Cas clinique · Vol. 23 Décembre 2019

La rupture diaphragmatique droite post-traumatique : à propos d’un cas

Abdelkarim Kharroubi1,2*, Alexandre Karsenti1, Arez Mameli1, Bruno Tremblay1   Service de chirurgie thoracique et vasculaire, Grand Hôpital de l’est parisien (GHEF), Meaux. Université Ibn Zohr, faculté de médecine, Agadir, Maroc.   Correspondance : karimvasculaire@gmail.com   DOI : 10.24399/JCTCV23-4-KHA Citation : Kharroubi A, Karsenti A, Mameli A, Tremblay B. La rupture diaphragmatique droite post-traumatique : à propos d’un cas. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(4). doi: 10.24399/JCTCV23-4-KHA   RÉSUMÉ La rupture diaphragmatique droite post-traumatique est une lésion dont la gravité est variable, pouvant passée inaperçue à la phase aiguë. Son diagnostic est essentiellement radiologique. Un traitement chirurgical par thoracotomie est préférable. Parfois la thoracoscopie peut constituer une bonne alternative dans un but diagnostique et thérapeutique. Nous rapportons le cas d’un homme présentant une rupture diaphragmatique droite post-traumatique avec une hernie hépatique, dont le diagnostic a été établi une semaine après le traumatisme.   ABSTRACT The traumatic right diaphragmatic rupture: A case report Right post traumatic diaphragmatic rupture is a lesion whose severity is variable, which may have gone unnoticed in the acute phase. His diagnosis is essentially radiological. Surgical treatment with thoracotomy is preferable, sometimes thoracoscopy can be a good alternative for diagnostic and therapeutic purposes. We report the case of a man with a post-traumatic right diaphragmatic rupture with hepatic hernia, whose diagnosis was established one week after the trauma.   1. Introduction La rupture de la coupole diaphragmatique droite post-traumatique est une lésion rare, mais de gravité variable. Elle est présente chez moins de 1,6% des traumatisés hospitalisés pour une contusion thoracique et/ou abdominale [1], avec une mortalité estimée entre 20 et 60% [2]. Le diagnostic est difficile, souvent tardif. Une association d’hernie hépatique ou gastrosplénique en intrathoracique est fréquente. Le pronostic est péjoratif en cas de retentissement cardiorespiratoire. L’objectif de notre cas est de préciser l’importance de la surveillance radiologique et d’inciter à penser à cette lésion devant tout traumatisme thoracique ou abdominal.   2. Observation Patient de 63 ans, enseignant de profession, sportif et tabagique chronique avec un indice de masse corporelle à 24 kg/m2, a été victime d’un accident de la voie publique (motocycliste casqué heurté par une voiture) avec points d’impact crânien et thoracique droit. L’examen à l’admission a objectivé un patient avec score de Glasgow à 15, état hémodynamique stable, eupnéique avec saturation capillaire en oxygène à 99% à l’air ambiant, dermabrasion occipitale et ecchymoses avec point douloureux basithoracique droit, l’examen pleuropulmonaire était normal avec un abdomen souple. Un bilan radiologique initial, fait du body scanner et radiographie thoracique, a été réalisé, objectivant la présence de fractures costales postérieures des 9e et 10e côtes et un hémothorax droit mimine, sans anomalie de l’étage cérébral. Un complément par tomodensitométrie (TDM) thoracique [figure 1] a été demandé et une lésion diaphragmatique, difficilement visible, est passé inaperçue.   [caption id="attachment_4601" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Coupe frontale d’une TDM thoraco-abdominale initiale : la lésion diaphragmatique est difficilement visible.[/caption]   Le malade a été admis au service pour surveillance, il est resté stable sur le plan clinique. Sur des radiographies thoraciques de contrôle, une ascension de la coupole diaphragmatique droite a été constatée [figure 2] d’où l’évocation d’une lésion diaphragmatique droite avec hernie du foie dans le thorax, diagnostic qui a été confirmé par un scanner [figure 3] et complété par une imagerie par résonance magnétique (IRM) [figure 4].   [caption id="attachment_4602" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Radiographie du thorax de face de contrôle (7e jour) montrant une ascension de la coupole diaphragmatique droite.[/caption] [caption id="attachment_4605" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Images tomodensitométriques (coupe frontale à gauche et sagittale à droite) objectivant une hernie hépatique transdiaphragmatique en intrathoracique (7 jours après le traumatisme).[/caption] [caption id="attachment_4606" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Image d’IRM (coupe frontale à droite et sagittale à gauche) montrant l’ascension intrathoracique d’une partie du foie avec discontinuité de la coupole diaphragmatique droite.[/caption]   Le malade a été admis au bloc opératoire, une thoracoscopie initiale a permis de confirmer et préciser la topographie de la lésion : rupture de 12 cm de la coupole diaphragmatique droite avec hernie hépatique partielle [figure 5] sans lésion péricardique ou pulmonaire associée. Une thoracotomie a permis de repositionner le foie en intra-abdominal sans difficulté et de réparer la lésion par deux surjets de Prolene 3/0 [figure 6].   [caption id="attachment_4607" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Vue opératoire montrant la brèche diaphragmatique après réduction de l’hernie hépatique.[/caption] [caption id="attachment_4603" align="aligncenter" width="300"] Figure 6. Vue opératoire après réparation de la brèche diaphragmatique.[/caption]   Le patient ne présentait aucune dysfonction respiratoire en postopératoire, avec des radiographies de contrôle normales. L’état neurologique est resté stable avec un scanner cérébral de contrôle sans particularité ; la disparition totale de la douleur est arrivée au bout de deux semaines. Le patient est sorti à J15 et a repris son travail un mois après sans aucun retentissement sur la vie personnelle et professionnelle. La coupole diaphragmatique droite a gardé sa position anatomique normale sur toutes les radiographies réalisées à chaque contrôle.   3. Discussion La rupture diaphragmatique est une conséquence relativement classique des traumatismes thoraco-abdominaux fermés [3], son incidence varie entre 1 et 7% [4]. Le diagnostic est souvent tardif, et la hernie peut n’être cliniquement apparente et diagnostiquée qu’après des mois, voire des années après le traumatisme [5]. La radiographie thoracique initiale reste un élément nécessaire du diagnostic, en visualisant l’ascension de la coupole diaphragmatique d’emblée ou sur les clichés répétés. La tomodensitométrie a une sensibilité de 33 à 83% et une spécificité de 76 à 100%, et une valeur prédictive positive de 50 à 98% [6]. Elle permet de confirmer l’éventration en visualisant le muscle diaphragmatique rompu [1] et de quantifier l’importance de la hernie. Une imagerie par résonance magnétique peut être envisagée en cas de doute diagnostique. Ces examens ont également un intérêt pour éliminer une autre lésion associée, ainsi qu’un éventuel retentissement cardiopulmonaire de la hernie. Les principaux risques d’une rupture diaphragmatique droite sont une dysfonction diaphragmatique, la compression pulmonaire, le déplacement du médiastin et une altération du retour veineux [7]. Dans notre cas, la lésion était simple avec hernie partielle du foie sans complications anatomiques, hémodynamiques ou fonctionnelles : le patient a gardé une respiration normale sans aucune gêne. Une fois le diagnostic fait dans les jours qui suivent le traumatisme, une intervention chirurgicale s’impose. Le traitement chirurgical pose le problème de la voie d’abord ; logiquement, la meilleure voie d’abord est abdominale car le traumatisme en cause est abdominal, mais pour la rupture diaphragmatique droite cette voie a plusieurs limites. En pratique, la rupture diaphragmatique droite étant beaucoup plus accessible par le thorax, c’est la voie de choix qui a comme avantage un accès large : de l’apex à la coupole, avec possibilité d’agrandissement en arrière et un meilleur contrôle lors de la réparation diaphragmatique, l’inconvénient de cette voie est qu’elle est longue, et les sections musculaires privent l’utilisation ultérieure du grand dorsal et du grand dentelé comme lambeaux. Chez notre malade, la voie d’abord était une thoracotomie droite avec, en fin d’intervention, un rapprochement par des gros fils ramenant la côte sus et sous-jacente, en passant à travers un orifice percé dans la côte inférieure. Le traitement consiste en une réintégration du foie en intra-abdominal et une réparation de la coupole diaphragmatique [8].   4. Conclusion La rupture de la coupole diaphragmatique droite est une lésion rare dont le diagnostic est difficile, faisant appel à la réalisation de radiographies de contrôle au cours de la surveillance de tout traumatisé thoracique et/ou abdominal. Une TDM ou IRM sont indiquées au moindre doute. Parfois une thoracoscopie est nécessaire. Le traitement chirurgical par thoracotomie ou thoracoscopie permet la réintégration des organes herniés et la suture de la brèche. Le pronostic est favorable en l’absence de lésion cardiorespiratoire.   Références Favre JP, Cheynel N, Benoit L, Favoulet P. Surgical treatment for traumatic diaphragmatic ruptures. EMC-Techniques chirurgicales - Appareil digestif 2005;2:242-251 DOI : 10.1016/S0246-0424(05)39769-X https://doi.org/10.1016/j.emcchi.2005.04.004 Reiff D, McGwin G, Metzger J, Windham ST, Doss M, Rue LW. Identifying injuries and motor vehicle collision characteristics that together are suggestive of diaphragmatic rupture. J Trauma 2002 Dec;53(6):1139-45 DOI:10.1097/00005373-200212000-00018 PMID:12478041 https://doi.org/10.1097/00005373-200212000-00018 PMid:12478041 Najah H, Pocard M. Laparoscopic diaphragm rupture repair (with video). Journal of visceral surgery 2014 Jun;151(3):237-8 DOI: 10.1016/j.jviscsurg.2014.03.005 PMID:24780225 https://doi.org/10.1016/j.jviscsurg.2014.03.005 PMid:24780225 Scharff JR, Naunheim KS. Traumatic diaphragmatic injuries. Thoracic surgery clinics 2007 Feb;17(1):81-5 DOI:10.1016/j.thorsurg.2007.03.006 PMID:17650700 https://doi.org/10.1016/j.thorsurg.2007.03.006 PMid:17650700 Plaksin SA, Kotelßnikova LP. Bilateral post-traumatic diaphragmatic hernias. Vestnik Khirurgii Imeni I I Grekova 2015;174(1):47-51 PMID: 25962295 https://doi.org/10.24884/0042-4625-2015-174-1-47-51 Slim K. Ruptures et plaies du diaphragme. J Chir 1999 Jun;136(2):67-75 PMID:10480054 Ngoga D, Mauvrey C. Undiagnosed delayed traumatic diaphragmatic rupture causing sudden death: case report and review of literature. European Journal of Orthopaedic Surgery and Traumatology May 2007;17(3):321-323 DOI: 10.1007/s00590-006-0160-6 https://doi.org/10.1007/s00590-006-0160-6 Elkaoui H, Atoini F, Aitali A, Zentar A, Sair K. Rupture post-traumatique de la coupole diaphragmatique droite. Presse Med 2009;38:1028-1029 DOI: 10.1016/j.lpm.2008.03.024 PMID: 19117718 https://doi.org/10.1016/j.lpm.2008.03.024 PMid:19117718   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 17/09/2019. Acceptation : 14/10/2019.     
décembre 13, 2019
Cas clinique · Vol. 21 Septembre 2017

Diagnostic et prise en charge d’une hernie intercostale transdiaphragmatique droite

Romain Hustache-Castaing*, Caroline Rivera, Florence Mazères Service de chirurgie viscérale et thoracique, centre hospitalier de la côte Basque, Bayonne, France. * Correspondance : rom.castaing@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV21-3-HUS Citation : Hustache-Castaing R, Rivera C, Mazères F. Diagnostic et prise en charge d’une hernie intercostale transdiaphragmatique droite. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-HUS   Résumé Nous décrivons le cas d’une femme de 82 ans chez qui est survenue une hernie intercostale transdiaphragmatique droite un an après un traumatisme thoraco-abdominal avec fractures costales. Les circonstances de découverte sont un syndrome subocclusif. La réparation chirurgicale de cette hernie à distance de l’épisode aigu a permis de corriger les troubles du transit et le syndrome restrictif de la patiente avec un gain majeur en qualité de vie.   Abstract Diagnosis and management of a right transdiaphragmatic intercostal hernia We report the case of an 82-year-old woman who developed a right transdiaphragmatic intercostal hernia 1 year after a thoracoabdominal trauma with costal fractures. The circumstance of the discovery was a sub-occlusive syndrome. Surgical repair of this hernia at a distance from the acute episode corrected the transit disorders and the restrictive syndrome of the patient, with a major gain in quality of life.   1. INTRODUCTION La hernie intercostale transdiaphragmatique est une entité rare survenant à distance d’un traumatisme thoraco-abdominal responsable d’une hernie diaphragmatique évoluant vers la hernie intercostale. Le traumatisme entraîne une lésion du diaphragme ainsi qu’une faiblesse au niveau des muscles intercostaux, avec ou sans fracture costale. Ces lésions passent le plus souvent inaperçues initialement. En plus de l’hyperpression physiologique de la cavité péritonéale et la pression négative de la cavité pleurale, et contrairement aux hernies diaphragmatiques post-traumatiques classiques qui sont plus fréquentes à gauche qu’à droite, le caractère intercostal de la hernie intercostale transdiaphragmatique est favorisé par l’obstacle hépatique. La réparation se fait par abord thoracique et/ou abdominal, avec implantation ou non de renfort prothétique. Elle s’envisage de plus en plus par voie mini-invasive grâce aux progrès importants en thoracoscopie et laparoscopie.   2. OBSERVATION Nous rapportons le cas d’une patiente de 82 ans, aux antécédents d’hypertension artérielle, d’hypercholestérolémie, de dégénérescence maculaire liée à l’âge, d’appendicectomie et de prothèse de hanche droite, autonome à domicile, qui consulte aux urgences pour une altération de son état général, avec un Performance Status (PS) à 2, des douleurs abdominales prédominantes en hypochondre droit associées à une subocclusion intestinale. L’interrogatoire révèle l’existence d’une hernie diaphragmatique droite survenue dans les suites d’une fracture costale homolatérale un an plus tôt, pour laquelle un premier avis chirurgical avait été pris, sans décision d’intervention. À l’examen clinique, elle présente une volumineuse masse latérothoracique basale droite, sensible mais dépressible [figure 1]. [caption id="attachment_3833" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Masse latérothoracique basale droite visible à l’examen clinique en décubitus dorsal, circulation veineuse collatérale en regard.[/caption] Le scanner met en évidence la présence de contenu abdominal (épiploon, estomac, colon droit) dans la cavité pleurale droite, puis en sous-cutané par un passage dans le 8e espace intercostal en continuité avec la cavité péritonéale au travers du diaphragme en préhépatique [figures 2 et 3]. [caption id="attachment_3834" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Coupe coronale scannographique thoracoabdominopelvienne montrant la saillie transdiaphragmatique et intercostale droite des viscères ainsi que le volume occupé dans la cavité pleurale droite.[/caption] [caption id="attachment_3835" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Reconstruction en trois dimensions montrant la hernie digestive au travers du 8e espace intercostal.[/caption] Il n’y a pas de signe d’étranglement herniaire ou de perforation d’organe creux, les parois digestives sont de densité normale. Le foie est en position intraabdominale. Les lobes pulmonaires moyen et inférieur sont atélectasiés, il n’y a pas de déviation des structures médiastinales. L’indication opératoire de cure chirurgicale de cette hernie thoracodiaphragmatique et intercostale droite est retenue. Elle est réalisée à distance de l’épisode aigu de troubles du transit, après réalisation d’un bilan fonctionnel cardiorespiratoire qui montre l’absence d’insuffisance cardiaque avec une FEVG à 64 %, un syndrome obstructif réversible sous béta2-mimétiques avec un VEMS passant de 78 % à 90 % de la théorique et un syndrome restrictif modéré avec une CV à 74 %, et une CPT à 86 % de la théorique. L’intervention est réalisée en décubitus latéral gauche de trois quarts [figure 4], avec intubation orotrachéale sélective. [caption id="attachment_3836" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Installation en décubitus latéral gauche de trois quarts, repérage du 8e espace intercostal droit montrant son élargissement.[/caption] Un abord direct par thoracotomie au niveau du 8e espace intercostal droit permet la réduction des organes digestifs dans la cavité péritonéale à travers l’orifice herniaire diaphragmatique droit [figure 5]. Ce dernier est fermé par une prothèse type Sil-Promesh (15 x 20 cm) fixée aux berges du diaphragme par des points séparés de fil non résorbable [figure 6]. L’espace intercostal est quant à lui renforcé par une plaque non résorbable Parietex fixée aux espaces intercostaux sus et sous-jacents par des points séparés de fil résorbable [figure 7]. [caption id="attachment_3837" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Vue peropératoire antérieure après réduction de la hernie montrant la cavité pleurale en haut et la cavité péritonéale en bas.[/caption] [caption id="attachment_3838" align="aligncenter" width="300"] Figure 6. Vue peropératoire antérieure montrant la fermeture de la cavité péritonéale par une prothèse diaphragmatique.[/caption] [caption id="attachment_3839" align="aligncenter" width="300"] Figure 7. Vue peropératoire montrant la fermeture de la cavité pleurale par une plaque prothétique de renfort intercostal.[/caption] Les suites opératoires sont simples avec un dédrainage pleural à J2, et une reprise du transit à J2. La réexpansion pulmonaire est favorisée par de la kinésithérapie respiratoire et de la ventilation non invasive. La sortie d’hospitalisation vers un centre de réhabilitation respiratoire est effective à J6 de l’intervention. La patiente, qui vit seule, regagne son domicile après trois semaines, elle est autonome, non douloureuse et la radiographie thoracique de contrôle montre une réexpansion pulmonaire quasi complète [figure 8]. [caption id="attachment_3840" align="aligncenter" width="300"] Figure 8. Radiographie pulmonaire de face à 1 mois postopératoire montrant l’absence de récidive précoce, une coupole diaphragmatique en place et une bonne expansion pulmonaire.[/caption] À huit mois de l’intervention, la patiente est en très bon état général, PS 0, autonome au domicile, a repris ses activités habituelles dont le jardinage. Elle ne prend plus aucun traitement antalgique et ne présente ni douleur, ni dyspnée, ni troubles du transit. Cliniquement, la hernie pariétale n’a pas récidivé [figure 9]. [caption id="attachment_3841" align="aligncenter" width="300"] Figure 9. Résultat clinique à 8 mois montrant la cicatrisation cutanée et l’absence de récidive.[/caption] La radiographie thoracique est normale et les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) montrent un VEMS à 110 % de la valeur théorique, un coefficient de Tiffeneau à 104 % et une CVF à 117 %.   3. DISCUSSION Les hernies transdiaphragmatiques acquises surviennent, soit à la suite d’un traumatisme thoracoabdominal pénétrant (arme blanche, plaie balistique) avec lésion directe du diaphragme, soit par écrasement (chute, accident de la voie publique) créant une hyperpression abdominale déchirant les fibres musculaires du diaphragme. Sa fréquence est estimée entre 0,8 et 15 % de l’ensemble des traumatismes thoraco-abdominaux [1] et elle est beaucoup plus fréquente à gauche qu’à droite en raison du rôle protecteur du foie [2]. L’histoire naturelle est généralement marquée par trois phases : la phase aiguë, du traumatisme initial jusqu’à l’apparente récupération, la phase latente avec hernie asymptomatique des organes digestifs dans le thorax, et la phase obstructive, marquée par l’étranglement herniaire [3]. Dans notre cas, il s’agit d’une hernie intercostale droite transdiaphragmatique à la phase obstructive, dont la cause initiale est un traumatisme thoracique bas avec fracture de côte, puis dont le mécanisme est favorisé par l’hyperpression abdominale, majorée chez une patiente en surpoids, ainsi que par la dépression pleurale. La différence physiologique de pression thoracoabdominale associée à une zone de faiblesse diaphragmatique est à l’origine de la hernie qui s’aggrave dans le temps. De plus, le trajet sous-cutané des viscères abdominaux peut s’expliquer par l’obstacle hépatique ne permettant pas leur passage direct à travers le diaphragme vers la cavité pleurale. Devant la relative bonne tolérance clinique et le terrain fragile de la patiente, la décision d’une intervention chirurgicale différée est prise. L’absence de signes scannographiques de souffrance digestive permet de programmer l’intervention en semi-urgence et de réaliser un bilan fonctionnel cardiorespiratoire afin d’éviter des troubles hydroélectrolytiques. Une abstention thérapeutique ne paraît pas indiquée chez notre patiente, d’une part en raison du risque d’étranglement herniaire, dont le taux de mortalité varie entre 30 et 80 % [1], et dont elle a présenté des signes annonciateurs sous la forme d’un syndrome sub-occlusif et, d’autre part, compte tenu de l’altération de la qualité de vie engendrée par la hernie. Nous avons choisi d’effectuer la réparation par voie thoracique afin de contrôler la bonne reventilation des lobes atélectasiés en fin d’intervention et parce qu’il n’y avait pas de geste prévu à l’étage abdominal. Cette stratégie est en accord avec ce qui est décrit dans la littérature [4]. Le choix d’une vidéothoracoscopie aurait pu être discuté dans le cas d’une réparation diaphragmatique stricte [5], mais l’utilisation d’un matériel prothétique à la fois pour le défect diaphragmatique et pour l’espace intercostal la rend difficile. Les bénéfices attendus de cette chirurgie sont la diminution des douleurs abdominales et des troubles digestifs, l’amélioration de l’état général, l’augmentation de la capacité respiratoire, l’amélioration de la qualité de vie, voire le gain esthétique. Les complications postopératoires peuvent essentiellement être respiratoires, marquées par une pneumopathie ou un défaut de réexpansion pulmonaire. Elles sont prévenues par la kinésithérapie respiratoire associée à la ventilation non invasive et à la mobilisation précoce. Une paralysie phrénique, dont il est difficile d’estimer si elle est secondaire au traumatisme ou à l’intervention chirurgicale, peut être révélée en période postopératoire. Les complications digestives se limitent dans la grande majorité des cas à un simple ileus intestinal qui se lève en quelques jours et il convient de réalimenter les patients dès la reprise des gaz.   4. CONCLUSION La hernie intercostale transdiaphragmatique est une entité rare dont le diagnostic est rendu difficile par sa survenue tardive après un évènement traumatique. Le traitement est exclusivement chirurgical et doit être envisagé à chaque fois que le patient est opérable car la mortalité des hernies compliquées est importante et la qualité de vie est considérablement améliorée après réparation. RÉFÉRENCES Reber PU, Schmied B, Seiler CA, Baer HU, Patel AG, Büchler MW. Missed diaphragmatic injuries and their long-term sequelae. J Trauma 1998 Jan;44(1):183–8. https://doi.org/10.1097/00005373-199801000-00026 PMid:9464770 Shah R, Sabanathan S, Mearns AJ, Choudhury AK. Traumatic rupture of diaphragm. Ann Thorac Surg 1995 Nov 1;60(5):1444–9. https://doi.org/10.1016/0003-4975(95)00629-Y Grimes OF. Traumatic injuries of the diaphragm. RN 1975 Feb;38(2):OR8, OR10, OR12. Smith RS, Fry WR, Tsoi EK, Morabito DJ, Koehler RH, Reinganum SJ et al. Preliminary report on videothoracoscopy in the evaluation and treatment of thoracic injury. Am J Surg 1993 Dec;166(6):690–3;discussion 693–5. https://doi.org/10.1016/S0002-9610(05)80681-6 Bagheri R, Tavassoli A, Sadrizadeh A, Mashhadi MR, Shahri F, Shojaeian R. The role of thoracoscopy for the diagnosis of hidden diaphragmatic injuries in penetrating thoracoabdominal trauma. Interact Cardiovasc Thorac Surg 2009 Aug 1;9(2):195–8. https://doi.org/10.1510/icvts.2008.195685 PMid:19470502 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 11/05/2017. Acceptation : 07/07/2017. Pré-publication : 07/07/2017.  
septembre 21, 2017