In memoriam · Vol. 22 Mars 2018

Hommage au médecin général Robert Herning

Le médecin général Robert Herning, chirurgien thoracique, nous a quittés le 29 octobre à l’âge de 84 ans. Il a eu une carrière particulièrement riche comme ont pu en connaître certains médecins et chirurgiens de sa génération. Alsacien de souche, il naît à Strasbourg le 21 novembre 1932 dans une famille vivant rue du Dôme, dans le quartier de la cathédrale. C'est là qu'il fait toutes ses études primaires et secondaires ainsi que sa première année de médecine. En 1952, il passe le concours de recrutement et est admis à l’École de santé navale de Bordeaux. À la sortie de cette école en 1957, il choisit le Service de santé des troupes coloniales et suit les cours de l’École d’application du Pharo, à Marseille. En 1958, il choisit comme premier poste le centre de médical de Bokoro, au Tchad, où il sert pendant plus de deux ans dans un poste isolé. Affecté à l’hôpital Michel-Levy à Marseille, il prépare l’assistanat de chirurgie et effectue pendant ces années une mission à Bizerte en Tunisie et une autre de quatre mois à la 411e compagnie médicale en Algérie. Reçu au concours d’assistant de chirurgie des hôpitaux des armées en 1962, il est formé dans les hôpitaux militaires de Marseille ainsi qu’au Gabon, à Libreville et à Port-Gentil. Il est reçu au concours de chirurgien des hôpitaux des armées en 1967 et affecté comme chirurgien à l’hôpital de Ouargla en Algérie, de 1967 à 1972. Il est ensuite chirurgien, puis chef des services chirurgicaux de l’hôpital Mamao à Papeete en Polynésie française de 1972 à 1977. De retour en métropole il est affecté à l’hôpital Bégin à Saint-Mandé et fait un stage à San Francisco dans le service du Professeur Schumway en vue d’une spécialisation en chirurgie thoracique. De 1978 à 1980, il est chef du service de chirurgie de l’hôpital de Tripoli en Lybie. En 1980 il est affecté à l’hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce. Il crée le nouveau service de chirurgie thoracique, et en devient le premier chef jusqu’en 1988, date à laquelle lui succède René Jancovici qui transférera ce service à l’hôpital Percy en 1996. Il quitte alors la technique chirurgicale pour être médecin-chef du centre hospitalier des armées Picaud à Bühl, en Allemagne. En 1991 il est nommé médecin général et prend la direction de l’Institution nationale des Invalides jusqu’à la fin de sa carrière militaire, en 1993. Il reste ensuite extrêmement actif dans différents domaines : conseiller à la Cour des comptes, conseiller santé auprès du président de la Fédération des sociétés d’anciens de la Légion étrangère. Polyglotte il traduisait en anglais et en allemand des ouvrages médicaux et connaissait également l’arabe, le japonais et le russe. Robert Herning était également officier de la Légion d’honneur. Il nous laisse le souvenir d’un homme cultivé, s’intéressant à tout, extrêmement courtois, fidèle à la Société française de chirurgie thoracique et cardiovasculaire où nous le voyions à chacune des séances d’hiver et où il nous a manqué cette année. Nous adressons nos condoléances à Madame Herning, son épouse depuis 1958, à ses enfants Dominique et Thierry, à ses cinq petits-enfants et à son arrière-petit-fils, Gabriel.
mai 18, 2018
In memoriam · Vol. 22 Mars 2018

En hommage au professeur Francis Fontan

[caption id="attachment_3990" align="alignleft" width="300"] © Edouard Fontan[/caption] Quelques médecins ou chirurgiens, parmi nous, font progresser définitivement et en peu de temps la prise en charge de maladies jusque-là non traitées, par une découverte thérapeutique ou une innovation chirurgicale. Ils marquent l’histoire de la médecine. Francis Fontan était de ceux-là.   Il fit des études médicales à la faculté de médecine de Bordeaux, puis de 1952 à 1962 un internat et un clinicat mixte médicochirurgical avec le professeur Pierre Broustet, qui créa le service universitaire de cardiologie, et le professeur Georges Dubourg, qui initia la chirurgie cardiaque à Bordeaux. Le traitement chirurgical des malformations cardiaques congénitales simples était alors acquis mais les pathologies complexes, telles que l’atrésie tricuspidienne, y échappaient. Après une précoce étude autopsique chez un jeune homme, des expérimentations animales de dérivation cavopulmonaire partielle (déjà pratiquées par Bakoulev et Balankin en URSS et Glenn et Patino aux États-Unis), le professeur Fontan, encouragé par le professeur Broustet, réalisa en 1968 la première dérivation cavopulmonaire totale (DCPT) chez l’homme sur un cas d’atrésie tricuspidienne. Il publia avec le professeur Baudet les résultats des premiers cas de « l’Intervention de Fontan » en 1971 dans la revue internationale Thorax. Par la suite, des patients lui furent adressés des cinq continents. Il apporta des modifications techniques opératoires et établit avec le professeur Choussat les critères de sélection de cette intervention. Reprise par tous les services de chirurgie cardiaque pédiatrique, elle connut de nombreuses variations techniques et d’autres applications de DCPT réalisant toutes le by-pass du cœur droit définissant la « circulation de type Fontan ». Francis Fontan fut ainsi l’un de ceux (avec Kirklin, Senning, Jatene et d’autres encore) qui bouleversèrent le devenir des jeunes patients atteints de malformations cardiaques congénitales complexes. Il apporta aussi en chirurgie cardiaque adulte des avancées techniques dans les anévrismes du ventricule gauche et de la crosse aortique… Il développa la première banque française d’homogreffes. Invité comme membre d’honneur dans de nombreux congrès nord-américains, il voulut et initia une société européenne et, avec quelques-uns, créa en 1986 l’European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS), dont il fut le premier président, et organisa le deuxième congrès à Bordeaux. C’est aujourd’hui la plus importante société mondiale de la spécialité. Il participait récemment encore au fonctionnement de l’EACTS et avait le plaisir et l’honneur de remettre chaque année au congrès présidentiel de la société le Prix pour l’éducation Francis Fontan. Chef du service de chirurgie cardiaque de Bordeaux de 1968 à 1992, il était très fier d’avoir formé ses élèves bordelais, français et étrangers qui lui sont restés très attachés. Il était un pédagogue exigeant et sévère, mais bienveillant et courtois. Il a marqué des générations de chirurgiens et de cardiologues. Après une vie très riche, Francis Fontan nous a quittés le 14 janvier à l’âge de 88 ans, entouré de son épouse, de ses trois enfants et ses six petits-enfants.
mai 18, 2018
In memoriam · Vol. 21 Juin 2017

Hommage à Armand Piwnica

Le Professeur Armand Piwnica a quitté cette terre, sa famille et ses amis le Samedi 8 octobre 2016 en fin d’après-midi. Plein de vie et d’énergie, d’intelligence et de curiosité, il a quitté ce monde brutalement sans signe précurseur quand un battement de son cœur est subitement devenu le dernier, entouré de sa famille comme c’était l’habitude le samedi. Le choc fut brutal pour sa famille proche, Huguette, sa femme de toujours car ils s’étaient connus et mariés très jeunes, ses enfants, sa fierté : sa fille, brillante avocate au Barreau de Paris et son fils, célèbre avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation et leurs enfants, soit ses petits-enfants et aussi ses arrières petits enfants qui étaient la joie de sa vie. Armand Piwnica avait deux passions dans la vie : sa famille, dont il était le socle fédérateur indiscuté et son métier. Ses parents venus de Pologne avaient connu grâce à leur dur labeur une réussite sociale et financière remarquables. Armand était né à Paris. Doué d’une intelligence rare, il avait le culte du travail, était curieux de tout et en particulier de son métier. Il fit sa scolarité au lycée Voltaire puis ses études de Médecine à Paris. Il gravit ainsi les marches de la Voie dite « Royale » pour devenir Professeur et Chirurgiens des Hôpitaux de Paris auprès de son Maître vénéré, le Professeur Charles Dubost, alors pionnier de la Chirurgie Cardio-vasculaire en Europe et auréolé de la réussite de la première résection d’anévrysme aortique au Monde. Malgré son ascension rapide, Armand Piwnica avait su en précurseur, grâce à une bourse de l’American College of Surgeons, consacrer une année de sa formation aux États-Unis, à la Mayo Clinic, à Minneapolis et à Houston auprès des grands Maîtres de l’époque grâce à qui il avait compris le caractère indispensable de l’échange et de la recherche. La vie a ses étapes et il devint Chef de Service à l’hôpital Lariboisière de Paris où ses qualités humaines et d’organisateur lui permirent de créer de toute pièce un merveilleux service où j’ai eu la chance de lui succéder. En dépit de toute la difficulté de quitter son rôle de Chef de Service qui était – avec sa famille – toute sa vie, il fit en sorte de me confier le service et toute l’équipe avec une telle bienveillance que cette transmission de flambeau fut sûrement nostalgique pour lui mais sans heurt et efficace. Après des années de Consultanat et des Travaux à l’Académie Française de Chirurgie, il revint à sa passion de toujours la Médecine et la Chirurgie en devenant Directeur Médical de l’Hôpital Américain de Paris où sa stature et ses talents de négociateur permirent de d’apaiser le climat dans cet établissement où exercent des médecins parfois talentueux mais toujours à l’ego bien ancré. C’est au cours de cette carrière marquée par 800 communications et une trentaine d’ouvrages, que parurent les premiers travaux sur les pacemakers isotopiques, les transplantations cardiaques, les assistances circulatoires par contre-pulsion, les bioprothèses péricardiques, les valves bi-leafflets, pour ne citer que quelques contributions… C’est là que se développa à ses côtes la formation de son fidèle et talentueux assistant, le professeur Philippe Ménasché, exerçant depuis à l’hôpital Georges Pompidou et qui lui fait honneur comme Chirurgien et Chercheur de renommée internationale. Armand Piwnica était un brillant chirurgien. Ses malades l’adoraient et lui témoignaient une longue reconnaissance pour ses excellents résultats conjugués avec un contact parfois bourru mais toujours sensible qui les rattachait à la vie. Tout le personnel soignant, médical et paramédical, lui était dévoué et beaucoup étaient présents à son enterrement. Chevalier de la Légion d’Honneur, le Professeur Piwnica avaient acquis les plus hauts grades académiques et hospitaliers, faisait partie des plus grandes sociétés savantes internationales américaines, anglaises et européennes, fut Président de l’EACTS (European Association of Cardio-Thoracic Surgegy) et de la SFCTCV (Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire) organisant et présidant les congrès correspondant. Mais surtout, il fut l’Ambassadeur de la chirurgie cardiaque française et attaché au rapprochement internationale des membres de notre spécialité. Il a facilité l’accueil des jeunes chirurgiens étrangers, a toujours eu pour eux des attentions personnalisées et a instauré à leur intention le Collège Français de Chirurgie Thoracique et Cardio-vasculaire pour qu’ils regagnent leurs pays d’origine avec un souvenir et un diplôme de la France. La majorité d’entre eux a ainsi pu fonder ou développer la chirurgie cardiaque dans leurs pays respectifs. Il a conduit également de nombreuses missions opératoires et d’enseignement, notamment au Moyen-Orient, en Arabie Saoudite et en Égypte sans oublier  qu’il réalisa le premier cœur ouvert en Afrique du Nord, à Alger en 1976… À toutes ces qualités, Armand Piwnica additionnait la richesse d’une culture musicale et artistique hors du commun. La visite du MOMA à New York avec lui donnait l’impression de la faire en compagnie du Conservateur du Musée. Voici en quelques mots malhabiles la personne qui nous a quittés dans la jeunesse de ses 89 ans. Nous sommes tristes et nous nous associons au chagrin de sa famille. Nous avons perdu un Maître et un ami, mais son souvenir vivifiant restera présent parmi nous et continuera d’inspirer nos actes et nos pensées. Professeur Gérard Bloch. Paris, 22 novembre 2016 DOI : 10.24399/JCTCV21-2-BLO Citation : Bloch G. Hommage à Armand Piwnica. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-BLO  
juin 2, 2017
In memoriam · Vol. 20 Décembre 2016

Hommage à Louis Couraud (1929-2016)

[caption id="attachment_2966" align="alignleft" width="250"] Pr Louis Couraud[/caption] Le Pr Louis Couraud nous a quittés le 11 octobre 2016 à son domicile, rapidement mais paisiblement, à l’âge de 87 ans, sans avoir affronté les difficiles moments des hospitalisations et soins palliatifs de fin de vie grâce à son épouse, Patricia. Né en Charentes Maritimes, issu d’une famille modeste, bachelier de l’académie de Poitiers en 1948, il intègre Bordeaux pour se destiner à une carrière médicale en 1949. Il s’oriente rapidement vers la chirurgie pendant son internat, aide d’Anatomie puis prosecteur à la faculté de médecine de Bordeaux de 1957 à 1959 ; et vers la chirurgie thoracique dès 1960 en tant que chef de clinique aux cliniques pleuro-pulmonaires de l’hôpital Xavier-Arnozan, service mixte médico-chirurgical à l’époque, partagé par deux patrons, les Pr Paul Fréour et Pierre Laumonier. Nommé professeur agrégé en Chirurgie à la faculté de Médecine de Bordeaux en 1963, il devient chef du service de chirurgie thoracique de 1974 à 1996, date de son départ à la retraite. Sa carrière professionnelle est remarquable à tous égards. Chirurgien infatigable, rigoureux, doté d’un esprit vif et concis, soucieux du progrès et de l’innovation, il a développé toutes les facettes de la chirurgie thoracique au fil des décennies dans l’intérêt des patients sans oublier l’anesthésie thoracique avec le Dr Alain Bruneteau. De retour de Toronto en 1987, il met en place l’unité de transplantation pulmonaire et cardio-pulmonaire de Bordeaux avec le Pr Eugène Baudet puis le Dr Claire Dromer. Enseignant clairvoyant, son esprit de concision lui permettait d’exposer brillamment son expérience, ses idées et ses avancées de manière très limpide, emportant immédiatement la conviction de tous ses élèves et collègues, même étrangers. Ses communications et publications nationales et internationales ont été très nombreuses et très appréciées, lui offrant l’opportunité d’être souvent invité au sein de Congrès prestigieux, mais également d’en organiser plusieurs à Bordeaux. Membre de nombreuses société savantes, il y apportait sa contribution avec un réel plaisir, même s’il aimait peu s’exprimer en langues étrangères. Il s’est également fortement impliqué dans la création de la Société Européenne de Chirurgie Cardio-Thoracique, dans la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire, au plus haut de l’Université en tant que membre du Conseil National des Universités, et au CHU en tant que membre de la CME, tout ceci pendant de nombreuses années. Il a été un pionnier, reconnu mondialement, dans de nombreux domaines dont celui de la chirurgie laryngo-trachéale et, à partir de 1988, dans celui de la transplantation pulmonaire et cardiopulmonaire. Il était chef de service, le patron. Un patron très exigeant, certes, mais généreux, disponible, ouvert et à l’écoute d’abord des patients, mais également de tout le personnel de son service. Ses élèves chirurgiens, dont beaucoup d’étrangers, ont été éduqués dans le creuset de cette école de chirurgie thoracique qu’il avait créée à Bordeaux, école de rigueur intellectuelle et technique, d’honnêteté médicale, d’innovations sans jamais oublier la considération du malade et la déontologie. Aimant voyager, son caractère ouvert, son mode de pensée, sa curiosité intellectuelle sur tous les sujets lui ont permis de nouer des amitiés personnelles et professionnelles durables avec des collègues français mais aussi de langues plutôt latines, en Europe (Espagne bien sûr et particulièrement à Valence, mais aussi Italie), en Amérique du Sud et dans le monde entier. Une fois dégagé de sa charge professionnelle, Louis Couraud, débordant d’activité et de projets, féru d’œnologie, aimant les plaisirs de la table, la chasse, la pêche et le bassin d’Arcachon, s’est consacré à sa famille, à ses amis, à ses pôles d’intérêts et à son jardin. Son départ est donc plus que profondément et tristement ressenti par les personnes qui l’ont accompagné, apprécié et aimé, pendant toutes ces années. Tous ses élèves s’associent pour dire leur chagrin et leur tristesse et adressent à son épouse, à ses enfants et petits-enfants leurs sincères condoléances.
décembre 8, 2016
In memoriam · Vol. 20 Septembre 2016

Frederick Griffith Pearson, légende en chirurgie thoracique (1926-2016)

Auteur : Jean Deslauriers, CM, MD, FRCS (C) Professeur Émérite, Université Laval, Québec, Que, Canada Correspondance : jean.deslauriers@chg.ulaval.ca     [caption id="attachment_2630" align="alignleft" width="248"] Frederick Griffith “Griff” Pearson. Photographie prise en 2011.[/caption] À la suite d’une courte maladie, le docteur Frederick Griffith (Griff) Pearson est décédé, entouré de ses proches, le 10 août 2016 à l’âge de 90 ans. Il était considéré comme un chirurgien innovateur, voire même audacieux, et certainement l’un des artisans de l’essor spectaculaire qu’a connu la chirurgie thoracique après la fin de la deuxième guerre mondiale.   Natif de Toronto en 1926, il était l’ainé d’une famille de trois garçons. En 1949, il complétait ses études médicales à l’Université de Toronto avec obtention de la “Médaille d’Argent” de sa promotion et, par la suite, son internat à l’Hôpital General de Toronto (Toronto General Hospital (TGH)). En 1950, il faisait une année de recherche fondamentale avec Wilfred Bigelow sur l’utilisation de l’hypothermie en chirurgie cardiaque avant de se lancer en pratique générale pour une durée de trois années à Wawa, une petite ville minière de 2,400 habitants du Nord de l’Ontario. Selon ses propres dires, c’est à cet endroit qu’il a appris à devenir un “Bon Docteur”. En 1955, il débutait sa résidence en chirurgie générale à l’Université de Toronto et développait un intérêt marqué pour la chirurgie thoracique. En 1959, il était nommé récipiendaire de la prestigieuse bourse McLaughlin (McLaughlin Travelling Fellowship) et s’embarquait pour l’Europe pour étudier avec les grands maîtres de l’époque, notamment avec le regretté Ronald Belsey en Grande Bretagne (hôpital Frenchay, Bristol). Au cours de sa carrière, Griff a toujours insisté sur le fait qu’il avait été très influencé par l’approche systématique et le souci du détail préconisés par Ronald Belsey. C’est également au cours de cette période avec Belsey qu’il est devenu un expert dans le traitement chirurgical du reflux gastro-œsophagien. Suite à son séjour en Grande Bretagne, il a voyagé pendant quelques mois en Scandinavie ou il eut l’opportunité de rencontrer Eric Carlens (Stockholm), qui avait été le premier à décrire la technique de médiastinoscopie utilisée à l’époque pour documenter l’importance de l’atteinte silicotique au niveau ganglionnaire. Voici ce que Griff raconte au sujet de son apprentissage de la médiastinoscopie avec Carlens : « He had me stick my middle finger through the incision into the mediastinum, and I was sold on the ingenuity of this approach for simultaneous bilateral exploration of the nodes in the superior mediastinum. »   [caption id="attachment_2632" align="alignright" width="300"] Schémas illustrant les ganglions accessibles à une biopsie en cours de médiastinoscopie. De Pearson FG, Canad J Surg 1963; 6 : 423-9.[/caption] À son retour à Toronto au début des années soixante, il a été le premier à préconiser l’utilisation routinière de la médiastinoscopie pour compléter l’évaluation préopératoire des cancers du poumon présumés opérables.   En 1967, il mettait sur pied la première division autonome de chirurgie thoracique (séparée de la chirurgie cardiaque et chirurgie générale) au Canada et probablement au monde. Ce modèle a éventuellement motivé le Collège Royal des Médecins et Chirurgiens du Canada à reconnaitre la chirurgie thoracique comme spécialité primaire et a été dupliqué dans plusieurs pays, notamment en Europe et en Asie. Au cours des années, Il a développé une “École de Pensée” qu’il a transmis aux centaines de gradués de son programme de formation, gradués subséquemment devenus des leaders de la spécialité dans tous les continents. Voici d’ailleurs quelques notes reçues par l’auteur de cet article suite au décès de Griff Pearson : « I owe it totally to him that I am now a thoracic surgeon. Without the time spent with Griff, I could not have introduced various techniques and ideas in Japan. More than that, what I have learned from Griff was modesty, friendliness, and kindness to young fellows. Dr Pearson was my mentor. » (Noriaki Tsubota, Nishinomiya, Japan, Fellow in Toronto, 1974) « Dr Pearson is the only one great academic surgeon that I have met in 45 years. He enjoyed watching the progress of his pupils and helped them become better than he was. This is the great recipe of the Toronto Thoracic Surgery Group which Griff created in the early days. » (Sandro Mattioli, Bologna, Italy, Fellow in Toronto,1988-89) « I have just learned of Dr. Pearson passing away. It is very sad but the memory of having met him, talked to him, listened to him, and read him will be with me for all of my life. I feel privileged to have had the opportunity to meet him. » (Ramon Rami-Porta, Barcelona, Spain) « Of course, there were other important thoracic surgeons but none had Griff’s combination of humility, skills, scholarship, enthusiasm, and charisma. » (Alexander Patterson, Saint-Louis, USA) Il a été Président de l’American Association of Thoracic Surgery en 1989-90 et, au cours de sa carrière, nommé ‘Membre Honorifique” de plusieurs sociétés internationales de chirurgie thoracique. Il a été l’inspiration derrière la publication des volumes de spécialité intitulés “Pearson’s Thoracic Surgery” et “Peason’s Esophageal Surgery”. En 2002, il recevait la médaille de l’Ordre du Canada, la plus haute distinction civile décernée au Canada.   [caption id="attachment_2633" align="alignleft" width="300"] Procédure de Pearson pour sténose sous-glottique permettant de préserver l’intégrité des nerfs récurrents laryngés (Courtoisie de FG Pearson).[/caption] Il était un chirurgien-chercheur passionné qui savait transmettre cette passion à ses stagiaires. Alors qu’il était lui-même résident en chirurgie, il a aidé à conceptualiser et mettre en marche la première unité de soins intensifs respiratoires au monde (Respiratory Failure Unit, Toronto, 1957). Il a été le premier à identifier la pathogénie des sténoses trachéales post-intubation à savoir qu’elles étaient secondaires à l’utilisation de tubes endotrachéaux ou de trachéostomie avec ballonnets à haute pression. Il a été une figure de proue incontestée dans le domaine de la chirurgie des voies aériennes supérieures et a d’ailleurs développé une procédure qui porte son nom (procédure de Pearson) pour résection des sténoses sous-glottique tout en évitant de traumatiser les nerfs récurrents laryngés. Son expertise dans la chirurgie des voies aériennes a été très importante dans l’élaboration des techniques de transplantation pulmonaire à Toronto. Sur le plan des maladies bénignes de l’œsophage, il a conceptualisé une procédure qui porte aussi son nom (gastroplastie de Collis-Belsey, Procédure de Pearson), technique impliquant un allongement de l’œsophage distal pour malades porteurs d’un œsophage court secondairement au reflux.   [caption id="attachment_2634" align="alignleft" width="189"] Procédure de Pearson pour œsophage court (Courtoisie de FG Pearson).[/caption] Il était un enseignant hors pair non seulement avec des idées claires mais aussi avec une habileté incomparable pour transmettre ces idées de façon claire. Il possédait un sens de curiosité hors du commun et était toujours ouvert à l’apprentissage de nouveaux concepts ou technologies. Ces aspects de sa personnalité étaient d’ailleurs infectieux auprès des résidents. Il était généreux de son temps et passait un nombre incalculable d’heures avec les stagiaires venus du monde entier pour assimiler son école de pensée. Il faisait un effort pour que chacun d’entre eux se sente important et demeurait très loyal envers eux, une fois leurs stages complétés. Il en a d’ailleurs aidé plus d’un, dont l’auteur de ces lignes, à développer leur pratique clinique et académique une fois qu’ils furent retournés dans leur pays d’origine. Il traitait ses malades avec grande compassion et ses collègues avec respect. Il aimait la nature et était un grand amateur de pêche. Il aura été un grand chirurgien thoracique, enseignant incroyable et motivateur sans pareil. Il a eu une influence prédominante sur la vie de plusieurs de ses stagiaires non seulement sur le plan professionnel mais aussi sur le plan personnel. Il a redéfini la spécialité et plusieurs le considèrent, à juste titre, comme le fondateur de la chirurgie thoracique contemporaine. Son talent, sa curiosité, son esprit innovateur, son charisme et son dynamisme auront été une inspiration pour tous. En un mot, il aura été une vraie “Légende” dans le domaine de la chirurgie thoracique.  
septembre 15, 2016
In memoriam · Vol. 20 Juin 2016

En hommage à Marc Laskar, notre président, notre collègue, notre ami

À NOTRE PRÉSIDENT…   L’exercice est difficile car il peut vite tomber dans la convention. Marc n’aurait certainement pas voulu tout cela, mais en même temps il nous est impossible de nous réunir à Nantes sans une pensée très particulière pour lui. J’ai la mission d’évoquer la trace, ou plutôt le sillon, laissé par Marc Laskar dans l’appareil de la SFCTCV et en particulier le Conseil d’administration. Je suis incapable de vous dire depuis quand il servait la Société tant il était omniprésent. Il était déjà influent à mes débuts dans cette communauté, au début des années 1990. Il incarnait notre société par la constance de son implication dans tous ses rouages. Il faut ainsi rappeler que Marc avait avant tout une connaissance très précise de notre communauté professionnelle, tant par ses caractéristiques démographiques que ses modalités de fonctionnement, d’action et de pensée. Cela lui permettait d’avoir une approche pragmatique de toute évolution des pratiques professionnelles et des textes réglementant l’enseignement, la formation et l’exercice de notre discipline. Il était vite irrité par tout ce qui était formalisme et bureaucratie. Grand pourfendeur des usines à gaz, il ne mâchait pas ses mots quand certains d’entre nous, atteints du fameux syndrome de Stockholm, voulaient devancer la complexité des réformes en strates successives dont l’administration française a le secret. Il m’avait appris les vertus du « classement vertical » consistant à systématiquement jeter les courriers des expéditeurs importuns : « si leur objet est important, ils te réécriront, mais tu verras : c’est rare ! »  Très réactif quand il s’agissait de ses passions professionnelles comme l’enseignement, il usait et parfois même abusait de la procrastination pour les sujets rébarbatifs à son goût. Comme tous les amoureux de la vie et de ses plaisirs, il réservait son temps et sa formidable énergie à ses domaines de prédilection : l’exercice de la chirurgie, le management des équipes, l’accompagnement des jeunes, et les rencontres humaines. Il ne fallait pas trop compter sur lui quand il s’agissait de décliner la énième injonction tutélaire contradictoire en termes d’accréditation ou de DPC. Il était aussi très profondément « gaulois », même s’il n’ignorait pas le nécessaire dialogue avec les partenaires européens. Mais, son truc à lui, c’était plutôt la francophonie. Bref, vous l’aurez compris, il avait les pieds bien rivés au sol d’un terroir hexagonal qu’il aimait et connaissait par cœur, c’est je crois la formule qui convient ! Son bon sens, qu’il qualifiait lui-même de « paysan », lui faisait tenir la barre du Conseil d’administration sans tergiversation et selon une trajectoire rectiligne. Il était très conscient du potentiel de notre communauté professionnelle dont il était très fier. Il porterait un soin très attentionné à l’organisation du congrès annuel qui était pour lui le point culminant et l’objet principal de notre société. Il avait des certitudes, comme celle que celui de Nantes compterait dans les annales. Une fois de plus, il aura probablement raison. Le Conseil d’administration de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-vasculaire     À MARC… Le décès accidentel de Marc Laskar le 26 juillet 2016, à l’âge de 62 ans, a retiré à notre affection un ami très cher, interrompu une brillante carrière hospitalo-universitaire, et privé le CNU d’un de ses membres les plus éminents et influents. Docteur en médecine à l’âge de 27 ans, professeur des universités à 37 ans, chef de service et vice-doyen de la faculté de Limoges à 38 ans, Marc Laskar est devenu membre du CNU en 2004, nommé sur proposition du président de la sous-section, le professeur Pierre Fuentes. Au terme de ce premier mandat de 6 ans, Marc a été brillamment réélu pour un second mandat qui devait se terminer fin 2015. Il s’était porté candidat à un troisième mandat et, sans nul doute, aurait été très certainement réélu. Le destin en a décidé autrement. Les principales missions du CNU sont le recrutement et la nomination des enseignants de notre discipline et leur promotion dans le corps. Le CNU doit aussi assurer un rôle de prospective pour la discipline et peut être appelé à intervenir dans l’analyse et le règlement de conflits menaçant la discipline au sein d’établissements. Dans chacun de ces domaines, l’action de Marc a été constante et déterminante ; il a adapté à notre sous-section la grille d’évaluation des candidats à une promotion en y introduisant des critères objectifs ; il a très largement contribué à définir les règles d’appréciation des travaux scientifiques des candidats au concours de PH et MCU-PH en classant les revues et en introduisant la notion de « points CNU » ; il a été la cheville ouvrière de la construction de la maquette du futur DES qualifiant de chirurgie thoracique et cardiovasculaire. Marc s’était impliqué de longue date dans l’analyse scrupuleuse de la démographie de notre spécialité et était tout naturellement devenu l’interlocuteur privilégié des jeunes en formation. Grâce à sa parfaite connaissance du terrain, il pouvait les éclairer de ses conseils et guider leurs choix professionnels. Sérieux sans se prendre au sérieux, travailleur infatigable, Marc était devenu incontournable et ses mérites ont été unanimement reconnus par ses pairs, comme en témoignent les éminentes fonctions qu’ils lui avaient confiées au sein des différentes instances, CNU, Conseil d’administration de la SFCTCV et Collège d’enseignement. Il a assumé toutes ces charges avec probité, brio et efficacité. Cet investissement total dans sa vie professionnelle ne l’empêchait pas de se montrer un époux, père, grand-père et fils aimant et attentionné, et nous pensons beaucoup aux siens qu’il a laissés dans une peine profonde. Lorsque nous nous sommes dit au revoir à l’issue du Congrès de Marseille, en juin 2015, tu m’as confié combien tu étais enthousiaste à l’idée de devoir organiser en juin 2016 à Nantes, ville dans laquelle tu avais effectué tes études de médecine, nos Journées présidentielles. En te perdant, la chirurgie thoracique et cardiovasculaire française a perdu l’un de ses membres les plus emblématiques. Marc est désormais absent physiquement de nos réunions, mais sera toujours présent dans nos esprits. La mort ne triomphe jamais du souvenir. Le Conseil National des Universités     HOMMAGE A MARC LASKAR Marc, nous avions déjà pensé à te rendre hommage dans quelques années lorsque tu aurais interrompu tes nombreuses activités de chirurgien, chef de service, vice-doyen, ainsi que tes autres fonctions que ce soit au sein de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire ou ailleurs. Nous pensions avoir le temps d’organiser une cérémonie  et un hommage dignes de l’homme auprès duquel nous avions travaillé dans ce service de chirurgie cardiaque, thoracique, vasculaire et médecine vasculaire dont la polyvalence faisait la richesse et la force. Nous avions le temps… la seule certitude étant que nous voulions un hommage original, pas seulement au chirurgien ou à la carrière aussi brillante et riche fût-elle qu’à l’homme avec lequel nous avions travaillé durant ces années. Les circonstances en ont décidé autrement, nous obligeant à te rendre un hommage prématuré sous forme de cet abécédaire, chaque lettre de ton prénom et de ton nom faisant écho à des traits de caractères ou à des anecdotes. Nous aurions pu évoquer l’alphabet entier… M comme Morgan, évidemment, ce véhicule semblant sorti tout droit d’une bande dessinée. Une voiture d’allure ancienne, à la bouille sympathique, sans compromis, rustique : châssis en bois, absence d’assistance électronique et de confort mais dotée d’un puissant moteur qui t’emmenait régulièrement de congrès en réunions. Lorsque nous nous présentions, Pr ou Dr X ou Y du CHU de Limoges, l’interlocuteur répliquait souvent : « Ah oui… Chez Laskar, l’homme à la Morgan ». Ainsi cette voiture était-elle devenue un peu l’emblème du service. « M » comme Moteur, et moteur, tu l’étais, n’étant jamais à court d’idées et de projets pour dynamiser le service et pousser les jeunes à acquérir de nouvelles compétences et s’investir dans la recherche. A comme Atypique et c’est bien là le premier adjectif qui est tout d’abord venu à nos esprits lorsqu’il a fallu évoquer ta mémoire. Atypique dans l’allure, atypique dans tes goûts et parfois dans tes réactions. « A » comme « Aorte », de préférence anévrismale ou disséquée, fissurée ou rompue. « A » comme « Accessible », qualité appréciée de tous et surtout des plus jeunes. Tu savais te rendre disponible pour nous conseiller sur des indications opératoires difficiles et venir nous tenir la main au bloc opératoire lors de nos débuts et que nous manquions d’expérience et d’assurance. Tu étais aussi disponible pour aller réveiller le praticien de garde à 3 heures du matin lorsqu’il ne répondait pas au téléphone ou te lever à 6 heures le dimanche pour encourager ton chef de clinique engagé sur l’étape du tour de France. R comme Recherche. Toujours curieux, mais aussi critique à l’égard des dernières innovations, au staff, lors des réunions multidisciplinaires ou de nos bibliographies mensuelles. Dans ce domaine aussi, tu poussais chacun à s’investir. C comme Cœur, évidemment, une passion pour cette chirurgie jamais démentie.  « C » comme Cheval, une passion tardive pratiquée avec rigueur. Le mardi, le staff devait être terminé à 18 h 30, car il y avait entraînement… « C » comme challenge. Alors que nous appréhendions les interventions complexes cardiaques ou aortiques, parfois redux ou tridux, chez des patients fragiles, à la fraction d’éjection altérée, tu te les réservais, la situation étant parfois grave mais rarement désespérée même lorsque les deux récupérateurs tournaient à plein régime dans le champ opératoire, sans stress et sans panique. Nous avions droit généralement à cette petite phrase magique : « ça va se tasser… » « C » comme Cadre infirmier. Réunion tous les lundis dans le bureau pour faire le point sur les problèmes du service. Les cadres étaient là pour mettre de l’huile dans les rouages et non du sable, aider à résoudre les problèmes d’organisation et non les créer. Partant de là, tout se passait bien. Quelques personnes firent exception. Après avoir quitté le service au prix d’une promotion, nous les retrouvions parfois sur notre chemin… écueil de l’hôpital public. « C » comme Convivial. Il régnait parfois au bloc opératoire une ambiance de village gaulois, la plupart des membres de l’équipe te tutoyaient, nous partagions des moments de vie extraprofessionnels en dehors du service, ce qui n’empêchait pas le plus grand respect que ta seule présence savait imposer. « C » comme Chef, tout simplement. L comme Limousin, la terre d’accueil où tu avais débarqué les cheveux jusqu’aux épaules destiné à une carrière d’orthopédiste. « L » comme Labeur, « L » comme Liberté, « L » comme Lascar tout simplement, si l’on s’en réfère au dictionnaire Larousse. La définition étant : « Lascar : individu rusé, qui aime jouer des tours ». C’est aussi le nom d’un volcan chilien connu pour sa grande activité, et volcanique tu pouvais l’être parfois lors de certaines réunions administratives ! A comme action et il en fallait pour te fatiguer et nous ne nous souvenons pas t’avoir entendu un jour te plaindre même si parfois les traits étaient tirés après une nuit blanche. S comme Simplicité. Tu avais fait tienne la devise de Léonard de Vinci : « La simplicité est la sophistication suprême ». Appliquée à la chirurgie, cette devise caractérisait ton style : épuré, dénué de gestes et d’artefacts inutiles ou superflus. Les choses paraissaient simples en toutes circonstances. Comme tu nous le répétais souvent durant notre formation : « Ce qui est inutile est nuisible ». « S » comme Salpêtrière, la maison mère que tu évoquais toujours avec un profond respect, école d’excellence que tu citais régulièrement en exemple. « S » comme Scialytiques, sous lesquels nous passons quelques heures. En cet instant l’étymologie de ce mot nous interpelle. Il est, malgré eux, des ombres qui persistent au dessus du champ opératoire, celles de nos aînés qui nous ont transmis leur expérience, leur savoir et qui semblent nous guider lorsque nous hésitons. Leur présence bienveillante au dessus de nos épaules continue de nous guider bien après qu’ils nous ont quittés. L’artiste, par ses œuvres, accède à la postérité. Notre artisanat est à l’opposé fragile et éphémère malgré le temps et les efforts nécessaires à la maîtrise du geste. La postérité, nous y accédons peut-être à travers ce que nous transmettons à nos élèves, élèves qui transmettront un jour aussi leur savoir, appris, acquis et enrichi de leur propre expérience. K comme Kilomètres. Comment ne pas évoquer les voyages. Quel pays n’as-tu pas visité ? Toujours intéressé et curieux, insatiable voyageur, nous te pensions à Paris alors que tu étais déjà au Pakistan ou en Russie, mais toujours disponible et informé de ce qui se passait dans le service. « K » comme K-Way, vêtement utile pour les passagers que tu embarquais dans la Morgan. Tu avais une théorie bien à toi pour expliquer que l’on ne se mouillait pas dans ta voiture en cas d’averse. La vitesse chassait les gouttes par-dessus le pare-brise ou la théorie du « Plus je vais vite moins je me mouille »… une autre manière de passer entre les gouttes. Cette théorie n’emportait cependant pas la conviction de tous. A comme Avenir, celui des jeunes en formation. Nommé interne dans le service, nous étions assurés d’avoir un poste de chef de clinique puis un avenir que tu te chargeais d’assurer. Tu avais parfois le don de savoir avant nous-mêmes ce pourquoi nous étions faits et dans quel domaine nous arriverions à nous épanouir. R comme Rangement. La pagaille apparente régnant sur ton bureau contrastait au premier abord avec ton sens de l’organisation. Lorsque que nous allions te voir pour discuter d’un dossier, remplir une demande de poste ou te solliciter pour un congrès, tu savais parfaitement où tout se trouvait parmi l’amoncellement de documents. Tu étais secondé comme tu aimais à le dire par une assistante efficace : la poubelle de ton bureau, mobilier vorace qui n’était jamais rassasié de papier, notamment les documents administratifs. « R » comme Rebelle, « R » enfin comme… Reconnaissance, celle de toute ton équipe. L’équipe de chirurgie cardiaque, vasculaire et thoracique et de médecine vasculaire de Limoges     LE ROI EST MORT. VIVE LE ROI ! Marc Laskar, sous l’impulsion de son chef de service de l’époque  Constantin Christides, séjourna pendant deux ans dans le service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière de 1982 à 1984. Son arrivée ne passa pas inaperçue : grand « gaillard » à longue chevelure, avec bouc, habillé en noir avec pantalon de cuir moulant, sortant de sa voiture anglaise décapotable. Il avait l’air d’un « dandy », sa décontraction laissait  soupçonner un dilettante. Or Marc était à l’inverse de ce cliché, réfléchi, curieux, à l’affût de toutes les nouveautés, de toute opportunité, de toute possibilité. Il a su s’adapter à son environnement et en tirer le maximum. Dans une ville de moins de 150 000 habitants et dans une zone urbaine de moins de 300 000 habitants, Marc a d’emblée compris l’opportunité et la nécessité de pratiquer les trois sous-spécialités de notre discipline. Il se donna les moyens, en allant se former dans les meilleurs services de chirurgie thoracique et de vasculaire. Dès lors, la voie était ouverte ; devenu chef de service, il a pratiqué et a fait pratiquer d’une façon équilibrée la chirurgie cardiaque, thoracique et vasculaire avec un volume d’activité global conséquent pour chaque. En participant à la vie de sa faculté et en devenant le vice-doyen,  il se donna une meilleure marge de manœuvre, donc de décision. Il participa avec assiduité à la vie de notre communauté : tenant le livre de la démographie, il était le seul à connaître tous les chirurgiens de notre discipline, sur tout le territoire. Il est devenu l’interlocuteur des jeunes et leur confident. Il a mis ses qualités d’écoute et le sens des décisions au service de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire qu’il présida. Sa disparition brutale, prématurée, laisse un vide pour sa famille, pour la ville de Limoges et la SFCTCV. La nostalgie et le pessimisme n’ont pas de place chez nous. Le roi est mort. Vive le roi ! C’est aux générations futures que revient la tâche de relever le défi, de s’adapter, d’innover ; bref, de vivre. I. Gandjbakhch     LE COLLÈGE INTER-RÉGIONAL, NARBONNE ET MARC LASKAR… Pour prendre la mesure de ce que nous avons perdu, il faut essayer de décrire le rôle de Marc Laskar en ce qui concerne les plus jeunes d’entre nous. Sans même mentionner les premiers séminaires du Collége, décrivons simplement Narbonne et toute son implication. Depuis plus de quinze ans, deux fois par an, parfois dans sa décapotable, le plus souvent en covoiturant des jeunes, il arrivait à Narbonne. Il nous semblait quelquefois qu’il connaissait mieux le Novotel que le directeur ou la réceptionniste présents. Sans avoir l’air d’y toucher, il réglait tranquillement les flux d’arrivée et de départ. Il connaissait presque tout le monde et savait, peut-être mieux que les intéressés, qui allait être en retard, qui n’allait pas pouvoir venir et qui allait essayer de partir avant la fin. Sa simple présence évitait des dizaines de problèmes et faisait que tout le monde se concentrait sur le contenu scientifique du séminaire. Il avait certainement aussi des informateurs (ou -trices !) au Botafogo. Dès le début de la première séance, il s’installait au fond et régulait le rythme des présentations séquentielles. À la fin de chacune, il se levait et savait moduler les infos et stimuler la salle si nécessaire. Il arrivait même parfois à interrompre les discussions entre Charles de Riberolles et Dominique Blin… C’est ainsi que petit à petit, il a transmis autour de lui sa sagesse, sa vision de l’excellence et de la nécessaire polyvalence de la formation initiale. Nous savons que des dizaines de professionnels, et donc des milliers de patients, lui en sont redevables. À dire vrai, lors des deux derniers séminaires, même en sachant très bien la dure réalité, nous avions presque tous encore l’impression qu’il était là ! Il nous manque ; sachons saluer, développer et poursuivre son œuvre. Nous ne pouvons nous résoudre à tourner la page qu’il a écrite sans un dernier vœu : « Oh Capitaine, mon Capitaine ! Que votre esprit libre et votre confiance, celle qui nous a guidés sans faillir, jamais ne nous lâche. » Le Collège, inter-région Sud     LAISSER SA MARQUE Laisser sa marque est probablement ce à quoi aspire tout Homme et à fortiori, secrètement (ou pas) tout chirurgien. Il suffit de prêter l’oreille à tous ces illustres patronymes fusant à longueur d’intervention, d’un instrument à l’autre... Quoi de plus noble que cette quête de reconnaissance amenant à repousser toujours plus loin ses limites, mais aussi celles des autres, car point de reconnaissance sans altérité et point d’altérité sans responsabilité. Le professeur Laskar était de ces Hommes, avec ce constant souci de l’autre. Les « jeunes », avec qui il entretenait une relation particulière, sont assez bien placés pour en témoigner, et l’appréciaient pour son franc-parler et son aspiration à transmettre. Il avait ce souci d’enseigner et prenait un réel plaisir à stimuler les esprits, les plus jeunes comme les plus aguerris, comme lors de ses visites professorales du samedi matin avec tous les chefs de clinique, internes et étudiants en médecine. Le dialogue et l’échange étaient toujours assez simples avec M. Laskar, car il s’agissait bien d’un dialogue où nous avions une place à part entière. Ne voulant pas se considérer comme un homme mûr, il traitait les plus jeunes comme ses semblables. Cette reconnaissance s’est d’ailleurs vue concrétisée par la place que l’Association des Jeunes a dorénavant au sein de la Société et de son Conseil d’administration.    Notre spécialité est à un tournant majeur de son évolution, et son travail sur sa démographie nous prédisait un manque de postes pour les prochaines générations. Même si les choses ne sont pas aussi tranchées que ce qui était prédit, la prospective avait pour vertu de poser la problématique de l’avenir de nos spécialités, dans le lot d’évolutions à venir. Nous nous devons de poursuivre ce chantier en intégrant l’essor des nouvelles technologies et les transferts de compétences. Pour paraphraser Louis Pasteur, l’avenir ne sourit qu’aux esprits préparés. La préparation des jeunes générations à ces mutations est un devoir trans­générationnel dont Marc Laskar se sentait investi. Nous avons la chance de faire partie d’une société savante regroupant trois spécialités – la chirurgie thoracique, la chirurgie cardiaque et la chirurgie vasculaire – devenant presque quasi exclusives en pratique actuelle de par la complexité des procédures (angioplastie vasculaire, assistance circulatoire ou endoscopie thoracique par exemple, sans parler du TAVI). En revanche, l’internat nous permet de côtoyer ces trois spécialités. Nos aînés ont eu la chance de pratiquer parfois l’une, souvent plusieurs de ces activités au cours de leur carrière. Aujourd’hui, même si ces spécialités restent sœurs pour leur intérêt et leurs champs d’action communs, il sera probablement rare de pouvoir en exercer plusieurs. Le orofesseur Laskar avait notamment comme objectif, en accord avec nos souhaits, nos passions et nos « facilités », de nous aider à choisir celle qui nous convenait le mieux. Ne demandons pas à nos Maîtres de n’être que des évaluateurs, mais bien des Guides pour non seulement nous former, mais surtout nous montrer le chemin qui leur semble le plus adéquat avec les spécificités de notre temps. À l’heure où les sources d’informations et de savoir sont de plus en plus nombreuses, la place de nos Maîtres, à l’image du mentor de Télémaque, est plus importante et nécessaire que jamais. Enfin, comment évoquer Marc Laskar sans s’arrêter à la formation. Albert Einstein disait qu’il était du devoir de chaque homme que de rendre au monde au moins autant qu’il en avait reçu. Le professeur Laskar avait eu la chance, dans sa formation débutée à Nantes, d’être chef de clinique du professeur Cabrol à la Pitié-Salpêtrière, avant d’intégrer le CHU de Limoges. Pour lui, la formation en chirurgie se devait de passer par plusieurs équipes, et c’est ainsi qu’il a toujours encouragé ses internes à la mobilité (Inter-CHU, voir fellowships à l’étranger) dans l’optique de voir naître de nouvelles connaissances, opportunités, passions au retour dans le service. Grâce au Collège France Sud de CTCV, qu’il aimait particulièrement organiser à Narbonne chaque semestre, il était connu et apprécié par tous les jeunes, aussi bien lors des présentations de travaux ou d’exposés devant nos Maîtres... que le soir venu pour faire la fête. Nombreux d’entre nous sont venus avec simplicité lui demander conseil. Beaucoup à travers la France ont rejoint son équipe pour se former à ses côtés, profitant de son expérience dans nos trois spécialités. Comme son prédécesseur Marcel Dahan, Marc Laskar nous a soutenus dans cet ambitieux projet que représente Epiform. Au-delà du concept et de sa mise en œuvre informatique, il s’agit d’une véritable révolution dans le compagnonnage si cher au professeur Laskar. Un chirurgien a la possibilité de laisser sa marque en donnant son nom à une intervention ou à un instrument. Ou bien, comme Marc Laskar, d’associer son nom à un état d’esprit, à une personnalité et de laisser sa marque non pas dans les livres mais dans le cœur et l’esprit. L’Association des Jeunes Chirurgiens
juin 3, 2016