoscopie dédiés Delacroix-Chevalier (particulièrement pinces à préhension fenêtrées) ;
- instruments de chirurgie conventionnels ;
- trocarts à usage unique 10 mm.
- bistouri électrique.
La procédure de VATS est réalisée par le biais de trois incisions cutanées permettant une triangulation. Chacune de ces incisions cutanées autorise la mise en place d’un trocart par lequel sont introduits les instruments de vidéochirurgie. Celles-ci doivent être éloignées d’un minimum de 80 mm pour prévenir le conflit entre les instruments.
Une fois la lésion localisée, celle-ci est réséquée au moyen d’un système d’agrafage automatique (Endo GIA®, Covidien Corporate).
Un examen extemporané sera alors réalisé. En fonction de ce dernier, un geste complémentaire sera réalisé ou non (curage ganglionnaire médiastinal ou lobectomie + curage ganglionnaire médiastinal).
2.3.4. Segmentation de la lésion et placement du repère
Une fois les images DynaCT obtenues, le nodule est identifié dans le parenchyme pulmonaire grâce aux reconstructions multiplanaires (MPR). Une fois ce repérage effectué, la lésion est segmentée au moyen d’une segmentation semi-automatique par croissance de région.
Enfin, nous utilisons la fonction syngo InSpace EP du logiciel dédié Siemens pour intègrer le volume segmenté au volume de travail.
2.3.5. Localisation peropératoire de la lésion en fluoroscopie et VATS
Une fois les trocarts en place, l’acquisition DynaCT, le repérage du nodule et la réalisation de sa segmentation réalisés, la procédure de localisation peut débuter. La lésion segmentée lors de l’étape précédente est localisée dans l’espace, en position absolue, par rapport à la table opératoire. Ainsi, lors d’une acquisition en fluoroscopie conventionnelle, la projection 2D de cette segmentation sera faite de manière automatique, sur l’écran de scopie, associant l’image de la fluoroscopie et l’image de DynaCT segmentée, en temps réel (fonction iPilot dynamic). En effet, les acquisitions CBCT (et donc la reconstruction du nodule) et le positionnement du C-arm (et donc les images de scopie) se font dans le même repère ; la fusion des 2 modalités d’image est donc faite de manière automatique.
Les instruments de vidéochirurgie, sous contrôle de la caméra endoscopique et sous contrôle fluoroscopique, sont alors introduits. Ils vont être positionnés sur la zone représentant la lésion segmentée, guidés par l’écran de fluoroscopie augmentée. En contrôlant également sur l’écran de vidéo, le parenchyme pulmonaire est alors délicatement saisi, en prenant une attention toute particulière à ne pas mobiliser le poumon. Une seconde acquisition fluoroscopique selon une incidence différente est alors réalisée pour positionner une seconde pince à préhension, permettant une localisation plus précise de la lésion pulmonaire (en gardant toujours un contrôle par l’écran de vidéochirurgie) [figure 4].

3. RÉSULTATS
3.1. Caractéristiques des patients
De mars 2014 à mars 2015, 8 patients ont été inclus dans notre étude. L’âge moyen est de 61 ± 11,7 ans [37-74 ans]. Sept patients avaient une lésion unique et un patient avait 2 lésions : une lésion devait être localisée pour bénéficier d’un wedge ; l’autre, plus grosse, non (lobectomie programmée dans un autre lobe). Deux patients ont subi la résection d’un nodule inférieur à 10 mm : l’un d’eux avait 2 lésions (patient cité ci-avant) et l’autre avait un antécédent de cancer expliquant notre attitude agressive (patient 1). La taille moyenne des lésions était de 13,2 ± 5,1 mm [5-20 mm] et leur profondeur moyenne par rapport à la plèvre de 21,4 ± 10,7 mm [5-36 mm]. La densité moyenne des lésions était de 77,3 ± 81,7 HU [0-250 HU]. Les caractéristiques des patients sont résumées dans le tableau 1.
Tableau 1. Caractéristiques préopératoires des patients.
Patient | Âge | IMC (kg/m2) | Localisation de la lésion | Taille (mm) | Densité moyenne (HU) | Distance à la plèvre (mm) |
1 | 64 | 36 | lobe supérieur droit | 8 | 0 | 18 |
2 | 37 | 23 | lobe inférieur gauche | 16 | 250 | 5 |
3 | 54 | 25 | lobe inférieur droit | 12 | 100 | 30 |
4 | 67 | 35 | lobe inférieur droit | 16 | 88 | 36 |
5 | 59 | 24 | lobe supérieur droit | 11 | 0 | 20 |
6 | 61 | 43 | lobe inférieur droit | 20 | 13 | 28 |
7 | 72 | 38 | lobe inférieur gauche | 18 | 90 | 26 |
8 | 74 | 34 | lobe supérieur gauche (+ lobe inférieur gauche : lésion plus grosse ; pas de localisation de cette lésion) |
5 | 77 | 8,6 |
IMC : indice de masse corporelle ; HU : Hounsfield Unit.
3.2. Geste chirurgical
Quatre patients ont subi une résection de type wedge associée à un curage ganglionnaire médiastinal. Deux patients ont eu un wedge suivi d’une lobectomie associée à un curage en raison de la nature de la tumeur à l’examen extemporané (adénocarcinome bronchique). Un patient a eu un wedge du lobe supérieur associé à une lobectomie inférieure et un curage ganglionnaire. Un patient, après la localisation peropératoire (lésion très profonde, proche de l’artère pulmonaire), devait subir une lobectomie. Mais du fait d’une plaie artérielle, il a subi une bilobectomie après conversion en thoracotomie. Le temps opératoire moyen était de 100,6 ± 36,7 min [60-150 min]. La nature anatomopathologique des lésions était un adénocarcinome bronchopulmonaire pour 2 patients, des métastases pour 4 patients, une tumeur carcinoïde typique pour un patient et une lésion fibreuse aspécifique pour le dernier. Toutes les résections étaient R0. Ces données figurent dans le tableau 2.
Tableau 2. Geste chirurgical.
Patient | Type de résection | Temps opératoire total (min) | Histologie de la lésion | Qualité de la résection |
1 | wedge + CG | 70 | Lésion fibreuse (bénigne) | NA |
2 | wedge + CG | 60 | Métastase de rhabdomyosarcome | R0 |
3 | wedge + CG | 70 | Métastase de cancer ORL | R0 |
4 | bilobectomie inférieure (plaie artérielle) | 150 | Métastase de cancer à cellule claire (rein) | R0 |
5 | LSD + CG | 100 | Adénocarcinome pulmonaire | R0 |
6 | wedge + CG | 80 | Tumeur carcinoïde | R0 |
7 | wedge suivi de LIG + curage ganglionnaire | 150 | Adénocarcinome pulmonaire | R0 |
8 | wedge lobe supérieur gauche + LIG +CG | 125 | Métastase de rhabdomyosarcome | R0 |
CG : curage ganglionnaire ; LSD : lobectomie supérieure droite ; LIG : lobectomie inférieure gauche.
3.3. Acquisition CBCT peropératoire
Pour les 8 patients, l’acquisition CBCT a été réalisée avec succès. Dans tous les cas, la lésion a pu être identifiée sur les images obtenues. Pour 2 patients, l’acquisition DynaCT a néanmoins due être répétée. Les raisons de cette répétition étaient les suivantes :
- pneumothorax trop important, entraînant un collapsus et une densification trop importante du parenchyme pulmonaire ; la distinction entre le nodule et le parenchyme sain était alors impossible ;
- reventilation inattendue du poumon exclu et mauvais cadrage du thorax.
L’estimation de l’irradiation induite par la procédure était de 4258 ± 2242 μGy.m2 [1232-8283 μGy.m2].
Plusieurs paramètres ont influé sur la qualité des images :
- la morphologie des patients : les patients minces avaient une meilleure résolution en contraste ;
- l’apnée : l’incapacité à réaliser une apnée lors de l’acquisition CBCT induit un flou cinétique important ;
- le trapping optimal du poumon avec un pneumothorax ni trop important ni trop faible.
La segmentation a été réalisée avec succès pour l’ensemble des patients.
3.4. Localisation peropératoire avec scopie en réalité augmentée
Nous avons été capable de détecter tous les nodules et de réaliser la résection dans tous les cas grâce à la scopie en réalité augmentée. Pour 5 patients, une seule incidence de scopie a permis de localiser de manière pertinente le nodule. Le temps moyen de scopie était de 134,2 ± 55,0 s [24-204 s]. Le temps moyen entre l’incision cutanée et la localisation du nodule était de 11,8 ± 3,8 min [7-17 min]. Les détails relatifs à l’imagerie sont présentés dans le tableau 3.
Tableau 3. Détails relatifs à l’imagerie.
Patient | Temps de scopie (sec) | Temps d’imagerie (min) | Estimation de la dose d’irradiation (μGym2) |
1 | 24 | 17 | 4695 |
2 | 174 | 11 | 1232 |
3 | 204 | 15 | 2932 |
4 | 126 | 9 | 5655 |
5 | 126 | 16 | 2468 |
6 | 150 | 8 | 8283 |
7 | 168 | 7 | 5559 |
8 | 102 | 11 | 3239 |
3.5. Suites opératoires
Tous les patients sont vivants et sont sortis de l’hôpital. La durée moyenne d’hospitalisation était de 6,0 ± 3,7 jours [4-15 j]. Un patient a présenté une pneumopathie postopératoire avec un bullage prolongé et un autre a présenté une AC/FA paroxystique après la procédure.
4. DISCUSSION
À ce jour et à notre connaissance, ce travail est le premier décrivant l’utilisation peropératoire du CBCT lors d’une chirurgie thoracique. Cette étude montre que le CBCT est un outil utilisable et pertinent pour la localisation peropératoire des nodules pulmonaires avec le concours de la réalité augmentée. En effet, nous avons montré que l’utilisation du CBCT peropératoire était faisable et permettait d’obtenir des images sur lesquelles sont identifiables les nodules pulmonaires. Ces résultats ont d’ailleurs déjà été démontrés en pneumologie interventionnelle, en radiothérapie, en radiologie, mais jamais lors d’une chirurgie thoracique [12-14,17]. Nos interventions chirurgicales étaient d’une durée conventionnelle, en incluant le temps d’acquisition CBCT et de localisation du nodule. Nous n’avons pas à déplorer de complications directement liées à la procédure de localisation ; un patient a en revanche dû subir une bilobectomie à la place d’une lobectomie à cause d’une plaie artérielle. De plus, l’irradiation additionnelle liée à la procédure est acceptable, représentant la moitié d’un scanner conventionnel.
En pneumologie interventionnelle, Hohenforst-Schmidt et al. ont utilisé une approche assez similaire à la nôtre [13]. Après l’acquisition CBCT, la lésion ciblée est localisée sur les images en reconstruction multiplanaire. L’arbre trachéobronchique est identifié et le trajet endobronchique optimal de l’endoscope jusqu’au nodule est projeté sur les images de scopie, en réalité augmentée. Ainsi, ces images de scopie en réalité augmentée et les images classiques du fibroscope sont utilisées en même temps. Les auteurs décrivent l’utilisation de la jet-ventilation comme moyen d’éviter le flou cinétique et d’optimiser la précision de la localisation lorsque les apnées ne sont pas possibles lors de la procédure.
En chirurgie thoracique, Ohtaka et al. ont associé la technologie CBCT à la VATS. Néanmoins, l’utilisation du CBCT est, en réalité, réalisée en préopératoire pour placer un hameçon ; de plus ils utilisent un O-arm et non un C-arm [17]. Plus important, on reprochera à ce travail un taux inquiétant de fistules bronchopulmonaires (3 fistules sur 10 cas rapportés). Dans le même ordre d’idées, d’autres travaux en chirurgie thoracique ont rapporté l’utilisation du CBCT, mais il s’agissait à chaque fois d’une utilisation avant l’initiation de la chirurgie pour mettre en place un marqueur [18-20]. En revanche, dans un travail préliminaire (expérimentation animale), Schafer et al. décrivent une approche similaire à la nôtre. Ils combinent l’acquisition CBCT, un recalage automatique, un système de guidage optique et de la réalité augmentée [21]. Ainsi, toutes les informations sont apparemment représentées sur l’écran de vidéothoracoscopie.
L’utilisation de l’échographie peropératoire à travers les orifices de trocart semble être une alternative très intéressante à notre méthode, technique notamment développée par l’équipe de Montréal [22]. Non invasive, non irradiante, d’une durée de moins de 10 minutes, utilisable en peropératoire, l’échographie peropératoire semble séduisante. Néanmoins, on peut tout de même s’interroger sur la courbe d’apprentissage décrite comme très courte selon les auteurs (quand on sait la dépendance à l’opérateur de l’échographie en générale). De même près de 60 % des nodules localisés étaient à moins d’un centimètre de la plèvre et 8 nodules faisaient plus de 20 mm de grand axe (un mesurait même 62 mm).
En dépit du fait qu’aucun patient avec des nodules en verre dépoli n’a été inclus dans cette étude pilote, l’utilisation du CBCT en peropératoire dans cette indication trouverait pourtant tout son intérêt [12,17]. Cependant, la densité du parenchyme pulmonaire sain est de – 900 HU, comparé à – 800 jusqu’à – 650 HU pour les nodules en verre dépoli. Bien que la différence de contraste en résolution du CBCT et du scanner conventionnel ne soit que de 5 HU, le pneumothorax et l’affaissement du poumon induisent sa densification. La densité du parenchyme sain et celle du nodule en verre dépoli tendraient donc à se confondre. Un système de recalage mériterait donc d’être développé.
En comparaison aux autres systèmes de localisation actuellement disponible, l’utilisation de notre système utilisant le CBCT et la réalité augmentée présente de réels avantages. Il s’agit d’une procédure courte, non invasive, pouvant être réalisée par le chirurgien en personne au bloc opératoire. Le bénéfice en terme organisationnel – quand on sait la difficulté d’organiser les ponctions préopératoires – est non négligeable.
Des limites sont néanmoins à opposer à ce travail. Tout d’abord nous sommes confrontés à une véritable méconnaissance des propriétés biomécaniques exactes du parenchyme pulmonaire : grande déformabilité en périphérie, rigidité près des régions hilaires et de l’arbre trachéobronchique. En outre, le poumon est un organe très mobile, plus « plastique » qu’« élastique », avec une vraie mémoire de forme lorsqu’il est non ventilé. De plus, nous réalisons une acquisition CBCT du poumon dans une certaine conformation (position, déflation). Dès lors que le poumon est mobilisé, cette acquisition CBCT n’est plus valide. Aucune solution simple n’existe à l’ensemble de ces difficultés. Une partie des réponses a été proposée par Uneri et al. [23]. Ils décrivent le comportement du poumon après création du pneumothorax à partir de CBCT réalisés en conditions chirurgicales. Néanmoins ce travail apporte une méthode de recalage extrêmement compliquée, dont l’application clinique est clairement limitée par la complexité du modèle mathématique utilisé.
De plus, notre approche innovante n’a été réalisée que sur 8 patients. En conséquence, ce travail n’établit pas la supériorité ni même la validité de notre système de localisation. Il met en évidence sa faisabilité et son applicabilité à la pratique clinique, avec des résultats préliminaires très encourageants. Des travaux complémentaires avec un plus grand nombre de patients sont indispensables.
Une autre limite de cette étude consiste dans le fait qu’elle a été réalisée dans une salle hybride. Ce type de salles n’est pas utilisé en pratique courante en chirurgie thoracique. En effet, ces salles sont présentes le plus souvent dans des centres de recherche et leur coût limite de manière importante l’applicabilité de ce travail. De plus, elles sont souvent dédiées aux équipes de cardiologie, radiologie, chirurgie cardiaque et vasculaire. Trouver des disponibilités additionnelles aux équipes de chirurgie thoracique n’est pas chose facile. Ces limites vont probablement disparaître avec le développement de C-arm équipés de CBCT, plus conventionnels et mobiles [21].
Cette étude pilote ouvre de nombreux axes de recherche. Au vu de ses limites, le développement d’un système de recalage semble opportun, reposant sur une étude des propriétés biomécaniques du poumon. Ceci sera appliqué aux problématiques du nodule en verre dépoli et à la mobilisation du poumon. Un autre champ de recherche serait de développer un outil projetant directement la réalité augmentée sur l’écran de vidéothoracoscopie sans avoir recours à la scopie mais utilisant des systèmes de localisation optiques ou magnétiques.
5. CONCLUSION
À notre connaissance, ce travail est le premier décrivant l’application clinique de l’utilisation du CBCT en peropératoire en chirurgie thoracique. Une telle utilisation est faisable et semble représenter un outil efficace pour détecter et aider à la localisation de petits nodules pulmonaires en VATS. Associé à la réalité augmentée, cet outil offre une avancée significative pour la vidéothoracoscopie et la résection de nodules centimétriques non palpables.
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Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.
Date de soumission : 29/09/2016. Acceptation : 07/11/2016.