Chirurgie thoracique · Vol. 22 Juin 2018
Raphaël Ouede1*, Blaise Demine1, Maurice Kouacou1, Landry Kohou-Kone2, Joseph Kouame2, Édouard N’Guessan3, B. Ahui4, Ngoran Koffi4, Flavien Kendja1, Simplice Anongba3, Yves Tanauh1
Service de chirurgie thoracique, institut de cardiologie, Abidjan, Côte d’Ivoire.
Service d’anesthésie et de réanimation, institut de cardiologie, Abidjan, Côte d’Ivoire.
Service de gynécologie, centre hospitalier et universitaire, Treichville, Côte d’Ivoire.
Service de pneumologie, centre hospitalier et universitaire, Cocody, Côte d’Ivoire.
* Correspondance : oued70raphael@yahoo.fr
DOI : 10.24399/JCTCV22-2-OUE
Citation : Ouede R, Demine B, Kouacou M, Kohou-Kone L, Kouame J, N'Guessan E, Ahui B, Koffi N, Kendja F, Anongba S, Tanauh Y. L’endométriose thoracique : une expérience à propos de 27 cas opérés. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(2). doi: 10.24399/JCTCV22-2-OUE
Résumé
Objectif : rapporter notre expérience de la prise en charge chirurgicale de l’endométriose thoracique en décrivant notre approche diagnostique, thérapeutique et les résultats obtenus.
Patients et méthodes : il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique sur 22 ans concernant 27 patientes âgées en moyenne de 32 ans (19 à 49 ans) opérées pour une endométriose thoracique reparties en 2 groupes en fonction de l’attitude chirurgicale. Le groupe 1, de janvier 1994 à juin 2006, comprenait 6 patientes et le groupe 2 de juillet 2006 à décembre 2016, comprenait 21 patientes. Les paramètres cliniques, paracliniques, thérapeutiques et évolutifs ont été étudiés.
Résultats : dans le groupe 1, 5 patientes présentaient un pneumothorax cataménial et une avait un hémothorax cataménial. Dans le groupe 2, il y avait 13 cas de pneumothorax cataménial, 7 cas d’hémothorax cataménial et un cas avec pseudotumeur pulmonaire hémoptoïsante. Toutes les patientes, sauf celle qui avait la pseudotumeur pulmonaire, étaient nullipares avec des antécédents de dysménorrhée et 6 avaient une endométriose pelvienne confirmée. Vingt-deux patientes étaient au moins à leur troisième récidive. La radiographie standard du thorax a été systématique, complétée par un scanner thoracique dans 12 cas. Les lésions étaient droites (n = 24), bilatérales (n = 2). La pseudotumeur siégeait dans le lobe supérieur gauche. L’exploration chirurgicale dans le groupe 1 a été faite par minithoracotomie dans tous les cas, dont 5 fois pendant la période des menstrues, tandis que dans le groupe 2 la chirurgie a été faite par minithoracotomie (n = 19) et vidéothoracoscopie (n = 2) pendant les menstrues. Des plaques d’endométriose diaphragmatique ont été observées dans 22 cas et des blebs dans 6 cas. Les gestes chirurgicaux ont consisté dans le groupe 1 en une résection-suture des plaques d’endométriose dans les 6 cas, complétée par une résection-suture des blebs dans 4 cas et une pleurodèse par abrasion. Dans le groupe 2, il a été réalisé une phrénoplastie de recouvrement des fenestrations diaphragmatiques 16 fois, associée à une résection-suture des blebs 2 fois, une pleurodèse par abrasion (n = 2) ou par talcage (n = 19). Une lobectomie supérieure gauche a été faite pour la pseudotumeur, les lésions bilatérales ont été opérées avec 7 mois d’intervalle en moyenne. L’endométriose a été confirmée à l’examen anatomopathologique 14 fois, pour les autres cas le diagnostic a été retenu sur la base des antécédents gynécologiques, la coïncidence des signes cliniques avec les menstrues, la découverte peropératoire des plaques d’endométriose. Une hormonothérapie complémentaire de 6 mois (triptoréline) a été prescrite. L’évolution a été bonne chez 19 patientes. Cinq récidives (3 dans le groupe 1 et 2 dans le groupe 2) ont été notées. Les 3 premières ont été reprises. La mortalité était nulle dans les 2 groupes.
Conclusion : la chirurgie, réalisée à la phase des menstruations, par recouvrement prothétique des fenestrations diaphragmatiques et symphyse pleurale au talc, associée à une hormonothérapie suppressive immédiate, a permis d’obtenir un faible taux de récidive, un meilleur confort et une mortalité nulle.
Abstract
Thoracic Endometriosis: Our Experience of Operating on 27 Cases
Objective: To report our experience in the surgical management of thoracic endometriosis, describing our diagnostic and therapeutic approach and the results obtained.
Patients and methods: This was a monocentric, 22-year retrospective study of 27 patients with an average age of 32 years (range 19 to 49 years) who were operated on for thoracic endometriosis. These patients were divided into 2 groups according to the surgical approach taken. Group 1, from January 1994 to June 2006, consisted of 6 patients and Group 2, from July 2006 to December 2016, consisted of 21 patients. Clinical, para-clinical, therapeutic and evolutionary parameters were studied
Results: In Group 1, 5 patients had catamenial pneumothorax and 1 had catamenial hemothorax. In Group 2, there were 13 cases of catamenial pneumothorax, 7 cases of catamenial hemothorax and 1 case with a hemoptysic pulmonary pseudotumor. All patients except one (presenting with the pulmonary pseudotumor) were nulliparous with a history of dysmenorrhea. Twenty-two patients were suffering at least their third recurrence and six of them had confirmed pelvic endometriosis. The standard radiograph of the thorax was systematic. A thoracic CT scan was performed in 12 cases. Lesions were right (n = 24) or bilateral (n = 2). The pseudotumor sat in the upper left lobe. Surgical exploration in Group 1 was performed by mini thoracotomy in all cases, including 5 times during menstruation, while in Group 2 the surgery was performed by mini thoracotomy (n = 19) and videothoracoscopy (n = 2) during menstruation. Diaphragmatic endometriosis plaques were observed in 22 cases and blebs in 6 cases. The surgical procedures in Group 1 consisted of a resection-suture of the plaques of endometriosis in 6 cases, completed by a resection-suture of the blebs in 4 cases, and a pleurodesis by abrasion. In Group 2, a phrenoplasty of diaphragmatic fenestration was performed 16 times, associated in two cases with resection of the blebs, and pleurodesis by abrasion (n = 2) or talcage (n = 19). An upper left lobectomy was performed in the case of the pseudotumor, bilateral lesions were performed at an average of 7 month intervals. Endometriosis was confirmed on pathologic examination 14 times, in other cases the diagnosis was based on gynecological history, the coincidence of the clinical signs with the menses, or the peroperative discovery of endometriosis plaques. A 6-month complementary hormone therapy (triptoreline) was prescribed. The outcome was good in 19 patients. Five recurrences (3 in Group 1 and 2 in Group 2) were noted. The first three were resumed. Mortality was nil in both groups.
Conclusion: The surgery, by overlapping diaphragmatic fenestrations and pleurodesis, when performed during menstruation and in combination with immediate suppressive hormone therapy, resulted in a low rate of recurrence, better comfort and nil mortality.
1. INTRODUCTION
L’endométriose se caractérise par le développement du tissu endométrial normal en dehors de la cavité utérine [1,2]. Quelle que soit sa localisation, le tissu endométrial garde les mêmes propriétés que l’endomètre intra-utérin, il va donc subir les mêmes modifications cycliques mensuelles en réponse aux stimuli hormonaux [1-4]. Les localisations thoraciques les plus fréquentes sont : la plèvre, le parenchyme pulmonaire et l’arbre trachéobronchique [2-6]. La présence de tissu endométrial dans le thorax et les modifications cycliques qui en résultent vont entraîner des manifestations cliniques et radiologiques désignées sous le thème de syndrome d’endométriose thoracique [2-4]. Ce syndrome regroupe quatre entités cliniques bien reconnues : le pneumothorax (73 % des cas), l’hémothorax (14 % des cas), l’hémoptysie (7 % des cas) et le nodule (6 % des cas). Leurs points communs sont d’une part la répétition des symptômes lors des règles et d’autre part leur fréquente association à une endométriose pelvienne et à une infertilité [3,4,6]. Le traitement de l’endométriose thoracique est médical et chirurgical [2-4].
Le but de cette étude était de rapporter notre expérience de la prise en charge chirurgicale de l’endométriose thoracique en décrivant notre approche diagnostique, thérapeutique et les résultats obtenus.
2. PATIENTS ET MÉTHODES
Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique sur 22 ans, allant de janvier 1994 à décembre 2016 concernant 27 patientes âgées en moyenne de 32,8 ans (19 à 49 ans), opérées pour une endométriose thoracique. Le tableau clinique se composait de pneumothorax (n = 18, soit 66,67 %), d’hémothorax (n = 8, soit 29,62 %) et de pseudotumeur pulmonaire (n = 1, soit 3,70 %). Ces patientes étaient réparties en 2 groupes en fonction de notre attitude chirurgicale vis-à-vis des lésions diaphragmatiques. Le groupe 1, de janvier 1994 à juin 2006, comprenait les 6 patientes opérées avant l’introduction de la prothèse diaphragmatique dans notre arsenal thérapeutique et le groupe 2, de juillet 2006 à décembre 2016, comprenait 21 patientes opérées après. Les paramètres cliniques, paracliniques, thérapeutiques et évolutifs ont été étudiés.
3. RÉSULTATS
Dans le groupe 1, 5 patientes présentaient un pneumothorax cataménial et une avait un hémothorax cataménial. Le groupe 2 comportait 13 cas de pneumothorax cataménial, 7 cas d’hémothorax cataménial et un cas de pseudotumeur pulmonaire avec hémoptysie cataméniale. Ces patientes avaient toutes des antécédents de dysménorrhée et de nulliparité sauf celle qui avait la pseudotumeur, 6 patientes avaient une endométriose pelvienne confirmée [tableau 1].
Tableau 1. Les antécédents retrouvés chez les patientes opérées d’endométriose thoracique
Nature des antécédents
Effectif
Pourcentage (%)
Thoracique
Douleur thoracique cataméniale
18
66,67
– pseudo asthme cataménial
4
14,81
Gynécologique
– Multipare (G10P10/pseudotumeur)
1
3,7
– Nullipare
26
96,30
– Dysménorrhée
26
96,30
– Interruption volontaire de grossesse
2
7,41
– Kystectomie ovarienne
2
7,41
– Insufflation tubaire
2
7,41
– Endométriose pelvienne
6
22,22
– Myomectomie
1
3,7
Autres
– Appendicectomie
1
3,7
– Cure herniaire ombilicale
2
7,41
– Thyroïdectomie
1
3,7
– Amygdalectomie
1
3,7
À l’admission, 4 patientes étaient à leur premier épisode et 23 à leur troisième récidive au moins, celle qui avait la pseudotumeur pulmonaire avait une aménorrhée non gravidique, mais elle présentait une hémoptysie minime à ses périodes prévues de menstrues. Le cas de la pseudotumeur pulmonaire et 3 cas d’hémothorax avaient été traités initialement comme une tuberculose pendant 5 mois sans succès. Le liquide pleural dans l’hémothorax était exsudatif stérile avec de nombreuses hématies, une hyper-lymphocytose (dans 3 cas) sans cellule endométriale, l’hémothorax était associé à une ascite hémorragique (4 cas) et à des hémoptysies (1 cas).
En plus de la radiographie standard systématique du thorax, le scanner thoracique réalisé 12 fois (dont 3 dans le groupe 1) a confirmé l’épanchement pleural et la pseudotumeur et a objectivé des blebs (6 fois) et une pachypleurite (5 fois). L’atteinte était bilatérale (n = 2), droite (n = 23) et gauche (la pseudotumeur pulmonaire). Une échographie thoracoabdominale dans 3 cas d’hémothorax et une fibroscopie bronchique dans les 2 cas d’hémoptysie n’ont pas objectivé de plaque d’endométriose.
L’indication opératoire a été posée devant le caractère récidivant et/ou cataménial des symptômes et les antécédents gynécologiques. Un drainage (4 fois) et une ponction pleuraux (2 fois) ont été nécessaires en préopératoire pour des épanchements dyspnéisants. L’exploration chirurgicale dans le groupe 1 a été faite par minithoracotomie dans tous les cas, dont 5 fois pendant la période des menstrues, tandis que dans le groupe 2 elle a été faite par minithoracotomie (n = 19) et vidéothoracoscopie (n = 2) pendant les menstrues (sauf le cas de la pseudotumeur). Des plaques d’endométriose diaphragmatique ont été observées dans 22 cas [figure 1] et des blebs dans 6 cas.
[caption id="attachment_4052" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Image peropératoire des fenestrations diaphragmatiques dans un de nos cas de pneumothorax cataménial.[/caption]
Les gestes chirurgicaux ont consisté dans le groupe 1 en une résection-suture des plaques d’endométriose diaphragmatique dans les 6 cas complétée par une résection-suture des blebs dans 4 cas et une pleurodèse par abrasion. Dans le groupe 2, il a été réalisé une lobectomie supérieure gauche (la pseudotumeur), une phrénoplastie de recouvrement des fenestrations diaphragmatiques 16 fois [figure 2] associée à une résection-suture des blebs 2 fois, une pleurodèse par abrasion (n = 2) ou par talcage (n = 18).
[caption id="attachment_4053" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Image peropératoire d’une phrénoplastie à la prothèse synthétique dans un de nos cas de pneumothorax cataménial.[/caption]
Les côtés gauches des lésions bilatérales ont été opérés avec 7 et 9 mois d’intervalle et aucune lésion n’a été retrouvée, une pleurodèse par abrasion et par talcage a été effectuée. Le séjour hospitalier postopératoire moyen était de 9,32 jours (6 à 27 jours). L’endométriose a été confirmée à l’examen anatomopathologique 14 fois (le cas du nodule pulmonaire, 3 cas d’hémothorax et 10 cas de pneumothorax), il s’agissait en microscopie de glande de type endométrial entourée de chorion cytogène (13 cas) ou non (1 cas). Dans les autres cas, le diagnostic a été retenu sur la base des antécédents gynécologiques, la coïncidence des signes cliniques avec les menstrues, la découverte peropératoire des plaques d’endométriose. Une hormonothérapie suppressive (tryptoréline) complémentaire de 6 mois a été prescrite en postopératoire après un avis gynécologique dans le groupe 1 et systématiquement dans le groupe 2. Elle a été effective chez 20 patientes dont 4 du groupe 1, 3 l’ont refusée pour des raisons financières et 4 patientes l’ont abandonnée à 4 mois à cause des effets secondaires. Deux patientes ont été perdues de vue à 3 mois et 5 mois. Après un suivi moyen de 2 ans (3 mois à 11 ans), l’évolution est bonne chez 19 patientes qui n’ont aucune gêne thoracique, 5 récidives dont 3 dans le groupe 1 ont été notées à 1 semaine, 3 mois, 4 mois, 8 mois et 6 ans [tableau 2], une réintervention a été effectuée 3 fois. Trois patientes continuent de présenter des dyspnées cataméniales minimes sans récidive radiologique. La mortalité était nulle dans les 2 groupes.
Tableau 2. Récapitulatif des caractéristiques cliniques thérapeutiques et évolutives des 27 patientes opérées d’endométriose thoracique
N0/ age (ans)
Présentations cliniques
Lésions observées
Gestes réalisés
Hormonothérapie
Résultat anapath
Durée de suivi (mois)
Évolution
G1
1/27
PNO
PD
R-S + abras
Oui
Négatif
16
Bonne
2/29
HémoTh
PD + pachyP
R-S + décor + abras
Oui
Glande + ch
3
PDV
3/24
PNO
PD + blebs
R-S + abras
Refus
Glande + ch
11
Bonne
4/25
PNO
PD
R-S + abras
Refus
Négatif
123
2 récidives
5/32
PNO
PD + blebs
R-S + abras
Oui
Glande + ch
6
Récidive
6/19
PNO
Blebs
R-S blebs + abras
Oui
Glande + ch
18
Bonne
G2
7/31
PNO
PD
Plastie + abras
Oui
Négatif
26
Bonne
8/37
PNO
PD
Plastie + abras
4 mois
Glande + ch
64
Récidive
9/49
Ptumeur
Ptumeur
Lobectomie SG
Refus
Glande + ch
17
Bonne
10/29
HémoTh
PD
Plastie + talc
Oui
Négatif
20
Bonne
11/25
PNO
PD
Plastie + talc
Oui
Glande + ch
9
Bonne
12/45
PNO
PD
Plastie + talc
4 mois
Négatif
48
Dyspnée +/-
13/25
HémoTh
PD
Plastie + talc
Oui
Glande + ch
15
Bonne
14/41
Hémoth
PD
Plastie + talc
Oui
négatif
8
Bonne
15/36
PNO
PD
Plastie + talc
Oui
Glande + ch
16
Bonne
16/27
PNO
PD + blebs
Plastie + R-S blebs + talc
Oui
Négatif
15
Bonne
17/30
HémoTh
PachyP
Décor + talc
4 mois
Glande
5
Récidive + PDV
18/36
Hémoth
PD
Plastie + talc
Oui
Négatif
16
Bonne
19/32
PNO
PD
Plastie + talc
Oui
Négatif
24
Bonne
20/37
PNO
PD + pachyP
Décor+ plastie + talc
Oui
Glande + ch
36
Dyspnée +/-
21/33
PNO
blebs
R-S blebs + talc
4 mois
Glande + ch
8
Bonne
22/38
PNO
PD
Plastie + talc
Oui
Glande + ch
48
Dyspnée +/-
23/30
PNO
PD
Plastie +talc
Oui
Négatif
28
Bonne
24/34
HémoTh
PD
Plastie + talc
Oui
Négatif
22
Bonne
25/38
PNO
PD
Plastie + talc
Oui
Glande + ch
24
Bonne
26/44
PNO
PD
Plastie + talc
Oui
Négatif
16
Bonne
27/32
HémoTh
Néant
Talc
Oui
Négatif
8
Bonne
G1 : groupe 1; G2 : groupe 2; PNO : pneumothorax; HémoTh : hémothorax ; PD : perforation diaphragmatique ; Ptumeur : pseudotumeur ; pachyP : pachypleurite ; R-S : resection-suture ; abras : abrasion ; Lobectomie SG : lobectomie supérieure gauche ; Talc : talcage ; décor : decortication ; PDV : perdue de vue ; plastie : plastie diaphragmatique de recouvrement ; Glande + ch : glande et chorion cytogène.
4. DISCUSSION
L’endométriose est une affection bénigne chronique œstrogénodépendante décrite pour la première fois en 1860 par Von Rokitanski [1, 2]. Le premier cas d’endométriose thoracique a été décrit en 1953 par Barnes [7], plusieurs cas ont été décrits dans le monde [8] mais l’incidence actuelle reste imprécise faute d’étude multicentrique récente. En Afrique, seuls des cas isolés sont décrits [9,10], notre série en est la plus importante à notre connaissance. Il s’agit d’une pathologie de la femme en âge de procréer et l’âge moyen de survenue est de 35 ans [2]. Le mécanisme pathogénique de l’endométriose thoracique accepte actuellement trois théories [1-6] : la théorie de la menstruation rétrograde ou le reflux tubaire de sang menstruel fait passer les cellules endométriales dans la cavité abdominale puis thoracique à travers les pores diaphragmatiques congénitales ou acquises, la théorie de la micro-embolisation et la théorie de la métaplasie de l’épithélium cœlomique. Des facteurs intrinsèques, génétiques, environnementaux, immunitaires et hormonaux assureraient la survie du tissu endométrial lors de sa migration, son adhésion et son développement au niveau du tissu hôte [3,4,6]. Le tissu endométrial thoracique provoquerait des symptômes respiratoires selon divers mécanismes en réponse aux variations hormonales [2]. Les mécanismes évoqués pour le pneumothorax sont : la rupture spontanée des bulles, des blebs ou des alvéoles périphériques sous l’effet des prostaglandines F2 alpha, la destruction alvéolaire périphérique par l’implant endométriosique et le passage transdiaphragmatique d’air provenant du tractus génital. Pour l’hémothorax et l’hémoptysie, selon Alifano [2], le saignement proviendrait directement des implants endométriosiques ou de l’érosion du tissu hôte créée par la destruction de ces implants. Mais certains de nos cas d’hémothorax (ceux qui étaient associés à une ascite) laissent suggérer aussi un passage transdiaphragmatique de liquide hémorragique d’origine péritonéal. Quant au nodule, l’implant endométrial responsable est purement parenchymateux et circulaire formant d’abord une micropoche qui s’agrandit progressivement au fil des menstrues [2].
Le diagnostic de l’endométriose thoracique est difficile, il est évoqué devant l’histoire clinique, la relation entre les symptômes et les menstrues et l’amendement de ses symptômes sous hormonothérapie [11]. La radiographie thoracique, l’IRM couplée au scanner thoracique, l’angiographie thoracique et la bronchoscopie (en cas d’hémoptysie) aident au diagnostic en cartographiant les lésions et peuvent guider la thoracoscopie et la thoracotomie exploratrice [12]. Pour augmenter leur sensibilité, ces examens ainsi que l’exploration chirurgicale doivent être réalisés pendant les menstrues où le tissu endométrial est le plus expressif [3,4,8,11]. Les analyses cytologique, anatomopathologique et immunohystochimique peuvent confirmer le diagnostic [13,14] mais, aussi bien dans notre étude que dans la littérature, le tissu endométrial n’est retrouvé que dans 30 à 50 % des cas d’exploration chirurgicale [4]. Sans être spécifique ni fiable, le marqueur tumoral CA 125 est souvent élevé dans l’endométriose thoracique, il doit être dosé en pré et postopératoire pour le suivi [15].
Le traitement médical est la première étape du traitement de l’endométriose thoracique, il vise le blocage de l’action des estrogènes sur l’endomètre et sur les implants ectopiques, pour cela, il utilise plusieurs molécules : les progestatifs et la contraception orale qui bloquent l’ovulation, le danazol et les analogues de la GnRH qui bloquent la fabrication des gonadotrophines. Le taux de récidive sous ce traitement médical seul atteint 50 % à 6 mois d’où l’intérêt d’un traitement chirurgical [2,3]. Le traitement chirurgical consiste à réparer et renforcer le diaphragme et/ou réséquer les nodules ou les bulles, complété par une pleurodèse, ceci justifie la multiplicité des gestes chirurgicaux réalisés dans notre étude ainsi que dans la littérature [1-4,6,8,11,14,16]. La vidéothoracoscopie que nous avons pratiquée pour nos derniers cas est actuellement la technique chirurgicale de choix grâce à la vision directe des implants endométriosiques qu’elle offre, mais la chirurgie conventionnelle (thoracotomie ou minithoracotomie) garde encore sa place dans les phrénoplastie [1-4,6,8,11,14,16]. Concernant la résection des implants endométriosiques, si pour les bulles et les nodules les gestes allant de la wedge-résection à la lobectomie sont unanimement retenus, il n’y a pas de consensus pour les lésions diaphragmatiques. Plusieurs techniques ont été pratiquées vis-à-vis de ces lésions diaphragmatiques : au départ c’était les resection-suture comme dans le groupe 1, agrafage ou plicature, mais les récidives étaient fréquentes [2,3,8,17,18]. La tendance actuelle est l’utilisation de patch prothétique comme chez nos patientes du groupe 2, elle favorise la fibrose ou renforce le diaphragme et prend en compte les lésions occultes, les résultats en sont meilleurs [10,13,19,20]. Pour les implants superficiels et intrabronchiques, le traitement au laser, à l’argon, au CO2, à la source d’énergie bipolaire est décrit dans la littérature [12,21]. Le taux de récidive avec le traitement chirurgical seul avoisine 5 %, il est donc recommandé dans la littérature de lui associer une hormonothérapie concomitante de 6 à 12 mois [2-4,8,22], de même que le traitement d’une endométriose abdomino-pelvienne qui y est présente dans 33 à 48 % des cas [1-5,11].
5. CONCLUSION
L’endométriose thoracique est une pathologie de la femme en âge de procréer, elle est peu fréquente. Elle se présente principalement sous forme de pneumothorax et d’hémothorax. Le diagnostic de certitude est difficile, les antécédents gynécologiques et le caractère récidivant cataménial font poser l’indication d’une exploration chirurgicale qui retrouve souvent les plaques d’endométriose diaphragmatiques qui sont pathognomoniques de cette affection. Le protocole thérapeutique associant le recouvrement diaphragmatique prothétique, le talcage et l’hormonothérapie additive immédiate permet d’obtenir un faible taux de récidive, un meilleur confort et une mortalité nulle.
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Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.
© Les images sont des images d’archive du service de chirurgie thoracique de l’institut de cardiologie d’Abidjan.
Date de soumission : 22/07/2017. Acceptation : 05/04/2018.
juin 24, 2018