Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Septembre 2019

Les premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali : résultats et perspectives

Allaye Ombotimbé1*, Issa Boubacar Maïga1, Jacques Saye1, Moussa Bazongo1 Cheick Ahmed Sékou Touré1, Abdoul Aziz Maïga1, Seydou Togo1, Moussa Abdoulaye Ouattara1, Nouhoum Ouologuèm2, Massama Konaté2, Nouhoum Diani3, Boumzebra Drissi4, Sadio Yéna1   Service de chirurgie thoracique, hôpital du Mali, Bamako. Service de cardiologie, hôpital du Mali, Bamako. Service de réanimation, hôpital du Mali, Bamako. Service cardiovasculaire, CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc. * Correspondance : ombotimbe.allaye@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-3-OMB Citation : Ombotimbé A, Maïga IB, Saye J, Bazongo M, Sékou Touré CA, Maïga AA, Togo S, Ouattara MA, Ouologuèm N, Konaté M, Diani N, Drissi B, Yéna S. Les premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali : résultats et perspectives.  Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(3). doi: 10.24399/JCTCV23-3-OMB RÉSUMÉ Objectif : décrire les résultats de la première mission de la chirurgie à cœur ouvert dans le pays et proposer les perspectives de son développement au Mali. Patients et méthodes : il s’agit d’une étude rétrospective et descriptive portant sur les premières interventions à cœur ouvert au cours d’une mission de partenariat avec le Maroc à l’hôpital du Mali, allant du 17 au 23 septembre 2016. Les paramètres étudiés ont été les données cliniques, thérapeutiques et évolutives. Résultats : six patients ont été colligés. L’âge moyen des patients était de 22,5 ans. Une dyspnée d’effort cotée au moins 2 sur l’échelle de NYHA a été retrouvée dans tous les cas. On notait deux cas de maladie mitrale, deux cas de rétrécissement mitral, un cas d’insuffisance mitrale et un cas de communication interauriculaire. Il a été effectué 4 remplacements valvulaires mitraux, une plastie mitrale et une fermeture de CIA. La durée moyenne l’hospitalisation a été de 13 jours. L’évolution a été simple dans tous les cas.  Conclusion : la chirurgie à cœur ouvert est faisable dans notre contexte actuel. Le partenariat sud-sud à travers des missions de formation et de compagnonnage est nécessaire.   ABSTRACT The first cases of open heart surgery in Mali: results and perspectives Objective: To describe the results of the first mission of open heart surgery in the country and to propose the prospects for its development in Mali. Patients and methods: this is a retrospective and descriptive study on the first open heart interventions during a partnership mission with Morocco to the Mali hospital from September 17 to 23, 2016. The studied parameters were the clinical, therapeutic and evolutionary data. Results: Six patients have been collected. The average age of patients was 22.5 years. A dyspnea on exertion of at least 2 on the NYHA scale was found in all cases. There were two cases of mitral disease, two cases of mitral stenosis, one case of mitral insufficiency, and one case of atrial septal defect (ASD). Four mitral valve replacements, one mitral valve repair and one ASD closure were performed. The average duration of hospitalization was 13 days. The evolution was simple in all cases. Conclusion: Open heart surgery is feasible in our current context . The South-South partnership through training and companionship missions is necessary.   1. Introduction Dans les pays en développement, la chirurgie cardiaque n’est pas suffisamment pratiquée ou bien elle est absente [1]. Les cardiopathies chirurgicales sont dépistées et beaucoup d’entre elles ne bénéficient pas de l’apport de la chirurgie [1]. Leur prise en charge pose dans bien des cas des problèmes diagnostiques et/ou thérapeutiques [2]. Chez l’enfant, on estime par exemple qu’il y a 800 000 nouveau-nés chaque année dans le monde avec une cardiopathie congénitale [3]. Aussi, il y a une prévalence élevée du rhumatisme articulaire aigu responsable de valvulopathies rhumatismales chez les enfants, soit 37,6% des pathologies cardiovasculaires [4]. Chez les adultes, les cardiopathies ischémiques sont de plus en plus fréquentes et elles sont liées principalement à la pandémie de l’hypertension artérielle, à l’intoxication alcoolotabagique chronique, au diabète, à la sédentarité et aux dyslipidémies [5]. La chirurgie cardiovasculaire est indispensable pour la prise en charge adéquate de ces nombreuses maladies en Afrique. Le problème est criant au Mali. Par exemple en 2006, la prévalence hospitalière des cardiopathies congénitales était de 1,28% au Mali [6]. Seulement 2% des cas sont traités par les organisations non gouvernementales à l’extérieur, sur plus de 2700 cas de cardiopathies chirurgicales qui attendent actuellement une intervention chirurgicale [3]. Le but de cette étude était de décrire les résultats des premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali et de proposer des perspectives pour son développement.   2. Patients et méthodes Il s’agit une étude rétrospective et descriptive qui a porté sur les premières interventions à cœur ouvert réalisées dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali durant la période du 17 au 23 septembre 2016. Sur une cohorte de 10 patients ayant une indication de chirurgie à cœur ouvert proposés par le service de cardiologie, le programme a exclu 4 patients pour pathologies complexes, un pour l’existence d’hépatite virale évolutive, 2 patients pour un syndrome coronarien associé et un cas d’insuffisance mitrale sévère avec une hypertension artérielle pulmonaire sévère chez une fille de 5 ans, en l’absence de matériels pédiatriques adaptés. Tous les patients ont bénéficié d’une évaluation clinique, d’une radiographie thoracique, d’une échographie cardiaque transthoracique, d’un bilan biologique et d’une consultation anesthésique. Six patients ont finalement été opérés. Les interventions ont été réalisées au cours d’une mission de partenariat sud-sud entre l’équipe de l’hôpital du Mali et celle du CHU Mohammed VI de Marrakech au Maroc. Sur le plan organisationnel, le plateau technique a été renforcé par l’octroi de matériels médicaux par l’équipe marocaine. La voie d’abord était une sternotomie médiane chez tous les patients. Les interventions chirurgicales ont été réalisées sous circulation extracorporelle (CEC) entre deux canules veineuses et une canule aortique. La protection myocardique a été assurée par une solution de cardioplégie au sang total enrichi en potassium toutes les 20 minutes à la racine de l’aorte avec une autre canule. En postopératoire, les patients étaient surveillés au service de réanimation. Les paramètres étudiés ont été les données cliniques, thérapeutiques et évolutives. Le suivi postopératoire des patients était basé sur l’examen clinique, la biologie et l’échographie cardiaque.   3. Résultats L’âge moyen des patients était de 22,5 ans (±10,5) avec un sexe-ratio de 1. Les caractéristiques sociodémographiques, cliniques et échographiques des patients ont été répertoriées dans le tableau 1. L’indice cardiothoracique moyen était de 0,62±0,98. Deux patients étaient en arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire. Le diamètre télédiastolique moyen du ventricule gauche était de 57±2 mm, la fraction d’éjection moyenne préopératoire était de 53,83%±10,79. La pression artérielle pulmonaire systolique (PAPS) était supérieure ou égale à 30mmHg±5 chez 4 patients.   Tableau 1. Les caractéristiques sociodémographiques cliniques et échographiques.   Patients Âge/Sexe Fonction Signes cliniques Diagnostic échographique 1 29/F Secrétaire – Dyspnée NYHA 3 – Douleurs thoraciques – Palpitations – Hémoptysie – RM serré 2 23/F Élève – Dyspnée NYHA 3 – Hémoptysie – Toux – Palpitations – Maladie mitrale – Thrombus OG – ACFA – IT 3 24/M Commerçant – Dyspnée NYHA 2 – Asthénie – Toux – CIA ostium secundum 4 15/F Élève – Dyspnée NYHA 3 – Douleurs thoraciques – Palpitations – Maladie mitrale – IT 5 12/M Élève – Dyspnée NYHA 3 – Palpitations – Toux – Asthénie   – IM sévère – IT 6 33/M Cultivateur – Dyspnée NYHA 3 – Douleurs thoraciques – Toux – Asthénie – RM – Thrombus AG – ACFA – IT F : féminin ; M : masculin ; RM : rétrécissement mitral ; OG : oreillette gauche ; ACFA : arythmie complète par fibrillation auriculaire ; IT : insuffisance tricuspidienne ; CIA : communication interauriculaire ; IM : insuffisance mitrale ; AG : auricule gauche.   Les valvulopathies mitrales étaient d’origine rhumatismale dans 5 cas, et dans un cas il s’agissait de cardiopathie congénitale. Les gestes chirurgicaux ainsi que les différentes durées du monitoring ont été répertoriés dans le tableau 2. Une transfusion sanguine en peropératoire a été réalisée chez 5 patients qui avaient un taux d’hémoglobine peropératoire de 8g/dl en moyenne avec un nombre moyen de trois poches de culot globulaire. Un traitement anticoagulant à base d’acénocoumarol à vie a été instauré chez 4 patients. Ce traitement était ajusté en fonction des résultats du taux de l’International Normalised Ratio (INR) qui doit être compris entre 2 et 3 et surveillé par les cardiologues. En réanimation, ils étaient extubés après une durée moyenne de 7±2,09 heures et avec un séjour de 3,5±0,55 jours.   Tableau 2. Répartition des gestes chirurgicaux et de la durée du monitoring. Patient            Traitement Durée en minute CEC Clampage aortique Assistance 1 – RVM par valve mécanique 50 33 10 2 – RVM par valve mécanique – Plastie tricuspide De Vega – Thrombectomie 109 75 20 3 – Fermeture de la CIA par patch péricardique 38 25 10 4 – RVM par valve mécanique – Plastie tricuspide De Vega 100 75 15 5 – Plastie mitrale – Plastie tricuspide De Vega 132 100 20 6 – RVM par valve mécanique – Plastie tricuspide De Vega  – Thrombectomie – Aveuglement AG 105       75 20 Durée moyenne 95 69 16 CEC : circulation extracorporelle ; RVM : remplacement valvulaire mitral ; CIA : communication interauriculaire ; AG : auricule gauche.   Les suites opératoires immédiates étaient simples chez 5 patients. Nous avons noté un cas d’épanchement péricardique qui a bénéficié d’une ponction évacuatrice échoguidée. La durée moyenne d’hospitalisation était de 13,17±2,14 jours. L’évolution était favorable dans tous les cas à 3 mois. Après un recul de 30 mois, tous les patients étaient asymptomatiques avec un indice cardiothoracique à 0,52±0,09 et une fraction d’éjection à 59,33±6,28 %.   4. Discussion Notre étude confirme la faisabilité de la chirurgie à cœur ouvert dans notre contexte au vu des résultats obtenus suite à cette première mission. La réussite actuelle est due à une convergence de tous les acteurs. Pour cette première édition, il était important de rendre accessible financièrement cette chirurgie aux bénéficiaires, grâce à l’obtention d’une gratuité totale. Cela était nécessaire, puisque l’ensemble des patients opérés provenait de famille d’indigents. Le problème des maladies cardiovasculaires au Mali et en Afrique subsaharienne est considérable et le sera de plus en plus si rien n’est fait. En 2006, on a estimé à 15% le taux de la population malienne souffrant de maladies cardiaques, soit environ 1 600 000 patients [7]. Ce qui paraît sous-évalué actuellement. Les difficultés pour la grande majorité des patients à assurer une prise en charge chirurgicale tant localement qu’à l’étranger réduisent considérablement leur espérance de vie. Une majorité de la population est économiquement démunie et pauvre. En effet au Mali, en 2006, le coût moyen d’une évacuation sanitaire a été évalué par patient à 10 698 378,00 CFA (soit 16 300 euros) [8]. Pour les malades évacués sanitaires, ce coût est extrêmement élevé comparé aux ressources de l’État. Le développement de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert doit être ressentie et vécue comme une activité à haute valeur qui est aussi une opportunité pour améliorer le contexte général des soins. En effet, sa pratique amène le perfectionnement de nombre de spécialités comme la cardiologie, l’anesthésie-réanimation, la biologie, l’imagerie ou le biomédical. C’est avec cette vision que des initiatives se sont développées respectivement à l’hôpital du Point G, à l’hôpital Mère-Enfant et à l’hôpital du Mali. À l’hôpital du Point G, c’est avec le partenariat hospitalier universitaire le reliant à celui d’Angers. Ce projet en cours depuis novembre 2007 se développe et a enregistré des missions chirurgicales pour l’instant sur la chirurgie à cœur fermé. Il est en train d’être concrétisé par la construction d’un centre de chirurgie cardiovasculaire doté d’une unité d’exploration cardiaque fonctionnelle. La construction par la Chaîne de l’Espoir d’un bloc de chirurgie cardiopédiatrique plus réanimation à l’hôpital Mère-Enfant et la réalisation, depuis son ouverture en septembre 2018, de plus de 100 interventions à cœur ouvert concernent les enfants. Cette réalisation privée permettra de mettre fin à des évacuations sanitaires d’enfants. Quant à celui de l’hôpital du Mali, il vient d’être lancé en 2016 sur la base d’un partenariat sud-sud avec le centre hospitalier universitaire Mohammed VI de Marrakech au Maroc. Cependant, pour être consolidé, ce projet a besoin d’être soutenu pour effectuer plusieurs missions. La pérennisation de la chirurgie à cœur ouvert au Mali passe par l’implication en termes d’équipement, de formations des spécialistes et la subvention du coût des interventions. Il faut développer les capacités humaines et logistiques du service pour répondre à la demande accrue de la population malienne en matière de soins de chirurgie à cœur ouvert, et pour ce faire une politique de santé stable au plus haut niveau est indispensable. Il faut également une réunion de concertation pluridisciplinaire afin d’aboutir à un travail d’équipes des diverses structures et professionnels de santé, afin de mettre en place un centre de chirurgie cardiaque adulte. La coopération avec les équipes à technologie médicale avancée en matière de chirurgie cardiaque permettra une autonomisation de l’équipe malienne à travers un accompagnement.   5. Conclusion Le développement de la chirurgie à cœur ouvert est un challenge au Mali. Notre travail a démontré qu’elle est actuellement faisable. À travers des missions ponctuelles, certaines pathologies cardiochirurgicales pourront être prises en charge. Dans un premier temps, elle a besoin d’un engagement humain et d’un compagnonnage administratif et technique à travers un partenariat.   Références Brousse V, Imbert P, Mbaye P. Évaluation au Sénégal du devenir des enfants transférés pour chirurgie cardiaque. Med Trop 2003;63:506-12. Van Der Linde D, Konings EEM, Slager MA. Birth prevalence of congenital heart disease worldwide. J Am Col Cardiol 2011;58:2241-47.https://doi.org/10.1016/j.jacc.2011.08.025PMid:22078432 Coulibaly B, Diarra M, Dicko M, et al. Coopération Angers-Bamako dans le cadre de la chirurgie cardiovasculaire. État des lieux et perspectives : la chirurgie cardiaque à cœur ouvert au Mali est-elle réalisable ? J Chir thorac et cardiovasc 2014;18(1):55-8. Ba Hamidou O., Noumou Sidibé, Bocary Diarra Mamadou, et al. Aspects diagnostiques et thérapeutiques des cardiopathies rhumatismales de l'enfant au Mali : étude de 85 cas. J Afr thorax et vaisseaux 2010;1,1:5-9. Diarra MB, Diarra A, Sanogo KM, et al. Cardiopathies ischémiques en cardiologie à Bamako (à propos de 162 cas). Mali médical 2007;22(4):36-9. Diakité A, Sidibé N, Diarra MB et al. Aspects épidémiologiques et cliniques des cardiopathies congénitales. Mali médical 2009;24(1)67-8. Ba HO, Maiga AK, Daffé S, Touré M, Diarra MB. Aspects épidémiologiques et cliniques des cardiopathies congénitales infanto-juvéniles. Afr Ann Thorac Cardiovasc Surg 2013;8(2)77-81. Diarra MB, Ba HO, Sanogo KM, Diarra A, Touré KM. Le coût des évacuations cardiovasculaires et les besoins en traitement chirurgical et interventionnel au Mali. Cardiologie tropicale 2006;32:128.   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 14/04/2019. Acceptation : 19/07/2019.
septembre 20, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 23 Septembre 2019

À propos de l’article sur “les premiers cas de chirurgie à cœur ouvert au Mali” – Editorial

L’intérêt clinique de la publication d’Allaye Ombotimbé et collaborateurs est somme toute limité, voire désuet. La principale problématique et le principal intérêt de cet article concernent la discussion, et notamment l’analyse des conséquences d’une telle mission. Car la caractéristique concernant la faisabilité sous cette forme de ce type de mission n’est absolument pas le problème. Ainsi, en amenant le matériel spécifique et les personnels compétents, ce type de mission peut être réalisé à n’importe quel point du globe avec un minimum de caractéristiques techniques requises (fluides, stérilisation et alimentation électrique fiable). Ces dernières se trouvant dans beaucoup d’endroits de la planète et notamment en Afrique. On ne démontre rien en faisant cela. La problématique ne se trouve pas dans la faisabilité, mais plutôt dans la perception de la durabilité de l’activité après ce type de mission. Il faut noter par ailleurs que la mission a été réalisée en 2016 et que, depuis, il ne s’est rien passé dans cet hôpital… En effet, le vrai problème est la pérennisation. Celle-ci devrait s’inscrire dans une perspective de long terme qui concerne les autorités sanitaires et la communauté médicale du pays. Elles doivent libérer les énergies et mettre en œuvre les moyens pour avoir un vrai programme d’installation et de pérennisation de cette activité. Cela permettrait de répondre à ce besoin de santé publique, notamment sur le plan économique. Les dépenses en évacuation sanitaires évitées permettraient de réorienter ces budgets vers une activité pratiquée sur place.   La bonne méthode serait : un modèle économique viable et pérenne de prise en charge, pensé en amont du projet ; la formation préalable du personnel spécialisé (chirurgiens, anesthésistes-réanimateurs, cardiologues et personnel paramédical spécifique) avec un vrai programme concerté et non des projets individuels ; puis l’installation, de manière concomitante à la formation des professionnels de santé, de la structure sanitaire dédiée à ces soins, et ceci de façon à répondre aux besoins de la population de façon pérenne.   Il est bon de rappeler que différentes missions ponctuelles sur les pathologies cardiaques chirurgicales de ce type ont été réalisées en Afrique noire francophone, qu’elles soient à visée diagnostique ou thérapeutique. Ces pays ont vu l’arrivée, pendant environ une à deux semaines, de missions sanitaires issues d’ONG, pour effectuer des actes techniques hautement spécialisés (République démocratique du Congo, Cameroun, Mauritanie, Burkina Faso…). Mais depuis, la continuité des soins et de ces programmes est restée lettre morte. On note aussi que quelques rares pays en Afrique noire francophone avaient des activités dans le domaine ; celles-ci ont périclité, faute de moyens économiques et de réelle prise en charge pérenne au niveau étatique. Il existe actuellement en Afrique noire francophone une classe moyenne émergente qui commence à avoir un pouvoir d’achat conséquent et une prévoyance sanitaire salariale. Il faut croire que dans l’avenir, cela créera un «marché», dans la mesure où il s’agit d’une discipline médicale dont l’aspect lucratif n’est pas négligeable. La conséquence logique sera l’avènement et le développement de cette activité sous la forme privée. Ce qui est déjà le cas de la cardiologie interventionnelle, autre activité lucrative, dans de nombreux pays africains. Ainsi, les structures privées prendront malheureusement le pas sur la médecine à vocation sociale qui relève des pouvoirs publics. Dr Patrice Binuani, chirurgien cardiaque, CHU Angers
septembre 20, 2019
Chirurgie cardiaque · Vol. 21 Septembre 2017

Myxomes cardiaques : à propos de 18 cas opérés

Amine Majdoub, Kaled Adamou Nouhou*, Amadou Daouda, Mohamed Messouak  Service de chirurgie cardiovasculaire, CHU Hassan II, Fès, Maroc. * Auteur correspondant : kaledad2@yahoo.fr DOI : 10.24399/JCTCV21-3-MAJ Citation : Majdoub A, Adamou Nouhou K, Daouda A, Messouak M. Myxomes cardiaques : à propos de 18 cas opérés. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(3). doi: 10.24399/JCTCV21-3-MAJ   Résumé Objectif : le but de notre travail est de rapporter notre expérience dans la prise en charge chirurgicale du myxome cardiaque. Méthode : notre travail est une étude rétrospective descriptive à propos de 18 patients colligés entre janvier 2010 et juillet 2016. Résultats : la fréquence du myxome cardiaque dans notre service est de 3,5 % des patients opérés. L’âge moyen des patients est de 54,5 ans. Le sexe féminin est majoritaire avec une fréquence de 78,6 %. L’accident vasculaire cérébral ischémique représente la circonstance de découverte dans 33,4 % des cas. L’auscultation cardiaque est normale chez 66,7 % de nos patients, elle retrouve un roulement diastolique dans 33,3 % des cas. L’électrocardiogramme de 22,3 % des patients montre une arythmie complète par fibrillation auriculaire. Le myxome est localisé au niveau de l’oreillette gauche dans 88,9 % des cas et est dans l’oreillette droite dans 11,1 %. Une hypertension artérielle pulmonaire a été retrouvée dans 55,6 % des cas. Le traitement a consisté en une résection chirurgicale chez tous nos patients. L’évolution postopératoire immédiate a été simple dans la majorité des cas. Nous avons enregistré un cas de récidive et un cas de décès. Conclusion : l’exérèse chirurgicale, seule option thérapeutique des myxomes cardiaques, présente un bon pronostic.   Abstract Cardiac myxoma: a retrospective descriptive study Aim: We report our experience in surgical management of cardiac myxoma. Method: This retrospective descriptive study includes 18 patients (mean age of 54.5 years, 78.6% female) collected between January 2010 and July 2016. Results: During this period, the frequency of cardiac myxoma in our department was 3.5%. Ischemic stroke led to cardiac myxoma discovery in 6 (33.3%) cases. Cardiac auscultation was normal in 12 (66.7%) of our patients; a diastolic rumble was detected in 6 (33.3%) cases. Atrial fibrillation was identified in the electrocardiograms of 4 (22.3%) patients. The myxoma was localized in the left atrium of 16 (88.9%) cases and was otherwise in the right atrium. Pulmonary arterial hypertension was detected in 10 (55.6%) cases. In all cases, treatment consisted to surgical resection. In most cases, the immediate postoperative evolution was simple. Recurrence occurred in 1 case, and 1 patient died. Conclusion: Surgical excision, the only therapeutic option for cardiac myxomas, has a good prognosis.   1. Introduction Le myxome cardiaque est une tumeur primitive du cœur. Il constitue une entité nosologique rare. Sa fréquence varie entre 1 et 2,8 % dans les séries d’autopsie [1-4]. Tout de même, il représente la forme la plus fréquente des tumeurs primitives du cœur. Près de 75 % de ces tumeurs sont localisées dans l’oreillette gauche [5,6]. La symptomatologie est disparate et dépend surtout de la localisation [7]. Cette maladie est le plus souvent découverte fortuitement. Lorsqu’elle est symptomatique, elle se révèle par des signes d’insuffisances cardiaques ou de complications thromboemboliques. Le diagnostic positif se fait par l’échocardiographie. La prise en charge chirurgicale de cette affection sous circulation extracorporelle a amélioré son pronostic. Cette chirurgie reste indiquée dans tous les cas pour éviter la survenue des complications [7]. Le but de notre travail est de rapporter notre expérience dans la prise en charge chirurgicale du myxome cardiaque.   2. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive portant sur 18 cas de myxome cardiaque opérés dans le service de chirurgie cardiovasculaire du CHU Hassan II de Fès, sur une période allant de janvier 2010 à juillet 2016. Nous avons inclus dans cette étude tous les cas de myxome opérés par notre équipe. Le diagnostic a été posé par l’échocardiographie transthoracique dans tous les cas. Tous les patients ont bénéficié d’une chirurgie à cœur ouvert sous circulation extracorporelle. La voie d’abord a été une sternotomie médiane longitudinale dans tous les cas. La mise en place de la CEC a été réalisée par canulation de l’aorte et des deux veines caves. La cardiotomie a été effectuée par voie biatriale transseptale [figure 1] chez tous nos patients. La cardioplégie était par voie antérograde par la racine de l’aorte utilisant une solution cristalloïde froide.   [caption id="attachment_3844" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Mise en évidence d’un myxome de l’OG après septotomie.[/caption]   Les paramètres suivants ont été étudiés : l’âge, le sexe, les circonstances de découverte, les signes cliniques, les données des examens paracliniques, la conduite chirurgicale et l’évolution postopératoire.   3. Résultats Pendant la période d’étude, 18 cas de myxome ont été opérés soit une fréquence de 3,5 % des patients opérés. Les femmes représentaient 78,6 % de notre échantillon contre 21,4 % d’hommes. L’âge moyen de nos patients était de 54,5 ans avec des extrêmes allant de 21 à 76 ans et un écart type de 45,6 ans. Un antécédent d’hypertension artérielle était retrouvé dans 22,2 % des cas. Les circonstances de découverte étaient dans 33,4 % des cas un accident vasculaire cérébral ischémique et dans 66,6 % des cas il s’agissait d’une poussée d’insuffisance cardiaque. L’auscultation cardiaque était normale dans 66,7 % des cas. Elle retrouvait un roulement diastolique au foyer mitral dans 33,3 % des cas. L’électrocardiogramme révélait une arythmie complète par fibrillation auriculaire dans 22,3 % des cas. La radiographie standard préopératoire a objectivé dans 11,1 % des cas une cardiomégalie isolée, dans 44,4 % des cas une cardiomégalie associée à une surcharge hilaire bilatérale. Elle était normale chez 44,5 % des patients. L’échographie cardiaque transthoracique mettait en évidence une localisation dans l’oreillette gauche dans 16 cas (88,9 %) et dans l’oreillette droite dans 2 cas (11,1 %). La taille de la masse varie de 24/34 mm à 61/120 mm. La tumeur était polylobée dans 12 cas, arrondie dans 6 cas. Six patients avaient des lésions valvulaires associées dont 3 cas d’insuffisance mitrale, 1 cas d’insuffisance tricuspide, 1 cas de rétrécissement mitral et 1 cas d’insuffisance mitrale et tricuspide concomitante. Un cas de double localisation septale et valvulaire mitrale a également été retrouvé. Le traitement a consisté en une exérèse chirurgicale sous circulation extracorporelle dans tous les cas. La durée moyenne de la circulation extracorporelle était de 1 h avec des extrêmes allant de 30 min à 1 h 28 et un écart type de 40 min. La durée moyenne de clampage aortique était de 35 min (extrêmes de 21 min et 1 h) avec un écart type de 25 min. Le geste consistait en une résection totale de la tumeur et de sa base d’implantation [figure 2] associée à une plastie mitrale dans 3 cas, une commissurotomie dans 1 cas, une plastie tricuspide dans 1 cas et une plastie tricuspide et mitrale chez 1 patient. La durée moyenne d’hospitalisation était de 10 jours dont 48 h en service de réanimation.   [caption id="attachment_3845" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Accouchement d’un myxome de l’OG avec sa base d’implantation.[/caption]   Les suites opératoires immédiates étaient simples dans la majorité des cas. Néanmoins nous avons enregistré un cas de décès dans un tableau de détresse respiratoire aiguë. L’échographie cardiaque transthoracique postopératoire de contrôle était normale chez tous nos patients. Un patient a présenté une récidive 6 mois après la cure chirurgicale qui a nécessité une reprise chirurgicale. Ce patient était porteur d’un myxome de l’oreillette gauche chez qui une exérèse totale avait été réalisée.   4. Discussion Le myxome cardiaque est une tumeur histologiquement bénigne à composante gélatineuse friable issue du reliquat embryonnaire des cellules mésenchymateuses séquestrées dans la fosse ovale du septum interauriculaire. Cela explique la forte prédominance de son site d’implantation au niveau septale [1-3].  Sa fréquence varie entre 1 et 2,8 %. Dans notre série, elle était de 3,5 % [1-4]. Nous avons enregistré une prédominance féminine (78,6 % des cas). Cette prédominance est retrouvée par plusieurs auteurs [4,7]. En effet, Denguir et al. [8] ont également rapporté une prédominance féminine, Muthubaskaran et al. [9] dans une série indienne de 32 patients colligés en 21 ans ont retrouvé 59,3 % de femmes. L’âge moyen de nos patients était de 54,5 ans. Cela correspond aux données de la littérature où le myxome est constaté dans la tranche d’âge 30 à 60 ans [4]. Sur le plan clinique, l’auscultation cardiaque de la majorité (66,7 %) de nos patients était normale. Elle retrouvait un roulement diastolique au foyer mitral mimant un rétrécissement mitral dans 33,3 % des cas. Il faut noter que ce signe est fugace et dépend de la position dans laquelle on réalise l’examen. L’auscultation cardiaque doit être réalisée en position assise ou debout permettant un prolapsus de la masse intra-auriculaire gauche qui va représenter un obstacle au remplissage ventriculaire, dont la traduction clinique est représentée par le roulement diastolique. En plus de ce tableau clinique rappelant un rétrécissement mitral, plusieurs manifestations cliniques peuvent être rencontrées : syncopes, lipothymies à déclenchement postural lors de l’enclavement de la tumeur dans l’orifice mitral entraînant une obstruction totale aiguë plus ou moins prolongée [10]. Des embolies systémiques, un tableau fébrile mimant une endocardite ou une maladie du système, une altération de l’état général ou des signes d’insuffisance cardiaque peuvent également être retrouvés. Cette insuffisance cardiaque peut être gauche, droite ou globale, en fonction de la localisation de la tumeur. L’échographie transthoracique représente l’examen de référence pour le diagnostic du myxome cardiaque. Elle permet de préciser les caractéristiques morphologiques de la tumeur (siège, nombre, taille, forme, base d’implantation, mobilité…) et son retentissement cardiaque [1,4]. L’image échographique classique est celle d’une masse mobile fixée à la paroi par un pédicule. Cette masse, le plus souvent échogène, présente des plages hyper et hypoéchogènes. Dans notre série, la masse était localisée au niveau de l’oreillette gauche dans 88,9 %. Cette localisation auriculaire gauche est de loin la plus fréquente dans la littérature. Elle est retrouvée huit fois sur dix [1]. Muthubaskaran et al. ont retrouvé une localisation atriale gauche chez 72,2 % de leurs patients [9]. Plus de la moitié des patients de notre série présente une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Cette dernière est due au fait que le myxome réalise un obstacle au flux sanguin auriculoventriculaire gauche [1]. L’échographie transœsophagienne, la tomodensitométrie et l’IRM peuvent également être utilisées pour le diagnostic, surtout dans les cas difficiles avec le thrombus intracardiaque qui constitue le principal diagnostic différentiel. Ces examens permettent aussi de faire la différence avec d’autres tumeurs intracardiaques. Le diagnostic de certitude de myxome est anatomopathologique. Sur le plan macroscopique, le myxome se présente comme une masse gélatineuse lisse, arrondie ou irrégulière et friable [figures 3, 4]. Il est parfois le siège de zones de calcifications, de nécrose ou d’hémorragie. Microscopiquement, on observe des amas de cellules lipidiques dans un stroma myxoïde.   [caption id="attachment_3847" align="aligncenter" width="300"] Figures 3 et 4. Pièces opératoires de myxomes de l’OG.[/caption]   Le myxome cardiaque se complique souvent d’embolie artérielle. Cette dernière complique 25 à 40 % des myxomes cardiaques [11]. Toutes les artères (systémique et pulmonaire) peuvent être concernées selon la localisation de la tumeur. Ces embolies touchent les artères cérébrales dans 30 % des cas [12]. Cela justifie l’importance des accidents vasculaires cérébraux qui sont révélateurs dans ces circonstances d’un myxome de l’oreillette gauche. Dans notre série, 33,3 % des myxomes étaient révélés par un AVC. Plusieurs hypothèses ont été émises. Certains auteurs rapportent une migration d’emboles tumoraux [12-14] due à la composante friable de la tumeur. La deuxième hypothèse est l’embolie cruorique [14] qui peut être secondaire aux troubles du rythme cardiaque et/ou à la dilatation de l’oreillette gauche en cas de myxome de cette dernière. Dans notre série, 22,3 % des patients avaient une arythmie au moment du diagnostic, Susheel Kumar et al. [15] retrouvaient 3,28 % de fibrillation auriculaire dans une cohorte de 61 patients. Tous nos patients ont été opérés. La résection chirurgicale constitue la seule option thérapeutique des myxomes cardiaques. Il s’agit d’une chirurgie qui doit être effectuée sans délai pour éviter la survenue des complications (thromboembolique, mort subite…). Le choix de la voie d’abord est fonction de l’expérience du chirurgien. Certains préfèrent la voie atriale gauche qui donnerait un accès facile et rapide à la tumeur [16]. Pour d’autres, la voie biatriale transseptale donne non seulement une bonne exposition de la tumeur mais aussi facilite son extraction avec une manipulation minimale et permet aussi une exploration aisée de toutes les cavités cardiaques [17-19]. Bortolotti et al. [20] recommandent, dans les cas de myxomes implantés autour de la fosse ovale, une résection de la base d’implantation avec une large pastille du septum sur toute son épaisseur. Le défect septal ainsi créé sera fermé par un patch. Pour les tumeurs implantées au niveau des parois, une résection de la base d’implantation emportant l’endocarde et une partie du myocarde sous-jacent est fortement recommandée. L’évolution à moyen terme était marquée par une récidive au niveau de l’oreillette gauche chez un de nos patients. Gerbode et al. [21] avaient décrit pour la première fois en 1967 la récidive d’un myxome de l’oreillette gauche 4 ans après la résection initiale. Une résection incomplète a été incriminée dans le processus de survenue de cette récidive. En plus de celle-ci d’autres causes ont été énumérées : l’embolie des fragments de la tumeur friable ou l’existence de tumeurs multifocales non identifiées. Selon Mc Carthy et al. [22], le risque de récidive est de 1 à 3 % en cas de myxome sporadique, 10 % en cas de myxome familial, 21 % en cas de complexe de Carney et 33 % en cas de myxomes multiples. Nous avons enregistré un cas de décès. La chirurgie du myxome cardiaque, bien que de bon pronostic, peut en effet être grevée de mortalité. Les auteurs rapportent une mortalité opératoire de l’ordre de 5 % selon la présence ou non de comorbidités [23,24].   5. Conclusion Le myxome est la tumeur cardiaque primitive la plus fréquente. Son évolution naturelle peut être emmaillée de complications, comme des accidents thromboemboliques ou une mort subite. De ce fait elle constitue une urgence chirurgicale. L’exérèse chirurgicale, seule option thérapeutique, présente un bon pronostic. À long terme, l’évolution est le plus souvent favorable ; néanmoins la récidive reste possible, justifiant une surveillance échographique.   Références Riberi A, Gariboldi V, Grisoli D, Collart F. Les tumeurs cardiaques. Rev Pneumol Clin 2010;66:95-103. https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2009.12.012 PMid:20207301 Suraj Maraj MS, Pressman GS, Figueredo VM. Primary Cardiac Tumors. Int J Cardiol 2009;133:152-156. https://doi.org/10.1016/j.ijcard.2008.11.103 PMid:19128845 Reynen K. Frequency of primary tumors of the heart. Am J Cardiol 1996;77:107. https://doi.org/10.1016/S0002-9149(97)89149-7 Butany J, Nair V, Naseemuddin A, Nair GM, Catton C, Yau T. Cardiac tumors: diagnosis and management. 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Eur J Cardiothorac Surg 2002;22:971-7. https://doi.org/10.1016/S1010-7940(02)00592-4   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 21/04/2017. Acceptation : 10/08/2017.   
septembre 21, 2017
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Décembre 2016

Médiastinite après chirurgie cardiaque

M. Ait Houssa*1, A. Abdou1, F. Nya1, S. Seghrouchni1, M. Bamous1, N. Atmani1, S. Belouize1, Y. Moutakiallah1, GA. Hatim1, M. Elouanass2, A. Boulahya1 1. Service de chirurgie cardiaque, hôpital militaire d’instruction Mohamed-V, Rabat, Maroc. Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat-université Mohamed V Souissi. 2. Laboratoire de bactériologie, hôpital militaire d’instruction Mohamed V, Rabat, Maroc. Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat-université Mohamed V Souissi. Correspondance : mahdiaithoussa@yahoo.fr   Résumé Objectif : étudier la prévalence de la médiastinite, le profil bactériologique et les modalités de prise en charge. Matériel et méthodes : il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 22 cas de médiastinite survenue dans les suites d’une intervention chirurgicale à cœur ouvert durant une période de 17 ans. Le diagnostic a été fait selon les critères du CDC (Center of Disease Control). Tous les patients ont été repris au bloc opératoire et traités par la technique d’irrigation-drainage. L’antibiothérapie a été adaptée au germe en cause. Résultats : vingt-deux patients adultes dont 5 femmes avaient développé une médiastinite parmi 2394 circulations extracorporelles (CEC) réalisées entre janvier 1994 et décembre 2011, soit une prévalence 0,9 %. Quinze patients étaient des coronariens. L’âge moyen était de 61,7 ± 12 ans. La mortalité hospitalière était de 22,7 % (5/22). Le délai moyen séparant l’intervention chirurgicale à cœur ouvert et la survenue de la médiastinite était de 19 ± 8,2 jours. Le staphylocoque était le principal germe en cause : Staphylocoque coagulase négative 8 cas (36,4 %), le staphylocoque aureus 4 cas (18,2 %) et le staphylocoque epidermidis 3 cas (13,6 %). Conclusion : la médiastinite reste une complication redoutable de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert avec un taux de mortalité élevé malgré le traitement. Le meilleur traitement reste préventif par le contrôle des facteurs de risque.   Abstract Mediastinitis after cardiac surgery Objective: The aim of the present study is to evaluate the incidence of mediastinitis, and to describe the microbiological etiology and treatment approach. Material and methods: The records of 22 consecutive adult patients who developed mediastinitis after cardiac surgery over 17 years were retrospectively reviewed. The diagnosis of mediastinitis was established according to the Center for Disease Control and Prevention notification criteria. All patients had received intravenous antibiotics since the diagnosis was established. Sternal debridement was performed, the sternum was closed and the irrigation system was placed. Results: Postoperative mediastinitis was identified in 22 adult patients over 17 years among 2394 extracorporeal circulations (0.9%). Fifteen patients (68%) suffered from coronary disease. The mean age was 61.7 ± 12 years. The mean interval from operation to the development of mediastinitis was 19 ± 8.2 days. Hospital mortality was 22.7% (5/22). Staphylococcus was frequently isolated: coagulase-negative Staphylococcus was isolated in 36.4% (eight cases), Staphylococcus aureus in 18.2% (four cases) and Staphylococcus epidermidis in 13.6% (three cases). Conclusion: Mediastinitis following sternotomy remains a devastating complication of open heart surgery and is associated with significant hospital mortality despite treatment. The treatment efficacy should be considered for strategies to minimize risk factor impact.   1. INTRODUCTION Malgré les progrès réalisés dans la prise en charge du patient en chirurgie cardiaque, la médiastinite reste une complication gravissime et redoutable. C’est une infection nosocomiale du site opératoire (ISO) dont l’incidence varie selon les séries publiées variant entre 0,4 et 8 % mais cette incidence est délimitée entre 0,5 % et 3 % [1-3]. Elle est associée à un taux de mortalité oscillant entre 20 % et 50 % en raison d’un retard diagnostique et thérapeutique. La prise en charge nécessite une collaboration pluridisciplinaire associant 3 axes systémiques : la réanimation, l’antibiothérapie et la chirurgie. Cette prise en charge est souvent lourde et coûteuse avec un impact direct sur l’économie budgétaire des services concernés [4,5]. Le coût d’hospitalisation total est 3 fois supérieur à celui d’une hospitalisation classique, l’étiologie est complexe mais les germes les plus fréquemment en cause sont les staphylocoques. C’est aussi un problème de prévention soulignant la nécessité d’une bonne connaissance des facteurs de risque [6].   2. MATÉRIEL ET MÉTHODES Le nombre total des patients présentant une médiastinite était de 26 malades dont 22 traités par la méthode de lavage–drainage et 4 autres par le drainage continu aspiratif aux drains de Redon. Cette dernière méthode a été adoptée par notre service depuis janvier 2010. Le faible nombre de patients traités par cette technique ne permet pas de réaliser une étude comparative et ils sont également exclus pour l’homogénéité de l’étude. Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 22 cas de médiastinite diagnostiqués et traités dans les suites d’une chirurgie cardiaque à cœur ouvert. Les informations colligées et étudiées dans notre étude étaient : les données démographiques des patients ; les données opératoires lors de la première intervention chirurgicale ; le délai séparant l’intervention chirurgicale à cœur ouvert et la survenue de la médiastinite et les données relatives à la reprise pour médiastinite. Ont été inclus tous les patients ayant présenté une médiastinite documentée. Le diagnostic de médiastinite a été retenu devant : une issue du pus de la plaie sternale [figure 1] ; une infection de la plaie sternale responsable d’une ostéomyélite avec désunion sternale ; la présence d’une infection du site opératoire à laquelle était associée au moins un des signes suivants définis par la CDC (Center of Disease Control) [7] : - isolement d’un germe à partir d’un prélèvement médiastinal (liquide ou tissu) ; - évidence de médiastinite constatée à la réexportation chirurgicale, douleur thoracique instabilité sternale ou fièvre (≥ 38 °C) et hémoculture positive. [caption id="attachment_2763" align="aligncenter" width="300"] Figure 1 : Photo montrant un écoulement purulent à travers la cicatrice de sternotomie.[/caption] Ont été exclus les patients ayant une médiastinite traités par méthode de drainage continu aspiratif aux drains de Redon. Les patients âgés de moins de 18 ans, les patients ayant fait une infection de la plaie mais qui reste superficielle, confinée à la peau et au tissu sous-cutané (rougeur, collections, désunion) mais dont le sternum reste stable et indolore à la palpation bimanuelle. L’ensemble des patients a bénéficié d’une prise en charge médicale et chirurgicale standardisée selon le protocole du service. L’intervention chirurgicale consistait en une exploration médiastinale par sternotomie sous anesthésie générale dans un délai de moins de 24 heures. La sternotomie était totalement reprise, un curetage des dépôts de fibrine était réalisé, associé à un parage de la peau et des tissus sous-cutanés. Des prélèvements bactériologiques multiples étaient réalisés. Les zones non vascularisées du sternum étaient réséquées. Enfin la cavité péricardique et la région médiastinale étaient abondamment nettoyées et irriguées avec une solution bétadinée (10 %). Les drains pour le drainage et l’irrigation étaient mis en place puis la synthèse du sternum était effectuée et le thorax fermé en un seul temps. La technique d’irrigation-drainage était pratiquée chez tous les patients. Elle était immédiatement débutée avec du sérum physiologique bétadinée (50 ml de bétadine pour 500 ml du sérum physiologique). Le débit d’irrigation était 1 à 1,5l/8 heures. L’irrigation était poursuivie plusieurs jours (7 à 10 jours en moyenne) avec une surveillance clinique et biologique basée sur : la température du patient ; l’état de la cicatrice sternale ; le bilan entrées/sorties rigoureux permettant d’éviter une tamponnade. Les conditions permettant d’arrêter l’irrigation-drainage étaient le patient qui ne présentait pas de signe local ou général de sepsis et les prélèvements du drainage réalisés de manière itérative qui devaient être stériles. L’irrigation était alors arrêtée et les drains étaient mis en aspiration pendant 48 heures puis étaient retirés. La prise en charge médicale comprenait la mise en route d’une antibiothérapie probabiliste précoce dès que le diagnostic était posé et les prélèvements faits. Le protocole adopté par le service consistait en une antibiothérapie à large spectre associant initialement la vancomycine ou une céphalosporine avec aminoside ou une fluoroquinolone. La réanimation consistait en une prise en charge des défaillances d’organes (si elles existaient), une correction des troubles hydroélectrolytiques et un apport nutritionnel correct.   2.1. Analyse statistique Les données ont été saisies et analysées à l’aide du logiciel SPSS 11.5. Les variables continues étaient exprimées en moyenne ± écart type ou en médiane. Les variables qualitatives étaient exprimées en effectif ou en pourcentage.   3. RÉSULTATS   3.1. Données de la première intervention [tableau 1] Durant une période de 17 ans allant de janvier 1994 à décembre 2011, 2394 patients adultes avaient bénéficié d’une chirurgie cardiaque à cœur ouvert. Parmi eux, 22 avaient fait une médiastinite documentée, soit une prévalence de 0,9 %. Sur ces 22 cas, on note une prédominance masculine, 17 hommes/5 femmes. L’âge moyen était de 61,7 ± 12 ans. La pathologie cardiaque ayant justifié la chirurgie était une coronaropathie chez 15 patients (68,2 %), une valvulopathie chez 4 patients (18,2 %), une association valvulopathie + coronaropathie chez 2 patients (9,1 %) et un cas de myxome invasif de l’oreillette gauche. Les principales comorbidités associées sont résumées dans le tableau 1. Onze patients étaient diabétiques (50 %), 5 patients avaient une artériopathie périphérique, 9 étaient des tabagiques chroniques, 4 étaient obèses et un patient était insuffisant rénal dialysé. 2 patients avaient déjà été opérés à cœur ouvert par le passé. La chirurgie à cœur ouvert a été réalisée en urgence chez 2 patients. La durée moyenne de la circulation extracorporelle (CEC) était de 140,5 ± 41 minutes ; chez 6 patients (27,2 %) la durée de la CEC était ≥ 3 heures ; chez 12 patients (54,5 %), l’intervention chirurgicale a duré plus de 5 heures. La médiane de ventilation était de 18 heures (11-63,7 heures) et 7 patients (31,8 %) étaient ventilés plus de 48 heures. La médiane de séjour en réanimation était de 72 heures (47-240 heures). Trois patients étaient repris pour saignement et 14 patients (63,6 %) étaient transfusés.   Variable Patient (n = 22) Âge (année) Sexe femme/homme Poids (kg) Taille (m) IMC (kg/m²) RCT NYHA I-II NYHA III- IV Diabète Tabagisme BPCO HTA Obésité (IMC > 30kg/m²) Insuffisance rénale Chirurgie redux Artériopathie périphérique ACFA FR (%) FE (%) EuroSCORE Type de pathologie : – coronaire – valvulaire – coronaropathie + valvulopathie – myxome 61,7 ± 12 5/17 72,3 ± 14 1,7 ± 0,7 24,2 ± 3,6 0,53 ± 0,05 15 (68 %) 7 (32 %) 11 (50 %) 9 (41 %) 2 (9,1 %) 7 (32 %) 4 (18 %) 1 (4,5 %) 2 (9,1 %) 5 (22,7 %) 3 (13,6 %) 26 ± 6.9 52,3 ± 11,4 7,4 ± 9,2   15 (68,2 %) 4 (18,2 %) 2 (9,1 %) 1 (4,5 %) Tableau I. Données démographiques. IMC : index de masse corporelle ; RCT : rapport cardiothoracique ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; ACFA : arythmie complète par fibrillation auriculaire ; FR : fraction de raccourcissement ; FE : fraction d’éjection.   3.2. Données relatives à la médiastinite [tableau 2] Le délai de séjour préopératoire avant la première intervention était de 22,2 ± 10,1 jours (2-45 jours) et le délai moyen de survenue de la médiastinite était de 19 ± 8,2 jours (5-35 jours).   Variable Patients (n = 22) 1re intervention chirurgicale : chirurgie urgente durée de CEC (min) durée de clampage aortique (min) durée de VA (heure) nombre de patients ventilés ≥ 48 h durée de séjour en réanimation (heure) saignement total/24 heures (ml) reprise chirurgicale transfusion inotropes BCPIA Geste chirurgical : – pontages coronaires – pontage coronaire + RVA – pontage coronaire + DRV – RVM – RVM + PT – RVA Greffons utilisés : – 1 AMI – 2 AMI – VSI   2 (9 %) 140,5 ± 41 78,5 ± 23,9 18,5 (11-63,75) 7 (31,8 %) 72 (47-240) 931,6 ± 654 3 (13,6 %) 13 (59 %) 12 (54,5 %) 4 (18,2 %)   15 (68,2 %) 1 (4,5 %) 1 (4,5 %) 2 (9,1 %) 2 (9,1 %) 1 (4,5 %)   15 (68,2 %) 2 (9,1 %) 16 (72,7 %) Reprise pour médiastinite : Durée de séjour préopératoire (jours) Délai de survenue (jours) Infection associée (%) Germe en cause : – staphylocoque – bacilles gram négatif – inconnu Durée de traitement antibiotique   22,2 ± 10,1 19 ± 8,2 4 (18,2 %)   14 (63,6 %) 6 (27,2 %) 2 (9,1 %) 24,4 ± 8,1 Mortalité  5 (22,7 %) Tableau 2 : Données opératoires. CEC : circulation extracorporelle ; VA : ventilation assistée ; BCPIA : ballon de contrepulsion intra-aortique ; RVA : remplacement valvulaire aortique ; DRV : double remplacement valvulaire ; RVM : remplacement valvulaire mitrale ; PT : plastie tricuspide ; AMI : artère mammaire interne ; VSI : veine saphène interne.   Le staphylocoque a été identifié chez 10 patients (63,6 %), les bacilles gram négatif dans 6 cas (27,2 %) ; chez 4 patients les 2 germes ont été identifiés dans les prélèvements du site opératoire et la culture a été négative chez 2 patients. Les différentes souches sélectionnées sont résumées dans le diagramme [figure 2]. [caption id="attachment_2764" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Profil bactériologique.[/caption] Selon la classification d’El Oakley [8], les médiastinites sont réparties comme suit : type I : 4 cas (18 %) ; type III A : 7 cas (31,8 %) ; type III B : 8 cas (36,3 %) ; type IV : un cas (4,5 %). Deux patients avaient une autre infection associée. La durée moyenne du traitement antibiotique était de 24,4 ± 8,1 jours et la durée moyenne d’hospitalisation postopératoire était de 44,85 ± 18 jours. Le taux de mortalité inhérent à la médiastinite était de 22,7 % (5/22). Les causes du décès étaient : rupture de l’oreillette droite (1 cas), rupture du ventricule droit (1 cas), trouble de rythme grave chez un patient dialysé et 2 cas de sepsis sévère non contrôlé aboutissant à une défaillance multiviscérale.   4. DISCUSSION L’abord du médiastin antérieur via une sternotomie longitudinale et son ostéosynthèse par des fils métalliques à la fin de l’intervention a été décrit la première fois par Milton en 1897, et représente actuellement la voie d’abord la plus utilisée en chirurgie cardiaque. L’infection du site opératoire avec développement de médiastinite associée ou non à une ostéomyélite sternale est une complication redoutable de la chirurgie cardiaque. Elle est entachée d’une mortalité non négligeable, un surcoût relatif à une hospitalisation longue avec des retombées économiques lourdes et un impact sur la vie socioprofessionnelle chez les survivants. En dépit des progrès indiscutables en matière d’antibioprophylaxie et l’amélioration des protocoles opératoires (mesures préventives, techniques chirurgicales), le traitement de la médiastinite demeure un défi à différents niveaux. Le mécanisme physiopathologique à l’origine de la médiastinite est complexe et multifactoriel. Certaines théories incriminent l’instabilité du sternum due à une ostéosynthèse insuffisante entraînant une déhiscence puis une surinfection de la plaie. D’autres théories mettent cette complication sur le compte d’une ostéomyélite locale d’origine ischémique, suivie d’une nécrose des berges, perte des films métalliques puis colonisation bactérienne du site opératoire [12]. L’incidence de la médiastinite dans notre série était de 0,9 %. Les séries les plus récentes relatent une incidence variant de 0,25 à 2,9 % [9-10]. L’inexactitude de l’épidémiologie des médiastinites postopératoires est en grande partie expliquée par le fait que la définition retenue est différente d’un auteur à l’autre. Globalement cette incidence oscille entre 1 à 3 %, avec des écarts importants [11]. La médiastinite complique préférentiellement la chirurgie des artères coronaires et survient entre le 4e jour et la 4e semaine. Dans notre série, le délai de survenue était en moyenne de 19 ± 8,2 jours et 17/22 (77,2 %) des patients étaient des coronariens. Les patients traités pour médiastinite dans les suites d’une chirurgie à cœur ouvert ont une morbimortalité plus élevée que ceux n’ayant pas développé cette complication infectieuse [21]. La mortalité dans notre série était de 22,6 % ; taux proche de celui retrouvé par Trouillet (20,3 %) [12]. Dans certaines séries, la mortalité liée à la médiastinite est plus faible à 1,1 % pour Sjögren [13], 1,4 % pour De Feo [14]. Inversement, d’autres auteurs rapportent un taux de mortalité plus élevé variant de 15 à 47 % [15-17]. Le profil microbiologique des germes en cause est largement dominé par le staphylocoque d’après les études publiées. Dans notre série, le staphylocoque a été isolé chez 14 patients, les bacilles gram négatif chez 12 patients montrent la montée en puissance des bacilles gram négatif. La médiastinite postcardiotomie survient généralement sur un terrain prédisposant. Plusieurs facteurs de risque ont été incriminés et sont répartis en trois types [10,16,17]. Certains facteurs sont liés aux patients, d’autres liés à l’intervention chirurgicale et d’autres sont liés à l’environnement. Dans notre série, la moitié des patients était diabétique, 4 étaient obèses, 15 étaient coronariens et 9 étaient des tabagiques. Dans l’étude de Barros de Oliviera [16], les diabétiques étaient 2,7 fois exposés à la médiastinite et les tabagiques 2,1 fois. Dans la série d’Abboud [10], le tabac est associé à la médiastinite 3,3 fois. Plusieurs études incriminent aussi l’obésité, et le patient obèse est 3 fois plus exposé à développer une médiastinite que le patient non obèse [6,9]. Ceci est lié aux contraintes mécaniques élevées au niveau du site d’ostéosynthèse sternale ainsi qu’à une altération de la cicatrisation et des concentrations d’antibiotiques anormalement basses dues à une mauvaise pénétration dans les tissus adipeux. La technique de prélèvement de l’artère mammaire a fait également l’objet de plusieurs études. Divers travaux publiés ont trouvé que le prélèvement de l’artère mammaire interne de manière squelettisée ne compromet pas la vascularisation artérielle du sternum et permet de diminuer de manière significative l’incidence des infections sternales postopératoires [18]. Kamiya [19] a démontré que la saturation en O2 et le débit sanguin dans la microcirculation du sternum étaient nettement meilleurs en cas de prélèvement squelettisé de l’artère mammaire interne comparé au prélèvement pédiculé. L’usage des deux artères mammaires expose également au risque de médiastinite avec une incidence variant de 1,3 à 4,7 % [20]. Chez le patient diabétique cette incidence est supérieure à 9,3 % [16]. Une CEC longue expose également au risque de médiastinite en raison des phénomènes inflammatoires exacerbés et une baisse de l’immunité. Dans notre série, la durée de la CEC était supérieure à 3 heures chez 6 patients et l’intervention chirurgicale a duré plus de 5 heures chez la moitié des patients. Ces deux facteurs ont été rapportés par Boeken [21]. La gravité de la médiastinite dans les suites d’une chirurgie à cœur ouvert impose des mesures préventives et une meilleure connaissance des facteurs de risque de sa survenue [22,23]. Dans une revue de littérature récente [20], et en analysant 42 études, le diabète et l’obésité figurent comme les principaux facteurs de risque de médiastinite. À coté des facteurs de risque traditionnels, une attente préopératoire prolongée expose à la médiastinite et augmente ce risque de 15 % d’après Wai Sang [24]. Le délai moyen de séjour dans notre série est long 22,2 ± 10j, ce qui est en accord avec la littérature. Contrairement aux propositions d’El Oakley [8], nous avons adopté la technique d’irrigation-drainage à thorax fermé en raison de sa simplicité et de son efficacité. La technique de fermeture en deux temps ou à thorax ouvert est indiquée lorsque le sternum n’est plus viable et complètement détruit par l’infection avec sepsis sévère. La fermeture est proposée après quelques jours et nécessite une plastie musculaire. D’autres techniques ont été mises au point avec des résultats encourageants. Le vacuum assisted closure, ou VAC, ou aspiration sous pression négative, assure par un drainage actif un rôle anti-infectieux local et accélère la cicatrisation de la plaie opératoire. Sjögren [13] rapporte un taux de mortalité à 30 jours de 1,1 % chez 176 patients traités par cette technique. Ces données sont confortées par les résultats de De Feo [14].   5. CONCLUSION En dépit des progrès thérapeutiques indiscutables dans la prise en charge du patient en chirurgie cardiaque, la médiastinite reste une infection nosocomiale redoutable. La clé de sa prévention impose une connaissance approfondie des facteurs de risque afin de pouvoir les contrôler [22,23]. Limite de l’étude : il s’agit d’une étude rétrospective à échantillon réduit, ce qui ne permet pas l’analyse des facteurs prédictifs de la médiastinite.   RÉFÉRENCES Kirmani BH, Mazhar K, Saleh HZ, Ward AN, Shaw M, Fabri BM et al. 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Date de soumission : 28/04/2016. Acceptation : 12/10/2016. Pré-publication : 19/10/2016  
décembre 1, 2016
Cas clinique · Vol. 20 Septembre 2016

Migration asymptomatique d’un Amplatzer™ apres fermeture percutanée d’une CIA

Aniss Seghrouchni, Marouane Ouazzani, Bernard Albat, Roland Demaria   Département de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, hôpital Arnaud de Villeneuve, CHU Montpellier, France. Correspondance : r-demaria@chu-montpellier.fr   Résumé Nous rapportons le cas d’un patient de 24 ans qui présentait une communication interauriculaire de type ostium secundum (CIA), pour laquelle il a bénéficié, après bilan, d’une fermeture percutanée avec succès (Amplatzer™ St. Jude Medical, Minneapolis, États-Unis). L’échographie cardiaque de contrôle à J1 post-intervention a mis en évidence une migration de la prothèse dans le tronc de l’artère pulmonaire alors que le patient était totalement asymptomatique. Une décision de récupération et fermeture de la CIA par chirurgie conventionnelle a été prise en urgence. La leçon à tirer de ce cas clinique est de bien sélectionner les formes de CIA avec une anatomie favorable pour une fermeture percutanée, et d’insister sur l’intérêt du contrôle échocardiographique précoce (avant la sortie du malade de l’hôpital) et à distance afin de rechercher une migration du système d’occlusion qui peut être totalement asymptomatique.   Abstract Asymptomatic migration of septal occluder prosthesis after atrial septal defect percutaneous closure We described a case of a 24-year-old man who underwent a percutaneous closure of an ostium secundum atrial septal defect (ASD) with an Amplatzer™ septal occluder (St Jude Medical, Minneapolis, USA). A transthoracic echocardiography showed a pulmonary trunk obstruction by the device, while the patient was totally asymptomatic. A Successful urgent surgical procedure was done to remove the device at postoperative day 1. This case highlighted the need for correct patient selection with all inclusion criteria being met, combined with close follow-up by transthoracic echocardiography.   1. INTRODUCTION  La fermeture percutanée des communications interauriculaires ostium secundum (CIA) est la technique de choix si l’anatomie est favorable [1]. L’échographie transthoracique (ETT) permet la sélection des formes anatomiques favorables [2], notamment les CIA bien centrales avec un rebord suffisant pour ancrer solidement l’Amplatzer™ (St. Jude Medical, Minneapolis, États-Unis). Nous rapportons le cas clinique d’un jeune patient qui a bénéficié d’une fermeture percutanée de sa CIA par Amplatzer™. L’intervention s’est déroulée de manière satisfaisante, avec un contrôle ETT post-intervention immédiat confirmant le positionnement satisfaisant de l’occluder et la disparition du shunt de CIA. Cependant, le contrôle ETT à J1 a objectivé une migration de l’Amplatzer™ dans le tronc de l’artère pulmonaire (AP) alors que le patient était totalement asymptomatique.   2. CAS CLINIQUE  Il s’agit du cas d’un jeune homme de 24 ans, sportif, sans antécédents pathologique notables, qui s’est vu découvrir de manière fortuite, lors d’une visite à la médecine du travail un ECG pathologique avec un bloc de branche droit et une hypertrophie ventriculaire droite. À noter que le patient était asymptomatique. L’ETT réalisée permettait la découverte d’une CIA type ostium secundum de 37 mm de plus grand diamètre avec dilatation des cavités droites associée. La fraction d’éjection ventriculaire gauche était à 57 %. Il n’y avait pas de valvulopathie mitro-aortique. L’indication de fermeture percutanée de la CIA a été posée et il a été mis en place une prothèse Amplatzer™ Septal Occluder (St. Jude Medical, Minneapolis, États-Unis) de 40 mm sous contrôle ETT, avec un résultat immédiat satisfaisant (positionnement correct, disparition du shunt). À noter qu’il n’y a pas eu de calibration au ballon en perintervention. Le contrôle échocardiographique à J1, alors que le patient était totalement asymptomatique, retrouvait une migration de la prothèse Amplatzer™ à la bifurcation de l’AP, et la large CIA avec une importante dilatation des cavités droites et un septum interventriculaire paradoxal, sans HTAP ni gradient pulmonaire. L’indication de la récupération de l’Amplatzer™ et de la fermeture concomitante de la CIA, par chirurgie conventionnelle, a été posée en urgence, afin notamment d’éviter l’évolution vers une obstruction aiguë de l’AP. La technique du lasso a été écartée devant la grande taille de l’Amplatzer™ (risque vasculaire traumatique) et l’indication d’une fermeture chirurgicale de la CIA. La voie d’abord était une sternotomie médiane verticale totale. Il a été installé, après héparinisation générale, une circulation extracorporelle bicave avec une décharge ventriculaire gauche par la veine pulmonaire supérieure droite. L’aorte ascendante a ensuite été clampée et une cardioplégie antérograde sanguine froide instituée. Après arrêt électromécanique du cœur, une artériotomie longitudinale de l’AP sur environ 3 cm a été réalisée, permettant de retirer assez facilement l’Amplatzer™ dans sa totalité [figures 1 et 2]. La liberté et l’intégrité de l’AP ont été vérifiées. L’artériotomie a ensuite été refermée après purge des cavités droites. On a ensuite réalisé une atriotomie droite découvrant une CIA de gros diamètre avec un bourrelet très peu proéminent à la partie inférieure, expliquant probablement la migration. Après vérification de l’intégrité des différents orifices de l’oreillette droite, on a réalisé la fermeture de la CIA (après purge de l’oreillette gauche) par un Gore-Tex de 0,4 mm d’épaisseur, puis une fermeture de l’atriotomie droite après purges manuelles des cavités droites. Après une reperfusion chaude et le déclampage aortique, le cœur repartait spontanément. Un contrôle d’échographie transœsophagien est réalisé de principe. Les suites opératoires ont été simples et le contrôle ETT à J6 était satisfaisant avant la sortie du patient de l’hôpital.   [caption id="attachment_2581" align="aligncenter" width="227"] Figure 1. Artériotomie longitudinale de l’AP.[/caption] [caption id="attachment_2582" align="aligncenter" width="246"] Figure 2. Récupération de l’Amplatzer™.[/caption]   3. DISCUSSION Les CIA de type ostium secundum qui représentent la grande majorité des CIA (80 %) sont les seules accessibles à une technique interventionnelle [3]. Les formes anatomiques extrêmement variées par la taille, la forme, le nombre de défects, la position par rapport à la fosse ovale et l’aspect du septum adjacent nécessitent une évaluation préalable rigoureuse qui repose sur l’exploration échographique, temps principal pour la sélection des patients. Le diamètre maximal de la CIA ainsi que la longueur du septum interauriculaire doivent être mesurés ; en effet, les recommandations limitent l’indication aux CIA de moins de 38 mm même si des travaux suggèrent que la fermeture jusqu’à 40 mm est réalisable [4] ; la longueur du septum doit être au moins plus grande de 14 mm que le diamètre de la CIA pour implanter un dispositif Amplatzer™. L’échographie transthoracique (ETT) apprécie aussi le retentissement cardiaque droit (rapport des diamètres ventriculaires), évalue la pression pulmonaire, visualise le shunt gauche-droit interatrial, et mesure le défect et ses berges. L’analyse morphologique du septum interauriculaire, parfois difficile et incomplète en ETT, est faite idéalement par l’échographie transœsophagienne (ETO). L’intervention percutanée est guidée par l’ETO peropératoire. Les centres qui en disposent, peuvent aussi utiliser l’échographie endocardiaque. Les berges de la CIA doivent être évaluées précisément pour s’assurer d’une bonne stabilité ultérieure de la prothèse. Le contour du défect est segmenté en 5 berges : supérieure, antérosupérieure, antéro-inférieure, inférieure et postérieure. Il est nécessaire de disposer d’au moins 5 mm sur chacune des berges sauf au niveau de la berge antérosupérieure dont l’absence ne contre-indique pas une fermeture percutanée. La calibration perintervention au ballon, permettant d’apprécier les dimensions de la CIA, est préférable du fait du risque d’erreur si la CIA est mesurée uniquement à l’échographie, ce qui a été le cas pour ce patient. Les petites CIA inférieures à 10 mm sans retentissement cardiaque et asymptomatiques ne doivent pas être proposées à une fermeture percutanée. Par ailleurs, certaines anatomies ne permettent pas une fermeture percutanée. Il s’agit des berges insuffisantes (< 5 mm) sur une grande partie du défect, des défects trop larges (diamètre étiré > 40 mm), de certaines CIA multiples, de formes particulièrement complexes touchant une grande partie de la paroi interauriculaire (volumineux anévrisme) ou d’anomalies associées nécessitant une correction chirurgicale (insuffisance mitrale, retour veineux pulmonaire anormal). Bien que le risque ne puisse être complètement exclu, il n’est pas rapporté à ce jour de décès chez l’adulte pendant une intervention percutanée [5]. Le taux de complications graves pouvant nécessiter une intervention chirurgicale urgente (malposition ou migration de la prothèse, perforation cardiaque) est d’environ 1 % dans de larges séries [6]. Le suivi à court et moyen termes repose sur l’échographie. Une ETT est absolument nécessaire le lendemain de l’intervention pour s’assurer de la bonne position de la prothèse et de l’absence de suffusion péricardique précoce. Cette technique ne doit, à priori, pas être réalisée en ambulatoire. En règle générale, un contrôle par ETT est programmé à 30 jours, 6 mois et 12 mois permettant de juger de la réduction du volume ventriculaire droit, de s’assurer de l’absence de shunt résiduel et d’évaluer la pression pulmonaire. Dans notre cas, le patient a bénéficié d’une fermeture percutanée de son CIA OS par un Amplatzer™ Septal Occluder de 40 mm avec un résultat immédiat satisfaisant. Le contrôle échocardiographique systématique à J1 trouvait une migration de la prothèse Amplatzer™ à la bifurcation de l’AP alors que le patient était totalement asymptomatique. Du fait du risque théorique évolutif vers une mort subite, la décision de récupération de la prothèse et de la fermeture de la CIA par chirurgie conventionnelle en urgence a été prise. La voie d’abord était une sternotomie médiane verticale totale, qui a permis de retirer facilement l’Amplatzer™. Pour les équipes entraînées à la chirurgie mini-invasive vidéo-assistée, un abord chirurgical mini-invasive par mini-thoracotomie droite est faisable comme le décrit l’équipe de Salvador Loris [7]. Cependant, la technique de choix reste la chirurgie conventionnelle pour ne pas rajouter les risques liés à la technique vidéoscopique après un geste de cathétérisme qui s’est déjà compliqué.   4. CONCLUSION  La fermeture percutanée des CIA est une technique sûre, efficace, peu coûteuse et non invasive. Cependant, l’Amplatzer™ peut migrer, notamment si les rebords de la CIA sont insuffisants pour l’ancrage de la prothèse, ou si sa géométrie est inadéquate [8]. L’ETT préintervention est capitale pour assurer la sélection des patients. Elle doit être réalisée par un cardiologue expérimenté et informé de ce qu’il doit rechercher en préopératoire pour une bonne sélection des patients [2,7]. L’ETT en postintervention (immédiat, J1 puis de façon régulière) est aussi capitale pour s’assurer du bon ancrage de la prothèse qui peut migrer alors que le patient reste totalement asymptomatique, du moins initialement.   RÉFÉRENCES Baumgartner H, Bonhoeffer P, De Groot NM et al. ESC Guidelines for the management of grown-up congenital heart disease (new version 2010). Eur Heart J 2010;31:2915-57. Vaidyanathan B, Simpson JM, Kumar RK. Transoesophagal echocardiography for device closure of atrial septal defects. Case selection, planning and, procedural guidance. JACC Cardiovasc Imaging 2009;10:1238-42. Webb G, Gatzoulis A. Atrial septal defects in the adult. Recent progress andoverview. Circulation 2006;114:1645-53. Petit J, Losay J, Lambert V, Piot JD, Bertaux X. Large atrial septal defects in adults: results of attempted systematic percutaneous closure. Arch Mal Cœur Vaiss 2006;99:429-32. Lindsay JB, Hillis LD. Clinical update: atrial septal defect in adults. Lancet 2007;369:1244-6. Majunke N, Bialkowski J, Wilson N et al. Closure of atrial septal defect with the Amplatzer septal occluder in adults. Am J Cardiol 2009;103:550-4. Cresce GD, Favaro A, Auriemma S, Salvador L. Amplatzer Septal Occluder Migration Into The Pulmonary Trunk: Surgical Removal Through a Totally Thoracoscopic Approach. Innovations: Technology & Techniques in Cardiothoracic & Vascular Surgery 2013;8:381–3. Butera G, Romagnoli E, Carminati M et al. Treatment of isolated secundum atrial septal defects: impact of age and defect morphology in 1,013 consecutive patients. Am Heart J 2008;156:706-12. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 04/03/2016. Acceptation : 08/07/2016.  
septembre 15, 2016
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Juin 2016

Utilisation du rFVIIa comme une option dans la gestion de l’hémorragie réfractaire après une chirurgie pour dissection aortique aiguë de type A

Nicolas Laurent1,  Fabrice Vanhuyse1, Birgit Frotscher2, Maxime Bertram1, Mazen Elfarra1, Daniel Grandmougin1, Jean-Pierre Villemot1, Thierry Folliguet1, Marie Toussaint-Hacquard2, Juan Pablo Maureira1 1. Département de chirurgie cardiaque, CHU de Nancy, université de Lorraine. 2 Laboratoire d’hématologie, CHU de Nancy, université de Lorraine. Correspondance : ni.laurent@chu-nancy.fr   Résumé Contexte : La chirurgie ouverte pour les dissections aortiques aigues de type A (DAA) est le gold standard. Elle peut être compliquée de façon majeure par des saignements engageant le pronostic vital du patient. Le facteur recombinant VIIa (rFVIIa) peut être utilisé en périopératoire de ces situations ; il peut mener à des événements thromboemboliques. Notre étude vise à évaluer l’efficacité et la sécurité du rFVIIa dans la gestion de l’hémorragie réfractaire après la chirurgie pour DAA. Méthodes : Nous avons identifié les patients qui ont subi une réparation chirurgicale de DAA et reçu du rFVIIa entre janvier 2003 et décembre 2013. Nous avons évalué les saignements, les facteurs biologiques, les événements thrombotiques et la survie après l’administration du rFVIIa. Résultats : Onze patients (3 femmes, 8 hommes ; âge moyen 68,7 ± 11,6 années) ont reçu le rFVIIa pour un saignement réfractaire après une DAA réparée entre janvier 2003 et décembre 2013. La mortalité est de 55 % (n = 6). Le saignement est diminué chez tous les patients ayant reçu le rFVIIa. Un patient a développé un infarctus mésentérique qui pourrait être lié à l’administration du rFVIIa. Il n’y a pas d’autre signe clinique de thrombose après l’injection du rFVIIa. Il n’y a pas eu de révision chirurgicale en raison de saignements. Conclusion : Dans le cadre d’une hémorragie réfractaire engageant le pronostic vital après cure chirurgicale d’une DAA, le rFVIIa est une option thérapeutique de dernier recours envisageable.   Abstract Use of rFVIIa as an option in the management of refractory hemorrhage after surgery for acute aortic dissection Background: Open surgery for acute aortic dissection type A (DAA) is the gold standard. It can be complex and complicated in a major way by uncontrollable bleeding. Refractory bleeding may affect the vital prognosis of the patient and can be treated with recombinant factor VIIa (rFVIIa); however, rFVIIa can lead to thromboembolic events. Our study aimed to evaluate the efficacy and safety of rFVIIa in the management of refractory bleeding after surgery for DAA. Methods: The prospective database of our cardiothoracic surgery department was retrospectively studied to identify patients who underwent surgical repair of DAA and received rFVIIa between January 2003 and December 2013. We evaluated bleeding, biological outcomes, thrombotic events and survival after the administration of rFVIIa. Results: Eleven patients (three women, eight men; mean age 68.7±11.6 years) received rFVIIa for refractory bleeding after a DAA repair between January 2003 and December 2013. The mortality rate was 55% (n=6). Bleeding was decreased in all patients who received rFVIIa after the infusion, which was reflected by a reduction in the need for blood products. One patient developed a mesenteric infarction that could be related to the administration of rFVIIa. There were no other clinical signs of thrombosis or disseminated intravascular coagulation after infusion of rFVIIa. There was no revision surgery due to bleeding. Conclusion: in the case of refractory bleeding after surgical treatment of DAA, rFVIIa is a therapeutic option of last possible resort.   1. CONTEXTE La dissection aortique aiguë de type A (DAA) est une indication chirurgicale urgente associée à un risque élevé de mortalité et de morbidité. La chirurgie pour DAA est complexe, et le saignement peut être une complication majeure qui peut engager le pronostic vital. De plus, la transfusion sanguine après une chirurgie cardiaque est associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité [1,2]. La DAA est associée à une activation de la coagulation, du système fibrinolytique et des plaquettes. La chirurgie ouverte reste le gold standard pour traiter cette pathologie complexe et exige une circulation extracorporelle ainsi que, souvent, l’hypothermie, qui peut également altérer la coagulation [3,4]. Certains patients bénéficient d’inhibiteurs plaquettaires et d’anticoagulants avant la chirurgie en raison du mode de présentation clinique avec des douleurs thoraciques pouvant être assimilées à un syndrome coronarien au cours des premiers soins. Cependant, l’administration de ces médicaments aux patients porteurs d’une DAA augmente considérablement le saignement postopératoire et la mortalité opératoire [5]. Le saignement peut nécessiter une transfusion massive de globules rouges (CGR), de plasma frais congelé (PFC), de plaquettes et de fibrinogène ; toutefois, cette prise en charge ne suffit pas à arrêter le saignement dans tous les cas. L’hémorragie réfractaire peut entraîner le décès du patient. Le rFVIIa est souvent utilisé comme traitement de dernier recours dans de telles circonstances [6]. Le rFVIIa a été initialement développé pour le traitement de l’hémophilie chez les patients avec des anticorps contre les facteurs VIII et IX [7]. Il a également été utilisé pour contrôler les saignements chez les patients atteints de thrombocytopathie acquise ou congénitale. Actuellement, le rFVIIa est également utilisé comme agent hémostatique dans la gestion de l’hémorragie réfractaire dans une variété de contextes cliniques (par exemple, un traumatisme, une chirurgie cardiaque) [7-9]. Cependant, le rFVIIa peut mener à des événements thromboemboliques avec une évolution fatale rapportée dans certains cas [10-12]. Ainsi, les risques et les avantages de l’administration de rFVIIa doivent être évalués, à la lumière du risque d’hémorragie massive après cure chirurgicale de DAA. Dans cette  étude, nous avons revu rétrospectivement notre base de données prospectives pour évaluer l’efficacité et l’innocuité du rFVIIa pour gérer l’hémorragie réfractaire pendant la chirurgie ouverte pour DAA de type A.   2. PATIENTS ET MÉTHODES   2.1. Patients et collecte de données La base de données du département de chirurgie cardiothoracique de notre centre a été interrogée pour identifier les patients ayant subi une chirurgie réparatrice d’une DAA et ayant reçu le rFVIIa entre janvier 2003 et décembre 2013. Une DAA a été définie comme toute dissection impliquant l’aorte ascendante prise en charge dans les 14 jours suivant l’apparition des symptômes, le diagnostic étant réalisé par angioTDM et confirmé lors de la chirurgie. Cette étude épidémiologique n’a pas exigé d’approbation éthique, conformément à la norme éthique du comité de notre institution pour la protection de recherche chez le sujet humain. Notre institution a approuvé l’utilisation du rFVIIa dans la gestion de l’hémorragie mettant en jeu le pronostic vital du patient. Le consentement du patient ou de sa famille pour une utilisation hors autorisation de mise sur le marché du rFVIIa n’a pas été obtenu en raison de la situation d’urgence. Les caractéristiques démographiques, des données de procédure et les résultats périopératoires ont été extraits de la base de données. Les patients ont été suivis en consultations externes et des données supplémentaires de suivi ont été recueillies auprès des médecins de famille, des patients et des membres de la famille. Le taux de suivi complet en janvier 2013 est de 100 %. Nous avons évalué les paramètres suivants : saignement dans les drains thoraciques 3 heures avant et 3 heures après l’administration du rFVIIa si elle est effectuée dans l’unité de soins intensifs (USI), ou saignements au cours des 3 premières heures et évaluation visuelle du saignement si le rFVIIa est administré pendant la chirurgie ; transfusion dans les 24 heures avant et les 24 heures après l’administration du rFVIIa, les données biologiques, y compris le temps de prothrombine, la concentration de FVIIa et le fibrinogène, les D-dimères et une numération plaquettaire avant et après l’administration du rFVIIa ; présence de la thrombose au niveau du cathéter veineux central, coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) et événements thromboemboliques après le rFVIIa, évalués par examen physique et en cas de suspicion clinique par échographie et/ou tomodensitométrie. Nous avons évalué la survenue d’infarctus du myocarde définie par la présence d’une onde Q de nécrose, ou d’une élévation du segment ST persistante accompagnée d’une dyskinésie échocardiographique et d’une élévation des enzymes myocardiques (augmentation de la troponine T avec une valeur de crête de 15 fois supérieure à la référence ou si les biomarqueurs cardiaques ont été augmentés au départ, une augmentation de 50 %). Nous avons vérifié la survenue d’un accident vasculaire cérébral défini par de nouveaux déficits neurologiques persistants, confirmée par tomodensitométrie ; durée du séjour aux soins intensifs, durée totale d’hospitalisation et survie.   2.2. Évaluation préopératoire et procédure chirurgicale Tous les patients ont bénéficié d’un angioTDM thoraco-abdomino-pelvien et d’une échocardiographie transthoracique préopératoire pour évaluer la fonction cardiaque, l’insuffisance aortique et la présence de toute autre maladie de la valve ou d’un épanchement péricardique. La procédure chirurgicale est réalisée par une sternotomie médiane. Tous les patients ont bénéficié d’une circulation extracorporelle totale entre l’oreillette droite qui a été canulée avec une canule unique et l’artère fémorale. La protection myocardique a été obtenue dans tous les cas par perfusion rétrograde via le sinus coronaire avec l’inoculation de la solution cardioplégique de sang froid, toutes les 15 min. Une décharge ventriculaire gauche a été placée par la veine pulmonaire supérieure droite.   2.3. Protocole pour l’administration de rFVIIa Les patients qui ont bénéficié d’un traitement par rFVIIa pour un saignement réfractaire ont été inclus dans un protocole institutionnel. La décision d’utiliser le rFVIIa [figure 1] a été prise après exclusion des causes chirurgicales de saignement et après l’application de la méthode traditionnelle hémostatique (CGR, PFC, concentrés plaquettaires, fibrinogène).   [caption id="attachment_747" align="alignnone" width="300"] Figure 1 : Algorithme d’utilisation du rFVIIa dans le cadre de l’hémorragie réfractaire après correction chirurgicale d’une dissection aortique aiguë de type A[/caption]   Les CGR ont été transfusés pour maintenir la concentration d’hémoglobine pendant la circulation extracorporelle (CEC) > 7 g/dl et > 8 g/dl avant l’arrêt de la pompe. L’aprotinine a été utilisée jusqu’en 2008 et depuis 2008, nous avons utilisé l’acide tranexamique (50 mg/kg, une dose avant et après CEC). Avant l’administration du rFVIIa, l’effet de l’héparine a été neutralisé avec une dose équivalente de protamine en salle d’opération et a été considérée comme suffisante si le temps de coagulation activé (ACT) avait une valeur après l’administration de protamine dans la plage de 90-110 % de la valeur ACT préopératoire. Le rFVIIa n’a été administré qu’après une discussion approfondie entre le chirurgien, l’anesthésiste et un biologiste selon notre protocole d’institution. Une dose de 60 µg/kg de rFVIIa est utilisée, et l’administration est répétée une fois si la première utilisation a été considérée comme un échec. Les patients ont également reçu des CGR, des PFC et des plaquettes afin d’optimiser l’hémostase [6]. La limite de substitution pour le fibrinogène est de 1 g/l. Des échantillons de sang ont été prélevés 30 minutes avant et après l’administration du rFVIIa. Le temps de prothrombine, le fibrinogène, la concentration de FVIIa, les D-dimères et la numération plaquettaire ont été étudiés.   2.4. Analyse statistique L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel SPSS (version 20 ; IBM, Chicago, IL). Les variables continues sont exprimées en moyenne ± écart type. Les variables catégorielles ont été exprimées en pourcentages. Le test du Chi2 a été utilisé pour l’analyse univariée des données catégorielles avec plus de cinq observations par catégorie. Autrement, le test de Fisher a été utilisé. Les variables continues sont exprimées en moyenne ± écart type. Le test de Student a été utilisé pour analyser les variables continues normalement distribuées, et le test de Wilcoxon a été utilisé pour les variables avec des distributions non paramétriques.   3. RÉSULTATS   3.1. Caractéristiques démographiques et de procédure Pendant la période d’étude de 10 ans, 169 patients ont été traités pour une DAA. Nous avons utilisé le rFVIIa pour contrôler des saignements réfractaires dans 6,5 % des cas (11 patients, 3 femmes, 8 hommes ; âge moyen, 68,7 ± 11,6 années). Neuf patients ont subi un remplacement de l’aorte ascendante et chez 2 patients, le remplacement de l’aorte ascendante a été associé à un remplacement plus ou moins partiel de l’arche aortique. Le temps moyen de circulation extracorporelle de ces patients est de 265,7 ± 90,9 min et le temps de clampage aortique moyen est de 154,5 ± 50,4 min.   3.2. Morbidité et mortalité opératoire Un arrêt circulatoire hypothermique a été nécessaire chez 6 patients, avec une perfusion cérébrale sélective antérograde chez 2 patients et perfusion cérébrale rétrograde chez 4 patients. L’arrêt circulatoire moyen est de 35 ± 23 min. Huit patients ont développé une insuffisance rénale aiguë, 4 patients ont souffert d’une infection pulmonaire et un patient a présenté un accident vasculaire cérébral hémorragique. Le taux de mortalité opératoire est de 55 % (n = 6). Les causes de décès sont une défaillance multiviscérale chez 5 patients et infarctus mésentérique chez un patient. La durée moyenne de séjour en réanimation est de 12,8 ± 9 jours et la durée moyenne d’hospitalisation est de 26,5 ± 34 jours. Pendant la période de suivi, 2 décès sont survenus en raison de néoplasies pulmonaires et d’une étiologie inconnue.   3.3. Efficacité de rFVIIa Tous les patients ont reçu une dose unique de rFVIIa. Neuf patients ont reçu le rFVIIa en salle d’opération en raison d’une hémorragie massive et 2 patients l’ont reçu dans l’unité de soins intensifs après révision chirurgicale qui a exclu les causes curables de saignement. Avant l’administration de rFVIIa, les paramètres de l’hémostase, la température corporelle, le pH et la calcémie ont été mesurés dans des limites acceptables. Le saignement a considérablement diminué chez tous les patients après la perfusion de rFVIIa, ce qui est associé à une réduction significative de transfusion de produits sanguins par rapport à la période précédant la perfusion. En outre, pour les 2 patients dont la perte de sang a pu être quantifiée, l’extériorisation par les drains thoraciques est passée de 905 ± 629,3 ml pendant les 3 heures avant la perfusion de rFVIIa à 155 ± 63,6 ml dans les 3 heures après la perfusion. Chez les autres patients, la quantité moyenne de sang dans les drains pendant les 3 premières heures était de 317 ± 302,7 ml. Aucun patient n’a subi une révision chirurgicale en raison de saignements. Chez tous les patients qui ont reçu le rFVIIa en salle d’opération, le chirurgien a noté l’efficacité visuelle de l’administration du rFVIIa.   3.4. Événements thromboemboliques Nous n’avons observé aucun infarctus du myocarde postopératoire. Un accident vasculaire cérébral hémorragique a été observé. Ce patient a progressé vers la mort cérébrale à la 76e heure après la perfusion de rFVIIa. Tous les patients ont subi une échocardiographie postopératoire, qui n’a montré aucun thrombus intracardiaque. Après l’administration du rFVIIa, aucun cathéter artériel ou veineux central n’a dû être changé en raison d’une thrombose. Un patient a présenté un infarctus mésentérique qui a pu être associé à l’administration de rFVIIa. Six patients ont bénéficié à titre systématique d’un angioTDM et aucun n’a retrouvé de signe de complication thrombotique.   3.5. Paramètres biologiques Nous avons observé une réduction significative du temps de prothrombine après l’administration rFVIIa [tableau 1]. Nous n’avons observé aucun changement significatif de la concentration du fibrinogène, des plaquettes ou des D-dimères [tableau 1]. Le fibrinogène préopératoire et la numération plaquettaire avant injection sont acceptables (plaquettes > 50 g/l, fibrinogène > 1 g/l) pour permettre l’efficacité potentielle du rFVIIa. Nous n’avons observé aucun signe biologique de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).   Tableau 1: Administration de produits sanguins et paramètres biologiques avant et 24 heures après injection de facteurs recombinants VIIa (rFVIIa) Avant rFVIIa Après rFVIIa p-value Concentré globules rouges (ml) 2814,5 ± 1340,9 610,9 ± 472,3 0,0004 Plaquettes d’aphérèse (ml) 727,2 ± 467 109 ± 186,9 0,002 Plasma frais congelé (ml) 1563,6 ± 662,7 236,3 ± 427,2 0,0002 Temps de prothrombine (sec) 40,8 ± 36 16,1 ± 7 0,001 Fibrinogène (g/l) 1,9 ± 0,7 1,95 ± 0,6 0,9 D-dimères (ng/ml) 2327 ± 1509,5 2578,6 ± 1753,9 0,1 Plaquettes (g/l) 98 ± 33 99 ± 30 0,72 FVII (%) 55,1 ± 14 2461 ± 1722 0,02   4. DISCUSSION Nous avons décrit notre expérience de l’utilisation du rFVIIa chez 11 patients présentant un choc hémorragique réfractaire survenant au décours d’une chirurgie pour DAA. Il s’agit d’une urgence chirurgicale associée à une morbidité et à un taux de mortalité élevé où les complications hémorragiques sont fréquemment rencontrées. Le saignement peut être causé par des médicaments antiplaquettaires, comme suggéré par Hansson et al. [5]. 32 % des patients subissant une réparation chirurgicale de DAA se trouvent dans un état d’inhibition plaquettaire au moment de la chirurgie (14 % avec de l’acide acétylsalicylique [AAS] seul, 24 % avec l’AAS + clopidogrel) parce que des douleurs à la poitrine non spécifiques et une dépression du segment ST sont présentes à la prise en charge initiale [5]. Ces patients ont significativement plus d’épisodes peropératoires et postopératoires de saignement, avec une augmentation de la mortalité opératoire par rapport à ceux qui ne reçoivent pas d’inhibiteurs plaquettaires [5] . Paparella et al. ont démontré que le flux sanguin à travers le faux chenal est un puissant activateur de la coagulation et de la fibrinolyse avant l’intervention, ce qui peut modifier l’hémostase [3]. L’induction de l’hypothermie au cours de la circulation extracorporelle ralentit l’activité de la cascade de coagulation, réduit la synthèse de facteurs de la coagulation et affecte la fonction plaquettaire [4]. Par ailleurs, la circulation extracorporelle interfère avec toute la chaîne de la coagulation. Le contact du sang avec les surfaces artificielles active les systèmes anti et procoagulants ainsi que la cascade du complément [14]. Tous ces facteurs vont promouvoir les saignements per et postopératoires qui vont souvent nécessiter des transfusions sanguines. Le recours à la transfusion est associé à de mauvais résultats postopératoires à court et long termes. Dans cette situation, l’optimisation de l’hémostase via l’administration de plaquettes, PFC, CGR et de fibrinogène est souvent suffisant pour arrêter le saignement mais dans certaines circonstances (dans notre série dans 6,5 % des DAA chirurgicales), des saignements persistent en l’absence d’une cause chirurgicale corrigible. La perte de sang, malgré un traitement conventionnel optimal peut être réduite par la manipulation pharmacologique de l’hémostase  via l’injection de rFVIIa. Gill et al. ont conclu que le rFVIIa peut être bénéfique pour le traitement de saignements excessifs après une chirurgie cardiaque dans un essai randomisé contre placebo, mais ils soulignent qu’il y a une augmentation des événements thromboemboliques [15]. L’efficacité et les complications thrombotiques du rFVIIa après réparation chirurgicale d’une DAA sont mal évaluées. Sur la base des résultats d’une analyse des scores de propension, Tritapepe et al. ont conclu que le rFVIIa a été utilisé avec succès comme une thérapie supplémentaire pendant et après la chirurgie de DAA avec un arrêt circulatoire en hypothermie profonde lorsque l’arrêt du saignement est réfractaire aux méthodes conventionnelles, sans différence des événements indésirables [16]. Certains rapports de cas ont également décrit l’utilisation réussie de rFVIIa dans la gestion du choc hémorragique réfractaire après une chirurgie pour la DAA [17]. Notre étude confirme en outre que le rFVIIa pourrait être utilisé avec succès dans des circonstances exceptionnelles pour traiter les saignements réfractaires après DAA. Pour maximiser l’efficacité du rFVIIa, l’optimisation de l’hémostase avec une numération plaquettaire suffisante (> 50 g/l) et du fibrinogène (> 1 g/l) avant son administration est importante, tout comme la correction de l’anémie, de l’hypothermie, de l’hypocalcémie [18]. Il est également important de corriger une acidose (pH < 7,1) qui réduirait sensiblement l’activité du rFVIIa [19]. Les médicaments procoagulants, comme le rFVIIa, peuvent induire des événements thromboemboliques. Plusieurs études ont documenté des événements thromboemboliques fatals ou non lors de la perfusion de rFVIIa [10-12, 20-22] . Dans notre série, un patient a développé un infarctus mésentérique et une relation avec l’administration rFVIIa ne peut être exclue. Un AVC hémorragique postopératoire est survenu chez un patient, sans relation avec l’administration du rFVIIa. De plus, nous n’avons trouvé aucun signe biologique de CIVD chez nos patients. Le faible taux de complications thrombotiques dans notre échantillon d’étude peut être dû à un manque d’explorations systématiques après utilisation du rFVIIa  pour détecter la thrombose. C’est pourquoi nous ne pouvons pas exclure une relation potentielle avec les défaillances multiviscérales ou l’insuffisance rénale aiguë par micro­thrombose des organes périphériques chez certains patients. Bien que l’action du rFVIIa soit localisée au site de lésion vasculaire à médiation par le facteur tissulaire (FT), une action plus systémique du rFVIIa est capable d’activer directement le facteur X en facteur Xa, même sans la présence de FT. Par conséquent, une quantité suffisante de thrombine est générée, ce qui permet la conversion du fibrinogène en fibrine et de créer un caillot [23]. Cet effet systémique peut faire craindre l’apparition de phénomènes thromboemboliques. Levi et al. ont trouvé dans une analyse de 35 essais contrôlés par placebo une augmentation des événements thromboemboliques artériels après l’administration du rFVIIa, par rapport au placebo (les événements thromboemboliques veineux sont semblables) [24]. Gill et al, dans une étude randomisée, observent une augmentation des événements thromboemboliques avec rFVIIa mais sans différence statistique significative [15]. Nous avons publié récemment le taux de mortalité opératoire après une DAA dans notre centre (18 %) [13]. Dans la sous-population présentant un choc hémorragique majeur, la mortalité opératoire est plus élevée (55 %) mais pas uniquement due à l’utilisation du rFVIIa.  La transfusion de sang massive est connue pour être associée à une augmentation des infections, des défaillances de plusieurs organes, du syndrome de détresse respiratoire aiguë et augmente la mortalité postopératoire [1,2,25,26]. Le rFVIIa ne peut pas remplacer la chirurgie pour contrôler la source chirurgicale de saignement et doit être administré après la correction de facteurs pouvant interférer avec la coagulation (hypocalcémie, hypothermie) et après optimisation de la coagulation par transfusion de produits sanguins (CGR, plaquettes, PFC). Il est important de ne pas administrer le rFVIIa trop tard lorsque la situation du patient est désespérée.  Karkouti et al. décrivent dans une étude observationnelle que l’utilisation du rFVIIa peut être associée à de meilleurs résultats si administrée plus tôt dans le cours de la perte de sang [27]. Notre étude a plusieurs limites. Tout d’abord, l’échantillon de l’étude est petit et dérivé d’un seul centre. Deuxièmement, la conception rétrospective implique des biais de recrutement inhérent à ce type d’étude. L’utilisation du rFVIIa en chirurgie cardiaque reste une application hors AMM. Compte tenu de la rareté de ces cas, la réalisation d’une étude randomisée évaluant les avantages du rFVIIa chez les patients atteints de saignements persistants après DAA opéré reste difficile. La comparaison avec un groupe de contrôle semble difficile à réaliser. Cependant, nos données suggèrent que pour les cas de risque vital engagé par le saignement après une chirurgie pour dissection aortique aiguë, l’avantage du rFVIIa l’emporte sur le potentiel de complications thrombotiques et que le rFVIIa pourrait être une option de traitement de dernier recours.   RÉFÉRENCES Santos AA, Sousa AG, Thome HO, Machado RL, Piotto RF. Impact on early and late mortality after blood transfusion in coronary artery bypass graft surgery. Rev Bras Cir Cardiovasc 2013;28:1-9. Ranucci M, Baryshnikova E, Castelvecchio S, Pelissero G. Surgical, Clinical Outcome Research G. Major bleeding, transfusions, and anemia: the deadly triad of cardiac surgery. Ann Thorac Surg 2013;96:478-85. Paparella D, Rotunno C, Guida P et al. Hemostasis alterations in patients with acute aortic dissection. Ann Thorac Surg 2011;91:1364-9. Westaby S. Coagulation disturbance in profound hypothermia: the influence of anti-fibrinolytic therapy. 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juin 3, 2016
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Juin 2016

Commentaire invité sur « Impact de la chirurgie cardiaque réalisée par un interne sous la supervision d’un chirurgien senior sur les résultats précoces »

Alizée Porto, pour l’Association des Jeunes Chirurgiens Thoraciques et Cardio-Vasculaires   L’apprentissage de la chirurgie comprend l’apprentissage de la technique opératoire. Le compagnonnage reste un élément essentiel de cet apprentissage, le jeune chirurgien assimilant progressivement les gestes sous l’œil attentif d’un chirurgien senior. Cette étude permet de nous confirmer l’absence de différence, en terme de morbimortalité, entre une chirurgie effectuée par un chirurgien en formation, et celle effectuée par un chirurgien senior. Il s’agit d’un élément fort allant à l’encontre du diktat actuel qui exige que la première fois ne se fasse jamais sur le patient. Cette injonction oublie la place fondamentale que revêt le tuteur comme garant de la qualité du geste. Ce travail nous montre bien que la sécurité et la qualité sont au rendez-vous du compagnonnage. Cependant cet article nous rappelle qu’en France, il n’existe pas d’évaluation objective et standardisée de l’apprentissage technique chirurgical. Une telle évaluation implique que des repères précis (objectifs, parcours et outils pour y arriver) soient donnés aux internes mais aussi aux seniors qui les encadrent afin de facilité l’échange et l’acquisition des savoirs. Elle permettrait aux internes de connaître leur progression, et ainsi de s’impliquer davantage dans leur formation. De plus, les tuteurs, aidés dans leur tâche d’enseignement, se verraient réinvestis de cette mission. Dans le cadre de la réforme du 3e cycle des études médicales, la formation d’excellence doit rester une priorité. Les étapes de la formation chirurgicale devront être détaillées par spécialité et par niveau, incluant la notion de progression et d’évaluation des acquis. Un véritable parcours de formation de l’interne de chirurgie thoracique et cardiovasculaire va devoir être mis au point. C’est dans cette dynamique qu’a été créé EPIFORM, un système de portfolio dédié et rempli par le jeune chirurgien tout au long de son cursus. Il a été mis en place par l’AJCTCV avec le soutien de la SFCTCV. Il deviendra, nous en sommes convaincus, un élément essentiel dans l’évaluation de l’apprentissage, et donc dans la validation des compétences.
juin 3, 2016
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Juin 2016

Commentaire invité sur « Impact de la chirurgie cardiaque réalisée par un interne sous la supervision d’un chirurgien senior sur les résultats précoces »

Bernard Kreitmann, directeur adjoint du Collège français de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire   La réforme du 3e cycle des études médicales, que l’on nous annonce depuis longtemps, sera probablement mise en application à compter de la rentrée universitaire de 2017. Sous réserve de modifications imprévues et non souhaitées, il y aura un DES de chirurgie thoracique et cardiovasculaire. Les travaux actuels, menés par le Pr Schlemmer, faisant suite à bien d’autres (dont ceux des Pr Couraud et Pruvot, qui doivent être remerciés pour tout ce qu’ils ont fait) se concentrent sur la durée des formations et l’articulation entre l’internat et le postinternat. Il est intéressant de noter l’apparition, voire même la mise en exergue, de la notion de « compétences » dans ces textes préparatoires. Ainsi on trouve, au fil de la lecture des documents de travail actuels les phrases suivantes : « mise en place de l’évaluation de l’acquisition progressive des compétences », ou bien « la reconnaissance de l’acquisition des compétences nécessaires à [tel ou tel exercice] devra se faire par la certification d’un exercice dans ce cadre [du postinternat] ». La compétence est une combinaison de connaissance, savoir-faire, expérience et comportement s’exerçant dans un contexte précis. Elle se constate lors de la mise en œuvre en situation à partir de laquelle elle est validable. C’est donc aux chirurgiens seniors tel qu’ils sont définis dans le passionnant article publié ci-dessus qu’il appartient de la repérer, de l’évaluer, de la valider et de la faire évoluer. Ce travail remarquable réalisé par l’équipe du CHU de Strasbourg vient donc au bon moment nous situer dans notre rôle de formateurs et de passeurs de compétence, en étudiant cette notion de mise en situation dans son sens le plus noble : une intervention à cœur ouvert menée à bien de bout en bout. Ses résultats sont intéressants et les éléments développés dans la discussion font partie de nos bases de réflexion. Remarquons aussi ce qui s’inscrit entre les lignes : dans un excellent service hospitalo-universitaire, en 6 ans, 136 interventions (représentant 2,2 % des actes effectués) ont été menées de bout en bout par un interne. En schématisant à l’extrême, cela fait 2 par mois, 12 par semestre, dans un service où il y a 3 postes d’internes DES/DESC ouverts. C’est à la fois beaucoup et très peu. Cela est à intégrer dans nos réflexions sur ces formations plus courtes et ciblées (type « integrated pathways » américaines) et sur les modifications nécessaires de nos démarches d’accompagnement. Cela doit aussi nous aider à rester clairs dans nos propositions de maquettes de formation et dans notre position sur la formation postinternat. Plus généralement, on se doit de remercier l’équipe de Strasbourg, et surtout d’encourager toutes les équipes françaises à travailler et à publier les résultats de leurs recherches dans ce domaine de la pédagogie du 3e cycle. Dans notre métier, plus que dans tout autre, nous apprenons et nous enseignons en parallèle toute notre vie. À partir d’un certain âge, pour un patient que nous opérons nous-même, il y en a des dizaines qui sont opérés par ceux que nous avons formés. Cette partie de notre activité est aussi une compétence, qui doit être repérée, évaluée et développée. Le travail ici publié, comme ceux, trop rares, d’autres équipes françaises, montre une évolution vers cette démarche de repérage et d’évaluation. Nous espérons, et nous souhaitons, qu’il en suscite bien d’autres.  
juin 3, 2016
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Juin 2016

Impact de la chirurgie cardiaque réalisée par un interne sous la supervision d’un chirurgien senior sur les résultats précoces

Tarek Announe1 , Tam Hoang Minh1 , Stéphanie Perrier1 , François Severac2, Jonathan Bentz1 , Arnaud Mommerot1 , Philippe Billaud1 , Jean-Philippe Mazzucotelli1, Michel Kindo1 1. Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpitaux universitaires de Strasbourg. 2. Service de santé publique, hôpitaux universitaires de Strasbourg. Correspondance : michel.kindo@chru-strasbourg.fr   Résumé Objectif : Évaluer la mortalité et la morbidité hospitalières associées à la chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle réalisée par un interne assisté d’un chirurgien senior (CS). Méthodes : De janvier 2009 à décembre 2014, 136 interventions (2,2 %) ont été réalisées par un interne. Les données périopératoires étaient collectées de manière prospective. Un appariement par score de propension, après ajustement en fonction du type de chirurgie et de l’EuroSCORE II, a été utilisé pour comparer les résultats de la chirurgie faite par un interne versus un CS. Résultats : La mortalité hospitalière ne différait pas entre les 2 groupes (0 % versus 1,8 % dans les groupes interne et CS respectivement ; p = 0,225). La fibrillation auriculaire postopératoire était significativement plus fréquente dans le groupe interne comparativement au groupe CS (38,2 % versus 26,5 % respectivement, p = 0,007). Il n’existait pas de différences entre les 2 groupes au regard des autres complications postopératoires, notamment en termes d’événement ischémique, d’insuffisance rénale aiguë, de fonction ventriculaire gauche postopératoire, mais également pour les durées de séjour en réanimation ou globale postopératoire. Conclusion : La chirurgie cardiaque réalisée par un interne assisté d’un CS est associée à des résultats postopératoires similaires à une chirurgie faite par un CS.   Abstract Impact on early results of cardiac surgery performed by a resident under the leadership of an attending surgeon Aim: To assess hospital mortality and morbidity after cardiac surgery under cardiopulmonary bypass performed by a resident under the supervision of a staff surgeon. Methods: Between January 2009 and December 2014, 136 cardiac procedures (2.2%) were performed by a resident. Perioperative data were prospectively collected. A propensity score case-matching analysis adjusted to the type of surgery and the EuroSCORE II was performed to compare outcomes in cases treated by residents or staff surgeons. Results: Hospital mortality did not differ between the two groups (0% and 1.8% in the resident group and staff surgeon group, respectively; P=0.225). Postoperative atrial fibrillation was significantly more frequent in the resident group than in the staff surgeon group (38.2% versus 26.5%, respectively; P=0.007). No differences between the two groups were found regarding other postoperative outcomes, including ischemic events, acute kidney failure, and postoperative left ventricular dysfunction, or for the length of stay in the intensive care unit and in hospital. Conclusion: Cardiac surgery performed by a resident under the supervision of a staff surgeon is associated with similar outcomes as procedures performed by a staff surgeon.   1. INTRODUCTION La formation en chirurgie cardiaque reste basée sur un modèle de compagnonnage. Cette formation est réalisée au cours des 5 années d’internat, puis des 2 ou 4 années de clinicat. À l’issue de cette formation, un chef de clinique des universités - assistant hospitalier (CCU-AH) doit maîtriser l’ensemble des techniques chirurgicales avec une morbimortalité à court et long termes en adéquation avec les résultats observés dans la littérature. La formation en chirurgie cardiaque, comme dans les autres spécialités chirurgicales, repose sur une acquisition étape par étape au bloc opératoire des temps opératoires des différents types de chirurgie sous la supervision d’un chirurgien senior. Ce modèle pédagogique n’a que très peu évolué depuis des décennies. L’une des spécificités de la chirurgie cardiaque est l’utilisation de la circulation extracorporelle (CEC) associée à une phase d’ischémie-reperfusion myocardique pendant le clampage aortique dans la très grande majorité des interventions. De ce fait, l’interne doit non seulement apprendre le geste opératoire mais il doit également apprendre à gérer la CEC, le temps de clampage aortique et l’hémodynamie. Il est clairement établi que les durées de CEC et de clampage aortique sont corrélées positivement à la mortalité et la morbidité postopératoires [1]. Une autre spécificité de la chirurgie cardiaque est l’apprentissage de la microchirurgie nécessaire à l’accomplissement des anastomoses vasculaires lors des pontages aortocoronariens (PAC) qui représentent une part importante de l’activité chirurgicale. Enfin, la chirurgie cardiaque a connu ces dernières années une évolution technique indéniable avec le développement des techniques dites mini-invasives (chirurgie valvulaire ou PAC par minithoracotomie grâce à l’aide de la vidéo, valve aortique transcathéter, etc.) qui doivent faire partie intégrante de la formation chirurgicale. Du fait de ces spécificités, l’apprentissage de la chirurgie cardiaque est plus long et difficile que les autres types de chirurgie. Il existe peu de données dans la littérature concernant l’impact sur la morbidité et la mortalité postopératoires de la chirurgie cardiaque réalisée par un interne. La majorité de ces publications a été réalisée en Amérique du Nord, avec des cursus de formation en chirurgie cardiaque différents du cursus français [2-8]. Ces études disposaient de peu de variables dans l’analyse des résultats. L’objectif de cette étude était donc d’évaluer la morbidité et la mortalité associée à la chirurgie cardiaque sous CEC réalisée par un interne assisté d’un chirurgien senior (CS) comparativement aux résultats observés après une intervention réalisée par un CS.   2. MÉTHODES   2.1. Patients De janvier 2009 à décembre 2014, 6 239 interventions de chirurgie cardiaque sous CEC ont été réalisées dans le service de chirurgie cardiaque des hôpitaux universitaires de Strasbourg. Le critère d’inclusion était l’âge ≥ 18 ans. Les critères d’exclusion étaient les interventions de greffe cardiaque et d’assistance circulatoire. Parmi ces 6 239 interventions de chirurgie cardiaque sous CEC, l’opérateur principal était un interne, un CCU-AH et un CS dans 136 (2,2 %), 1 830 (29,3 %) et 4 273 (68,5 %) des cas respectivement. L’opérateur principal est défini comme le chirurgien ayant réalisé l’ensemble de l’intervention de manière complète de la peau à la peau. Concernant les interventions réalisées par un interne, il s’agissait de 3 internes hors DESC de chirurgie thoracique et cardiovasculaire (en 2e ou 3e trimestre), ayant réalisé une période continue d’un an de stage dans le service, pour 6 interventions (5 remplacements valvulaires aortiques et 1 remplacement isolé de l’aorte ascendante). Pour les internes du DESC de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, 2 internes dans la filière de chirurgie thoracique en 7e ou 8e semestre ont réalisé 8 interventions (7 remplacements valvulaires aortiques et 1 remplacement de l’aorte ascendante). Les autres procédures chirurgicales (122 interventions) ont été réalisées par 6 internes entre les 7e et 10e semestres de l’internat inscrits dans la filière cardiaque du DESC de chirurgie thoracique et cardiovasculaire. Il est à noter que pour ces derniers, du fait de l’obligation de réalisation de 2 semestres de chirurgie orthopédique et de 2 semestres de chirurgie viscérale, aucun semestre n’a été réalisé de manière consécutive dans le service avant la dernière année. Enfin, pendant cette même période de 6 ans, l’équipe de chirurgie cardiaque était constituée de 4 chirurgiens seniors et 5 CCU-AH qui se sont succédé. La supervision des interventions réalisées par un interne a été faite par les 4 chirurgiens seniors et 3 CCU-AH au cours de leur 4e année de clinicat.   2.2. Collecte des données Les données pré, per et postopératoires étaient collectées de manière prospective dans la base numérique de données du service (ASTRE, Microsoft Access®, États-Unis). La base de données du service a été déclarée auprès de la CNIL. Elle est validée comme outil informatique des hôpitaux universitaires de Strasbourg avec autorisation d’enregistrement des données (afin de permettre l’édition automatique des comptes rendus opératoires et des lettres de sortie) et d’utilisation scientifique des données par la Charte du patient hospitalisé des hôpitaux universitaires de Strasbourg. Cette étude a été approuvée par le Comité d’éthique des hôpitaux universitaires de Strasbourg.   2.3. Chirurgie L’enseignement de la chirurgie se fait étape par étape. L’interne réalise habituellement la fermeture puis l’ouverture sternale, puis la sortie de CEC et la mise en place de la CEC et enfin réalise certains temps opératoires. Ainsi par exemple, pour la chirurgie de revascularisation coronarienne, les étapes habituelles sont : l’anastomose proximale d’un pontage veineux sur l’aorte, le prélèvement des artères mammaires et enfin les anastomoses distales en débutant par les anastomoses distales veineuses puis artérielles. Lorsque l’acquisition de ces différentes étapes est assimilée, l’interne va réaliser de manière progressive l’ensemble des étapes avant de réaliser de manière complète la chirurgie de la peau à la peau sous la supervision d’un chirurgien senior. La décision de superviser l’interne dans la réalisation d’une intervention de manière complète était sous la responsabilité du chirurgien senior. Le choix de la technique chirurgicale ou de la gestion de la CEC était dicté par le chirurgien senior. Toutes les interventions ont été réalisées sous CEC de façon standard. La technique de protection myocardique était soit en normothermie avec cardioplégie sanguine chaude soit en hypothermie modérée (33 °C) avec cardioplégie sanguine froide sans utilisation d’hypothermie topique. Le choix du type de protection myocardique était sous la responsabilité du chirurgien senior.   2.4. Critères de jugement Le critère de jugement principal était la mortalité hospitalière survenant soit dans les 30 premiers jours postopératoires soit lors du séjour hospitalier lui-même. Les critères de jugement secondaires, sur la même période, étaient : une fibrillation auriculaire postopératoire (FAPO), un trouble du rythme ou de la conduction avec implantation d’un pacemaker, un infarctus du myocarde (IDM), le taux de troponine I (à l’admission en réanimation (OP+0), au 1er jour postopératoire (OP+1) et maximal lors de l’hospitalisation), la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) mesurée à l’échocardiographie de sortie, un épanchement péricardique nécessitant un drainage chirurgical ou par ponction, une bronchopneumopathie, un épanchement pleural (nécessitant un drainage), un pneumothorax, le délai d’extubation, une insuffisance rénale aiguë (IRA) définie comme une augmentation au moins du double de la créatinine par rapport à la valeur préopératoire, un recours à une dialyse, le débit de filtration glomérulaire estimé par l’équation MDRD (DFGe) à OP+1 et maximal, le drainage thoracique à OP+1, la transfusion de concentré de globules rouges (CGR), une reprise chirurgicale pour saignement, une morbidité sternale (désunion cutanée superficielle, sternite, médiastinite), un accident vasculaire cérébral (AVC), un accident ischémique transitoire (AIT) et une septicémie. Enfin, l’existence de différences entre les 2 groupes en regard de la durée opératoire, la durée de séjour en réanimation et la durée de séjour global postopératoire a été analysée. La FAPO est définie comme tout épisode de fibrillation auriculaire enregistrée par monitorage ECG continu lors des 48 premières heures postopératoires ou lors d’un ECG réalisé pendant l’hospitalisation devant tout signe clinique évocateur de fibrillation auriculaire ou lors de l’ECG de contrôle réalisé systématiquement avant la sortie du patient. L’IDM postopératoire est défini comme une élévation des troponines I postopératoires ≥ 30 µg/l associée à des modifications électriques de l’ECG à type d’ischémie et/ou à des troubles de la cinétique segmentaire ventriculaire à l’échocardiographie.   2.5. Analyse statistique Pour comparer les résultats entre les interventions réalisées par un interne assisté d’un CS et par un CS, il a été utilisé un score de propension estimé par régression logistique. L’ajustement pour le modèle de régression incluait les variables suivantes : le type de chirurgie et l’EuroSCORE II [9]. L’appariement au groupe interne a été fait selon un ratio 1:4 avec le score de propension estimé dans le groupe CS le plus proche de celui du groupe interne. Ainsi, les résultats de 136 interventions réalisées par un interne ont été comparés à 544 interventions faites par un CS. Les variables continues sont exprimées en moyenne ± déviation standard. Les différences entre variables nominales ont été testées avec le test de Chi2 ou exact de Fisher en fonction des valeurs attendues. Les différences entre variables continues ont été testées avec le test de Student ou de Mann-Whitney en fonction de l’existence ou non d’une distribution gaussienne. Si une différence au niveau des critères de jugement primaires ou secondaires devait être présente entre les groupes interne et CS, la variable « interne » a été alors testée en analyse uni puis multivariée si nécessaire comme facteur prédictif du critère de jugement présentant une différence entre les 2 groupes. Pour l’analyse multivariée, seules les variables avec une valeur de p < 0,150 ont été utilisées par régression logistique binaire, avec méthode descendante conditionnelle. L’analyse statistique a été faite avec les logiciels SPSS 22.0 et R3.0.0.   3. RÉSULTATS   3.1. Données préopératoires Les données préopératoires sont rapportées dans le tableau 1. L’utilisation des variables types de chirurgie et EuroSCORE II pour l’appariement a permis d’obtenir 2 groupes homogènes, notamment en regard du risque de mortalité postopératoire estimé par l’EuroSCORE I et II. Cependant, dans notre étude, il existait significativement plus d’antécédents d’IDM et d’angioplastie percutanée coronarienne dans le groupe interne comparativement au groupe CS [tableau 1].   Tableau 1: Données préopératoires Variables Interne n = 136 Chirurgien senior n = 544 p Âge (années) 68,5 ± 11,3 68,2 ± 11,3 NS Âge ≥ 80 ans 22 (16,2) 94 (17,3) NS Femme 46 (33,8) 189 (34,7) NS IMC (kg/m²) 28,1 ± 4,8 27,7 ± 4,8 NS Tabagisme 59 (43,6) 232 (42,6) NS Hypertension artérielle 89 (65,4) 378 (69,5) NS Dyslipidémie 79 (58,1) 316 (58,1) NS Diabète 37 (27,2) 151 (27,8) NS BPCO 10 (7,4) 42 (7,7) NS Atcdt AVC 11 (8,1) 42 (7,7) NS APC 26 (19,1) 67 (12,3) 0,039 Atcdt IDM (> 90 jours) 15 (11,0) 31 (5,7) 0,027 NYHA ≥ classe III 43 (32,1) 164 (30,4) NS CCS classe IV 1 (0,7) 10 (1,9) NS Artériopathie extracardiaque 20 (14,7) 71 (13,1) NS Chirurgie urgente 1 (0,7) 10 (1,9) NS Biologie Hémoglobine (g/dl) 13,7 ± 1,5 13,6 ± 1,6 NS DFGe MDRD (ml/min/1,73 m2) 82,0 ± 23,7 80,3 ± 24,6 NS Échocardiographie FEVG (%) 61,3 ± 9,7 62,3 ± 9,3 NS Mortalité prédite par l’EuroSCORE EuroSCORE I (%) 5,5 ± 4,4 5,4 ± 4,5 NS EuroSCORE II (%) 2,0 ± 1,3 1,9 ± 1,3 NS Les variables continues sont exprimées en moyenne ± déviation standard ; les autres sont des nombres (%). Valeur de p, groupe Interne versus groupe Chirurgie senior. NS : non significatif. IMC : indice de masse corporelle ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; atcdt : antécédent ; AVC : accident vasculaire cérébral ; APC : angioplastie percutanée coronarienne ; IDM : infarctus du myocarde ; NYHA : classification fonctionnelle de la dyspnée selon la New York Heart Association ; CCS : classification fonctionnelle de l’angor selon la Canadian Cardiovascular Society ; DFGe : débit de filtration glomérulaire estimée par l’équation de l’étude Modification of Diet in Renal Disease (MDRD) ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; EuroSCORE I et EuroSCORE II : mortalité prédite à 30 jours par l’EuroSCORE I ou logistique et l’EuroSCORE II.   La chirurgie la plus fréquemment réalisée par un interne était un remplacement valvulaire aortique. Un PAC a été réalisé dans 33,3 % et 32,9 % des cas par un interne et un CS respectivement (p non significatif). Pour les PAC, il n’existait pas de différence entre les 2 groupes en regard du nombre moyen d’anastomoses distales totales et avec un greffon artériel mais également en ce qui concernait l’utilisation des artères mammaires internes, de montage en « Y » ou du nombre d’anastomoses séquentielles.Le type de chirurgie réalisée ainsi que les paramètres de CEC et la durée de la chirurgie sont rapportés dans le tableau 2.   Tableau 2: Données opératoires Variables Interne n = 136 Chirurgien senior n = 544 p Type de chirurgie RVAo 69 (50,7) 276 (50,7) NS RVAo + PAC 11 (8,1) 44 (8,1) NS RVAo + Ao asc 2 (1,5) 12 (2,2) NS Plastie VAo 1 (0,7) 4 (0,7) NS R VMi 2 (1,5) 7 (1,3) NS Plastie VMi 6 (4,4) 25 (4,6) NS Plastie VMi + RVAo 1 (0,7) 1 (0,2) NS Plastie VMi + Plastie VTric 2 (1,5) 8 (1,5) NS R VTric 1 (0,7) 3 (0,6) NS PAC 34 (25,0) 135 (24,8) NS Myxome 1 (0,7) 4 (0,7) NS Fibroélastome VAo ou Mi 1 (0,7) 5 (0,9) NS Ao asc 4 (2,9) 15 (2,8) NS Intervention David ou Yacoub 1 (0,7) 5 (0,9) NS Pontage coronarien 45 (33,3) 179 (32,9) NS Nbr. anastomose distale/pt 2,4 ± 0,9 2,4 ± 0,9 NS Nbr. anastomose distale artère/pt 2,2 ± 0,9 2,1 ± 0,9 NS Utilisation AMIG 44 (97,7) 174 (97,2) NS Utilisation AMID 29 (64,4) 114 (63,7) NS Anastomose en Y AMID sur AMIG 6 (13,6) 26 (14,5) NS Anastomose séquentielle 13 (28,8) 55 (30,7) NS Paramètres CEC Durée CEC (min) 114,5 ± 33,8 102,9 ± 30,4 < 0,0001 Durée clampage aortique (min) 87,5 ± 28,3 74,3 ± 24,6 < 0,0001 Cardioplégie chaude 60 (44,1) 385 (70,8) < 0,0001 Cardioplégie antéro- et rétrograde 124 (91,1) 501 (92,0) NS Durée totale de l’intervention (min) 283,5 ± 87,4 255,8 ± 55,5 < 0,0001 Les variables continues sont exprimées en moyenne ± déviation standard ; les autres sont des nombres (%). Valeur de p : groupe Interne versus groupe Chirurgien senior. NS : non significatif. R : remplacement ; VAo : valve aortique ; PAC : pontage aorto-coronarien ; Ao asc : remplacement aorte ascendante ; VMi : valve mitrale ; VTric : valve tricuspide ; Nbr. : nombre ; pt : patient ; AMIG : artère mammaire interne gauche ; AMID : artère mammaire interne droite ; CEC : circulation extracorporelle.   3.2. Données opératoires Les durées de CEC et de clampage aortique étaient significativement allongées de 11,2 % (p < 0,0001) et de 17,7 % (p < 0,0001) respectivement dans le groupe interne comparativement au groupe CS. Une cardioplégie sanguine chaude en normothermie était utilisée, de manière significative, plus fréquemment dans le groupe CS (p < 0,0001). La durée totale de la chirurgie (de l’incision au pansement) était significativement augmentée de 10,8 % dans le groupe interne comparativement au groupe CS (p < 0,0001).   3.3. Critère de jugement primaire La mortalité hospitalière était de 0 % dans le groupe interne et de 1,8 % dans le groupe CS sans différence statistiquement significative (p = 0,225) [tableau 3].   3.4. Critères de jugement secondaires La morbidité hospitalière et les durées de séjour sont rapportées dans le tableau 3 et la figure 1. L’incidence de la FAPO était significativement augmentée dans le groupe interne comparativement au groupe CS (38,2 % versus 26,5 % respectivement, p = 0,007). La cinétique postopératoire de la troponine I objectivait une augmentation significative des taux de troponine I à OP+0 (+ 57,4 %, p < 0,0001), OP+1 (+ 62,1 %, p = 0,03) et maximal (+ 44,4 %, p = 0,0008) dans le groupe interne comparativement au groupe CS respectivement [figure 1]. De plus, il n’existait pas de différence au regard de l’incidence de l’IDM postopératoire entre les 2 groupes. Enfin, la FEVG à la sortie du service ne différait pas entre les 2 groupes tout comme l’incidence de la nécessité d’implanter un pace­maker ou de drainer un épanchement péricardique.   Tableau 3: Morbidité et mortalité postopératoires Variables Interne n = 136 Chirurgien senior n = 544 p Mortalité hospitalière 0 10 (1,8) NS Morbidité cardiaque FAPO 52 (38,2) 144 (26,5) 0,007 Pacemaker 4 (2,9) 16 (2,9) NS IDM 1 (0,7) 2 (0,4) NS FEVG sortie du service (%) 59,2 ± 9,5 59,4 ± 9,4 NS Épanchement péricardique drainé 3 (2,2%) 10 (1,8) NS Morbidité pulmonaire Bronchopneumopathie 16 (11,8) 64 (11,8) NS Épanchement pleural 5 (3,7) 11 (2,0) NS Pneumothorax 5 (3,7) 22 (4,0) NS Extubation (heures) 9,4 ± 9,4 12,6 ± 25,2 NS Extubation > 24 heures 5 (4,0) 25 (4,8) NS Morbidité rénale IRA 11 (8,1) 46 (8,5) NS Dialyse 2 (1,5) 12 (2,2) NS DFGe OP+1 (ml/min/1,73m²) 85,1 ± 31,3 83,7 ± 32,6 NS Pic maximal DFGe (ml/min/1,73m²) 70,3 ± 24,4 71,5 ± 27,2 NS Saignement et transfusion Drainage thoracique OP+1 (ml) 696,9 ± 207,7 688,8 ± 358,4 NS Transfusion CGR (unité/pt) 1,4 ± 2,2 1,8 ± 2,5 NS Transfusion CGR 66 (48,5) 295 (54,2) NS Reprise pour saignement 2 (1,4) 6 (1,1) NS Morbidité sternale Infection cutanée superficielle 0 1 (0,2) NS Sternite 1 (0,7) 1 (0,2) NS Médiastinite 0 0 NS Morbidité neurologique AVC-AIT 4 (2,9) 9 (1,7) NS Septicémie 2 (1,5) 3 (0,6) NS DS en réanimation (jours) 1,9 ± 2,2 1,9 ± 1,9 NS DS total postopératoire (jours) 7,5 ± 3,3 7,3 ± 2,9 NS Les variables continues sont exprimées en moyenne ± déviation standard ; les autres sont des nombres (%). Valeur de p : groupe Interne versus groupe Chirurgien senior. FAPO : fibrillation auriculaire postopératoire ; IDM : infarctus du myocarde ; OP+0 : admission en réanimation ; OP+1 : 1er jour postopératoire ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche mesurée à la sortie du patient ; IRA : insuffisance rénale aiguë définie comme une augmentation de la créatinine par 2 par rapport à la valeur préopératoire ; DFGe : débit de filtration glomérulaire estimée par l’équation MDRD ; CGR : concentré de globules rouges ; AVC : accident vasculaire cérébral constitué (> 24 heures) ; AIT : accident ischémique transitoire (≤ 24 heures) ; DS : durée de séjour.   [caption id="attachment_714" align="alignnone" width="300"] Figure 1 : Variations postopératoires des taux de Troponine I. Les variables continues sont exprimées en moyenne ± déviation standard. Les différences entre variables continues ont été testées avec le test de Student. OP+0 : admission en réanimation ; OP+1 : 1er jour postopératoire ; Pic max : taux maximal de troponine I postopératoire.[/caption]   Il n’existait pas de différences statistiquement significatives entre les 2 groupes en ce qui concerne les complications pulmonaires, rénales, sternales, neurologiques et infectieuses [tableau 3]. Le délai moyen d’extubation ne différait pas entre les 2 groupes tout comme les durées de séjour en réanimation et totale post­opératoire. Aucun des patients de cette étude n’a nécessité de réintervention pour une dysfonction d’une prothèse valvulaire, d’une plastie valvulaire et/ou d’un pontage coronarien.   3.5. Facteurs pré et peropératoires prédictifs de FAPO Les résultats des analyses statistiques univariées et multivariées des facteurs prédictifs de FAPO sont rapportés dans le tableau 4. Une FAPO était observée chez 196 patients (28,8 %). En analyse univariée, les facteurs prédictifs de FAPO identifiés dans notre population étaient : l’âge, le tabagisme, la classe NYHA ≥ III, la chirurgie faite par un interne et la cardioplégie chaude. Les autres variables incluses dans l’analyse multivariée du fait d’un p < 0,150 étaient : le sexe féminin, l’hypertension artérielle et le DFGe préopératoire. L’analyse multivariée a identifié comme facteur prédictif de FAPO : la chirurgie faite par un interne (p = 0,004) et l’âge (p < 0,0001).   Tableau 4: Facteurs prédictifs de FAPO en analyse univariée et multivariée Variables Groupe sans FAPO n = 484 Groupe FAPO n = 196 Analyse univariée Analyse multivariée p OR IC 95 % P Âge (années) 66,6 ± 11,8 72,1 ± 9,0 < 0,0001 1,047 1,029-1,065 < 0,0001 Sexe féminin 158 (32,6) 77 (39,3) 0,099 Tabagisme 221 (45,7) 70 (35,7) 0,018 HTA 322 (66,5) 145 (74,0) 0,058 Classe NYHA ≥ III 132 (27,6) 75 (38,5) 0,005 DFGe (ml/min/1,73 m2) 81,7 ± 25,6 77,9 ± 21,0 0,067 Groupe interne 84 (17,4) 52 (26,5) 0,007 1,820 1,205-2,750 0,004 Cardioplégie chaude 329 (68,0) 116 (59,2) 0,029 Les variables continues sont exprimées en moyenne ± déviation standard ; les autres sont des nombres (%). Valeur de p : groupe sans FAPO versus groupe avec FAPO. FAPO : fibrillation auriculaire postopératoire ; HTA : hypertension artérielle ; NYHA : classification fonctionnelle de la dyspnée selon la New York Heart Association ; DFGe : débit de filtration glomérulaire estimée par l’équation MDRD ; groupe interne : intervention réalisée par un interne de la peau à la peau ; OR : odds ratio ; IC : intervalle de confiance.   4. DISCUSSION Notre étude prospective observationnelle démontre que la chirurgie cardiaque faite par un interne est associée à une mortalité comparable à celle observée dans le groupe CS, et ceci avec un large éventail de types de chirurgie réalisée sous CEC. Malgré une plus grande fréquence de la FAPO dans le groupe interne, il n’existait pas de différence en regard des autres complications postopératoires, notamment en termes d’AVC, d’IRA, d’altération de la FEVG mais également pour les durées de ventilation mécanique, de séjour en réanimation ou globale postopératoire. La décision du chirurgien senior de superviser un interne pour une procédure chirurgicale de manière complète est multifactorielle. Bien évidemment, l’exposition préalable de l’interne en tant qu’assistant aux différentes étapes de la chirurgie et la compréhension de ces étapes sont un prérequis. Puis la réalisation de manière isolée de ces différentes étapes (sternotomie, mise en place de la CEC, sevrage de la CEC, fermeture sternale, etc..) au cours d’une intervention constitue la phase suivante de l’apprentissage avant la réalisation de manière complète d’une procédure chirurgicale. Il apparaît qu’un élément important dans la décision du chirurgien senior de superviser un interne pour une procédure chirurgicale dans notre service soit la fréquence et la régularité du binôme interne-chirurgien senior. De ce fait dans notre service, nous privilégions actuellement l’association systématique du même interne à un chirurgien senior sur une longue période plutôt qu’un changement journalier des internes. Dans notre étude, mais également dans la littérature, la chirurgie cardiaque réalisée par un interne est associée à une augmentation significative des durées de clampage aortique et de CEC [2-8]. Or, il est établi que les durées de clampage aortique et de CEC sont associées à une augmentation de la mortalité postopératoire, mais également de la morbidité postopératoire, avec notamment un risque accru d’IRA, d’infection sévère, de transfusion de CGR [1,10-12]. Malgré l’augmentation des durées de CEC, de clampage aortique et du temps opératoire dans le groupe interne, nous n’avons pas observé d’impact sur la mortalité, la fonction rénale, la survenue d’infection, les besoins transfusionnels et les pertes sanguines postopératoires. Ceci est probablement lié au fait que bien que significatives, ces augmentations des différents temps opératoires restaient modérées dans notre étude (+ 12 min pour la durée de CEC et + 28 min pour la durée totale de la chirurgie). Les données de la littérature confirment l’absence d’impact de cet accroissement des durées de CEC et de clampage aortique sur la mortalité lorsque la chirurgie est réalisée par un interne sous le contrôle d’un chirurgien senior [2-8]. Nous avons observé une augmentation significative de la FAPO dans le groupe interne. Les études analysant l’impact de la chirurgie cardiaque faite par un interne ne rapportent pas l’incidence de la FAPO dans les critères de jugement [2-8]. La FAPO est la complication la plus fréquente après chirurgie cardiaque sous CEC avec une incidence rapportée dans la littérature variant entre 5 % et 70 % [13]. Bien qu’il ait été démontré que la FAPO est associée à une augmentation de la mortalité, du risque d’AVC et de la durée de séjour [13], nous n’avons pas observé dans notre étude de différences entre les 2 groupes pour ces complications. De nombreux facteurs prédictifs préopératoires de FAPO ont été identifiés dans la littérature [13]. Le seul facteur prédictif retrouvé systématiquement dans la littérature est l’âge du patient que nous avons également identifié dans notre étude dans l’analyse multivariée [13]. La chirurgie faite par un chirurgien junior n’a jamais été identifiée au préalable comme facteur prédictif de FAPO, mais il convient de noter que cette variable n’a jamais été testée dans les analyses statistiques préalables. Par contre les durées de CEC et de clampage aortique ont déjà été rapportées comme facteurs de risques de FAPO [13]. Cependant dans notre étude, les analyses statistiques uni et multivariées ne retrouvent pas les durées de CEC et de clampage aortique ainsi que la technique de cardioplégie comme facteurs de risques de FAPO. Il est à noter que nous avons observé une augmentation significative de la cinétique de la troponine I postopératoire dans le groupe interne comparativement au groupe chirurgien senior. Cette augmentation est probablement corrélée à l’augmentation de la durée de clampage aortique et peut traduire une souffrance myocardique légèrement plus importante, pouvant être le substrat de la FAPO. Cependant il faut souligner que les valeurs moyennes de troponine I aux différents temps postopératoires étaient inférieures à 20 µg/l, que la différence de troponine I entre les deux groupes n’excédait pas 5 µg/l aux différents temps de mesure et que nous n’avons observé aucune différence entre les 2 groupes en termes d’IDM ou d’altération de la FEVG. Il existe dans notre étude une utilisation significativement plus fréquente de la cardioplégie sanguine froide dans le groupe interne. Il est actuellement clairement démontré que bien que la cardioplégie chaude soit associée à une diminution du relargage de troponine en postopératoire comparativement à la cardioplégie froide, il n’existe aucune différence entre les 2 techniques de cardioplégie en terme de protection myocardique et d’évolution postopératoire [14]. Enfin il est important de noter que la chirurgie cardiaque réalisée par un interne sous la supervision d’un chirurgien senior n’était pas associée à un risque accru de défaut technique opératoire comme l’atteste l’absence de réintervention pour une dysfonction d’une prothèse valvulaire, d’une plastie valvulaire et/ou d’un pontage coronarien mais également l’absence de différences en terme d’IDM et de FEVG postopératoires. L’enseignement de la chirurgie cardiaque au bloc opératoire reste le modèle pédagogique de référence qui n’a que très peu évolué. L’interne en chirurgie cardiaque va apprendre étape après étape les différents temps opératoires et c’est lorsque la maîtrise de ces étapes est acquise qu’il réalisera l’intervention de la peau à la peau. Les résultats de notre étude, mais également de la littérature, démontrent que ce type de formation permet d’obtenir, lors des premières interventions réalisées par un interne comme opérateur principal, des résultats superposables à la chirurgie faite par un chirurgien senior [2-8]. Bien évidemment les interventions réalisées de la peau à la peau par un interne sont encadrées par un chirurgien senior qui contrôle la qualité du geste et assure le maintien du tempo opératoire lors des différents temps opératoires. Il est à noter que l’encadrement d’un interne au bloc opératoire par un chirurgien senior est associé à un stress plus important pour le chirurgien senior que lorsqu’il réalise lui-même la procédure [15]. Cependant, ce type d’enseignement doit évoluer. En effet, il est de plus en plus évident que l’apport de la simulation constitue un outil indispensable dans la formation. En ce qui concerne la formation à la microchirurgie, l’utilisation de simulateur d’anastomose vasculaire mais également l’entraînement sur modèle animal permet une meilleure acquisition de la technicité nécessaire à la microchirurgie [16-19]. L’intérêt de la simulation en chirurgie valvulaire mais également pour la gestion de la CEC a été également démontré [20,21]. Des dispositifs de simulation permettant de reproduire de nombreux gestes fondamentaux de la chirurgie cardiaque sont commercialisés. Il existe aux États-Unis des programmes de camp d’entraînement (« boot camp ») pour internes permettant d’acquérir la maîtrise des différentes étapes de la chirurgie cardiaque sur simulateur, puis sur modèle [17]. Il apparaît de plus en plus évident que ce type d’enseignement doit faire partie intégrante de la formation des internes en chirurgie cardiaque. Les limites de notre étude sont l’utilisation du score de propension pour l’appariement par ajustement sur 2 variables uniquement, à savoir le type de chirurgie réalisée et l’EuroSCORE II. Mais l’EuroSCORE II est calculé à partir de 18 variables préopératoires significativement associées à un risque de mortalité postopératoire [9]. Bien évidemment, une étude randomisée par tirage au sort au bloc opératoire de l’opérateur principal permettrait de confirmer les résultats de notre étude avec une puissance statistique optimale.   5. CONCLUSION Notre étude a démontré que la chirurgie cardiaque sous CEC réalisée par un interne sous la supervision d’un chirurgien senior était associée à des résultats comparables à une chirurgie réalisée par un chirurgien senior, et ceci pour différents types de chirurgie. L’apport d’un enseignement par simulation avant la réalisation des gestes au bloc opératoire doit être proposé afin de permettre une progression plus rapide de l’interne dans l’acquisition de la maîtrise des gestes et des temps opératoires.   RÉFÉRENCES Ono M, Brady K, Easley RB et al. Duration and magnitude of blood pressure below cerebral autoregulation threshold during cardiopulmonary bypass is associated with major morbidity and operative mortality. J Thorac Cardiovasc Surg  2014;147:483-9. Bakaeen FG, Sethi G, Wagner TH et al. Coronary artery bypass graft patency: residents versus attending surgeons. Ann Thorac Surg  2012;94:482-8. Baskett RJ, Buth KJ, Legare JF et al. 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juin 3, 2016