Cas clinique · Vol. 22 Décembre 2018

Utilisation d’une endoprothèse pour résoudre une plaie trachéale majeure suivant une œsophagectomie

George Rakovich Service de chirurgie thoracique, hôpital Maisonneuve-Rosemont, université de Montréal, Montréal, Canada. * Correspondance : george.rakovich@umontreal.ca   DOI : 10.24399/JCTCV22-4-RAK Citation : Rakovich G. Utilisation d’une endoprothèse pour résoudre une plaie trachéale majeure suivant une œsophagectomie. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-RAK   Résumé Les plaies trachéales représentent des situations graves qui sont difficiles à traiter, particulièrement dans le contexte d’une œsophagectomie, où la proximité des sutures gastro-œsophagiennes entraîne un risque de fistule aérodigestive fatale. Le cas rapporté décrit les étapes de la prise en charge d’une plaie de la membraneuse trachéale suivant une œsophagectomie en utilisant une endoprothèse trachéale temporaire, alors que l’imagerie a éventuellement documenté une guérison circonférentielle complète de la trachée.   Abstract Airway stenting to resolve major tracheal injury following esophagectomy Major tracheal tears are life-threatening injuries that may be challenging to treat, particularly in the context of an esophagectomy, where the proximity of gastroesophageal sutures represents a risk for developing a fatal aerodigestive fistula. This paper presents the successful treatment of an iatrogenic tear of the mid-zone of the membranous trachea using a self-expandable silicone-covered nitinol stent. Complete circumferential healing was observed on cross-sectional imaging within 8 weeks of stent insertion, allowing its subsequent removal and representing a favorable outcome.   Introduction Une plaie trachéale chez un patient critique suivant une œsophagectomie peut représenter un défi immense. Une prise en charge chirurgicale agressive et la considération judicieuse de techniques endoscopiques appropriées permettront de maximiser les chances d’une issue positive.   Observation Un patient de 70 ans avec un adénocarcinome de stade T3N0 du cardia et de multiples comorbidités médicales a subi une œsophagectomie minimalement invasive avec reconstruction cervicale. La procédure s’est déroulée sans incident. Au 7e jour postopératoire, le patient a développé une fibrillation auriculaire et a dû être réintubé pour un syndrome de détresse respiratoire de l’adulte (SDRA). La procédure d’intubation s’est déroulée de façon urgente dans la nuit et a été décrite par l’équipe de garde comme techniquement difficile, nécessitant l’utilisation d’un mandrin métallique et plusieurs tentatives d’insertion du tube endotrachéal. Le CT scan effectué dans les heures qui ont suivi a démontré une déchirure de la paroi membraneuse de la trachée, confirmée par bronchoscopie. La déchirure était située à 62 mm des cordes vocales et 45 mm de la carène. On dénotait également au CT scan des stigmates de fuite anastomotique, sans qu’il n’y ait de communication avec les voies respiratoires. Le patient a été ramené au bloc opératoire et l’anastomose défaite. La trachée a été réparée avec des points interrompus au fil de polypropylène et recouverte d’un lambeau de muscle intercostal. Le ballonnet du tube endotrachéal a été positionné tout juste distalement à la réparation, mais il y avait peu de jeu à cause de la proximité de la carène. Le conduit gastrique a été repositionné en antérieur afin d’éviter le risque de fistulisation ; la mobilisation du conduit gastrique avait été complète, incluant une manœuvre de Kocher, procurant suffisamment de longueur pour compléter une nouvelle anastomose œsophagogastrique au niveau cervical, à distance de la plaie trachéale. Douze jours après la réparation trachéale, une bronchoscopie flexible a montré une désintégration de la réparation qui avait été accotée par le ballonnet malgré les précautions. En salle d’opération, une endoprothèse auto-expansible de nitinol recouverte de silicone (UltraflexTM, Boston Scientific, Marlborough, MA, États-Unis) a été déployée par-dessus la déchirure en utilisant un bronchoscope flexible. Le patient a été réintubé au-dessus de l’endoprothèse. La fuite d’air initiale était modérée et s’est résolue en 10 jours ; le patient a été extubé au 14e jour, suivant la résolution du SDRA, et n’a requis aucune autre intervention respiratoire. Des CT scan sériés ont montré une contraction progressive de la déchirure et une guérison circonférentielle de la paroi trachéale à 8 semaines [figure 1]. L’endoprothèse a été retirée sans difficulté 13 mois après son insertion, en utilisant une bronchoscopie flexible sous anesthésie générale (le délai avait été occasionné par des problématiques continues de santé). Une bronchoscopie à 6 semaines a montré une guérison complète de la trachée et le patient a fini par complètement récupérer [figure 2].   [caption id="attachment_4173" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Évolution d’une plaie de la partie membraneuse de la trachée chez un patient ayant subi une œsophagectomie minimalement invasive.La plaie est représentée au moment du diagnostic, immédiatement après l’insertion d’une endoprothèse, et 8 semaines après l’insertion de l’endoprothèse, permettant de documenter une guérison circonférentielle.[/caption]   [caption id="attachment_4174" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Endoprothèse trachéale en place juste avant le retrait (A) ; bronchoscopie cinq mois après le retrait montrant une guérison complète de la membraneuse (B).[/caption]   Discussion La portion membraneuse de la trachée est mince et vulnérable au traumatisme direct durant la dissection chirurgicale ou au traumatisme thermique différé occasionné par les sources d’énergie utilisées en intraopératoire. Elle peut aussi être lésée par une intubation endotrachéale traumatique [1,2]. Il est probable qu’une combinaison de facteurs ait été à l’origine de la plaie subie par notre patient : un traumatisme chirurgical non reconnu est toujours possible et aurait pu fragiliser la membraneuse, alors que le contexte et les difficultés techniques entourant la procédure d’intubation suggèrent que cette dernière aurait certainement pu occasionner un traumatisme supplémentaire, la résultante de ces différentes blessures étant une perforation transmurale. Les déchirures trachéales peuvent compromettre la fonction ventilatoire et se compliquer de médiastinite et d’une contamination continue des voies respiratoires dont l’aboutissement est l’insuffisance respiratoire et le décès [1-4]. Dans le contexte d’une œsophagectomie, la proximité du conduit gastrique et des lignes d’agrafes gastro-œsophagiennes complique le problème à cause d’un risque élevé de fistule aérodigestive fatale. En général, un traitement conservateur comportant l’observation et les antibiotiques peut être une option dans les cas de ruptures limitées et contenues qui provoquent peu ou pas d’emphysème sous-cutané et qui ne compromettent pas la ventilation, à la condition que la trachée ne soit pas exposée à des pressions élevées et qu’il n’y ait pas de plaie concomitante de l’œsophage [1-4]. Le traitement chirurgical consiste typiquement en une réparation primaire sans tension recouverte d’un lambeau musculaire [1,2,4]. L’utilisation d’endoprothèses dans le traitement des plaies trachéales est rapportée de façon anecdotique [1,4]. Dans ces cas, les endoprothèses ont été insérées temporairement et retirées en dedans de quelques semaines, une fois la guérison documentée à l’imagerie. Les endoprothèses de silicone sont faciles à retirer même après de longues périodes, permettant d’accorder à la trachée le temps nécessaire à la guérison, et leur risque de complication est faible [1]. Cependant, leur utilisation exige une bronchoscopie rigide et elles sont difficiles à manipuler, ce qui limite leur utilisation chez le patient critique post-œsophagectomie ; elles se conforment plutôt mal aux contours des voies respiratoires, peuvent migrer, et leur calibre interne restreint les rend susceptibles aux bouchons de mucus [5]. En contrepartie, les endoprothèses métalliques couvertes sont faciles à déployer, moins susceptibles de migrer, se conforment librement à une lumière angulée ou irrégulière, et sont bien tolérées [3,5]. Le métal exposé aux extrémités de la prothèse peut cependant induire de l’inflammation, engendrer une érosion ou stimuler une hypergranulation qui peut occasionner une sténose et rendre difficile l’extraction [3]. En conséquence, l’utilisation des endoprothèses métalliques dans les lésions bénignes des voies aériennes demeure controversée. Cependant, il existe des signalements de succès dans l’utilisation de ces endoprothèses pour traiter des perforations trachéales et plusieurs témoignages de l’évolution du profil de sécurité des conceptions récentes [1,3,4].   Conclusion Dans ce cas-ci, la transposition du conduit gastrique pour éloigner l’anastomose des voies aériennes est le geste qui nous aura finalement procuré de la flexibilité dans la prise en charge de la plaie trachéale et nous aura permis de considérer l’endoprothèse comme option thérapeutique. Un bris contigu des voies aériennes et digestives aurait mené à une fistule aérodigestive catastrophique et une situation ingérable. Les plaies trachéales survenant dans le contexte d’œsophagectomie représentent une situation très spécifique et un défi immense qui devrait être abordé agressivement par une combinaison d’approches chirurgicales et endoscopiques afin de maximiser les chances d’une issue positive.   Références Marchese R, Mercadante S, Paglino G, Agozzino C, Villari P, Di Giacomo G. Tracheal stent to repair tracheal laceration after a double-lumen intubation. Ann Thorac Surg 2012;94(3):1001-3. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2011.12.080 PMid:22916757 Schneider T, Storz K, Dienemann H, Hoffmann H. Management of iatrogenic tracheobronchial injuries: a retrospective analysis of 29 cases. Ann Thorac Surg 2007;83(6):1960-4. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2007.01.042 PMid:17532378 Madden BP, Sheth A, Ho TB, McAnulty G. Novel approach to management of a posterior tracheal tear complicating percutaneous tracheostomy. Br J Anaesth 2004;92(3):437-9. https://doi.org/10.1093/bja/aeh061 PMid:14742343 Di Gaetano M, Mazza F, Ferrari E, Maineri P, Barabino G, Ratto GB. Selective bilateral main stem bronchial intubation for the management of severe respiratory distress syndrome due to iatrogenic carinal perforation. Can J Anaesth 2014;61(2):211-2. https://doi.org/10.1007/s12630-013-0083-8 PMid:24318727 Chin CS, Litle V, Yun J, Weiser T, Swanson SJ. Airway stents. The Annals of Thoracic Surgery 2008;85(2):S792-S796. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2007.11.051 PMid:18222219   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 25/09/2018. Acceptation : 15/10/2018.    
décembre 3, 2018
Chirurgie thoracique · Vol. 20 Juin 2016

Résultats à long terme des œsophagectomies selon la technique de Lewis Santy par voie conventionnelle par rapport à la laparoscopie : analyse par score de propension

Philippe Rinieri, Moussa Ouattara, Geoffrey Brioude, Anderson Loundou, Henri de Lesquen, Delphine Trousse, Christophe Doddoli, Pascal-Alexandre Thomas, Xavier Benoît D’Journo Service de chirurgie thoracique et des maladies de l’œsophage, hôpital Nord, CHU d’Aix-Marseille, Marseille Correspondance : xavier.djourno@ap-hm.fr   Résumé Introduction : L’œsophagectomie selon la technique de Lewis Santy (LS) est le traitement de référence des cancers du tiers inférieur de l’œsophage ou de la jonction œsogastrique (Siewert I and II), le plus souvent dans le cadre d’une approche multimodale. Cette chirurgie est associée à une forte morbidité postopératoire justifiant le recours à des techniques mini-invasives, essentiellement par laparoscopie pour en réduire le traumatisme. Néanmoins, les résultats oncologiques à long terme de la laparoscopie par rapport à la laparotomie ont été peu évalués. Méthodes : Tous les patients qui ont eu une œsophagectomie de type LS pour cancer entre 2002 et 2014 ont été sélectionnés à partir d’une base de données prospective. Les œsophagectomies totalement mini-invasives ont été exclues de l’étude. Les patients ont été appariés un pour un (laparotomie versus laparoscopie), sur la base du score de propension calculé à partir de la régression logistique incluant les variables dépendantes suivantes : âge, sexe, VEMS, traitement néoadjuvant, chirurgie de rattrapage, type histologique, localisation, stade pathologique. L’objectif primaire était l’évaluation de la survie globale et sans récidive à 5 ans selon la méthode de Kaplan-Meier. Les objectifs secondaires étaient l’évaluation de la qualité de la chirurgie (taux de résection complète, nombre et localisation des ganglions réséqués) et des modalités de récidive (locorégionale ou générale) dans les 2 groupes. Résultats : Sur une période de 12 ans, 379 œsophagectomies pour cancer ont été réalisées, dont 272 selon la technique de LS. Cent quarante patients ont été appariés en deux groupes homogènes (groupes laparotomie et laparoscopie) à partir du score de propension. La médiane de suivi des patients vivants sans récidive était de 32 mois (1-104). La survie globale à 5 ans des groupes laparotomie et laparoscopie était respectivement de 65 % et de 73 % (p = 0,891). La survie sans récidive à 5 ans était de 48 % dans le groupe laparotomie et de 51 % dans le groupe laparoscopie (p = 0,912). Le taux de résection R0 des groupes laparotomie et laparoscopie étaient respectivement de 93 % et de 97 % (p = 0,441). Le nombre total de ganglions réséqués était de 22 ± 11 (9 ± 6 ganglions abdominaux et 13 ± 8 ganglions médiastinaux) dans le groupe laparotomie et de 22 ± 10 (8 ± 5 ganglions abdominaux et 14 ± 8 ganglions médiastinaux) dans le groupe laparoscopie (p = 0,902). Au terme du suivi, 33 patients (24 %) étaient décédés. Trente-deux patients (23 %) ont eu une récidive tumorale : 24 récidives métastatiques et 8 récidives locorégionales isolées. Les modalités de récidive étaient similaires dans les deux groupes. Conclusion : La laparoscopie ne compromet pas les résultats oncologiques à long terme des œsophagectomies selon la technique de LS, par rapport à une approche conventionnelle. La qualité de la chirurgie semble comparable dans les deux techniques, à l’exception des ganglions réséqués au niveau du tronc cœliaque. Des essais contrôlés randomisés restent nécessaires pour confirmer ces résultats.   Abstract Long-term outcome of open versus hybrid minimally invasive Ivor Lewis esophagectomy: a propensity match score study  Introduction: Ivor Lewis (IL) esophagectomy is considered an effective procedure for the treatment of esophageal cancer and gastroesophageal junction, alone or after neoadjuvant treatment. Because of the high postoperative morbidity of the open procedure, hybrid minimally invasive techniques including a laparoscopic approach have been developed in order to reduce the surgical trauma. However, long-term outcomes of laparoscopy compared to laparotomy have been poorly reported. Methods: All the patients who had an IL esophagectomy for cancer between 2002 and 2014 were extracted from a prospective database. Patients operated on with total minimally invasive esophagectomy were excluded. The patients were matched one-to-one according to the surgical approach (laparoscopy versus laparotomy) on the basis of the propensity score calculated from the logistic regression including the following dependent variables: age, gender, FEV1, neoadjuvant treatment, salvage surgery, histology, location and pathological stage. The first end-point of the study was the assessment of the five-year survival and disease-free survival (DFS) rates (Kaplan-Meier method). The secondary end-points were: 1) the assessment of the quality of the surgery based on R0 resection rate, the number and distribution of resected lymph nodes (LN); 2) and the patterns of recurrence (locoregional or distant) in both groups. Results: Over a 12-year period, 379 esophagectomies were performed, among whom 272 were done using the IL technique. One hundred and forty patients were matched from the propensity score in two homogeneous groups: laparotomy (n=70) and laparoscopy (n=70). The median follow-up for those alive and without recurrence at study end was 32 months (range, 1-104). The five-year overall survival rate was 65% in the laparotomy group and 73% in the laparoscopy group (p=0.891). The five-year disease-free survival rate was 48% in the laparotomy group and of 51% in the laparoscopy group (p=0.912). The R0 resection rate was respectively 93% versus 97% between the laparotomy and laparoscopy groups (p=0.441). The number of resected LN was 22±11 (9±6 in the abdomen, 13±8 in the chest) in the laparotomy group and 22±10 (8±5 in the abdomen, 14±8 in the chest) in the laparoscopy group (p=0.902). At the time of review, 32 patients (23%) had developed a recurrence, and 33 patients (24%) had died. Of the 32 patients with evidence of recurrence, 24 had a distant recurrence and 8 had a locoregional recurrence. According to the surgical approach, the patterns of recurrence were similar in both groups. Conclusions: A laparoscopic approach to IL esophagectomy does not compromise the long-term oncologic outcome compared to the open approach. The quality of surgery seems similar in both techniques, except for the number of LN resected at the level of the celiac trunk in laparoscopy. Further randomized controlled trials are necessary to confirm these results.   1. INTRODUCTION L’œsophagectomie transthoracique selon la technique de Lewis Santy (LS) est le traitement de référence des cancers du tiers inférieur de l’œsophage ou de la jonction œsogastrique, le plus souvent dans le cadre d’une approche multimodale. [1,2]. La morbimortalité des œsophagectomies transthoraciques reste élevée malgré les progrès dans la prise en charge périopératoire [3]. Après ce type de chirurgie, la morbidité est de 30 à 50 % et la mortalité de 2 à 10 % [1]. Les complications les plus fréquentes sont respiratoires [4]. Compte tenu du nombre élevé d’événements respiratoires postopératoires et de la mortalité qui leur est liée, plusieurs techniques de chirurgies mini-invasives se sont développées pour en réduire le traumatisme particulièrement important dans ce type de chirurgie nécessitant des abords chirurgicaux multiples. Le principal intérêt clinique de la chirurgie mini-invasive est de réduire le stress chirurgical, de permettre une rééducation respiratoire efficace et d’autoriser une mobilisation précoce. La laparoscopie apparaît comme une alternative à la laparotomie. Ainsi, l’intervention de LS avec un premier temps par laparoscopie, tout en conservant le temps thoracique par une approche conventionnelle, a été introduite depuis une dizaine d’années avec des résultats prometteurs. D’après l’étude de Briez et al., un abord par laparoscopie diminuerait le risque de complications pulmonaires majeures et réduirait même la mortalité postopératoire tout en permettant de conserver la qualité de la résection chirurgicale si l’on tient compte de critères oncologiques traditionnels comme le nombre de ganglions réséqués ou le taux de résections complètes [5]. De nombreuses études ont essayé d’évaluer les résultats oncologiques des œsophagectomies mini-invasives, mais l’interprétation des résultats reste limitée compte tenu de l’hétérogénéité des techniques, des indications et des populations étudiées [4,6]. L’étude randomisée multicentrique française en cours (étude MIRO : œsophagectoMIe pour cancer paR voie conventionnelle ou cœliO-assistée) compare les interventions de LS avec thoracotomie, par laparotomie et par laparoscopie [7]. L’un des objectifs secondaires est l’évaluation à long terme des résultats oncologiques de ces deux techniques chirurgicales, mais les résultats ne sont pas encore connus. L’objectif principal de notre étude était d’évaluer à partir d’un appariement, les résultats à long terme des œsophagectomies selon la technique de LS avec le temps abdominal par laparoscopie par rapport à une approche conventionnelle.   2. MÉTHODES   2.1. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique, à partir d’une base de données prospective. Cette étude en intention de traiter a reçu l’avis favorable du Comité d’éthique de recherche clinique de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire (CERC-SFCTCV-2015-3-31-17-46-5-RiPh). Toutes les œsophagectomies pour cancer réalisées entre août 2002 et décembre 2014 ont été revues. Les patients qui ont eu une intervention de LS par laparotomie ou laparoscopie ont été inclus. Le choix de la voie d’abord dépendait de l’opérateur. Les œsophagectomies subtotales par voie gauche ou par trois voies (interventions de Mac Keown et d’Akiyama), les œsophagectomies totalement mini-invasives (vidéothoracoscopie et laparoscopie ou chirurgie robotique), les approches transhiatales et les œsopharyngolaryngectomies totales ont été exclues. Les patients ont été appariés sur la base d’un score de propension calculé à partir de la régression logistique incluant la variable dépendante (laparotomie ou laparoscopie) et les variables indépendantes (âge, sexe, score ASA, VEMS, traitement néoadjuvant, chirurgie de rattrapage, type histologique, localisation, stade pathologique). Les résultats des œsophagectomies selon la technique de LS, conventionnelles (groupe laparotomie) et mini-­invasives hybrides (groupe laparoscopie) ont été comparés. Le traitement néoadjuvant consistait en une chimiothérapie seule ou associée à une radiothérapie (45 grays). En cas de chirurgie de rattrapage, les patients étaient opérés après radiochimiothérapie exclusive, comprenant entre 50-60 grays. Les stades pathologiques étaient évalués selon la 7e édition de la classification TNM, publiée en 2009 par l’Union internationale contre le cancer. Les patients ont été revus en consultation à un mois postopératoire, puis tous les 6 mois avec une endoscopie œsogastrique et un scanner thoracoabdominal. En cas de suspicion de récidive, une confirmation histologique était systématiquement recherchée. Les survies étaient obtenues à partir des dates opératoires, de décès, de récidives et des dernières nouvelles (septembre 2015).   2.2. Critères de jugement L’objectif principal était l’évaluation de la survie globale et sans récidive à 5 ans selon la méthode de Kaplan-Meier. Les objectifs secondaires étaient l’évaluation de la qualité de la chirurgie (taux de résection chirurgicale complète, localisation et nombre des ganglions réséqués et envahis) et les modalités de récidive (locorégionale ou métastatique).   2.3. Description de la chirurgie Le temps abdominal comprenait l’exploration, la dissection du ligament gastrocolique en conservant l’arcade gastroépiploïque, le curage ganglionnaire, l’amorce de la tubulisation gastrique par une agrafeuse. En cas de laparoscopie, 5 à 6 trocarts étaient nécessaires et l’insufflation de CO2 était de 11 mmHg. En cas de laparotomie, une pyloroplastie ou pyloroclasie était systématique. Le temps thoracique était systématiquement réalisé par thoracotomie postérolatérale droite. Il comprenait la ligature du canal thoracique, l’œsogastrectomie polaire supérieure avec médiastinotomie postérieure monobloc, le curage ganglionnaire, la tubulisation gastrique, l’anastomose mécanique œsogastrique terminolatérale au sommet du thorax. Nos techniques chirurgicales répondaient aux critères de qualité en oncologie digestive (Thésaurus national de cancérologie digestive, Cancer de l’œsophage 01/03/2013). Tous les patients ont eu un curage ganglionnaire 2 champs étendu : abdominal (petite courbure, gastrique gauche, cœliaque, paracardial) et médiastinal (stations 2D, 4D, 7, 8 et 9). La préparation macroscopique de la pièce opératoire était systématiquement réalisée par le chirurgien avant envoi en anatomopathologie définitif en prenant soin d’identifier chaque groupe ganglionnaire, ainsi que les recoupes digestives.   2.4. Analyse statistique L’analyse statistique a été réalisée par un biostatisticien de notre institution avec le logiciel IBM SPSS Statistics version 20. Le score de propension a été réalisé sur les variables détaillées précédemment. Le test du log-rank a permis de comparer les courbes de survie établies par la méthode de Kaplan-Meier. Les résultats portant sur des variables continues sont exprimés sous forme de moyenne ± écart type ou par la médiane et l’écart interquartile. Les variables continues ont été comparées par un test de Student ou un test de Mann-Whitney. Les variables qualitatives ont été comparées par un test de Pearson Chi-square ou par un test exact de Fischer. Une valeur p inférieure à 0,05 était considérée comme statistiquement significative. Une analyse multivariée avec régression logistique selon un modèle de Cox avait pour objectif d’identifier des facteurs de risque de survenue d’un décès ou d’une récidive. Le choix des variables candidates à l’analyse multivariée s’est fait sur le critère de la valeur < 5 % en analyse univariée et sur les variables qui ont une relevance clinique (âge, ASA, pN+/pN-, rupture capsulaire, R0/R1).   3. RÉSULTATS   3.1. Description de la population Sur une période de 12 ans, 379 œsophagectomies pour cancer ont été réalisées dans le service, dont 272 œsophagectomies selon la technique de LS (179 techniques conventionnelles et 93 techniques mini-invasives hybrides). Deux groupes homogènes de 70 patients (groupe laparotomie et groupe laparoscopie) ont été obtenus à partir d’un score de propension incluant les 9 variables indépendantes. Les données démographiques, cliniques et histologiques des deux groupes sont résumées dans le tableau 1. De 2002 à 2008, les groupes laparotomie et laparoscopie comprenaient respectivement 39 et 38 patients. De 2009 à 2014, les groupes laparotomie et laparoscopie comprenaient respectivement 31 et 32 patients. Deux patients du groupe laparoscopie ont été convertis en laparotomie pour saignement. La mortalité à 30 jours postopératoires était de 5 % (4 patients dans le groupe laparoscopie et 3 patients dans le groupe laparotomie). La mortalité à 90 jours postopératoires était de 8,6% (6 patients dans chaque groupe). La médiane de suivi des patients vivants sans récidive était de 32 mois (1-104). Au terme du suivi, 33 patients (24 %) étaient décédés.   Tableau 1: Données démographiques, cliniques et histologiques (variables du score de propension) Total (n = 140) Laparotomie (n = 70) Laparoscopie (n = 70) Valeur p Âge (années) 61,1 ± 9 61 ± 9 61,1 ± 9 0,951 Sexe – Homme – Femme   113 27   54 16   59 11 0,284 Score ASA (1/2/3) – 1 – 2 – 3   23 88 29   14 40 16   9 48 13 0,346 VEMS (%) 90,4 ± 17,6 90,9 ± 17,4 89,8 ± 17,9 0,724 Chirurgie – Chirurgie d’emblée – Après traitement néoadjuvant – Chirurgie de rattrapage   68 63 9   36 30 4   9 48 13 0,798 Type histologique – Adénocarcinome – Carcinome épidermoïde   105 35   55 15   50 20 0,329 Localisation de la tumeur – Tiers inférieur – Tiers moyen   123 17   63 7   60 10 0,438 Stade pathologique – 0 – IA – IB – IIA – IIB – IIIA – IIIB – IIIC – IV   30 34 11 17 9 21 9 7 2   15 18 5 7 4 11 5 4 1   15 16 6 10 5 10 4 3 1 0,997   3.2. Survie globale et survie sans récidive à 5 ans La survie globale à 5 ans des 140 patients était de 69 %. La survie globale à 5 ans des groupes laparotomie et laparoscopie étaient respectivement de 65 % et de 73 % (p = 0,891) [figure 1]. La médiane de survie n’était pas atteinte dans les deux groupes.   [caption id="attachment_733" align="alignnone" width="300"] Figure 1 : Survie globale à 5 ans des 2 groupes[/caption]   La survie sans récidive à 5 ans des patients était de 49 %. La survie sans récidive à 5 ans des groupes laparotomie et laparoscopie était respectivement de 48 % et de 51 % (p = 0,912) [figure 2].   [caption id="attachment_734" align="alignnone" width="300"] Figure 2 : Survie sans récidive à 5 ans des 2 groupes[/caption]   3.3. Qualité de résection chirurgicale Le curage ganglionnaire est détaillé dans le tableau 2. Le nombre total de ganglions réséqués était de 22 ± 11 (9 ± 6 ganglions abdominaux et 13 ± 8 ganglions médiastinaux) dans le groupe laparotomie et de 22 ± 10 (8 ± 5 ganglions abdominaux et 14 ± 8 ganglions médiastinaux) dans le groupe laparoscopie (p = 0,902). Le taux de résection chirurgicale complète par laparotomie et par laparoscopie étaient respectivement de 93 % et de 97 % (p = 0,441). Aucun patient n’a eu de résection R2. Cinq patients du groupe laparotomie ont eu une résection R1 : infiltration tumorale du tissu adipeux périganglionnaire gastrique gauche (n = 2) et médiastinal (n = 1) et envahissement tumoral de la collerette œsophagienne (n = 2). Deux patients du groupe laparoscopie ont eu une résection R1 : envahissement tumoral de la collerette œsophagienne (n = 2).   Tableau 2: Curage ganglionnaire Total (n = 140) Laparotomie (n = 70) Laparoscopie (n = 70) Valeur p Nombre total de ganglions réséqués 22,2 ± 11 22,3 ± 11 22 ± 10 0,902 Nombre de ganglions médiastinaux réséqués – paratrachéal – souscarinaire – para-œsophagien supérieur et moyen – para-œsophagien inférieur 13,8 ± 8 4,6 ± 5 3,9 ± 3 2,4 ± 2 2,9 ± 3 13,2 ± 8 4,3 ± 5 3,6 ± 3 2,1 ± 2 3,1 ± 3 14,4 ± 8 5 ± 5 4,1 ± 3 2,6 ± 2 2,7 ± 2 0,357 0,371 0,315 0,232 0,332 Nombre de ganglions abdominaux réséqués – cœliaque – gastrique gauche – petite courbure – cardia 8,4 ± 5 1,3 ± 3 3,7 ± 3 1,8 ± 3 1,8 ± 2 9,2 ± 6 2,2 ± 3 3,3 ± 3 1,9 ± 2 1,8 ± 2 7,7 ± 5 0,5 ± 1 4 ± 4 1,4 ± 1 1,7 ± 3 0,105 < 0,001* 0,248 0,282 0,914 Nombre de ganglions envahis – médiastin – abdomen 1,2 ± 3 0,8 ± 1 0,7 ± 2 1,2 ± 2,71 0,6 ± 1,42 0,6 ± 1,67 1,1 ± 2 0,3 ± 1 0,8 ± 2 0,770 0,217 0,643 Ganglions prélevés et envahis, test de Soudent sauf * test de Mann-Whitney.   3.4. Récidives tumorales (locorégionales et/ou métastatiques) Trente-deux patients ont eu une récidive tumorale au cours du suivi [tableau 3]. Huit patients (6 %) ont eu une récidive locorégionale isolée [tableau 4] : anastomose œsogastrique (n = 2) et adénopathies médiastinales ou abdominales (n = 6). Le taux de récidive locorégionale des groupes laparotomie et laparoscopie était de 7 % et de 4 % (p = 0,719). Vingt-quatre patients ont eu une récidive métastatique : métastases hépatiques, pulmonaires, pleurales, péritonéales, cérébrales, osseuses et cutanées. Le taux de récidive métastatique des groupes laparotomie et laparoscopie étaient de 16 % et de 19 % (p = 0,826).   Tableau 3: Récidive tumorale. Total (n = 140) Laparotomie (n = 70) Laparoscopie (n = 70) Valeur p Récidive locorégionale isolée (%) – périanastomotique – ganglions médiastinaux – ganglions abdominaux 8 (6) 2 4 2 5 (7) 2 1 2 3 (4) 0 3 0 0,719 Récidive métastatique (%) 24 (17) 11 (16) 13 (19) 0,826   Tableau 4 : Caractéristiques des patients qui ont une récidive locorégionale isolée (non métastatique) Patient Sexe Âge Chirurgie Temps abdominal Histologie p stade pN Résection Récidive Délai de récidive 1 H 64 Néo laparotomie Epi IIA N- R0 ANAST 44 mois 2 H 60 Néo laparotomie ADK IIA N- R0 GG THO 28 mois 3 H 43 C laparoscopie Epi IA N- R0 GG THO 11 mois 4 H 55 Rattrap laparoscopie ADK IIIA N+ R0 GG THO 9 mois 5 F 56 C laparotomie Epi IA N- R0 ANAST 48 mois 6 H 67 Neo laparoscopie Epi 0 N- R0 GG THO 8 mois 7 H 67 C laparotomie ADK IIIC N+ R1 GG ABDO 1 mois 8 H 56 Néo laparotomie ADK IIIA N+ R0 GG ABDO 16 mois H : homme, F : femme, C: chirurgie première d’emblée, Néo : traitement néo adjuvant, Rattrap : chirurgie de rattrapage, Epi : carcinome épidermoïde, ADK : adénocarcinome, ANAST : anastomose œsogastrique, GG :ganglions   3.5. Analyses multivariées des facteurs affectant la survie et la survie sans récidive Aucun facteur significatif ne semblait affectait la survie [tableau 5]. Le seul facteur de risque affectant la survie sans récidive était la rupture capsulaire [tableau 6].   Tableau 5: Analyse multivariée des facteurs affectant la survie Ords ratio IC 95 % Valeur p Âge 1,035 0,996-1,075 0,076 ASA 1,102 0,628-1,931 0,735 pN+ 0,773 0,291-2,053 0,606 Rupture capsulaire 2,437 0,682-8,709 0,170 Résection R1 0,944 0,192-4,637 0,943 Tableau 6 : analyse multi variée des facteurs affectant la survie sans récidive   Ords ratio IC 95% Valeur p Âge 1,009 1,389-7,254 0,516 ASA 1,178 0,768-1,803 0,454 pN+ 1,299 0,661-2,552 0,448 Rupture capsulaire 3,174 1,389-7,254 0,006 Résection R1 1,138 0,401-3,229 0,808   4. DISCUSSION L’intérêt des voies mini-invasives par rapport aux voies conventionnelles dites « ouvertes » a été suggéré récemment pour différents types d’interventions chirurgicales majeures oncologiques. L’intérêt de ces voies d’abord est en cours d’évaluation pour le cancer du poumon (chirurgie thoracique vidéo-assistée (VATS) ou robot-assistée (RATS) [8]. L’intérêt postopératoire des voies mini-invasives en chirurgie de l’œsophage a été récemment rapporté par deux essais randomisés, l’un dédié à la chirurgie totalement vidéo-assistée [9], l’autre consacré à une technique hybride comportant une laparoscopie (essai MIRO en cours de publication) [7]. Il ressort de la littérature actuelle que l’utilisation de la laparoscopie permettrait une réduction significative de la morbimortalité respiratoire des œsophagectomies. Les pneumopathies postopératoires et le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) sont les complications les plus fréquentes et graves après œsophagectomie (première cause mortalité à 90 jours) [2]. De plus, il existe une corrélation entre les complications postopératoires et la survenue d’une récidive tumorale [10]. Si le bénéfice postopératoire de ces voies mini-invasives ne fait plus de doute, les résultats oncologiques à long terme de ces techniques sont en revanche bien moins connus. Les principales cohortes chirurgicales d’œsophagectomies mini-invasives publiées à ce jour sont hétérogènes quant aux techniques utilisées [4,6]. En attendant les résultats de l’essai randomisé MIRO [7] sur la survie à long terme de la voie laparoscopique, notre étude suggère que la laparoscopie ne compromettrait pas les résultats oncologiques par rapport à la voie conventionnelle « ouverte ». La survie sans récidive à 5 ans de notre série (49 %) est comparable à celle de du Rieu et al. (51 %) [11]. En revanche, la survie globale à 5 ans de notre série est supérieure à celle de du Rieu et al. (69 % contre 49 %), qui est plus ancienne [11]. Les progrès récents dans la prise en charge des récidives tumorales expliquent probablement cette différence. Notre série ne retrouve pas de différence significative de survie globale à 5 ans entre les groupes laparotomie et laparoscopie. La méta-analyse de Dantoc et al. ne montrait également pas de différence significative de survie globale à 5 ans entre les œsophagectomies conventionnelles et mini-invasives, mais le groupe mini-invasif était techniquement très hétérogène [12]. Dans notre étude, le taux de résection chirurgicale complète des groupes laparotomie et laparoscopie était comparable. Le taux de résection R0 des groupes laparotomie et laparoscopie était également comparable dans l’étude de Briez et al. avec respectivement 87,9 % et 85,7 % de résection R0 (p = 0,483) [5]. Le nombre total de ganglions réséqués par laparotomie et par laparoscopie était similaire dans notre étude, à l’exception du nombre de ganglions cœliaques qui est inférieur en laparoscopie. Cette différence peut s’expliquer par le fait que par laparoscopie, l’artère gastrique gauche est agrafée au ras du tronc cœliaque avec un curage du tronc cœliaque, de la faux de l’artère hépatique et de l’origine de l’artère splénique relativement plus complexe qu’en laparotomie. A contrario, la méta-analyse de Dantoc et al. retrouve un nombre de ganglions réséqués par voie d’abord mini-invasive plus élevé que par technique conventionnelle [12]. Ces centres, experts en chirurgie mini-invasive, réalisent des curages ganglionnaires radicaux par voie d’abord mini-invasive. De plus, la préparation de la pièce opératoire « sur table » permet d’augmenter le nombre de ganglions analysés par les anatomopathologistes. Le taux de récidives tumorales (locorégionale et/ou métastatique) de notre série (23 %) semble inférieure à celle de du Rieu et al. (44 %) et de Lou et al. (38 %) [11,13]. Cette différence du taux de récidive tumorale peut s’expliquer par une durée de suivi plus courte dans notre étude. Les œsophagectomies totalement mini-invasives (laparoscopie et vidéothoracoscopie) ont été exclues de l’étude, car elles représentent la déclinaison ultime du concept de chirurgie mini-­invasive [14]. Le premier essai contrôlé randomisé comparant œsophagectomies conventionnelles et totalement mini-invasives, par laparoscopie et vidéothoracoscopie (étude TIME), a montré une diminution de la morbidité opératoire sans compromettre la qualité de la résection chirurgicale (nombre de ganglions et taux de résection R0) [9,15]. Une méta-analyse récente, comparant les œsophagectomies conventionnelles et totalement mini-invasives, a retrouvé un nombre de ganglions réséqués et une survie globale à 5 ans comparables pour les deux techniques chirurgicales [12]. L’étude TIME et la méta-analyse de Dantoc et al. sont hétérogènes et concernent des patients qui ont eu une œsophagectomie totalement mini-invasive, mais selon différentes techniques opératoires (œsophagectomies transhiatales ou selon la technique de LS ou de Mac Keown modifié). La chirurgie robotique se développe, mais ses résultats ne sont pas encore suffisamment matures [16,17]. Les études randomisées en cours (TIME et ROBOT) permettront d’évaluer les résultats à long terme de ces différentes techniques totalement mini-invasives [15,18].   4.1. Limites de l’étude Les patients n’étaient pas randomisés, mais ont été appariés selon un score de propension, afin de pouvoir comparer des groupes homogènes et contemporains. Nous avons choisi le pTNM comme variable du score de propension et non le cTNM, car le bilan d’extension des cancers œsophagiens a évolué au cours des dernières années, avec notamment l’utilisation systématique du Pet-scanner. De plus, l’utilisation du pN a permis l’appariement des patients en fonction du nombre de ganglions envahis.  Les cancers de la jonction œsogastrique (Siewert I ou II) n’ont pas été différenciés des cancers du tiers inférieur de l’œsophage thoracique, ce qui a pu induire un biais de sélection. Les patients ont été inclus à partir d’août 2002 (date de la première intervention de LS mini-invasive hybride), afin d’éliminer un biais de prise en charge périopératoire. Il existe néanmoins un biais lié à la courbe d’apprentissage des techniques mini-invasives. Les deux patients convertis en laparotomie font partie du groupe laparoscopie, car l’étude était en intention de traiter. La morbidité opératoire et les scores de qualité de vie n’ont pas été étudiés, car l’objectif de l’étude était de comparer les résultats oncologiques à long terme des interventions de LS réalisées par laparotomie et par laparoscopie.   5. CONCLUSION La laparoscopie ne compromet pas les résultats oncologiques à long terme des œsophagectomies selon la technique de LS, par rapport à une approche conventionnelle. La survie globale et sans récidive à 5 ans des interventions de LS conventionnelles et mini-invasives hybrides sont comparables. La qualité de la chirurgie semble également comparable dans les deux techniques. Le taux de résection R0 et le nombre total de ganglions réséqués par laparotomie et par laparoscopie étaient similaires dans notre étude, à l’exception du nombre de ganglions cœliaques qui est inférieur en laparoscopie. Des essais contrôlés randomisés sont néanmoins nécessaires pour évaluer les résultats à long terme des œsophagectomies conventionnelles et mini-invasives.   RÉFÉRENCES Mariette C, Piessen G, Triboulet J-P. Therapeutic strategies in oesophageal carcinoma: role of surgery and other modalities. Lancet Oncol 2007;8:545-53. D’Journo XB, Thomas PA. Current management of esophageal cancer. 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juin 3, 2016