Cas clinique · Vol. 21 Septembre 2017

Une hématémèse de grande abondance révélant une fistule prothétodigestive après chirurgie pour maladie de Behçet

Rim Karray1, Hèla Ben Jmaà2*, Olfa Chakroun1, Aiman Dammak2, Iheb Souissi3, Mabrouk Bahloul4, Noureddine Rekik1, Imed Frikha2   1. Service des urgences et SAMU 04 CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. 2. Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. 3. Service d’anesthésie-réanimation, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. 4. Service de réanimation médicale, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. * Correspondance : helabenjemaa2015@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV21-3-KAR Citation : Karray R, Ben Jmaa H, Chakroun O, Dammak A, Souissi I, Bahloul M, Rekik N, Frikha I. Une hématémèse de grande abondance révélant une fistule prothétodigestive après chirurgie pour maladie de Behçet. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-KAR   Résumé Au cours de la maladie de Behçet, l’atteinte artérielle anévrysmale est beaucoup moins fréquente que l’atteinte veineuse. Elle touche le plus souvent l’aorte abdominale. Même après traitement, les complications demeurent graves et sont dominées par les récidives et les faux anévrysmes anastomotiques. Les fistules prothétodigestives sont parmi les complications rares au cours de la maladie de Behçet. Nous rapportons l’observation d’un patient âgé de 54 ans atteint de maladie de Behçet, opéré en urgence pour hémorragie digestive secondaire à une fistule prothétoduodénale. Dans la période postopératoire, le patient est décédé dans un tableau d’état de choc septique.   Abstract A great abundance hematemesis revealing a prostheto-enteric fistula after surgery for Behçet's disease Arterial aneurysms are less frequent than venous involvement in patients with Behçet disease. The most frequent location of these aneurysms is the abdominal aorta. After surgical repair, the recurrence of aneurysms, anastomotic pseudo-aneurysms, and fistula between prosthetic bypass and the duodenum are considered severe complications. Here we report the case of a 54-year-old patient with Behçet disease, who underwent surgery for abdominal aortic aneurysm 1 year previously, and who was admitted to the emergency unit for hematemesis. Fibroscopy confirmed a fistula between the prosthetic bypass and the duodenum. The patient underwent surgical resection of the prosthesis, which was infected, anastomosis of the duodenum, and revascularization by an axillo-bifemoral bypass.  In the postoperative period, the patient died secondary to a septic shock.   1. Introduction L’atteinte de l’aorte abdominale représente l’atteinte artérielle la plus fréquente au cours de la maladie de Behçet [1]. Les anévrysmes sont plus fréquents que les occlusions aortiques et nécessitent une réparation chirurgicale du fait du risque de rupture [2,3]. Les fistules aortodigestives constituent une complication qui a été rarement rapportée au cours de la maladie de Behçet [1,4]. Elles peuvent être primaires ou secondaires après chirurgie de reconstruction aortique. Les fistules secondaires constituent une communication entre l’aorte au niveau de sa ligne de suture proximale et le tractus gastro-intestinal. Leur diagnostic est difficile et doit être évoqué précocement. Elles se manifestent le plus souvent par une hémorragie digestive haute, parfois massive. Leur évolution spontanée est grave mettant en jeu le pronostic vital des patients. L’aorte étant immédiatement en arrière du deuxième et du troisième duodénums, elles sont souvent aortoduodénales, mais parfois ilio-intestinales ou coliques [1,4]. Nous rapportons un cas d’une hématémèse de grande abondance suite à une fistule prothétodigestive compliquant une chirurgie aortique au cours de la maladie de Behçet.   2. Observation Un homme âgé de 54 ans a consulté aux urgences pour hémorragie digestive haute de grande abondance. Le patient était atteint de maladie de Behçet évoluant depuis 18 ans. Il a été opéré il y a un an pour un anévrysme inflammatoire de l’aorte abdominale sous-rénale qui s’étend jusqu’à la bifurcation aortique, pour lequel il a bénéficié d’une mise en place d’une prothèse aorto-bi-iliaque, et a été mis sous corticoïdes et colchicine. L’examen à l’admission a montré un patient fébrile avec une hémorragie digestive de grande abondance, extériorisée sous forme d’hématémèse et de méléna. L’évolution a été marquée par l’installation d’un état de choc qui s’est stabilisé par le remplissage et les transfusions avec tarissement de l’hémorragie. À la biologie, on a noté un syndrome inflammatoire biologique avec une hyperleucocytose à 15000 éléments/mm3, une VS à 70 à la première heure et une CRP à 156mg/l, une anémie avec une hémoglobine à 7,8 g/dl. Le reste du bilan biologique a été normal. La fibroscopie œsogastroduodénale a montré un saignement du duodénum. Le scanner abdomino-pelvien n’a pas objectivé de véritable fistule prothétodigestive, mais il a montré un magma d’anses en regard de la prothèse. Devant ce tableau, la décision a été d’opérer le patient par une double équipe de chirurgie cardiovasculaire et de chirurgie générale. L’intervention s’est déroulée à travers un abord de l’ancienne laparotomie médiane. L’exploration peropératoire a mis en évidence une prothèse infectée entourée par du pus et non adhérente, avec une communication entre la prothèse et le duodénum [figure 1]. La prothèse a été explantée en sa totalité, l’aorte et les deux artères iliaques ont été ligaturées. Le deuxième duodénum a été réséqué, et la continuité digestive a été rétablie par une anastomose avec l’anse iléale. La dernière étape de l’intervention a consisté en une revascularisation extra-anatomique des deux membres inférieurs par la confection d’un pontage axillobifémoral.   [caption id="attachment_3817" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Vue peropératoire montrant une fistule prothétodigestive.[/caption]   Durant la période postopératoire, les deux membres inférieurs étaient chauds et le patient a récupéré tous ses pouls distaux, mais l’état hémodynamique du patient était instable avec une fièvre persistante, ce qui a nécessité sa mise sous catécholamines et sous antibiothérapie à large spectre. L’évolution était marquée par le décès du patient deux jours après l’intervention dans un tableau de choc septique. L’examen bactériologique du prélèvement peropératoire a isolé un Escherichia coli. L’examen anatomopathologique d’un fragment de la paroi aortique a confirmé la présence d’un infiltrat de cellules inflammatoires.   3. Discussion La fistule prothétodigestive est une affection grave qui doit être évoquée systématiquement en cas d’hémorragie digestive chez un patient porteur de prothèse aortique. Elle est particulièrement fréquente en cas d’infection de prothèses intra-abdominales [5]. La maladie de Behçet est une vascularite systémique évoluant par poussées successives imprévisibles qui associe une aphtose bipolaire buccogénitale, une uvéite et des manifestations systémiques notamment cutanées, articulaires, neurologiques et vasculaires (angio-Behçet) [6,7]. L’angio-Behçet est dominé par les thrombophlébites [8]. L’atteinte artérielle est rare au cours de cette pathologie. Elle touche 1 à 2 % des patients [9]. Elle touche avec une prédilection les gros troncs artériels notamment l’aorte, les artères rénales, l’artère poplitée et l’artère pulmonaire. Les anévrysmes de l’aorte abdominale sont plus fréquents que les occlusions et constituent une cause majeure de mortalité à cause du risque de rupture [2,10]. Leur traitement associe la chirurgie à un traitement médical à base de corticostéroïdes et d’immunosuppresseurs visant à diminuer la récurrence de l’atteinte artérielle. La chirurgie de ces anévrysmes au cours de la maladie de Behçet expose à la survenue de faux anévrysmes anastomotiques, la récidive d’anévrysmes, la thrombose des greffons et la fistulisation aux organes adjacents surtout les veines et l’intestin [10,11]. Les fistules aortodigestives secondaires à la chirurgie de reconstruction aortique au cours de la maladie de Behçet constituent une complication rare mais sévère [1,4]. Leur fréquence varie entre 0,4 et 6 % selon les séries [12,13]. Ceci peut être expliqué par la rareté de cette vascularite, la rareté de l’atteinte artérielle au cours de cette maladie et la rareté de cette complication. La pathogénie de ces fistules est complexe. Elle associe des facteurs infectieux locaux, un traumatisme digestif durant la dissection ou par des pseudoanévrysmes anastomotiques, qui sont particulièrement fréquents au cours de la maladie de Behçet, ou par les sutures elles-mêmes sur une paroi aortique fragile, les adhérences fibreuses entre la prothèse pulsatile et l’intestin étant responsables d’un traumatisme intestinal permanent [7,13]. Ainsi, au cours de la maladie de Behçet, la réaction inflammatoire et la fibrose fragilisent la paroi aortique et favorisent de plus en plus l’apparition de ces fistules prothétodigestives et accélèrent leur survenue. Aussi, la mise des patients sous corticothérapie et sous immunosuppresseurs au long cours est un facteur favorisant de l’infection prothétique. Les rapports anatomiques font que la localisation de la fistule est le plus fréquemment duodénale [13]. Dans la littérature, la latence moyenne est de 3 ans avec des extrêmes de 2 jours à 15 ans [12,14], dans notre cas ce délai était d’un an. Le diagnostic positif de ces atteintes est difficile. En effet, les signes d’appel sont variés à type de fièvre, douleurs abdominales, hyperleucocytose ou anémie [15]. Mais le plus souvent elles se manifestent par une hémorragie digestive haute, parfois massive, survenant quelques mois à quelques années après l’intervention [12]. Il s’agit classiquement d’une hémorragie sentinelle récidivante plus ou moins rapidement (au bout de quelques heures à quelques jours) jusqu’à l’hémorragie massive comme c’était le cas de notre patient. De ce fait, la survenue d’un ou de plusieurs de ces signes chez un patient, porteur d’une prothèse aortique ou atteint d’une vascularite systémique comme la maladie de Behçet, doit faire évoquer le diagnostic d’une fistule aortoentérique, réaliser en urgence les examens complémentaires nécessaires, voire même une laparotomie diagnostique et thérapeutique au besoin. L’endoscopie est l’examen de choix pour le diagnostic précoce conduisant à une intervention chirurgicale précoce et salvatrice. Elle permet en plus d’éliminer une cause ulcéreuse de l’hémorragie digestive [16]. Ainsi, une fibroscopie œsogastroduodénale est recommandée au stade le plus précoce chez tout patient présentant des antécédents de maladie de Behçet ou de reconstruction vasculaire abdominale qui présente des signes d’hémorragie digestive et/ou de fièvre inexpliquée [16]. Le duodénum doit être exploré aussi loin que possible jusqu’à sa troisième portion [17]. Par ailleurs, une endoscopie négative ne permet pas d’exclure le diagnostic de fistule aortodigestive. Cet examen doit être alors répété si l’état du patient le permet afin d’exclure d’autres sources de saignement. Si l’endoscopie n’est pas contributive, le scanner thoracoabdominal est indispensable chez les patients stables. Ce dernier peut montrer une collection périphérique avec des bulles d’air [12]. Cependant, la TDM est parfois incapable de distinguer la fistule aortodigestive de l’infection périprothétique sans fistulisation. Chez ces patients aussi, l’artériographie faite en période hémorragique peut avoir un double intérêt diagnostique et thérapeutique. En effet, elle peut montrer une extravasation du produit de contraste ou un faux anévrysme anastomotique [12,15] ; et chez les patients fragiles à haut risque d’anesthésie, un geste d’embolisation peut être envisagé dans l’attente de réaliser un geste radical dans un second temps [18]. Toutefois, tous ces examens complémentaires ne doivent en aucun cas retarder l’intervention chirurgicale qui doit être réalisée en urgence ou en semi-urgence. Une laparotomie à double visée diagnostique et thérapeutique peut être réalisée d’emblée au besoin. Le type de l’intervention sera discuté selon l’état de malade (score ASA, syndrome infectieux) et des conditions locales. Une enquête bactériologique est réalisée, à savoir des hémocultures et des prélèvements peropératoires. Il s’agit d’entérobactéries dans 40 % des cas [12]. Chez notre patient, le germe isolé était Escherichia coli, il a été mis sous céfotaxime et métronidazole. La chirurgie constitue le traitement de référence des fistules aortodigestives, mais celle-ci est grevée d’un risque élevé de morbidité et de mortalité. Elle doit être réalisée dans des centres experts associant une équipe de vasculaire, de chirurgie digestive et de réanimation. Une résection de la prothèse aortique et des tissus avoisinants infectés doit être réalisée. En plus, le traitement comporte le traitement simultané et adapté du versant digestif de la fistule prothétodigestive et un remplacement de la prothèse aortique par une allogreffe aortique cryopréservée, soit une ligature aortique avec revascularisation des membres inférieurs par un pontage extra-anatomique [13]. Le traitement endovasculaire par la mise en place d’une endoprothèse aortique ou la réalisation d’une radioembolisation peut représenter une alternative thérapeutique dans des cas bien précis [17,18]. Ozguc H et al. [19] ont rapporté un cas similaire de fistule entre l’anastomose aortique proximale et le tube digestif chez un homme âgé de 34 ans atteint de maladie de Behçet, et opéré il y a 6 mois d’un anévrysme de l’aorte abdominale. Mais un traitement conservateur a été pratiqué chez ce patient : la prothèse n’a pas été réséquée mais elle a été suturée et couverte par le grand épiploon avec son pédicule, avec des suites favorables. Alkim H et al. [20] ont rapporté le cas d’un homme âgé de 38 ans, suivi pour maladie de Behçet, qui a été opéré pour un pseudoanévrysme rompu de l’aorte abdominale par l’interposition d’un greffon prothétique tubulaire. Quinze mois plus tard, il a été réadmis pour une hémorragie digestive de grande abondance, avec une fièvre. À l’endoscopie digestive, le diagnostic d’une fistule entre le greffon et le duodénum était retenu. Il a bénéficié de la résection de la prothèse avec suture digestive et interposition d’une deuxième prothèse avec omentoplastie. Chez notre patient, devant le caractère urgent de l’atteinte et devant la non-disponibilité d’une allogreffe et d’une endoprothèse, nous avons opté pour la ligature et la revascularisation extra-anatomique. La technique de reconstruction extra-anatomique est grevée d’une mortalité postopératoire élevée par le risque de rupture du moignon aortique, la dévascularisation pelvienne et le risque de nécrose colique [21]. La revascularisation anatomique par une nouvelle prothèse est une alternative qui comporte un taux élevé de récidive de l’infection [21]. Le recours à des allogreffes réduit le risque de récidive infectieuse. Cependant, la disponibilité des allogreffes est un facteur limitant de cette technique, surtout en urgence. L’importance des lésions digestives est aussi un facteur pronostique majeur [22].   4. Conclusion Notre cas rapporté confirme que la fistule prothétodigestive est une affection grave qui doit être évoquée systématiquement en cas d’hémorragie digestive chez un patient porteur de prothèse aortique. Elle est particulièrement fréquente chez les patients opérés pour anévrysmes secondaires à une maladie de Behçet du fait de la fragilité de la paroi aortique par l’inflammation lors de cette affection, et de la mise de ces patients sous traitements corticoïde et immunosuppresseur. Une prise en charge multidisciplinaire précoce est nécessaire. Ce traitement est basé sur l’excision de la prothèse et son remplacement par une allogreffe aortique cryopréservée ou par un pontage extra-anatomique et le traitement simultané et adapté du versant digestif de la fistule.   Références Ben Ghorbel I, Ibn Elhadj Z, Miled M, Houman M-H. Hématémèse de grande abondance par rupture d'un anévrisme de l'aorte abdominale dans le tube digestif au cours d'une maladie de Behçet. La Revue de médecine interne 2006;27:504-506. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2006.03.007 PMid:16713029 Taberkant M, Chtata H, Lekehal B, Alaoui M, Sefiani Y, Boughroum A et al. 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septembre 21, 2017
Cas clinique · Vol. 21 Septembre 2017

Diagnostic et prise en charge d’une hernie intercostale transdiaphragmatique droite

Romain Hustache-Castaing*, Caroline Rivera, Florence Mazères Service de chirurgie viscérale et thoracique, centre hospitalier de la côte Basque, Bayonne, France. * Correspondance : rom.castaing@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV21-3-HUS Citation : Hustache-Castaing R, Rivera C, Mazères F. Diagnostic et prise en charge d’une hernie intercostale transdiaphragmatique droite. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-HUS   Résumé Nous décrivons le cas d’une femme de 82 ans chez qui est survenue une hernie intercostale transdiaphragmatique droite un an après un traumatisme thoraco-abdominal avec fractures costales. Les circonstances de découverte sont un syndrome subocclusif. La réparation chirurgicale de cette hernie à distance de l’épisode aigu a permis de corriger les troubles du transit et le syndrome restrictif de la patiente avec un gain majeur en qualité de vie.   Abstract Diagnosis and management of a right transdiaphragmatic intercostal hernia We report the case of an 82-year-old woman who developed a right transdiaphragmatic intercostal hernia 1 year after a thoracoabdominal trauma with costal fractures. The circumstance of the discovery was a sub-occlusive syndrome. Surgical repair of this hernia at a distance from the acute episode corrected the transit disorders and the restrictive syndrome of the patient, with a major gain in quality of life.   1. INTRODUCTION La hernie intercostale transdiaphragmatique est une entité rare survenant à distance d’un traumatisme thoraco-abdominal responsable d’une hernie diaphragmatique évoluant vers la hernie intercostale. Le traumatisme entraîne une lésion du diaphragme ainsi qu’une faiblesse au niveau des muscles intercostaux, avec ou sans fracture costale. Ces lésions passent le plus souvent inaperçues initialement. En plus de l’hyperpression physiologique de la cavité péritonéale et la pression négative de la cavité pleurale, et contrairement aux hernies diaphragmatiques post-traumatiques classiques qui sont plus fréquentes à gauche qu’à droite, le caractère intercostal de la hernie intercostale transdiaphragmatique est favorisé par l’obstacle hépatique. La réparation se fait par abord thoracique et/ou abdominal, avec implantation ou non de renfort prothétique. Elle s’envisage de plus en plus par voie mini-invasive grâce aux progrès importants en thoracoscopie et laparoscopie.   2. OBSERVATION Nous rapportons le cas d’une patiente de 82 ans, aux antécédents d’hypertension artérielle, d’hypercholestérolémie, de dégénérescence maculaire liée à l’âge, d’appendicectomie et de prothèse de hanche droite, autonome à domicile, qui consulte aux urgences pour une altération de son état général, avec un Performance Status (PS) à 2, des douleurs abdominales prédominantes en hypochondre droit associées à une subocclusion intestinale. L’interrogatoire révèle l’existence d’une hernie diaphragmatique droite survenue dans les suites d’une fracture costale homolatérale un an plus tôt, pour laquelle un premier avis chirurgical avait été pris, sans décision d’intervention. À l’examen clinique, elle présente une volumineuse masse latérothoracique basale droite, sensible mais dépressible [figure 1]. [caption id="attachment_3833" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Masse latérothoracique basale droite visible à l’examen clinique en décubitus dorsal, circulation veineuse collatérale en regard.[/caption] Le scanner met en évidence la présence de contenu abdominal (épiploon, estomac, colon droit) dans la cavité pleurale droite, puis en sous-cutané par un passage dans le 8e espace intercostal en continuité avec la cavité péritonéale au travers du diaphragme en préhépatique [figures 2 et 3]. [caption id="attachment_3834" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Coupe coronale scannographique thoracoabdominopelvienne montrant la saillie transdiaphragmatique et intercostale droite des viscères ainsi que le volume occupé dans la cavité pleurale droite.[/caption] [caption id="attachment_3835" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Reconstruction en trois dimensions montrant la hernie digestive au travers du 8e espace intercostal.[/caption] Il n’y a pas de signe d’étranglement herniaire ou de perforation d’organe creux, les parois digestives sont de densité normale. Le foie est en position intraabdominale. Les lobes pulmonaires moyen et inférieur sont atélectasiés, il n’y a pas de déviation des structures médiastinales. L’indication opératoire de cure chirurgicale de cette hernie thoracodiaphragmatique et intercostale droite est retenue. Elle est réalisée à distance de l’épisode aigu de troubles du transit, après réalisation d’un bilan fonctionnel cardiorespiratoire qui montre l’absence d’insuffisance cardiaque avec une FEVG à 64 %, un syndrome obstructif réversible sous béta2-mimétiques avec un VEMS passant de 78 % à 90 % de la théorique et un syndrome restrictif modéré avec une CV à 74 %, et une CPT à 86 % de la théorique. L’intervention est réalisée en décubitus latéral gauche de trois quarts [figure 4], avec intubation orotrachéale sélective. [caption id="attachment_3836" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Installation en décubitus latéral gauche de trois quarts, repérage du 8e espace intercostal droit montrant son élargissement.[/caption] Un abord direct par thoracotomie au niveau du 8e espace intercostal droit permet la réduction des organes digestifs dans la cavité péritonéale à travers l’orifice herniaire diaphragmatique droit [figure 5]. Ce dernier est fermé par une prothèse type Sil-Promesh (15 x 20 cm) fixée aux berges du diaphragme par des points séparés de fil non résorbable [figure 6]. L’espace intercostal est quant à lui renforcé par une plaque non résorbable Parietex fixée aux espaces intercostaux sus et sous-jacents par des points séparés de fil résorbable [figure 7]. [caption id="attachment_3837" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Vue peropératoire antérieure après réduction de la hernie montrant la cavité pleurale en haut et la cavité péritonéale en bas.[/caption] [caption id="attachment_3838" align="aligncenter" width="300"] Figure 6. Vue peropératoire antérieure montrant la fermeture de la cavité péritonéale par une prothèse diaphragmatique.[/caption] [caption id="attachment_3839" align="aligncenter" width="300"] Figure 7. Vue peropératoire montrant la fermeture de la cavité pleurale par une plaque prothétique de renfort intercostal.[/caption] Les suites opératoires sont simples avec un dédrainage pleural à J2, et une reprise du transit à J2. La réexpansion pulmonaire est favorisée par de la kinésithérapie respiratoire et de la ventilation non invasive. La sortie d’hospitalisation vers un centre de réhabilitation respiratoire est effective à J6 de l’intervention. La patiente, qui vit seule, regagne son domicile après trois semaines, elle est autonome, non douloureuse et la radiographie thoracique de contrôle montre une réexpansion pulmonaire quasi complète [figure 8]. [caption id="attachment_3840" align="aligncenter" width="300"] Figure 8. Radiographie pulmonaire de face à 1 mois postopératoire montrant l’absence de récidive précoce, une coupole diaphragmatique en place et une bonne expansion pulmonaire.[/caption] À huit mois de l’intervention, la patiente est en très bon état général, PS 0, autonome au domicile, a repris ses activités habituelles dont le jardinage. Elle ne prend plus aucun traitement antalgique et ne présente ni douleur, ni dyspnée, ni troubles du transit. Cliniquement, la hernie pariétale n’a pas récidivé [figure 9]. [caption id="attachment_3841" align="aligncenter" width="300"] Figure 9. Résultat clinique à 8 mois montrant la cicatrisation cutanée et l’absence de récidive.[/caption] La radiographie thoracique est normale et les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) montrent un VEMS à 110 % de la valeur théorique, un coefficient de Tiffeneau à 104 % et une CVF à 117 %.   3. DISCUSSION Les hernies transdiaphragmatiques acquises surviennent, soit à la suite d’un traumatisme thoracoabdominal pénétrant (arme blanche, plaie balistique) avec lésion directe du diaphragme, soit par écrasement (chute, accident de la voie publique) créant une hyperpression abdominale déchirant les fibres musculaires du diaphragme. Sa fréquence est estimée entre 0,8 et 15 % de l’ensemble des traumatismes thoraco-abdominaux [1] et elle est beaucoup plus fréquente à gauche qu’à droite en raison du rôle protecteur du foie [2]. L’histoire naturelle est généralement marquée par trois phases : la phase aiguë, du traumatisme initial jusqu’à l’apparente récupération, la phase latente avec hernie asymptomatique des organes digestifs dans le thorax, et la phase obstructive, marquée par l’étranglement herniaire [3]. Dans notre cas, il s’agit d’une hernie intercostale droite transdiaphragmatique à la phase obstructive, dont la cause initiale est un traumatisme thoracique bas avec fracture de côte, puis dont le mécanisme est favorisé par l’hyperpression abdominale, majorée chez une patiente en surpoids, ainsi que par la dépression pleurale. La différence physiologique de pression thoracoabdominale associée à une zone de faiblesse diaphragmatique est à l’origine de la hernie qui s’aggrave dans le temps. De plus, le trajet sous-cutané des viscères abdominaux peut s’expliquer par l’obstacle hépatique ne permettant pas leur passage direct à travers le diaphragme vers la cavité pleurale. Devant la relative bonne tolérance clinique et le terrain fragile de la patiente, la décision d’une intervention chirurgicale différée est prise. L’absence de signes scannographiques de souffrance digestive permet de programmer l’intervention en semi-urgence et de réaliser un bilan fonctionnel cardiorespiratoire afin d’éviter des troubles hydroélectrolytiques. Une abstention thérapeutique ne paraît pas indiquée chez notre patiente, d’une part en raison du risque d’étranglement herniaire, dont le taux de mortalité varie entre 30 et 80 % [1], et dont elle a présenté des signes annonciateurs sous la forme d’un syndrome sub-occlusif et, d’autre part, compte tenu de l’altération de la qualité de vie engendrée par la hernie. Nous avons choisi d’effectuer la réparation par voie thoracique afin de contrôler la bonne reventilation des lobes atélectasiés en fin d’intervention et parce qu’il n’y avait pas de geste prévu à l’étage abdominal. Cette stratégie est en accord avec ce qui est décrit dans la littérature [4]. Le choix d’une vidéothoracoscopie aurait pu être discuté dans le cas d’une réparation diaphragmatique stricte [5], mais l’utilisation d’un matériel prothétique à la fois pour le défect diaphragmatique et pour l’espace intercostal la rend difficile. Les bénéfices attendus de cette chirurgie sont la diminution des douleurs abdominales et des troubles digestifs, l’amélioration de l’état général, l’augmentation de la capacité respiratoire, l’amélioration de la qualité de vie, voire le gain esthétique. Les complications postopératoires peuvent essentiellement être respiratoires, marquées par une pneumopathie ou un défaut de réexpansion pulmonaire. Elles sont prévenues par la kinésithérapie respiratoire associée à la ventilation non invasive et à la mobilisation précoce. Une paralysie phrénique, dont il est difficile d’estimer si elle est secondaire au traumatisme ou à l’intervention chirurgicale, peut être révélée en période postopératoire. Les complications digestives se limitent dans la grande majorité des cas à un simple ileus intestinal qui se lève en quelques jours et il convient de réalimenter les patients dès la reprise des gaz.   4. CONCLUSION La hernie intercostale transdiaphragmatique est une entité rare dont le diagnostic est rendu difficile par sa survenue tardive après un évènement traumatique. Le traitement est exclusivement chirurgical et doit être envisagé à chaque fois que le patient est opérable car la mortalité des hernies compliquées est importante et la qualité de vie est considérablement améliorée après réparation. RÉFÉRENCES Reber PU, Schmied B, Seiler CA, Baer HU, Patel AG, Büchler MW. Missed diaphragmatic injuries and their long-term sequelae. J Trauma 1998 Jan;44(1):183–8. https://doi.org/10.1097/00005373-199801000-00026 PMid:9464770 Shah R, Sabanathan S, Mearns AJ, Choudhury AK. Traumatic rupture of diaphragm. Ann Thorac Surg 1995 Nov 1;60(5):1444–9. https://doi.org/10.1016/0003-4975(95)00629-Y Grimes OF. Traumatic injuries of the diaphragm. RN 1975 Feb;38(2):OR8, OR10, OR12. Smith RS, Fry WR, Tsoi EK, Morabito DJ, Koehler RH, Reinganum SJ et al. Preliminary report on videothoracoscopy in the evaluation and treatment of thoracic injury. Am J Surg 1993 Dec;166(6):690–3;discussion 693–5. https://doi.org/10.1016/S0002-9610(05)80681-6 Bagheri R, Tavassoli A, Sadrizadeh A, Mashhadi MR, Shahri F, Shojaeian R. The role of thoracoscopy for the diagnosis of hidden diaphragmatic injuries in penetrating thoracoabdominal trauma. Interact Cardiovasc Thorac Surg 2009 Aug 1;9(2):195–8. https://doi.org/10.1510/icvts.2008.195685 PMid:19470502 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 11/05/2017. Acceptation : 07/07/2017. Pré-publication : 07/07/2017.  
septembre 21, 2017