Chirurgie cardiaque · Vol. 21 Décembre 2017

Comparaison entre la cardioplégie chaude et la cardioplégie froide basée sur la cinétique des cytokines

K. Taamallah1*, W. Braham1, W. Ghodbane1, M. Ben Azeiz², H. Messaoudi3,  M. Ferjani3, S. Chenik1   1. Service de chirurgie cardiaque, hôpital militaire de Tunis, Tunisie. 2. Service d’immunologie, hôpital militaire de Tunis, Tunisie. 3. Service de réanimation, hôpital militaire de Tunis, Tunisie. Correspondance : taamallahkarima@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV21-4-TAA Citation : Taamallah K, Braham W, Ghodbane W, Ben Azeiz M, Messaoudi H, Ferjani M, Chenik S. Comparaison entre la cardioplégie chaude et la cardioplégie froide basée sur la cinétique des cytokines. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(4). doi: 10.24399/JCTCV21-4-TAA   Résumé Introduction :  la cardioplégie sanguine est une des techniques les plus employées pour la chirurgie coronarienne. Néanmoins le débat persiste quant à la température à utiliser pour obtenir une protection myocardique optimale. Le but de notre travail était de comparer d’une part l’efficacité sur la protection myocardique pour les deux températures de solutions de cardioplégie sanguine (chaude et froide) et d’autre part d’étudier les différentes réponses inflammatoires postcirculation extracorporelle (CEC). Méthodes : il s’est agi d’un travail prospectif et randomisé ayant inclus 30 patients (deux groupes : groupe cardioplégie froide [cp froide] de 15 patients et groupe cardioplégie chaude [cp chaude] de 15 patients), candidats à une chirurgie coronarienne réglée et isolée menée entre mars 2012 et février 2013. Toutes les données cliniques et biologiques (troponine Ic, interleukines [IL-1, IL-6, IL-8, IL-10] et TNFα) pré, per et postopératoires ont été collectées. Résultats : les patients des deux groupes étaient comparables quant aux données démographiques, cliniques, biologiques, échographiques et angiocoronarographiques préopératoires. Il n’y avait aucune différence significative entre les deux groupes concernant les temps de CEC (p = 0,736), le nombre de cardioplégie (p = 0,65), le nombre de revascularisation (p = 0,593) et le type de greffons utilisés (p = 0,426). La qualité de la protection myocardique était identique dans les deux groupes, et cette qualité de protection restait identique dans les sous -groupes (diabétique, dysfonction ventriculaire gauche, lésion du tronc commun et tritronculaire). Le type de cardioplégie ne semblait influencer ni le taux ni la cinétique postopératoire des interleukines et le TNFα entre les groupes. Conclusion : la température de la cardioplégie sanguine ne semblait pas modifier la qualité de la protection myocardique. La réponse inflammatoire immunomédiée post-CEC n’était pas influencée par le type de cardioplégie utilisée.   Abstract Comparison of warm and cold cardioplegia based on cytokine kinetics Introduction: Cytokines play an important role in the inflammatory response associated with cardiopulmonary bypass (CPB) and may contribute to postoperative complications. The aim of our work was to compare the efficacy of myocardial protection of two blood temperatures (warm and cold) on myocardial protection and to study the different inflammatory responses following CPB. Methods: Our prospective, randomized study involving 30 patients (2 groups: cold cardioplegia [ccp] group [n = 15 patients] and warm cardioplegia [wcp] group [n = 15 patients]) undergoing complete revascularization with coronary artery bypass grafting between March 2012 and February 2013. All clinical and biological data (troponin Ic, interleukins [IL-1, IL-6, IL-8, IL-10], and TNF-α) were collected before and after surgery in order to compare the blood concentrations and the kinetics of five cytokines (TNF-α, IL-1, IL-6, IL-8, and IL-10) in these two groups of patients. Results: There were no differences between the 2 groups in terms of age, sex ratio, clinical data, echocardiographic and angiographic findings, number of grafts, and duration of CPB and aortic cross-clamping. The quality of myocardial protection was identical in both groups, and this quality of protection remained identical in the subgroups (i.e., diabetic, left ventricular dysfunction, tri-troncular coronary lesions, and patients with stenosis of the main left coronary). Conclusion: The type of cardioplegia did not seem to influence the postoperative levels and kinetics of interleukins and TNF-α between the two groups. Thus, our data suggest that the use of warm blood cardioplegia or cold crystalloid cardioplegia is followed by the same inflammatory response to CPB.   1. Introduction Malgré la multiplicité des solutions et des voies d’administration de la cardioplégie, aucune d’entre elles n’a prouvé sa supériorité sur le critère de mortalité opératoire, ce qui explique l’absence de recommandations et de consensus poussant à utiliser l’une ou l’autre. Le choix de la cardioplégie reste donc souvent une question d’habitudes propres à chaque équipe chirurgicale plus qu’une conviction scientifique [1]. La chirurgie cardiaque sous CEC entraîne, par ailleurs, un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS) qui apparaît dans les premières 24 heures postopératoires et qui peut entraîner des manifestations cliniques pouvant aboutir aux signes les plus graves de défaillance multiviscérale. Ce SRIS est induit par différents facteurs notamment le contact du sang avec des surfaces artificielles du circuit extracorporel, les lésions d’ischémie-reperfusion, l’activation du complément et l’endotoxémie. Certaines cytokines classées pro-inflammatoires, comme l’interleukine (IL) IL-6, IL-8, le tumor necrosis factor (TNF)α et l’IL-1β, sont synthétisées dans la période postopératoire précoce et transforment une réaction immune locale en générale. Le but principal de notre travail était de comparer l’efficacité sur la protection myocardique de deux solutions de cardioplégie sanguine : une chaude à 37 °C et une froide à 4 °C et ceci en nous basant sur la cinétique des troponines Ic postopératoires, la cinétique périopératoire de certaines cytokines (IL-1, IL-6, IL-8 et IL-10 et TNFα).   2. Patients et méthodes Notre étude est prospective et randomisée incluant 30 patients candidats à une chirurgie de revascularisation myocardique réglée et isolée et non redux sur une période d’un an allant du 1er mars 2012 au 28 février 2013. On n’a pas inclus dans cette étude les patients âgés de plus de 80 ans, ayant un infarctus de myocarde (IDM) récent (< 30 jours), une chirurgie combinée, une chirurgie urgente, une chirurgie coronaire redux, une infection en cours, une  insuffisance hépatique, une insuffisance rénale (clairance de la créatinine < 30 ml/min) ou une dialyse préopératoire, ayant une dysfonction immunitaire connue, une pathologie inflammatoire connue, une allergie en poussée, une dysfonction du système nerveux central, ou ayant une néoplasie connue en cours d’évolution, les patients sous traitement hormonal exogène ou un traitement par corticoïdes ou AINS. Trente patients ont été randomisés en deux groupes avant l’intervention : un groupe de 15 patients ayant reçu une cardioplégie froide (groupe cp froide) et un groupe de 15 patients ayant reçu une cardioplégie chaude (groupe cp chaude). Le tirage au sort s’est effectué le matin même de l’intervention par une personne indépendante, toutes les données périopératoires ont été prospectivement collectées en totalité et chez tous les patients. Des données pré, per et périopératoires ont été récoltées. La toponines Ic, les interleukines et le TNFα ont été récoltés. La cardioplégie qu’elle soit froide ou chaude a été réalisée de la même façon, la CEC s’est déroulée en normothermie dans les deux groupes. La cardioplégie a été induite par voie antérograde par la racine aortique chez tous les patients et a été réitérée toutes les 20 minutes. Concernant les cytokines, les prélèvements sanguins ont été réalisés et ont été faits à 4 temps différents : T1 : avant l’induction, T2 : cinq minutes après le déclampage aortique, T3 : quatre heures après le déclampage aortique, T4 : vingt-quatre heures après le déclampage aortique. Le dosage des cytokines est fait par méthode IMMULITE. L’étude a été menée dans le respect de la législation des études cliniques et approuvée par un comité d’éthique.   2.1. Analyses statistiques L’analyse statistique des données a été réalisée par le logiciel SPSS. Les variables quantitatives ont été exprimées en valeur moyenne ± déviation standard et les variables qualitatives en pourcentage. Nous avons utilisé pour la comparaison des moyennes le test T de Student (quand la loi est normale) et celui de Mann-Whitney (quand la loi n’est pas normale). Concernant la comparaison des proportions nous avons utilisé le test de Chi2. On a utilisé le test d’Anova pour comparer les moyennes en cas de dosages répétés dans le temps. Quand la probabilité p de signification du test est < 0,05, le résultat est considéré comme statistiquement significatif.   3. Résultats Aucune différence significative entre les deux groupes concernant les données démographiques, le terrain, la classe fonctionnelle de la NYHA et la moyenne des fractions d’éjection du ventricule gauche (FEVG). Les statuts coronaires étaient similaires avec une prédominance d’atteintes tritronculaires. La diffusion des lésions coronaires ainsi que leur complexité étaient comparables dans les deux groupes comme l’atteste leur score Syntax. Autant de patients dans chaque groupe ont bénéficié au préalable d’une procédure interventionnelle avec pose de stent [tableau 1].   Tableau 1. Profil des patients dans chaque groupe. Données démographiques Total Moyenne N (%) Gp cp chaude Moyenne N (%) Gp cp froide Moyenne N (%) P Âge (années) 62,53 ± 9,47 63,46 ± 8,86 61,60 ± 10,28 0,598 Sexe (féminin) 6 (20 %) 4 (26,66 %) 2 (13,33 %) 0,361   Facteurs de risque cardiovasculaire HTA   14 (46,66 %) 6 (40 %) 8 (53,33 %) 0,361 Diabète   17 (56,66 %) 8 (53,33 %) 9 (60 %) 0,713 Tabac   8 (26,66 %) 5 (32,33 %) 3 (20 %) 0,338 Dyslipidémie   13 (43,33 %) 7 (46,66 %) 6 (40 %) 0,713 BPCO/Asthme 2 (6,66 %) 2 (13,33 %) 0 (0 %) 0,143 ATCD familiaux de coronaropathie 5 (16,66 %) 2 (13,33 %) 3 (20 %) 0,624 BMI 25,86 ± 2,93 25,52 ± 3,48 26,20 ± 2,32 0,533   NYHA III-IV   6 (20 %) 3 (20 %) 3 (20 %) 0,554 Moyenne FEVG 55 ± 10,6 52,6 ± 11,4 57,4 ± 9,46 0,221 FEVG < 50 %     15 (50 %) 9 (60 %) 6 (40 %) 0,273 Statut coronaire Monotronculaire   2 (6,66 %) 0 (0 %) 2 (13,33) 0,143 Bitronculaire   3 (10 %) 2 (13,33 %) 1 (6,66 %) 0,543 Tritronculaire   25 (83,33 %) 13 (86,66 %) 12 (80 %) 0,624 TCG + TC   5 (16,66 %) 4 (26,66 %) 1 (6,66 %) 0,142 Score Syntax 30,77 ± 15,61 29,83 ± 16,32 31,70 ± 15,38 0,749 Angioplastie antérieure 5 (16,66 %) 3 (20 %) 2 (13,33 %) 0,781 BPCO : bronchopneumopathie obstructive ; ATCD : antécédents ; FEVG : fraction d’éjection ; TCG : tronc coronaire commun. La revascularisation des artères coronaires était similaire dans les deux groupes (nombre d’anastomose, choix des greffons). la revascularisation était tout artérielle dans 23,5 % des cas et exclusivement bimammaire dans 16,5 %. Les paramètres de la CEC ainsi que le nombre de cardioplégies passées sont comparables dans les deux groupes. Il n’y avait pas de différence significative quant aux transfusions peropératoires de culots globulaires, aucun patient n’a eu de transfusion de plaquettes. La qualité du sevrage de la CEC était comparable dans les deux groupes. La durée moyenne de la ventilation postopératoire était de 6,77 ± 2,77 heures, le taux d’IDM postopératoire et le taux de décès d’origine cardiaque étaient similaires entre les deux groupes. Pas de différence entre les durées de ventilation et le saignement postopératoire. Les complications postopératoires sont résumées dans le tableau 2, et il n’existe pas de différence significative entre les deux groupes. Le taux de mortalité prédite par l’EuroSCORE II était à 1,74 ± 1,56 %, elle était similaire dans les deux groupes (Gp cp chaude : 1,77 ± 1,9 %, Gp cp froide : 1,75 ± 1,56 %, p = 0,96). La mortalité globale était de 3,3 % (1 patient), pas de différence significative entre les deux groupes (Gp cp chaude : 0 %, Gp cp froide : 1 patient, soit 6,7 %,  p = 0,309).   Tableau 2.  Complications  postopératoires. Événement Total N (%) Gp cp chaude N (%) Gp cp froide N (%) P Troubles du rythme 6 (20 %) 4 (26,66 %) 2 (13,33 %) 0,311 ·       FA 5 (16,66 %) 4 (26,66 %) 1 (6,66 %) ·       Autres 1 (3,33 %) 0 1 (6,66 %) Troubles de la conduction 1 (3,33 %) 0 1 (6,66 %) 0,309 Sepsis 8 (26,66 %) 5 (33,33 %) 3 (20 %) 0,409 ·       Pneumopathie 2 (6,66 %) 2 (13,33 %) 0 ·       ISO 2 (6,66 %) 1 (6,66 %) 1 (6,66 %) ·       Origine indéterminée   4 (13,33 %)   2 (13,33 %)   2 (13,33 %) IDM 2 (13,3 %) 0 (0 %) 2 (13, 3%) 0,143 BCPIA 1 0 1 (6,6 %) 0,309 Décès d’origine cardiaque 1 0 1 (6,6 %) 0,309 Complication neurologique  0 0 0 - Insuffisance rénale aiguë (IRA)  0 0 0 - Dialyse  0 0 0 -   Il n’avait aucune différence statistiquement significative concernant les pics de troponines et leur cinétique. Ces résultats sont détaillés dans le tableau 3.   Tableau 3. Cinétique des troponines en postopératoire. Données Gp cp chaude Moyenne  N (%) Gp cp froide Moyenne   N (%) P Pic de troponines Ic 2,22 ± 1,33 3,41 ± 3,08 0,179 Taux de Tn Ic H6 1,78 ± 1,01 2,32 ± 0,81 0,118 Taux de Tn Ic H12 1,61 ± 0,94 2,48 ± 1,98 0,138 Taux de Tn Ic H24 1,54 ± 1,37 2,49 ± 3,44 0,327 Taux de Tn Ic J3 0,83 ± 1,04 1,43 ± 2,78 0,443 Taux de Tn Ic J6 0,44 ± 0,66 0,69 ± 1,36 0,526 Taux de Tn Ic J9 0,22 ± 0,53 0,28 ± 0,62 0,779   Les différents taux, les pics et les cinétiques des différentes cytokines ainsi que le taux du TNF aux 4 temps de prélèvement (T1, T2, T3, T4) ont été étudiés. Aucune différence significative n’a été constatée entre les deux groupes. Les différents résultats sont exposés dans le tableau 4 et les figures 1 et 2.   Tableau 4. Moyennes des taux d’IL et du TNF aux 4 temps de prélèvement. Cytokine Gp cp chaude Moyenne Gp cp froide Moyenne P IL-1 max 5,04 ± 0,17 6,23 ± 3,18 0,645 IL-1 T1 5 5,96 ± 2,91 0,681 IL-1 T2 5 5,41 ± 1,54 0,63 IL-1 T3 5,04 ± 0,17 5,31 ± 1,22 0,859 IL-1 T4 5 5,13 ± 0,51 0,704 IL-6 max 237,20 ± 225,35 338,24 ± 325 0,331 IL-6 T1 4,40 ± 3,31 6,14 ± 4,81 0,259 IL-6 T2 57,14 ± 29,27 81,75 ± 183,54 0,612 IL-6 T3 226,40 ± 233,60 321,81 ± 310,14 0,349 IL-6 T4 93,95 ± 52,41 144,64 ± 204,02 0,359 IL-8 max 64,44 ± 34,76 96,88 ± 163,38 0,458 IL-8 T1 5,88 ± 1,92 7,54 ± 4,84 0,227 IL-8 T2 43,05 ± 36,23 68,50 ± 169,04 0,573 IL-8 T3 53,58 ± 30,38 64,36 ± 47,81 0,479 IL-8 T4 11,17 ± 4,84 10,62 ± 3,64 0,729 IL-10 max 70,75 ± 75,88 58,70 ± 63,24 0,645 IL-10 T1 6,16 ± 2,47 6,65 ± 3,75 0,681 IL-10 T2 70,42 ± 76,06 57,78 ± 63,75 0,63 IL-10 T3 7,31 ± 6,05 7,72 ± 5,96 0,859 IL-10 T4 7,46 ± 8,36 8,78 ± 9,97 0,704 TNFα max 522,34 ± 438,41 660,32 ± 446,55 0,817 TNFα T1 128,16 ± 199,65 206,16 ± 410,85 0,526 TNFα T2 15,07 ± 4,54 26,56 ± 38,90 0,266 TNFα T3 105,11 ± 261,24 135,27 ± 275,18 0,76 TNFα T4 432,06 ± 468,51 474,57 ± 508,89 0,817   [caption id="attachment_3909" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Cinétique des troponines Ic et TNFα aux 4 temps.[/caption]   [caption id="attachment_3910" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Cinétique de l’IL1 (A), IL6 (B), IL8 (C) et IL10 (D) aux 4 temps.[/caption]   4. Discussion Plusieurs auteurs ont étudié la qualité de la protection myocardique, entre cardioplégies sanguines chaude et froide au cours de la chirurgie coronarienne. Les critères de jugement d’efficacité de la protection myocardique diffèrent d’une étude à l’autre. Certains auteurs se sont fixés comme critère de jugement la mortalité opératoire, d’autres les événements cardiovasculaires majeurs postopératoires (mortalité, IDM, bas débit cardiaque, troubles du rythme ventriculaire majeurs) [2,3], mais peu d’entre eux se sont basés sur la cinétique postopératoire des enzymes cardiaques comme les CPK-MB ou mieux les troponines Ic [4,5], qui semblent mieux refléter les dommages myocardiques induits par la cardioplégie. Nous avons utilisé comme critères de jugement aussi bien les troponines Ic et les marqueurs de l’inflammation que les événements cardiaques majeurs postopératoires. Certaines études sont en faveur d’une meilleure protection myocardique en utilisant une cardioplégie sanguine chaude au cours de la chirurgie de revascularisation coronarienne [6-11]. D’autres études, comme la nôtre, concluent que la qualité de la protection myocardique est similaire pour les deux solutions de cardioplégie. Ainsi, dans Warm Heart Investigators [12], un essai randomisé sur 1732 patients (860 patients recevant une cardioplégie sanguine chaude et 872 patients recevant une cardioplégie sanguine froide), les auteurs n’ont objectivé aucune différence significative entre les deux groupes concernant la mortalité dans les 30 jours postopératoires, le taux d’AVC et le taux de réopération. Par contre ils ont noté un plus faible taux d’enzymes cardiaques et une moindre fréquence de survenue de bas débit cardiaque en postopératoire avec la cardioplégie sanguine chaude. Fremes et al. [13] ont randomisé 1732 patients en deux groupes (un groupe de cardioplégie sanguine chaude et l’autre froide) et ont observé un plus faible taux de mortalité dans le groupe cardioplégie sanguine chaude mais sans que cela soit statistiquement significatif. Bical et al. [14] ont mené un essai randomisé sur 30 patients candidats à une revascularisation coronarienne chirurgicale (15 dans chaque groupe de cardioplégie) et ont conclu que les résultats cliniques ainsi que les paramètres hémodynamiques étaient similaires dans les deux groupes. La cardioplégie chaude paraissait, par ailleurs, provoquer moins d’acidose et de lésions myocardiques. Landymore et al. [15] ont effectué un essai randomisé sur 40 patients en deux groupes de cardioplégie (chaude et froide) et ont conclu que les 2 solutions de cardioplégie donnaient des résultats satisfaisants et identiques. Pelletier et al. [16] ont réalisé un essai randomisé sur 200 patients et ont conclu que les résultats cliniques (mortalité, IDM, retour en rythme sinusal) étaient identiques entre les deux groupes, mais que la cardioplégie froide était responsable d’une élévation plus significative des CPK MB et des troponines Ic. En comparant les deux groupes de cardioplégie, nous n’avons noté aucune différence statistiquement significative concernant les pics de troponines Ic (p = 0,179), leurs cinétiques à H6, H12, H24, J3, J6 et J9, le taux d’IDM postopératoire (p = 0,143) et le taux de décès d’origine cardiaque (p = 0,309). Ainsi, la qualité de la protection myocardique était identique dans les deux groupes, cette qualité de protection reste identique dans les sous-groupes de patients diabétiques, ayant des lésions du tronc commun gauche, les patients ayant des lésions coronaires tritronculaires et les patients ayant une dysfonction VG. Flack et al. [17] se sont intéressés aux patients candidats à une chirurgie de revascularisation myocardique isolée et ayant une dysfonction VG (FEVG < 36 %). Ils ont noté que la cardioplégie chaude donnait 10 % de dysfonction VD postopératoire contre 25 % pour la cardioplégie froide Ils ont conclu qu’il n’y avait pas de différence significative entre les deux solutions de cardioplégie sanguine concernant leur objectif primaire (la mortalité), par contre un taux plus élevé de dysfonction VD était observé après une cardioplégie froide. De même, une meilleure protection du VD avec la cardioplégie chaude a été rapportée par Christakis et al. [9,10]. Ces mêmes auteurs ont montré que le taux d’une atteinte du VD après une cardioplégie froide était de 30 % si la cardioplégie froide était suivie d’une reperfusion chaude (p = 0,004). Concernant cette technique de cardioplégie, Pichon et al. [18] ont démontré que la cardioplégie sanguine froide suivie d’une reperfusion chaude était meilleure au point de vue de la protection myocardique que la cardioplégie cristalloïde froide. Par contre Chocron et al. [19] n’ont pas pu montrer une différence statistiquement significative entre cardioplégie cristalloïde suivie d’une reperfusion chaude, cardioplégie sanguine froide suivie d’une reperfusion chaude et cardioplégie sanguine froide sans reperfusion chaude chez des patients coronariens ayant un pontage aortocoronaire. Nombreuses sont les études qui se sont intéressées à la relation étroite entre la CEC et la libération de cytokines mais l’influence du type de cardioplégie sur la libération de cytokines reste peu étudiée. Liebold et al. [20] trouvent que les taux d’IL-6 à 1H, 6H et 12H post-CEC étaient significativement plus élevés dans le groupe de cardioplégie cristalloïde froide comparés au groupe de cardioplégie sanguine chaude et que l’index cardiaque postopératoire, le sevrage du respirateur et le taux de saignement étaient meilleurs dans le groupe de cardioplégie chaude. Wan et al. [21] rapportent que l’utilisation de la cardioplégie sanguine chaude réduit la réponse inflammatoire post-CEC. Ces données suggèrent un effet moins inflammatoire de la cardioplégie sanguine chaude comparée à la cardioplégie cristalloïde froide. Nous avons trouvé que le type de cardioplégie ne semble pas influencer le taux et la cinétique des interleukines (p > 0,05 aux 4 temps de prélèvement pour IL-1, IL-6, IL-8, IL-10) et du TNFα (p > 0,05 aux 4 temps de prélèvement) au cours de la période postopératoire. L’élévation des taux des IL-6 et 8 démarre dès le déclampage aortique avec des pics atteints entre 4 et 6 heures postdéclampage. L’élévation des taux de l’IL-10 était immédiate après le déclampage aortique et son pic était atteint en quelques minutes ; ce pic était atteint en moyenne 2 heures après le clampage dans la série de Wan et al. [21]. L’IL-6 est corrélée à la sévérité du SRIS généré par la CEC, l’ischémie myocardique postopératoire ainsi que les lésions tissulaires et le développement d’un état de bas débit cardiaque [22]. Dans notre série, l’IL-6 était plus marquée lors de nombreuses complications postopératoires comme la mortalité d’origine cardiaque, l’IDM et les troubles conductifs, mais le faible échantillon ne rend pas possible une étude statistique fiable. Les pics d’IL-8 sont corrélés au degré de dysfonction VG, à la durée du support inotrope postopératoire requis et à la durée de la ventilation mécanique [22]. Dans notre série, une élévation marquée du taux de l’IL-8 était observée chez les patients ayant une complication cardiaque tel que l’IDM postopératoire et les troubles conductifs, et chez les patients décédés d’une complication cardiaque et les patients ayant un sepsis. Une étude statistiquement fiable n’est pas possible compte tenu du faible échantillon. IL-10 est une interleukine anti-inflammatoire et immunosuppressive qui inhibe l’activation des monocytes/macrophages et régule la biosynthèse de TNFα et IL-1β, tout en empêchant leur action biologique via une régulation de l’IL-1ra. L’IL-10 diminue également l’adhésion leucocytaire et réduit leur migration vers les sites d’inflammation [23]. Ensemble, ces médiateurs servent à limiter les effets potentiellement préjudiciables des réactions inflammatoires excessives et notamment post-CEC [24]. Plusieurs études récentes ont montré que l’administration thérapeutique précoce d’IL-10 est efficace pour prévenir la montée initiale de TNFα, observée après le choc hémorragique et traumatique [25] et également pour réduire le SRIS observé au cours des chocs septiques et au cours des lésions induites par le syndrome d’ischémie reperfusion [26]. Dans notre série, le taux de l’IL-10 était plus élevé en cas de décès d’origine cardiaque et plus particulièrement après IDM postopératoire, la survenue de troubles conductifs et de saignement. Les taux de TNFα de base étaient élevés, chez la quasi-totalité de nos patients, et sa cinétique était marquée par une élévation dès le déclampage aortique avec des pics tardifs, contrairement à ceux rapportés par d’autres auteurs qui trouvent des pics beaucoup plus précoces entre 4 et 6 heures postdéclampage. Selon certains auteurs, un taux de base élevé du TNFα serait corrélé à un syndrome de réponse inflammatoire systémique plus sévère en post-CEC. En effet, E. Hill et al. [27] ont évalué le taux de sTNF-R (récepteur soluble de TNFα) en période préopératoire qui renseigne sur le taux de TNFα sérique de base. Ils ont conclu que si ces taux sont élevés à l’état de base, ils pourraient influencer négativement l’évolution postopératoire en exposant les malades à des complications et qu’un taux élevé de sTNF-R est considéré comme facteur indépendant prédicteur de complications tout en tenant compte des autres marqueurs, de l’âge et de l’EuroSCORE. Des taux élevés de TNFα sont associés à la survenue postopératoire de dysfonction contractile VG non attribuable ni à l’âge ni aux autres comorbidités [22]. Dans notre série, le taux du TNFα était élevé chez les patients décédés d’une complication cardiaque, chez les patients ayant présenté une fibrillation auriculaire et des troubles de la conduction postopératoires. Le tableau 5 résume l’impact du type de la cardioplégie et le médiateur de l’inflammation sur l’état clinique des patients.   Tableau 5. Impact clinique des différents marqueurs de l’inflammation. Cardioplégie froide (cf) Cardioplégie chaude (cc) Effet sur la fonction contractile du ventricule gauche TNFα IL-8 [22] TNFα IL-8 [22] Effet sur la fonction contractile du ventricule droite Effet délétère [9,10,17]   Effet protecteur [9,10] Durée ventilation mécanique IL-8 [22] IL-8 [22] Durée de nécessité d’un support inotrope Bas débit post-CEC IL-6 [22] IL-6 [22], - [12] Taux de saignement IL-6 [20] Difficulté de sevrage de respirateur IL-6 [20] Lésions myocardiques, acidose Plus marquée [14] Mortalité Faible taux par rapport cf sans être statistiquement significatif [13] En rouge : constatation d’un taux élevé (effet délétère) ; [ ] : référence bibliographique.   L’étude et la compréhension des mécanismes physiopathologiques du SRIS aideront à apporter des thérapeutiques plus ciblées afin de prévenir ces défaillances systémiques pendant et après la CEC. Diverses études ont examiné différentes méthodes (pharmacologiques et non pharmacologiques) pour réduire cette réponse inflammatoire en postchirurgie cardiaque sous CEC, plusieurs molécules ont été testées tel que les corticostéroïdes [28-31], l’aprotinine [32-36], la milrinone [37-39], la kétamine [40-43], les statines [44,45] et la pentoxifylline [46]. Les données de ces études ne peuvent pas être comparées compte tenu de la multitude des techniques de cardioplégie utilisées, mais la majorité semble montrer un bénéfice non seulement biologique (taux de cytokines) mais aussi clinique (morbidité postopératoire). Bourbon et al. [29] ont démontré une diminution de la réaction inflammatoire en postchirurgie sous CEC après l’administration en préopératoire d’un bolus de méthylprednisolone à la dose de 10 mg/kg. Liakopoulos et al. [31] ont montré un effet protecteur a la corticothérapie préopératoire à base de méthylprednisolone donnée à la dose de 15 mg/kg en bolus. Les mêmes auteurs ont démontré un effet cardioprotecteur des statines avec baisse post-CEC des taux de l’IL-6 et IL-10 [45]. Later et al. [36] ont montré une baisse de la procalcitonine et de l’IL-6 chez les patients mis sous aprotinine. Iskesen I et al. [47] ont démontré un effet cardioprotecteur du pentoxifylline administré par voie orale en préopératoire en inhibant les cytokines pro-inflammatoires. Une baisse des cytokines pro-inflammatoires a été aussi notée par Gong et al. [38] après inhalation en pré-CEC de milrinone. Hayashida et al. [39] ont démontré une baisse de l’IL-6 sous milrinone en baissant l’adénosine monophosphate cyclique. Concernant l’effet de la kétamine sur la réaction inflammatoire post-CEC, Bartoc et al. [42] ont démontré une baisse de l’IL-6 et de l’IL-10 sous faible dose de kétamine (0,25 mg/kg). Roytblat et al. [43] ont démontré une baisse de l’IL-6 sous kétamine à la dose de 0,25 mg/kg. Cao et al. [44] ont démontré une baisse de l’IL-6 et IL-8 sous kétamine. Le tableau 6 résume l’effet de ces différentes molécules sur le taux des interleukines. Tableau 6. Impact des différentes molécules sur le taux des marqueurs de l’inflammation.   Marqueur biologique/ traitement   Troponine CRP IL-1 IL-3 IL-6 IL-8 IL-10 TNFα Corticothérapie     + [31]       + [29-31]   + [31]   + [30] - [31] + [29,30]   Statines + [46] - [46] ↗ [46] - [46] Pentoxyphilline + [47] + [47] + [47] Milrinone + [39] + [38,39] +(38) Kétamine + [42] + [42] + [40] + [43] + [44] - [42] + [40] + [42] ↗ [40] Aprotinine    + [35,36]   + : effet bénéfique (taux diminué) ; - : effet négatif ; ↗ : augmentation du taux ; [ ] : référence bibliographique. Bien qu’il s’agisse d’une étude prospective et randomisée, notre faible échantillon de 15 patients dans chaque groupe (avec un pouvoir statistique de l’étude ß = 0,49) limite nos conclusions dans leurs applications et limite l’analyse dans les sous-groupes. D’autre part, les cytokines sériques ne représentent que « la partie visible de l’iceberg » et des techniques de biologie moléculaire étudiant l’expression des gènes des cytokines seraient plus appropriées.  Notre étude est, à notre connaissance, une des premières menées dans le domaine de la chirurgie cardiaque tunisienne, la validation de nos conclusions requiert des confirmations par l’étude d’effectifs plus larges.   5. Conclusion À l’instar de plusieurs études, aucune différence significative n’a été constatée chez les patients opérés pour revascularisation coronaire par pontage aortocoronaire en utilisant une cardioplégie chaude ou froide, en ce qui concerne la mortalité hospitalière, les complications postopératoires et le SRIS, en se basant sur le dosage des médiateurs de l’inflammation (les interleukines et le TNF) et le dosage de la troponine comme marqueur myocardique.   Références Gerardin Marais M, Allorent S, Maupetit JC, Furic I, Duveau D. 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décembre 8, 2017
Chirurgie cardiaque · Vol. 21 Septembre 2017

Cardioplégie par Custodiol® en chirurgie cardiaque valvulaire : expérience monocentrique

Salah Eddine Boulmakoul1, Marouane Ouazzani1, Gianluca Samarani2, Aniss Seghrouchni1, Thomas Gandet1, Philippe Rouvière1, Jean-Marc Frapier1, Bernard Albat1, Roland Demaria1*   1. Département de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, hôpital universitaire Arnaud de Villeneuve, CHU de Montpellier, France. 2. Département d’anesthésie réanimation, hôpital universitaire Arnaud de Villeneuve, CHU de Montpellier, France. * Correspondance : r-demaria@chu-montpellier.fr DOI : 10.24399/JCTCV21-3-DEM Citation : Boulmakoul SE, Ouazzani M, Samarani G, Seghrouchni A, Gandet T, Rouvière P, Frapier JM, Albat B, Demaria R. Cardioplégie par Custodiol® en chirurgie cardiaque valvulaire : expérience monocentrique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-DEM   Résumé Introduction : Le Custodiol® est une solution cardioplégique qui nécessite le plus souvent qu’une seule injection pour la protection myocardique en chirurgie cardiaque. L’objectif de cette étude est de rapporter l’expérience initiale du service de chirurgie cardiaque du CHU de Montpellier et d'évaluer les résultats per et post opératoires de la chirurgie cardiaque valvulaire dont la protection myocardique est assurée par le Custodiol®. Méthodes : 113 patients qui ont bénéficié  d’une chirurgie valvulaire en utilisant une  protection myocardique par le Custodiol® au CHU de Montpellier ont été inclus. Les données préopératoires, per et postopératoires ont été recueillies de manière rétrospective. Résultats : l'âge moyen était de 67 ans. La durée moyenne de la circulation extra-corporelle (CEC) était de 157 min avec une moyenne de clampage aortique à 106 minutes. L’incidence de la fibrillation ventriculaire  après déclampage aortique était  de 38 % et le recours aux médications inotropes était de 45 %, la fibrillation auriculaire est passée de 51 % en préopératoire à 58 % chez les patients opérés. La moyenne de la fraction d’éjection est passée de 56 % à 50 % et celle du TAPSE  est passée de 19 mm  à 12.8 mm. La mortalité hospitalière était de 1,7 %. Les opérés avec une durée de clampage > 90 min avaient plus de recours aux inotropes (p = 0,0037). Conclusion : Dans cette étude, le recours aux médications inotropes est lié à la durée de clampage aortique qui dépasse 90 minutes. Les résultats postopératoires de Custodiol®  restent satisfaisants, comme dans plusieurs  études déjà publiées, avec l’avantage de la simplification technique de l’injection unique.   Abstract Introduction: Custodiol® is a cardioplegic solution that requires usually only one injection for myocardial protection in cardiac surgery. The objective of this study is to report the experience of the cardiac surgery department of Montpellier University hospital and to evaluate the per and postoperative results of valvular cardiac surgery whose myocardial protection is provided by Custodiol®. Method: Patients (n = 113) who underwent valvular surgery using Custodiol® for myocardial protection at the Montpellier CHU were included. Pre-, peri-, and postoperative data were collected retrospectively. Results: The mean age was 67 years. The mean duration of cardiopulmonary bypass (CPB) was 157 min with a mean aortic clamping time of 106 min. The incidence of ventricular fibrillation after aortic disclamping was 38% and inotropic use was 45%, atrial fibrillation increased from 51% preoperatively to 58% in operated patients. The average of the ejection fraction increased from 56% to 50% and the TAPSE increased from 19 mm to 12.8 mm. Hospital mortality was 1.7%. The patients with a time duration of clamping superior to 90 min had more necessity to inotropes drugs (p=0.0037). Conclusion: In this study, the use of inotropes is related to aortic clamping time exceeding 90 min. Postoperative Custodiol® results remain satisfactory as well as in several published studies, with the one shot advantage.   1. INTRODUCTION L’objectif de la cardioplégie en chirurgie cardiaque est de réduire au maximum la consommation en oxygène du cœur en paralysant l’activité cardiaque, de contrecarrer les effets délétères de l’ischémie myocardique et de limiter les conséquences du métabolisme anaérobie et de la reperfusion. Les solutions de cardioplégie sont utilisées régulièrement depuis le début des années 1970. Leurs compositions ont évolué et plusieurs types de solution de cardioplégie peuvent être utilisées actuellement, instillées par différentes voies d’administration, à différentes températures, selon différents protocoles, et qui reposent essentiellement sur les habitudes et l’historique de chaque service. On dit d’ailleurs qu’il y a autant de méthodes différentes de cardioplégie qu’il y a de services de chirurgie cardiaque… Cependant, l’amélioration progressive des techniques de protection du myocarde a permis une évolution de la chirurgie cardiaque vers des opérations plus sûres et la réalisation d’interventions plus longues chez des patients ayant des facteurs de risque plus importants. Pourtant, l’imperfection des résultats cliniques apporte la preuve des limites des techniques actuellement adoptées. Le choix entre la cardioplégie cristalloïde intra ou extracellulaire ou la cardioplégie sanguine demeure un sujet de controverse entre les différentes équipes. Aucune ne s’est réellement imposée à tous, chaque équipe utilisant ce qui lui semble le mieux et ce dont elle a le plus l’habitude. Le Custodiol® (Köhler Chemie (Allemagne), distribué en France par EUSA Pharma) est une solution cardioplégique de type intracellulaire dont le principe a été développé en Allemagne par Bretschneider il y a déjà plusieurs décennies [4]. Elle est très utilisée comme cardioplégie en chirurgie cardiaque, et depuis longtemps, notamment en Allemagne, dans de gros centres référents reconnus internationalement. Son utilisation ne nécessite le plus souvent qu’une seule injection pour des procédures complexes de chirurgie cardiaque, le temps de clampage de l’aorte pouvant ainsi être prolongé sans que soit renouvelée l’injection de cardioplégie, évitant ainsi des risques traumatiques sur le cœur ou les coronaires, et permettant au chirurgien de poursuivre sans interruption son geste opératoire, pour une plus grande efficacité chirurgicale et un temps de clampage total plus court. Le Custodiol® a donc été enregistré en tant que cardioplégie dans plusieurs pays. Cependant, ce produit a une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France depuis 2008 en tant que produit thérapeutique annexe avec l’indication : solution de rinçage et de conservation hypothermique pour la préservation d’organes (cœur, rein, foie, pancréas). Le 19 décembre 2014, l'ANSM a accordé  une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) dite "de cohorte" pour la spécialité Custodiol®, comme solution de cardioplégie. Pour toutes ces considérations, il nous a paru intéressant de rapporter l’expérience initiale du service de chirurgie cardiaque de Montpellier qui a choisi ce produit notamment pour la chirurgie mitrale vidéo-assistée, et d'évaluer les résultats post opératoires de la chirurgie cardiaque valvulaire dont la protection myocardique est assurée par le Custodiol®.   2. MATÉRIELS ET MÉTHODES   2.1. Custodiol® : composition et protocole d’utilisation La composition de la solution de Custodiol® est détaillée dans le tableau ci-dessous (tableau 1) [5]. Elle  est caractérisée par une faible teneur en sodium et en calcium. L’histidine possède une excellente capacité tampon et permet la neutralisation de  l’acidose intracellulaire causée par les métabolites pendant l’ischémie et limite ainsi les lésions secondaires à la reperfusion. Le mannitol minimise l’œdème tissulaire et réduit  les lésions oxydatives en piégeant les radicaux libres [2]. Les cétoglutamates sont des précurseurs du cycle de Krebs et  améliorent  la production de l’ATP pendant la reperfusion. Le tryptophane a un rôle important dans la stabilisation de la membrane cellulaire des cardiomyocytes [5].   COMPOSITION Na+ (mmol/L) 15 K+ (mmol/L) 9 Mg2+ (mmol/L) 4 Ca2+ (mmol/L) 0,015 Histidine (mmol/L) 198 Tryptophan (mmol/L) 2 Ketoglutarate (mmol/L) 1 Mannitol (mmol/L) 30 pH 7,02-1,20 PROTOCOLE D’UTILISATION Volume de perfusion (L) 1,5 à 2 Pression de perfusion  au niveau de la racine de l’aorte (mmHg) 100-110 Durée de perfusion (min) 6 à 8 Température de perfusion (°C) 5 à 8 Tableau 1. Compositions et protocole d’utilisation de Custodiol®.   Le protocole d’utilisation (Tableau 1) est très important à respecter [18]. Le Custodiol® est administré par le perfusionniste pendant l'opération, à une température de 5-8°C dans le cœur pendant 7-8 minutes en gardant une pression de perfusion entre 100-110 mmHg au niveau de la racine de l’aorte jusqu’à l’arrêt électrique du myocarde et en continuant la perfusion avec une pression de 40 à 50 mmHg après l’arrêt. La température centrale du patient est à 34°C. Une nouvelle administration de Custodiol® peut être nécessaire en cas de reprise d’une activité électrique ou électromécanique  prolongée (on constate souvent une reprise éphémère qui se corrige seule) ou en cas de temps de clampage prolongé supérieur à 2h30 minutes. En cas d’insuffisance aortique significative, il faut canuler et perfuser simultanément les 2 ostia coronaires suivant les mêmes recommandations que pour une perfusion dans la racine de l’aorte (mêmes pressions et même durée de perfusion) [18]. En cas de multiples sténoses coronaires ou de gestes chirurgicaux complexes, une double cardioplégie antérograde puis rétrograde pourrait être nécessaire sans dépasser 30 mmHg de pression de perfusion rétrograde (soit un débit d’environ 250ml/min). En pratique, il faut perfuser les deux tiers du volume par voie antérograde puis le tiers restant par voie rétrograde [18]. De fait, nous n’avons pas réalisé de voie rétrograde avec ce produit. Avant le déclampage, il ne faut pas faire une reperfusion au sang. Si une intervention est commencée avec un type de cardioplégie (Custodiol®ou sang), il ne faut pas changer en cours de procédure de produit de cardioplégie mais rester sur le produit initial puisque les mécanismes d’action pour l’arrêt cardiaque sont différents (Pour la cardioplégie sanguine, l’augmentation de la concentration de potassium dans le milieu extracellulaire diminue le potentiel de repos des cardiomyocytes et finit par les dépolariser, alors que pour le Custodiol®, l’arrêt se fait par l’hyperpolarisation du fait de sa faible teneur en sodium) [18].   2.2. Description de l’étude Il s’agit d’une étude rétrospective incluant 113 patients durant une période allant du mois de janvier 2013 au mois d’août 2016. On a inclus  tous les patients qui ont bénéficié  d’une chirurgie valvulaire (chirurgie mitrale ou mitro-aortique par sternotomie ; chirurgie mitrale, aortique ou mitro-aortique associée à un pontage coronarien ; chirurgie mitrale mini-invasive vidéo-assistée) en utilisant une protection myocardique par le Custodiol®, avec exclusion des patients qui ont bénéficié d’une chirurgie isolée de la valve aortique (itérative ou associée à un remplacement de l’aorte ascendante). Les opérés dont les données colligées se sont avérées insuffisantes à l’exploitation sont exclus. La décision d'utiliser la cardioplégie par Custodiol® a été prise par le chirurgien, le perfusionniste et l'anesthésiste. L’indication de son utilisation a été discutée devant toute chirurgie valvulaire dont le temps de clampage aortique prévu ou anticipé était supérieur à 90 min (chirurgie mitrale, chirurgie valvulaire multiple ou associée à un pontage coronarien, chirurgie redux).   2.3. Recueil et analyse des données Le recueil des données per opératoires a été réalisé à partir des cahiers de compte rendu opératoires et des cahiers de CEC. Le recueil des données pré et postopératoires a été effectué à partir des dossiers médicaux archivés. Toutes les données recueillies sont codées et saisies selon le logiciel EPI INFO (OMS). Les variables quantitatives ont été exprimées en valeur moyenne ± écart type et les variables qualitatives en pourcentage. Concernant la comparaison des proportions, nous avons utilisé le test de Chi 2 ou le test de Fisher. Le seuil de signification statistique a été fixé à 5 %. Une régression logistique multivariée a été réalisée pour prendre en compte des facteurs qui peuvent influencer les résultats.   2.4. Protocoles opératoires et postopératoires Parmi les 113 patients étudiés, 86 (76,1%) ont été opérés pour remplacement ou réparation valvulaire  par sternotomie médiane longitudinale sous une circulation extra corporelle entre l’oreillette droite et l’aorte ascendante, idéalement à 34 °C. La composition et le protocole de perfusion sont montrés dans le tableau 1. Vingt-sept patients (24 %) ont bénéficié d’un remplacement ou d’une réparation mitrale par mini-thoracotomie droite vidéo-assistée sous une CEC par voie fémorale en hypothermie. La cardioplégie a été administrée  par voie antérograde chez tous les cas étudiés. Les patients étaient transférés dans le service de réanimation chirurgicale cardiovasculaire après l’intervention, puis en hospitalisation conventionnelle. Une échographie cardiaque transthoracique de contrôle était réalisée avant la sortie du patient par les cardiologues au service des explorations cardiovasculaires.   3. RÉSULTATS   3.1. Les données préopératoires Les données préopératoires sont résumées dans le tableau 2. L'étude a concerné 113  patients d'âge moyen de 67 ans ± 11,6, ils se répartissent en 43 femmes (38 %) et 70 hommes (62 %) avec un sexe ratio de 1,62. Quatre patients avaient des antécédents de chirurgie cardiaque, et 58 (51 %) patients étaient en arythmie complète par fibrillation auriculaire. Le diagnostic d'endocardite infectieuse est porté chez 3 patients. L’atteinte valvulaire  rhumatismale a été notée chez 9 % des cas étudiés. La FE moyenne était de 56,1 % ± 11 % et des extrêmes de 27 et 77 %. Une fraction d’éjection inférieure à 50 % a été retrouvée chez 27 patients (23,9 %). Le TAPSE moyen était de  19,5 mm ± 5,8 avec une fonction ventriculaire droite altérée chez 12,8 % des cas étudiés. Les données préopératoires stratifiées selon les procédures chirurgicales réalisées sont détaillées dans le tableau 2.   Pourcentages ou moyennes Écart type Min-Max Âge (ans) 67,02 11,59 21-85 Sexe (homme) 70 (61,94 %) - - Taille (cm) 171,45 11,76 149-192 Poids (kg) 73,47 16,25 44-119 IMC 25,21 4,49 17,13-39,66 Surface cutanée (m2) 1,82 0,20 1,4-2,3 Antécédent de chirurgie cardiaque (Redux) 4 (3,53 %) - - Endocardite infectieuse 3 (2,65 %) - - Antécédents de valvuloplastie mitrale percutanée (VMP) 2 (1,76 %) - - Indication urgente 4 (3,53 %) - - Arythmie complète par fibrillation auriculaire 58 (51,32 %) - - Fraction d’éjection 56,17 10,99 27-77 TAPSE (mm) 19,51 5,8 11-36 PAPs (mmhg) 46,42 15,88 20-80 Tableau 2. Les données préopératoires des patients étudiés. IMC : index de masse corporelle ; TAPSE : tricuspid annular plane systolic excursion ; PAPs : pression artérielle pulmonaire systolique. 3.2. Les procédures chirurgicales réalisées Cinquante-deux patients (46 %) ont bénéficié d’une chirurgie mitrale (17 plasties + 35 remplacements) par sternotomie avec réparation ou remplacement de la valve tricuspide chez 37 (71 %) opérés (Figure 1). Une chirurgie mitro-aortique a été notée chez 10 (9 %) cas avec réparation ou remplacement de la valve tricuspide chez 6 patients. La chirurgie mini-invasive de la valve mitrale constitue 24 % (n = 27) de tous les cas étudiés (17 plasties et 10 remplacements). Les chirurgies valvulaires associées à une  revascularisation par pontage aorto coronarien sont réalisées au cours de 24 procédures (21 %). Toutes ont été associées à un geste valvulaire aortique, ou mitrale et aortique avec ou sans chirurgie de la valve tricuspide (Figure 1). [caption id="attachment_3886" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Les procédures chirurgicales réalisées.[/caption]     3.3. Les données de la circulation extracorporelle (CEC) La durée moyenne de la circulation extra corporelle au cours des différentes procédures était de 157 ± 46 minutes (Tableau 3). La durée moyenne de clampage aortique était de 106 ± 32 minutes avec une durée supérieure à 90 minutes pour 80 patients (70 %). L’incidence de fibrillation ventriculaire  après déclampage aortique a été notée chez 44 patients (39 %) avec un  recours aux médications inotropes chez 51 patients (45 %). Les données stratifiées selon les procédures chirurgicales réalisées sont détaillées dans le tableau 3. Ensemble des procédures Chirurgie mitrale ± tricuspide (sternotomie) Chirurgie mitro-aortique ± tricuspide (sternotomie) Chirurgie combinée (valve +pontage) Chirurgie mitrale vidéo-assistée n=113 n=52 n=10 n=24 n=27 Temps de CEC (minutes) 157±46 138±26 172±27 156±34 174±55 Temps de clampage aortique (minutes) 106±32 96±23 109±48 99±21 110±37 Durée d'assistance (minutes) 29±21 24±7 44±10 26±19 36±26 Quantité de Custodiol® (ml) 1793±493 1769±328 1590±583 1756±270 1948±781 Réinjection Custodiol® 11(9.7%) 5(9.6%) 2(20%) 1(4.1%) 3(11%) Défibrillation 44(38%) 22(42%) 4(40%) 11(45%) 7(26%) Inotropres 51(45%) 25(48%) 4(40%) 11(45%) 11(40%) Tableau 3. Les données de la circulation extracorporelle.   3.4. Les résultats postopératoires Le contrôle hospitalier post-opératoire est résumé dans le tableau 4. On note une augmentation de  la fréquence de la fibrillation auriculaire qui est passée de 51 % en préopératoire à 58 % chez les patients opérés. La moyenne de la fraction d’éjection est passée de 56 % à 50 % en postopératoire, et  la moyenne du TAPSE  est passée de 19,5  à 12,8 mm. Les patients ont séjourné en moyenne 2 jours en réanimation avec un taux de mortalité hospitalière de 1, 7 %  (2 cas). Le tableau 5 montre la stratification des résultats post opératoires par rapport à la durée de clampage aortique (inférieure ou supérieure à 90 minutes). La fibrillation auriculaire, l’altération de la fraction d’éjection et le TAPSE postopératoire ainsi que le recours aux inotropes et à la défibrillation sont plus fréquents au cours des interventions où la durée de clampage aortique dépasse 90 min. Les différences ne sont pas statistiquement significatives dans l’analyse univariée et multivariée (en prenant en compte la fraction d’éjection du ventricule gauche, la fonction ventriculaire droite, la fibrillation auriculaire, et les procédures chirurgicales réalisées) sauf pour l’utilisation des inotropes qui est liée à la durée du clampage aortique (>90 min) (p = 0,0037).   Ensemble des procédures Chirurgie mitrale ± tricuspide (sternotomie) Chirurgie mitro-aortique ± tricuspide (sternotomie) Chirurgie combinée (valve +pontage) Chirurgie mitrale vidéo-assistée n=113 n=52 n=10 n=24 n=27 Arythmie complète par fibrillation auriculaire 66(58%) 31(59%) 8(80%) 15(62%) 12(44%) Fraction d’éjection 50±10 49±11 46±13 49±9 52±9 TAPSE 12.8±4 12±3 12±4 11±2 14±3 PAPs 35±9 39±13 43±13 39±9 33±7 Séjours en réanimation 1.9±1 2.1±1 2±3 2±1 1.4±1 Mortalité 2(1.7%) 1(1.9%) 0 1(4%) 0 Tableau 4. Les résultats postopératoires. TAPSE : tricuspid annular plane systolic excursion ; PAPs : pression artérielle pulmonaire systolique.   Clampage Aortique Analyse univariée Analyse multivariée <90 min n=33 >90 min n=80 p Mesure d’association ajustée* IC à 95%   p FA post opératoire 17(51.5%) 49(61.2%) 0.33 1.5 [0.40-5.52] 0.54 FE post-op <50 20(60.6%) 52(65%) 0.65 1.39 [0.38-5.03] 0.61 TAPSE post- op <15 8(24.2%) 32(40%) 0.11 1.92 [0.55-6.65] 0.3 Recours aux inotropres) 9(27.3%) 42(52.5%) 0.014 12.72 [2.28-70.96] 0.0037 Fibrillation ventriculaire après déclampage aortique 12(36.4%) 32(40%) 0.71 1.6 [0.5-5.18] 0.42 Tableau 5. Stratification des résultats selon la durée de clampage aortique. *Modèle ajusté : les mesures d’association (Odd Ratio ajusté) présentées sont ajustées par l’analyse multivariée sur : FE altérée, TAPSE <15 mm, fibrillation auriculaire, et les procédures chirurgicales réalisées [chirurgie mitrale ou mitro-aortique par sternotomie ; chirurgie mitrale vidéo-assistée ; chirurgie combinée (valve+pontage)] FA : fibrillation auriculaire ; FE : fraction d’éjection ; TAPSE : tricuspid annular plane systolic excursion.   4. DISCUSSION   4.1. Analyse comparative de la série Les tableaux 6, 7 et 8 décrivent et résument les différentes données préopératoires, postopératoires et de la circulation extracorporelle de 6 études qui ont été réalisées sur le Custodiol® comme solution de cardioplégie pour  des différentes procédures chirurgicales en chirurgie cardiaque.   Auteur Période d’étude Institution Gestes chirurgicaux réalisés Nombre de cas étudiés Sakata [1] 1994-1996 Sapporo Medical University School of Medicine, Japon Annuloplastie Devega RVT PC   20 Savini [3] 2003-2012 S. Orsola-Malpighi Hospital, University of Bologna, Bologne, Italie Plastie mitrale mini-invasive 49 Boros [6] 2011-2013 University of Arizona Medical Center, Tucson, États-Unis RVAo RVM PC Chirurgie combinée 63   RVAo 26 Braathen [7] 2007-2009 Oslo University Hospital Ulleva°l, Norvège RVM (11 %) Plastie mitrale (89 %) Ablation FA (16 %) 38 Gaudino [8] 2007-2008 Department of Cardiac Surgery, Catholic University, Rome, Italie RVM (29,1 %) Plastie mitrale (70,9 %) 31 Viana [9] 2005-2011 Monash Medical Center, Clayton, Australie Chirurgie valvulaire Chirurgie de l’aorte ascendante PC Chirurgie combinée 126 Tableau 6. Description des études publiées. RVT : remplacement de la valve tricuspide ; PC : pontage coronarien ; RVAo : remplacement de la valve aortique ; RVM : remplacement de la valve mitrale ; FA : fibrillation auriculaire.   Auteur Âge moyen Sexe : % hommes Antécédent chirurgie cardiaque (Redux) FA préop FE préop TAPSE préop Sakata [1] 58 35 % 5 (25 %) - - - Savini [3] 57,3 71,8 % - 10,4 % 63,7 % - Boros [6] (tous les patients) 65,27 % 60,3 % 22,2 % 31,7 % 57,28 % - RVAo 69,53 % 60 % 28 % 28 % 54,66 % - Braathen [7] 59 89 % - - - - Gaudin [8] (tous les patients) 64 80,65 % - - - - Patients avec TAPSE >15 - - - - 59,7 % 48,4 % des patients ont un TAPSE > 15 Patients avec TAPSE < 15 - - - - 53,1 % 51,6% des patients ont un TAPSE < 15 Viana [9] 64 71 % 15 % 24 % Dysfonction VG sévère (6 %) - Tableau 7. Données préopératoires des études publiées. FA : fibrillation auriculaire ; FE : fraction d’éjection ; RVAo : remplacement de la valve aortique ; TAPSE : tricuspid annular plane systolic excursion ; VG : ventricule gauche.   Auteur Durée CEC Durée clampage aortique FV Quantité Custodiol® FA postop FE postop TAPSE postop Inotropes Mortalité Sakata [1] 201 124 10 % - - - - Savini [3] 148 97 24,5 % - 24,49 % 61,2 % - 10,2 % (prolongé) 0 % Boros [6] 124,76 89,02 - - 23,8 % - - 4,8 % RVAo 100 76,69 - - 30,7 % - - 7,7 % Braathen [7] 107 75 71 % 1794 21 % 27 % 0 % Gaudino [8] 92 71 80,64 % - - - - - - Patients avec TAPSE < 15 (préop) 93 70 - - 6 +/- 2 29 % 3,2 % Patients Avec TAPSE>15 (préop) 93 71 - - - 19,35 % 0 % Viana [9] 215 153 - - - - - 6 % Tableau 8. Données de CEC et postopératoires des études publiées. CEC : circulation extracorporelle ; FV : fibrillation ventriculaire ; FA : fibrillation auriculaire ; FE : fraction d’éjection ; TAPSE : tricuspid annular plane systolic excursion ; RVAo : remplacement de la valve aortique.   4.1.1. Fonction ventriculaire gauche et droite en postopératoire Les publications qui rapportent et évaluent la fraction d’éjection du ventricule gauche  et le TAPSE post opératoires sont très rares.  Dans cette série, la moyenne de la fraction d’éjection post opératoire (50%) est inférieure à celle rapportée par Savini (61,2%) [3] dans une  étude  sur la chirurgie mini-invasive de la valve mitrale. Cette différence peut s’expliquer par la durée de la CEC et de clampage aortique qui sont  relativement plus longues vu la nature et le nombre des procédures chirurgicales valvulaires réalisées dans notre série. Généralement, toute intervention sous circulation extracorporelle  porte transitoirement atteinte à la fonction myocardique, cette dysfonction sera d’autant plus sévère que la fonction préopératoire est abaissée et que l’opération pratiquée est à haut risque [10]. Le remplacement de la valve aortique pour rétrécissement serré et la cure chirurgicale de communication inter-auriculaire sont pratiquement les seules circonstances où le ventricule gauche est dans une meilleure situation qu’avant l’intervention [12]. La moyenne de TAPSE post opératoire dans notre étude est supérieure à celle rapportée par Gaudino [8]. Cette différence s’explique par son évaluation du TAPSE post opératoire exclusivement chez les patients qui avaient une fonction ventriculaire droite altérée avant la chirurgie de la valve mitrale.   4.1.2. Les arythmies : fibrillation auriculaire et ventriculaire Dans notre série l’incidence de la fibrillation ventriculaire au déclampage est de 38 %. Ce taux est très variable dans la littérature allant de 10 à 80,64 % [1,3,7,8]. Nous avons noté 66 cas d’arythmie complète par FA en postopératoire soit 58 %, ce qui est un pourcentage plus élevé par rapport à d’autres séries [3,6,7]. Ceci s’explique par un taux plus élevé de patients dans notre étude qui avaient une FA en préopératoire. Selon certaines études [13], l’incidence de la FA après chirurgie cardiaque est élevée. Elle survient plus fréquemment après chirurgie valvulaire (moyenne 50 %) qu’après chirurgie coronarienne (moyenne 28 %). Elle apparaît en général aux 2es–4es jours postopératoires, au pic de la réaction inflammatoire, et dure souvent moins de 48 heures chez 50 % des patients [14]. Le principal facteur incriminé dans son déclenchement est l’âge, mais d’autres facteurs entrent en ligne de compte [12] : la dilatation de l’oreillette gauche (OG), l’hypertension artérielle, l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), le sexe masculin, l’hypomagnésémie, l’hypothyroïdisme, le type de la canulation auriculaire et la durée du clampage aortique [15,16].   4.1.3. Le recours aux inotropes Le recours aux inotropes dans la série étudiée était de 45 %. Son utilisation est statistiquement significative après un clampage aortique supérieur à 90 min. Ce taux est plus élevé par rapport aux études publiées par Savini [3] et Braathen [7]. Ceci s’explique par une durée de CEC et une durée de clampage aortique plus importantes dans notre étude. Il s’explique aussi par le choix de donner ou non des inotropes (ou vasoactifs) en per et postopératoire immédiat, choix personnel de l’anesthésiste-réanimateur en charge du patient à l’instant de la décision. Généralement, la fonction ventriculaire baisse progressivement après la CEC nécessitant la perfusion des inotropes. La récupération prend 8 à 24 heures. Cette dysfonction est d’autant plus sévère que l’atteinte ventriculaire était préexistante et que l’opération était longue et complexe [14].   4.2. Custodiol° comparé à la cardioplégie sanguine : données de la littérature Dans la cardioplégie sanguine, la nécessité de répéter les injections peut engendrer des complications propres, notamment traumatiques, et  entraver le bon déroulement de certains gestes chirurgicaux ou être rendue difficile par la technique chirurgicale ou la voie d'abord. Il est arrivé des cas de déchirures des oreillettes, des veines caves, notamment chez des sujets âgés en chirurgie mitrale et tricuspidienne, à force d’installer et de réinstaller les rétracteurs pour faire la cardioplégie efficacement. Les déchirures aiguës des ostia coronaires, sur des traumatismes de canulation pour cardioplégie ont entraîné des arrêts cardiaques par thrombose ou dissection des coronaires. Enfin, il est classique, bien que rare, d’observer des sténoses ostiales coronaire de développement chronique après canulation des ostia pour cardioplégie. L’utilisation de Custodiol° affranchit de tous ces risques parfois mortels. Sakata dans son étude comparative [1] a trouvé plus de défibrillations spontanées et moins de recours aux ionotropes en utilisant le Custodiol® par rapport à la cardioplégie sanguine. Cependant, Fannelop [16] dans une étude expérimentale, a révélé que la cardioplégie sanguine froide permet une meilleure protection myocardique et une meilleure préservation de la fonction ventriculaire gauche que la solution de Custodiol° dans les premières heures après le déclampage aortique. Baathen [7], dans son étude randomisée se basant sur l’évaluation et la mesure de CPK-MB et de Troponine T, a démontré que la solution de Custodiol° en chirurgie mitrale protège le myocarde aussi bien par rapport à la cardioplégie sanguine froide antérograde. Par contre, son étude a relevé plus de fibrillation ventriculaire en utilisant la solution de Custodiol®. La fonction ventriculaire droite est un facteur pronostique important dans la chirurgie de la valve mitrale et dans la survie [17], ainsi sa protection est d’une importance primordiale. L’étude randomisée de Gaudino [8] a remis en question l’efficacité de la protection myocardique du ventricule droit offerte par la solution de Custodiol® en la comparant à la cardioplégie sanguine. Chez les patients ayant une fonction ventriculaire droite altérée (TAPSE < 15) en préopératoire, les résultats de la cardioplégie sanguine étaient supérieurs par rapport à la solution de Custodiol® concernant le volume et la fraction d’éjection du ventricule droit. Par contre, Viana [9] a démontré, dans une étude comparative entre le Custodiol® et la cardioplégie sanguine chez 1900 patients, qu’il n y a pas de différence significative de tous les paramètres étudiés, en particulier la mortalité et la morbidité postopératoires, entre les deux groupes. Concernant la chirurgie mitrale mini-invasive, Inna Kammerer [19] a trouvé dans une étude comparative et prospective entre le Custodiol® et la cardioplégie sanguine que la cardioplégie au Custodiol® protège mieux le myocarde par rapport à la cardioplégie sanguine en évaluant la mesure de CPK-MB (différence significative après 6h) et de Troponine I (différence significative après 48h de l’intervention). Par contre, cette étude a relevé plus de recours à la défibrillation ventriculaire en utilisant la solution de Custodiol®. Dans une étude rétrospective et non comparative avec d’autre solution de cardioplégie, Savini [3] a démontré qu’il n y a pas de différence significative dans la mesure de CPK-MB après un clampage aortique supérieur à 100 min dans la chirurgie mitrale mini-invasive. Sur le plan technique, l’utilisation d’une solution de cardioplégie  doit tenir compte des contraintes chirurgicales et surtout ne pas allonger le temps d’intervention afin d’éviter un temps de clampage trop long. Dans la cardioplégie sanguine la perfusion répétée par voie antérograde est une alternative qui néanmoins rallonge le temps d’intervention (nécessite d’interrompre le geste à chaque nouvelle injection) alors que la cardioplégie  au Custodiol®, en cela, a moins de contraintes techniques. Dans ces dernières années, une augmentation de l’utilisation du Custodiol® dans quelques centres de chirurgie cardiaque français est observée car il apporte plus de confort opératoire (non négligeable)  aux chirurgiens. Le choix d’une solution de cardioplégie dépend de la nature de l’intervention chirurgicale (durée de clampage aortique) les habitudes et  les protocoles adoptés par chaque service. Le coût  et la disponibilité des solutions entrent également en compte dans le choix. Les cardioplégies sanguines sont les plus utilisées et leurs compositions sont variables  en fonction des centres. Parmi les avantages de cette solution de cardioplégie, sa nature physiologique, son transport de l’oxygène, et son pouvoir  tampon, mais elle pose certains problèmes techniques  pour la répétition des perfusions. Concernant le Custodiol®, il sera privilégié pour les chirurgies à durée de clampage aortique longue (chirurgie de la valve mitrale, chirurgie mini-invasive), et son efficacité  pourrait être maintenue jusqu’à 2h30min (ou 3h). Généralement, les cardioplégies cristalloïdes sont simples d’utilisation, permettent  une meilleure clarté du champ opératoire et ont une faible viscosité pour atteindre  les zones distales et dépasser les sténoses coronariennes serrées. Cependant, elles n’apportent pas d’oxygène et présentent un risque d’hémodilution.   4.3. Limites de l’étude La limite principale de cette étude est son caractère rétrospectif et non comparatif avec les autres solutions ou techniques de cardioplégie. Elle représente de plus une expérience initiale pour l’équipe, avec tout ce que cela comporte. La réalisation des ETT préopératoires et post opératoires par plusieurs  cardiologues peut biaiser ce travail puisque c’est un examen opérateur-dépendant. De plus, l’analyse de troponine et de CPK-MB, n’a pas été possible car les données disponibles n’étaient pas en nombre suffisant (hétérogénéité du per et post opératoire au bloc et en réanimation).   5. Conclusion Les propriétés de Custodiol®  permettent une durée de protection efficace contre l’ischémie jusqu’à 2h–2h30 min. de temps de clampage, évitant le recours à une nouvelle instillation, souvent gênante, voire à risque, dans la plupart des procédures chirurgicales cardiaques. Les résultats postopératoires de Custodiol® en cardioplégie restent généralement satisfaisants, notamment dans les chirurgies à clampage long. Les résultats parfois controversés sont expliqués par la grande disparité entre les différentes études, que ce soit dans le stade évolutif de la cardiopathie au moment opératoire, du type de chirurgie choisi et le nombre et la nature des procédures valvulaires réalisées. Cependant, à l’instar des équipes à gros volume de patients qui l’utilisent très régulièrement et à condition de respecter les règles d’utilisation, ce produit est très facile d’utilisation (une seule injection de cardioplégie) et donne de bons résultats finaux cliniques et échocardiographiques. Il est même parfois utilisé en systématique pour tous les patients, comme dans certains grands centres en Allemagne, ou parfois seulement utilisé pour les malades les plus complexes et les plus longs (plasties mitrales vidéo assistées, chirurgie pluri valvulaire, transplantations cardiaques) notamment pour des raisons économiques, à cause de son coût élevé. Le point important reste que les règles d’utilisation de ce produit doivent toujours être scrupuleusement respectées afin d’optimiser l’efficacité de la cardioplégie sans risque notable associé. Une étude prospective randomisée comparative complète et rigoureuse, sur une grande série de patients, prenant en compte des paramètres cliniques, électriques, échocardiographiques, biologiques notamment, sera cependant nécessaire pour scientifiquement pouvoir le comparer à la cardioplégie sanguine froide.   Références Sakata J, Morishita K, Ito T, Koshino T, Kazui T, Abe T. Comparison of clinical outcome between histidinetriptophan ketoglutalate solution and cold blood cardioplegic solution in mitral valve replacement. J Card Surg 1998; 13:43–7. https://doi.org/10.1111/j.1540-8191.1998.tb01053.x PMid:9892485 Gerardin Marais M, Allorent S. Le point sur les solutés de cardioplégie utilisés en chirurgie cardiaque. Pharm Hosp 2006;41(167):209-216. https://doi.org/10.1016/S0768-9179(06)75396-2 Savini C, Camurri N, Castelli A et al. Myocardial protection using HTK solution in minimally invasive mitral valve surgery. Heart Surg Forum 2005;8:E25YE27. 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Cet article est issu d’un mémoire de DESC. Date de soumission : 28/02/2017. Acceptation : 10/08/2017.   
septembre 21, 2017
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Abstract 2016

C-49 – Comparaison du Custodiol® et de la cardioplégie sanguine chaude au cours de la chirurgie mitrale : impact sur les électrolytes et l’équilibre acidobasique

Walid Ghodbane, Wael Braham, Angelo Pisani, Elie Kantor, Alexandru Nigolean, Soleiman Alkhoder, Richard Raffoul, Sophie Provenchère, Matthias Kirsch Département de chirurgie cardiaque et département d’anesthésie réanimation, hôpital Bichat-Claude-Bernard, AP-HP, Paris  Objectif La cardioplégie au Custodiol® présente un intérêt lors de procédures complexes et prolongées de chirurgie cardiaque sans que soit renouvelée la solution de cardioplégie. L’expansion volumique secondaire à son administration induit une hyponatrémie et une acidose métabolique. Le but de notre travail est de comparer l’impact du Custodiol® et de la cardioplégie sanguine chaude (CSC) sur les électrolytes et l’équilibre acido-basique.  Méthode Il s’agit d’une étude observationnelle rétrospective incluant 149 patients consécutifs candidats à une chirurgie mitrale élective et répartis en deux groupes : groupe A (100 patients) : CSC et groupe B (49 patients) : Custodiol®. Les caractéristiques des patients ainsi que les données des gaz du sang et des électrolytes ont été comparées.  Résultat Les deux groupes étaient comparables quant aux données démographiques, cliniques et biologiques préopératoires. En postopératoire précoce (H6), une différence significative entre les deux groupes est observée quant aux résultats des gaz du sang et des électrolytes : après l’administration du Custodiol®, le PH et les réserves alcalines ont baissé significativement (p = 0,025 et p < 0,0001) sans difference sur le taux de lactates (p = 0,184). Chez les patients du groupe Custodiol®, une baisse plus importante de la natrémie a été observée (p = 0,0008). Le groupe Custodiol® avait une plus longue durée de ventilation (p = 0,014) ainsi qu’un taux plus élevé de mortalité hospitalière (p = 0,004).  Conclusion L’administration du Custodiol® provoque en postopératoire précoce une hyponatrémie ainsi qu’une acidose métabolique. Une plus longue durée de ventilation est observée après cardioplégie au Custodiol®. Notre faible échantillon ne nous permet pas de conclure quant à la morbi-mortalité.     Custodiol® versus normothermic blood cardioplegia during elective mitral surgery- impact on electrolyte, acide-base balance and early outcome   Objectives Custodiol®cardioplegia is attractive for minimally invasive or complex cardiac surgery, as a single dose provide a long period of myocardial protection.Howeverits administrationleads to rapid volume expansion and consequent dilution of sodium,bicarbonate and metabolic acidosis.We aimed to determine the impact of Custodiol infusion on electrolyte and acid–base balance.  Methods In this observational retrospective analysis we reviewed data on patient characteristics, arterial blood gas analysis and laboratory results of adult patients receiving elective mitral surgery. The patients were divided into two groups: group A (100 patients), treated with antegrade and retrograde NTBC; group B (49 patients), treated with antegrade single dose Custodiol cardioplegia.  Results Patients in both groups were comparable with regard to demographic, clinical, laboratory, and ultrasound preoperative data. During early postoperative recovery (sixth hour) the two groups showed significant differences with regard to blood gas and laboratory analysis: after administration of Custdiol®, pH and alkaline reservedecreased significantly (p=0.025 and p<0.0001), no significant differencewas found regarding serum lactate concentration (p=0.184). Custodiol group shows significant drop of serum sodium (p=0.0008). Custodiol® group has longer ventilator support time (p=0.014) and higher postoperative mortality (p=0.004).  Conclusion The administration of Custodiol® solution results in significant hyponatraemia and acidosis on the early postoperative period and a prolonged duration of mechanical ventilation. A randomized prospective comparison of mortality is warranted because any conclusion could be done due to our small population.
juin 10, 2016