Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Mars 2018
Papa Amath Diagne1,3*, Nicolas d’Ostrevy1, Céline Lambert2, Étienne Geoffroy1, Vedat Eljezi1, Anne Médard1, Mehdi Farhat1, Andréa Innorta1, Bruno Miguel1, Benoît Legault1, Kasra Azarnoush1, Lionel Camilleri1
Service chirurgie cardiovasculaire CHU Gabriel Montpied, Clermont-Ferrand, France.
Unité biostatistique (DRCI), CHU Clermont-Ferrand, France.
Service chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire, CHU Fann, Dakar, Sénégal.
* Correspondance : diagnepapaamath@gmail.com
DOI : 10.24399/JCTCV22-1-DIA
Citation : Diagne PA, D'Ostrevy N, Lambert C, Geoffroy E, Eljezi V, Médard A, Farhat M, Innorta A, Miguel B, Legault B, Azarnoush K, Camilleri L. Extracorporeal life support (ECLS) post-cardiotomie, le site de canulation a-t-il une importance sur les résultats ?. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(1). doi: 10.24399/JCTCV22-1-DIA
Résumé
Objectifs : l’ECLS est l’ultime thérapeutique du choc cardiogénique réfractaire postcardiotomie. L’objectif principal de cette étude est de comparer les résultats en fonction du site de canulation, centrale ou périphérique, mais aussi de déterminer les facteurs pronostiques de cette thérapeutique.
Méthodes : de 2005 à 2015, 55 patients ont bénéficié d’une ECLS en postcardiotomie. Les caractéristiques préopératoires, opératoires et l’évolution clinique et biologique postopératoires ont été évaluées.
Résultats : l’ECLS était centrale chez 34 patients et périphérique chez 21. L’âge moyen (61 ans) et l’EuroSCORE 2 moyen (8 %) étaient proches dans les deux groupes. Le groupe périphérique comportait plus de redux et de gestes sur l’aorte et la valve tricuspide. L’implantation peropératoire prédominait dans le groupe central et l’implantation postopératoire dans le périphérique (p = 0,01). Le séjour hospitalier était plus long dans le groupe central (p = 0,05), et ce groupe avait une proportion plus importante de patients sevrés de l’assistance (67,7 %) et sortis vivants (38,2 %). Les facteurs significatifs de mauvais pronostics étaient l’âge, le degré d’urgence et une élévation postopératoire des troponines et des lactates.
Conclusion : l’option d’une canulation centrale lors d’une ECLS postcardiotomie ne doit pas être écartée de principe, car elle semble améliorer la survie.
Abstract
Post-cardiotomy ECLS, does the cannulation site have any significance on the results?
Objectives: Extracorporeal life support (ECLS) is part of the therapeutic arsenal for post-cardiotomy refractory cardiogenic shock. We report the experience of our center between 2005 and 2015 with the main objective of comparing central and peripheral ECLS.
Results: ECLS was present in 34 patients (61.8%) and peripheral in 21 (38.2%). The age and Euroscore II were similar between groups. There were more redux and gestures on the aorta and the tricuspid valve in the peripheral group. Intraoperative implantation was predominant in the central group and postoperative implantation in the peripheral group (p = 0.01). The hospital stay was longer in the central group (p = 0.05), and this group had a higher proportion of patients weaned from the ECLS (67.7%) and discharged alive (38.2%). Significant factors for poor prognosis included patient age, emergency and elevated postoperative levels of troponins and lactates.
Conclusion: The option of central cannulation should not be systematically ruled out, as it could increase survival. The factors that determine the outcomes are postoperative troponin and lactate levels.
1. Introduction
L’incidence de survenue d’un choc cardiogénique réfractaire après une chirurgie cardiaque varie entre 0,5 et 1,5 % [1]. Cette complication multiplie la mortalité précoce par 2,8 [2]. Pour ces patients, l'implantation d'une assistance circulatoire de type ECLS (Extra Corporeal Life Support, parfois appelé ECMO VA) est une solution thérapeutique permettant de soutenir les fonctions vitales de l’organisme dans l’attente d’une récupération cardiaque ou d’une autre thérapeutique si la défaillance cardiaque persiste. Elle est le plus souvent utilisée après l’échec d’un traitement médical optimal, associée à la pose d’une contre-pulsion intra-aortique [3,4]. Au cours des 20 dernières années, malgré des avancées remarquables dans la qualité des dispositifs et dans la prise en charge de ces patients, la mortalité hospitalière reste élevée (60 à 80 %) [3,5,6].
Pour certaines équipes, la décision d’implantation d’une assistance est basée sur les critères suivants : pression artérielle systolique < 80 mmHg, lactates > 3 mmol/L, pH < 7,3, diurèse < 0,5 ml/kg associés à des défaillances d’organes [1]. Dans la pratique, ces chiffres ne sont là que pour guider la décision qui est fortement influencée par l’expérience de l’équipe en charge du patient, l’estimation de la probabilité de succès, une morbidité propre (saignements, événements ischémiques ou thromboemboliques et défaillances d'organes) mais aussi les ressources humaines et financières qu’elle mobilise (temps de ventilation mécanique prolongé, transfusion multiple de produits sanguins, durée du séjour en unité de soins intensifs et à l'hôpital prolongée) [1,2,7].
Concernant la technique et les résultats, de nombreux éléments restent controversés :
Les facteurs prédictifs de mauvais résultats, hormis l’âge, sont variables d’une étude à l’autre [8].
La canulation périphérique est privilégiée par de nombreuses équipes [9]. Elle est basée sur les avantages d’un thorax fermé, réduisant les complications hémorragiques et permettant l'implantation de l’assistance en dehors du bloc opératoire [10,11], mais les résultats de la canulation périphérique en postcardiotomie ont rarement été comparés à ceux d’une canulation centrale.
Nous avons donc souhaité analyser les résultats de notre activité d’ECLS postcardiotomie en considérant particulièrement les résultats (morbimortalité) en fonction du site d’implantation centrale (ECLSc) ou périphérique (ECLSp).
2. Patients et méthodes
Nous avons réalisé une étude rétrospective monocentrique sur une période de 11 ans (janvier 2005 à décembre 2015). Nous avons inclus 55 patients consécutifs (42 hommes et 13 femmes) ayant bénéficié de l’implantation d’une assistance type ECLS en postcardiotomie pour un choc cardiogénique. L’implantation a été réalisée au bloc opératoire immédiatement après le geste chirurgical chez les patients qui n’ont pas pu être sevrés, ou en postopératoire, l’implantation pouvant alors avoir lieu soit en réanimation soit après transfert au bloc opératoire. La décision d’implantation était prise après échec d’un traitement médical bien mené, incluant éventuellement la pose d’un ballon de contre-pulsion intra-aortique. Nous avons exclu les patients qui étaient sous assistance circulatoire et/ou respiratoire en préopératoire.
Nous avons utilisé une pompe centrifuge (Rotaflow) avec des circuits Maquet® (Rastatt, Allemagne) adultes préhéparinés type Bioline® (BE-PLS 2050). Les circuits étaient connectés à des canules veineuses Maquet ® de 19 à 29 Fr, à des canules artérielles Maquet ® de 15 à 23 Fr et à des canules de reperfusion du membre inférieur Hemotech* (8Fr) si la canulation était périphérique.
L’implantation périphérique des canules pouvait être réalisée :
en percutané : l’artère fémorale était ponctionnée en antégrade (reperfusion) et en rétrograde (canule artérielle) et la veine fémorale était ponctionnée par voie antégrade (canule veineuse). Pour chaque ponction, on positionnait dans le vaisseau concerné des guides 0,35 sur lesquels étaient montés progressivement des dilatateurs de taille croissante, puis la canule ad hoc. Cette technique a été privilégiée lors des implantations urgentes en postopératoire.
par abord chirurgical : les vaisseaux fémoraux étaient abordés par une incision au scarpa, permettant une ponction contrôlée du vaisseau et la mise en place des trois canules. Les canules étaient extériorisées par une contre-incision à distance de l’abord chirurgical.
L’artère axillaire était abordée par un abord sous-clavier horizontal médioclaviculaire. La canulation était directe si la taille de l’artère le permettait, sinon la canule était insérée dans une prothèse de Dacron® de 7 mm de diamètre anastomosée en terminolatérale sur l’artère axillaire. La canule fémorale était implantée de façon percutanée en veine fémorale.
Dans le cas d’une implantation centrale, les canules étaient sécurisées par des bourses vasculaires et des tirettes. Les canules étaient extériorisées par une contre-incision, supra ou infrasternale, puis fixées à la peau. Le drainage péricardique et rétrosternal était réalisé avec des redons, systématiquement laissés en place au moins jusqu’à la reprise chirurgicale pour ablation des canules.
Une décharge gauche était mise en place par la veine pulmonaire supérieure gauche chaque fois que l’on avait un œdème pulmonaire radiologique ou que l’échographie montrait l’absence d’ouverture de la valve aortique, des signes de stase intraventriculaire gauche. L’indication de la mise en place de cette décharge gauche était bien évidemment plus large dans l’ECLS centrale.
La surveillance de l’ECLS se faisait au minimum deux fois par jour par les perfusionnistes et consistait en une surveillance visuelle de l’oxygénateur, des lignes et de la tête de pompe. Les paramètres de l’assistance étaient notés quotidiennement (débit, nombre de tours/min, FiO2, balayage, échangeur thermique, état des pansements, paramètres vitaux du patient, absence de plicature et de fuite des lignes). L’objectif de l’héparinémie était fixé entre 0,2 et 0,3, celui de l’ACT entre 200 et 250 secondes. Le changement de circuit se faisait dans les cas suivants : thrombopénie inexpliquée, thrombus important dans l’oxygénateur ou la tête de pompe, thrombopénie induite à l’héparine, durée d’assistance supérieure à 30 jours, gazométrie en sortie d’oxygénateur avec FiO2 à 100 % inférieure à 300 mmHg de PO2. Une échographie cardiaque trans-thoracique et ou transœsophagienne était effectuée une à deux fois par jour pour quantifier la récupération de la fonction cardiaque.
Dans notre centre, le sevrage des patients se faisait sous contrôle de l’échocardiographie qui évaluait la réserve de contraction (amélioration des fractions d’éjection des ventricules droit ou gauche) et le débit cardiaque (évalué par l’amélioration de l’ITV sous-aortique), lorsque l’on diminuait le débit d’assistance de façon importante. Nous n’utilisions pas de critère échocardiographique strict de sevrage. Ils étaient adaptés en fonction des valeurs de l’échocardiographie préopératoire et de l’intervention réalisée. On évaluait en même temps la tolérance pulmonaire (SaO2). On répétait ce test plusieurs fois jusqu’à atteindre un débit de sevrage (1,5 à 2 L/min). Dans ces conditions, l’assistance était retirée, quand l’hémodynamique (sous très faibles doses de catécholamines) et les paramètres biologiques (lactates, fonctions rénales et hépatique) étaient stables.
Les données prospectivement collectées ont été extraites du dossier médical informatisé des patients et les feuilles de surveillance des CEC et des assistances. Nous avons étudié les données biométriques, les antécédents, les données préopératoires cliniques et paracliniques, les données opératoires (de la chirurgie cardiaque initiale et de l’implantation de l’ECLS) et les suites opératoires.
L’analyse a été réalisée en intention de traiter, bien que nous ayons constaté certains cross-over. Nous avons comparé les caractéristiques préopératoires, opératoires et l’évolution des deux groupes ECLSc et ECLSp. Enfin pour la population globale, nous avons recherché les facteurs prédictifs d’une évolution défavorable en incluant dans cette recherche le site de canulation.
2.1. Analyse statistique
Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel Stata (version 13, StataCorp, College Station, Texas, États-Unis), en considérant un risque d’erreur de première espèce bilatéral de 5 %. La population est décrite par des effectifs et pourcentages associés pour les variables catégorielles et par la moyenne (± écart type) ou la médiane [intervalle interquartile] pour les variables quantitatives, au regard de leur distribution statistique (normalité étudiée par le test de Shapiro-Wilk). Les comparaisons entre groupes indépendants (ECLS centrale vs périphérique et vivant vs décédé) concernant des paramètres de nature quantitative ont été réalisées par le test de Student ou par le test de Mann-Whitney, si conditions du t-test non respectées (normalité, homoscédasticité étudiée par le test de Fisher-Snedecor). Les comparaisons entre groupes concernant des paramètres qualitatifs ont été effectuées par le test du Chi2 ou par le test exact de Fisher.
3. Résultats
Durant la période d’étude, 34 patients avaient bénéficié d’une ECLS centrale (61,8 %) et 21 d’une ECLS périphérique (38,2 %). La répartition du nombre de patients par année et en fonction du site d’implantation de l’ECLS est représentée dans la figure 1.
[caption id="attachment_4011" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Nombre d’ECLS post-cardiotomie par année en fonction de l’implantation.[/caption]
Les données préopératoires sont colligées dans le tableau 1. Dans notre série, l’âge des patients variait entre 25 et 80 ans, la moyenne était identique dans les deux groupes (61 ans). Il y avait une nette prédominance masculine sans différence significative intergroupe. L’EuroSCORE 2 médian était proche dans les deux groupes (ECLSc : 7 [3 ; 13], ECLSp : 8 [5 ; 12] ; p = 0,53). La proportion des patients pour qui la chirurgie était une deuxième intervention cardiaque était significativement plus importante dans le groupe périphérique que dans le groupe central (ECLSc : 4 [11,8 %], ECLSp : 8 [38,1 %] ; p = 0,04). Ni les facteurs de gravité préopératoire, ni le bilan paraclinique (biologie et échographie cardiaque) n’étaient différents dans les deux groupes.
Tableau 1. Caractéristiques préopératoires des patients.
Total
N = 55
ECLS
centrale
N = 34 (61,8 %)
ECLS
périphérique
N = 21 (38,2 %)
p-value
Âge (ans)
61 ± 12
61 ± 13
61 ± 10
0,91
Genre masculin
42 (76,3 %)
28 (82,3 %)
14 (66,7 %)
0,21
Facteurs de risque
Diabète
9 (16,4 %)
6 (17,7 %)
3 (14,3 %)
1,00
Dyslipidémie
17 (30,1 %)
12 (37,5 %)
5 (23,8 %)
0,30
HTA
22 (42,3 %)
15 (48,4 %)
7 (33,3 %)
0,28
BPCO
4 (7,4 %)
4 (11,8 %)
0 (0,0 %)
0,28
IMC (kg/m2)
26,8 ± 4,6
27 ± 5,1
26,6 ± 3,6
0,74
Antécédents
Antécédent chirurgie cardiaque
12 (21,8 %)
4 (11,8 %)
8 (38,1 %)
0,04
Angioplastie coronaire
10 (18,2 %)
5 (14,7 %)
5 (23,8 %)
0,48
Atteinte vasculaire périphérique
10 (18,2 %)
6 (17,6 %)
4 (19,0 %)
1,00
Trouble du rythme
15 (27,3 %)
8 (23,5 %)
7 (33,3 %)
0,43
Facteurs de gravité préopératoire
Insuffisance rénale aiguë oligo-anurique
8 (14,6 %)
7 (20,6 %)
1 (4,8 %)
0,14
Dyspnée > 2 (NYHA)
39 (70,9 %)
25 (75,8 %)
14 (70,0 %)
0,64
Patients sous AVK
28 (50,9 %)
15 (44,1 %)
13 (61,9 %)
0,20
Antiagrégants 8 jours avant
19 (34,5 %)
14 (41,2 %)
5 (23,8 %)
0,19
IDM dans les 90 jours
10 (18,2 %)
9 (26,5 %)
1 (4,8 %)
0,07
Patients sous inotrope
9 (16,4 %)
6 (17,7 %)
3 (14,3 %)
1,00
BCPIA préop.
5 (9,1 %)
5 (14,7 %)
0 (0,0 %)
0,14
Intubation orotrachéale
4 (7,3 %)
4 (11,8 %)
0 (0,0 %)
0,29
Endocardite
6 (10,9 %)
3 (8,8 %)
3 (14,3 %)
0,66
Urgence
30 (54,6 %)
21 (61,8 %)
9 (42,9 %)
0,26
EuroSCORE 2 (%)
8 [4 ; 12,8]
7 [3 ; 13]
8 [5 ; 12]
0,53
Bilan paraclinique
Hémoglobine (g/dl)
13,0 ± 2,1
13,4 ± 2,1
12,6 ± 2,0
0,18
Plaquettes (103/mm3)
212 [176 ; 287]
215 [191 ; 294]
205 [163 ; 247]
0,98
Créatininémie (µmol/L)
110 [90 ; 123]
110 [90 ; 123]
110 [92 ; 121]
0,89
FEVG (%)
43,0 ± 16,0
40,3 ± 14,3
47,2 ± 18,0
0,12
PAPS (mmHg)
51,1 ± 17,7
50,1 ± 15,6
53,2 ± 21,8
0,63
Lésions
Coronaire
12 (21,8 %)
9 (26,5 %)
3 (14,3 %)
0,34
Valve mitrale
8 (14,5 %)
5 (14,7 %)
3 (14,3 %)
0,70
Valve aortique
11 (20,0 %)
6 (17,7 %)
5 (23,8 %)
0,73
Aorte ascendante
8 (14,5 %)
2 (5,9 %)
6 (28,6 %)
0,04
Valve tricuspide
2 (9,5 %)
0 (0,0 %)
2 (9,5 %)
0,14
Autres
3 (5,4 %)
1 (2,9 %)
2 (9,5 %)
0,55
Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [intervalle interquartile].
HTA : hypertension artérielle ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; IMC : indice de masse corporelle ; NYHA : New York Heart Association ; AVK : anti-vitamine K ; IDM : infarctus du myocarde ; BCPIA : ballon de contre-pulsion intra-aortique ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; PAPS : pression artérielle pulmonaire systolique.
Les données opératoires [tableau 2] montrent que la proportion de patients bénéficiant d’un geste sur la racine de l’aorte ascendante et sur la valve tricuspide était de façon statistiquement significative plus importante dans le groupe périphérique. L’implantation peropératoire de l’assistance prédominait dans le groupe ECLSc (ECLSc : 23 pts [67,6 %], ECLSp : 6 pts [28,6 %] ; p = 0,01), alors qu’une implantation périphérique était plus souvent réalisée en postopératoire (7 le jour même de la chirurgie), résultant en un délai avant l’implantation plus important dans le groupe ECLSp [tableau 3]. L’implantation de l’ECLS centrale se faisait préférentiellement entre l’oreillette droite et l’aorte ascendante (28,8 %) et celle de l’ECLS périphérique entre la veine et l’artère fémorale (16,8 %). Il était associé une décharge gauche chez 18 patients (17 dans le groupe ECLSc et 1 dans le groupe ECLSp). Les durées médianes de l’assistance étaient proches dans les 2 groupes (ECLSc : 6,5 jours, ECLSp : 5 jours ; p = NS) [tableau 3].
Tableau 2. Caractéristiques opératoires des patients.
Total
(N = 55)
ECLS centrale
(N = 34)
ECLS périphérique
(N = 21)
p-value
Temps de CEC (min)
200 ± 81
190 ± 58
215 ± 105
0,69
Temps de clampage (min)
134 ± 60
120 ± 47
152 ± 72
0,21
Canulation monocave
17 (31,5 %)
10 (29,4 %)
7 (35 %)
0,67
Canulation bicave
37 (68,5 %)
24 (70,6 %)
13 (65 %)
0,67
Gestes
Pontage isolé
3 (5,4 %)
3 (8,8 %)
0 (0,0 %)
0,28
Valve isolée
20 (36,4 %)
12 (35,3 %)
8 (38,1 %)
0,83
Valve tricuspide
12 (21,8 %)
4 (11,8 %)
8 (38,1 %)
0,04
Valves + pontages
6 (10,9 %)
4 (11,8 %)
2 (9,5 %)
1,00
Aorte ascendante*
8 (14,5 %)
2 (5,9 %)
6 (28,6 %)
0,04
Transplantation
11 (20,0 %)
9 (26,5 %)
2 (9,5 %)
0,17
Valve
biologique
mécanique
21 (38,2 %)
9 (16,4 %)
13 (38,2 %)
3 (8,8 %)
8 (38,1 %)
6 (28,6 %)
0,99
0,07
Autres gestes
10 (18,2 %)
4 (11,8 %)
6 (28,6 %)
0,16
Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [intervalle interquartile]. *Geste pouvant être associé à une valve aortique.
CEC : circulation extracorporelle.
Tableau 3. Caractéristiques de l’assistance.
Total
(N = 55)
ECLS centrale
(N = 34)
ECLS périphérique
(N = 21)
p-value
Délai d’implantation (heures)
56 [2-220]
7,5 [ -75]
343 [126-1661]
0,01
Implantation OD-aorte
*
28 (82,4 %)
*
Implantation V fémorale-aorte
*
6 (17,7 %)
*
Implantation V fémorale-art. fémorale
*
*
16 (76,2 %)
Implantation V fémorale-art. axillaire
*
*
5 (23,8 %)
Décharge gauche
18 (38,3 %)
17 (54,8 %)
1(6,2 %)
0,001
Durée assistance (jours)
6 [3-9]
6,5 [3,3-9]
5 [2-8]
0,34
Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [25e percentile-75e percentile].
OD : oreillette droite ; V : veine ; art. : artère.
Les complications après la pose de l’assistance sont colligées tableau 4. La durée médiane de séjour postopératoire en réanimation était plus longue dans le groupe ECLSc comparé au groupe périphérique mais cette différence n’atteignait pas le seuil de significativité (ECLSc : 17 jours [10 ; 31], ECLSp 11 jours [4 ; 24] ; p = 0,06). Par contre la durée médiane de séjour hospitalier totale était significativement plus longue dans le groupe ECLSc que dans le groupe ECLSp (ECLSc : 27,5 jours [14 ; 55], ECLSp : 12 jours [4 ; 33] ; p = 0,05). Dans le groupe ECLSc, une proportion plus importante de patients étaient sevrés de l’assistance (ECLSc : 23 patients (67,7 %) ; ECLSp : 9 patients (42,9 %) ; p = 0,07) et quittaient l’hôpital vivants (ECLSc : 13 pts (38,2 %) ; ECLSp : 5 pts (23,8 %) ; p = 0,27).
Tableau 4. Évolution sous assistance.
Total
(N = 55)
ECLS
centrale
(N = 34)
ECLS
périphérique
(N = 21)
p-value
Transfusion per, postopératoire
44 (80,0 %)
27 (79,4 %)
17 (81,0 %)
1,00
Inotropes/ bas débit cardiaque
36 (65,5 %)
22 (64,7 %)
14 (66,7 %)
0,88
BCPIA postopératoire
11/50 (22 %)
9/31 (29,0 %)
2/19 (10,5 %)
0,17
Tamponnade
6 (10,9 %)
2 (5,9 %)
4 (19,0 %)
0,19
Arrêt cardiaque
10/50 (20 %)
5/32 (15,6 %)
5/18 (27,8 %)
0,46
Réintubation
6/45 (13,3 %)
4/29 (13,8 %)
2/16 (12,5 %)
1,00
Ventilation prolongée > 24h
37/49 (75,5 %)
26/32 (81,2 %)
11/17 (64,7 %)
0,30
Complications abdominales
26 (47,3 %)
16 (47,1 %)
10 (47,6 %)
0,97
Défaillance multiviscérale
20/51 (39,2 %)
11/32 (34,4 %)
9/19 (47,4 %)
0,36
Infection profonde du site opératoire
1 (2,9 %)
1 (2,9 %)
0 (0,0 %)
1,00
Insuffisance rénale dialysée
26 (47,3 %)
17 (50,0 %)
9 (42,2 %)
0,61
TDR supraventriculaire
24/52 (46,2 %)
17/33 (51,5 %)
7/19 (36,8 %)
0,31
Hémorragie sites canulations
4 (7,3 %)
2 (5,9 %)
2 (9,5 %)
0,07
Complications pulmonaires
24 (43,6 %)
16 (47 %)
8 (38,1 %)
0,51
Sepsis
8 (14,5 %)
7 (20,6 %)
1 (4,8 %)
0,14
AVC postopératoire
2 (3,6 %)
1 (2,9 %)
1 (4,8 %)
1,00
Complications vasculaires périphériques
4 (7,3 %)
2 (5,9 %)
2 (9,5 %)
0,63
Reprises opératoires
40 (72,7 %)
23 (67,6 %)
17 (80,9 %)
0,29
Troponines J0 (ng/ml)
11,2 [2,9 ; 29,1]
11,6 [2,6 ; 29,3]
10,5 [6,1 ; 19,8]
0,88
Troponines 24h (ng/ml)
11,6 [5,6 ; 49,8]
10,1 [3,8 ; 39,4]
13,1 [5,9 ; 63,0]
0,81
Lactates début (mmol/L)
3,8 [2,3 ; 5,5]
3,9 [2,9 ; 5,1]
2,6 [2,2 ; 7,3]
0,44
Lactates 24h (mmol/L)
3,2 [1,9 ; 4,3]
3,3 [2,1 ; 5,1]
2,8 [1,7 ; 4,2]
0,54
Lactates 48h (mmol/L)
2,1 [1,6 ; 5,0]
2,1 [1,5 ; 5,3]
2,4 [1,8 ; 4,9]
0,68
Durée séjour réa (jours)
16 [7 ; 27]
17 [10 ; 31]
11 [4 ; 24]
0,06
Durée séjour postop. total (jours)
22 [8 ; 37]
27,5 [14 ; 55]
12 [4 ; 33]
0,05
Sevrés
32 (58,2 %)
23 (67,7 %)
9 (42,9 %)
0,07
Mortalité hospitalière
37 (67,3 %)
21 (61,8 %)
16 (76,2 %)
0,27
Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [intervalle interquartile].
BCPIA : ballon de contre-pulsion intra-aortique ; TDR : trouble du rythme ; AVC : accident vasculaire cérébral.
Les figures 2 et 3 détaillent le devenir des patients en fonction du mode de drainage veineux lors de la chirurgie cardiaque (monocave ou bicave) et les changements de site ou de type de canulation pendant la période d’assistance.
[caption id="attachment_4012" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Devenir des patients en fonction du site de canulation lors de la chirurgie cardiaque.[/caption]
[caption id="attachment_4013" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Devenir des patients en fonction du Figure 3. Devenir des patients en fonction du changement de type d’assistance. changement de type d’assistance.[/caption]
Le tableau 5 collige l’influence de critères pré, per ou postopératoires sur la probabilité de quitter l’hôpital vivant. Les facteurs statistiquement significatifs de mauvais pronostics étaient l’âge, une chirurgie en urgence, des valeurs de troponine et de lactates postopératoires plus élevées, alors que le délai d’implantation, la durée d’assistance et de séjour hospitalier ne l’étaient pas. Le taux de survie était plus élevé dans le groupe central que dans le groupe périphérique, mais cette différence n’était pas significative.
Tableau 5. Facteurs pronostiques de décès.
Vivants
(N = 18 ; 32,7 %)
Décédés
(N = 37 ; 67,3 %)
p-value
ECLS centrale
13 (72,2 %)
21 (56,8 %)
0,27
Âge (ans)
56,0 ± 14,3
64,1 ± 9,7
0,04
Genre masculin
14 (77,8 %)
28 (75,7 %)
1,00
Antécédent chirurgie cardiaque
2 (11,1 %)
10 (27,0 %)
0,30
Dyspnée > 2 (NYHA)
10 (62,5 %)
29 (78,4 %)
0,31
IDM dans les 90 jours
3 (16,7 %)
7 (18,9 %)
1,00
Patients sous inotrope
4 (22,2 %)
5 (13,5 %)
0,45
BCPIA préop.
2 (11,1 %)
3 (8,1 %)
1,00
Intubation orotrachéale
1 (5,6 %)
3 (8,1 %)
1,00
Insuffisance rénale aiguë
4 (22,2 %)
4 (10,8 %)
0,42
Créatininémie (µmol/L)
114 [90 ; 121]
106 [92 ; 128]
0,95
FEVG (%)
42 ± 16
44 ± 16
0,67
PAPS (mmHg)
53 ± 21
50 ± 16
0,65
Urgence
14 (77,8 %)
16 (43,2 %)
0,02
EuroSCORE 2 (%)
7,5 [3 ; 13]
8 [5 ; 12]
0,77
Temps de CEC (min)
199 [153 ; 255]
196 [143 ; 249]
0,60
Temps de clampage (min)
120 [95 ; 158]
125 [97 ; 172]
0,95
Canulation monocave
8 (44,4 %)
9 (25 %)
0,15
Canulation bicave
10 (55,6 %)
27 (75 %)
0,15
Geste pontage isolé
2 (11,1)
1 (2,7)
0,25
Geste valvulaire isolé
4 (22,2)
16 (43,2)
0,13
Geste sur la valve tricuspide
3 (16,7)
9 (24,3)
0,73
Geste valves + pontages
2 (11,1)
4 (10,8)
1,00
Geste sur l’aorte ascendante*
4 (22,2)
4 (10,8)
0,42
Transplantation
3 (16,7)
8 (21,6)
1,00
Autres gestes
4 (22,2)
6 (16,2)
0,71
Implantation postopératoire
6 (33,3)
20 (54,1)
0,15
Durée assistance (jours), [extrêmes]
6 ± 4 [2-12]
7 ± 6 [0-27]
0,89
Troponines postopératoires (g/ml)
7,6 [2,0 ; 11,5]
16,2 [6,1 ; 37,2]
0,02
Troponines 24h (g/ml)
4,0 [1,5 ; 10,0]
21,3 [8,9 ; 80,5]
0,001
Lactates début (mmol/L)
3,8 [2,6 ; 4,7]
3,8 [2,3 ; 5,8]
0,98
Lactates 24h (mmol/L)
1,9 [1,5 ; 2,9]
3,9 [2,6 ; 5,6]
0,002
Lactates 48h (mmol/L)
1,7 [1,5 ; 2,0]
3,2 [1,8 ; 9,2]
0,004
Durée séjour réanimation (jours)
23 [16 ; 34]
11 [3 ; 24]
0,002
Durée séjour hospitalière totale (jours)
33 [27 ; 58]
13 [4 ; 29]
< 0,001
Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [intervalle interquartile]. *Pouvant être associé à une valve aortique.
NYHA : New York Heart Association ; IDM : infarctus du myocarde ; BCPIA : ballon de contre-pulsion intra-aortique ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; PAPS : pression artérielle pulmonaire systolique ; CEC : circulation extracorporelle.
L’analyse des complications en fonction du site de canulation artériel, séparant dans le groupe ECLSp les abords fémoraux et axillaires, est rapportée tableau 6. L’effectif du groupe axillaire étant limité à 5 patients, une comparaison statistique ne serait pas pertinente.
4. Discussion
Dans notre série, il n’a pas pu être mis en évidence de différence significative sur la survie entre les deux groupes. Nous constatons cependant une survie qui semble meilleure après la mise en place d’une assistance centrale. Notre protocole de sevrage repose essentiellement sur des critères biologiques (lactatémie normale, retour à des fonctions hépatique et rénale préopératoires) et valeurs échographiques (ITV sous-aortique, FE VG) adaptées aux valeurs de l’échocardiographie préopératoire. Ces critères multiples peuvent favoriser des durées d’assistance longues. Ceci nous semble plus aisé avec une assistance centrale et participe possiblement à la différence de survie constatée.
Comme les autres équipes, cette étude témoigne de l’impact sur le pronostic hospitalier de l’âge, du degré de l’atteinte myocardique et de la sévérité de l’ischémie viscérale (souvent aggravée par un délai avant l’implantation long).
Malgré un soutien hémodynamique par ECLS, la mortalité hospitalière du choc cardiogénique réfractaire postcardiotomie reste importante (67 % dans notre série), comparable aux valeurs rapportées dans la littérature [9,12]. Notre population se différencie de celle de la littérature par une plus faible proportion de revascularisation coronaire isolée au profit des chirurgies valvulaires (valvulaires 32, pontages 10), ce qui contribue, à notre sens, à considérer notre population comme plus à risque et peut expliquer des résultats plus favorables décrits dans une autre équipe (mortalité 47 %) [13]. Néanmoins, dans cette même équipe, un délai d’implantation plus court peut également expliquer cette amélioration des résultats.
Le pourcentage de patients sevrés dans notre série (58 %) est comparable à la plupart des séries publiées [1,9,12] mais il est inférieur à la série la plus récemment rapportée (68 %) [13]. Ces séries diffèrent beaucoup par leur mode de sevrage. Certaines équipes prônent un sevrage plus rapide pour obtenir une durée d’assistance la plus courte possible [9]. Pour notre part, nous privilégions l’obtention de critères de sevrage très favorables au détriment d’une prolongation de la durée d’assistance.
Comme retrouvé dans plusieurs études [1,2,9,14,15], les paramètres comme l’âge avancé, l’urgence de la chirurgie cardiaque, l’élévation de la troponine et des lactates en postopératoire ont été identifiés dans notre série comme des facteurs prédictifs de mortalité hospitalière.
D’autres facteurs prédictifs d’une évolution défavorable, comme un antécédent de chirurgie cardiaque, l’insuffisance rénale ou hépatique, sont signalés dans d’autres études [12,16,17].
Le choix du type de canulations se fait au cas par cas, fortement influencé par l’expérience de l’opérateur, le moment où la décision est prise et l’urgence de la mise en place mais dépendant également des caractéristiques préopératoires et opératoires. Ces données contextuelles expliquent les différences constatées entre les deux populations ECLSc et ECLSp. Plusieurs patients ont eu un geste sur l’aorte ascendante et l’on peut comprendre la réticence de l’opérateur à installer une canule artérielle d’ECLS dans ou à proximité d’un tube prothétique. Ces patients se retrouvent plus volontiers dans le groupe ECLSp. Ce critère ne nous semble pas néanmoins constituer un facteur de gravité spécifique.
Les deux groupes diffèrent en revanche de façon significative quant à l’incidence de la deuxième chirurgie cardiaque (ECLSc 12 % vs ECLSp 38 %), un antécédent d’infarctus du myocarde (ECLSc 27 % vs ECLSp 5 %) et un geste sur l’aorte ascendante ou sur la tricuspide. Le caractère redux inciterait donc l’opérateur à privilégier une assistance périphérique pour ne pas avoir à revenir une nouvelle fois dans le thorax. Le nombre plus important de patients ayant un antécédent d’infarctus du myocarde dans le groupe central se traduit par une altération plus importante de la FEVG dans ce groupe (ECLSc : 40 ± 14 %, ECLSp : 47 ± 18 %), bien que cette dernière différence ne soit pas significative.
Ces différences semblent se compenser car au final l’EuroSCORE 2 des deux groupes était superposable. Le degré d’urgence, quant à lui, bien que réparti de façon prépondérante dans le groupe central, n’atteignait pas le seuil de significativité.
L’ECLS centrale est le plus souvent implantée en peropératoire (71 %) alors que l’implantation périphérique se fait le plus souvent en postopératoire (71 %). Le contexte explique à nouveau cette différence, il est plus aisé et probablement plus rapide d’implanter une assistance centrale en peropératoire, et de même en postopératoire (souvent devant l’urgence), l’implantation périphérique va être préférée. Il n’y avait pas d’implantation centrale au-delà de 24 heures. Pour certains, la volonté de tenter de ne jamais ouvrir une nouvelle fois le thorax fait utiliser de façon systématique l’ECLS périphérique [9].
L’ECLS centrale et celle par voie axillaire ont pour avantage commun de conserver un flux antégrade dans la majorité de l’aorte, contrairement à la canulation fémorale. L’inversion du sens du flux aortique peut être source de complications emboliques, notamment cérébrales, à partir de l’aorte abdominale et thoracique. L’utilisation plus fréquente de la décharge gauche (groupe central) pourrait être un facteur de meilleure récupération ventriculaire gauche par le biais de la baisse des pressions intracavitaires qu’elle permet.
Si l’on analyse les résultats de notre groupe périphérique avec une série de la littérature comportant exclusivement des ECLS périphériques [9], les mortalités sont similaires bien que dans notre population le pourcentage de patients sevrés soit plus faible. Néanmoins les populations ne sont pas superposables avec, dans notre série, une population probablement plus grave avec plus de patients ayant eu une première chirurgie cardiaque, plus d’urgences et de gestes valvulaires.
Nous constatons dans le groupe central de notre série un taux de sevrage et de survie bien supérieur et ainsi proche des meilleures séries de la littérature, tout ceci en tenant compte d’une population à risque plus élevé. Une canulation centrale n’accroît pas la morbidité par rapport à une canulation périphérique. Bien que très importante, la proportion de patients transfusés était similaire dans les deux groupes. Dans le groupe ECLS périphérique, il y avait plus de tableaux de tamponnade, avec des valeurs similaires de saignement aux sites de canulations, ce qui conduisait à des taux de réinterventions sensiblement similaires. Il ne nous semble pas qu’une canulation périphérique en particulier dans ce groupe de patients en postcardiotomie réduise le risque de ces complications. La proportion de patients sevrés puis de patients quittant l’hôpital vivants explique les durées de séjour en réanimation et hospitalière plus longues dans le groupe ECLSc.
En revanche la nécessité d’au moins une ouverture sternale supplémentaire ainsi que le trajet transpariétal des canules exposent au risque d’infection sternomédiastinale (1 dans cette série). A contrario l’implantation périphérique génère plus de complications vasculaires périphériques (même si elle n’en a pas l’exclusivité), ces complications peuvent être la traduction de phénomènes thromboemboliques ou la conséquence du bas débit périphérique lié à la vasoconstriction locale ou à la gêne au retour veineux [16,17]. Les conséquences respectives des complications du site de canulation peuvent difficilement être comparées entre elles (ischémie de membre inférieur versus infection sternale).
4.1. Limites de l’étude
Il s’agit d’une étude observationnelle monocentrique rétrospective sur un petit échantillon. Le choix de la technique d’assistance est fortement dépendant de l’opérateur et d’éléments contextuels, ce qui explique les différences entre les deux populations. Les différences de complications observées entre les groupes lors de l’analyse des canulations axillaires (tableau 6) montrent des profils de complications différents entre ces 3 groupes. Les patients ayant bénéficié d’une canulation axillaire, alors qu’analysés dans le groupe périphérique, ont un profil évolutif propre, constituant à ce titre un biais de confusion. Une analyse séparant les 3 sous-groupes ne pouvait être menée du fait des effectifs limités.
Tableau 6. Évolution sous assistance selon l’abord vasculaire central, fémoral ou axillaire.
ECLS fémorale
N = 16
ECLS centrale
N = 34
ECLS axillaire
N = 5
Arrêt cardiaque
4 (29 %)
5 (16 %)
1 (25 %)
Défaillance multiviscérale
7 (47 %)
11 (34 %)
2 (50 %)
Sepsis
1 (6 %)
7 (21 %)
0 (0 %)
BCPIA postopératoire
1 (7 %)
9 (29 %)
1 (20 %)
Tamponnade
4 (25 %)
2 (6 %)
0 (0 %)
Hémorragie site de canulation
2 (13 %)
2 (6 %)
0 (0 %)
AVC postopératoire
1 (6 %)
1 (3 %)
0 (0 %)
Sevrés
5 (31 %)
23 (68 %)
4 (80 %)
Complication pulmonaire
7 (44 %)
16 (47 %)
1 (20 %)
Insuffisance rénale dialysée
8 (50 %)
17 (50 %)
1 (20 %)
Les données sont présentées par des effectifs (pourcentages associés), par la moyenne ± écart type ou par la médiane [intervalle interquartile].
BCPIA : ballon de contre-pulsion intra-aortique ; AVC : accident vasculaire cérébral.
5. Conclusion
L’ECLS offre une solution thérapeutique de sauvetage au décours d’une chirurgie cardiaque compliquée d’un choc cardiogénique réfractaire à toutes thérapeutiques médicales. Dans ces circonstances, elle permet la survie de plus de 30 à 40 % des patients. Concernant le site de canulation artérielle de cette ECLS, notre étude montre qu’en postopératoire immédiat de chirurgie cardiaque, une canulation centrale ne doit pas être écartée de principe, ses résultats étant au moins identiques à une canulation périphérique. Néanmoins, les facteurs qui conditionnent le plus les résultats sont la faible réversibilité de l’atteinte myocardique et la sévérité de l’ischémie viscérale traduite par les taux de troponine et de lactate postopératoires.
Références
Rastan AJ, Dege A, Mohr M et al. Early and late outcomes of 517 consecutive adult patients treated with extracorporeal membrane oxygenation for refractory postcardiotomy cardiogenic shock. J Thorac Cardiovasc Surg 2010;139(2): 302-311.
https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2009.10.043
Wu MY, Lin PJ, Lee MY et al. Using extracorporeal life support to resuscitate adult postcardiotomy cardiogenic shock: treatment strategies and predictors of short-term and midterm survival. Resuscitation 2010;81(9):1111-1116. Epub 2010 Jun 2.
https://doi.org/10.1016/j.resuscitation.2010.04.031
Paden ML, Rycus PT, Thiagarajan RR. Update and outcomes in extracorporeal life support. Semin Perinatol 2014;38:65-70.
https://doi.org/10.1053/j.semperi.2013.11.002
Mendiratta P, Wei JY, Gomez A et al. Cardiopulmonary resuscitation requiring extracorporeal membrane oxygenation in the elderly: a review of the Extracorporeal Life Support Organization registry. ASAIO J 2013; 59:211-215.
https://doi.org/10.1097/MAT.0b013e31828fd6e5
Bartlett RH, Gattinoni L. Current status of extracorporeal life support (ECMO) for cardiopulmonary failure. Minerva Anestesiol 2010;76:534-540.
Bakhtiary F, Keller H, Dogan S et al. Venoarterial extracorporeal membrane oxygenation for treatment of cardiogenic shock: clinical experiences in 45 adult patients. J Thorac Cardiovasc Surg 2008;135:382-388.
https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2007.08.007
Mishra V, Svennevig JL, Bugge JF et al. Cost of extracorporeal membrane oxygenation: evidence from the Rikshospitalet University Hospital, Oslo, Norway. Eur J Cardiothorac Surg 2010;37:339-342. Epub 2009 Aug 21.
https://doi.org/10.1016/j.ejcts.2009.06.059
Papadopoulos N, Marinos S, El-Sayed Ahmad A et al. Risk factors associated with adverse outcome following extracorporeal life support: analysis from 360 consecutive patients. Perfusion 2015 May;30(4):284-290. Posted online on July 21, 2014.
https://doi.org/10.1177/0267659114542458
Biancari F, Dalén M, Perrotti A et al. Venoarterial extracorporeal membrane oxygenation after coronary artery bypass grafting: Results of a multicenter study. Int J Cardiol 2017 Aug15;241:109-114. Epub 2017 Mar 28.
https://doi.org/10.1016/j.ijcard.2017.03.120
Slottosch I, Liakopoulos O, Kuhn E et al. Outcomes after peripheral extracorporeal membrane oxygenation therapy for postcardiotomy cardiogenic shock: a single-center experience. J Surg Res 2013;181(2):47-55. Epub 2012 Aug 1.
https://doi.org/10.1016/j.jss.2012.07.030
Field ML, Al-Alao B, Mediratta N, Sosnowski A. Open and closed chest extrathoracic cannulation for cardiopulmonary bypass and extracorporeal life support: methods, indications, and outcomes. Postgrad Med J 2006;82:323-331.
https://doi.org/10.1136/pgmj.2005.037929
Kanji HD, Schulze CJ, Oreopoulos A et al. Peripheral versus central cannulation for extracorporeal membrane oxygenation: a comparison of limb ischemia and transfusion requirements. Thorac Cardiovasc Surg 2010;58:459-462. Epub 2010 Nov 25.
https://doi.org/10.1055/s-0030-1250005
Doll N, Kiaii B, Borger M et al. Five-year results of 219 consecutive patients treated with extracorporeal membrane oxygenation for refractory postoperative cardiogenic shock. Ann Thorac Surg 2004; 77:151-157. .
https://doi.org/10.1016/S0003-4975(03)01329-8
Hofmann B, Gmelin MJ, Metz D et al. Cardiac surgery score (CASUS) improves outcome prediction in patients treated with extracorporal life support (ECLS). Perfusion 2018 Jan;33(1):36-43. [Epub ahead of print].
https://doi.org/10.1177/0267659117723456
Elsharkawy HA, Li L, Esa WA et al. Outcome in patients who require venoarterial extracorporeal membrane oxygenation support after cardiac surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 2010;24:946-951.
https://doi.org/10.1053/j.jvca.2010.03.020
Formica F, Avalli L, Colagrande L et al. Extracorporeal membrane oxygenation to support adult patients with cardiac failure: predictive factors of 30-day mortality. Interact Cardiovasc Thorac Surg 2010 May;10(5):721-726.
Ko WJ, Lin CY, Chen RJ et al. Extracorporeal membrane oxygenation support for adult postcardiotomy cardiogenic shock. Ann Thorac Surg 2002;73:538-545.
https://doi.org/10.1016/S0003-4975(01)03330-6
Smedira NG, Moazami N, Golding CM et al. Clinical experience with 202 adults receiving extracorporeal membrane oxygenation for cardiac failure: survival at five years. J Thorac Cardiovasc Surg 2001;122:92-102.
https://doi.org/10.1067/mtc.2001.114351
Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.
Cet article est issu d'un mémoire de DESC.
Date de soumission : 20/09/2017. Acceptation : 16/02/2018.
mai 18, 2018