Chirurgie humanitaire · Vol. 22 Septembre 2018

La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?

Marielle Gouton1,2*, Olivier Michel Bical1, Joy Zoghbi3, Régine Roussin4, Vincent Lucet1, Francine Leca1   Mécénat-Chirurgie Cardiaque, Paris, France. Institut mutualiste Montsouris, cardiologie congénitale, Paris, France. Hôpital privé Jacques Cartier, service de chirurgie cardiaque pédiatrique, Massy, France. Hôpital Marie Lannelongue, pôle des cardiopathies congénitales, Le Plessis-Robinson, France. Correspondance : m.gouton@cardiocongenitale.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-3-GOU Citation : Gouton M, Bical OM, Zoghbi J, Roussin R, Lucet V, Leca F. La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(3). doi: 10.24399/JCTCV22-3-GOU   Résumé Objectif : analyse de la faisabilité et de l’efficacité en médecine humanitaire de la prise en charge chirurgicale d’enfants avec ventricule unique. Méthodes : étude rétrospective des enfants avec ventricule unique, pris en charge par l’association Mécénat-Chirurgie Cardiaque depuis 1996 avec un suivi au long cours après leur retour dans leur pays d’origine. Résultats : sur les 138 enfants formant notre cohorte, 119 ont bénéficié d’une ou plusieurs chirurgies (180 procédures) : 41 d’une chirurgie palliative seule (anastomose systémicopulmonaire ou cerclage) ; 47 d’une dérivation cavopulmonaire partielle, 31 d’une dérivation cavopulmonaire totale (âge moyen 8,5 ans). La mortalité opératoire est de 5,5% Après un suivi moyen de 5,6 ans, 18 enfants (13%) sont perdus de vue. La survie à 10 ans est de 79% (palliative seule 72%, DCPP 77%, DCPT 97%). Le pronostic est meilleur pour les atrésies tricuspides et les VU à double entrée (86% et 83% de survie à 10 ans) que pour les VDDI ou les CAVC (64% et 68% à 5 ans). Conclusion : la chirurgie des VU, même en médecine humanitaire, permet une survie satisfaisante, après une ou plusieurs interventions tendant dès que possible vers une DCPT.   Abstract Surgery of single ventricles in humanitarian practice: surgery for which patients? Objectives: To analyze the feasibility and effectiveness in humanitarian practice of the surgical management of children with a single ventricle. Methods: Retrospective study of children with a single ventricle, managed by the association Mécénat-Chirurgie Cardiaque since 1996 with long-term follow-up after their discharge from hospital. Results: Of the 138 children in our cohort, 119 underwent one or more surgeries (180 procedures): palliative surgery alone (systemic-pulmonary anastomosis or banding) in 41, partial cavo-pulmonary bypass in 47, and total cavo-pulmonary bypass (mean age 8.5 years) in 31. Operative mortality was 5.5%. After a mean follow-up of 5.6 years, 18 children (13%) were lost to follow-up. Survival at 10 years was 79% in operated children (palliative only 72%, PCPB 77%, and TCPB 97%), vs. 29% in non-operated children. The prognosis was better for tricuspid atresia and double inlet left ventricle (86% and 83% survival at 10 years) than for DORV or complete atrioventricular canal (64% and 68% at 5 years). Conclusion: Surgery of the single ventricle in human medicine allows a very satisfactory survival after one or more surgeries, tending towards a TCPB as soon as possible.   1. Introduction Le ventricule unique désigne une situation physiopathologique où un seul ventricule fonctionnel assure en parallèle les débits pulmonaire et systémique. Sur le plan anatomique, cette situation est rencontrée dans une multitude de malformations comme l’atrésie tricuspide, l’hypoplasie du cœur gauche, certaines formes de ventricule droit à double issue ou à double entrée, le CAVC déséquilibré, etc. Ces configurations anatomiques ne sont pas accessibles à une réparation biventriculaire et nécessitent une chirurgie de type Fontan par une dérivation cavopulmonaire, afin de rétablir un système circulatoire « en série » en séparant les circuits pulmonaire et systémique. Les tableaux cliniques dépendent des lésions anatomiques et du débit pulmonaire (cyanose ou insuffisance cardiaque), et décident de la chirurgie à réaliser : une chirurgie palliative précoce peut être nécessaire, soit pour réduire le débit pulmonaire (cerclage de l’artère pulmonaire), soit pour l’augmenter (anastomose systémicopulmonaire). La dérivation cavopulmonaire totale (DCPT) consiste en l’anastomose de la veine cave supérieure sur l’artère pulmonaire (dérivation cavopulmonaire supérieure, appelée aussi Glenn bidirectionnel) associée à l’anastomose de la veine cave inférieure et des veines sus-hépatiques sur l’artère pulmonaire par l’intermédiaire d’un tube. Cette DCPT peut se faire en un seul temps chirurgical. Néanmoins, le plus souvent (pour des raisons techniques comme, par exemple, le poids de l’enfant), cette DCPT se fait en 2 temps avec dans un premier temps une dérivation cavopulmonaire supérieure ou partielle (DCPP) et dans un second temps, une totalisation de la dérivation cavopulmonaire par la réalisation de la dérivation cavopulmonaire inférieure. Ainsi, la prise en charge d’un enfant porteur d’un ventricule fonctionnellement unique nécessite un suivi médical au long cours, allant du diagnostic jusqu’à la totalisation de la dérivation cavopulmonaire, et au-delà. Si une telle prise en charge globale est la règle dans les pays occidentaux, elle est impossible dans les pays qui ne disposent pas de chirurgie cardiaque pédiatrique, comme la plupart des pays en voie de développement. C’est ainsi que des associations humanitaires comme Mécénat-Chirurgie Cardiaque (MCC) [1] peuvent être impliquées dans la prise en charge d’enfants ayant une cardiopathie sévère type ventricule unique.   2. Objectifs L’objectif de cette étude est de savoir si la prise en charge des enfants avec ventricule unique est possible – et légitime – dans le cadre humanitaire en terme de suivi et d’amélioration de la survie.     3. Matériel et méthodes 3.1. Méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective sur dossiers de l’ensemble des enfants ayant un ventricule unique, originaires de pays en voie de développement, et pris en charge par l’association Mécénat-Chirurgie Cardiaque depuis sa création en 1996. Mécénat-Chirurgie Cardiaque est une association humanitaire créée dans le but de permettre à des enfants souffrant de malformations cardiaques de venir en France et d’y être opérés lorsqu’ils ne peuvent être soignés dans leur pays d’origine par manque de moyens financiers et techniques. Nous avons analysé le devenir de l’ensemble des enfants pris en charge en terme de survie, selon le type de ventricule unique, selon la réalisation ou non d’une chirurgie, et selon le type de chirurgie réalisée. Le suivi après le retour dans le pays d’origine est assuré par l’antenne médicale de MCC, en lien avec les médecins correspondants dans les pays.   3.2. Population Nous avons étudié rétrospectivement l’ensemble des dossiers des enfants ayant un ventricule unique (VU) adressés à MCC depuis sa création en 1996. La venue des enfants en France pour leur prise en charge chirurgicale par MCC est décidée conjointement avec les cardiologues correspondants dans les pays d’origine. En vue d’une chirurgie ayant pour objectif une amélioration fonctionnelle des enfants, et idéalement la réalisation d’une dérivation cavopulmonaire à terme, un premier tri est effectué sur l’examen du seul dossier médical, privilégiant les formes a priori favorables (bonne fonction systolique du VU, absence connue de fuite de la valve auriculoventriculaire, absence d’HTAP fixée, branches pulmonaires présentes). Une fois le dossier accepté, MCC organise la venue de l’enfant en France, où il bénéficie d’une évaluation hospitalière dans l’un des centres français de chirurgie cardiaque congénitale, avec : Une évaluation clinique à la recherche de signes d’hyperdébit pulmonaire (dyspnée, transpiration, tirage intercostal, hépatomégalie, mauvaise prise pondérale, mauvaise prise alimentaire) ou au contraire d’hypoperfusion pulmonaire (cyanose, hippocratisme digital, saturation basse, polyglobulie). Une radiographie thoracique. Une échocardiographie avec Doppler avec 2 examens d’experts pour chaque enfant. Si nécessaire, une évaluation hémodynamique et/ou un scanner thoracique, examens laissés à l’appréciation de chaque centre. L’opérabilité et le type de chirurgie sont décidés à l’issue de cette évaluation hospitalière. Les données préopératoires et les données postopératoires immédiates ont été recueillies rétrospectivement dans notre base de données centralisée, en fonction des dossiers médicaux. Le suivi tardif après le retour des enfants dans leur pays d’origine a été assuré par contact direct (téléphone, courrier ou courrier électronique) avec nos correspondants dans les pays (cardiologues ou paramédicaux) ou les familles et notre permanent dans l’association responsable du suivi médical. Depuis 1996, 138 enfants (90 garçons, 48 filles) avec VU ont été pris en charge par MCC. La plupart sont originaires d’Afrique (Afrique sub-saharienne 46/138 – 33%, Afrique du Nord 34/138 – 25%), mais aussi du Moyen-Orient (33/138 – 24%), d’Europe de l’Est (21/138 – 15%), d’Haïti (3/138 – 2%) et d’Asie du Sud-Est (1/138 – 0,7%) [figure 1]).   [caption id="attachment_4137" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Pays d’origine des enfants.[/caption]   3.3. Analyse statistique L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel Stata 10.1 (StataCorp LLC, College Station, Texas, États-Unis). Les variables qualitatives sont données en effectifs et pourcentages. Les variables numériques sont décrites par leurs moyenne, médiane et déviation standard. Les comparaisons de pourcentages sont réalisées avec le Chi 2 ou le test exact de Fisher pour les petits effectifs, les comparaisons de moyennes avec le test-t de Student et la survie avec la méthode actuarielle de Kaplan-Meier. Les tests sont considérés comme significatifs si p≤0,05.   4. Résultats   4.1. Caractéristiques initiales Les caractéristiques de la population sont détaillées dans le tableau 1. Sur les 138 enfants, 19 n’ont pas été opérés : 1 est décédé à l’arrivée en France avant le bilan hospitalier, 12 en raison d’une HTAP fixée diagnostiquée au cours du bilan, 5 du fait d’une cardiopathie complexe équilibrée, rendant le bénéfice chirurgical incertain et 1 du fait d’un syndrome polymalformatif sévère.   Tableau 1. Caractéristiques initiales.   TOTAL n 138 Sexe : garçons/filles 90/48 Âge en années (±DS) 4 (3,9) Taille en cm (±DS) 94(26) Poids en kg (±DS) 13,8 (9,5) Type de VU Atrésie tricuspide Double entrée VDDI CAVC Non spécifié   45 49 20 11 13 Branches pulmonaires belles/petites/? 94/36/8 Poumons protégés Oui Saturation % ICT % Non Saturation % ICT %                101 72 56 36 85 61 Opérés 119 VU : ventricule unique ; VDDI : ventricule droit à double issue ; CAVC : canal atrioventriculaire complet ; ICT : index cardiothoracique.   4.2. Actes chirurgicaux Les 119 enfants opérés ont bénéficié, au total, de 180 actes chirurgicaux [tableau 2]. Quarante-sept enfants ont été repris pour une deuxième chirurgie après un suivi moyen de 4 ans 2 mois et 14 ont été opérés une troisième fois après un délai moyen de 6 ans 7 mois après leur première venue en France. Avec un recul moyen de 5 ans et 7 mois, sur les 119 enfants opérés, 41 enfants ont bénéficié d’une palliative seule (anastomose systémicopulmonaire : 22 ; cerclage : 19), 47 d’une DCPP (dont 10 après une palliative), et 31 d’une DCPT (6 en 1 temps, à un âge moyen de 8 ans 8 mois, 19 en 2 temps – post-palliative ou post-DCPP – et 6 en 3 temps). Une reprise a été nécessaire pour épanchement pleural ou péricardique abondant 9 fois, pour plastie ou remplacement de la valve auriculoventriculaire 3 fois, pour implantation de pacemaker, reprise du montage ou médiastinite une fois. L’âge moyen au moment de la chirurgie était : 1,4 an au cerclage, 4,3 ans à l’anastomose systémicopulmonaire, 5 ans à la DCPP et 10,3 ans à la DCPT. Le délai moyen entre la première prise en charge par MCC et la réalisation d’une DCPT est de près de 8 ans.   Tableau 2. Actes chirurgicaux.   Dilatation RP Anastomose systémicopulmonaire Cerclage DCPP DCPT Divers* TOTAL Chirurgie n°1 1 33 23 56 6 - 119 Chirurgie n°2 - 5 - 14 19 9 47 Chirurgie n°3 - 1 - 1 6 6 14 Âge (ans) 4,4 1,4 5 10,3 Poids (kg) 13,4 6,4 16,1 34 Décès (%) 0 3 (7,7) 2 (8,7) 4 (5,6) 1 (3,2) 0 10 (5,5) TOTAL 1 39 23 71 31 15 180 RP : rétrécissement pulmonaire ; DCPP : dérivation cavopulmonaire partielle ; DCPT : dérivation cavopulmonaire totale. * : drainage pleural ou péricardique, plastie ou remplacement de la valve auriculoventriculaire, reprise du montage, pacemaker, médiastinite, etc.   4.3. Suites opératoires immédiates La durée moyenne d’hospitalisation pour la première chirurgie a été de 12,8 jours (+/-8,8). Pour une dérivation cavopulmonaire totale, en 1, 2 ou 3 étapes, la durée cumulée totale d’hospitalisation a été de 28,7 jours [tableau 3]. La mortalité opératoire a été au total de 10/180 (5,6%), se répartissant en 3/39 pour les anastomoses (7,7%), 2/23 pour les cerclages (8,7%), 4/71 pour les DCPP (5,6%), 1/31 pour les DCPT (3,2%).   Tableau 3. Durée d’hospitalisation (en jours).    Dilatation RP Anastomose systémicopulmonaire Cerclage DCPP DCPT   Divers TOTAL Durée d’hospitalisation 1 2 12,8 10,1 11,8 32 - 12,8 Durée d’hospitalisation 2 - 9 - 9 ,5 19 9 14,4 Durée d’hospitalisation 3 - 7 - - 17,4 - 14,4                 Durée cumulée totale/enfant selon la chirurgie finale   15 10,8 13,4 28,7 - 17,5 RP : rétrécissement pulmonaire ; DCPP : dérivation cavopulmonaire partielle ; DCPT : dérivation cavopulmonaire totale.   4.4. Survie au long cours Le recul moyen depuis la première prise en charge est de 5 ans et 7 mois, et de 3 ans et 10 mois depuis la dernière prise en charge. Dix-huit enfants (13%) sont perdus de vue ; 33 enfants sont décédés après un délai moyen depuis la prise en charge de 2 ans et 8 mois. La survie actuarielle globale est 82,3% à 5 ans et 79% à 10 ans chez les enfants opérés, nettement supérieure à celle des enfants non opérés (39% à 5 ans et 29% à 10 ans) ; p<0,0001 [figure 2a]. L’anatomie initiale est un facteur pronostique de mortalité [figure 2b] : la survie est meilleure dans le groupe des atrésies tricuspides ou des VU à double entrée (plutôt de type gauche) que dans le groupe VU type CAVC ou VDDI (plutôt de type droit) ; p=0,07. Pour les enfants n’ayant eu qu’une palliative (cerclage ou anastomose systémicopulmonaire), la survie à 5 et 10 ans est de 72% et 63% respectivement ; pour les enfants ayant eu une DCPP, la survie est de 81% à 5 ans et 77% à 10 ans ; tandis que pour les enfants ayant pu bénéficier d’une DCPT (en 1, 2 ou 3 étapes), la survie à 10 ans est de 97% ; p=0,002 [figure 2c].   [caption id="attachment_4138" align="aligncenter" width="141"] Figure 2. Survie actuarielle.2a : selon la réalisation d’une chirurgie ou non.2b : selon l’anatomie initiale.2c : selon la chirurgie finale réalisée.[/caption]   5. Discussion Depuis 1996, date de la création de Mécénat-Chirurgie Cardiaque, sur les 138 enfants accueillis en France en vue d’une chirurgie de ventricule unique, 119 (86%) ont bénéficié d’une ou plusieurs chirurgies. L’objectif de ce travail était multiple : 1) D’une part de savoir si la prise en charge d’enfants avec ventricule unique était possible  et légitime  dans le cadre humanitaire. Avec un recul de près de 6 ans, et un taux de perdus de vue de seulement 13%, le suivi des enfants pris en charge par MCC rejoint celui des CHU français et des études internationales  [2] et témoigne de l’efficacité des réseaux mis en place entre MCC et les référents des pays nous adressant leurs enfants, et ce malgré l’éloignement géographique et les difficultés rencontrées localement. La prise en charge de ces enfants qui nécessitent parfois deux voire trois interventions [3] ne doit donc pas être entravée par la crainte d’un suivi insuffisant du fait de l’éloignement. 2) D’autre part d’analyser la survie au long cours des enfants pris en charge. Si les enfants récusés pour la chirurgie (du fait d’une HTAP, ou in fine d’une pression pulmonaire ne permettant pas une correction univentriculaire le plus souvent) ont une survie médiocre (62% à 1 an et 39% à 5 ans), la survie des enfants ayant pu bénéficier d’une intervention (91,1%, 82,3% et 79% à 1, 5 et 10 ans respectivement) est comparable à celle observée dans la littérature pour des populations plus favorisées [4-6]. La faisabilité d’une DCPT est un marqueur majeur de survie : en effet, si la survie globale de la cohorte est de 77% à 5 ans et 72% à 10 ans, elle est supérieure à 95% à 10 ans chez les enfants ayant pu bénéficier d’une DCPT (soit d’emblée, soit après une ou plusieurs chirurgies), contre 63% sans DCPT. La prise en charge au long cours doit donc tendre vers une totalisation chirurgicale dès que celle-ci est envisageable, nécessitant un suivi des enfants dans leurs pays d’origine conjointement avec un suivi par l’équipe médicale de MCC. 3) Enfin, de déterminer s’il existait des formes plus favorables que d’autres. Dans notre cohorte, la présence d’un arbre pulmonaire de taille satisfaisante n’est pas statistiquement liée à un meilleur pronostic, même s’il existe une tendance (p=0,33), contrairement aux données de la littérature [7]. Ceci peut s’expliquer par la prise en charge sans doute trop tardive pour le cerclage de certains enfants avec belle voie pulmonaire du fait d’un diagnostic difficile dans les pays concernés, laissant le temps au lit vasculaire pulmonaire de développer des résistances précoces, à l’origine d’un résultat chirurgical médiocre [8,9]. Les résultats vont dans le sens d’un meilleur pronostic lorsque le ventricule unique est de type gauche (atrésie tricuspide, ou VU à double entrée). Ces résultats concordent avec les données de la littérature, avec un pronostic plutôt favorable en cas de VU à double entrée [10] et plutôt péjoratif en cas de ventricule unique de type droit [11,12], ou en cas d’hétérotaxie avec CAVC [13].   6. Conclusion Le pronostic d’enfants avec ventricule unique originaires de pays ne disposant pas de chirurgie cardiaque et pris en charge par l’association MCC est globalement satisfaisant, surtout dans les VU de type gauche. Néanmoins, l’action de MCC auprès de ces enfants doit tendre vers une prise en charge la plus précoce possible, afin de préserver le lit vasculaire pulmonaire, dans le but de pouvoir envisager une DCPT, qui offrira un excellent pronostic à moyen terme. Le suivi étroit mis en place entre l’équipe médicale de MCC et les cardiologues correspondants dans les pays d’origine des enfants est la clé de nos résultats pour cette cardiopathie congénitale complexe.   Références Association Mécénat-Chirurgie Cardiaque–Enfants du monde : http://www.mecenat-cardiaque.org/ (accédé le 30/01/2018) D'Udekem Y, Iyengar AJ, Galati JC et al. Redefining expectations of long-term survival after the Fontan procedure: Twenty-five years of follow-up from the entire population of Australia and New Zealand. Circulation 2014;130:S32–S38. https://doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.113.007764 PMid:25200053 Davies R and Pizarro C. Decision-making for surgery in the management of patients with univentricular heart. Front Pediatr 2015;3:1-19. https://doi.org/10.3389/fped.2015.00061 PMid:26284226 PMCid:PMC4515559 Downing TE, Allen KY, Glatz AC et al. Long-term survival after the Fontan operation: Twenty years of experience at a single center. J Cardiothorac Surg 2017;154:243-53. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2017.01.056 Ohuchi H, Kagisaki K, Miyazaki A et al. Impact of the evolution of the Fontan operation on early and late mortality: a single-center experience of 405 patients over 3 decades. Ann Thorac Surg 2011;92:1457-66. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2011.05.055 PMid:21958797 Alsaied T, Bokma JP, Engel ME et al. Factors associated with long-term mortality after Fontan procedures: a systematic review. Heart 2017;103:104-110. https://doi.org/10.1136/heartjnl-2016-310108 PMid:28057809 Senzaki H, Isoda T, Ishizawa A, Hishi T. Reconsideration of criteria for the Fontan operation. Influence of pulmonary artery size on postoperative hemodynamics of the Fontan operation. Circulation 1994;89:266-71. https://doi.org/10.1161/01.CIR.89.1.266 PMid:8281656 Gewillig M, Brown SC. The Fontan circulation after 45 years: update in physiology. Heart 2016;102:1081-6. https://doi.org/10.1136/heartjnl-2015-307467 PMid:27220691 PMCid:PMC4941188 Egbe AC, Connolly HM, Miranda WR et al. Hemodynamics of Fontan failure: The role of pulmonary vascular disease. Circ Heart Fail 2017;10:e004515. https://doi.org/10.1161/CIRCHEARTFAILURE.117.004515 PMid:29246897 Alsoufi B, McCracken C, Kanter K, Shashidharan S, Kogon B. Current results of single ventricle palliation of patients with double inlet left ventricle. Ann Thorac Surg 2017;104:2064-71. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2017.04.031 PMid:28709664 McGuirk SP, Winlaw DS, Langley SM et al. The impact of ventricular morphology on midterm outcome following completion total cavopulmonary connection. Eur J Cardiothorac Surg 2003;24:37-46. https://doi.org/10.1016/S1010-7940(03)00186-6 Hosein RB, Clarke AJ, McGuirk SP et al. Factors influencing early and late outcome following the Fontan procedure in the current era. The 'Two Commandments'? Eur J Cardiothorac Surg 2007;31:344-52;discussion 353. https://doi.org/10.1016/j.ejcts.2006.11.043 PMid:17236782 Alsoufi B, McCracken C, Schlosser B et al. Outcomes of multistage palliation of infants with functional single ventricle and heterotaxy syndrome. J Thorac Cardiovasc Surg 2016;151:1369-77. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2016.01.054 PMid:27085618 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Cet article a été présenté au 70e congrès de la SFCTCV (Marseille, juin 2017). Date de soumission : 13/02/2018. Acceptation : 10/08/2018.  
septembre 5, 2018
Chirurgie humanitaire · Éditorial · Vol. 22 Septembre 2018

À propos de l’article «La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?» – Editorial

Pr Roland Henaine, service de chirurgie cardiaque pédiatrique, hospices civils de Lyon, France. DOI : 10.24399/JCTCV22-3-HEN Citation : Henaine R. À propos de l'article «La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?» – Editorial . Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(3). doi: 10.24399/JCTCV22-3-HEN L’article du Dr  Marielle Gouton « La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer? », qui décrit la prise en charge d’une population spécifique en France par l’association humanitaire Mécénat Chirurgie Cardiaque, soulève plusieurs commentaires.   Considérations médicales La prise en charge chirurgicale initiale du ventricule unique, où presque 90% des patients ont bénéficié d’un diagnostic anténatal, est plus précoce en France. En général, elle se situe dans les premiers mois de vie. Dans la population humanitaire décrite dans l’article, elle est à plus d’un an de vie. Ce retard a sûrement une incidence sur la survie à long terme. Cette prise en charge tardive s’explique par le quasi absence du diagnostic anténatal dans les pays défavorisés, par une difficulté d’accès au système hospitalier, par la rareté des compétences locales pour établir un diagnostic, mais aussi par un délai incompressible administratif entre le diagnostic et l’arrivée de l’enfant en France. Une fois opéré et de retour dans son pays, se pose la question de la qualité du suivi. En effet, plus particulièrement dans cette pathologie, trois étapes sont nécessaires pour réaliser la procédure dite «de Fontan”, et au-delà, la surveillance d’une éventuelle prise d’anti-vitamines K et la détection de ce qu’on appelle le «Failing Fontan». Le pronostic à long terme après chirurgie de Fontan dépend de la cardiopathie sous-jacente (ventricule de type droit ou gauche) et des antécédents et résultats des chirurgies itératives. Les échecs par dysfonction myocardique et/ou insuffisance de la valve auriculoventriculaire surviennent plus souvent si le ventricule unique est de type droit. À long terme, les patients restent exposés à des complications plus ou moins sévères. La stase dans le tube extracardiaque entraîne une entéropathie exsudative et des troubles du rythme dans le cas de Fontan intracardiaque. On dénombre ainsi les troubles du rythme à type d’arythmies supraventriculaires, la dégradation de la fonction myocardique, la fuite auriculoventriculaire, les thromboses du circuit cavopulmonaire, l’entéropathie exsudative, la circulation collatérale systémico-pulmonaire, les fistules artérioveineuses pulmonaires [1,2], l’hypoxie et cyanose, l’endocardite infectieuse, les réinterventions, l’adaptation socioprofessionnelle et enfin la transplantation cardiaque… Dans l’étude réalisée par F.Fontan et al [3], la survie actuarielle à 1 mois, 6 mois, 1, 5, 10 et 15 ans était respectivement de 90%, 87%, 87%, 86%, 84%, et 74%. En résumé, la nécessité d’une surveillance rigoureuse et d’une prise en charge multidisciplinaire est de mise, ce qui n’est pas évident pour des patients défavorisés et qui habitent parfois à plusieurs centaines de kilomètres du centre de cardiopédiatrie.   Considérations financières Ces patients sont payants. C’est l’association humanitaire Mécénat Chirurgie Cardiaque qui couvre intégralement les frais ; ceux-ci sont en moyenne de 12000 euros/intervention. L’argent est le nerf de la guerre et il n’est pas illimité . D’un point de vue strictement comptable, un enfant avec VU coûtera à l’association l’équivalent de trois enfants avec une correction «biventriculaire» qui ne nécessitent en général qu’une intervention. Certes, la vie humaine n’a pas de prix et l’enfant pris en charge est précieux quelle que soit sa pathologie, mais on ne peut se soustraire de tenir compte de la réalité financière et une sélection rigoureuse des cas à traiter doit être de mise.   Conclusion Les deux questions posées par les auteurs de cet article sont les suivantes : Est-il possible de prendre en charge cette population particulière ? Vu l’excellente organisation déployée par l’association, la réponse est oui. Est-il légitime de les prendre en charge ? Vu les bons résultats de la série, la réponse est oui, à condition d’améliorer sans cesse le suivi entre les étapes chirurgicales et après le Fontan.   Je tiens à saluer tous les acteurs de Mécénat Chirurgie Cardiaque, médicaux ou non, en France et à l’étranger, pour ce formidable travail fourni au quotidien et pour ses excellents résultats. Le peu que l'on peut faire, le très peu que l'on peut faire, il faut le faire, pour l’humanité et avec enthousiasme.   Références Henaine R, Vergnat M, Bacha EA, Baudet B, Lambert V, Belli E, Serraf A. Effects of lack of pulsatility on pulmonary endothelial function in the Fontan circulation. J Thorac Cardiovasc Surg. 2013 Sep;146(3):522-9 https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2012.11.031 PMid:23219498 Henaine R, Vergnat M, Mercier O, Serraf A, De Montpreville V, Ninet J,  Bacha EA. Hemodynamics and arteriovenous malformations in cavopulmonary anastomosis: the case for residual antegrade pulsatile flow . J Thorac Cardiovasc Surg. 2013 Dec;146(6):1359-65 https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2013.02.036 PMid:23490250 Fontan F, Kirklin JW, Fernandez G, Costa F, Naftel DC, Tritto F, Blackstone EH. Outcome After a "Perfect" Fontan Operation. Circulation 1990;81:1520-1536 https://doi.org/10.1161/01.CIR.81.5.1520 PMid:2331765  
septembre 5, 2018
Chirurgie cardiaque congénitale et pédiatrique · Vol. 20 Juin 2016

Dérivation cavopulmonaire totale (extracardiaque) avec conservation d’un flux antérograde

Mohammed Al Yamani1*, Alexandre Metras1, Virginie Fouilloux2, Stéphane Lebel3, Alain Fraisse4, Bernard Kreitmann1 1. Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital cardiologique de Haut-­Lévêque, Bordeaux-Pessac. 2. Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, hôpital de la Timone Enfants, Marseille. 3. Département d’anesthésie-réanimation pédiatrique, hôpital de la Timone Enfants, Marseille. 4. Service de cardiologie pédiatrique, hôpital de la Timone Enfants, Marseille. Correspondance : mohammed.al-yamani@chu-bordeaux.fr   Résumé Objectif : L’objectif principal de cette étude est de présenter des situations particulières et de décrire l’évolution des patients ayant une circulation de Fontan avec un flux antérograde restrictif persistant. Méthodes : Étude monocentrique rétrospective sur la totalité des patients ayant eu une dérivation cavopulmonaire totale extracardiaque en deux étapes. Les raisons ayant amené la conservation du flux antérograde, les gestes associés, les résultats opératoires et le suivi à moyen terme ont été étudiés. Résultats : Entre janvier 1999 et décembre 2014, 119 malades ont bénéficié d’une totalisation extracardiaque. Parmi eux, 8 malades ont conservé un flux pulmonaire antérograde restrictif. L’âge à la totalisation cavopulmonaire était de 9,7 (3,5-27) ans. L’analyse des paramètres de morbidité n’a montré aucun effet négatif de la conservation du flux antérograde pulmonaire restrictif sur une période de suivi de 5 ans en moyenne. La mortalité est nulle. Conclusion : Dans certains cas, et à condition d’une évaluation préopératoire rigoureuse et d’éventuels gestes associés complémentaires appropriés, il est possible et peut-être préférable de respecter la perméabilité de la voie antérograde lors de la totalisation cavopulmonaire.   Abstract Extracardiac Fontan with conservation of restrictive antegrade pulmonary flow Aim: The main goal of this study is to present particular situations and to describe the evolution of patients having Fontan circulation with a persistent restrictive pulmonary antegrade flow. Methods: Retrospective monocentric study of all patients having a total extracardiac cavopulmonary connection in two stages. The reasons for the conservation of pulmonary antegrade flow, the associated surgical procedures, the operative results and the mid-term follow up were studied. Results: From January 1999 to December 2014, 119 patients underwent extracardiac cavopulmonary connection; among them, 8 patients retained a restrictive antegrade pulmonary flow. The age at cavopulmonary totalization was 4-17 years. The analysis of morbidity parameters showed no negative effects of the conservation of restrictive pulmonary antegrade flow in a mean follow-up period of five years. Mortality was nil. Conclusion: In some cases, and under conditions of a rigorous preoperative evaluation and the associated appropriate surgical procedures, it is possible and may be preferable to respect pulmonary antegrade flow when accomplishing a total cavopulmonary connection.   1. INTRODUCTION Depuis sa première description en 1971 [1], l’intervention originale de Fontan, dérivation cavopulmonaire totale (DCPT), a subi plusieurs modifications. Actuellement, la DCPT extracardiaque est l’intervention de référence et représente l’étape chirurgicale finale de la palliation des cardiopathies univentriculaires. Cette intervention et ses variations ont pour but ultime de donner, si possible, à des patients ayant un ventricule unique une vie de qualité et de longévité « normales ». Plusieurs complications ont été décrites après une totalisation cavopulmonaire, y compris l’insuffisance cardiaque, l’arythmie, l’entéropathie exsudative et la maladie thromboembolique [2]. Parmi elles, la formation de thrombus intracardiaque est l’une des plus graves et peut être fatale [3]. Si certaines malformations univentriculaires s’accompagnent d’une atrésie pulmonaire, d’autres comportent une connexion plus ou moins sténosée entre le massif ventriculaire et les branches artérielles pulmonaires. En principe, cette connexion est supprimée chirurgicalement au moment d’une des étapes de la dérivation cavo­pulmonaire. La persistance d’un flux antérograde entre le ventricule unique et les artères pulmonaires peut être à l’origine d’une dysfonction du Fontan par hyperdébit et augmentation des pressions dans le système cave [4]. Cependant, la suppression de ce flux peut générer des problèmes graves de thromboembolies systémiques [5]. Par ailleurs, dans certains cas, un flux antérograde résiduel après une DCPT est bien toléré. Ces situations rares ne sont pas bien étudiées dans la littérature. L’objectif principal de l’étude est d’analyser les effets de la persistance d’une voie antérograde restrictive dans une circulation de Fontan chez des patients ayant bénéficié d’une prise en charge séquentielle en deux étapes d’une cardiopathie univentriculaire.   2. PATIENTS ET MÉTHODES Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique (service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire de l’hôpital de la Timone Enfants à Marseille) sur 15 ans (1999-2014). Tous les malades ont bénéficié d’une DCPT extracardiaque en deux étapes, avec ou sans fenestration. Les données démographiques, cliniques, échographiques, angiographiques et opératoires ont été récupérées des dossiers médicaux sauvegardés dans les archives du service avec anonymisation. Le suivi des patients était assuré par leur cardiologue référent, lors de consultations régulières incluant examen clinique, électrocardiogramme et échocardiographie. Les données ont été recueillies à 1 an, 5 ans et lors de la dernière consultation. Sur le plan statistique, les variables qualitatives étaient exprimées en termes d’effectif et de pourcentage, les variables quantitatives en termes de moyenne, médiane et d’intervalle. Le seuil de significativité était fixé à 5 %. Tous les calculs ont été effectués avec le logiciel IBM SPSS Statistics. Afin de répondre à l’objectif de l’étude, tous les dossiers ont été analysés complétement, puis les différences entre les patients ayant conservé un flux antégrade et les autres ont été recherchées et étudiées.   3. RÉSULTATS   3.1. Description démographique Les formes anatomiques les plus fréquentes étaient l’atrésie tricuspide avec 34 patients (28 %), l’hypoplasie du cœur gauche avec 26 patients (22 %) et les ventricules uniques à double entrée avec 19 patients (16 %). D’autres cardiopathies complexes ont étaient traitées comme l’atrésie pulmonaire sans communication interventriculaire, le ventricule droit à double issue (VDDI), le canal atrioventriculaire déséquilibré [tableau 1]. Une première intervention était nécessaire dans la majorité de cas. Presque la moitié des patients (47 %) ont bénéficié d’un shunt systémicopulmonaire type Blalock-Taussig modifié (BTM). Une intervention type Norwood a été pratiquée chez 18 malades (15 %) ; 26 malades (22 %) ont eu un cerclage de l’artère pulmonaire. Une intervention chirurgicale en période néonatale n’était pas nécessaire pour les autres patients qui ont gardé une circulation en parallèle jugée équilibrée jusqu’au moment de la dérivation cavopulmonaire partielle (DCPP). La DCPP était proposée de principe à partir de l’âge de 6 mois, mais réalisée à une période variable selon les enfants et aussi selon les propositions des cardiopédiatres référents. Pour 6 malades, une DCPP bilatérale a été réalisée. L’âge moyen au moment de la DCPP était de 2,8 ans (médiane : 1,6 an). La médiane du délai entre la DCPP et la DCPT était de 5,3 ans. L’âge moyen au moment de la DCPT était de 8,6 ans.   Tableau 1: Caractéristiques des patients (n = 119) Variables catégoriques Nombre (proportion) Sexe Homme 69 (58 %) Femme 50 (42 %) Type de ventricule unique VG 73 (62 %) VD 44 (37 %) VU indéterminé 2 (1 %) Type d’anatomie cardiaque Atrésie tricuspide 34 (28 %) Hypoplasie du cœur gauche 26 (22 %) Ventricule à double entrée 19 (16 %) TGV-CIV-SP-Straddling* 9 (8 %) Atrésie pulmonaire sans CIV 9 (8 %) VD à double issue 6 (5 %) Canal AV déséquilibré 5 (4 %) Autres 11 (9 %) Intervention première Cerclage AP 26 (22 %) BTM 56 (47 %) Norwood 18 (15 %) Pas d’intervention 19 (16 %) Type de DCPP Cavopulmonaire supérieure droite 112 (94 %) Bilatérale 6 (6 %) Variables continues Moyenne ± écart-type Âge au moment de la DCPT-EC (an) 8,6 ± 5,4 (3,4-27,6) Délai DCPP / DCPT (an) 5,3 ± 3,7 (0,5-10,5) * Transposition des gros vaisseaux – Communication interventriculaire – Sténose pulmonaire – Straddling de la valve AV.   3.2. Données préopératoires [tableau 2] Dans l’ensemble, la fonction cardiaque globale des patients était évaluée comme bonne. Une majorité de patients (91 %) n’avait pas de fuite significative des valves atrioventriculaires. La saturation moyenne était de 80 % (66-95 %). La majorité des patients (73 %) avait  une cyanose marquée  avec une saturation inférieure à 85 %. L’évaluation par cathétérisme cardiaque retrouvait des artères pulmonaires de calibre variable avec un index de Nakata à 245 ± 127. La pression artérielle pulmonaire moyenne était de 10 ± 13 mmHg.   Tableau 2: Données préopératoires (n = 165) Variables Nombre (proportion) Fonction cardiaque globale Bonne fonction 141 (92 %) Fonction modérément altérée 11 (7,5 %) Fonction altérée 1 (0,5 %) Fuites des valves atrioventriculaires Absence de fuite 113 (77 %) Fuite minime 17 (14,3 %) Fuite modérée 8 (7 %) Fuite sévère 2 (1,7 %) Présence d’anomalie du rythme cardiaque Oui 8 (7 %) Non 111 (93 %) Présence de flux pulmonaire additionnel Oui 62 (52 %) Non 57 (48 %) Embolisation de collatérales Oui 27 (23 %) Non 92 (77 %) Variables continues Moyenne ± écart type PAP moyenne (mmHg) 10 ± 3,2 Index de Nakata (mm2/m2) 245 ± 127 PTDVU (mmHg) 9,1 ± 2,9 Saturation périphérique (%) 80 ± 6,2 Hémoglobinémie (g/dl) 17,1 ± 1,6   3.3. Données opératoires [tableau 3] Un  clampage aortique a été nécessaire chez 42 patients (35 %) pour réaliser certains gestes chirurgicaux (élargissement d’une CIA, plastie valvulaire, mais aussi et surtout la suppression du flux antérograde). Les gestes les plus fréquents  associés à la DCPT étaient la fermeture du tronc de l’artère pulmonaire chez 27 patients et la plastie des artères pulmonaires chez 12 patients. Ont été réalisées 4 plasties valvulaires (dont 2 sur la valve tricuspide et 2 sur la valve atrioventriculaire gauche).   Tableau 3: Données opératoires (n = 119) Durée de CEC (min) 129 ± 48,18 Clampage Oui 42 (35 %) Non 77 (65 %) Durée de clampage aortique (min) 46 ± 22,5 Fenestration Oui 78 (66 %) Non 41 (34 %) Suppression voie antérograde Oui 111 (93,3 %) Non 8 (6,7 %) Gestes associés à la DCPT Déconnexion tronc artériel pulmonaire 27 (22,7 %) Plastie artérielle pulmonaire 12 (10 %) Plastie valvulaire AV 4 (3,4 %) Élargissement CIA 2 (1,7 %) Résection de membrane ou bourrelet sousaortique 2 (1,7 %) Remplacement de la valve pulmonaire mécanique 1 (1 %) Damus-Kaye-Stansel 1 (1 %) Mise en place d’un pacemaker/électrodes péricardiques 3 (2,5 %)   3.4. Données postopératoires [tableau 4] Chez 8 patients, le drainage pleural a été prolongé au-delà de 14 jours. Six patients ont présenté un épanchement péricardique. Une infection pulmonaire est survenue chez 4 patients. Une  reprise chirurgicale a été nécessaire pour 5 patients dont une pour fenestration au deuxième jour postopératoire devant une instabilité hémodynamique. La médiane de la durée de drainage thoracique était de 9 jours (moyenne 11,5 ± 6,3 jours). Quant à la durée d’hospitalisation, la médiane était de 15 jours (9-116 jours) avec une moyenne de 19,4 jours. La mortalité précoce est nulle. Une fenestration a été réalisée chez 66 % des patients. Le suivi a permis de retrouver 6 cas de fermeture spontanée de la fenestration. Une fermeture par cathétérisme interventionnel était réalisée dans 15 cas. La période de suivi était de 4,9 ans (0,6-12,8 ans) avec une mortalité de 1,7 % (2 décès). La cause du premier décès était une thrombose du montage de DCPT 4 mois après la chirurgie due à une mauvaise observance du traitement anticoagulant chez un patient atteint de trisomie 21. Le deuxième décès était dû à une cause non cardiaque (accident de la circulation).   Tableau 4: Évolution postopératoire Délai d’extubation (jours) 1,8 ± 6,4 Durée du séjour en réanimation (jours) 4,7 ± 8,2 Durée de drainage thoracique (jours) 11,5 ± 6,3 Durée d’hospitalisation (jours) 19,4 ± 11,6 Complications postopératoires Drainage pleural prolongé (> 14 j) 8 (6,7 %) Épanchement péricardique 6 (5 %) Parésie/Paralysie diaphragmatique 3 (2,5 %) Insuffisance rénale 5 (4 %) Bloc atrioventriculaire 2 (1 %) Infection pulmonaire 4 (3 %) Défaillance hépatique 2 (1,7 %) Thrombose du tube extracardiaque 1 (1 %) Reprises chirurgicales   (n = 5) Réintervention pour fenestration 1 (1 %) Drainage péricardique 3 (2,5 %) Infection sternotomie 1 (1 %) Période de suivi 4,9 (0,6-12,8) Fermeture de fenestration Spontanée 6 (5 %) KT 15 (12,6 %) Mortalité Décès à 30 jours 0 (0 %) Décès tardif 2 (1,7 %)   3.5. Conservation du flux antérograde La conservation du flux antérograde pulmonaire après  la DCPT a été constatée chez 8 patients (6,7 %) [tableau 5]. Pour 2 patients, la perméabilité de la voie antérograde était involontaire (reperméabilisation) et parmi eux, une tentative de fermeture par cathétérisme cardiaque a échoué. La persistance d’un flux antérograde était délibérée chez les autres patients en raison de la présence d’un ou plusieurs facteurs de risque de complication thrombo­embolique. Ces patients présentaient des formes anatomiques variables de ventricules uniques : 3 atrésies tricuspides, 2 hypoplasies tricuspides sévères, 1 CAV déséquilibré, 1 maladie d’Ebstein sévère et 1 cardiopathie complexe type TGV-CIV-sténose pulmonaire avec straddling de la valve mitrale. L’âge moyen au moment de l’intervention était de 8 (4-16) ans.   Tableau 5: DCPT avec conservation du flux antérograde (n = 8) Données opératoires Durée de CEC (min) 102 ± 18 Clampage Oui 3 (37,5 %) Non 5 (62,5 %) Durée de clampage aortique (min) 67 ± 19 Fenestration Oui 7 (87,5 %) Non 1 (12,5 %) Gestes associés à la DCPT Plastie artérielle pulmonaire 1 (12,5 %) Exérèse partielle du VD 1 (12,5 %) Plastie valvulaire AVG 1 (12,5 %) Calibration de la CIA à 3 mm 3 (37,5 %) Évolution postopératoire Délai d’extubation (jours) 1,8 ± 6,4 Durée du séjour en réanimation (jours) 2 ± 1 Durée de drainage thoracique (jours) 11,2 ± 7,4 Durée d’hospitalisation (jours) 13,8 ± 9,6 Complications postopératoires Épanchement péricardique 1 (6,7 %)   Tous les malades avaient des ventricules uniques type gauche avec une bonne fonction cardiaque préopératoire. Les pressions artérielles pulmonaires moyennes étaient basses avec une moyenne à 13,2 ± 3,7 mmHg et un index de Nakata à 199 ± 104 mm²/m². Un clampage aortique a été réalisé chez 3 malades avec une durée moyenne de 67 (33-98 minutes). Une fenestration a été réalisée chez 7 malades. Les gestes chirurgicaux particuliers associés étaient la calibration d’une CIA dans les hypoplasies tricuspides sévères, une plastie de la valve mitrale et une exérèse partielle du VD pour une maladie d’Ebstein. Une plastie artérielle pulmonaire et une plastie de valve atrioventriculaire gauche ont été faites, identiques aux gestes similaires dans l’autre groupe de patients. Ces 8 patients n’ont pas présenté de complication notable à l’exception d’un patient qui a eu un épanchement péricardique régressif sous traitement médical. La mortalité hospitalière et tardive est nulle pendant la période de suivi de 5 ans (1-14 ans). Deux patients ont bénéficié d’une fermeture de la fenestration par cathétérisme cardiaque interventionnel. Tous les patients avaient un excellent statut fonctionnel NYHA à la dernière visite médicale et tous avaient une bonne fonction cardiaque globale.   4. DISCUSSION   4.1 Évolution de la prise en charge à Marseille La prise en charge chirurgicale des cardiopathies congénitales univentriculaires dans la cadre de la circulation de Fontan a évolué dans les différentes équipes et pendant les années. Cette série de totalisation extracardiaque de Fontan pour les cardiopathies univentriculaires a donné des résultats globalement concordants avec ceux des séries internationales [tableau 6].   Tableau 6: La mortalité postopératoire à la DCPT dans quatre séries internationales Série Année Nombre de cas Mortalité Rogers et al. [6] 2012 771 3,5 % Baker et al. [7] 2009 239 1,3 % Hirsch et al. [8] 2007 636 4 % Salvin et al. [9] 2005 226 0,9 %   L’analyse de l’âge des patients à chaque étape chirurgicale au cours des années a montré que l’âge moyen à la DCPP et à la DCPT se réduisait avec une tendance à opérer les enfants plus tôt. Après une DCPP, l’indication et le timing de la totalisation sont variables. Pour certains, le deuxième temps est indiqué à un âge et un poids donné quel que soit l’état fonctionnel ; pour d’autres, c’est l’apparition d’une désaturation ou d’une intolérance à l’effort qui marque le moment de la totalisation. Wallace et al. ont montré qu’un poids égal à Z-score < -2 est associé à une augmentation de la mortalité hospitalière, d’échec du montage de Fontan et de l’augmentation de durée d’hospitalisation [10]. Le concept de la fenestration a été introduit à la fin des années 1980, d’abord pour les patients à risque élevé. Devant les avantages proposés, certains centres ont utilisé la fenestration chez tous les patients sans stratification du risque. Récemment, l’évolution dans l’utilisation des agents pharmacologiques qui réduisent les résistances vasculaires pulmonaires (sildénafil et bosentan) pourrait éviter le recours systématique à la fenestration [12]. Dans cette série, 66 % des DCPT étaient fenestrés,  aboutissant au fait que les saturations étaient assez basses à la sortie de l’hôpital. Le taux moyen de saturation était de 89 % dans le groupe avec  fenestration, et de 95 % dans le groupe sans fenestration.   4.2. Importance des complications thromboemboliques Il  y a un accord général sur l’importance et la sévérité des événements thromboemboliques après les opérations Fontan. Plusieurs études ont rapporté un très faible taux de survie après les complications thromboemboliques, avec des taux de mortalité aussi élevés que 25 % dans les séries pédiatriques et de 38 % dans les séries avec des patients plus âgés [13]. La mesure dans laquelle les facteurs chirurgicaux et les facteurs liés au patient contribuent au risque global reste mal définie. L’efficacité des différentes formes de traitement anticoagulant prophylactique après une opération de Fontan est un objet de débat. Une antiagrégation ou une anticoagulation efficace est recommandée pour tous les patients après une opération de Fontan [14]. Cependant, l’association d’un antiplaquettaire et d’un anticoagulant durant 6 à 12 mois, suivi d’un traitement antiplaquettaire à vie, est la stratégie thérapeutique la plus commune utilisée après DCPT. À Marseille, une anticoagulation pour une durée de 6 mois est toujours prescrite, avec remplacement par acide acétylsalicylique ensuite. Dans notre série il y a eu 2 événements thromboemboliques : une embolie pulmonaire chez un patient ayant bénéficié d’une totalisation non fenestrée sans antécédent de troubles du rythme, thrombolysée avec un bon résultat ; et une thrombose tardive du tube extracardiaque chez un patient atteint de trisomie 21 qui a abouti à un des deux décès de la série.   4.3. Le flux antérograde et la circulation de Fontan La suppression du flux antérograde dans le tronc de l’artère pulmonaire est en principe la règle au moment de la DCPP (le plus souvent) ou plus tard au moment de la DCPT. Dans notre série, 27 % des patients ont gardé un flux antérograde dans l’artère pulmonaire jusqu’à la DCPT. À Marseille ce flux antérograde est recherché au moment du bilan et notamment du cathétérisme cardiaque préopératoire. Ses caractéristiques anatomiques et physiologiques sont évaluées. La décision de sa conservation ou de sa suppression est prise après discussion multidisciplinaire. Ainsi, la conservation d’un flux antérograde pulmonaire restrictif après la DCPT a été délibérée pour 6 malades (2 malades ont gardé le flux antérograde de façon non intentionnelle). La conservation du flux antérograde pulmonaire au moment de la DCPP est un facteur qui peut retarder la date de la totalisation en gardant une hématose correcte pendant plus longtemps sans effets indésirables évidents. Il est considéré par certains comme bénéfique pour le développement des artères pulmonaires, et donc permettant  entre autres l’insertion d’un plus grand conduit extracardiaque, chez un enfant plus grand, au moment de la DCPT [17]. Théoriquement il prévient la formations des fistules artérioveineuses intrapulmonaires car c’est un flux pulsatile en provenance hépatique [18]. Toutefois, la conservation du flux antérograde pulmonaire de façon chronique induit une surcharge volumétrique chronique sur le ventricule unique. Cette surcharge peut aboutir à une dilatation de ventricule puis à l’apparition de signes de défaillance fonctionnelle et de retentissement hémodynamique. Elle peut être aussi responsable de fuite fonctionnelle de l’appareil valvulaire atrioventriculaire par dilatation, augmentant les pressions de remplissage du ventricule unique. De  plus, une  pression élevée dans l’artère pulmonaire  peut gêner l’écoulement sanguin dans le système veine cave supérieure et créer un syndrome cave supérieur. Enfin, ce flux antérograde pulmonaire est un shunt gauche-droit et contrarie le principe de circulation en série de Fontan.    Différentes techniques sont décrites pour la fermeture des flux antérogrades pulmonaires. Une simple ligature ou une section suture du tronc de l’artère pulmonaire est possible sans considération de la valve pulmonaire. Ceci peut entraîner des problèmes de stagnation du flux sanguin dans le moignon résiduel. Une autre technique possible est la résection des sigmoïdes de la valve pulmonaire au moment de la fermeture du TAP. À Marseille, la technique utilisée est la section-suture du TAP, sous clampage, avec double surjet incluant les sigmoïdes de la valve pulmonaire pour éviter les complications thromboemboliques [15]. En regard de ces techniques, la conservation du flux antérograde évite la prolongation du temps de CEC et de clampage aortique, néfastes pour la circulation de Fontan. La suppression de la voie antérograde pulmonaire est une source de formation possible de thrombose endocavitaire bien décrite dans la littérature [5,15]. De fait, dans cette série, il y a un cas d’atrésie tricuspidienne (opéré à 3 reprises : cerclage pulmonaire à l’âge de 3 mois, DCPP à l’âge de 2 ans ; et DCPT à l’âge de 12 ans) chez qui, 6 ans après la DCPT, il a été noté une dilatation très importante du ventricule droit exclu avec compression symptomatique du ventricule gauche par présence de caillot dans ce ventricule droit [figure 1]. La chirurgie alors nécessaire a consisté en une ablation du caillot dans le ventricule droit avec fermeture d’une CIV. Cette CIV était de forme très particulière fonctionnant comme une valve à sens unique entre le VG unique et fonctionnel et la chambre rudimentaire droite. Le patient est sorti de cette complication avec une dysfonction majeure de la circulation de Fontan. Il est arrivé au stade de discussion d’une transplantation cardiaque éventuelle, mais après mise sous sildénafil et programme de réadaptation cardiaque, il a récupéré progressivement un statut lui permettant de ne pas être à ce jour en liste d’attente de greffe. Depuis cette expérience, et d’autant plus que, de manière simultanée, il avait été constaté que la persistance involontaire d’un flux antégrade chez 2 patients était et restait sans conséquence, chaque patient ayant une voie antéro­grade pulmonaire persistante fait l’objet d’une discussion médico­chirurgicale multidisciplinaire spécifique pour décider de la stratégie concernant cette voie antérograde.   [caption id="attachment_708" align="alignnone" width="300"] Figure 1 : Thrombose dans le VD après ligature du TAP au moment de la DCPT. A : coupe apicale sur le VU. B : coupe parasternale petit axe médioventriculaire. Flèche : thrombose intra-VD[/caption]   Dans notre série, la comparaison entre le groupe de DCPT avec conservation du flux antérograde restrictif  et le groupe de DCPT sans flux antérograde n’a pas montré de différence significative [tableau 7], ni dans le bilan préopératoire, ni dans les constatations périopératoires. L’âge moyen était de 8 ans dans les deux groupes avec des PAP non élevées et des artères pulmonaires biens développées dans les deux groupes. Concernant la durée de CEC et la durée du séjour en réanimation, on peut constater un effet positif de la conservation du flux antérograde. En effet, la durée de CEC était plus courte dans le groupe avec conservation du flux antérograde (102 min vs 138 min, p = 0,12), ainsi que la durée du séjour en réanimation (2 j vs 3j, p = 0,26). Ces tendances n’ont eu d’influence ni sur la durée totale d’hospitalisation qui reste alentour de 19 jours dans les deux groupes, ni sur la mortalité. De même, les PAPm en postopératoire immédiat n’étaient pas significativement différentes avec une durée de drainage pleural similaire dans les deux groupes.   Tableau 7: Comparaison entre la DCPT avec flux antérograde et la DCPT sans flux antérograde Flux antérograde conservé (8 patients) Flux antérograde supprimé (111 patients) Résultat (p) Âge (ans) 8 (4-16) 8 (4-27) 0,95 PAPm pré-op 13,2 ± 3,7 13 ± 2,8 0,6 Index Nakata pré-op 199 ± 104 291 ± 151 0,27 Durée CEC 102 ± 18 138 ± 39 0,12 PAPm post-op 12,5 ± 2,5 13 ± 2,7 0,82 Durée réanimation 2 ± 1 3 ± 4,6 0,26 Durée drainage 11,2 ± 7,4 11 ± 5,7 0,79 Durée hospitalisation 18,6 ± 9,6 19 ± 15 0,86 Mortalité (%) 0 0   Cette étude met en évidence plusieurs considérations intriquées pour la conservation du flux antérograde pulmonaire en diverses situations. Pour certains, elle est conservée au moment de la DCPP pour des raisons physiologiques afin de garder une hématose correcte pendant le plus de temps possible [18]. Elle peut également être conservée quand les artères pulmonaires sont de petit calibre, et parfois pour éviter un flux préférentiel important dans l’APD. Au moment de la DCPT, les raisons de la conservation du flux antérograde restrictif sont essentiellement anatomiques en cas d’absence de décharge d’une cavité ventriculaire accessoire qui se remplit. Dans certains cas, la raison est technique, quand l’abord du TAP est difficile. Chaque cas doit être analysé avec ses particularités et le traitement adapté. Ainsi, dans deux cas d’hypoplasie tricuspide sévère, l’intervention a consisté à respecter le flux antérograde, à interposer un tube entre la veine cave inférieure et les artères pulmonaires avec une « fenestration » communiquant avec l’oreillette droite, mais aussi à calibrer la CIA, car, dans ce contexte, c’est la taille de celle-ci qui conditionne de fait le flux de fenestration au sens de la circulation de Fontan. En plus, il existe une place importante pour le cathétérisme cardiaque en ce qui concerne le flux antérograde pulmonaire et la DCPT. Il permet une évaluation préopératoire de l’anatomie des artères pulmonaires, la présence des cavités cardiaques accessoires sans décharge, de définir les PAP moyennes dans la VCS et d’évaluer la modulation de la pulsatilité sur la pression pulmonaire. De même, il permet d’effectuer un test de fermeture du TAP au ballonnet pour définir l’importance du flux antérograde sur la PAP. Finalement, si la conservation du flux antérograde pulmonaire est problématique, la fermeture est possible si nécessaire au moyen des dispositifs percutanés [19,20].   5. CONCLUSION La totalisation extracardiaque de Fontan en deux étapes est la technique actuellement utilisée pour le traitement des cardiopathies univentriculaires. La prise en charge des cardiopathies univentriculaires avec flux antérograde pulmonaire persistant est un sujet actuel dans la complexité des concepts de la circulation « paradoxale » de Fontan. Certaines équipes ont étudié les avantages et les inconvénients de la conservation de ce flux au moment de la DCPP. Dans ces conditions, certains patients arrivent au moment de la DCPT avec un flux antérograde persistant. Dans certains de ces cas, et à condition d’une évaluation préopératoire rigoureuse et d’éventuels gestes complémentaires appropriés, il est possible et peut-être préférable de respecter la perméabilité d’une voie antérograde pulmonaire restrictive lors de la réalisation d’une totalisation cavopulmonaire. L’expérience de notre équipe démontre l’importance de ce concept et sa faisabilité sans risque ajouté. Huit patients ont gardé un flux pulmonaire antérograde restrictif au moment de la DCPT avec de bons résultats à court et moyen termes, alors qu’un patient a eu des conséquences graves de sa suppression. Un plus long recul est bien sûr nécessaire pour analyser les facteurs importants dans la période préopératoire et le devenir des patients à long terme.   RÉFÉRENCES Fontan F, Baudet E. Surgical repair of tricuspid atresia. Thorax 1971; 26:240-8. Khairy P, Fernandes SM, Mayer JE Jr et al. Long-term survival, modes of death, and predictors of mortality in patients with Fontan surgery. Circulation 2008;117:85-92. Coon PD, Rychik J, Novello RT, Ro PS, Gaynor JW, Spray TL. Thrombus formation after the Fontan operation. Ann Thorac Surg. 2001; 71:1990-4. Walker SG, Stuth EA. Single-ventricle physiology: perioperative implications. Semin Pediatr Surg. 2004;13(3):188-202. Oski JA, Canter CE, Spray TL, Kan JS, Cameron DE, Murphy AM.. Embolic stroke after ligation of the pulmonary artery in patients with functional single ventricle. Am Heart J. 1996;132(4):836-40. Rogers LS, Glatz AC, Ravishankar C et al. 18 Years of the Fontan Operation at a Single Institution. Results From 771 Consecutive Patients. J Am Coll Cardiol 2012;60:1018-25. Backer CL, Deal BJ, Kaushal S et al. Extracardiac Versus Intra-Atrial Lateral Tunnel Fontan: Extracardiac is Better. Semin Thorac Cardiovasc Surg Pediatr Card Surg Ann 2011;14(1):4-10. Hirsch JC, Goldberg C, Bove EL et al. Fontan operation in the current era: a 15-year single institution experience. Ann Surg 2008; 248(3):402-10. Salvin JW, Scheurer MA, Laussen PC et al. Factors associated with prolonged recovery after the fontan operation. Circulation 2008;118(14 Suppl):S171-6. Wallace MC, Jaggers J, Li JS et al. Center Variation in Patient Age and Weight at Fontan Operation and Impact on Postoperative Outcomes. Ann Thorac Surg 2011;91(5):1445-52. Bossers SS, Helbing WA, Duppen N et al. Exercise capacity in children after total cavopulmonary connection: Lateral tunnel versus extracardiac conduit technique. J Thorac Cardiovasc Surg 2014;148(4):1490-7. Harada Y, Uchita S, Sakamoto T et al. Do we need fenestration when performing two-staged total cavopulmonary connection using an extracardiac conduit?. Interact Cardiovasc Thorac Surg 2009;9(1):50-4. Walker HA, Gatzoulis MA. Prophylactic anticoagulation following the Fontan operation. Heart 2005;91:854-6. Monagle P, Chalmers E, Chan A et al. Antithrombotic therapy in neonates and children. American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines (8th Edition) Chest 2008; 133(6 Suppl):887S-968S. Lee SY, Baek JS, Kim GB et al. Clinical significance of thrombosis in an intracardiac blind pouch after a Fontan operation. Pediatr Cardiol. 2012;33(1):42-8. Demirtürk OS, Güvener M, Coşkun I, Yıldırım SV.. Results of additional pulsatile pulmonary blood flow with bidirectional glenn cavopulmonary anastomosis: positive effect on main pulmonary artery growth and less need for fontan conversion. Heart Surg Forum. 2013;16(1): E30-4. Henaine R, Vergnat M, Mercier O et al. Hemodynamics and arteriovenous malformations in cavopulmonary anastomosis: the case for residual anterograde pulsatile flow. J Thorac Cardiovasc Surg 2013;146(6):1359-65. Gérelli S, Boulitrop C, Van Steenberghe M et al. Bidirectional cavopulmonary shunt with additional pulmonary blood flow: a failed or successful strategy? Eur J Cardiothorac Surg. 2012;42(3):513-9. Desai T1, Wright J, Dhillon R, Stumper O. Transcatheter closure of ventriculopulmonary artery communications in staged Fontan procedures. Heart 2007;93(4):510-3. Petko C, Gray RG, Cowley CG. Amplatzer Occlusion of Accessory Ventriculopulmonary Connections. Catheter Cardiovasc Interv. 2009; 73(1):105-8. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.Cet article est issu d’un mémoire de DESC.
juin 3, 2016
Chirurgie cardiaque congénitale et pédiatrique · Vol. 20 Mars 2016

Résultats à moyen terme de la dérivation cavopulmonaire totale avec conduit extracardiaque réalisée au cours de la deuxième décennie de vie

Alexandre Metras1, Mohammed Al-Yamani1,2, François Roubertie1, Pascal Amedro3, Jean-Benoît Thambo4, Stéphane Le Bel5, Nadir Tafer6, Virginie Fouilloux7, Bernard Kreitmann1   1. Service de chirurgie cardiaque, CHU de Bordeaux, hôpital Haut- Lévêque, Pessac, France. 2. Service de chirurgie cardiaque, hôpital universitaire Sultan Qaboos, Muscat, Sultanat d’Oman. 3. Service de pédiatrie spécialisée, unité de cardiologie pédiatrique, CHRU de Montpellier, France. 4. Service de cardiologie pédiatrique, CHU de Bordeaux, hôpital Haut-Lévêque, Pessac, France.  5. Département d’anesthésie-réanimation pédatrique, hôpital Timone-Enfants, Marseille, France. 6. Service d’anesthésie-réanimation 2, CHU de Bordeaux, hôpital Haut-Lévèque, Pessac, France. 7. Service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire, hôpital Timone-Enfants, Marseille, France. Correspondance : metrasalex@yahoo.fr   Résumé Objectif : La totalisation de la dérivation cavopulmonaire réalisée entre l’âge de 10 à 20 ans a été peu étudiée. Cette étude rétrospective bicentrique éva- lue la morbidité à court et à moyen termes de la totalisation de la dérivation cavopulmonaire avec conduit extracardiaque (DCPT-EC) chez ces patients. Méthodes : Entre janvier 1999 et juin 2014, 63 patients (27 femmes et 36 hommes) (âge moyen : 14,5 ± 2,9 ans) ont bénéficié de la totalisation de leur dérivation cavopulmonaire au cours de leur deuxième décennie. Avant la totalisation, 8 patients avaient une dérivation cavopulmonaire partielle (DCPP) isolée. Les autres patients avaient une DCPP associée à un flux pulmonaire additionnel antérograde (groupe 1, 32 patients) ou rétrograde (groupe 2, 23 patients). Les données préopératoires, postopératoires et de suivi ont été collectées de manière rétrospective. Les patients ayant eu une DCPT-EC en un temps ou une conversion d’anastomose atriopulmonaire en DCPT-EC ont été exclus de l’étude. Résultats : La durée moyenne du suivi était de 5,6 ans (0,8-15 ans) et aucun patient n’a été perdu de vue. La pression artérielle pulmonaire moyenne et la pression télédiastolique du ventricule unique au cathéterisme préopératoire étaient de 12,2 et 9,2 mmHg respectivement, sans différence entre les deux groupes. En moyenne, l’index de Nakata était de 279 ± 119 mm2/m2 dans le groupe 1 contre 228 ± 87 mmHg dans le groupe 2 (p = 0,01). Un clampage aortique a été nécessaire pour 22 patients dans le groupe 1 contre 9 dans le groupe 2 (p = 0,04). Une fenestration du conduit a été réalisée dans 40 cas (65 %). Un patient est décédé durant l’hospitalisation. Neuf patients (14 %) ont eu un séjour prolongé en réanimation (> 6 jours). La durée moyenne de drainage était de 12,2 ± 16,5 jours. Au cours du suivi, 2 patients sont décédés de cause non cardiaque. La survie actuarielle était de 98 % et 96 % à 1 an et 4 ans respectivement. Au terme du suivi, la fonction cardiaque s’était améliorée chez tous les patients du groupe 1 contre 82 % des patients du groupe 2 (p = 0,02). Le statut fonctionnel s’est amélioré à distance : 47 % des patients étaient en classe NYHA 2 et 48 % en classe NYHA 3 en préopératoire contre 80 % des patients en classe 1 et 15 % en classe 2 au terme du suivi (p < 0,001). Conclusion : La présence de flux additionnels pulmonaires a permis la réalisation de la DCPT-EC dans la deuxième décennie de vie, avec des résultats satisfaisants à court et moyen termes avec un bon statut fonctionnel. Malgré tout, la DCPP avec flux additionnel pulmonaire rétrograde était associée à un certain degré de dysfonction cardiaque au terme du suivi. Il convient d’utiliser ce type de palliation avant la DCPT-EC avec prudence.   Abstract Early to mid-term results of total cavo-pulmonary connection with an extracardiac conduit performed in the second decade of life Aim: Total cavo-pulmonary completion (TCPC) performed in the second decade of life (10 to 20 years old) had been rarely studied. This bi-centric work was conducted to study early and late morbi-mortality of TCPC completion with an extra-cardiac conduit in these patients. Methods: From January 1999 to June 2014, 63 patients (27 female and 36 male) (mean age: 14.5 + 2.9 years) underwent Fontan completion in the second decade of life. Palliation before completion was isolated bidirectional cavo-pulmonary shunt (BCPS) in eight patients or BCPS associated with additional pulmonary blood flow (APBF) either antegrade (Group 1) in 32 (63%) or retrograde (Group 2) in 23 (37%) patients. Preoperative data and perioperative courses were retrospectively reviewed. Primary Fontan or Fontan conversion were excluded from this study. Mean follow-up time was 5.6 years (0.8-15 years), with no patients lost to follow-up. Results: Mean pulmonary arterial and ventricular end-diastolic pressure were 12.2 and 9.2 mmHg, respectively, without a difference between groups. The mean Nakata index was 279±123 and 228±87 mm2/m2 in groups 1 and 2, respectively (p=0.01). Aortic cross-clamp was performed in 22 (group 1) and eight (group 2) patients, p=0.04. Forty TCPC were fenestrated (65%). There was one early death. Nine patients (14%) had a prolonged ICU length of stay (> 6 days). The mean time for pleural drainage was 12.2 (± 16.5) days. There were two late deaths (non-cardiac related). Actuarial survival was 98% and 96% at one and four years, respectively. At the last follow-up, single ventricle function remained similar or improved in all patients in group 1 compared to 82% in group 2 (p=0.02). NYHA improved significantly in both groups: 47% patients were in NYHA class II and 48% in NYHA class III preoperatively compared to 80% in NYHA class I and 15% in NYHA class II postoperatively (p<0.001). Conclusion: Single ventricle palliation with BCPS and APBF allowed TCPC completion in the second decade of life, with satisfactory early and mid-term results and good functional status. However, BCPS and retrograde APBF were associated with single ventricle dysfunction at late time points and need to be cautiously used as long-lasting palliation before Fontan completion. Télécharger le PDF de l'article complet Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Cet article est issu d’un mémoire de DESC.  
mars 15, 2016