Cas clinique · Vol. 20 Décembre 2016

Hydatidose multivésiculaire : une localisation rare au niveau pulmonaire

Ibrahim Issoufou, Sani Rabiou,Layla Belliraj, Ammor Fatmazahra, Hicham Harmouchi, Marouane Lakranbi, Yassine Ouadnouni,Mohamed Smahi   Service de chirurgie thoracique, CHU Hassan II, Fès, Maroc. Correspondance : alzoumib84@gmail.com     Résumé La multivésiculation du kyste hydatique est rarement rencontrée au niveau pulmonaire. Une patiente âgée de 15 ans, opérée dix ans auparavant d’un kyste hydatique hépatique, est présentée à notre service pour prise en charge d’un kyste hydatique multiloculaire du poumon droit. Notre travail consiste à présenter à travers cette observation et une revue de la littérature, les particularités physiopathologiques et la prise en charge de l’hydatidose pulmonaire multivésiculaire.   Abstract Multilocular hydatid cysts are rarely encountered in the lung. A 15-year-old female with past medical history of hepatic hydatid cyst operated on 10 years earlier was presented to our institution with multilocular hydatid cyst of the right lung. Our goal is to present through this case presentation and literature review the pathogenesis and management of multilocular lung hydatid disease.   1. INTRODUCTION  L’échinococcose ou maladie hydatique est une anthropozoonose provoquée par le développement chez l’homme de la forme larvaire d’un cestode de l’espèce Echinococcus granulosus. La multivésiculation du kyste est rarement rencontrée au niveau pulmonaire. Notre travail consiste à présenter à travers une observation et une revue de la littérature les particularités physiopathologiques et la prise en charge de l’hydatidose pulmonaire multivésiculaire.   2. OBSERVATION  Mlle L. S, âgée de 15 ans, opérée d’un kyste hydatique hépatique dix ans plus tôt est présentée à notre service pour des épisodes de toux productive. L’examen clinique a retrouvé une cicatrice de laparotomie sous costale droite. La radiographie thoracique a objectivé une ascension de la coupole diaphragmatique droite [figure 1]. La TDM thoracoabdominale [figure 2] a mis en évidence une image kystique multivésiculaire du segment postérobasal du poumon droit, une image excavée du culmen et plusieurs kystes hydatiques hépatiques dont un était multivésiculaire. Une échographie abdominale confirmait la présence de kystes hydatiques au niveau du dôme hépatique, du segment VII et du segment IV qui lui était multivésiculaire. Une thoracotomie postérolatérale droite conservatrice passant par le 7e espace intercostal était réalisée. L’exploration retrouvait un kyste hydatique plein au niveau du segment postérobasal droit comprimant le diaphragme [figure 3]. Une énucléation selon la technique d’Ugon permettait l’ablation de ce kyste [figure 4]. Les suites opératoires ont été simples, la patiente est sortie à J+4 du postopératoire. Elle a été adressée en service de chirurgie viscérale pour la prise en charge des kystes hydatiques hépatiques.   [caption id="attachment_2941" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Radiographie thoracique montrant une ascension de la coupole diaphragmatique droite.[/caption] [caption id="attachment_2942" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Doubles kystes hydatiques multivésiculaires dont l’un au niveau du segment postérobasal du poumon droit et l’autre au niveau du foie droit.[/caption] [caption id="attachment_2943" align="aligncenter" width="257"] Figure 3. Kyste hydatique du segment postérobasal du lobe inférieur droit.[/caption] [caption id="attachment_2944" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Kyste hydatique contenant des vésicules proligères.[/caption]   3. DISCUSSION La particularité de cette observation réside dans la multivésiculation du kyste hydatique pulmonaire. En effet, si cette dernière est rencontrée dans la majorité des kystes hydatiques médiastinaux primitifs décrit par Zidi et al. [1], elle reste très rare au niveau pulmonaire. Elle est presque toujours synonyme d’une localisation extrapulmonaire [2]. Au cours de son expansion, le kyste hydatique s’épanouit dans le sens de moindre résistance. Il garde une structure univésiculaire comme dans la majorité des kystes hydatiques pulmonaires en raison de la souplesse du parenchyme pulmonaire [3]. La multivésiculation survient lorsque le kyste rencontre un obstacle lors de sa croissance. Dans notre observation, le kyste étant de localisation basale, la multivésiculation est due à la contrainte exercée par le diaphragme faisant obstacle à la croissance du kyste. Cette contrainte expose à la rupture spontanée du kyste et à la contamination de la cavité pleurale, le risque majeure étant la survenue d’une hydatidose pleurale secondaire [4]. Ce risque est accru lorsque le kyste est multivésiculaire. En effet ces vésicules sont de véritables capsules proligères et constituent ainsi des nids de scolex [5]. Le traitement chirurgical est la règle. Il doit permettre l’exérèse du kyste en évitant toute contamination du champ opératoire. Plusieurs techniques ont été décrites [6]. L’énucléation selon la technique d’Ugon nous semble mieux indiqué lorsque le kyste est multivésiculaire. Elle consiste à réaliser, après protection du champ opératoire, une incision entre le périkyste et la membrane hydatique sans ouvrir le kyste. Cette incision sera faite prudemment au bistouri froid pour éviter de léser le kyste. On réalise ensuite une expulsion ou accouchement du kyste. Cette manœuvre est facilitée par une réexpansion pulmonaire réalisée par l’anesthésiste, par insufflations manuelles itératives [6]. Le kyste sera alors réséqué en monobloc évitant ainsi toute dissémination pleurale.   4. CONCLUSION Le kyste hydatique pulmonaire multivésiculaire est une entité rare. Des facteurs mécaniques sont la cause de cette multivésiculation. La résection chirurgicale sera réalisée en monobloc pour éviter une contamination pleurale.   RÉFÉRENCES Zidi A, Zannad-Hantous S, Mestiri I et al. Kyste hydatique primitif du médiastin : 14 cas. J Radiol 2006;87:1869-74. Zidane A, Arsalane A, Atoini F, Kabiri EH. Les kystes hydatiques thoraciques extra-pulmonaires. Rev Pneumol Clin 2006;62:386-389. El Khattabi W, Aichane A, Riah A, Jabri H, Afif H, Bouayad Z. Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire. Rev Pneumol Clin 2012;68:329-337. Bouchikh M, Achir A, Maidi M, Ouchen F, Fenane H, Benosman A. La rupture intrapleurale des kystes hydatiques pulmonaires. Rev Pneumol clin 2014;70:203-207. Riquet M et Souilamas R. Kyste hydatique pulmonaire. Indications thérapeutiques. Encycl Méd Chir (Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Pneumologie 6-003-M-10, 2000, 6 p. Avaro J.-P., Djourno X.-B., Kabiri El.-H., Bonnet P.-M., Charpentier R., Doddoli C., Thomas P. Traitement chirurgical des kystes hydatiques du poumon. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales-Thorax 42-432, 2007. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 07/07/2016. Acceptation : 07/11/2016.   
décembre 8, 2016
Chirurgie vasculaire · Vol. 20 Abstract 2016

V-05 – La malperfusion des artères bronchiques contribue-t-elle aux complications respiratoires chez les patients opérés de dissection aortique de type A ?

Alexandre Ponti, René Prêtre, Matthias Kirsch Service de chirurgie cardiaque, centre hospitalier universitaire Vaudois, Lausanne, Suisse  Objectif La dissection aortique aiguë de type A (DAATA) est la plus fréquente des pathologies létales touchant l’aorte. La malperfusion des branches de l’aorte, des ostia coronariens à la bifurcation aortique, représente une source significative de morbidité et mortalité. Les artères bronchiques irriguent l’arbre bronchique et peuvent être visualisées par tomographie computérisée (CT). Elles jouent un rôle dans la défense contre les infections, la clearance mucocilaire ainsi que la clearance de l’œdème de reperfusion post-ischémique. Notre hypothèse a été d’évaluer si un lien existait entre la malperfusion des artères bronchiques et les complications pulmonaires postopératoires.  Méthode Nous avons revu les CT des 40 derniers patients opérés consécutivement d’une DAATA au CHUV entre 2014 et 2015. Nous avons spécifiquement recherché les artères bronchiques afin de déterminer leur perméabilité. La durée d’intubation postopératoire, le temps d’hospitalisation aux soins intensifs ainsi que les complications respiratoires ont été collectés. Quinze patients ont été exclus en raison du manque d’imagerie ou de données.  Résultat Vingt-cinq patients ont été inclus dans l’étude. Une malperfusion des artères bronchiques a été notée chez 9 (36 %) patients. Le temps moyen de ventilation invasive et d’hospitalisation aux soins intensifs était de 3,24 (± 3,31) et 6,6 (± 5,02) jours respectivement. Nous n’avons pas mis en évidence de différence dans la durée d’hospitalisation aux soins intensifs entre les patients avec (6,22 ± 2,74 jours) et sans malperfusion bronchique (6,81 ± 5,92 jours ; p = 0,39). En revanche, le temps de ventilation mécanique était significativement plus court pour les patients présentant une malperfusion bronchique (1,56 ± 1,26 vs 4,18 ± 3,71 ; p = 0,03). Des complications respiratoires (pneumonie, atélectasie, insuffisance respiratoire) ont été observées chez 11 patients (44 %). Leur incidence n’était pas statistiquement différente entre les patients avec (5 patients, 55,5 %) et sans malperfusion bronchique (6 patients, 37,5 %).  Conclusion Nous n’avons pas pu démontrer de relation significative entre la malperfusion bronchique et les paramètres postopératoires étudiés. Les limitations de notre étude viennent du nombre restreint de patient et des difficultés à visualiser l’ensemble de la circulation bronchique sur les CT (faible calibre, nombreuses variations anatomiques décrites). Par ailleurs, des anastomoses entre les artères bronchiques et les micro-vaisseaux alvéolaires pulmonaires, appelées artères bronchopulmonaires, pourraient expliquer l’absence d’impact de la malperfusion bronchique.     Does bronchial artery malperfusion contribute to postoperative respiratory complications in patients operated on for acute type A aortic dissection?  Objectives Acute type A aortic dissection (ATAAD) is the most frequently diagnosed lethal condition of the aorta. Malperfusion of aortic side branches, from the coronary ostia to the aortic bifurcation, is the cause of a significant burden of morbidity and mortality. Bronchial arteries irrigate the bronchial tree. They can be visualized by computed tomography (CT) and play a role notably in lung infection defense, mucociliary clearance and post-ischemic re-perfusion oedema clearance. Our hypothesis was therefore to evaluate whether bronchial artery malperfusion was associated with postoperative pulmonary complications.  Methods We reviewed the computed tomography exams of the last 40 consecutive patients with ATAAD operated at the CHUV between 2014 and 2015. We specifically looked for bronchial arteries to determine if they were still permeable. Postoperative intubation time, intensive care unit, as well as respiratory complications were collected. 15 patients were excluded due to lack of imagery or data.  Results 25 operative survivors were included in the study (mean age 58 years old). Bronchial malperfusion was observed on preoperative CT scan in 9 (36%) patients. Mean postoperative ventilation time and duration of ICU averaged 3.24 (±3.31) and 6.6 (±5.02) days respectively. We found no difference in the postoperative duration of ICU stay in patient with (6.22±2.74 days) and without (6.81±5.92 days; p=0.39) bronchial malperfusion. In contrast, postoperative mechanical ventilation time was significantly shorter for patient with bronchial artery malperfusion (1.56±1.26 vs 4.18±3.71 respectively; p=0.03). Respiratory complications (pneumonia, atelectasis, respiratory failure) were noted in 11 (44%) patients. Their incidence was not statistically different between patients with (5 patients, 55.5%) or without bronchial artery malperfusion (6 patients, 37.5%; p=0.38).  Conclusion We couldn’t demonstrate any significant relationship between bronchial artery malperfusion and the post-operative outcomes measured. Limitations of our analysis came from the limited number of patients and the difficulties to visualize the whole bronchial circulation on CT (small vessels, many anatomical variations described). Moreover, anastomoses between bronchial arteries and pulmonary alveolar microvessels originating from the pulmonary arteries, called bronchopulmonary arteries, could explain the lack of impact of their malperfusion.
juin 10, 2016