Chirurgie thoracique · Vol. 23 Septembre 2019

Traumatisme thoracique par blast : analyse de cinq cas à l’hôpital du Mali

Moussa Bazongo1*, Seydou Togo1, Issa Boubacar Maïga1, Abdoul Aziz Maïga1, Jacques Saye1, Amadou Sidibé2, Allaye Ombotimbe1, Cheick Ahmed Sekou Touré1, Ibrahim Coulibaly1, Jérôme Dakouo1, Nouhoun Diani2, Moussa Abdoulaye Ouattara1, Sadio Yéna1   Service de chirurgie thoracique, hôpital du Mali, Bamako. Service d’anesthésie réanimation, hôpital du Mali, Bamako. * Correspondance : baz_moussa@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-3-BAZ Citation : Bazongo M, Togo S, Maïga IB, Maïga AA, Saye J, Sidibé A,  Ombotimbe A, Sekou Touré CA, Coulibaly I, Dakouo J, Diani N, Ouattara MA, Yéna S. Traumatisme thoracique par blast : analyse de cinq cas à l’hôpital du Mali. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(3). doi: 10.24399/JCTCV23-3-BAZ RÉSUMÉ Objectif : décrire les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs des lésions thoraciques par effet blast. Patients et méthodes : étude prospective et descriptive réalisée dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali. Il s’agit de cas de traumatisme thoracique suite à un attentat suicide avec explosion. Les données diagnostiques et de prise en charge ont été analysées. Résultats : au total, quatre hommes et une femme d’un âge situé entre 22 et 46 ans ont été colligés. Le traumatisme thoracique était fermé dans tous les cas. Il y avait des lésions pariétales, pleuroparenchymateuses, médiastinales et trachéales. Sur le plan thérapeutique, après les soins d’urgence, une réanimation et un traitement conservateur ont suffi pour stabiliser les lésions. Les suites ont été simples. Conclusion : les traumatismes thoraciques par effet blast sont rares et graves. Ils engendrent des lésions multiples et variées. La tomodensitométrie thoracique permet de faire la cartographie des lésions provoquées et le drainage thoracique constitue l’essentiel du traitement chirurgical.   ABSTRACT Thoracic trauma by blast: analysis of 5 cases at the Hospital of Mali Objective: to describe the diagnostic, therapeutic and evolutive aspects of the thoracic lesions by blast effect. Patients and methods: prospective and descriptive study carried out in the thoracic surgery department of the Mali Hospital. These are cases of chest trauma following a suicide bombing. Diagnostic and management data were analyzed. Results: A total of four men and one woman, ranging in age from 22 to 46 years, were collected. Thoracic trauma was closed in all cases. There were parietal, pleuro-parenchymal, mediastinal and tracheal lesions. Therapeutically, after the emergency care, resuscitation and conservative treatment were sufficient to stabilize the lesions. The suites were simple. Conclusion: Blast-related chest trauma is rare and severe. They cause multiple and varied lesions. Thoracic CT is used to map lesions and thoracic drainage is the essential of surgical treatment.   1. Introduction Les traumatismes thoraciques par effet blast sont des lésions résultantes de l’impact de l’onde de choc sur le thorax suite à une explosion [1]. Au niveau du thorax, le poumon serait l’organe le plus sensible aux explosions [1]. Les lésions pulmonaires qui en résultent sont graves et surviennent le plus souvent dans un contexte de polytraumatisme [2]. Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique nécessitant une collaboration pluridisciplinaire. Actuellement, en raison de son accessibilité et de sa réalisation facile, l’échographie thoracique type fast (focused assessment sonography in trauma) permet en urgence, dans un bref délai, de faire un inventaire des lésions pleuropulmonaires et cardiopéricardiques ainsi que de poser l’indication d’un geste thérapeutique [3]. Depuis 2012, le Mali est plongé dans un conflit armé. L’utilisation par les belligérants d’engins explosifs est devenue de plus en plus fréquente [4]. Nous rapportons ici cinq cas démonstratifs de lésions thoraciques par effet blast afin de décrire les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs.   2. Patients et méthodes  Il s’agit d’une étude prospective et descriptive réalisée dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali. Elle a concerné les patients admis dans le service pour un traumatisme thoracique suite à un attentat suicide survenu dans un camp militaire à Gao le 18 janvier 2017. Gao est une localité située à 1200 kilomètre au nord-est de Bamako. L’attentat a été commis par l’utilisation d’une voiture piégée qui contenait une charge explosive faite d’engins artisanaux appelés improvised explosive devices. Après une prise en charge initiale sur place, les patients ont été évacués par voie aérienne à Bamako. À l’admission en urgence, une radiographie standard ainsi qu’une tomodensitométrie (TDM) thoracique étaient réalisées chez tous les patients. Leurs données diagnostiques, thérapeutiques et de surveillance ont été analysées. Le suivi des patients était basé sur l’examen clinique et la radiographie thoracique au 1er, 3e et 6e mois.   3. Résultats Au total cinq (5) patients ont été enregistrés. Le sexe-ratio était de 4. Les données sociodémographiques ainsi que la prise en charge initiale des patients avant leur évacuation à Bamako ont été résumées dans le tableau 1. Les données cliniques et radiologiques ont été répertoriées dans le tableau 2.   Tableau 1. Récapitulatif des données sociodémographiques et du traitement initial. Patients Âge/sexe (ans) Fonctions Délai d’admission Traitement initial 1 22/M   Ex-combattant   12 heures – Oxygénothérapie – Drainage thoracique droit – Antibiotique – antalgique – Vaccin et sérum antitétanique   2   23/M   Ex-combattant   48 heures – Oxygénothérapie – Parage des plaies – Vaccin et sérum antitétanique – Antibiotique – antalgique 3 35/M   Militaire 12 heures – Oxygénothérapie – Drainage thoracique gauche – Vaccin et sérum antitétanique – Antibiotique – antalgique   4   46/M   Militaire   12 heures – Parage – Vaccin et sérum antitétanique – Antibiotique – antalgique   5   38/F   Cuisinière   48 heures – Trachéotomie – Oxygénothérapie – Vaccin et sérum antitétanique – Antibiotique – antalgique M : masculin ; F : féminin.   Tableau 2. Répartition des patients en fonction des données cliniques et radiologiques Patients Signes cliniques Signes radiologiques 1 – Dyspnée – Douleurs thoraciques – Emphysème sous-cutané droit – Contusion pulmonaire bilatérale – Pneumothorax droit compressif – Emphysème sous-cutané 2 – Douleurs thoraciques – Délabrement de la paroi thoracique – Présence de débris telluriques pariétaux   3 – Dyspnée – Douleurs thoraciques – Emphysème sous-cutané – Hémothorax gauche – Contusion pulmonaire gauche – Fracture de la scapula – Emphysème sous-cutané   4 – Douleurs thoraciques – Délabrement pariétal thoracique – Plaie de l’avant-bras gauche – Présence de corps étranger dans partie molle de l’avant-bras gauche     5 – Dyspnée – Douleurs thoraciques – Emphysème sous-cutané cervicothoracique – Saturation en oxygène 78% – Plaie trachéale – Pneumomédiastin – Pneumothorax gauche minime – Emphysème sous-cutané cervicothoracique   Chez la seule patiente de l’échantillon, une rupture trachéale était suspectée devant un pneumomédiastin et un emphysème cervical dans un contexte de dyspnée avec désaturation à 78% à l’air ambiant. La rupture était objectivée par une TDM cervicothoracique et elle mesurait 1,5 cm. Ce défect n’était pas visualisé à l’endoscopie bronchique, car masqué par la canule de trachéotomie. Sur le plan thérapeutique, elle était la seule initialement admise en réanimation pour détresse respiratoire aiguë sévère. Tous les patients ont bénéficié d’une prise en charge psychosociale après leur hospitalisation par une équipe nationale composée de psychiatres et de sociologues mise en place pour traiter des blessés de guerre. Les autres données thérapeutiques ainsi que la surveillance des patients ont été rapportées dans le tableau 3.   Tableau 3. Répartition des patients en fonction des données thérapeutiques et évolutives. Patients Traitement complémentaire Évolution 1 – Redrainage thoracique – Kinésithérapie respiratoire – Bonne réexpansion pulmonaire – Durée d’hospitalisation : 6 jours 2 – Parage – Cicatrisation de la plaie – Durée d’hospitalisation : 4 jours 3 – Kinésithérapie respiratoire – Immobilisation épaule gauche – Bonne réexpansion pulmonaire – Consolidation de la scapula – Durée d’hospitalisation : 8 jours 4 Parage   – Cicatrisation – Durée d’hospitalisation : 5 jours   5 – Cicatrisation dirigée de la plaie trachéale – Oxygénothérapie – Corticothérapie – Kinésithérapie respiratoire – Cicatrisation de la plaie trachéale en 15 jours – Fermeture spontanée de la trachéotomie en 38 jours – Durée d’hospitalisation : 40 jours   La durée moyenne d’hospitalisation était de 12,6 jours avec des extrêmes de 4 et 40 jours (J). La médiane de la durée d’hospitalisation était de 6 jours avec un écart type de 15,39 jours. Au cours du suivi à J30, on notait une bonne évolution chez tous les patients. À J90, quatre patients ont été déclarés guéris sans séquelles avec une bonne réinsertion socioprofessionnelle. Dans un cas, on notait un trouble du comportement à type de syndrome dépressif. À 6 mois, tous les patients étaient déclarés guéris.   4. Discussion Les attentats terroristes ont été multipliés par quatre et le nombre de victimes par huit ces dix dernières années [1]. Le Mali est plongé depuis 2012 dans un conflit armé opposant les forces gouvernementales aux sécessionnistes d’une part et d’autre part aux djihadistes. L’utilisation des engins explosifs et les attentats suicides sont de plus en plus fréquents [4]. Le poumon reste l’un des organes le plus sensible à l’onde de choc provoquée par ces explosions [1]. Les lésions pulmonaires sont dues à l’impact de l’onde de choc sur le thorax. Le poumon serait le deuxième organe atteint par l’effet blast après le tympan et suivi du tube digestif. Sa prévalence a été estimée de 3 à 6% en fonction des études [1]. Dans les blessures thoraciques par effet blast, les lésions pulmonaires sont graves, multiples, variées et nécessitent une réanimation dans 2/3 des cas [1]. Ceci a été le cas chez un patient qui a bénéficié d’une prise en charge initiale en réanimation. En outre, dans l’étude d’Aschkenasy-Steuer et al., 47 de ces 51 patients ayant une atteinte pulmonaire ont nécessité une assistance ventilatoire [5]. Ces lésions pulmonaires s’intègrent le plus souvent dans le cadre d’un polytraumatisme. Ainsi, les lésions associées sont par ordre de fréquence abdominale, crânienne ou des membres [1,5]. Les lésions associées étaient la plaie trachéale et la fracture de l’omoplate. Dans la littérature, nous n’avons pas retrouvé de cas de description de lésions aortiques et cardiaques directement liées au traumatisme thoracique par blast [6]. Le dysfonctionnement cardiovasculaire observé dans les suites immédiates de l’onde de choc serait une conséquence de l’atteinte pulmonaire [2,6]. Les atteintes pleuropulmonaires ont habituellement un diagnostic clinique évident devant la dyspnée, les douleurs thoraciques, la toux associées parfois à des lésions pariétales [2]. La radiographie thoracique réalisée en première intention a permis une approche du diagnostic positif et de poser l’indication du geste d’urgence. Cependant la TDM thoracique a une sensibilité de 100% sans critère formel de diagnostic de blast pulmonaire [2]. Elle permet de faire un bilan lésionnel complet ainsi que le diagnostic les lésions intrathoraciques occultes. En outre, elle aide le chirurgien à poser une indication chirurgicale. Elle a été systématique en deuxième intention chez tous nos patients après la radiographie standard. Par ailleurs, l’imagerie thoracique reste encore d’accessibilité limitée voire impossible en situation d’urgence, surtout en cas d’afflux massif de blessés dans notre contexte. Cela explique que De Lesquen et al. sur les champs de guerre en Afghanistan n’ont pu réaliser une radiographie et une TDM thoracique que dans respectivement 30 et 63% des cas [7]. De plus en plus, l’échographie thoracique type fast occupe une place importante en urgence traumatologique. Elle permet dans un bref délai de confirmer un épanchement pleural et ou péricardique en cas d’instabilité hémodynamique et de poser l’indication d’un drainage thoracique en urgence [3]. Le fast échographie, bien qu’étant indisponible dans notre contexte, reste nécessaire aujourd’hui chez les patients polytraumatisés en urgence. Dans notre étude, comme chez Yazgan et Aksu [8], les lésions primaires retrouvées ont été entre autres la contusion pulmonaire, l’hémothorax, le pneumothorax et le pneumomédiastin. Cette imagerie doit s’étendre à l’abdomen en vue de rechercher une atteinte digestive associée [1,8]. La plaie trachéale observée chez la seule patiente serait liée à l’hyper-expression de l’onde de choc dans la trachée à glotte fermée. Bien que nous n’ayons pas suspecté d’atteinte tympanique chez nos patients, l’examen otoscopique devrait être systématique devant des lésions thoraciques par effet blast. Cette attitude se justifierait par le fait que les lésions tympaniques sont plus fréquentes que celles des poumons. Yazgan et Aksu [8] ont diagnostiqué 75% de lésions tympaniques contre 11% de lésions thoraciques chez leurs patients. Sur le plan thérapeutique, la prise en charge est urgente et pluridisciplinaire. Chez nos patients, la prise en charge initiale a été réalisée sur les lieux de l’attentat. L’oxygénothérapie et le drainage thoracique ont été les gestes essentiels qui ont permis une stabilisation de l’état des patients, puis leur évacuation pour une prise en charge en milieu spécialisé. Cette attitude était similaire à celle rapportée par d’autres auteurs [2,6]. L’évacuation d’un épanchement pleural compressif par une ponction ou un drainage constitue avec la ventilation pulmonaire l’essentiel du traitement de la détresse respiratoire [1,6]. Ainsi, le pronostic des blessés thoraciques par blast est fonction de la qualité de sa prise en charge initiale. Elle permet de prévenir ses complications et séquelles anatomofonctionnelles.   5. Conclusion Les traumatismes thoraciques au décours d’un blast sont graves, multiples et variés. Le diagnostic clinique est évident. La TDM thoracique permet de faire la cartographie des lésions provoquées. La prise en charge est urgente et pluridisciplinaire. L’évacuation des épanchements pleuraux constitue l’essentiel du traitement de la détresse respiratoire.   Références Clapson P, Pasquier P, Perez J-P, Debien B. Lésions pulmonaires liées aux explosions. Rev Pneumol Clin 2010;66(4):245-53.https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2010.07.008PMid:20933166 Wolf SJ, Bebarta VS, Bonnett CJ, Pons PT, Cantrill SV. Blast injuries. The Lancet 2009;374(9687):405-15.https://doi.org/10.1016/S0140-6736(09)60257-9 Adnet F, Galinski M, Lapostolle F. Échographie en traumatologie pour l'urgentiste : de l'enseignement à la pratique. Réanimation 2004;13(8):465-70.https://doi.org/10.1016/j.reaurg.2004.09.002 Human Rights Watch. Le conflit armé au Mali et ses conséquences 2012 à 2017. HRW.org, cité 20 déc 2017. Aschkenasy-Steuer G, Shamir M, Rivkind A et al. Clinical review: the Israeli experience: conventional terrorism and critical care. Crit Care 2005;9(5):490-99.https://doi.org/10.1186/cc3762PMid:16277738 PMCid:PMC1297605 Plurad DS. Blast injury. Mil Med 2011;176(3):276-82.https://doi.org/10.7205/MILMED-D-10-00147PMid:21456353 De Lesquen H, Béranger F, Berbis J et al. Traumatismes thoraciques de guerre en Afghanistan : analyse du registre du service de santé des armées français. E-Mém Académie Natl Chir 2015;14(4):070-6. Yazgan C, Aksu NM. Imaging features of blast injuries: experience from 2015 Ankara bombing in Turkey. Br J Radiol 2016;89(1062):20160063.https://doi.org/10.1259/bjr.20160063PMid:26959613 PMCid:PMC5258177   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 02/02/2019. Acceptation : 10/05/2019. Pré-publication : 07/06/2019.
septembre 20, 2019
Chirurgie thoracique · Vol. 22 Décembre 2018

Atout de la pluridisciplinarité pour une meilleure gestion du drainage thoracique

Clémence Martel-de Kerlivio1, Nicola Santelmo2*, Bénédicte Gourieux1, Sandra Wisniewski1, Gilbert Massard2* Service de pharmacie-stérilisation, hôpitaux universitaires de Strasbourg, France. Service de chirurgie thoracique, hôpitaux universitaires de Strasbourg, France. * Correspondance : nsantelmo@orange.fr ; gilbert.massard@chru-strasbourg.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-4-MAR Citation : Martel-de Kerlivio C, Santelmo N, Gourieux B, Wisniewski S, Massarg G. Atout de la pluridisciplinarité pour une meilleure gestion du drainage thoracique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-MAR   Résumé Objectifs : pour sécuriser le drainage thoracique, acte transversal, il est nécessaire que les professionnels standardisent leurs pratiques. L’objectif de l’étude est 1) de réaliser un état des lieux des connaissances et des pratiques, 2) de rappeler les clés d’un drainage bien conduit et de présenter les dispositifs médicaux disponibles, et 3) de définir un protocole institutionnel pour harmoniser la gestion et le choix d’un système de drainage. Méthodes : le programme de formation a été construit par un binôme pharmacien/chirurgien thoracique, et son impact a été mesuré en comparant les connaissances avant/après l’intervention. Nous avons audité les services impliqués sur leurs pratiques, et proposé des algorithmes décisionnels. Résultats : l’intervention et l’enquête de pratique ont été menées dans les services de réanimation, de pneumologie et de chirurgie thoracique. La participation de 129 infirmiers et médecins à l’atelier de formation a confirmé l’intérêt de la thématique ; leurs connaissances ont significativement progressé après l’intervention (p<0,05). Des protocoles décrivant la conduite à tenir en fonction du type d’épanchement, pour le transport, le retrait et la surveillance du drainage thoracique ont été réalisés, validés par les experts et la Commission du médicament et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS). Enfin, le système de drainage est désormais identique dans tous les services. Discussion : l’accueil enthousiaste que nous avons reçu témoigne de la complémentarité clinique et technique des intervenants et encourage le développement de futurs projets pluridisciplinaires.   Abstract Multidisciplinary approach to improve pleural drainage management Aim: Healthcare providers are committed to standardizing their practice for chest drainage management. The main objective of this study was to review the current knowledge of providers and to propose an ongoing formation program to remind them of the keys factors for good drainage, as well as to present the available medical devices. An additional aim was to produce an institutional protocol and standardize the drainage system used by the units. Methods: A pharmacist and thoracic surgeon worked together to establish the formation program. To evaluate the impact of the program, we compared the knowledge of participants before and after undergoing the formation program. We performed an audit on practices in the relevant units, then proposed a decision tree. Results: Training workshops and an audit on practices were proposed in the departments of resuscitation, pneumology and thoracic surgery. As the subjects met their expectations, we observed consequent involvement of healthcare providers at the workshop (129 nurses and medical practitioners). The workshop significantly improved participants’ knowledge (p < 0.05). The institutional protocol describing drainage management according to the nature of pleural effusion, transport management, removal of chest drainage and drainage monitoring was ratified by local experts. Finally, we proposed that a unified drainage system be made available in all units. Discussion: By working in a complementary manner, we sent clinical and technical messages and received enthusiastic support from the participants. This encourages the development of future multidisciplinary projects.   1. Introduction L’objectif du drainage thoracique est double, puisqu’il s’agit de maintenir le poumon à la paroi thoracique en rétablissant une pression négative dans l’espace pleural, et d’évacuer un épanchement de nature gazeux (pneumothorax), liquidien (pyothorax, hémothorax, chylothorax) ou mixte (hydropneumothorax). Rappelons que le système doit satisfaire aux conditions de perméabilité et d’irréversibilité pour permettre l’évacuation des sécrétions sans retour possible vers la plèvre. Le système doit également être étanche et mis en place dans des conditions stériles [1]. Si le drainage thoracique est une technique simple et éprouvée, la pratique n’en demeure pas moins délicate. La pose du drain et la surveillance du drainage sont des activités transversales réalisées dans de nombreuses unités, pour lesquelles les personnels médicaux et paramédicaux sont complémentaires et doivent être coordonnés. Le drainage thoracique est un acte non sans risque, aussi les professionnels de santé sont tenus de mettre à jour leurs connaissances et de standardiser leurs pratiques pour offrir au patient une prise en charge optimisée et leur garantir l’efficacité et la sécurité des soins. À ces fins, l’objectif principal de l’étude a été de proposer un programme de formation continue aux acteurs du drainage thoracique pour rappeler les clés d’un drainage bien conduit, et d’élaborer un protocole institutionnel pour standardiser la gestion du drainage thoracique dans l’établissement. Le drainage thoracique est un acte pour lequel les professionnels sont formés à différentes écoles, ce qui explique les multiples références de drains et de systèmes de drainage disponibles. Ainsi, il convient de distinguer les drains thoraciques sans mandrin, destinés à être insérés chirurgicalement dans la plèvre du patient, de ceux montés sur trocart ou sur fil-guide, qui font l’objet d’une insertion percutanée. Le drain thoracique est connecté à un système de drainage composé à minima d’une valve anti-retour (type Heimlich), qui est le plus souvent associée à un bocal de recueil des sécrétions. La réexpansion du poumon est possible si une dépression est appliquée au système de drainage : drainage passif ou par gravité si le système est placé en déclive, ou drainage actif si une source d’aspiration extérieure est utilisée (vide mural ou pompe autonome intégrée au système de drainage). Le pharmacien est impliqué dans le choix et le référencement des dispositifs médicaux, il doit répondre aux besoins des utilisateurs et mettre à disposition des dispositifs fiables et adaptés, et toute l’information nécessaire à leur bon usage. L’objectif secondaire de l’étude a été de présenter et de promouvoir le bon usage des dispositifs médicaux dédiés, et de mener une réflexion d’harmonisation des systèmes de drainage au sein de l’établissement, qui est intrinsèquement liée à la volonté de standardisation des pratiques.   2. Matériel et méthode 2.1. Périmètre de l’étude L’étude a été restreinte aux services amenés à prendre en charge la pose et/ou le suivi du drainage, identifiés par une consommation minimale annuelle de 100 systèmes de drainage (année 2014).   2.2. Construction d’un programme de développement professionnel continu (DPC) Sous l’égide de la Commission des médicaments et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS) de l’établissement, un binôme pharmacien/chirurgien thoracique a piloté le programme.   2.2.1. Enquête de pratiques L’analyse des pratiques a permis de réaliser une cartographie de la prise en charge du patient drainé dans les services concernés. L’audit a été réalisé par un binôme pharmacien/chirurgien thoracique auprès des chefs de service (ou leur représentant) et des cadres de santé. La grille de recueil a été testée et validée avant réalisation. Ses items déclinent les étapes clés du drainage thoracique, comme les indications principales retenues pour sa mise en œuvre, la répartition des responsabilités, la gestion de la surveillance et du transport des patients, et les dispositifs médicaux (DM) utilisés. Les services audités ont également pu exprimer leur avis (satisfaction ou insatisfaction) sur les DM actuellement référencés, et formuler de nouveaux besoins éventuels. À distance, une analyse des écarts entre la pratique constatée et la pratique souhaitée a été menée par les auditeurs et une restitution a été proposée au service audité lors de l’atelier-formation.   2.2.2. Apport cognitif Une séquence d’atelier-formation a été proposée dans les services ciblés à tous les personnels médicaux et infirmiers. Le support de la formation a été construit par le binôme pharmacien/chirurgien thoracique, après analyse des référentiels et résultats de l’enquête de pratique.   2.2.3. Suivi d’indicateur Le bénéfice de la formation a été évalué en comparant les connaissances des acteurs du drainage thoracique avant et après l’atelier (diffusion d’un questionnaire d’auto-évaluation).   2.2.4. Validation DPC Les personnes ayant participé à l’atelier de formation et répondu aux deux tours des questionnaires ont pu valider un DPC.    2.3. Standardisation des pratiques Sur la base des résultats de l’analyse de pratiques conduite dans les services et de l’avis d’experts locaux, et après revue de la littérature et notamment des recommandations internationales [2-7], nous avons proposé d’élaborer un protocole institutionnel de drainage thoracique, afin de standardiser les pratiques et d’améliorer la qualité des soins dispensés. Cette étape comprend également une harmonisation et une mise à jour des formulaires qui permettent la traçabilité des paramètres relevés lors de la surveillance du drainage en lien avec les logiciels d’aide à la prescription (LAP), et la sélection d’un système de drainage commun à l’ensemble de l’établissement pour faciliter le transfert des patients drainés et optimiser les achats.   2.4. Analyse statistique Les données qualitatives étaient exprimées en effectifs et pourcentages, et les données quantitatives en valeurs moyennes ± écart type et en médianes accompagnées des valeurs extrêmes. La comparaison de la note globale du questionnaire a été réalisée à l’aide du test de Wilcoxon pour série appariée. Le taux de bonnes réponses a également été comparé question par question entre les deux périodes en utilisant le test du Chi2. Une «p-value» <0,05 a été considérée comme significative. La comparaison de la note globale entre les deux périodes, selon la catégorie professionnelle et selon la spécialité, a été réalisée en utilisant un modèle de régression linéaire mixte. Ces analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel R (www.r-project.org).   3. Résultats 3.1. Enquête de pratique L’enquête a été menée auprès de 21 acteurs en santé dans 15 unités fonctionnelles des services cibles du programme : chirurgie thoracique, pneumologie, services de réanimation (médicale, chirurgicale, pédiatrique et néonatale). Nous avons inclus les services d’imagerie qui sont impliqués dans la pose de drain ; les services de chirurgie abdominale et cardiaque ont été exclus. Parmi les observations, nous avons noté que la familiarité du personnel avec la gestion du drainage était très disparate en fonction des services, et que seule la pédiatrie disposait d’un protocole dédié. Le déploiement du dossier patient informatisé (annexé au logiciel d’aide à la prescription) a permis d’intégrer un formulaire de recueil des paramètres de surveillance du drainage. Dans 11 UF sur 15, les paramètres de surveillance sont recueillis informatiquement. Cependant, plusieurs LAP coexistent dans l’établissement (DxCare®, ICCA®), et les services n’utilisent pas tous le même formulaire et n’objectivent pas les données de la même façon. La gestion du transport des patients drainés apparaît peu sécurisée et il apparaît aussi que les risques liés à la manipulation du drain sont méconnus : clampage à mauvais escient, connexions/déconnexions, risque septique, pas d’accompagnement des patients, sauf pour les services de réanimation.   3.2. Programme de formation L’atelier de formation s’est déroulé en 4 étapes : restitution de l’enquête, partie théorique (anatomie, indications, objectifs et caractéristiques du drainage), recommandations pour la pratique, et mise au point sur le bon usage des DM impliqués (démonstration à l’appui). Les 14 ateliers ont enregistré 129 participants [figure 1]. [caption id="attachment_4219" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Répartition des participants par service et par fonction (N=129).[/caption] Selon les services, les formations ont pu toucher jusqu’à 29% des manipulateurs en radiologie, 75% des IDE, 71% des internes et 86% des médecins seniors. Tous les participants ont été destinataires d’un questionnaire d’évaluation avant et après la formation, et 38,8% (N=50) d’entre eux ont répondu aux deux tours. Cette population de 50 participants a été sélectionnée pour mesurer l’impact du programme, en mettant en évidence la progression de leurs connaissances avant/après les ateliers de formation. Au premier tour, la note moyenne des réponses au questionnaire est de 3,62/10 et au second tour de 4,86/10, l’écart entre les deux notes est significatif (p<0,01). L’analyse séquentielle des réponses, question par question, indique que trois messages relatifs aux fonctions de la plèvre, aux indications du drainage et la gestion du système en siphonage ont été particulièrement bien assimilés par les participants [figure 2].   [caption id="attachment_4220" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Nombre de réponses justes au questionnaire, analyse par question.[/caption] Le groupe infirmiers et manipulateurs en radiologie et le groupe des médecins seniors réalisent une progression significative des résultats après l’intervention (p <0,05). Globalement, peu de services réalisent une progression significative des résultats après l’intervention, excepté le service de réanimation chirurgicale (p<0,05). Le service de radiologie réalise également une progression remarquable, d’autant que la note globale au premier tour était faible (<2/10). Le service de chirurgie thoracique obtient la note maximale au second tour (>6/10), mais la progression n’est pas significative au vu de l’effectif des répondants. La satisfaction des participants aux ateliers a été évaluée. Parmi les 50 répondants ciblés, aucun n’a jugé la qualité de la formation insatisfaisante. Trois personnes l’ont jugée peu satisfaisante (6%), 30 satisfaisante (60%) et 17 tout à fait satisfaisante (34%). Sur une échelle de 1 à 10, sa qualité a été estimée à 7,32 en moyenne. Les 50 personnes ayant participé aux formations et répondu aux deux tours des questionnaires ont pu valider un DPC.   3.3. Actions entreprises 3.3.1. Protocole institutionnel de drainage thoracique Le protocole de drainage thoracique a été construit sous forme de diagrammes d’aide à la décision pour la prise en charge du patient dans les situations cliniques courantes. Six algorithmes décrivent ainsi la conduite à tenir pour le drainage en fonction du type d’épanchement (pneumothorax spontané, pleurésie purulente, pleurésie maligne et hémothorax), pour décider de l’ablation du drain et pour la bonne gestion du transport des patients drainés. Une check-list de surveillance a également été formalisée. Les protocoles ont été validés par la communauté médicale et la COMEDIMS des hôpitaux universitaires de Strasbourg [Annexe 1].   3.3.2. Harmonisation des formulaires de surveillance Nous avons comparé les items proposés par les différents formulaires de surveillance existants et une réflexion de pertinence et de simplification a été menée. Le formulaire a été refondu afin de mettre les items en commun [Annexe 2]. À l’avenir, un volet permettra la traçabilité de la mise en place (date de pose, type de drain et calibre, type de système de drainage, vérifications effectuées, date de réfection du pansement, etc.) et un second volet permettra de relever les paramètres de surveillance proprement dit (quantité recueillie, aspect, valeur de la dépression, bullage, traite ou clampage du drain, changement de système de recueil, etc.).   3.3.3. Harmonisation des systèmes de drainage Lors de l’audit de pratiques, les services ont unanimement accepté de tendre à harmoniser les systèmes de drainage dans l’établissement. Nous avons proposé de déployer un système de drainage commun répondant aux contraintes exprimées par les utilisateurs. Ainsi, nous avons recherché un système pouvant se transformer en système de drainage autonome (adjonction d’une pompe autonome) pour le transport du patient, besoin exprimé par la majorité des services. Nous avons également voulu sélectionner un système stable, simple d’utilisation et doté d’une grande capacité de recueil. Par ailleurs, nous avons voulu proposer un système déjà utilisé et connu dans l’un des services pour bénéficier de leur expérience, pour améliorer l’adhésion des professionnels et accompagner le changement de pratique. Le système compact Simple 3® double chambre avec connecteur/déconnecteur pour pompe Mobile et PalmEvo® (référence 10125, ADHESIA) a été retenu après une phase de test dans le service de chirurgie thoracique. Il est désormais positionné comme système de drainage de première intention. D’autres systèmes de drainage sont conservés dans des indications de niche : l’un dispose d’un manomètre intégré permettant de réguler finement la dépression appliquée pour les services de pédiatrie, et l’autre permet l’application d’une dépression de l’ordre de 400cmH2O pour le drainage postopératoire de chirurgie cardiaque. Enfin, dans les suites de lobectomie mini-invasive, les chirurgiens thoraciques souhaitent conserver un dispositif de drainage autonome sophistiqué permettant le monitorage précis du débit des fuites aériennes et du volume des sécrétions recueillies, en vue de raccourcir la durée du drainage et de permettre en parallèle la remobilisation rapide des patients après la chirurgie.   4. Discussion 4.1. Rationnel de l’étude Le ressenti d’un manque de connaissances des acteurs en matière de drainage thoracique a conduit quelques chirurgiens thoraciques à proposer ce travail. Ce constat est partagé par d’autres communautés médicales et a été décrit dans la littérature [8-10]. Il apparaît un manque de consensus, y compris dans les principes de surveillance des indications habituelles. Deux études [8,9] ont proposé des questionnaires ciblés sur la prise en charge des patients drainés. Les résultats ont montré le déficit des connaissances des soignants, soulignant la nécessité de formation des acteurs. Parallèlement, la déclaration de plusieurs cas de matériovigilance sur des DM de drainage thoracique au niveau local a objectivé des risques potentiels lors de leur utilisation et a confirmé le besoin de réaliser une campagne de formation, afin de sécuriser la prise en charge du patient. En effet, le manque de formation peut conduire à des accidents au moment de la mise en place du drain. D’autres complications peuvent également survenir au décours d’une gestion inadéquate du système de drainage (pneumothorax suffocant, emphysème sous-cutané, pleurésie purulente, œdème a vacuo, etc.) Une gestion appropriée du drainage thoracique demande la maîtrise du bon usage des dispositifs médicaux impliqués. L’objectif pédagogique et la complémentarité technique et clinique des pilotes du projet (binôme pharmacien/chirurgien) ont légitimé notre offre de formation à destination des acteurs du drainage. Le choix de formations communes aux équipes médicales et infirmières s’inscrit dans cet esprit recherché d’échanges pluriprofessionnels concernant des actes médicaux et paramédicaux étroitement liés.   4.2. Analyse des écarts et mesures correctives L’analyse des écarts de l’enquête de pratique a identifié des faiblesses dans la qualité et la sécurité des soins liés au drainage thoracique et a été force de propositions. L’absence de protocole de drainage dans 13 UF sur 15 a motivé la rédaction de documents qualité sous forme d’algorithmes décisionnels. Les documents en vigueur [Annexe 1] sont mis à disposition à titre informatif, ils peuvent être une base de travail pour d’autres équipes qui souhaiteraient s’engager dans la standardisation des pratiques. Le travail récent mené par l’équipe du Dr Seguin s’inscrit également dans cette démarche, en formulant des réponses à des questions pratiques relatives à la gestion du drainage après lobectomie [11]. Cet article confirme la volonté des experts d’échanger sur leurs pratiques et de les standardiser. D’autres actions ont été menées, notamment pour sécuriser et simplifier les transferts de patients : harmonisation des formulaires de surveillance et choix effectif d’un système de drainage commun. Dans un traité sur la prévention de l’erreur médicale [12], des qualiticiens experts prennent l’exemple du manque d’harmonisation des systèmes de drainage thoracique au sein d’un hôpital pour illustrer le concept d’erreur médicale latente, et le qualifient d’évènement porteur de risque. L’harmonisation du système de drainage était donc une priorité dans la prévention du risque d’erreur. Le gain à l’harmonisation est également économique, car les surcoûts entraînés par le changement complet de système de drainage lors des transferts entre les services de l’établissement sont réduits par la standardisation du système de drainage dans l’ensemble de l’établissement (hors indications de niche). Les essais menés sur le système de drainage retenu ont mis en évidence une tendance de la tubulure à « plicaturer » : des améliorations ont pu être apportées par l’industriel sur le produit afin qu’il soit fiabilisé.   4.3. Impact du programme de formation sur les connaissances Les 14 séances d’ateliers organisées ont permis de regrouper 129 professionnels de santé. Cette importante participation des médecins et des infirmiers témoigne d’une attente des acteurs du drainage thoracique. L’état des lieux des connaissances des soignants avant leur participation à l’atelier a objectivé les lacunes ressenties par les experts. L’analyse des résultats de l’évaluation avant/après montre une progression significative des connaissances des participants, même si les notes restent plus basses qu’attendues. L’analyse des notes question par question nous permet d’identifier des points critiques de connaissances non acquis. Ainsi, nous pourrons améliorer le support de notre présentation, notamment en clarifiant les messages relatifs à la conduite à tenir lorsqu’un drain présente des fuites aériennes et au transport d’un patient drainé. L’analyse en sous-groupes de l’impact de la formation, par service d’appartenance ou par catégorie professionnelle, rend non significative la progression des connaissances. Ce phénomène peut s’expliquer par les faibles effectifs de certaines catégories professionnelles. Nous noterons aussi qu’il est difficile d’atteindre un niveau de connaissances et de compétences homogène dans la gestion du drainage. En effet, le drainage thoracique est un acte technique, influencé par la dextérité, le ressenti et le vécu des soignants. Ces résultats néanmoins très encourageants nous poussent à améliorer et à pérenniser ce programme de formation.   4.4. Limites de l’étude Les services cibles de l’intervention ont été identifiés par leur consommation en systèmes de drainage. Une prochaine campagne de sensibilisation pourra proposer ce programme aux services d’urgences et de chirurgie adulte et pédiatrique, au SAMU et aux autres services d’imagerie. Une autre approche de sélection aurait été de pouvoir identifier les patients drainés, et de remonter au service les ayant pris en charge. Cependant, quoique la classification commune des actes médicaux (CCAM) décrive plusieurs actes relatifs au drainage thoracique (chapitre 6.3.6 : Évacuation de collection pleurale), ceux-ci ne font pas partie des actes classant dans un groupe homogène de malades (GHM), et leur codage est facultatif car sans impact financier. Comme ces actes ne sont pas valorisés, la réalisation d’une requête informatique identifiant les patients drainés n’a pas été possible. Le créneau horaire choisi pour la formation des équipes infirmières intervenait juste après le passage des consignes entre les équipes du matin et celles de l’après-midi, vers 14 heures. Seuls les infirmiers quittant leur poste du matin ont pu participer aux ateliers, l’équipe de l’après-midi devant assurer la continuité du service. Autant que cela a été possible, nous avons organisé au moins deux séances afin de toucher le plus large échantillon des pools infirmiers.   4.5. Perspectives L’accueil de l’atelier de formation par les participants a été enthousiaste. Nous avons bénéficié du label DPC pour proposer notre offre de formation, ce qui a pu motiver les participants. Si l’atelier a globalement été jugé utile par les participants, il ne figurait toutefois pas dans les priorités de formation que les cadres de santé proposent à leurs équipes. Nous avons été sollicités par plusieurs professionnels de santé pour étudier la faisabilité de pérennisation du programme. Pour le rendre accessible au plus grand nombre, un module de formation est hébergé sur la plateforme de e-learning de l’Observatoire des médicaments, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (OMEDIT) de la région Centre-Val de Loire. L’objectif est d’intégrer ce dernier dans les programmes de formation d’accueil des nouveaux agents, notamment des infirmiers et des internes.   5. Conclusion Le drainage thoracique est un acte technique, et son déroulement doit faire l’objet d’une surveillance attentive. Un programme de formation pédagogique a permis de réunir tous les acteurs du drainage et ainsi d’encadrer leurs pratiques, de rassurer les professionnels de santé qui n’en sont pas toujours familiers et de sécuriser la prise en charge du patient. Les liens qui se sont établis au cours des différentes étapes du programme, entre les différentes disciplines du corps médical, sont également à considérer comme des ouvertures vers de futurs projets à bâtir ensemble. La validation institutionnelle permet de formaliser le protocole de drainage thoracique et d’amorcer la standardisation des pratiques. L’un des intérêts de cette étude est aussi de montrer qu’une amélioration significative de la prise en charge du patient drainé demeure compatible avec le souci de la maîtrise des coûts impliqués. En effet, l’harmonisation des pratiques et le choix de dispositifs validé par les professionnels de santé ont permis d’optimiser les achats et l’offre de dispositifs médicaux de qualité.   Références Galvaing G, Riquet M, Dahan M. Principes du drainage thoracique. EMC-Tech Chir-Thorax 2013;8(4):1-11[42-200]. Havelock T, Teoh R, Laws D, Gleeson F. Pleural procedures and thoracic ultrasound: British Thoracic Society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65:61-76. https://doi.org/10.1136/thx.2010.137026 PMid:20696688 MacDuff A, Arnold A, Harvey J. Management of spontaneous pneumothorax: British Thoracic Society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65:18-31. https://doi.org/10.1136/thx.2010.136986 PMid:20696690 Roberts ME, Neville E, Berrisford RG, Antunes G, Ali NJ. Management of a malignant pleural effusion: British Thoracic Society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65:32-40. https://doi.org/10.1136/thx.2010.136994 PMid:20696691 Davies HE, Davies RJO, Davies CWH. Management of pleural infection in adults: British Thoracic Society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65:41-53. https://doi.org/10.1136/thx.2010.137000 PMid:20696693 Maskell NA, Davies CWH, Nunn AJ, Hedley EL, Gleeson FV, Miller R, et al. U.K. Controlled Trial of Intrapleural Streptokinase for Pleural Infection. N Engl J Med 2005;352:865-874. https://doi.org/10.1056/NEJMoa042473 PMid:15745977 Tschopp JM, Bintcliffe O, Astoul P, et al. ERS task force statement: diagnosis and treatment of primary spontaneous pneumothorax. Eur Respir J 2015;46:321-35. https://doi.org/10.1183/09031936.00219214 PMid:26113675 Lehwaldt D, Timmins F. The need for nurses to have in service education to provide the best care for clients with chest drains. J Nurs Manag 2007;15:142-148. https://doi.org/10.1111/j.1365-2834.2007.00643.x PMid:17352696 Magner C, Houghton C, Craig M, Cowman S, Nurses' knowledge of chest drain management in an Irish Children's Hospital. J Clin Nurs 2013;22:2912-2922. https://doi.org/10.1111/jocn.12299 PMid:23829520 Durai R, Hoque H, Davies TW. Managing a Chest Tube and Drainage System. AORN J 2010;91:275-283. https://doi.org/10.1016/j.aorn.2009.09.026 PMid:20152201 Bouassida I, Seguin-Givelet A, Brian E, Grigoroiu M, Gossot D. Évolutions actuelles du drainage thoracique après lobectomie : vers une approche standardisée. J Chir Thorac Cardiovasc 2017;21(2). Rodziewicz TL, Hipskind JE. Medical Error Prevention. StatPearls 2018;Mar30.   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Ces résultats ont été présentés lors des Journées d’automne de la SFCTCV de décembre 2015, Paris.  Date de soumission : 12/07/2018. Acceptation : 15/10/2018.  
décembre 3, 2018