Chirurgie cardiaque · Vol. 21 Mars 2017

Résultats de la plastie mitrale dans la pathologie rhumatismale

Abderrahmane Bakkali*, Imad Jaabari, Aziz Belkhadir, Mohamed Laaroussi   Service de chirurgie cardiovasculaire A, hôpital Ibn Sina, Rabat, Maroc. Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, université Mohamed V Souissi, Rabat, Maroc. * Correspondance : drbakkaliabd@yahoo.fr DOI : 10.24399/JCTCV21-1-BAK Citation : Bakkali A., Jaabari I., Belkhadir A. Laaroussi M., Résultats de la plastie mitrale dans la pathologie rhumatismale. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(1). doi: 10.24399/JCTCV21-1-BAK Résumé Objectif : Étudier les résultats précoces et tardifs de la plastie mitrale dans la pathologie rhumatismale. Matériel et méthodes : Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique portant sur 164 patients, tous porteurs de valvulopathies mitrales rhumatismales et ayant bénéficié d’une plastie mitrale sur une période allant de 1996 à 2005. Résultats : L’âge moyen était de 30,9 ± 13,8 ans avec une nette prédominance féminine. Cent trente et un patients (79,9 %) étaient en stade III ou IV de la NYHA. Quatre-vingt-treize (56,7 %) présentaient une arythmie complète par fibrillation auriculaire. La fraction d’éjection moyenne était de 58,5 ± 9,4 %. Tous les malades ont bénéficié d’une annuloplastie mitrale. Cent vingt et une commissurotomies à cœur ouvert, ainsi que 3 résections quadrangulaires de la petite valve et 74 gestes sur les cordages et les muscles papillaires ont été réalisés. Les autres gestes associés ont été : 44 annuloplasties tricuspides, 12 autres gestes sur la valve tricuspide (élargissement par patch et commissurotomie), 38 remplacements valvulaires aortiques et 16 réductions de l’oreillette gauche. La mortalité hospitalière est de 2,4 %. La morbidité était marquée par un taux de réinterventions de 2,4 %, une hémolyse transitoire dans 9 cas, un BAV transitoire dans deux cas et une médiastinite dans un seul cas. Cent trente-sept patients (83,5 %) ont été revus avec un recul d'une durée moyenne de 54 mois (1 à 113 mois). La survie globale à 9 ans était de 94,1 %. Quatre-vingt-dix-sept patients (70,8 %) ont retrouvé le stade I de la NYHA, 50,3 % présentaient une fuite mitrale minime, 13,1 % présentaient une fuite mitrale grade II et seuls 19,2 présentaient une sténose modérée. Conclusion : Les résultats précoces et tardifs de la plastie mitrale, dans la pathologie rhumatismale, semblent satisfaisants malgré le caractère évolutif de cette maladie.   Abstract Results of mitral valve repair in rheumatic disease Objective: This study aims to assess the early and long-term results of mitral valve repair in rheumatic disease. Patients and Methods: This is a retrospective study about 164 patients who underwent mitral valve repair for rheumatic mitral disease over the period from 1996 to 2005. Results: The mean age was 30.9 ± 13.8 years with female predominance. The preoperative New York Heart Association (NYHA) functional classes were III–IV in 131 cases (79.9%). Ninety-three (56.7%) were in atrial fibrillation. The mean ejection fraction was 58.5 ± 9.4%. All patients underwent mitral annuloplasty. Reparative procedures included commissurotomy (n = 121), reparation of subvalvular apparatus (n = 74) and cusp resection (n = 3). Associated procedures included tricuspid annuloplasty (n = 44), aortic valve replacement (n = 38), reduction of the left atrium (n =16) and extension of the anterior tricuspid valve with pericardium (n = 12). Early mortality was 2.4%. The reoperation rate was 2.4%. In the postoperative course, some complications were seen: transient hemolysis (n = 9), transient complete heart block (n = 2) and mediastinitis (n = 1). No case of SAM (systolic anterior motion) has been signaled. One hundred and thirty-seven patients (83.5%) have been reviewed. The median follow-up was 54 months (range 1 to 113 months). Actuarial reoperation-free rate was 89%. At 9 years the global survival was 94.1%. Ninety-seven patients (70.8%) were in NYHA functional class I, 50.3% presented a minimal mitral regurgitation, 13.1% a moderate mitral insufficiency and 19.2% presented a moderate mitral stenosis. Conclusion: Despite the evolutionary character of rheumatic lesions, mitral valve repair provides acceptable early and long-term results. 1. Introduction La plastie mitrale a connu un essor croissant au cours des deux dernières décennies portant essentiellement sur la pathologie dégénérative et ischémique. Bien que la réparation chirurgicale des lésions valvulaires mitrales rhumatismales est techniquement plus exigeante et a un taux d'échec potentiellement plus élevé par rapport à la réparation des valvulopathies dégénératives, de nombreux chirurgiens conviennent que la plastie mitrale doit être préférée au remplacement [1,2]. Cependant, dans ce contexte rhumatismale, la chirurgie conservatrice demeure un défi à cause du potentiel évolutif des lésions chez une population souvent assez jeune. Le but de notre travail était d’étudier les résultats précoces et tardifs de la plastie mitrale dans la pathologie rhumatismale. 2. Matériel et méthodes Il s'agit d'une étude rétrospective monocentrique menée au service de chirurgie cardiovasculaire « A » du CHU Ibn Sina à Rabat au Maroc, sur 9 ans de recul (de juin 1996 à novembre 2005) et portant sur 164 patients tous porteurs d’une valvulopathie mitrale rhumatismale et ayant bénéficié d’une plastie mitrale. Les données cliniques, paracliniques et opératoires ont été recueillies des dossiers médicaux des patients. Le contrôle postopératoire a été effectué par convocation des patients ou par contact téléphonique des cardiologues traitants. Le contrôle a porté sur le statut fonctionnel selon la classe de NYHA et sur les données des examens radiologiques. Tous les malades ont signé un consentement éclairé. L’analyse statistique a été faite par un logiciel SPSS 10.5. La distribution des variables quantitatives a été vérifiée par le test de Kolmogorov-Smirnov. Les variables quantitatives de distribution gaussienne sont exprimées en moyenne ± écart-type et les variables qualitatives sont exprimées en effectif et pourcentage. Les données de survie ont été analysées par la méthode de Kaplan-Meier. 3. Résultats Sur 164 patients, 106 étaient de sexe féminin avec un âge moyen de 30,9 ± 13,8 ans et des extrêmes allant de 4 à 63 ans. En préopératoire, 131 patients (79,9 %) souffraient d’une dyspnée stade III ou IV de la NYHA et 93 (56,7 %) présentaient une arythmie complète par fibrillation auriculaire (ACFA). Les lésions mitrales étaient un rétrécissement, une insuffisance mitrale ou une maladie mitrale. La fraction d’éjection moyenne était de 58,5 ± 9,4 % avec des extrêmes variant de 34 % à 78 %. Vingt de nos malades, soit 12,2 %, avaient une FE < 40 %. L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) a été jugée sévère (pression artérielle pulmonaire moyenne ≥ 45 mmHg) chez 25,6 % patients. Tous nos patients présentaient un épaississement léger à modéré, sans calcification, du voile mitral avec ou sans remaniement léger de l’appareil sous-valvulaire. Les caractéristiques préopératoires de nos patients sont rapportées dans le tableau 1.   Tableau 1. Caractéristiques des patients n = 164 Âge1 (années) 30,9 ± 13,8 Sexe2          Hommes 58 (35,4 %)          Femme 106 (64,6 %) Étiologies2          Rhumatismale 164 (100 %) NYHA2          II 33 (20,1 %)          III 107 (65,2 %)          IV 24 (14,6 %) Rythme cardiaque2          Sinusal 71 (43,3 %)          ACFA 93 (56,7 %) Données ETT et/ou ETO Maladie mitrale2 86 (52,4 %) Rétrécissement mitrale2 45 (27,4 %) Insuffisance mitrale2 33 (20,1 %) FE1 58,5 ± 9,4 HTAP sévère2 42 (25,6 %) Lésions tricuspides2 44 (26,8 %) Lésions aortiques2 38 (23,2 %) 1 : exprimé en moyenne ± écart-type ; 2 : exprimé en effectif (pourcentage).   Le choix de la plastie a été possible grâce aux données d’échocardiographie confrontées au constat peropératoire. Tous les malades ont été abordés par sternotomie médiane longitudinale sous circulation extracorporelle totale, entre une canule aortique et deux canules caves lacées, menée sous hypothermie modérée. La protection myocardique a été assurée par une cardioplégie froide au sang associée au Shumway. Tous les malades ont bénéficié d’une annuloplastie mitrale de réduction et/ou de remodelage par anneau incomplet à flexibilité modulée (AIFM). Cent vingt et une commissurotomies à cœur ouvert, ainsi que 3 résections quadrangulaires de la petite valve et 74 gestes sur les cordages et les muscles papillaires ont été réalisés [figures 1 et 2]. Enfin d’autres gestes associés ont été nécessaires [tableau 2].   [caption id="attachment_3033" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Commissurotomie mitrale.[/caption] [caption id="attachment_3034" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Épreuve d’étanchéité au sérum salé après mise en place d’un anneau prothétique.[/caption]   Tableau 2. Procédés chirurgicaux Gestes1 n = 164 Annuloplastie prothétique 164 (100 %) Commissurotomie 121 (73,8 %) Gestes sur les cordages : Fenestration Raccourcissement Réimplantation   45 (27,4 %) 8 (4,9 %) 2 (1,2 %) Papillotomie 19 (11,6 %) Résection quadrangulaire de la petite valve 3 (1,8 %) Gestes associées : Annuloplastie tricuspide Plastie d’extension de la tricuspide Remplacement valvulaire aortique Réduction de l’oreillette gauche   44 (26,9 %) 12 (7,3 %) 38 (23,2 %) 16 (9,7 %) 1 : exprimé en effectif (pourcentage).   Chez tous les patients, l’évaluation en peropératoire de plastie mitrale se faisait par test au sérum et marquage de zone de coaptation. Depuis 2002, l’évaluation peropératoire est complétée par une échocardiographie transœsophagienne (ETO) après sevrage de la circulation extracorporelle (CEC) ; ainsi 53 malades (32,3 %) ont bénéficié d’une ETO. La mortalité hospitalière était de 2,4 % (3 décès suite à un bas débit postopératoire et un quatrième après un choc septique). La morbidité était marquée par un taux de réinterventions de 2,4 % : pour insuffisance mitrale résiduelle importante qui a nécessité un remplacement valvulaire par prothèse mécanique dans 2 cas, après lâchage de septorraphie dans un cas et pour rétrécissement tricuspide résiduel après une annuloplastie tricuspide dans un cas. Neuf cas (5,5 %) d’hémolyse et 2 cas (1,2 %) de bloc auriculoventriculaire (BAV) complet transitoire ont été signalés. Une ventilation prolongée (au-delà de 48 heures) a été nécessaire dans 10 cas (6,1 %). Le taux de médiastinite a été de 0,6 % (un cas). Aucun cas de syndrome d’obstruction de la chambre de chasse du ventricule gauche n’a été signalé [tableau 3].   Tableau 3. Morbimortalité précoce et tardive Morbimortalité précoce n = 164 Mortalité hospitalière 4 (2,4 %) Morbidité :        Réopération 4 (2,4 %)        Ventilation artificielle au-delà de 48 heures 10 (6,1 %)        Hémolyse 9 (5,5 %)        BAV transitoire 2 (1,2 %)        Médiastinite 1 (0,6 %) Morbimortalité tardive après un suivi moyen de 54 ± 39,6 mois n = 134 Mortalité 4 (3 %) Morbidité :      Réopération 6 (4,4 %)      Complication hémorragique 1 (0,7 %)   Cent trente-sept patients (83,5 %) ont été revus avec un recul d'une durée moyenne de 54 ± 39,6 mois. Quatre décès tardifs ont été signalés (après une insuffisance cardiaque globale dans 2 cas, hémorragie cérébrale dans un cas et sans cause évidente dans un seul cas). La survie globale à 1 an était de 97,6 %, à 5 ans de 91,4 % et 9 ans de 89 % [figure 3]. La morbidité tardive était marquée par un taux de réopération cumulé de 4,4 % (6 malades) et un taux de complications hémorragiques de 0,7 % (un patient). Sur le plan fonctionnel, 97 patients (70,8 %) étaient en stade I de la NYHA, 39 (28,5 %) en stade II et 4 malades (3 %) en stade III. Soixante-neuf malades (soit 50, 3 %) ne présentaient qu’une fuite mitrale minime, 13,1 % une fuite mitrale grade II et seuls 19,2 % présentaient une sténose modérée.   [caption id="attachment_3035" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Survie cumulée analysée par la méthode de Kaplan-Meier.[/caption]   4. Discussion La prévalence des atteintes valvulaires représente 30 % de l’ensemble des atteintes du rhumatisme articulaire aigu qui demeure un problème de santé dans les pays en développement [3]. Le remplacement de la valve mitrale est généralement privilégié dans les atteintes mitrales rhumatismales. Cependant, la durée de vie limitée des bioprothèses et le risque thromboembolique lié aux valves mécaniques, ainsi que les complications du traitement anticoagulant, plaident en faveur de la plastie mitrale chaque fois que celle-ci est possible. La chirurgie mitrale conservatrice permet au patient de conserver sa propre valve, de préserver l’appareil tenseur sous-valvulaire et la géométrie du ventricule gauche, et par conséquent la conservation de la fonction ventriculaire gauche et l’amélioration de la survie ainsi que le statut fonctionnel à distance [4]. Si le taux de réussite de la plastie mitrale atteint 95 % chez les patients ayant une atteinte dégénérative de la valve mitrale, les procédures de réparation ne sont réalisables que chez environ 75 % des patients ayant une valvulopathie mitrale rhumatismale [5,6]. Cette différence est due à la complexité des lésions anatomopathologiques rhumatismales allant d’une simple fibrose à la calcification de différents composants valvulaires. En effet, la faisabilité de la plastie mitrale dans ce contexte dépend d’une panoplie d’arguments dévoilés par les examens échocardiographiques préopératoires, ainsi qu’à l'inspection et l’exploration peropératoire de la valve mitrale. La présence de lésions légères de l’appareil sous-valvulaire et d’un voile valvulaire de mobilité plus au moins conservée augmente les chances de réussite de la chirurgie conservatrice [7]. Dans notre série, la sélection de nos patients a été, grâce aux données d’échocardiographie, confrontée au constat peropératoire. La chirurgie conservatrice dans la pathologie mitrale rhumatismale demeure un défi à cause de la progression du processus pathologique chez une population assez jeune. Afin d’étudier les résultats précoces et tardifs de la chirurgie conservatrice dans ce contexte, nous avons colligé 164 cas de plastie mitrale sur pathologie rhumatismale. Il s’agit d’une population assez jeune, notamment des femmes en âge de procréer, dont 52,4 ℅ présentaient des lésions à la fois de sténose et de régurgitation. Dans de tels cas, la réparation mitrale peut être difficile car elle nécessite des techniques de réparation complexes. 27,4 ℅ de nos patients présentaient une sténose mitrale isolée sans qu’il y ait la possibilité de dilatation percutanée ou de commissurotomie mitrale à cœur fermé, vu qu’elle était associée à une lésion tricuspide et/ou aortique, ou à des calcifications de l’anneau mitral. Enfin, nous avons observé une insuffisance mitrale dans 20,1 ℅ cas. Comme ce qui est décrit dans la littérature, nous avons eu recours aux diverses techniques visant à améliorer la mobilité et la coaptation, notamment : la commissurotomie, la résection quadrangulaire de la petite valve, la plastie d’extension par patch péricardique, la fenestration, le transfert et la réimplantation des cordages et la papillotomie [8]. Et pour optimiser la coaptation et consolider la réparation valvulaire, l'annuloplastie prothétique est généralement indiquée [8]. Dans notre série, le taux de mortalité hospitalière a été de 2,4% concordant avec le taux retrouvé par Duran (1 %) [9] et Chan (2,1 %) [10]. En effet, ce taux paraît bas par rapport à celui rapporté par Carpentier utilisant un anneau rigide (4,2 % pour une plastie mitrale seule et 14 % lorsqu’elle est associée à une plastie tricuspide) [11], et cela peut être un argument en faveur de la supériorité de l’anneau flexible qui conserve mieux la fonction ventriculaire gauche comme ça a été bien démontré par David et al. [12]. Même s’il n’existe pas de consensus sur le type d’anneau à implanter (flexible, semi-rigide ou rigide), l’annuloplastie prothétique est devenue une technique standard dans la plastie mitrale en raison de son efficacité à moyen et long termes et surtout en raison de son rôle dans la diminution du taux d’incidence des réinterventions dans la pathologie rhumatismale [13-15]. Dans notre série, aucun cas de SAM (Systolic Anterior Motion) n’a été signalé, ce dernier est réputé être rare après annuloplastie par anneau flexible [4]. En effet, l'utilisation d'un anneau flexible permet de préserver la dynamique et la géométrie annulaire, variables au cours du cycle cardiaque, et d’améliorer le flux diastolique mitral ainsi que la fonction ventriculaire gauche pendant l'exercice [12,16]. Dans notre série, neuf malades ont présenté une hémolyse sans pour autant nécessiter une reprise chirurgicale. Cette complication rapportée par plusieurs auteurs a été expliquée par la présence d’une résiduelle régurgitation [12]. Dans ces 9 cas rapportés nous n’avons pas décelé une régurgitation hémodynamiquement significative. Plusieurs facteurs prédictifs de réintervention précoce sont rapportés dans la littérature notamment : l’absence d’utilisation d’anneau prothétique sur un anneau mitral dilaté, la prédominance des lésions sténosantes, la présence d’une rétraction valvulaire importante ou d’un prolapsus valvulaire [17]. Dans notre série, l’annuloplastie mitrale a été la règle chez tous les patients. La littérature rapporte un taux de complications thromboemboliques de 0,4 à 9,2 % sur une période de suivi allant de 2,5 à 10 ans [12,18]. Nous n'avons relevé aucun cas d'accident thromboembolique après valvuloplastie, à moins que les malades perdus de vue aient présenté de telles complications à notre insu. La survie cumulée à 9 ans a été à 89 % comparable à celle rapportée par Chan sur une série de 97 cas de plastie mitrale sur lésions rhumatismales revue après 8 ans (91 %) [10]. Les facteurs prédictifs de la mortalité tardive, rapportés dans la littérature sont : la classe fonctionnelle de la NYHA, l’ACFA, la FE basse, l’âge avancé et la présence de coronaropathie justifiant une revascularisation chirurgicale [19-23]. Notre population était jeune, 79,9 % des cas étaient en stade III/IV de la NYHA et 56,7 % en ACFA avec une FE moyenne de 58,5 ± 9,4 %. Après un recul moyen de 54 ± 39,6 mois, 13,1 % de nos patients présentaient une fuite mitrale grade II et 19,2 % présentaient une sténose modérée. Ainsi Kim et al. ont rapporté, sur une durée de suivi moyenne de 66 ± 38,6 mois, un taux d’insuffisance mitrale > grade 2, ou une sténose mitrale modérée de 16,7 %, et ils ont conclu que la plupart des réinterventions pour régurgitation mitrale résiduelle ou récurrente se sont produites au cours des 6 premiers mois et que, après cette période, le risque de reprise chirurgicale diminue [24]. En effet, le taux élevé de réopération après réparation des lésions mitrales rhumatismales est reconnu par tous les auteurs, de l’ordre de 22 % à 15 ans pour Deloche et al., et de 10 % à 13 ans pour Lessana et al. [9], alors qu’il est de 5 % dans la pathologie dégénérative [12,25]. Cette différence est expliquée par la nature évolutive des lésions rhumatismales rendant aléatoire la qualité de réparation à long terme. Dans notre série, ce taux a été bas (4,4 %), probablement du fait du nombre limité de nos malades, du recul moyen relativement court (4 ans et demi) et surtout de la sélection échocardiographique rigoureuse des candidats à une plastie mitrale. Enfin, sur le plan fonctionnel, l’amélioration de la classe de la NYHA est reconnue par plusieurs auteurs [7,17,18,26]. Ce constat a été vérifié par notre travail puisque 70,8 % de nos patients étaient en stade I de la NYHA. 5. Conclusion La plastie mitrale est un procédé assez séduisant dans la prise en charge des valvulopathies mitrales rhumatismales du sujet jeune pour lequel aucun autre choix thérapeutique n’apparaît satisfaisant. Malgré le caractère évolutif des lésions valvulaires une bonne sélection échocardiographique reste un garant fiable des bons résultats à court et à moyen termes.   Références Bakir I, Casselman FP, Brugada P, Geelen P, Wellens F, Degrieck I et al. 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mars 1, 2017
Chirurgie humanitaire · Vol. 20 Juin 2016

Les valvulopathies rhumatismales opérées chez l’enfant et l’adolescent, 18 ans d’expérience de Mécénat Chirurgie Cardiaque

Olivier Michel Bical, Christian Latrémouille, Jean-Louis de Brux, Adrien Hazard, Vincent Lucet, Francine Leca Association Mécénat Chirurgie Cardiaque, 33 rue Saint-Augustin, 75002 Paris. Correspondance : ombical@hotmail.fr   Résumé Objectif : Les valvulopathies rhumatismales opérées ont un pronostic peu connu chez l’enfant. Depuis 18 ans, l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque (MCC) fait opérer dans plusieurs centres en France de jeunes malades étrangers atteints de cette pathologie. Le but de cette étude est de rapporter les résultats de cette activité associative. Méthodes : Les données ont été recueillies prospectivement par la cellule « suivi » de MCC. Les résultats des différents types de valve implantés ont été comparés. Résultats : De 1997 à 2014, 359 enfants (224 filles et 135 garçons) d’âge moyen 13,6 ± 4,5 ans ont été opérés grâce à MCC. La mortalité opératoire a été de 2,8 % (10 malades). Les gestes opératoires pour les 349 patients restants ont été 134 RVM, 44 RVA et 171 plasties mitrales. Le suivi est de 82 % avec un recul moyen de 4,5 ± 3,9 ans. La mortalité tardive a été de 16,1 % (58 malades), respectivement de 3,9 % pour les bioprothèses, 5,6 % pour les valves mécaniques et 6,6 % pour les plasties mitrales. Globalement, 46 % des malades ont une vie normale après l’opération. Les malades avec une valve mécanique ou une réparation mitrale ont à moyen terme une survie plus importante que ceux avec une bioprothèse (respectivement p = 0,005 et p = 0,002). La survie cumulée à 10 ans est identique pour les RVM et les plasties mitrales. Conclusion : Les résultats de la chirurgie valvulaire chez les enfants ayant une valvulopathie rhumatismale sont bons, sauf pour les malades avec une bioprothèse. Les remplacements valvulaires mécaniques et les réparations mitrales ont une survie identique à moyen terme, ce qui conduit à réserver les réparations aux seules anatomies favorables.   Abstract Surgery for rheumatic valvular disease in young patients: 18 years of experience at Mécénat Chirurgie Cardiaque Aim: Surgery for rheumatic valvular disease has an unknown prognosis in young patients. For 18 years, the association Mécénat Chirurgie Cardiaque (MCC) has organized the surgical correction of this pathology for young patients at several centers in France. The aim of this study was to analyze the results of this activity. Methods: Data were retrospectively collected by the follow-up unit of MCC. The results for different types of heart valve were compared. Results: From 1997 to 2014, 359 young patients (224 girls and 135 boys) of a mean age of 13.6±4.5 years underwent valvular surgery in France thanks to MCC. The surgical mortality was 2.8% (10 patients). For the other patients, the intervention consisted of 134 MVR, 44 AVR and 171 mitral plasties. The follow-up was 82% for 4.5±3.9 years. Delayed mortality was 16% (58 patients), i.e. 3.9% with a bioprosthesis, 5.6% with a mechanical valve and 6.6% for mitral plasties. Globally, 46% of the patients regained a normal life after the surgery. Patients with a mechanical valve or a mitral plasty had better survival at mid-term than those with a bioprosthesis (p=0.005 and p=0.002, respectively). The cumulative survival at 10 years was the same for patients with MVR and mitral plasties. Conclusion: The results of valvular surgery for young patients with rheumatic disease are good except for patients with s bioprosthesis. Mechanical valvular replacement and mitral plasty have the same survival at midterm, although we prefer to perform mitral repair only to favorable anatomies.   1. INTRODUCTION Les valvulopathies rhumatismales opérées ont un pronostic peu connu chez l’enfant et l’adolescent. Depuis 18 ans, l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque (MCC) fait opérer dans différents centres en France de jeunes malades étrangers atteints de cette pathologie. Cette activité ne représente qu’environ 1/8 de l’activité globale de MCC, axée principalement sur les cardiopathies congénitales. Le but de cette étude est d’analyser les résultats globaux de cette chirurgie valvulaire et de justifier l’engagement de MCC dans la prise en charge chirurgicale des enfants et adolescents ayant une  pathologie valvulaire rhumatismale.   2. MÉTHODES Grâce à MCC, 359 enfants ont été opérés en France dans différents centres chirurgicaux de 1997 à 2014. Ces centres étaient à Paris, la fondation hôpital Saint-Joseph, l’hôpital européen Georges-Pompidou et à Angers, le centre hospitalier universitaire. Le groupe était composé de 224 filles et 135 garçons  (sexe ratio 0,6 H/F) d’âge moyen 13,6 ± 4,5 ans. Les pays d’origine des malades étaient principalement le Mali (97), le Sénégal (62), la République démocratique du Congo (24), le Cameroun (15) et la Guinée (11). La pathologie rhumatismale était principalement mitrale chez 296 enfants et principalement aortique chez 53 enfants (hors décès précoces). Les remplacements valvulaires ont été mitraux dans 134 cas (113 valves mécaniques, 21 bioprothèses) et aortiques dans 44 cas (29 valves mécaniques et 15 bioprothèses). Parmi ces malades, 30 ont eu un remplacement aortique et mitral combiné. Enfin, 171 malades ont bénéficié d’une plastie mitrale selon les techniques de Carpentier. La mortalité précoce est définie par le décès du patient dans les 30 jours suivant l’intervention chirurgicale. La mortalité tardive est prise en compte dans les données lorsque le décès dépasse ce délai. L’analyse statistique pour les variables qualitatives a été réalisée par un test du Chi2 d’homogénéité grâce au logiciel R. Lorsque le nombre de variables qualitatives était insuffisant, l’étude a été faite grâce au test exact de Fisher. La comparaison entre les groupes de survie a été réalisée par la méthode de Kaplan-Meier avec le test du log rank (logiciel XL-Stat). Un seuil de significativité de 5 % a été retenu pour l’ensemble de ces données.   3. RÉSULTATS [figure 1] La mortalité précoce a été de 2,8 % (10 malades). Un malade est décédé des suites immédiates d’une chirurgie redux d’intervention de Ross. Les 9 autres sont décédés de défaillance polyviscérale. Il s’agissait de 7 RVM et de 2 plasties mitrales. Grâce à l’efficacité de la cellule « suivi » de MCC (Marion Saint-Picq), seuls 43 malades sur les 359 ont été perdus de vue. Le follow-up concerne donc 296 malades, soit 82 % de la série et le recul moyen est de 4,5 ± 3,9 ans. La mortalité tardive a été de 16 %, soit 58 malades. L’âge moyen des malades décédés était de 16,4 ± 3,9 ans, soit en moyenne 2,8 ans après l’intervention. Les causes des décès tardifs ont été d’origine cardiaque pour 22 malades (38 %), d’origine extracardiaque pour 16 malades (27 %) et d’origine inconnue pour 20 malades (36 %).   [caption id="attachment_2379" align="alignnone" width="300"] Figure 1 : Mortalité précoce et tardive.[/caption]   Les résultats globaux montrent que 46 % des malades ont une vie normale après l’opération. 38 % ont une vie quasi normale avec toutefois une petite fatigabilité à l’effort ou une difficulté d’équilibrer l’INR. Enfin, 16 % des malades ont un résultat moyen et 6 % un mauvais résultat. Parmi les 34 malades ayant des bioprothèses, 14 sont décédés [tableau 1]. Les 8 causes cardiaques (23 %) sont des dysfonctions de valve, des thromboses et des endocardites. Seuls 20 malades (59 %) ont une vie normale avec une bioprothèse.   Bioprothèses Valves mécaniques Réparations mitrales Tableau 1: Origine des décès tardifs selon le geste chirurgical en regard de la valve mitrale Causes cardiaques 8 (23 %) 7 (6 %) 3 (2 %) Causes extracardiaques 2 (5,9 %) 7 (6 %) 21 (13,7 %) Causes inconnues 4 (11,7 %) 6 (5 %) 0   Parmi les 119 malades ayant une valve mécanique, 20 sont décédés [tableau 1]. Les 7 causes cardiaques (6 %) sont des endocardites ou des complications des anticoagulants. Au total, 99 malades ayant une valve mécanique (soit 84 %) ont une vie normale sous traitement anticoagulant par AVK. Parmi les 146 malades ayant eu une plastie mitrale, 24 sont décédés [tableau 1], essentiellement de causes extracardiaques (20 malades). Au total, 122 malades de ce groupe vont bien (soit 84 %) avec toutefois 16 malades ayant eu une reprise chirurgicale pour remplacement valvulaire mécanique. Globalement, les malades ayant une valve mécanique ou une réparation mitrale ont avec un recul de 4,7 ans de meilleurs résultats que ceux ayant une bioprothèse (respectivement p = 0,005 et p = 0,002 – tableau  2). Les courbes de survie cumulée montrent à 10 ans une survie identique des malades mitraux ayant un remplacement mécanique ou une plastie [figure 2].   Les malades avec une valve mécanique ou une réparation mitrale ont à moyen terme une survie plus importante que ceux avec une bioprothèse (respectivement p = 0,005 et p = 0,002). Tableau 2: Comparaison du décès selon le geste chirurgical en regard de la valve mitrale Bioprothèses Plasties mitrales Valves mécaniques Décès tardifs 14 24 20 Vivants 20 122 99   [caption id="attachment_710" align="alignnone" width="300"] Figure 2 : Courbe de survie cumulée des malades après chirurgie mitrale[/caption]   L’analyse des résultats chez les jeunes filles ne montre pas de résultats différents de ceux des garçons [tableau 3]. Les mortalités précoces et tardives sont identiques. Chez les adolescentes, le traitement anticoagulant est à l’origine de seulement 2 décès lors de grossesse sur les 38 décès tardifs.   Tableau 3: Comparaison du nombre de décès selon le sexe du patient Filles Garçons Décès opératoires ou précoces (moins de 30 jours) 8 (3,6 %) 2 (1,5 %) Décès tardifs 38 (17 %) 20 (15 %)   4. DISCUSSION Le rhumatisme articulaire aigu est éradiqué dans tous les pays dits développés, mais il sévit encore en Afrique d’où sont originaires nos malades. Sa presque disparition dans le monde explique que les séries publiées de chirurgie valvulaire soient peu nombreuses et limitées [1,2]. Notre association MCC rassemble des malades de toute l’Afrique sub-saharienne, ce qui explique le nombre important de malades de notre étude. Nous rapportons ainsi la plus grande série de valvulopathies rhumatismales opérées, et l’importance du suivi de nos malades (82 %) justifie la publication de nos résultats. La mortalité opératoire (2,8 %) est assez faible, identique à celle de la chirurgie valvulaire adulte. En revanche, la mortalité tardive est élévée (16,1 %) avec toutefois un nombre élevé de causes extracardiaques (29, soit 50 % des décés) liées aux conditions de vie des malades. L’analyse des résultats confirme que les malades ayant des bioprothéses ont des résultats à distance nettement moins bons que les malades avec une valve mécanique ou une plastie mitrale. Pour la chirurgie aortique, cette supériorité des valves mécaniques sur les valves biologiques n’apparaît pas sur les courbes de survie, probablement en raison du recul insuffisant. En revanche, pour la chirurgie mitrale, cette supériorité des valves mécaniques et des réparations sur les valves biologiques est nette dès le début du suivi et s’amplifie d’année en année [figure 2]. Par ailleurs, nous ne trouvons pas de différence de survie entre les porteurs de valve mitrale mécanique et ceux ayant eu une réparation mitrale, probablement en raison d’un recul insuffisant. Il apparaît toutefois que le remplacement mitral chez l’enfant et l’adolescent donne de très bons résultats à distance malgré la nécessité du traitement anticoagulant. Cette constatation nous fait déconseiller les mauvaises plasties mitrales qui inéluctablement vont obliger à une réintervention proche. Les réparations ne se justifient que sur les insuffisances mitrales de type 1 ou 2 de Carpentier, ce qui est rare dans la pathologie rhumatismale [3]. Les insuffisances mitrales rhumatismales habituellement de type 3 de Carpentier (avec rétraction valvulaire) sont difficiles à réparer et, compte tenu de nos bons résultats des remplacements par valve mécanique, cette stratégie radicale nous paraît préfèrable [4]. Les résultats globaux de la chirurgie valvulaire ne sont pas influencés par le sexe des malades. Le traitement anticoagulant complique évidemment le suivi d’une grossesse chez une adolescente, mais dans notre série, les accidents sont exceptionnels. Compte tenu des difficultés médicales du suivi en Afrique, nous recommandons la continuité du traitement par AVK tout au long de la grossesse plutôt que les protocoles de relais par l’héparine [5]. En revanche, 2 semaines avant la date présumée de l’accouchement, le relais des AVK  par l’héparine nous semble indispensable, et cela en milieu hospitalier.   5. CONCLUSION Les résultats de la chirurgie valvulaire pour les cardiopathies rhumatismales de l’enfant et l’adolescent sont bons et justifient la poursuite de la prise en charge au sein de notre association. La valve mécanique donne de meilleurs résultats que la valve biologique pour cette population, et cela malgré le traitement anti­coagulant. En position mitrale, les résutats à moyen terme du remplacement valvulaire et de la réparation conservatrice sont proches, ce qui nous conduit à ne réserver la réparation qu’aux rares anatomies favorables sans trop de lésions rhumatismales rétractiles.   REMERCIEMENTS Nous remercions toute l’équipe du Mécénat Chirurgie Cardiaque, et particulièrement Marion Saint-Picq qui a permis, par la qualité de son travail de suivi des enfants, la justification scientifique de cette étude.   RÉFÉRENCES Kangah MK, Souaga KA, Amani KA et al. Insuffisance mitrale rhumatismale de l’enfant: aspects anatomiques et chirurgicaux, à propos de 84 cas. J Thoracique et Cardio-vasculaire 2009;13:11-4. Abid F, Ouarda F, Chaker L et al. Le remplacement valvulaire chez l’enfant. Indications actuelles et résultats, à propos de 63 cas. Archives de Pédiatrie 1998;8:946. Carpentier A. Chirurgie reconstructrice de la valve mitrale. In: Acar J. Cardiopathies valvulaires acquises. Paris: Flammarion medicine Sciences, 1985:554-60. Duran CM, Gometza B, Balasundaram C et al. A feasibility study of valve repair in rheumatic mitral regurgitation. Eur Heart J. 1991;12: 34-8. Berard J, Dufour Ph, Subtil D et al. Grossesse chez les femmes porteuses d’une valve cardiaque mécanique. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1997;26:455-64. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Cet article a été présenté au 68e congrès de SFCTCV (Marseille, juin 2015).
juin 3, 2016