Pansement à pression négative pour patients opérés de pontage coronaire Résultats d’une étude prospective monocentrique
Maud-Emmanuelle Olivier, Chadi Aludaat, Yohan Nguyen, Emmanuelle Durand, Li Liu, Annick Lefebvre, Paul Marticho, Yves Assad Saade, Sylvain Rubin, Vito Giovanni Ruggieri*
Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, centre hospitalier et universitaire Robert Debré, Reims, France.
* Correspondance : vgruggieri@chu-reims.fr
DOI : 10.24399/JCTCV22-4-OLI
Citation : Olivier ME, Audaat C, Nguyen Y, Durand E, Liu L, Lefebvre A, Marticho P, Saade YA, Rubin S, Ruggieri VG. Pansement à pression négative pour patients opérés de pontage coronaire Résultats d’une étude prospective monocentrique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-OLI
Résumé
Introduction : les infections du site opératoire représentent des complications majeures affectant les patients opérés de pontages aortocoronariens avec prélèvement bilatéral des artères mammaires internes. Nous présentons dans cette étude prospective monocentrique les résultats de l’utilisation d’un pansement préventif à pression négative chez des patients à haut risque infectieux opérés de pontages coronaires par double greffon mammaire.
Matériels et méthodes : entre janvier 2013 et décembre 2016, nous avons recueilli de façon prospective les données des patients opérés de pontages coronaires isolés avec prélèvement bilatéral des artères mammaires internes, réalisés dans notre service au CHU de Reims avec (n=161) ou sans (n=266) utilisation postopératoire du pansement préventif à pression négative (Prevena,Kinetic Concepts, Inc., San Antonio, Texas, États-Unis). Un groupe avec Prevena et un groupe contrôle ont été appareillés pour réaliser les analyses.
Résultats : deux groupes appariés composés de 128 patients chacun aux caractéristiques comparables ont été obtenus. Les résultats concernant les infections de cicatrice de sternotomie étant répartis de façon similaire entre le groupe ayant un pansement conventionnel (10,9%) et celui ayant un pansement préventif à pression négative (10,2%) (p=1,00). Les patients traités avec ce pansement préventif montraient une tendance avec un taux d’infection du site opératoire (superficielle ou médiastinite) plus bas que ceux traités avec un pansement conventionnel (5,5% versus 10,2%, p=0,210), cette différence n’était pas statistiquement significative. Les tests d’interaction montraient des résultats comparables pour tout type d’infections du site opératoire, parmi les patients avec et sans comorbidité significative.
Conclusion : les résultats de cette étude suggèrent que l’utilisation systématique de ces pansements préventifs à pression négative ne diminuerait pas le risque d’infection de cicatrice chez les patients ayant bénéficié d’un prélèvement bilatéral d’artères mammaires internes pour pontages coronariens. Une plus large étude randomisée serait nécessaire pour évaluer l’efficacité de l’utilisation du pansement préventif à pression négative chez les patients ayant bénéficié d’une chirurgie cardiaque de pontages coronaires à haut risque infectieux.
1. Introduction
Les infections du site opératoire (ISO) sont une des plus sévères complications de la chirurgie cardiaque, encore de nos jours. En particulier, les ISO sont le talon d’Achille des pontages aortocoronariens (PAC) avec prélèvement bilatéral des artères mammaires internes (BAMI) [1], probablement dû à la diminution significative de la vascularisation sternale en lien avec le prélèvement BAMI [2]. Bien que le prélèvement BAMI puisse améliorer le résultat à long terme après le PAC [3], la crainte d’une ISO est l’une des raisons qui empêchent l’utilisation généralisée de cette stratégie de revascularisation [4]. Ainsi un certain nombre de stratégies pré, intra et postopératoires sont connues pour potentiellement réduire le risque d’ISO [5]. Récemment, un pansement préventif à pression négative (INPWT) pour la cicatrice sternale fermée a été mis au point afin de réduire le risque d’ISO avec des résultats encourageants [6, figure 1]. Le mécanisme derrière l’efficacité potentielle de l’INPWT est l’élimination des fluides et des matériaux infectieux de l’incision chirurgicale. Dans cette étude, nous avons évalué l’efficacité de cette méthode pour prévenir les complications de la plaie sternale chez les patients bénéficiant d’un prélèvement BAMI.
[caption id="attachment_4198" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Dispositif Prevena (http://fr.kci-medical.ch/CH-FRE/prevena).[/caption]
[caption id="attachment_4199" align="aligncenter" width="226"] Figure 2. Pansement Prevena en aspiration sur une cicatrice sternale (www.en.auh.dk/departments/department-of-plastic-and-brest-surgery).[/caption]
2. Méthodes
Quatre cent vingt-sept patients ont bénéficié d’un pontage aortocoronarien isolé en utilisant le prélèvement BAMI au CHU de Reims, France, d’avril 2013 à décembre 2016. Les données sur les caractéristiques de base, les variables opératoires et les résultats de ces patients ont été collectés prospectivement grâce à une fiche technique dédiée. Les patients qui ont subi un pontage coronarien en utilisant une seule artère mammaire interne ou toute procédure cardiaque majeure associée ont été exclus de cette étude.
La prophylaxie antibiotique consistait, suivant les recommandations de la SFAR, en l’administration de céfazoline 1,5 g avant l’induction de l’anesthésie, suivie de 750 mg toutes les 2 heures en peropératoire. Après l’intervention chirurgicale, 750 mg de céfazoline ont été administrés toutes les 6 heures pendant 48 heures.
Le site d’incision chirurgicale a été désinfecté immédiatement avant la chirurgie avec de la povidone-iode à 7,5% (gommage chirurgical Betadine, Meda Pharma, Paris, France) 4 fois suivi d’un lavage à la povidone-iode 10% une fois (Betadine Dermique, Meda Pharma, Paris, France) comme recommandé par la HAS.
Les prélèvements BAMI étaient réalisés de façon à obtenir des greffons pédiculés intacts. La sternotomie a été fermée avec 7 cerclages métalliques simples. La couche sous-cutanée a été fermée avec Vicryl 1-0 ou 2-0 (Ethicon SAS, Issy-les-Moulineaux, France) et la peau par voie intracutanée avec Monocryl 4-0 (Ethicon SAS, Issy-les-Moulineaux, France).
La glycémie était précautionneusement surveillée et un traitement par insuline par voie intraveineuse était systématiquement administré chez les diabétiques après la chirurgie.
Pendant la période d’étude, un pansement préventif à pression négative sur incision fermée (PrevenaTM, Kinetic Concepts, Inc., San Antonio, Texas, États-Unis) a été utilisé sur la plaie sternale chez 161 patients. Les patients restants ont été pris en charge avec un pansement stérile classique. La décision d’utiliser le INPWT était basée sur le choix du chirurgien individuel. La prévalence de l’utilisation de ce pansement à pression négative était de 9,1% en 2013, de 24,1% en 2014, de 51,7% en 2015 et de 42,9% en 2016 (p <0,001).
Dans la cohorte INPWT, ce pansement était mis en place immédiatement après la fermeture de la peau sur la cicatrice de sternotomie, dans des conditions stériles en salle d’opération. La pompe d’aspiration y a été connectée et une pression négative de -125 mmHg a été appliquée. Ce pansement en mousse était retiré après 5 ou 7 jours sous surveillance médicale. Dans la cohorte témoin, un pansement conventionnel a été utilisé (Tegaderm, 3M, St. Paul, Minnesota, États-Unis). Le premier pansement a été changé le deuxième jour postopératoire puis renouvelé suivant l’inspection de la plaie sternale tous les 2 jours.
Le critère principal de cette étude était la survenue d’une ISO de toute gravité, ainsi qu’une ISO superficielle, une ISO profonde ou médiastinite. Le diagnostic et la sévérité de l’ISO ont été définis et classés selon la classification des infections du site opératoire du Centers for Disease Control and Prevention [7]. Les résultats secondaires de cette étude étaient le décès intrahospitalier, la durée du séjour à l’hôpital, la durée du séjour en unité de soins intensifs, la dialyse, le ballon de contre-pulsion intra-aortique postopératoire, la transfusion sanguine et la reprise opératoire pour hémorragie.
Cette étude a été approuvée par le Comité d’éthique de cette institution. L’étude n’a pas été financée.
2.1. Analyses statistiques
L’analyse statistique a été effectuée en utilisant le logiciel statistique SAS, version 9.2 (SAS Institute Inc, Cary, Caroline du Nord, États-Unis) et le logiciel statistique SPSS v. 24.0 (IBM Corporation, New York, États-Unis). Aucune tentative de remplacement des valeurs manquantes n’a été effectuée. Le test-U de Mann-Whitney, le test de Fisher et les tests Chi2 ont été utilisés pour l’analyse univariée dans la population non appariée. Un appariement par score de propension a été utilisé pour sélectionner 2 groupes de patients, subissant un traitement INPWT ou un pansement stérile conventionnel, respectivement avec des caractéristiques de base similaires. Le score de propension a été estimé en utilisant un modèle de régression logistique non parcimonieux comprenant les covariables suivantes : âge, sexe, indice de masse corporelle, maladie pulmonaire, diabète, chirurgie cardiaque antérieure, fraction d’éjection ventriculaire gauche, EuroSCORE II [8] et STS [9].
Un appariement de score de propension un à un a été effectué en utilisant la méthode du nearest neighbour et un logit score de propension avec un écart type de 0,2. Pour évaluer l’équilibre entre les groupes appariés, nous avons utilisé le t-test sur les échantillons appariés pour les variables continues, le test de McNemar pour les variables dichotomiques et l’analyse des différences normalisées après l’appariement. Le déséquilibre entre les cohortes d’étude était acceptable lorsque la différence normalisée était inférieure à 10%. Afin de mettre en évidence des relations d’interaction avec d’autres facteurs de risque, des tests d’interaction ont été réalisés. Ces derniers l’ont été par des sous-groupes avec des comorbidités pertinentes, que ce soit pour toute ISO ainsi que pour une ISO superficielle, profonde ou médiastinite. Tous les tests étaient bilatéraux et p<0,05 était considéré comme statistiquement significatif.
3. Résultats
Les caractéristiques des patients et les variables opératoires sont résumées dans le tableau 1.
Dans cette série, 38 patients ont présenté une ISO (8,9%). Soit une ISO superficielle a été observée chez 11 patients (2,6%) et une ISO profonde ou médiastinite chez 27 patients (6,3% ; médiastinite chez 19 patients, 4,4%). La croissance de la culture était positive dans tous les cas [tableau 2], mais un patient n’avait que des manifestations de signes cliniques d’ISO superficielle.
Tableau 1. Caractéristiques de base dans la série globale et les scores de propension avec les paires appariées.
Série globale
Score de propension avec paires appariées
Caractéristiques de base
Pansement conventionnel
n=266
INPWT n=161
P-value
Différences standardisées (%)
Pansement conventionnel
n=128
INPWT n=128
P-value
Différences standardisées (%)
Âge (ans)
66,3±10,0
67,6±8,7
0,162
0,138
67,8±9,0
67,2±8,4
0,606
0,067
Femmes
28 (10,5)
26 (16.2)
0,090
0,166
23 (18,0)
20 (15,6)
0,590
0,063
IMC (kg/m2)
27,7±4,0
29,5±5,4
<0,001
0,399
28,9±4,4
29,1±4,9
0,660
0,044
Diabète traité
73 (27,4)
106 (65,8)
<0,001
0,832
73 (57,0)
73 (57,0)
1,000
0,000
Pathologie pulmonaire
35 (13,2)
31 (19,3)
0,091
0,166
21 (16,4)
22 (17,2)
0,853
0,021
Urgence chirurgicale
1 (0,4)
0
0,436
0,087
0
0
-
0,000
FEVG
0,929
0,764
0,313
0,842
30-50%
78 (29,3)
45 (27,9)
46 (35,9)
34 (26,5)
<30%
16 (6,0)
9 (5,6)
7 (5,4)
8 (6,3)
No. anastomoses distales
2,8±0,7
2,9±0,8
0,297
0,106
2,7±0,6
2,9±0,8
0,112
0,209
DCA (min)
62,4±20,7
62,6±21,8
0,938
0,008
61,9±19,0
62,9±21,5
0,617
0,052
CEC (min)
95,0±26,5
94,9±21,8
0,938
0,003
92,3±22,8
96,1±30,6
0,278
0,142
STS score (%)
1,4±1,1
1,4±1,2
0,794
0,026
1,5±1,2
1,4±1,2
0,617
0,061
EuroSCORE II (%)
2,9±1,4
3,2±1,3
0,013
0,247
3,2±1,4
3,1±1,4
0,736
0,042
Les variables continues sont rapportées en moyenne et écart type. Les variables nominales sont exprimées en nombre et en pourcentage (entre parenthèses). INPWT: Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; IMC : indice de masse corporelle ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; DCA : durée de clampage aortique ; CEC : durée de circulation extracorporelle.
Tableau 2. Résultats des cultures bactériennes chez 38 patients avec infection du site opératoire post-sternotomie.
Souches bactériennes
No
Staphylococcus aureus
11
Staphylococcus epidermidis
9
Staphyloccus coag. neg.
9
Escherichia coli
4
Serratia marcescens
2
Propionibacterium acnes
2
Staphylococcus schleiferi
1
Proteus mirabilis
1
Morganella morganii
1
Klebsiella pneumoniae
1
Enterobacter cloacae
1
Enterobacter aerogenes
1
Achromobacter
1
Gram positive bacteria
1
Culture stérile
1
Plus d’une souche bactérienne a été observée chez 7 patients.
Concernant la prise en charge des patients, ceux présentant une ISO superficielle ont bénéficié d’une antibiothérapie adaptée de courte durée et d’une surveillance associée à des soins réguliers de cicatrice. Ceux présentant une ISO profonde ou médiastinite ont été traités par une antibiothérapie adaptée de longue durée et intraveineuse ainsi qu’une reprise au bloc opératoire pour mise à plat, parage et nettoyage.
Dans la série globale, aucune différence significative n’a été observée entre ces cohortes, que ce soit en termes de résultats primaires ou secondaires [tableau 3].
Tableau 3. Résultats.
Série globale
Score de propension avec paires appariées
Résultats
Pansement conventionnel
n=266
INPWT
n=161
P-value
Pansement conventionnel
n=128
INPWT n=128
P-value
Tout type d’ISO
21 (7,9)
17 (10,6)
0,349
14 (10,9)
13 (10,2)
1,000
ISO superficielle
4 (1,5)
7 (4,3)
0,111
1 (0,8)
6 (4,7)
0,063
ISO profonde
5 (1,9)
3 (1,9)
1,000
3 (2,3)
2 (1,6)
1,000
Médiastinites
12 (4,5)
7 (4,3)
0,937
10 (7,8)
5 (3,9)
0,302
ISO profonde ou médiastinite
17 (6,4)
10 (6,2)
0,941
13 (10,2)
7 (5,5)
0,134
Dialyse
6 (2,3)
4 (2,5)
1,000
4 (3,1)
4 (3,1)
1,000
BCPIA
11 (4,1)
2 (1,2)
0,144
4 (3,1)
1 (0,8)
0,180
Reprise pour saignement
4 (1,5)
3 (1,9)
0,777
2 (1,6)
2 (1,6)
1,000
Transfusion sanguine
161 (60,5)
102 (63,49)
0,560
83 (64,8)
82 (64,1)
0,901
Aucune transfusion CGR
1,9±2,0
2,2±2,3
0,236
2,1±2,3
2.1±2,3
0,937
Durée USI (jours)
4,7±3,0
6,0±6,0
0,004
4,9±3,4
5.9±6,0
0,092
Durée d’hospitalisation totale (jours)
12,0±9,0
13,8±11,5
0,016
13,1±10,8
13,6±11,0
0,718
Mort intrahospitalière
7 (2,6)
3 (1,9)
0,749
7 (5,5)
3 (2,3)
0,157
Les variables continues sont rapportées en moyenne et écart type. Les variables nominales sont exprimées en nombre et en pourcentage (entre parenthèses). INPWT: Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; ISO : infection du site opératoire ; BCPIA : ballon de contre-pulsion intra-aortique ; CGR : culot de globules rouges ; USI : unité de soins intensifs.
Malgré l’absence de différences significatives, on a pu observer quelques tendances en nombre absolu, comme une diminution du nombre d’ISO (tout type confondu) dans le groupe INPWT (pansement conventionnel : 21 vs INPWT : 17, p=0,349). Le nombre d’ISO profonde ou médiastinite a été diminué dans le groupe INPWT (soit 10 vs 17, p=0,941). Enfin la mortalité intrahospitalière est augmentée dans le groupe conventionnel comparé au groupe INPWT (7 vs 3, p=0,749). Cependant le nombre d’ISO superficielle a augmenté dans le groupe INPWT comparé au groupe pansement conventionnel (7 vs 4, p=0,111). Et la durée d’hospitalisation totale est augmentée dans le groupe INPWT (13,8±11,5 vs 12,0±9,0, p=0,016).
Sur la durée de l’étude aucun patient ayant présenté une ISO superficielle ou profonde ou médiastinite n’a récidivé, ni nécessité de multiples reprises au bloc opératoire. Aucune mortalité directe n’a pu être mise en évidence non plus. Cependant une morbidité existe avec une prolongation de la durée d’hospitalisation, les effets secondaires des médicaments (antibiothérapie) et l’impact psychologique non négligeable pour le patient.
L’appariement des scores de propension a abouti à 128 paires avec des caractéristiques de base similaires. Cependant la fraction d’éjection ventriculaire gauche était plus faible parmi la cohorte de pansements stériles conventionnels. Les scores EuroSCORE II et STS étaient similaires entre les cohortes de l’étude, comme indiqué par des différences standard <10%.
Le test de McNemar n’a pas montré de différences concernant les ISO tout type confondu (pansements conventionnels : 10,9% vs INPWT : 10,2%, p=1,00), ainsi que pour la répartition entre les différents type d’ISO et les cohortes conventionnelles ou INPWT [tableau 3]. Les patients traités par INPWT ont présenté moins d’ISO profonde ou médiastinite que les patients du groupe contrôle (5,5% vs 10,2%, p=0,210). Mais la différence n’était pas statistiquement significative. Cette fois encore, on a pu observer que le nombre d’ISO superficielle augmente dans le groupe INPWT comparé au groupe pansement conventionnel (6 vs 1, p=0,063).
Enfin les tests d’interaction ont montré que ces résultats étaient cohérents pour toutes ISO ainsi que pour une ISO profonde ou médiastinite chez les patients avec et sans comorbidités significatives [tableaux 4 et 5]. Contrairement à ce que l’on pouvait supposer ni le sexe (homme OR : 0,34 vs femme OR : 2,96, p=0,934), ni le diabète (non diabétique OR : 0,33 vs diabétique OR : 3,08, p=0,684), ni des troubles respiratoires type BPCO (non BPCO OR : 0,44 vs BPCO OR : 2,28, p=0,669) ou l’indice de masse corporel (IMC<30 OR : 0,87 vs IMC>30 OR : 1,15, p=0,177) n’ont d’effet sur le risque d’ISO tous types confondus.
Aucune différence n’a été observée dans les autres résultats entre les cohortes de l’étude [tableau 3].
Tableau 4. Infections du site opératoire et tests d’interaction par sous-groupes.
OR
95% IC
INPWT vs. Pansement conventionnel
1,00
0,42
2,38
Interaction
OR
95% IC
Chi 2
p-value
Homme
0,34
0,10
1,13
0,17
0,934
Femme
2,96
0,89
9,87
Âge <70 ans
0,55
0,18
1,68
0,72
0,665
Âge ≥70 ans
1,83
0,60
5,63
Pas diabétique
0,33
0,09
1,23
0,04
0,684
Diabète
3,08
0,81
11,61
Non pathologie pulmonaire
0,44
0,12
1,56
0,60
0,669
Pathologie pulmonaire
2,28
0,64
8,12
FEVG >50%
0,35
0,11
1,11
0,11
0,932
FEVG ≤50%
2,86
0,90
9,10
Indice de masse corporelle <30
0,87
0,28
2,67
0,20
0.177
Indice de masse corporelle ≥30
1,15
0,37
3,54
INPWT : Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; OR : odds ratio ; IC : intervalle de confiance ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche.
Tableau 5. Infections du site opératoire profondes ou médiastinites et tests d’interaction par sous-groupes.
OR
95% IC
INPWT vs pansement conventionnel
0.23
0,8
1,51
Interaction
OR
95% IC
Chi 2
p-value
Homme
0,40
0,07
2,34
0,10
0,719
Femme
3,36
0,99
11,47
Âge <70 ans
0,49
0,14
1,45
0,20
0,922
Âge ≥70 ans
2,23
0,69
7,25
Non diabétique
0,36
0,10
1,39
0,06
0,662
Diabète
2,75
0,72
10,52
Pas pathologie pulmonaire
0,39
0,11
1,41
0,08
0,663
Pathologie pulmonaire
2,56
0,71
9,27
FEVG >50%
0,40
0,12
1,31
0,03
0,432
FEVG ≤50%
2,49
0,77
8,09
Indice de masse corporelle <30
1,07
0,33
3,46
0,43
0,456
Indice de masse corporelle ≥30
0,94
0,29
3,05
INPWT : Incisional Negative Pressure Wound Therapy ; OR : odds ratio ; IC : intervalle de confiance ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche.
4. Discussion
Les présents résultats ont montré que l’utilisation de l’INPWT ne réduit pas de manière significative le risque d’ISO chez les patients bénéficiant d’un pontage avec l’utilisation de prélèvements BAMI. Ces résultats sont cliniquement pertinents, car ces patients présentent un risque majeur de complications de la cicatrice sternale, ce qui empêche l’utilisation généralisée de prélèvements BAMI. Malgré les premiers rapports encourageants d’Atkins et al. [10] et Colli et Camara [11], nous n’avons pas été en mesure d’observer un bénéfice significatif avec l’utilisation de ce nouveau traitement prophylactique des cicatrices.
La prolongation de la durée d’hospitalisation qui a pu être observée dans le groupe INPWT peut probablement être due aux multiples facteurs de risque présentés par cette population (diabète non équilibré en postopératoire, trouble respiratoire en lien avec une BPCO ou surpoids) demandant une attention particulière de l’équipe et souvent une surveillance prolongée. La nécessité de garder le pansement type INPWT pendant 7 jours a aussi prolongé la durée d’hospitalisation totale. Et on observe une augmentation du nombre absolu d’ISO superficielle dans le groupe INPWT. La surveillance accrue de ses patients et les facteurs de risque présentés par les patients peuvent avoir biaisé le diagnostic en surévaluant ce dernier.
Mais contrairement à ce que l’on pouvait s’attendre, aucun facteur d’interaction n’est mis en évidence (diabète, BPCO, IMC…).
Un autre biais est à noter dans cette population. Les artères mammaires internes étaient prélevées suivant les habitudes du chirurgien. Ainsi la grande majorité n’étaient pas squelettisées.
L’analyse de l’interaction a montré que le bénéfice d’INPWT n’était pas évident même dans les sous-groupes de patients présentant des comorbidités cliniquement pertinentes. Des études comparatives antérieures de Grauhan et ses collègues [13,14] ont montré une diminution du risque d’ISO, après une chirurgie cardiaque chez l’adulte. Cependant, l’une de ces études manquait de données de base sur ces patients et l’analyse comparative n’a pas été ajustée pour les covariables de base et les covariables opératoires [13]. Une autre étude incluant des patients obèses a montré que le risque de ISO était significativement plus faible après INPWT, comparé au pansement conventionnel stérile (4% vs 16%, p=0,03) [14].
L’étude actuelle a montré que l’INPWT était associé à un nombre absolu inférieur d’ISO sévères, c’est-à-dire d’ISO profondes et médiastinites, comparé au pansement stérile conventionnel des cicatrices sternales. Bien que cette différence n’ait pas atteint la signification statistique, cette observation suggère que d’autres études avec une taille d’échantillon adéquate sont nécessaires pour obtenir des résultats concluants sur l’efficacité potentielle de l’INPWT chez les patients adultes subissant une chirurgie cardiaque. En fait, afin de détecter une réduction de 50% du risque d’ISO profonde ou médiastinite, la taille estimée de l’échantillon pour l’étude cas témoin appariée serait de 255 patients dans chaque cohorte (estimation basée sur le taux observé dans le groupe témoin de 10%, alpha : 0,05, puissance : 0,80). Par conséquent, l’analyse post-hoc suggère que la présente analyse est clairement insuffisante pour détecter une réduction de risque aussi importante. Cependant, la randomisation à INPWT et le traitement conventionnel des plaies stériles de 510 patients subissant un prélèvement BAMI est irréaliste. Une population d’étude encore plus grande serait nécessaire pour démontrer une diminution significative du risque d’ISO profonde avec INPWT, quand un taux groupé de 2,4% de cette complication [12] est pris en considération. Autre fait important, une analyse des coûts est également nécessaire pour estimer le fardeau économique d’un grand nombre de patients devant être traités pour prévenir une infection du site opératoire.
Dans ce contexte, le nombre limité et la qualité sous-optimale des études, évaluant l’INPWT dans la chirurgie cardiaque adulte, empêchent des résultats concluants. Cependant, les avantages potentiels de l’INPWT pourraient être extrapolés à partir des résultats d’études randomisées dans d’autres domaines de la chirurgie. Deux études randomisées récentes ont montré un avantage significatif de l’utilisation de l’INPWT après laparotomie [15,16]. Néanmoins, un essai randomisé beaucoup plus large par Shen et al. [17] n’a montré aucun avantage avec l’utilisation de l’INPWT chez les patients subissant une chirurgie abdominale. De plus, l’INPWT n’a pas réussi à réduire le risque d’infection du site opératoire dans d’autres études randomisées concernant différents contextes chirurgicaux [18,19]. Ces résultats suggèrent que la valeur de l’INPWT après la chirurgie est encore controversée et son utilisation systématique ne peut pas être recommandée, jusqu’à ce que des essais correctement réalisés aient démontré son efficacité dans la réduction des complications chirurgicales chez les patients bénéficiant d’une chirurgie cardiaque adulte. Des analyses groupées de séries de cas témoins appariés pourraient également être utiles pour mieux évaluer l’efficacité de l’INPWT chez ces patients.
La nature non randomisée est une limitation majeure de cette étude. Cependant, le recueil de données était prospectif. Les données sur les ISO, les résultats de culture bactérienne, ainsi que le traitement médical et chirurgical de ces patients ont été détaillés selon des critères préfixés. De plus, cette étude n’est pas suffisamment puissante pour détecter une réduction de 50% du risque en fonction de la proportion d’ISO observée dans la cohorte conventionnelle de pansements stériles.
5. Conclusion
Les résultats de cette étude suggèrent que l’utilisation systématique de ces pansements à pression négative peut ne pas réduire de manière significative le risque d’ISO, chez les patients subissant un pontage coronaire avec l’utilisation de greffons BAMI. Au vu des rapports précédents, montrant des avantages significatifs avec l’utilisation de cette méthode, on peut se demander si la puissance de cette étude était suffisante pour un événement rare. Une grande étude randomisée est justifiée pour évaluer définitivement l’efficacité de l’INPWT chez les patients adultes bénéficiant d’une chirurgie cardiaque. Des analyses groupées de séries de cas témoins appariés de bonne qualité peuvent également être utiles pour évaluer l’efficacité de l’INPWT chez ces patients et évaluer d’autres facteurs d’interaction (comme la dénutrition…). Cette étude est donc très encourageante et nous incite à poursuivre.
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Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.
Date de soumission : 20/04/2018. Acceptation : 20/11/2018.
décembre 3, 2018