In memoriam · Vol. 20 Septembre 2016

Frederick Griffith Pearson, légende en chirurgie thoracique (1926-2016)

Auteur : Jean Deslauriers, CM, MD, FRCS (C) Professeur Émérite, Université Laval, Québec, Que, Canada Correspondance : jean.deslauriers@chg.ulaval.ca     [caption id="attachment_2630" align="alignleft" width="248"] Frederick Griffith “Griff” Pearson. Photographie prise en 2011.[/caption] À la suite d’une courte maladie, le docteur Frederick Griffith (Griff) Pearson est décédé, entouré de ses proches, le 10 août 2016 à l’âge de 90 ans. Il était considéré comme un chirurgien innovateur, voire même audacieux, et certainement l’un des artisans de l’essor spectaculaire qu’a connu la chirurgie thoracique après la fin de la deuxième guerre mondiale.   Natif de Toronto en 1926, il était l’ainé d’une famille de trois garçons. En 1949, il complétait ses études médicales à l’Université de Toronto avec obtention de la “Médaille d’Argent” de sa promotion et, par la suite, son internat à l’Hôpital General de Toronto (Toronto General Hospital (TGH)). En 1950, il faisait une année de recherche fondamentale avec Wilfred Bigelow sur l’utilisation de l’hypothermie en chirurgie cardiaque avant de se lancer en pratique générale pour une durée de trois années à Wawa, une petite ville minière de 2,400 habitants du Nord de l’Ontario. Selon ses propres dires, c’est à cet endroit qu’il a appris à devenir un “Bon Docteur”. En 1955, il débutait sa résidence en chirurgie générale à l’Université de Toronto et développait un intérêt marqué pour la chirurgie thoracique. En 1959, il était nommé récipiendaire de la prestigieuse bourse McLaughlin (McLaughlin Travelling Fellowship) et s’embarquait pour l’Europe pour étudier avec les grands maîtres de l’époque, notamment avec le regretté Ronald Belsey en Grande Bretagne (hôpital Frenchay, Bristol). Au cours de sa carrière, Griff a toujours insisté sur le fait qu’il avait été très influencé par l’approche systématique et le souci du détail préconisés par Ronald Belsey. C’est également au cours de cette période avec Belsey qu’il est devenu un expert dans le traitement chirurgical du reflux gastro-œsophagien. Suite à son séjour en Grande Bretagne, il a voyagé pendant quelques mois en Scandinavie ou il eut l’opportunité de rencontrer Eric Carlens (Stockholm), qui avait été le premier à décrire la technique de médiastinoscopie utilisée à l’époque pour documenter l’importance de l’atteinte silicotique au niveau ganglionnaire. Voici ce que Griff raconte au sujet de son apprentissage de la médiastinoscopie avec Carlens : « He had me stick my middle finger through the incision into the mediastinum, and I was sold on the ingenuity of this approach for simultaneous bilateral exploration of the nodes in the superior mediastinum. »   [caption id="attachment_2632" align="alignright" width="300"] Schémas illustrant les ganglions accessibles à une biopsie en cours de médiastinoscopie. De Pearson FG, Canad J Surg 1963; 6 : 423-9.[/caption] À son retour à Toronto au début des années soixante, il a été le premier à préconiser l’utilisation routinière de la médiastinoscopie pour compléter l’évaluation préopératoire des cancers du poumon présumés opérables.   En 1967, il mettait sur pied la première division autonome de chirurgie thoracique (séparée de la chirurgie cardiaque et chirurgie générale) au Canada et probablement au monde. Ce modèle a éventuellement motivé le Collège Royal des Médecins et Chirurgiens du Canada à reconnaitre la chirurgie thoracique comme spécialité primaire et a été dupliqué dans plusieurs pays, notamment en Europe et en Asie. Au cours des années, Il a développé une “École de Pensée” qu’il a transmis aux centaines de gradués de son programme de formation, gradués subséquemment devenus des leaders de la spécialité dans tous les continents. Voici d’ailleurs quelques notes reçues par l’auteur de cet article suite au décès de Griff Pearson : « I owe it totally to him that I am now a thoracic surgeon. Without the time spent with Griff, I could not have introduced various techniques and ideas in Japan. More than that, what I have learned from Griff was modesty, friendliness, and kindness to young fellows. Dr Pearson was my mentor. » (Noriaki Tsubota, Nishinomiya, Japan, Fellow in Toronto, 1974) « Dr Pearson is the only one great academic surgeon that I have met in 45 years. He enjoyed watching the progress of his pupils and helped them become better than he was. This is the great recipe of the Toronto Thoracic Surgery Group which Griff created in the early days. » (Sandro Mattioli, Bologna, Italy, Fellow in Toronto,1988-89) « I have just learned of Dr. Pearson passing away. It is very sad but the memory of having met him, talked to him, listened to him, and read him will be with me for all of my life. I feel privileged to have had the opportunity to meet him. » (Ramon Rami-Porta, Barcelona, Spain) « Of course, there were other important thoracic surgeons but none had Griff’s combination of humility, skills, scholarship, enthusiasm, and charisma. » (Alexander Patterson, Saint-Louis, USA) Il a été Président de l’American Association of Thoracic Surgery en 1989-90 et, au cours de sa carrière, nommé ‘Membre Honorifique” de plusieurs sociétés internationales de chirurgie thoracique. Il a été l’inspiration derrière la publication des volumes de spécialité intitulés “Pearson’s Thoracic Surgery” et “Peason’s Esophageal Surgery”. En 2002, il recevait la médaille de l’Ordre du Canada, la plus haute distinction civile décernée au Canada.   [caption id="attachment_2633" align="alignleft" width="300"] Procédure de Pearson pour sténose sous-glottique permettant de préserver l’intégrité des nerfs récurrents laryngés (Courtoisie de FG Pearson).[/caption] Il était un chirurgien-chercheur passionné qui savait transmettre cette passion à ses stagiaires. Alors qu’il était lui-même résident en chirurgie, il a aidé à conceptualiser et mettre en marche la première unité de soins intensifs respiratoires au monde (Respiratory Failure Unit, Toronto, 1957). Il a été le premier à identifier la pathogénie des sténoses trachéales post-intubation à savoir qu’elles étaient secondaires à l’utilisation de tubes endotrachéaux ou de trachéostomie avec ballonnets à haute pression. Il a été une figure de proue incontestée dans le domaine de la chirurgie des voies aériennes supérieures et a d’ailleurs développé une procédure qui porte son nom (procédure de Pearson) pour résection des sténoses sous-glottique tout en évitant de traumatiser les nerfs récurrents laryngés. Son expertise dans la chirurgie des voies aériennes a été très importante dans l’élaboration des techniques de transplantation pulmonaire à Toronto. Sur le plan des maladies bénignes de l’œsophage, il a conceptualisé une procédure qui porte aussi son nom (gastroplastie de Collis-Belsey, Procédure de Pearson), technique impliquant un allongement de l’œsophage distal pour malades porteurs d’un œsophage court secondairement au reflux.   [caption id="attachment_2634" align="alignleft" width="189"] Procédure de Pearson pour œsophage court (Courtoisie de FG Pearson).[/caption] Il était un enseignant hors pair non seulement avec des idées claires mais aussi avec une habileté incomparable pour transmettre ces idées de façon claire. Il possédait un sens de curiosité hors du commun et était toujours ouvert à l’apprentissage de nouveaux concepts ou technologies. Ces aspects de sa personnalité étaient d’ailleurs infectieux auprès des résidents. Il était généreux de son temps et passait un nombre incalculable d’heures avec les stagiaires venus du monde entier pour assimiler son école de pensée. Il faisait un effort pour que chacun d’entre eux se sente important et demeurait très loyal envers eux, une fois leurs stages complétés. Il en a d’ailleurs aidé plus d’un, dont l’auteur de ces lignes, à développer leur pratique clinique et académique une fois qu’ils furent retournés dans leur pays d’origine. Il traitait ses malades avec grande compassion et ses collègues avec respect. Il aimait la nature et était un grand amateur de pêche. Il aura été un grand chirurgien thoracique, enseignant incroyable et motivateur sans pareil. Il a eu une influence prédominante sur la vie de plusieurs de ses stagiaires non seulement sur le plan professionnel mais aussi sur le plan personnel. Il a redéfini la spécialité et plusieurs le considèrent, à juste titre, comme le fondateur de la chirurgie thoracique contemporaine. Son talent, sa curiosité, son esprit innovateur, son charisme et son dynamisme auront été une inspiration pour tous. En un mot, il aura été une vraie “Légende” dans le domaine de la chirurgie thoracique.  
septembre 15, 2016
Cas clinique · Vol. 20 Septembre 2016

Intérêt du drainage par VAC dans les pneumopathies nécrosantes : à propos d’un cas

Christophe Peillon, Edouard Roussel, B. Bottet, A. Witte, S. Lachkar, Jean-Marc Baste Service de chirurgie générale et thoracique, CHU Charles Nicolle, Rouen, France. Correspondance : christophe.peillon@chu-rouen.fr   Résumé Nous rapportons l’observation clinique d’un cas de pneumopathie nécrosante lobaire moyenne traitée efficacement par une minithoracostomie et application d’un VAC (vacuum assisted closure) sans exérèse pulmonaire ni réintervention.   Abstract This case reports a successful treatment of a necrotizing lung infection with an application of a mini thoracostomy with VAC, without pulmonary resection.   1. INTRODUCTION La pneumopathie nécrosante est une pathologie grave qui engage le pronostic vital et qui nécessite parfois une résection du parenchyme pulmonaire nécrosé pour maîtriser le sepsis. Ces interventions sont lourdes et grevées d’une morbimortalité importante, jusqu’à 30 % [1]. Nous rapportons l’observation d’une patiente atteinte d’une pneumopathie nécrosante, traitée efficacement par une minithoracostomie, drainée au moyen d’un système d’aspiration continu (VAC), sans exérèse anatomique pulmonaire, ni réintervention, dont les suites ont été simples malgré la sévérité du tableau initial.   2. OBSERVATION Il s’agit d’une patiente de 51 ans, aux antécédents d’éthylisme chronique, tabagisme (30 PA) et dénutrition sévère (IMC = 16,8, albumine = 14 g/l). La prise en charge était faite d’emblée en réanimation médicale pour une pneumopathie lobaire moyenne et inférieure droite hypoxémiante compliquée d’un SDRA sévère et d’un choc septique (pneumocoque, Candida et E. Coli). Une intubation orotrachéale était réalisée dès l’admission. L’anamnèse retrouvait une prise d’AINS les jours précédents pour traitement symptomatique d’une toux. L’imagerie initiale montrait une image de pneumopathie franche lobaire moyenne et inférieure droite. Au quatrième jour après l’admission, la patiente présentait un emphysème sous cutané majeur exploré par une seconde TDM, qui révélait un important barotraumatisme lobaire moyen. À J12, une nouvelle TDM était réalisée pour une nouvelle dégradation septique de l’état général, mettant en évidence une nécrose abcédée de tout le lobe moyen [figure 1].   [caption id="attachment_2621" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Pneumopathie nécrosante du lobe moyen au 12e jour d’hospitalisation avant chirurgie.[/caption]   Insuffisamment drainée en percutané, il était décidé une prise en charge chirurgicale la moins invasive possible compte tenu de l’état général de la patiente et de la perte de substance pulmonaire. Une minithoracostomie antérolatérale (5 x 2 cm) en regard de la cavité était réalisée par section segmentaire de 5 cm de l’arc moyen de la 5e côte, suivi d’un comblement de la cavité par une mousse, reliée au VAC avec occlusion totale de la stomie par film adhésif [figure 2]. Ce pansement était renouvelé tous les 3 jours en réduisant progressivement le volume de la mousse insérée.   [caption id="attachment_2623" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Appareillage du patient par VAC sur la minithoracostomie axillaire droite au niveau de la 5e côte.[/caption]   Dès lors, l’état clinique de la patiente s’améliorait, autorisant l’extubation de la patiente à J35 puis un séjour de 3 semaines dans une unité de sevrage ventilatoire. Durant ce séjour l’efficacité de l’aspiration par le VAC était néanmoins compromise par l’apparition d’une fuite aérienne importante liée à l’apparition d’une fistule bronchique lobaire moyenne dans la cavité. Celle-ci était traitée avec succès par deux séances de thermocoagulation par fibroscopie bronchique. Le traitement par VAC était poursuivi au domicile de la patiente en HAD pendant encore 30 jours. Une dernière TDM [figure 3] à 3 mois montrait une disparition de la cavité, une reventilation complète du lobe inférieur ainsi qu’une fermeture quasi complète de la stomie.   [caption id="attachment_2625" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. TDM à 3 mois. Notez la disparition de la cavité nécrosée, la réexpansion du lobe inférieur, la fermeture quasi complète de la thorascostomie.[/caption]   3. DISCUSSION Le traitement des empyèmes pleuraux par VAC est une technique déjà décrite dans la littérature, avec de bons résultats [2], alors que les pneumopathies nécrosantes sont plus souvent prises en charge par exérèses pulmonaires anatomiques ou non [3,4]. Le drainage simple de la cavité est une option peu invasive souvent proposée. Celui-ci s’avère en règle générale rapidement inefficace, soit en raison de l’exclusion rapide du drain liée à l’épaisseur du liquide de nécrose ou, à l’inverse, à l’importance des fuites aériennes qui peuvent rendre la ventilation inefficace. Autre option, la lobectomie chirurgicale est un geste lourd et risqué. Celle-ci, comme dans notre cas clinique, est rarement envisageable du fait de la gravité du sepsis, de l’état pulmonaire sous-jacent, du risque hémorragique et de la difficulté du geste à réaliser. Dans notre observation, le choix de la minithoracostomie a permis la détersion chirurgicale de la cavité et son comblement par la mousse du VAC. La pression négative du VAC a permis de drainer efficacement la cavité restante, tout en assurant sa rétraction rapide, en même temps que la réexpansion et la reventilation du lobe inférieur initialement hépatisé. Ceci n’aurait pas été possible avec un simple tassement de compresses dans la cavité, comme il est coutume de faire dans les cavités thoraciques infectées. L’apparition d’une fistule bronchique est une complication classique dans ce type de pathologie. En règle générale, celles-ci sont distales et de petites taille et doivent être traitées par thermocoagulation bronchique par voie endoscopique voire occlusion par des bouchons [5]. En effet, l’occlusion des fuites bronchiques est le meilleur garant de l’efficacité du traitement par VAC pour ce qui concerne la détersion et la rétraction de la cavité rendant inutile à distance tout geste de comblement telles que les myoplasties. Sur le plan médico-économique, la petite taille et l’autonomie du système d’aspiration permettent rapidement une prise en charge ambulatoire du drainage au domicile du patient, diminuant ainsi les coûts globaux en réduisant la durée d’hospitalisation.   4. CONCLUSION L’association d’une minithoracostomie et application d’un VAC, nous semble être une option adaptée à la gravité du tableau clinique des pneumopathies nécrosantes. Peu iatrogène et efficace dès lors qu’un simple drainage n’est pas suffisant, cette stratégie permet d’éviter la chirurgie lourde en phase aiguë et à distance.   RÉFÉRENCES Laterre P-F. Severe community acquired pneumonia update: mortality, mechanisms and medical intervention. Crit Care 2008;12(Suppl 6):S1. Sziklavari Z, Ried M, Hofmann H-S. Vacuum-assisted closure therapy in the management of lung abscess. J Cardiothorac Surg 2014;9:157. Reimel BA, Krishnadasen B, Cuschieri J, Klein MB, Gross J, Karmy-Jones R. Surgical management of acute necrotizing lung infections. Can Respir J 2006 Oct;13(7):369–73. Schweigert M, Dubecz A, Beron M, Ofner D, Stein HJ. Surgical therapy for necrotizing pneumonia and lung gangrene. Thorac Cardiovasc Surg 2013 Oct;61(7):636–41. Bolliger CT, Sutedja TG, Strausz J, Freitag L. Therapeutic bronchoscopy with immediate effect: laser, electrocautery, argon plasma coagulation and stents. Eur Respir J 2006 Jun;27(6):1258–71. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 16/02/2016. Acceptation : 29/03/2016. Pré-publication : 10/08/2016  
septembre 15, 2016
Cas clinique · Vol. 20 Septembre 2016

Migration asymptomatique d’un Amplatzer™ apres fermeture percutanée d’une CIA

Aniss Seghrouchni, Marouane Ouazzani, Bernard Albat, Roland Demaria   Département de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, hôpital Arnaud de Villeneuve, CHU Montpellier, France. Correspondance : r-demaria@chu-montpellier.fr   Résumé Nous rapportons le cas d’un patient de 24 ans qui présentait une communication interauriculaire de type ostium secundum (CIA), pour laquelle il a bénéficié, après bilan, d’une fermeture percutanée avec succès (Amplatzer™ St. Jude Medical, Minneapolis, États-Unis). L’échographie cardiaque de contrôle à J1 post-intervention a mis en évidence une migration de la prothèse dans le tronc de l’artère pulmonaire alors que le patient était totalement asymptomatique. Une décision de récupération et fermeture de la CIA par chirurgie conventionnelle a été prise en urgence. La leçon à tirer de ce cas clinique est de bien sélectionner les formes de CIA avec une anatomie favorable pour une fermeture percutanée, et d’insister sur l’intérêt du contrôle échocardiographique précoce (avant la sortie du malade de l’hôpital) et à distance afin de rechercher une migration du système d’occlusion qui peut être totalement asymptomatique.   Abstract Asymptomatic migration of septal occluder prosthesis after atrial septal defect percutaneous closure We described a case of a 24-year-old man who underwent a percutaneous closure of an ostium secundum atrial septal defect (ASD) with an Amplatzer™ septal occluder (St Jude Medical, Minneapolis, USA). A transthoracic echocardiography showed a pulmonary trunk obstruction by the device, while the patient was totally asymptomatic. A Successful urgent surgical procedure was done to remove the device at postoperative day 1. This case highlighted the need for correct patient selection with all inclusion criteria being met, combined with close follow-up by transthoracic echocardiography.   1. INTRODUCTION  La fermeture percutanée des communications interauriculaires ostium secundum (CIA) est la technique de choix si l’anatomie est favorable [1]. L’échographie transthoracique (ETT) permet la sélection des formes anatomiques favorables [2], notamment les CIA bien centrales avec un rebord suffisant pour ancrer solidement l’Amplatzer™ (St. Jude Medical, Minneapolis, États-Unis). Nous rapportons le cas clinique d’un jeune patient qui a bénéficié d’une fermeture percutanée de sa CIA par Amplatzer™. L’intervention s’est déroulée de manière satisfaisante, avec un contrôle ETT post-intervention immédiat confirmant le positionnement satisfaisant de l’occluder et la disparition du shunt de CIA. Cependant, le contrôle ETT à J1 a objectivé une migration de l’Amplatzer™ dans le tronc de l’artère pulmonaire (AP) alors que le patient était totalement asymptomatique.   2. CAS CLINIQUE  Il s’agit du cas d’un jeune homme de 24 ans, sportif, sans antécédents pathologique notables, qui s’est vu découvrir de manière fortuite, lors d’une visite à la médecine du travail un ECG pathologique avec un bloc de branche droit et une hypertrophie ventriculaire droite. À noter que le patient était asymptomatique. L’ETT réalisée permettait la découverte d’une CIA type ostium secundum de 37 mm de plus grand diamètre avec dilatation des cavités droites associée. La fraction d’éjection ventriculaire gauche était à 57 %. Il n’y avait pas de valvulopathie mitro-aortique. L’indication de fermeture percutanée de la CIA a été posée et il a été mis en place une prothèse Amplatzer™ Septal Occluder (St. Jude Medical, Minneapolis, États-Unis) de 40 mm sous contrôle ETT, avec un résultat immédiat satisfaisant (positionnement correct, disparition du shunt). À noter qu’il n’y a pas eu de calibration au ballon en perintervention. Le contrôle échocardiographique à J1, alors que le patient était totalement asymptomatique, retrouvait une migration de la prothèse Amplatzer™ à la bifurcation de l’AP, et la large CIA avec une importante dilatation des cavités droites et un septum interventriculaire paradoxal, sans HTAP ni gradient pulmonaire. L’indication de la récupération de l’Amplatzer™ et de la fermeture concomitante de la CIA, par chirurgie conventionnelle, a été posée en urgence, afin notamment d’éviter l’évolution vers une obstruction aiguë de l’AP. La technique du lasso a été écartée devant la grande taille de l’Amplatzer™ (risque vasculaire traumatique) et l’indication d’une fermeture chirurgicale de la CIA. La voie d’abord était une sternotomie médiane verticale totale. Il a été installé, après héparinisation générale, une circulation extracorporelle bicave avec une décharge ventriculaire gauche par la veine pulmonaire supérieure droite. L’aorte ascendante a ensuite été clampée et une cardioplégie antérograde sanguine froide instituée. Après arrêt électromécanique du cœur, une artériotomie longitudinale de l’AP sur environ 3 cm a été réalisée, permettant de retirer assez facilement l’Amplatzer™ dans sa totalité [figures 1 et 2]. La liberté et l’intégrité de l’AP ont été vérifiées. L’artériotomie a ensuite été refermée après purge des cavités droites. On a ensuite réalisé une atriotomie droite découvrant une CIA de gros diamètre avec un bourrelet très peu proéminent à la partie inférieure, expliquant probablement la migration. Après vérification de l’intégrité des différents orifices de l’oreillette droite, on a réalisé la fermeture de la CIA (après purge de l’oreillette gauche) par un Gore-Tex de 0,4 mm d’épaisseur, puis une fermeture de l’atriotomie droite après purges manuelles des cavités droites. Après une reperfusion chaude et le déclampage aortique, le cœur repartait spontanément. Un contrôle d’échographie transœsophagien est réalisé de principe. Les suites opératoires ont été simples et le contrôle ETT à J6 était satisfaisant avant la sortie du patient de l’hôpital.   [caption id="attachment_2581" align="aligncenter" width="227"] Figure 1. Artériotomie longitudinale de l’AP.[/caption] [caption id="attachment_2582" align="aligncenter" width="246"] Figure 2. Récupération de l’Amplatzer™.[/caption]   3. DISCUSSION Les CIA de type ostium secundum qui représentent la grande majorité des CIA (80 %) sont les seules accessibles à une technique interventionnelle [3]. Les formes anatomiques extrêmement variées par la taille, la forme, le nombre de défects, la position par rapport à la fosse ovale et l’aspect du septum adjacent nécessitent une évaluation préalable rigoureuse qui repose sur l’exploration échographique, temps principal pour la sélection des patients. Le diamètre maximal de la CIA ainsi que la longueur du septum interauriculaire doivent être mesurés ; en effet, les recommandations limitent l’indication aux CIA de moins de 38 mm même si des travaux suggèrent que la fermeture jusqu’à 40 mm est réalisable [4] ; la longueur du septum doit être au moins plus grande de 14 mm que le diamètre de la CIA pour implanter un dispositif Amplatzer™. L’échographie transthoracique (ETT) apprécie aussi le retentissement cardiaque droit (rapport des diamètres ventriculaires), évalue la pression pulmonaire, visualise le shunt gauche-droit interatrial, et mesure le défect et ses berges. L’analyse morphologique du septum interauriculaire, parfois difficile et incomplète en ETT, est faite idéalement par l’échographie transœsophagienne (ETO). L’intervention percutanée est guidée par l’ETO peropératoire. Les centres qui en disposent, peuvent aussi utiliser l’échographie endocardiaque. Les berges de la CIA doivent être évaluées précisément pour s’assurer d’une bonne stabilité ultérieure de la prothèse. Le contour du défect est segmenté en 5 berges : supérieure, antérosupérieure, antéro-inférieure, inférieure et postérieure. Il est nécessaire de disposer d’au moins 5 mm sur chacune des berges sauf au niveau de la berge antérosupérieure dont l’absence ne contre-indique pas une fermeture percutanée. La calibration perintervention au ballon, permettant d’apprécier les dimensions de la CIA, est préférable du fait du risque d’erreur si la CIA est mesurée uniquement à l’échographie, ce qui a été le cas pour ce patient. Les petites CIA inférieures à 10 mm sans retentissement cardiaque et asymptomatiques ne doivent pas être proposées à une fermeture percutanée. Par ailleurs, certaines anatomies ne permettent pas une fermeture percutanée. Il s’agit des berges insuffisantes (< 5 mm) sur une grande partie du défect, des défects trop larges (diamètre étiré > 40 mm), de certaines CIA multiples, de formes particulièrement complexes touchant une grande partie de la paroi interauriculaire (volumineux anévrisme) ou d’anomalies associées nécessitant une correction chirurgicale (insuffisance mitrale, retour veineux pulmonaire anormal). Bien que le risque ne puisse être complètement exclu, il n’est pas rapporté à ce jour de décès chez l’adulte pendant une intervention percutanée [5]. Le taux de complications graves pouvant nécessiter une intervention chirurgicale urgente (malposition ou migration de la prothèse, perforation cardiaque) est d’environ 1 % dans de larges séries [6]. Le suivi à court et moyen termes repose sur l’échographie. Une ETT est absolument nécessaire le lendemain de l’intervention pour s’assurer de la bonne position de la prothèse et de l’absence de suffusion péricardique précoce. Cette technique ne doit, à priori, pas être réalisée en ambulatoire. En règle générale, un contrôle par ETT est programmé à 30 jours, 6 mois et 12 mois permettant de juger de la réduction du volume ventriculaire droit, de s’assurer de l’absence de shunt résiduel et d’évaluer la pression pulmonaire. Dans notre cas, le patient a bénéficié d’une fermeture percutanée de son CIA OS par un Amplatzer™ Septal Occluder de 40 mm avec un résultat immédiat satisfaisant. Le contrôle échocardiographique systématique à J1 trouvait une migration de la prothèse Amplatzer™ à la bifurcation de l’AP alors que le patient était totalement asymptomatique. Du fait du risque théorique évolutif vers une mort subite, la décision de récupération de la prothèse et de la fermeture de la CIA par chirurgie conventionnelle en urgence a été prise. La voie d’abord était une sternotomie médiane verticale totale, qui a permis de retirer facilement l’Amplatzer™. Pour les équipes entraînées à la chirurgie mini-invasive vidéo-assistée, un abord chirurgical mini-invasive par mini-thoracotomie droite est faisable comme le décrit l’équipe de Salvador Loris [7]. Cependant, la technique de choix reste la chirurgie conventionnelle pour ne pas rajouter les risques liés à la technique vidéoscopique après un geste de cathétérisme qui s’est déjà compliqué.   4. CONCLUSION  La fermeture percutanée des CIA est une technique sûre, efficace, peu coûteuse et non invasive. Cependant, l’Amplatzer™ peut migrer, notamment si les rebords de la CIA sont insuffisants pour l’ancrage de la prothèse, ou si sa géométrie est inadéquate [8]. L’ETT préintervention est capitale pour assurer la sélection des patients. Elle doit être réalisée par un cardiologue expérimenté et informé de ce qu’il doit rechercher en préopératoire pour une bonne sélection des patients [2,7]. L’ETT en postintervention (immédiat, J1 puis de façon régulière) est aussi capitale pour s’assurer du bon ancrage de la prothèse qui peut migrer alors que le patient reste totalement asymptomatique, du moins initialement.   RÉFÉRENCES Baumgartner H, Bonhoeffer P, De Groot NM et al. ESC Guidelines for the management of grown-up congenital heart disease (new version 2010). Eur Heart J 2010;31:2915-57. Vaidyanathan B, Simpson JM, Kumar RK. Transoesophagal echocardiography for device closure of atrial septal defects. Case selection, planning and, procedural guidance. JACC Cardiovasc Imaging 2009;10:1238-42. Webb G, Gatzoulis A. Atrial septal defects in the adult. Recent progress andoverview. Circulation 2006;114:1645-53. Petit J, Losay J, Lambert V, Piot JD, Bertaux X. Large atrial septal defects in adults: results of attempted systematic percutaneous closure. Arch Mal Cœur Vaiss 2006;99:429-32. Lindsay JB, Hillis LD. Clinical update: atrial septal defect in adults. Lancet 2007;369:1244-6. Majunke N, Bialkowski J, Wilson N et al. Closure of atrial septal defect with the Amplatzer septal occluder in adults. Am J Cardiol 2009;103:550-4. Cresce GD, Favaro A, Auriemma S, Salvador L. Amplatzer Septal Occluder Migration Into The Pulmonary Trunk: Surgical Removal Through a Totally Thoracoscopic Approach. Innovations: Technology & Techniques in Cardiothoracic & Vascular Surgery 2013;8:381–3. Butera G, Romagnoli E, Carminati M et al. Treatment of isolated secundum atrial septal defects: impact of age and defect morphology in 1,013 consecutive patients. Am Heart J 2008;156:706-12. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 04/03/2016. Acceptation : 08/07/2016.  
septembre 15, 2016
Chirurgie cardiaque congénitale et pédiatrique · Vol. 20 Septembre 2016

Atrésie pulmonaire avec communication interventriculaire et collatérales systémicopulmonaires : unifocalisation versus réhabilitation

Jérôme Soquet, Yves d’Udekem, Christian Brizard   Chirurgie cardiaque, Royal Children’s Hospital Melbourne, Parkville, Victoria, Australie. Correspondance : jerome.soquet@gmail.com   Nous remercions le docteur Jay Junio (Philippine Heart Center, Manille, Philippines) pour les illustrations. Résumé L’atrésie pulmonaire avec communication interventriculaire (AP-CIV) correspond à la forme extrême de la tétralogie de Fallot et est caractérisée par la présence de collatérales systémicopulmonaires (ou MAPCAs, major aorto-pulmonary collateral arteries), assurant toute ou partie de la circulation pulmonaire. La prise en charge de l’AP-CIV avec MAPCAs est débattue à l’heure actuelle, avec un choix entre deux stratégies distinctes. L’unifocalisation consiste à réimplanter les MAPCAs à la circulation pulmonaire, et à effectuer la réparation de l’AP-CIV dans le même temps ou de manière différée. À l’opposé, une stratégie de réhabilitation cherche à promouvoir la croissance des artères pulmonaires natives, en intervenant le moins possible sur les MAPCAs, afin de permettre une réparation de l’AP-CIV à un stade ultérieur. Nous nous proposons d’effectuer une revue de la littérature relative à l’AP-CIV avec MAPCAs et de présenter notre technique de réhabilitation des artères pulmonaires.   Abstract Pulmonary atresia with ventricular septal defect and major aorto-pulmonary collateral artery: unifocalization versus rehabilitation Pulmonary atresia with ventricular septal defect (PA-VSD) is the extreme type of tetralogy of Fallot. Major aorto-pulmonary collateral arteries (MAPCAs) are characteristic of PA-VSD. The management of PA-VSD with MAPCAs is currently a topic of controversy, with two distinct strategies. The first is unifocalization, consisting of reimplanting the MAPCAs to the pulmonary circulation, and performing the PA-VSD repair in one or multiple stages. The alternative is a strategy of rehabilitation that promotes growth of the native pulmonary arteries, without intervening on the MAPCAs where possible, in order to repair the PA-VSD in the future. This article is a review of the literature on PA-VSD with MAPCAs, and describes the technique of rehabilitation of the pulmonary arteries currently performed at our center.   1. INTRODUCTION L’atrésie pulmonaire avec communication interventriculaire (AP-CIV) ou atrésie pulmonaire à septum ouvert (APSO) est une cardiopathie conotruncale et équivaut à la forme extrême de la tétralogie de Fallot [1]. Il s’agit d’une cardiopathie sévère, la survie sans traitement ayant été estimée à 50 % à 1 an [2]. L’AP-CIV représente 5 à 10 % des patients atteints de tétralogie de Fallot. Une caractéristique spécifique de l’AP-CIV est la présence de collatérales systémico-pulmonaires, canal artériel perméable exclu, ou MAPCAs (major aorto-pulmonary collateral arteries), assurant toute ou partie de la circulation pulmonaire jusque dans deux tiers des cas. Ces MAPCAs ont pour origine l’aorte et/ou les troncs supra-aortiques, voire les artères coronaires. Durant la dernière décennie, la prise en charge des patients se présentant pour AP-CIV avec MAPCAs a été un sujet de controverse. La difficulté est représentée non pas par la réparation de l’AP-CIV, qui consiste à rétablir une continuité entre le ventricule droit (VD) et l’artère pulmonaire et fermer la CIV, mais par la reconstitution d’une arborisation artérielle pulmonaire lorsque les MAPCAs sont présentes. Deux stratégies de traitement de l’AP-CIV-MAPCAs se distinguent. Dans une stratégie d’unifocalisation, une nouvelle arborisation pulmonaire est reconstruite par l’anastomose multiple des MAPCAs et des artères pulmonaires existantes. La réparation de l’AP-CIV est alors réalisée dans le même temps [3] ou de manière différée [4,5]. Dans une stratégie de réhabilitation des artères pulmonaires natives, une anastomose systémicopulmonaire (ou shunting) des artères pulmonaires centrales ou un conduit VD-artère pulmonaire est réalisé précocement, et après des interventions répétées permettant la croissance des artères pulmonaires natives, la réparation de l’AP-CIV est effectuée [6-8]. Dans tous les cas, une cartographie préopératoire des MAPCAs est essentielle, que ce soit par TDM, IRM ou angiographie. Nous nous proposons de discuter les résultats des deux stratégies, et de présenter quelques aspects techniques de notre stratégie fondée sur la réhabilitation des artères pulmonaires.   2. UNIFOCALISATION Jusque dans les années 1970, les patients atteints d’AP-CIV-MAPCAs étaient traités médicalement. Un shunt à visée palliative était proposé aux patients les plus cyanosés. Dans une étude anatomopathologique datant de 1980 [9], il a été suggéré par Haworth et al. de connecter (ou « unifocaliser ») les collatérales systémicopulmonaires à la circulation pulmonaire. L’unifocalisation consiste, après avoir disséqué de façon extensive les MAPCAs par sternotomie ou thoracotomie, à détacher la partie proximale des collatérales, provenant le plus souvent de l’aorte descendante, et d’anastomoser ces collatérales à la circulation pulmonaire. Les premières grandes séries de réparation de l’AP-CIV avec unifocalisation des MAPCAs datent de la fin des années 1980 [10-12]. La réparation était alors réalisée en plusieurs étapes, la première consistant à faire grandir les artères pulmonaires natives. Iyer et Mee [12] ont proposé un protocole en trois étapes : shunt central par anastomose directe de l’artère pulmonaire hypoplasique sur l’aorte, également appelé « Melbourne shunt » (sternotomie) ; unifocalisation ± ligature des MAPCAs (thoracotomies) ; fermeture de la CIV et insertion d’un conduit VD-artère pulmonaire (sternotomie). L’équipe de Stanford a initié une stratégie d’unifocalisation des MAPCAs avec réparation de l’AP-CIV en un temps, par sternotomie [13], suivie par d’autres équipes [14,15]. Dans une mise à jour de leur série en 2000 [3], devenue depuis l’article de référence en faveur de l’unifocalisation avec réparation simultanée, Reddy et al. parviennent à effectuer la réparation de l’AP-CIV dans 83 % des cas à un âge médian de 7 mois, avec une mortalité opératoire de 10,6 %. Les autres grandes séries d’unifocalisation, effectuée en une ou plusieurs étapes, montrent des taux de réparation entre 56 et 80 % [4,5,15-17], la mortalité précoce variant entre 6 et 11,5 % [tableau 1].   Auteur Année Patients Technique Réparation Mortalité opératoire Rapport de pression VD/VG à distance de la réparation Suivi Survie Reddy [3] 2000 85 Unifocalisation (un temps) 83 % à 7 mois 10,6 % 22 mois 74 % à 4 ans Gupta [4] 2003 104 Unifocalisation (par étapes) 56 % à 5,2 ans 11,5 % 10,2 ans D’Udekem [16] 2005 82 Unifocalisation (par étapes) 65 % à 4 ans 8 % 0,62 à 1,38 ans 14,2 ans 58 % à 30 ans Ishibashi [5] 2007 113 Unifocalisation (par étapes) 80 % à 8,1 ans 7 % 8,8 ans 69,9 % à 20 ans Davies [15] 2009 216 Unifocalisation (un temps/par étapes) 73 % 6 % 2,3 ans 89 % à 3 ans Carotti [17] 2010 90 Unifocalisation (un temps/par étapes) 78 % 9 % 0,53 à 95 mois 46 mois 75 % à 14 ans Dragulescu [20] 2011 20 Réhabilitation 95 % à 2,4 ans 5 % 0,58 à ? 8,2 ans Liava’a [7] 2012 25 Réhabilitation 60 % à 18 mois 0 % 0,64 à 13 mois 39 mois Mainwaring [22] 2012 35 Réhabilitation 55 % 6 % 0,39 à ? 49 mois 87 % à 4 ans Zhang [8] 2014 37 Réhabilitation 46 % 0 % 1,6 ans Tableau 1. Récapitulatif des principales études sur l’atrésie pulmonaire à septum ouvert avec MAPCAs publiées à partir de 2000   3. RÉHABILITATION Il est connu de longue date que la croissance des artères pulmonaires peut être promue par l’insertion d’un shunt [18]. Dans l’AP-CIV-MAPCAs, la réhabilitation consiste à promouvoir la croissance des artères pulmonaires par l’insertion d’un shunt ou d’un conduit VD-artère pulmonaire permettant in fine de réaliser la réparation de l’AP-CIV lorsque les artères pulmonaires sont suffisamment développées [19]. Cette stratégie implique inévitablement une réparation par étapes. L’équipe de Marseille [6,20] a proposé le protocole suivant : conduit VD-artère pulmonaire sous circulation extracorporelle (CEC) ; cathétérisme interventionnel avec angioplasties et stenting des artères pulmonaires ; fermeture de la CIV et remplacement du conduit VD-artère pulmonaire. Après un suivi à long terme de 20 patients, le taux de réparation, effectuée à un âge médian de 2,4 ans, s’élevait à 95 % avec une mortalité opératoire de 5 %. Notre équipe a appliqué une stratégie de réhabilitation dans l’AP-CIV-MAPCAs depuis 2003 [7]. Typiquement, le patient sera traité selon le schéma suivant, par sternotomie uniquement : shunt central entre l’aorte ascendante et l’artère pulmonaire selon Gates et al. [21] avec un tube de Gore-Tex (W. L. Gore & Associates, Flagstaff, Arizona, États-Unis) [figure 1] ; explantation du shunt central, insertion d’un conduit valvé VD-artère pulmonaire avec un Contegra (Medtronic, Minneapolis, Minnesota, États-Unis) ; fermeture de la CIV et remplacement du conduit VD-artère pulmonaire [figure 2].   [caption id="attachment_2652" align="aligncenter" width="218"] Figure 1. Illustration d’un shunt central entre l’aorte ascendante et l’artère pulmonaire avec un tube de Gore-Tex de 3,5 mm.  Illustration : docteur Jay Junio. Notez la présence d’une arche aortique droite, d’une MAPCA droite connectée à l’artère pulmonaire droite, et d’une MAPCA gauche non connectée au réseau artériel pulmonaire.[/caption]   [caption id="attachment_2653" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Illustration d’un conduit VD-artère pulmonaire avec un Contegra de 12 mm (patient de la figure 1). Illustration : docteur Jay Junio. L’artère pulmonaire droite a été reconstruite avec tube de Gore-Tex et la MAPCA gauche a été connectée à l’AP gauche par l’interposition d’un tube de Gore-Tex (détails dans la figure 3).[/caption]   Le shunt central est remplacé par un shunt de Blalock-Taussig modifié lorsque le tronc de l’artère pulmonaire est absent. Nous obtenons 73 % de réparation à un âge médian de 1,7 ans, en sachant que 3 patients sont en attente de réparation. Il n’a pas été relevé de décès précoce ni de décès de cause cardiaque. Les artères pulmonaires sont souvent reconstruites durant la réhabilitation et/ou lors de la réparation, soit par élargissement avec un patch, soit par un remplacement avec un tube de Gore-Tex [figure 3]. Nous avons également recours à l’angioplastie percutanée des artères pulmonaires lorsqu’il n’y a pas d’indication chirurgicale autre que la sténose des branches pulmonaires. Quant aux MAPCAs, elles sont le plus souvent laissées à leur propre sort (involution). En cas de double suppléance persistante d’un lobe pulmonaire, une MAPCA sera ligaturée (ou embolisée). En revanche, si un lobe pulmonaire est uniquement dépendant d’une MAPCA, celle-ci pourra être connectée à la circulation artérielle pulmonaire [figure 3].   [caption id="attachment_2654" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Illustration d’une ligature d’une MAPCA droite, d’une reconstruction de l’artère pulmonaire droite proximale (tube de Gore-Tex de 12 mm) et d’une connexion d’une MAPCA gauche à l’artère pulmonaire gauche par interposition d’un tube de Gore-Tex de 6 mm après sa ligature proximale (patient de la figure 1). Illustration : docteur Jay Junio.[/caption]   4. DISCUSSION Notre équipe a changé de stratégie en 2003 [7] après avoir constaté les résultats décevants d’un suivi à long terme de nos patients ayant été traité par unifocalisation des MAPCAs [16]. Il avait été mis en évidence un taux de réparation de 65 % sur 82 patients, avec une mortalité opératoire de 8 %. Surtout, après un suivi angiographique moyen de plus de 3 ans de 60 MAPCAs unifocalisées chez 31 patients, 26 étaient thrombosées et 12 étaient le siège d’une sténose supérieure à 50 %. De plus, la croissance de ces MAPCAs n’était pas proportionnelle, mais inférieure, à la croissance des patients. En raison de l’évolution défavorable de ces MAPCAs unifocalisées, une stratégie de réhabilitation a été initiée dans notre service. Ce concept n’est pas nouveau cependant [6,16]. En revanche, la singularité de notre pratique est représentée par l’application de cette stratégie de manière systématique. Nous réservons l’unifocalisation seulement aux patients se présentant en insuffisance cardiaque avec de très larges MAPCAs. Dans la série marseillaise [20], qui doit être félicitée pour afficher un taux de réparation de 95 %, la réhabilitation est appliquée à une population plus sélectionnée : les patients notamment dont les artères pulmonaires n’étaient pas confluentes n’entraient pas dans cette stratégie. Dans notre expérience, il est possible de réhabiliter des artères pulmonaires, même lorsqu’elles ne sont pas confluentes, par exemple en réalisant initialement un shunt central entre l’aorte et l’artère pulmonaire droite, associé à un shunt de Blalock-Taussig modifié sur l’artère pulmonaire gauche. La bifurcation des artères pulmonaires sera reconstruite lors de l’étape suivante de la réhabilitation avec un patch de Gore-Tex. Nous parvenons à fermer la CIV dans 73 % des patients traités uniquement par réhabilitation, et dans 82 % de notre cohorte totale lorsque l’on additionne les patients traités par unifocalisation. Il est intéressant de constater que les partisans de l’unifocalisation appliquent une stratégie de réhabilitation à une partie de leur cohorte. Mainwaring et al., de l’équipe de Stanford, réalisent la réimplantation directe du tronc de l’artère pulmonaire sur l’aorte pour réhabiliter les artères pulmonaires chez 12 % de leurs patients avec AP-CIV-MAPCAs, lorsque ces artères pulmonaires sont confluentes et que l’arborisation est normale [22]. Nous avons abandonné cette technique de shunting initial en raison des risques de distorsion de l’artère pulmonaire droite notamment. Nous préférons actuellement l’interposition d’un tube de Gore-Tex (entre 3 et 4 mm) entre l’aorte ascendante et l’artère pulmonaire [figure 1], réalisable sans CEC. Quant à la proportion des patients pouvant bénéficier d’une réhabilitation, notre expérience, poussant cette stratégie à sa limite, montre qu’elle peut être appliquée dans près de 9 cas sur 10. Quelle que soit la stratégie, une partie incompressible des patients sera laissée palliée. Il est admis que certains patients, présentant des artères pulmonaires de taille minimale, ne répondront pas à la réhabilitation par l’absence de croissance des artères pulmonaires, et que ces mêmes patients sont les plus à risque de décès en cas d’unifocalisation. Après typiquement deux procédures de réhabilitation, 10 % de nos patients ont été laissés palliés, avec des qualités de vie et un statut clinique acceptable (NYHA II) à moyen terme. Il nous semble donc préférable, selon notre expérience, de ne pas fermer la CIV chez ces patients. En conclusion, les deux stratégies de prise en charge de l’AP-CIV avec MAPCAs que sont l’unifocalisation et la réhabilitation s’opposent mais semblent être complémentaires dans le même temps. Dans notre expérience, la réhabilitation peut être appliquée à la quasi-totalité des patients avec d’excellents résultats en termes de taux de réparation et de mortalité.   RÉFÉRENCES Jacobs ML. 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Eur J Cardio-Thorac Surg 2014 Aug;46(2):297–303; discussion 303. Haworth SG, Macartney FJ. Growth and development of pulmonary circulation in pulmonary atresia with ventricular septal defect and major aortopulmonary collateral arteries. Br Heart J 1980 Jul;44(1):14–24. Puga FJ, Leoni FE, Julsrud PR, Mair DD. Complete repair of pulmonary atresia, ventricular septal defect, and severe peripheral arborization abnormalities of the central pulmonary arteries. Experience with preliminary unifocalization procedures in 38 patients. J Thorac Cardiovasc Surg 1989 Dec;98(6):1018–28;discussion 1028–9. Sawatari K, Imai Y, Kurosawa H, Isomatsu Y, Momma K. Staged operation for pulmonary atresia and ventricular septal defect with major aortopulmonary collateral arteries. New technique for complete unifocalization. J Thorac Cardiovasc Surg 1989 Nov;98(5 Pt 1):738–50. Iyer KS, Mee RB. Staged repair of pulmonary atresia with ventricular septal defect and major systemic to pulmonary artery collaterals. 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septembre 15, 2016
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Septembre 2016

Anatomie du cœur porcin. Similitudes et différences principales avec le cœur humain et conséquences potentielles en chirurgie cardiaque expérimentale porcine

Daniel Grandmougin1,2, Jean Mathieu Casse3, Antoine Chalon1, Brice Mourer1, Meltem Danli1, Frédérique Groubatch-Joineau1, Aude Falanga1, Vanessa Marie1, Nicolas Laurent2, Giuseppe Lauria2, Antonio Fiore2, Guillaume Gauchotte3, Fabrice Vanhuyse1,2, Juan-Pablo Maureira1,2, Nguyen Tran1   1. École de chirurgie, CHU de Nancy, France. 2. Service de chirurgie cardiovasculaire et transplantations, CHU de Nancy, France. 3. Service cytologie et anatomie pathologique, CHU de Nancy, France. Correspondance : d.grandmougin@chu-nancy.fr DOI : 10.24399/JCTCV20—3-GRA Citation : Grandmougin D, Casse JM, Chalon A, Mourer B, Danli M, Groubatch-Joineau F, Falanga A, Marie V, Laurent N, Lauria G, Fiore A, Gauchotte G, Vanhuyse F, Maureira JP, Tran N. Anatomie du cœur porcin. Similitudes et différences principales avec le cœur humain et conséquences potentielles en chirurgie cardiaque expérimentale porcine. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2016;20(3). doi: 10.24399/JCTCV20—3-GRA Dédicace Cet article est dédié à la mémoire de monsieur le professeur Marc Laskar. Ses conseils, son enthousiasme communicatif et son implication auprès des jeunes chirurgiens à l’école de chirurgie de Nancy resteront des moments inoubliables. Résumé Introduction : ce travail propose une étude anatomique du cœur porcin afin d’élaborer des recommandations pour la réalisation d’une chirurgie cardiaque expérimentale. Matériels et méthodes : 16 porcs ont été étudiés. Le réseau coronaire artériel a été étudié chirurgicalement (n = 13) et angiographiquement (n = 10). Le réseau veineux coronaire a été analysé par dissections anatomiques (n = 13) et injections rétrogrades de bleu de méthylène via le sinus coronaire (n = 8). Résultats : le positionnement intrapéricardique spécifique du cœur de porc limite l’accès à l’aorte ascendante et à l’oreillette droite et nécessite des précautions particulières pour la réalisation d’une sternotomie et d’une canulation de l’aorte ascendante avec cardioplégie antérograde par la racine de l’aorte. Le réseau coronaire artériel est comparable au réseau humain (réseau droit dominant : 70%). Le sinus coronaire reçoit 4 afférences contre 3 chez l’homme. L’étude de la distribution de surface du réseau veineux nécessite la ligature préalable de la veine azygos gauche et confirme une asymétrie de perfusion au détriment du VD. La paroi antérieure du VD étant drainée par des petites veines cardiaques indépendantes du sinus coronaire. Conclusion : la connaissance des spécificités anatomiques cardiaques du porc a permis d’établir des recommandations pour la réalisation de procédures chirurgicales cardiaques expérimentales. Abstract Anatomy of swine heart: similarities and main differences with human heart and consequences for experimental cardiac surgical procedures in a pig model Objectives: This work reports an anatomic study of swine heart in order to produce technical recommendations to achieve successful experimental cardiac surgery. Methods: 16 swine were studied. Coronary artery vessels were surgically (n=13) and angiographically (n=10) assessed. Coronary venous vessels were assessed by anatomic dissections (n=13) and retrograde injection of methylene blue through coronary sinus (n=8). Results: Specific pericardial positioning of swine heart dramatically differs from human heart resulting in a limited access to the ascending aorta and right atrium, requiring surgical precautions to perform a safe sternotomy and canulation of the ascending aorta with an antegrade cardioplegia. Arterial coronary pattern is similar to that of humans (right dominant supply: 70%). Pig coronary sinus receives 4 main branches vs 3 in human sinus. Preliminary ligation of the left azygos vein is required to visualize the surface distribution of methylene blue within the venous vessels, thereby confirming an optimized perfusion of the left ventricle, whereas the right ventricle remains poorly perfused. This asymmetry of perfusion results from a specific venous drainage of the right ventricle through small cardiac veins disconnected from coronary sinus. Conclusion: Knowledge of the anatomy of swine heart validated surgical guidelines for safely performing experimental cardiac surgical procedures.   1. INTRODUCTION Le cœur de porc est un modèle couramment utilisé pour la formation chirurgicale et pour valider des études expérimentales. Néanmoins, des différences existent avec le cœur humain, qui impliquent des adaptations techniques chirurgicales liées au modèle animal utilisé. Ces différences, plus ou moins importantes, résultent de spécificités anatomiques, physiologiques, environnementales et éthologiques qui signent certaines singularités d’espèce. Ces singularités, importantes à connaître, peuvent induire des biais expérimentaux à des conclusions hâtives aux conséquences, pour certaines, délétères voire catastrophiques [1,2]. Dans certains pays, le modèle expérimental de cœur porcin entre en concurrence directe avec le cœur de chien. Ce dernier, à la fois pour des raisons éthiques, économiques, anatomiques et physiologiques spécifiques, a vu son utilisation réduite de façon importante dans le domaine cardiovasculaire expérimentale. En effet, le cœur de chien présente un certain nombre de différences avec le cœur humain, en particulier en ce qui concerne le réseau artériel coronaire, caractérisé par une dominance gauche exclusive, une densité capillaire élevée et une collatéralité coronarienne native importante et rapidement recrutable qui génèrent, après ligature coronaire, une tolérance accrue à l’ischémie myocardique avec constitution d’un infarctus retardé et limité, rendant aléatoire une extrapolation des résultats expérimentaux au cœur humain [3,4]. Le porc a fait l’objet d’études anatomiques [5,6-10] qui ont confirmé une similitude anatomique très importante du cœur porcin avec le cœur humain, notamment dans le cadre de protocoles expérimentaux envisageant d’éventuelles xénotransplantations. Si l’architecture anatomique du cœur de porc est comparable au cœur humain, néanmoins, certaines particularités anatomiques doivent être identifiées car susceptibles d’interférer avec le bon déroulement de procédures chirurgicales expérimentales, en particulier lorsqu’elles concernent le réseau coronaire artériel et veineux et nécessitent l’utilisation d’une assistance cardiocirculatoire type circulation extracorporelle (CEC) ou par oxygénation via une membrane extracorporelle (ECMO).   La connaissance chirurgicale de ces particularités anatomiques est particulièrement utile pour la réalisation d’interventions chirurgicales cardiaques s’inscrivant dans le cadre de sessions pédagogiques de formations techniques chirurgicales ou de travaux expérimentaux avec ou sans utilisation d’une circulation extracorporelle. Ce travail propose une étude comparative avec l’homme, de l’anatomie topographique du cœur porcin permettant d’édicter un certain nombre de conseils et de recommandations utiles pour l’abord chirurgical du cœur chez le porc et l’installation d’une circulation extracorporelle adaptée aux spécificités anatomiques de l’animal. Nous présentons également une étude du réseau artériel et veineux coronaire permettant d’envisager, sous certaines conditions et précautions techniques, la réalisation de cardioplégies complétant ainsi l’ensemble des étapes d’une intervention chirurgicale cardiaque expérimentale.   2. MATÉRIELS ET MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE  Seize cœurs de porcs ont été utilisés pour la réalisation de ce travail. Les animaux ont été traités selon les recommandations de bonne pratique, conformément aux prescriptions de la Convention européenne sur la protection des animaux utilisés à des fins expérimentales. Dans l’optique de préserver une analogie avec l’homme, il était important de recourir à des animaux dont le rapport R (%) du poids du cœur sur le poids du corps était comparable à l’homme. Ce rapport chez l’homme se situe entre 0.45 et 0.50 %. En effet, il existe de grandes variations d’espèce de ce rapport [11] mais également des variations au sein même d’espèces identiques. Le tableau 1 illustre ces variations d’espèce.   [caption id="attachment_2609" align="aligncenter" width="300"] Tableau 1. Variation du rapport R (%) du poids du cœur/poids du corps selon les espèces animales.[/caption]   Considérant ce rapport R (%), le porc domestique adulte est l’espèce qui a le rapport le plus faible et ne représente pas, par conséquent, un modèle comparable à l’homme sur ce paramètre précis. En revanche, le porc dont le poids varie habituellement entre 25 et 40 kg, présente un rapport R (%) identique à l’homme. Le poids moyen des porcs que nous avons sélectionnés était de 39 kg (32-43 kg) et le rapport R (%) variait de 0,41 à 0,54 %. Parmi les 16 cœurs disponibles, 13 ont été étudiés par dissections anatomiques chirurgicales et 10 ont été étudiés angiographiquement. Trois cœurs présentaient des lésions compatibles avec un processus de péricardite chronique et, par conséquent, n’ont pas fait l’objet d’une étude anatomique chirurgicale et ont été étudiés seulement sur le versant angiographique.   3. MORPHOLOGIE GÉNÉRALE DU CŒUR PORCIN La première spécificité rencontrée lors de l’étude du thorax de porc est liée à la forme particulière du sternum qui diffère de celui de l’homme, en particulier dans sa partie supérieure et dans son rapport avec le péricarde. En effet, la forme générale convexe du sternum porcin, avec l’existence d’un élargissement du manubrium sur lequel est implanté un rostre osseux se dirigeant vers la profondeur, implique qu’il n’existe quasiment pas d’espace entre la corticale postérieure du sternum et le péricarde qui est par ailleurs extrêmement fin, voire pellucide. Cette configuration anatomique est importante à connaître car elle conditionne directement l’apparition de complications potentielles liées à la technique de sternotomie. La figure 1 schématise les formes respectives du sternum humain et porcin.   [caption id="attachment_2596" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Principales différences anatomiques et morphologiques entre le sternum humain et porcin.[/caption]   En vue frontale, la forme globale du cœur de porc est une pyramide inversée dont la base est représentée par le plan formé par les valves tricuspide et mitrale. Cette forme résulte principalement du positionnement du cœur dans la cavité thoracique et d’une orientation axiale cardiaque spécifique par rapport à l’axe longitudinal du corps. Cette différence axiale avec l’homme a été matérialisée chez 13 porcs par la mesure de l’angle formé par le grand axe du cœur porcin avec l’axe vertical du sternum après sternotomie et avant ouverture du péricarde pour ne pas risquer de modifier l’orientation générale du cœur. Ainsi, chez le porc, ces 2 axes sont pratiquement perpendiculaires alors que chez l’homme ces deux axes forment un angle approximatif de 50 degrés [9]. L’ouverture du péricarde confirme cette orientation axiale longitudinale différente par rapport au cœur humain. Chez le porc, contrairement au cœur humain, seul le segment inférobasal repose presque entièrement sur le plan postérieur [figure 1]. Le reste de la face inférieure (diaphragmatique) est séparé du diaphragme par une extension de la cavité pleurale qui encercle littéralement le cœur, contribuant ainsi à projeter l’apex cardiaque vers le haut en raison de l’inflation pulmonaire lors de la ventilation. La conjugaison d’une orientation axiale différente et d’une poussée vers le haut de la face diaphragmatique du cœur par le poumon, qui s’interpose entre le cœur et le diaphragme, aboutit à placer la face antérieure du ventricule gauche immédiatement sous le sternum, seulement séparée de l’os sternal par un péricarde fin voire pellucide. La figure 2 illustre les variations axiales du massif cardiaque constatées chez 13 porcs.   [caption id="attachment_2597" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Orientations comparatives et positionnement sus-diaphragmatique des cœurs humain et porcin.[/caption]   L’exposition du massif cardiaque chez le porc, après ouverture du péricarde, met en évidence un positionnement très différent au sein du sac péricardique, comparé à l’homme. En effet, chez l’homme, une fois les berges péricardiques suspendues pour optimiser l’exposition, on constate que l’aorte ascendante et l’artère pulmonaire sont facilement accessibles et sont quasiment côte à côte. Même constatation pour l’oreillette droite. Chez le porc, en revanche, l’ascension de l’apex cardiaque, associée à une rotation antihoraire très marquée du cœur autour d’un axe joignant l’apex et l’infundibulum du VD, place l’artère pulmonaire directement devant l’aorte ascendante et la face antérieure du VG et l’IVA immédiatement en arrière de la face postérieure du sternum. Ces variations de positionnement sont accentuées par une orientation axiale différente du cœur dans le sac péricardique. Ainsi, l’IVA, qui suit l’axe longitudinal du cœur, adopte une direction radicalement différente puisqu’elle chemine non plus vers le bas et la gauche comme chez l’homme, mais vers le haut et la droite. Cette rotation antihoraire prononcée, aggravée par l’ascension de l’apex cardiaque, complique l’accès à l’aorte ascendante, par ailleurs très courte, qui se retrouve ainsi presque totalement masquée par une artère pulmonaire proéminente et orientée vers la profondeur [figure 3]. La combinaison de cette rotation antihoraire avec l’ascension de l’apex limite également l’accès à l’oreillette droite qui se retrouve en position postérieure et profonde et dont seul l’auricule est visible le plus souvent. En revanche, la rotation antihoraire positionne l’auricule gauche en situation plus antérieure que chez l’homme avec une accessibilité augmentée. Cette même auricule gauche a une forme triangulaire et une taille similaire au droit alors que chez l’homme, elle est habituellement multilobée et de taille inférieure à l’auricule droite [figure 3C]. La figure 3 (A, B, C) illustre les variations axiales, le positionnement des différentes structures du massif cardiaque chez le porc et la morphologie globale du cœur de porc.   [caption id="attachment_2612" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Variations axiales du cœur de porc et conséquences anatomiques sur l’exposition chirurgicale.[/caption] Figures 3A et 3B : La rotation antihoraire autour d’un axe passant par l’apex et l’infundibulum du ventricule droit, place les faces antérieures du ventricule droit et du ventricule gauche et de l’artère interventriculaire antérieure (IVA) immédiatement sous le sternum et positionne, par ailleurs, le tronc de l’artère pulmonaire devant l’aorte ascendante rendant cette dernière difficilement accessible. L’oreillette droite adopte par conséquent une position plus postérieure que dans le cœur humain et voit son accessibilité plus réduite. L’auricule gauche adopte une position plus antérieure et devient ainsi facilement accessible et visible alors que chez l’homme sa visibilité est nettement plus réduite. La réalisation d’une sternotomie implique un risque de blessure ventriculaire et expose particulièrement l’artère IVA à une lésion traumatique. Figure 3C : Les tailles respectives des oreillettes gauche et droite ainsi que les formes sont similaires dans le cœur porcin. Les deux auricules ont un positionnement antérieur alors que chez l’homme, l’auricule gauche est postérieure. L’aorte ascendante, matérialisée par la flèche jaune, est courte avec une naissance précoce des vaisseaux supra-aortiques et se retrouve refoulée en arrière du tronc de l’artère pulmonaire.    Alors que chez l’homme, les veines pulmonaires droites et gauches se subdivisent respectivement en veines pulmonaires supérieures et inférieures, ayant habituellement un abouchement intrapéricardique distinct sur l’oreillette gauche, chez le porc cette subdivision n’est pas retrouvée dans le péricarde mais intervient plus en amont dans la cavité pleurale et se traduit par seulement 2 abouchements distincts dans l’oreillette gauche, correspondant aux veines pulmonaires droite et gauche, au lieu des 4 abouchements chez l’homme [figure 4A]. Chez l’homme, les orifices d’abouchement dans la cavité auriculaire droite des veines caves supérieure et inférieure se superposent et s’orientent dans un même axe. En revanche, chez le porc, ces orifices forment entre eux un angle a compris entre 40 et 65° [figure 4B]. Cette particularité avait été décrite par Crick [9] qui retrouvait cependant une angulation plus prononcée. La relative différence étant liée très probablement à des variations anatomiques et à la méthodologie différente d’étude puisque les dissections réalisées ont été effectuées sur cœurs flasques non fixés à la différence de Crick [9].   [caption id="attachment_2599" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. 4A : Différences d’abouchement des veines pulmonaires sur l’oreillette gauche entre l’homme et le porc. 4B : Mise en évidence de l’angle α d’abouchement dans l’oreillette droite, des veines caves supérieure (1) et inférieure (2) (α = 45°).[/caption]   Un certain nombre d’autres différences, notamment au niveau de la continuité mitro-aortique, du foramen ovale et du septum interauriculaire, ont été décrites par Crick [9]. On note, chez le porc, comme nous l’avons également observé, un positionnement du foramen ovale plus profond et situé plus haut. En effet, le foramen ovale se situe au même niveau que l’abouchement de la veine cave supérieure et non pas sur la partie médiane du septum interauriculaire comme chez l’homme.   4. VASCULARISATION DU CŒUR DE PORC (RÉSEAU ARTÉRIEL ET RÉSEAU VEINEUX)    4.1. Réseau artériel coronaire (étude sur 13 cœurs explantés) L’architecture vasculaire du cœur de porc a été étudiée en détail dès 1986 par Weaver [12]. Il s’agissait d’une étude anatomique comparative entre le cœur de porc et le cœur d’autres mammifères incluant le cœur humain. Cette étude était ainsi assez généraliste et se focalisait, au-delà de l’aspect purement anatomique, essentiellement sur une analyse comparative de la distribution régionale des vaisseaux coronaires.   4.1.1. Caractéristiques anatomiques macroscopiques La vascularisation du cœur de porc repose sur 3 artères formant deux réseaux distincts, le réseau coronaire gauche (artère interventriculaire antérieure et artère circonflexe) et le réseau coronaire droit (artère coronaire droite). Chaque réseau prend naissance via deux ostia distincts, situés au niveau des sinus de Valsalva aortiques [figure 5A].   Le réseau coronaire gauche Il débute, à partir de l’ostium coronaire gauche, par un vaisseau unique, le tronc coronaire gauche (TCG). L’ostium coronaire gauche se situe dans le sinus de Valsalva, en regard de la valvule coronaire gauche de la valve aortique, immédiatement au-dessus du plan de l’anneau valvulaire aortique. On note, tout comme chez l’homme, des variations de positionnement de cet ostium qui peut être plus ou moins haut au-dessus de l’anneau valvulaire aortique ou décalé vers la commissure non coronaire ou vers la commissure joignant la valvule gauche et la valvule droite. Le TCG [figure 5B] se divise rapidement en : Artère circonflexe (CX) qui chemine dans le sillon auriculoventriculaire gauche, et vascularise la face latérale gauche du cœur par l’intermédiaire de branches marginales. Artère interventriculaire antérieure (IVA) qui chemine dans le sillon interventriculaire et vascularise la face antérieure du ventricule gauche (VG) et le septum interventriculaire (SIV).   [caption id="attachment_2600" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. 5A : Naissance des ostia coronaires gauche et droit au niveau de la racine aortique. 5B : Section de l’aorte se prolongeant dans l’axe longitudinal du TCG qui est ouvert. Le TCG se divise en artère circonflexe (CX) et se prolonge par l’artère interventriculaire antérieure (IVA).[/caption]   Le réseau coronaire droit L’artère coronaire droite prend son origine à partir de l’ostium coronaire droit situé en regard de la valvule coronaire droite de la valve aortique, au-dessus du plan de l’anneau valvulaire aortique. Tout comme chez l’homme, l’ostium coronaire droit est situé dans un plan horizontal plus haut que l’ostium coronaire gauche. L’artère coronaire droite, comme chez l’homme, présente 3 segments principaux : Un segment proximal (CD1) : Ce segment relativement court, orienté vers le bas et l’avant, fournit l’artère du nœud sinusal [figure 6A]. Alors que chez l’homme, la vascularisation du nœud sinusal provient dans 60 % des cas du réseau coronaire droit, chez le porc, en revanche, le nœud sinusal dépend exclusivement du réseau coronaire droit via l’artère du nœud sinusal. La vascularisation du nœud sinusal chez le porc apparaît donc plus fragile. Cette particularité induit un risque de bloc sino-auriculaire en cas de lésion du segment CD1 ou en cas de section de l’artère du nœud sinusal lors de la réalisation d’une auriculotomie droite prolongée sur le toit de l’oreillette gauche. Un segment vertical (CD2) : Ce segment chemine dans le sillon auriculoventriculaire droit et donne naissance à des branches collatérales plus ou moins horizontales, les artères marginales du bord droit assurant la vascularisation de la face antérieure du ventricule droit [figure 6B]. Chez l’homme ce segment se termine en une bifurcation nommée la croix du cœur, formée de 2 artères, l’artère rétroventriculaire postérieure (RVP) et l’artère interventriculaire postérieure (IVP). Chez le cœur de porc, cette croix du cœur est virtuelle car il n’y a pas véritablement d’artère RVP, comme observée au cours des 13 dissections, confirmant les constatations de Crick [9]. Tout au plus peut-on constater un rameau filiforme peu développé. Un segment horizontal (CD3) : Ce segment vascularise la face inférieure du cœur par une artère unique, l’artère interventriculaire postérieure (IVP). Cette artère IVP cheminant sur la face diaphragmatique au sein d’un sillon séparant le VD du VG [figure 6B].   [caption id="attachment_2601" align="aligncenter" width="300"] Figure 6. Figure 6A : Segment 1 (CD1) de l’artère coronaire droite et mise en évidence de l’artère du nœud sinusal. Figure 6B : Trajet des segments 2 (CD2) et 3 (CD3) de l’artère coronaire droite.[/caption]   4.1.2. Caractéristiques angiographiques   Méthodologie Cette étude angiographique a été réalisée sur 10 cœurs. Elle a consisté, après transsection complète de l’aorte ascendante immédiatement au-dessus des ostia coronaires, en la réalisation d’une coronarographie par injection sélective, dans chaque ostium coronaire, de produit de contraste Hexabrix 320* (Guerbet, Aulnay-sous-Bois, France) sous amplificateur de brillance. Cette injection a été préalablement précédée d’un lavage du réseau artériel coronaire au sérum physiologique afin d’éliminer la présence de microthrombi intravasculaires.   Segmentation angiographique du réseau artériel coronaire porcin La segmentation chez le porc rejoint en tous points la description anatomique précédente. Ainsi, le réseau gauche débute par un tronc coronaire gauche (TCG) qui se divise rapidement en 2 vaisseaux, l’artère interventriculaire antérieure (IVA) et l’artère circonflexe (CX) vascularisant respectivement la face antérieure du ventricule gauche et la face latérale du ventricule gauche. Réseau gauche : L’artère interventriculaire antérieure porcine présente plusieurs segments, proximal, moyen et distal ainsi que des branches collatérales, les artères diagonales, similaires à ce que l’on rencontre classiquement sur le cœur humain. La segmentation de l’IVA résulte du positionnement des artères diagonales. L’artère IVA donne également des branches perpendiculaires à son grand axe, les artères septales, qui s’enfoncent dans le septum interventiculaire et assure tout ou partie de sa vascularisation [figure 7A]. L’artère circonflexe se distribue principalement sur la face latérale gauche du ventricule gauche et donne des branches collatérales, les artères marginales dont le nombre habituel varie de 1 à 3 [figure 7B].   [caption id="attachment_2602" align="aligncenter" width="300"] Figure 7. Aspect angiographique du réseau artériel coronaire. A : Injection sélective de l’artère interventriculaire antérieure (IVA). B : Injection du tronc coronaire gauche (TCG), du réseau circonflexe (CX) et de l’IVA proximale. C : Injection sélective du réseau artériel coronaire droit avec mise en évidence des différents segments CD1, CD2 et CD3.[/caption]   Tout comme chez l’homme, le réseau circonflexe peut donner des branches distales, dites branches postérolatérales, qui participent en partie (réseau équilibré) ou en totalité (réseau gauche dominant) à la vascularisation de la face diaphragmatique du cœur. Réseau droit : La figure 7C met en évidence les principales caractéristiques angiographiques de l’artère coronaire droite.   4.1.3. Dominance du réseau coronaire artériel La dominance de réseau s’établit en fonction de la vascularisation de la face inférieure du cœur, comprenant la face diaphragmatique et la partie basse du septum interventriculaire. La face inférieure est classiquement vascularisée par des branches issues de l’artère coronaire droite. Ce type de vascularisation définit la dominance droite et se retrouve, chez l’homme, pour près de 75 à 90 % des patients coronarographiés [13]. La figure 8 illustre les variations de dominance de réseau coronaire artériel chez l’homme.   [caption id="attachment_2603" align="aligncenter" width="300"] Figure 8. Variations de dominance de réseau coronaire artériel chez l’homme.[/caption] A : La face diaphragmatique est exclusivement vascularisée par le réseau coronaire droit (rouge pointillé). B : La face diaphragmatique est vascularisée à la fois par le réseau coronaire droit (rouge pointillé) et par le réseau circonflexe (vert pointillé) appartenant au réseau gauche. C : La face diaphragmatique est exclusivement vascularisée par le réseau circonflexe (vert pointillé) appartenant au réseau gauche. La caractérisation de la dominance de réseau est particulièrement importante et influe directement sur le pronostic après infarctus du myocarde [14,15]. Il a été ainsi démontré que dans l’infarctus inaugural traité par angioplastie primaire, la dominance gauche de réseau est un facteur de surmortalité et de récidive de nécrose [14,15]. Ce risque majoré, lié à une dominance gauche de réseau, a également été démontré après chirurgie coronarienne de revascularisation [16]. Dans l’optique de valider le cœur de porc comme modèle expérimental comparable et extrapolable à l’homme, il était essentiel d’étudier le type de dominance chez le porc. Classiquement, les modèles animaux utilisés en expérimentation peuvent se classer en 3 types de dominance coronarienne [9,17,18]. Le type bilatéral rencontré chez l’homme, les suidés, le lapin et les équidés, où l’on retrouve une dominance exercée par un réseau avec une participation plus ou moins importante du réseau controlatéral. Le type gauche, retrouvé chez les ruminants et le chien, où la dominance est quasiment toujours assurée par le réseau gauche. Le réseau de type intermédiaire ou équilibré, présent chez le chat, où la dominance se partage de façon assez équitable entre le réseau gauche et le réseau droit. Les expertises coronarographiques que nous avons réalisées ont mis en évidence 7 réseaux droits dominants (70 %) et 3 réseaux équilibrés (30 %). Aucune dominance gauche n’a été constatée [figure 9].   [caption id="attachment_2604" align="aligncenter" width="300"] Figure 9. Aspect angiographique de réseau droit dominant retrouvé chez le porc (70 %) et trois configurations angiographiques (A, B, C) de réseaux équilibrés avec leurs branches postérolatérales, issues du réseau CX, participant à la vascularisation de la face diaphragmatique.[/caption]   Cette absence de dominance gauche trouve au moins deux explications : L'existence d’un biais quantitatif lié au nombre réduit de cœurs étudiés (n = 10) ne permettant pas de déceler de dominance gauche. L’absence d’artère rétroventriculaire sur le réseau coronaire droit porcin, constatée lors de l’analyse chirurgicale anatomique et confirmée par l’analyse angiographique, explique l’importance relative (30 %) du réseau équilibré, dans la mesure où c’est le réseau gauche qui est amené à donner les branches postérolatérales habituellement issues du réseau coronaire droit via l’artère rétroventriculaire, comme fréquemment observé sur le cœur humain. Dans 30 % des cas étudiés angiographiquement, la face diaphragmatique du cœur de porc était vascularisée par le segment distal (CD3) et l’artère IVP (issue de la coronaire droite) et par des artères postérolatérales issues du réseau circonflexe aboutissant à un réseau équilibré [figure 9]. Notre étude angiocoronarographique n’a pas permis de visualiser de collatéralité native macroscopique significative quelles que soient les incidences considérées. En effet, en l’absence de pathologie type athérosclérose, diabète, la vascularisation du cœur de porc, tout comme chez l’homme, est de type terminal [9] et présente une collatéralité native quasiment inexistante, au contraire du chien. Néanmoins, le porc étant, comme l’homme, une espèce omnivore, il est exposé aux mêmes affections cardiovasculaires que l’homme [5]. Des lésions d’athérosclérose coronarienne similaires entre l’homme et le porc ont été mises en évidence [5]. Le chien peut présenter également des lésions coronariennes en raison d’un régime carnivore, mais dont les conséquences sont nettement moins marquées en raison d’une collatéralité native importante et facilement recrutable liée à la dominance gauche exclusive et une densité capillaire nettement plus élevée que chez le porc.   4.1.4. Distribution régionale du réseau artériel L’étude de la distribution macroscopique de surface des différents segments artériels coronaires couplée aux analyses angiocoronarographiques confirme que la vascularisation artérielle coronaire du cœur doit être appréhendée en fonction des faces ventriculaires. Ainsi, le cœur de porc présente plusieurs faces sur lesquelles cheminent les artères coronaires selon une répartition identique au cœur humain [18]. On note ainsi classiquement les faces suivantes, chacune d’entre elle étant préférentiellement vascularisée par un axe artériel coronaire : la face antérieure du VG ; la face antérieure du VD ; la face latérale du VG ; la partie supérieure du septum interventriculaire (SIV) ; la partie basse du septum interventriculaire ; la face inférieure qui comprend 2 segments : le segment inférobasal et le segment diaphragmatique. Le tableau 2 collige la répartition des artères coronaires en fonction des faces ventriculaires considérées chez le porc (en rouge : différences avec le cœur humain).   [caption id="attachment_2611" align="aligncenter" width="300"] Tableau 2. Répartition des artères coronaires en fonction des faces ventriculaires considérées chez le porc (en rouge : différences avec le cœur humain).[/caption]   4.2. Réseau veineux coronaire (étude sur 13 cœurs explantés) L’étude du réseau veineux coronaire a été réalisée sur 13 cœurs explantés. Cette étude a également inclus une étude topographique in vivo sur cinq cœurs battants. Cette étude a consisté en : Une dissection anatomique chirurgicale du réseau veineux coronaire in vivo et ex vivo. Une étude angiographique de surface du réseau veineux coronaire par injection de bleu de méthylène dans le sinus coronaire, en utilisant un cathéter de cardiologie rétrograde. Le positionnement de ce cathéter a été choisi en fonction de données anatomiques préalablement recueillies au cours de la phase de dissection. Ainsi, pour permettre une visualisation optimale du réseau veineux coronaire et mettre en évidence l’existence d’éventuelles connections entre la veine IVP (drainant la face diaphragmatique) et la grande veine coronaire (drainant la face antérieure du VG), il s’est avéré nécessaire de ligaturer la veine azygos gauche et de positionner le cathéter dans le sinus coronaire en aval de la veine interventriculaire postérieure.   4.2.1. Caractéristiques anatomiques macroscopiques Réseau veineux coronaire humain Le réseau veineux coronaire du cœur humain a été parfaitement décrit [19]. La figure 10 illustre l’architecture globale du réseau veineux coronaire humain et ses rapports avec les principaux éléments anatomiques du cœur.   [caption id="attachment_2605" align="aligncenter" width="300"] Figure 10. Architecture globale du réseau veineux coronaire humain et rapports avec les principaux éléments anatomiques du cœur.[/caption] Figure 10A : Architecture globale du réseau veineux coronaire du cœur humain. Mise en évidence d’une connexion entre la grande veine coronaire (face antérieure du VG) et la veine IVP (face diaphragmatique). Figure 10B : Rapports des éléments principaux du réseau veineux coronaire avec les éléments anatomiques du cœur. Réseau veineux coronaire porcin Aspects anatomiques. Le réseau veineux coronaire du cœur de porc présente une similitude très importante avec le réseau du cœur humain. Les veines coronaires principales du cœur de porc se distribuent en fonction des faces ventriculaires considérées de façon superposable au cœur humain. Ainsi, les faces antérieure et latérale du VG sont drainées par la grande veine coronaire qui est parallèle à l’artère IVA dans son segment proximal et se situe à sa gauche si l’on considère l’axe de l’artère IVA depuis son segment proximal vers sa distalité. Cette veine reçoit des afférentes veineuses septales et superficielles (veines diagonales) sur la face antérieure du VG. Cette grande veine coronaire chemine dans le sillon interventriculaire et oblique ensuite vers la gauche, contourne l’oreillette gauche, reçoit des afférences latérales (veines marginales) drainant la face latérale du VG. La grande veine coronaire se termine par un segment dilaté situé près de la jonction entre la VCI et l’oreillette droite que l’on appelle le sinus coronaire. Le sinus coronaire chez le porc comme chez certains rongeurs (rat) est large. Le sinus coronaire chez le porc reçoit, 4 afférentes veineuses principales, la grande veine cardiaque, la veine IVP, la petite veine cardiaque et une veine azygos gauche. Cette veine azygos est une persistance développée d’une veine cave supérieure gauche. En revanche, le porc ne possède pas de veine azygos droite. Cette singularité anatomique, se rencontre également chez les ruminants et implique, qu’en cas de xénotransplantation, il est fondamental de lier la veine azygos gauche au niveau de son insertion dans le sinus coronaire [12,19]. En outre, cette particularité anatomique liée à la présence d’une veine azygos gauche, se drainant directement dans le sinus coronaire, impose de ligaturer la veine azygos gauche si l’on veut collecter uniquement le sang veineux coronaire [5,20] ou mesurer la pression dans le sinus veineux coronaire résultant du seul retour coronaire. Le sinus coronaire humain reçoit en comparaison 3 afférentes veineuses principales si l’on exclut la veine de Marshall (veine oblique de l’oreillette gauche) représentée par la petite veine cardiaque, la grande veine cardiaque et la veine IVP. Il n’y a aucune communication entre le système azygos (droit) chez l’homme et le réseau veineux coronaire, ce qui explique très probablement la taille plus réduite du sinus coronaire chez l’homme par rapport au porc. En outre le retour veineux coronaire n’est pas « pollué » par un retour azygos, ce qui simplifie la collecte et l’analyse du sang veineux coronaire au niveau du sinus ainsi que la mesure de la pression au sein du sinus coronaire. Tout comme chez le cœur humain, une partie du ventricule droit, principalement sa face antérieure, se draine directement dans l’oreillette droite par un réseau de petites veines, les petites veines cardiaques s’abouchant dans l’oreillette droite et indépendantes du sinus veineux coronaire [figure 11]. Le reste des cavités droites se drainant par les veines de Thébésius également indépendantes du sinus coronaire.   [caption id="attachment_2606" align="aligncenter" width="265"] Figure 11. Abouchement des petites veines cardiaques dans l’oreillette droite.[/caption] Aspects angiographiques de surface (injection rétrograde de bleu de méthylène). La distribution régionale de surface du réseau veineux coronaire a été étudiée, au temps précoce (1re minute) et au temps tardif (5 minutes après le début de l’injection), après ligature de la veine azygos gauche sur 7 cœurs et sans ligature de cette même veine sur 6 cœurs. Le temps précoce servant à visualiser le réseau veineux de surface et le temps tardif permettant de visualiser la distribution épicardique régionale de la perfusion veineuse rétrograde [figure 12 A, B]. 500 ml de sérum physiologique coloré par 100 ml de bleu de méthylène ont été infusés par le sinus coronaire durant 5 minutes avec une pression manométrique variant de 60 à 80 mm de mercure et un débit nominal de 100 à 150 ml/minute. Ces injections ont été précédées par plusieurs injections rétrogrades à basse pression de sérum physiologique pour permettre un lavage du réseau veineux et vérifier l’existence d’un retour satisfaisant dans les ostia coronaires.   [caption id="attachment_2607" align="aligncenter" width="300"] Figure 12. Distribution ventriculaire de surface du réseau veineux coronaire après injection rétrograde de bleu de méthylène dans le sinus coronaire et ligature de la veine azygos gauche.[/caption] Figure 12A : Le temps précoce de l’injection rétrograde de bleu de méthylène dans le sinus coronaire met en évidence un remplissage sélectif des veines drainant presque exclusivement le ventricule gauche (grande veine coronaire, veines diagonales et veines marginales) alors que le réseau veineux drainant le ventricule droit n’est quasiment pas coloré (petites veines cardiaques). Figure 12B : Le temps tardif confirme une asymétrie de coloration myocardique par le bleu de méthylène entre le ventricule gauche (VG) et le ventricule droit (VD).   – Temps précoce : Analyse du remplissage veineux coronaire et de sa distribution épicardique par coloration au bleu de méthylène durant une injection rétrograde dans le sinus coronaire après ligature de la veine azygos gauche [figure 12 A]. – Temps tardif : Analyse de la coloration épicardique des faces ventriculaires par le bleu de méthylène en fin d’injection rétrograde [figure 12 B]. La figure 13 illustre l’architecture du réseau veineux coronaire porcin ainsi que les rapports spécifiques de la veine azygos gauche avec les structures cardiaques de voisinage.   [caption id="attachment_2608" align="aligncenter" width="300"] Figure 13. Architecture globale du réseau veineux coronaire porcin et rapports spécifiques de la veine azygos gauche avec les structures cardiaques de voisinage.[/caption] La taille moyenne du sinus coronaire du cœur de porc, mesuré in vivo sur 8 porcs et in vitro, sur 13 cœurs décongelés après inflation au sérum physiologique du sinus coronaire (animal de 30 kg en moyenne) est de 2 cm sur son grand axe et de 1 cm sur son petit axe. Le diamètre moyen de la veine azygos gauche mesurée à son insertion dans le sinus coronaire, dans les mêmes conditions que précédemment, est de 7 mm. Le ratio moyen diamètre veine azygos gauche/petit axe du sinus coronaire est de 0,70. Par comparaison, après mesures effectuées lors d’interventions chirurgicales sur 6 patients adultes, le ratio moyen (R) diamètre veine de Marshall (2,2 mm)/petit axe du sinus coronaire humain (11 mm) peut être évalué à 0,2.   5. DISCUSSION  Le cœur de porc est utilisé depuis longtemps pour des travaux expérimentaux en raison de nombreuses similitudes largement démontrées. Néanmoins, il est utile, pour le chirurgien cardiaque prévoyant d’utiliser le modèle cardiaque porcin, de connaître certaines différences anatomiques pouvant influencer les aspects techniques d’une procédure chirurgicale cardiaque expérimentale. Sous le terme de « chirurgie cardiaque porcine expérimentale », nous faisons référence à l’utilisation du cœur de porc pour des projets de recherche mais également pour des sessions de formations techniques chirurgicales. Cela peut impliquer, selon les protocoles envisagés, d’installer une circulation extracorporelle centrale ou périphérique. La connaissance de ces différences peut amener l’expérimentateur à modifier la technique chirurgicale, voire à adapter certains protocoles expérimentaux aux spécificités du cœur de porc. Par conséquent, ce travail, en s’appuyant sur des constatations anatomiques, nous a permis de définir des recommandations utiles pour la réalisation d’une procédure chirurgicale expérimentale sur le cœur de porc.   5.1. Forme générale du sternum Comme cela a été constaté, la partie supérieure du sternum porcin varie considérablement avec l’homme. Cette variation implique une différence de forme mais également une différence d’orientation vers la profondeur. Si les parties médiane et inférieure du sternum de porc sont comparables à l’homme, en revanche l’épaississement de la partie supérieure accentué par un rostre osseux à orientation vers la profondeur induit une fermeture de l’espace rétrosternal et un rapprochement du péricarde extrêmement fin, qui vient au contact de la corticale postérieure du sternum. La conséquence directe de cette différence importante est une modification de la technique de sternotomie médiane, qui, chez le porc, doit être impérativement réalisée avec une scie vibrante (type scie à plâtre) et non avec une scie oscillante munie d’un sabot d’arrêt qui longe la face postérieure du sternum. L’utilisation d’une scie oscillante traditionnellement utilisée chez l’homme en chirurgie cardiaque lors des primo-interventions induirait une ouverture systématique du péricarde et un risque majeur de plaie de la face antérieure du ventricule gauche, de l’IVA et de l’infundibulum du ventricule droit. Il est quasiment impossible de suivre, à la partie supérieure du sternum, la courbure osseuse du sternum et le rostre vers la profondeur. La technique la plus simple et la plus sécurisée consiste à utiliser une scie vibrante en commençant à la partie médiane et en s’arrêtant à la corticale postérieure afin de visualiser immédiatement le péricarde au contact, et de finir l’ouverture par des mouvements latéraux sans pression postérieure. La partie supérieure du sternum, après avoir été entamée par la scie peut être complètement sectionnée au niveau du rostre osseux à l’aide de gros ciseaux après avoir procédé à l’ablation du thymus, qui permet d’optimiser l’exposition de la partie supérieure du sternum et de préserver le pédicule mammaire interne droit qui croise la ligne médiane.   5.2. Orientation et positionnement intrapéricardique du massif cardiaque Cette disposition particulière du massif cardiaque porcin est la conséquence de la combinaison d’une rotation antihoraire prononcée et d’une bascule antérosupérieure de l’apex cardiaque. Il en résulte une translation de la face antérieure du ventricule gauche et donc de l’axe de l’artère IVA vers la droite et le haut, et non plus vers la gauche et le bas comme observé chez l’homme, les amenant directement sous la face inférieure du sternum. Il est donc impératif de réaliser la section sternale à la scie oscillante en exerçant, sur la corticale postérieure, une pression modérée accompagnée de mouvements d’écartement des berges afin d’éviter de léser la face antérieure du VG et l’IVA. Ce risque est d’autant plus important que le péricarde est particulièrement fin voire pellucide et n’exerce aucun effet mécanique protecteur sur le massif cardiaque. Par ailleurs, alors que chez l’homme la face inférieure du cœur repose directement sur le diaphragme, chez le porc, en raison de l’ascension de l’apex cardiaque, seul le segment inférobasal du cœur repose sur la face postérieure du péricarde, et la face diaphragmatique du cœur est séparée du diaphragme par une extension de la cavité pleurale. La deuxième conséquence évidente de cette combinaison est un positionnement de l’aorte ascendante, par ailleurs très courte, directement en arrière de l’artère pulmonaire. L’aorte ascendante est ainsi quasiment invisible à l’ouverture du péricarde et son accès requiert de disséquer largement l’espace interaorticopulmonaire pour permettre une mobilisation de l’artère pulmonaire vers la gauche et exposer la face antérieure de l’aorte ascendante. Cette mobilisation est un préalable fondamental lorsque l’on souhaite canuler l’aorte ascendante pour réaliser une circulation extracorporelle centrale (CEC). Compte tenu de l’âge des porcs généralement utilisés, la paroi de l’aorte ascendante demeure une paroi fragile car elle n’est pas remaniée par des phénomènes d’athérosclérose ou de vieillissement pariétal comme nous avons l’habitude de le constater régulièrement chez l’homme. La canulation doit être atraumatique pour éviter une déchirure avec un point d’entrée régulier et limité. Cette canulation est facilitée par l’utilisation d’une canule artérielle fémorale type Bardic® 20 Fr (Lifestream International, The Woodlands, Texas, États-Unis) sur laquelle nous ajoutons un anneau d’arrêt ou d’une canule DLP® 20 ou 22 Fr (Medtronic Inc, Minneapolis, Minnesota, États-Unis). La troisième conséquence, visuellement évidente, est un positionnement postérieur de l’oreillette droite qui, bien que visible, demeure moins accessible que chez l’homme et nécessite d’exercer un traction vers la gauche sur l’auricule droite pour permettre la réalisation d’une bourse et d’une canulation veineuse de l’oreillette droite. Il est nécessaire d’avoir à l’esprit que la canulation veineuse doit être réalisée avec une canule courte sans tenter d’insertion dans la veine cave inférieure en raison de l’angulation marquée de cette dernière au niveau de son implantation dans l’oreillette droite. La quatrième conséquence de cette disposition particulière est un positionnement spécifique très postérieure et particulièrement profond de la veine pulmonaire droite qui est très peu accessible, voire inaccessible dans certains cas, pour la réalisation d’une décharge gauche comme il est habituellement l’usage chez l’homme. Il est alors très utile de réaliser une bourse de décharge et une canulation de l’auricule gauche, qui, en revanche, est facilement accessible en raison d’un positionnement très antérieur lié à la rotation antihoraire. Cette facilité d’accès de l’auricule gauche est favorisée par une taille habituellement importante de l’auricule gauche, qui est de forme triangulaire alors que chez l’homme elle occupe une place assez postérieure avec une forme souvent polylobée.   5.3. Réseau vasculaire coronaire L’architecture globale du réseau coronaire artériel est très similaire au réseau artériel humain à l’exception de 2 points. Le premier concerne la vascularisation du nœud sinusal qui, chez le porc, est exclusivement dépendante du réseau coronaire droit alors que chez l’homme, on retrouve une vascularisation du nœud sinusal qui dépend dans 60 % des cas environ du réseau coronaire droit. Il y a donc une vulnérabilité anatomique plus importante de la vascularisation du nœud sinusal chez le porc. Le second point concerne l’absence de branche rétroventriculaire que nous avons constatée. Ces 2 différences anatomiques n’ont pas de conséquences sur la possibilité de réaliser une cardioplégie par la racine de l’aorte qui ne nécessite pas de précautions particulières. Compte tenu du manque relatif de place lié à la longueur réduite de l’aorte ascendante après canulation et mise en place d’un clamp aortique, nous recommandons d’utiliser une simple aiguille d’injection 18 à 23 G type BD MicrolanceTM 3 (BD, Franklin Lakes, New Jersey, États-Unis) connectée à la ligne de cardioplégie pour la réalisation d’une cardioplégie antérograde au niveau de la racine de l’aorte. L’autre option est la réalisation d’une cardioplégie rétrograde par cathétérisme du sinus coronaire. Cette option est d’autant plus intéressante que le diamètre du sinus coronaire chez le porc est significativement plus important que chez l’homme et il est assez simple de le cathétériser avec un cathéter 15 Fr de cardioplégie rétrograde habituellement utilisé en chirurgie cardiaque humaine. Compte tenu de l’existence d’une branche afférente importante, la veine azygos gauche, qui se draine directement dans le sinus coronaire, il sera nécessaire d’occlure temporairement la veine azygos gauche par un fil entourant la veine (polypropylène 4/0) placé sur une tirette. Cette étape est fondamentale pour permettre la répartition de la solution de cardioplégie dans le réseau veineux coronaire sous peine de diffuser dans le réseau azygos et de compromettre la cardioprotection. Par ailleurs, il est essentiel de prendre en considération dans la qualité de la protection myocardique, l’asymétrie de perfusion des ventricules constatée après injection de bleu de méthylène par voie rétrograde au profit du ventricule gauche et au détriment du ventricule droit. L’existence de cette veine azygos gauche doit également être prise en considération lorsque l’on veut effectuer un dosage des lactates dans le sinus coronaire. Ce dosage doit s’effectuer après occlusion temporaire ou ligature de la veine azygos gauche sous peine d’induire une dilution de la concentration des lactates aboutissant à un biais d’interprétation faussement rassurant puisque les concentrations mesurées seront artificiellement basses. Le tableau 3 résume les principales recommandations techniques chirurgicales concernant la réalisation d’une sternotomie, d’une circulation extracorporelle ou d’une assistance et d’une cardioplégie chez le porc.   [caption id="attachment_2610" align="aligncenter" width="300"] Tableau 3. Principales recommandations techniques pour la réalisation d’une chirurgie cardiaque expérimentale chez le porc.[/caption]   CONCLUSION Ce travail s’est attaché à analyser les principales différences anatomiques entre le cœur de porc et le cœur humain, afin d’aider le chirurgien cardiaque désireux d’utiliser le cœur de porc comme modèle expérimental. Cette utilisation expérimentale peut, en effet, nécessiter la réalisation de sternotomies pour l’abord du massif cardiaque, l’utilisation d’une circulation extracorporelle et le recours à des techniques de cardioprotection. Les différences constatées ont ainsi amené à énumérer des modifications concernant les techniques chirurgicales couramment employées en chirurgie cardiaque humaine pour les adapter aux spécificités du porc, dans le but d’éviter un certains nombre d’écueils et d’optimiser la réussite des procédures chirurgicales cardiaques transposées au porc.   RÉFÉRENCES Kowalski TW, Sanseverino MT, Schuler-Faccini L, Vianna FS. Thalidomide embryopathy: Follow-up of cases born between 1959 and 2010. Birth Defects Res A Clin Mol Terabol 2015 Sep;103(9):794-803. Szeymanski C, Andréjak M, Peltier M, Maréchaux S, Tribouilloy C. Adverse effects of benfluorex on heart valves and pulmonary circulation. Pharmacoepidemiol Drug Saf 2014 Jul;23(7):679-86. Chen CL, Zheng H, Xuan Y, Amat A, Chen L, Yu J, Wang J. The cardioprotective effect of hypoxic and ischemic preconditioning in dogs with myocardial-ischemia reperfusion injury using a double-bypass model. 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septembre 15, 2016
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Septembre 2016

La revascularisation chirurgicale des lésions occlusives de l’artère sous-clavière

Hèla Ben Jmaà1, Sayda Masmoudi1, Hassen Jmal1, Nesrine Ghorbel1, Aiman Mâalej 2, Taieb Cherif 1, Iheb Souissi 3, Imed Frikha1.   1 Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. 2 Service d’imagerie médicale, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. 3 Service d’anesthésie-réanimation, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie. * Correspondance : helabenjemaa2015@gmail.com   Résumé Les lésions occlusives de l’artère sous-clavière sont fréquentes et souvent peu symptomatiques. L’objectif de notre étude rétrospective, portant sur 13 patients opérés pour une lésion occlusive de l’artère sous-clavière entre janvier 1989 et mai 2013, était de dégager les principales étiologies des lésions occlusives de l’artère sous-clavière, de détailler la stratégie diagnostique et thérapeutique, et d’évaluer nos résultats en les comparant à ceux de la littérature. L’étiologie retrouvée était l’athérosclérose dans la majorité des cas. Les troubles ischémiques du membre supérieur étaient les principales indications de revascularisation. Tous les patients ont eu une revascularisation chirurgicale, essentiellement par un pontage carotido-axillaire. Les suites de l’intervention ont été marquées par la récupération des pouls du membre supérieur chez tous les patients.   Abstract Surgical revascularization of occlusive injury of the subclavian artery Occlusive lesions of the subclavian artery are common and are often minimally symptomatic. The aim of our retrospective study of 13 patients who underwent a surgery for occlusive lesion of the subclavian artery, between January 1989 and May 2013, was to identify the main etiologies of these lesions, describe the diagnostic and therapeutic strategy, evaluate our results and compare them with the literature studies. The most common etiology was atherosclerosis. Ischemic disorders of the upper limb were the main indications for correction of these lesions. All patients underwent surgery mainly by a carotid-axillary artery bypass. We had no complications in surgery follow-up.   1. INTRODUCTION Les lésions occlusives de l’artère sous-clavière sont fréquentes et peu symptomatiques. Leur étiologie la plus fréquente est l’athérosclérose. Les indications de la revascularisation de ces lésions sont dominées par l’ischémie du membre supérieur, conséquence de l’occlusion artérielle ou d’une complication embolique à partir de la lésion proximale. Depuis les années 1970, la chirurgie de ces lésions a connu un réel essor. Du pontage anatomique intrathoracique aorto-sous-clavier à l’angioplastie, en passant par les pontages carotido-sous-claviers et la transposition, les techniques de restauration artérielle ont été nombreuses. L’objectif de notre étude était de dégager les principales étiologies de ces lésions dans notre série, de détailler les techniques de revascularisation utilisées chez nos patients, et évaluer nos résultats en les comparant à ceux de la littérature.   2. MATÉRIEL ET MÉTHODES C’est une étude rétrospective monocentrique descriptive, incluant tous les patients ayant bénéficié d’une restauration artérielle pour lésions occlusives de l’artère sous-clavière, dans le service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique de l’hôpital Habib Bourguiba de Sfax entre janvier 1989 et mai 2013. Le nombre total de patients était 13. Nous avons recueilli pour chaque patient les facteurs de risque cardiovasculaires, l’étiologie de l’atteinte de l’artère sous-clavière, les manifestations personnelles d’ordre artériel et d’ordre neurologique, les données de l’examen physique et des examens paracliniques. Nous avons précisé aussi pour chaque patient l’indication et la technique opératoire utilisée en précisant la voie d’abord, le type de chirurgie et le greffon utilisé, et les résultats de la chirurgie.   3. RÉSULTATS  L’âge moyen était de 48,8 ans avec des extrêmes allant de 24 à 73 ans. Huit de nos patients étaient de sexe masculin, et 5 de sexe féminin. Les étiologies de l’atteinte de l’artère sous-clavière sont représentées dans le tableau 1.   Étiologies Nombre de patients Athérosclérose 6 Maladie de Takayasu 2 Syndrome du défilé thoracobrachial 2 Traumatisme 3 Tableau 1. Répartition des étiologies de l’atteinte de l’artère sous-clavière.   Neuf patients sur 13 ont été opérés du côté gauche. Deux patients ont présenté une atteinte sous-clavière bilatérale, dont une seule a été opérée des deux côtés. Les signes d’ischémie du membre supérieur ont été retrouvés chez la majorité de nos patients (12 patients sur 13). À des degrés de sévérité variables, on a distingué : La douleur de repos a été retrouvée chez 3 patients, soit 23 % des cas. Des paresthésies du membre supérieur ont été notées chez 2 patients soit 15,38 % des cas. Les douleurs à l’effort ont été notées chez 7 patients soit 38,46 % des cas. Les signes vertébrobasilaires ont été retrouvés chez 3 patients uniquement, soit 23 % des cas. Ces signes étaient associés à des signes ischémiques du membre supérieur. Un seul patient était asymptomatique. La lésion de l’artère sous-clavière était suspectée devant la notion de polytraumatisme avec fracture de l’épaule et la présence d’un important hématome sus-claviculaire. Les signes de l’examen physique sont représentés dans le tableau 2. Certains patients avaient une association de plusieurs signes.     Signes physiques Nombre de patients Froideur et pâleur 11 Déficit sensitivomoteur 4 Abolition des pouls 11 Troubles trophiques 1 Œdème du membre supérieur 1 Comblement du creux sus-claviculaire 1 Hématome sus-claviculaire 2 Souffle sous-clavier 6 Tableau 2. Répartition des signes physiques chez les patients.   Une radiographie thoracique standard a été effectuée chez tous les patients. Elle a montré des fractures de l’omoplate ou de l’humérus dans 3 cas, une fracture ancienne consolidée de la clavicule dans 1 cas, et une côte cervicale bilatérale dans 1 autre cas. L’écho-doppler artériel a été pratiqué chez 8 patients. Il a montré des sténoses significatives de l’artère sous-clavière chez 5 patients, un amortissement du flux artériel du membre supérieur sans visualisation de la lésion anatomique chez 1 patient, et une thrombose de l’artère sous-clavière chez 2 patients. Une artériographie conventionnelle a été pratiquée chez 3 patients. Un angioscanner des troncs supra-aortiques et des membres supérieurs a été réalisé chez 10 patients. Les lésions de l’artère sous-clavière étaient à gauche chez 9 patients, à droite chez 2 patients, et bilatérales chez 2 patients [figure 1].   [caption id="attachment_2587" align="aligncenter" width="250"] Figure 1. Sténose préocclusive de l’artère sous-clavière gauche prévertébrale (flèche).[/caption]   Tous nos malades ont été traités chirurgicalement [figures 2 à 4]. Une patiente a été opérée des 2 côtés à un mois d’intervalle, soit un nombre total de 14 restaurations artérielles. Les voies d’abord utilisées chez nos patients sont résumées dans le tableau 3.   Voie d’abord Nombre de patients Cervicale transverse sus-claviculaire 5 Cervicale transverse sus et sous-claviculaire 1 Voie horizontale sous-claviculaire 1 Cervicale longitudinale et axillaire 3 Cervicale longitudinale et humérale 4 Tableau 3. Les voies d’abord chirurgicales.   Les techniques de revascularisation chirurgicale réalisées chez nos patients sont résumées dans le tableau 4.   Type de l’intervention Nombre de patients Pontage carotido-sous-clavier 4 Pontage carotido-axillaire 4 Pontage carotido-huméral 4 Transposition sous-claviocarotidienne 1 Résection-anastomose terminoterminale 1 Tableau 4. Techniques de revascularisation chirurgicale.   [caption id="attachment_2588" align="aligncenter" width="287"] Figure 2. Contrôle de l’artère carotide primitive, l’artère sous-clavière, et l’artère vertébrale gauche.[/caption] [caption id="attachment_2589" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Section de l’artère sous-clavière et fermeture du bout proximal.[/caption] Figure 4. Anastomose termino-latérale entre l’artère sous-clavière et la carotide primitive.   Le matériau utilisé pour les pontages était une veine saphène interne dans 5 cas, et une prothèse en PTFE dans 7 cas. Un de nos patients, opéré pour syndrome du défilé thoracobrachial, a eu, en plus du geste de revascularisation du membre supérieur, une résection de la première côte et de la côte cervicale. Les suites opératoires précoces étaient favorables chez tous les patients. Aucun cas de thrombose précoce n’a été noté. Tous les patients sont suivis de façon régulière. Aucun cas de thrombose tardive n’a été noté. Le recul moyen de nos patients est de 8,61 ans avec des extrêmes de 2 à 24 ans.   4. DISCUSSION L’étiologie la plus fréquente des lésions occlusives de l’artère sous-clavière est l’athérosclérose [1]. Six de nos patients (46 %) avaient cette étiologie. L’atteinte du côté gauche prédominait dans la majorité des études [2-4]. Neuf patients (69 %) ont été opérés du côté gauche. Deux de nos patients avaient un syndrome du défilé thoracobrachial: le premier avait une côte cervicale bilatérale et le deuxième était porteur d’un matériel d’ostéosynthèse mis en place pour un traumatisme de la clavicule, responsable d’une thrombose de l’artère sous-clavière. La maladie de Takayasu est retrouvée dans 5 % des cas [5]. Cette étiologie a été retrouvée chez 2 de nos patients. Les lésions traumatiques de l’artère sous-clavière sont assez rares. Il peut s’agir soit d’une contusion directe de la région costoclaviculaire, soit d’un étirement de l’artère à la jonction entre la zone fixe et la zone mobile, provoquant l’arrachement des collatérales et la déchirure de l’artère. Trois de nos patients ont présenté des traumatismes vasculaires de l’artère sous-clavière suite à des accidents de la voie publique. La symptomatologie clinique est variable selon la qualité de la collatéralité et de la rapidité d’installation de la lésion occlusive. Dans la population étudiée par Spinelli [2], 17 % des patients avaient une claudication intermittente du membre et 39 % avaient des douleurs de repos. Dans la série de Bergqvist [6], 65 % des patients avaient une claudication intermittente du membre supérieur. L’insuffisance vertébrobasilaire est assez fréquente [1]. Trois de nos patients décrivaient la symptomatologie vertébrobasilaire à type de vertiges rebelles au traitement médical. La radiographie du rachis cervical est intéressante pour le diagnostic du syndrome du défilé thoraco-brachial. La présence d’une côte cervicale surnuméraire est un élément important à objectiver qu’elle soit unilatérale ou bilatérale [7]. L’examen échodoppler est actuellement réalisé de première intention, car il permet une étude morphologique et hémodynamique du réseau artériel [8]. L’angio-TDM permet des reconstructions tridimensionnelles pour étudier le degré de sténose [9]. Concernant notre pratique et depuis l’avènement de l’angioscanner dans notre institution, il est devenu le gold standard. Dix de nos patients en ont bénéficié depuis, il était très contributif au diagnostic positif et à l’orientation étiologique dans tous les cas. L’artériographie était auparavant la technique de référence, mais actuellement elle n’est plus de pratique courante depuis l’avènement de l’angioscanner [10]. Elle est réalisée seulement comme prélude au traitement endovasculaire. La découverte d’une lésion sous-clavière asymptomatique ne relève que d’une simple surveillance. Les troubles ischémiques du membre supérieur sont les indications les plus fréquentes motivant la correction de ces lésions [11]. L’ischémie aiguë est l’indication d’une intervention dans les plus brefs délais. Les claudications intermittentes du membre supérieur ne constituent une indication à la revascularisation que si elles entravent l’activité quotidienne ou professionnelle du malade, chez qui un traitement médical a été bien conduit. Les lésions traumatiques doivent être opérées en urgence. Chez les malades instables sur le plan hémodynamique, l’intervention doit être faite sans exploration radiologique. Les malades stables doivent être opérés après exploration. La transposition sous-clavio-carotidienne est la technique de référence de restauration de l’artère sous-clavière [3,4]. Cette technique est simple et ses résultats à long terme sont excellents [12]. Le pontage carotido-sous-clavier constitue une bonne alternative quand la transposition n’est pas possible [3,13]. Le pontage carotido-axillaire et le pontage carotido-huméral constituent une variante du pontage carotido-sous-clavier [3]. Dans notre série, une seule patiente a eu une transposition. En effet, au début de notre expérience, on n’a pas pu réaliser des transpositions du fait des difficultés techniques et des présentations anatomiques peu propices. Actuellement, c’est notre alternative de choix chaque fois que les conditions anatomiques le permettent. La mortalité après chirurgie est nulle pour de nombreux auteurs [14,15]. Dans d’autres séries, elle est variable, mais reste toujours inférieure à 5 % [16]. Elle était nulle dans notre série. Les thromboses et les sténoses sont des complications peu nombreuses qui varient de 0 à 6 % selon de nombreux auteurs [17]. La perméabilité après transposition dans la majorité des études varie de 92,6 % à 100 % à 5 ans [13,18]. Dans la majorité des séries, la perméabilité des pontages carotido-sous-claviers varie de 82,6 % à 90 % à 5 ans [1,2]. Dans notre série, le taux de perméabilité primaire de la revascularisation chirurgicale par pontage était de 100 % à 2 ans. Le taux de perméabilité à 5 ans était de 95 % dans la série de Linni [4]. La perméabilité actuarielle dans la série de Li [19] est respectivement à 1 et 4 ans de 95,3 % et 84,9 %. Le traitement endovasculaire est une nouvelle alternative thérapeutique moins invasive que la chirurgie, qui permet d’éviter les incisions et le clampage artériel. Le taux de succès primaire de la recanalisation endovasculaire des lésions occlusives proximales de l’artère sous-clavière est compris entre 70 % et 100 % [4,19]. Cependant, il ne doit être envisagé qu’avec prudence compte tenu du risque embolique dans l’axe carotidien. En plus, le taux de perméabilité à long terme du traitement chirurgical est meilleur que celui du traitement endovasculaire. Il ne nous a été pas possible de réaliser des thérapeutiques endovasculaires pour des raisons d’indisponibilité du matériel nécessaire. Nous espérons introduire prochainement ces techniques endovasculaires dans notre arsenal thérapeutique.   5. CONCLUSION Les lésions occlusives de l’artère sous-clavière sont assez rares et sont caractérisées par leur grande latence clinique. La principale étiologie est l’athérosclérose. Les troubles ischémiques du membre supérieur constituent la principale indication de revascularisation. La transposition sous-clavio-carotidienne est la technique de référence dans la revascularisation chirurgicale de ces lésions. Le pontage carotido-sous-clavier est une alternative quand la transposition n’est pas réalisable. Le traitement endovasculaire est actuellement de plus en plus utilisé.   RÉFÉRENCES Laurian C, Cron J, Gigou F, Saliou C. Lésions athéroscléreuses de l’artère sous-clavière : place de la chirurgie. Sang Thrombose Vaisseaux 2000;12(3):164-73. Spinelli F, Benedetto F, Passari G et al. Bypass surgery for the treatment of upper limb chronic ischaemia. Eur J Vasc Endovasc Surg 2010;39:165-70. Diethrich EB, Garrett HE, Ameriso J, Crawford ES, El-Bayar M, De Bakey ME. Occlusive disease of the common carotid and subclavian arteries treated by carotid-subclavian bypass: analysis of 125 cases. Am J Surg 1967;114: 600-6. Linni K, Ugurluoglu A, Mader N et al. 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septembre 15, 2016
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Septembre 2016

Réadaptation cardiaque des patients porteurs d’assistance monoventriculaire gauche

Julien Desgue, Laure Chaufourier, Annette Belin, Vladimir Saplacan, Calin Ivascau, Sabino Caprio, Dimitrios Buklas, Gérard Babatasi Service de chirurgie cardiaque, CHU, Caen, France. Correspondance : desgue-j@chu-caen.fr   Résumé Introduction : l’insuffisance cardiaque est un problème majeur de santé publique. La pénurie de greffon cardiaque et l’amélioration des dispositifs d’assistance circulatoire mécanique (DACM) nous permettent de le proposer à un public de plus en plus en large. La réadaptation cardiaque est sûre mais permet-elle d’améliorer la tolérance à l’effort ? Méthodes : 22 patients porteurs d’assistance monoventriculaire gauche (12 Jarvik, 7 HeartWare, 3 HeartMate II) ont participé au programme de réadaptation cardiaque de janvier 2005 à avril 2015, 14 en pont à la transplantation et 8 en thérapie finale. Une épreuve d’effort en fin de réadaptation avec mesure de la VO2 max a été réalisée en fin de réadaptation et à distance. Résultats : la VO2 max au cours de la réadaptation en interne s’est améliorée de manière significative, 17 mL/Kg/min ± 4 vs 14,9 mL/Kg/min ± 4 (p = 0,05). Au cours de la réadaptation en externe, délai médian de 9 mois, la VO2 max a encore progressé de 7 % pour atteindre 18,2 mL/Kg/min ± 3 soit 64 % de la valeur théorique. Conclusion : la réadaptation cardiaque en centre spécialisé des patients porteurs d’assistance monoventriculaire gauche permet d’améliorer la tolérance physique à l’effort. Cette réadaptation poursuivie en externe améliore encore la qualité de vie. Elle doit organiser et proposer à tous les porteurs de DACM.   Abstract Cardiac rehabilitation of patients with left-ventricular assist device Objectives: Heart failure is a major public health problem. The shortage of hearts for transplantation and the improvement of ventricular-assist devices has led to an increased number of implantations being more widely available to the public. Cardiac rehabilitation is safe but can it improve patient exercise tolerance? Methods: 22 patients with left-ventricular assist device (LVAD), 12 Jarvik, 7 Heart Ware and 3 Heart-Mate II, participated in a cardiac rehabilitation program from January 2005 to April 2015. The indications were a bridge to transplantation for 14 patients and a destination therapy for the other 8. A stress test with the measurement of V02 max was realized at the end of rehabilitation and remotely. Results: VO2max during rehabilitation improved significantly, 17 mL/kg/min ± 4 vs 14.9 mL/kg/min ± 4 (p <0.05). After discharge, at a median of 9 months, VO2max still increased by 7% to 18.2 mL/kg/min ± 3 or 64% of the normal value. Conclusion: Specialist cardiac rehabilitation improves physical exercise tolerance of patients with L-VAD; It should be continued externally and proposed to all patients with L-VAD.   1. INTRODUCTION L’insuffisance cardiaque est un problème de santé publique avec un impact médico-économique majeur et un pronostic médiocre. Le traitement de l’insuffisance cardiaque avancée est la greffe cardiaque pour les patients éligibles. Du fait de la pénurie d’organe actuelle et depuis l’inscription en 2010 des dispositifs d’assistance circulatoire mécanique à flux continu (DACM) sur la liste des produits et prestations pris en charge par l’assurance maladie (LPP), les implantations se sont multipliées. L’avancée technologique de ces machines permet une implantation avec un risque opératoire maîtrisé et un retour au domicile. L’amélioration des capacités fonctionnelles et de la qualité de vie prend une place de plus en plus importante pour ces patients porteurs de DACM et plus particulièrement pour ceux implantés en thérapie définitive. L’impact de la réadaptation cardiaque sur les capacités fonctionnelles de ces patients reste à apprécier. Bien que la sécurité de la réadaptation des patients implantés d’un DACM ait déjà été démontrée [1], il n’existe aujourd’hui aucune recommandation claire quant au protocole de réadaptation à mettre en œuvre. L’objectif de cet article est de relater l’expérience caennaise dans la réadaptation des patients implantés de DACM, et d’évaluer la capacité physique de ces patients après un programme de réadaptation cardiaque et lors du suivi. Pour ce faire, nous avons utilisé la mesure de la VO2 max, validée comme marqueur pronostique dans l’insuffisance cardiaque, et corrélée à la tolérance à l’effort [2,3].   2. MATÉRIELS ET MÉTHODES   2.1. Population  Nous avons étudié de façon rétrospective la cohorte des patients porteurs de DACM ayant participé au programme de réadaptation cardiaque du centre spécialisé de la Côte fleurie à Cricquebœuf de janvier 2005 à avril 2015. Nous avons inclus de manière consécutive tous les patients porteurs de machines en pont à la transplantation ou en thérapie définitive, et nous les avons suivis jusqu’au 31 juillet 2015. Parmi ces 22 sujets, 20 ont été implantés dans le service de chirurgie cardiaque du CHU de Caen.   2.2. Machines utilisées Les trois dispositifs d’assistance circulatoire mécanique à flux continu électrique intracorporel monoventriculaire gauche disponibles actuellement ont été utilisés. Le premier dispositif historiquement utilisé à Caen, le Jarvik 2000 est une pompe électrique rotative à débit axial implantée en position intraventriculaire gauche et raccordée en parallèle à la circulation native. À l’intérieur, un rotor à aimant dans un conduit en titane est actionné par force électromagnétique. Son fonctionnement en mode intermittent avec réduction cyclique permet une mise en charge du ventricule gauche et une éjection régulière par la valve aortique native. La pompe est raccordée aux composants externes du système par un câble percutané avec une sortie abdominale ou rétro-auriculaire. Pour ce dernier, une platine fixée dans l’os du crâne permet la connexion entre la composante interne et la composante externe de la ligne percutanée. Les douches et baignades sont facilement possibles sous réserve des précautions de mise à l’abri de l’eau des batteries et du contrôleur. Le contrôleur est porté à la ceinture et permet de modifier directement la vitesse de rotation en 5 positions de 8000 à 12 000 tpm. La pompe axiale peut atteindre un débit maximal de 6,5 L/min. Son implantation en France est autorisée chez les patients de moins de 70 ans [4] [figure 1].   [caption id="attachment_2563" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Pompe intraventriculaire du Jarvik 2000.[/caption]   Le deuxième est le HeartMate II. Il s’agit d’une pompe électrique rotative à débit axial raccordée en parallèle à la circulation native. La pompe est raccordée au système d’alimentation par un câble percutané abdominal. La vitesse de rotation varie de 8000 à 10000 tpm, permettant un débit maximal de 10 L/min. Il pèse 400g pour un volume de 124 mL, fait 70 mm de long et 35 mm de diamètre. Comme pour le premier système, il est implantable chez les patients de surface supérieure à 1,2 m2. Il nécessite cependant la création d’une poche dans l’angle pleuro-diaphragmatique. Son implantation est autorisée chez les patients de plus de 70 ans [4] [figure 2].   [caption id="attachment_2564" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. HeartMate II.[/caption]   Le troisième dispositif implanté est le HeartWare. Il s’agit d’une pompe rotative centrifuge implantée dans la cavité péricardique avec canulation de l’apex du ventricule gauche vers l’aorte ascendante. Son volume est de 50 mL pour un poids de 160 g. Le rotor est ici suspendu par lévitation hydrodynamique passive sans frottement. La vitesse de rotation est moindre autour de 2500 tpm permettant un débit maximal identique au système précédent de 10 L/min. Ce dernier n’a, à l’heure actuelle, pas l’autorisation d’implantation chez les patients de plus de 70 ans [4] [figure 3, tableau 1).   [caption id="attachment_2565" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. HeartWare.[/caption] Type d’assistance Vitesse de rotation Débit maximal fourni Indication Jarvik 2000 8000 à 12 000 Tpm 6,5 L/min Bridge to transplant HeartMate II 8000 à 10000 tpm  10 L/min Bridge to transplant, Destination therapy chez les patients âgés de plus de 70 ans HeartWare 2500 tpm 10 L/min Bridge to transplant Tableau 1. Indication DACM à flux continu.   2.3. Données recueillies Le critère principal de jugement est la comparaison du pic de VO2en mL/Kg/min, mesuré en début de réadaptation, lorsqu’une épreuve d’effort cardiorespiratoire a pu être réalisée, au pic de VO2en fin de réadaptation, ainsi qu’au meilleur pic de VO2atteint par le patient. Les critères secondaires sont le pourcentage de VO2 max théorique, la pente VE/VCO2, la durée de l’effort, la puissance atteinte, ainsi que le pouls d’oxygène (VO2/FC). En préimplantatoire, nous avons relevé les données démographiques du patient, le type de cardiopathie, le type de machine, le taux de créatinine et de BNP, les données de l’électrocardiogramme, la classe NYHA et le stade INTERMACS. Nous avons relevé les données du postopératoire immédiat, telles que la durée de ventilation et du support en amines, les complications, la durée de séjour en réanimation et la nécessité d’une reprise chirurgicale. Nous avons relevé lors du suivi le nombre de transplantations, le taux de décès ainsi que leur cause et le nombre de patients toujours assistés.   2.4. Description du séjour en réadaptation Le centre de réadaptation cardiaque de la Côte fleurie expérimenté dans la réadaptation de l’insuffisant cardiaque a participé à de nombreuses études multicentriques dont HF-ACTION(5). Le programme de réadaptation des patients porteurs de DACM est dérivé du programme appliqué aux insuffisants cardiaques. Il comprend l’entraînement à l’effort, l’éducation thérapeutique et l’optimisation du traitement médical. Le programme de réadaptation est supervisé par un cardiologue, les séances d’entraînement sont encadrées par un kinésithérapeute, et l’éducation thérapeutique est effectuée par une infirmière spécialisée. Les patients sont suivis en consultation de DACM au CHU. L’entraînement à l’effort est classiquement divisé en deux phases : La première à la sortie de l’hospitalisation en chirurgie cardiaque a pour but l’autonomisation du patient pour les gestes de la vie courante, verticalisation, marche, kinésithérapie motrice et respiratoire ainsi qu’un programme d’éducation thérapeutique. La seconde phase commence habituellement par une épreuve d’effort cardiorespiratoire afin de préciser les seuils de travail individuels. Le protocole d’épreuve d’effort sur cyclo-ergomètre utilisé comporte des paliers d’intensité croissante de 10 W/min, et une analyse des échanges gazeux cycle par cycle à l’aide du logiciel Metasys Brainware. L’épreuve d’effort est maximale (QR > 1,10) ou stoppée selon les critères d’arrêt classiques. L’intensité du travail est prescrite en endurance active dans la zone de fréquence cardiaque comprise entre le premier (SV1) et le second seuil ventilatoire (SV2), de durée croissante jusqu’à 45 min. En l’absence de cette épreuve d’effort initiale, le seuil retenu est le seuil de dyspnée qui correspond en général à SV1. À l’exercice d’endurance on adjoint : Une rééducation respiratoire pour lutter contre l’hyperventilation à l’effort. Des séances de cycloergomètre à bras pour augmenter la capacité physique au niveau de la ceinture scapulaire et des muscles inspirateurs accessoires. Des séances de musculation analytique sur banc de Koch pour lutter contre le déconditionnement périphérique. Nous avons évité tout travail abdominal afin de limiter la mobilisation du câble abdominal. De la musculation passive par électrostimulation chez les patients non porteurs de défibrillateurs. Des séances de relaxation. À l’issue du programme de réadaptation en interne, nous proposons des séances de réadaptation en externe à raison de deux à trois séances par semaine. La durée habituelle de réadaptation en hospitalisation complète est de 4 à 6 semaines. Le programme éducatif est centré sur deux éléments : L’acquisition par le patient et son entourage du fonctionnement et de la gestion de la machine : gestion des batteries, mode d’alimentation, conduite à tenir vis-à-vis des alarmes, gestion des pansements, rigueur à adopter vis-à-vis des pansements. L’éducation thérapeutique : gestion des facteurs de risques cardio-vasculaires, règles hygiénodiététiques, gestion du traitement par AVK ainsi que des éléments clés du réentraînement à l’effort. L’optimisation du traitement médical suivra les guidelines de l’insuffisance cardiaque chronique.   2.5. Analyse statistique Les statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel spécifique SPSS. Les valeurs quantitatives sont exprimées en termes de moyenne et d’écart type et les valeurs qualitatives en termes de fréquence. Lorsque toutes les données n’étaient pas disponibles pour analyse, le nombre de données manquantes est précisé. L’homogénéité des variances des différentes variables a été étudiée par le test de Lavente. La comparaison des variables quantitatives telles que les VO2 max, la clairance de la créatinine ou le BNP dans deux groupes appariés a été réalisé par le test t de Student. Le degré de signification p était fixé à 0,05.   3. RÉSULTATS   3.1. Caractéristiques de la population en pré-implantation [tableau 2] Notre cohorte [figure 4] est de 22 patients (19 hommes, 3 femmes), d’âge moyen 57 ans (± 13 ans) et d’IMC moyen de 25 (± 4,4). Douze patients (54 %) sont atteints d’une cardiopathie ischémique, 9 patients (41 %) de cardiomyopathie dilatée (CMD) et un cas d’intoxication aux bétabloquants. L’implantation s’est déroulée sous Extra-Corporeal Life Support (ECLS) pour 3 patients (Intermacs 1). Huit patients soit 36 % ont été implantés avec un Intermacs de 1-2, 14 patients avec un Intermacs 3-4. La grande majorité d’entre eux (83 %, n = 19) sont porteurs d’un défibrillateur dont 11 triples chambres. Tous les patients sont en stade III ou IV de la NYHA. La fonction rénale est modérément altérée chez 47 % des patients avec un MDRD < 60 mL/min. Le BNP moyen est à 1150 (± 787). La FEVG est comprise entre 10 et 35 %. Lorsque le diamètre télédiastolique est connu (n = 15), le VG était toujours dilaté (DTD > 60 mm). Trois patients ont une défaillance ventriculaire droit modérée.     Cohorte Intervalle Générale Ratio H/F 10/1 Âge (années) 56,5 (± 12,4) [23-74] IMC 25 (± 4,2) [19-34] Surface (m2) 1,9 (± 0,2) [1,5-2,4] Comorbidités Cardiopathie      CMD 9 40%      CMI 12 55%      TOXIQUE 1 5% DAI 18 82% Symptômes NYHA      Classe III 6 27%      Classe IV 16 73% INTERMACS      [1-2] 3 - 5 36%      [3-4] 8 - 6 64% Échocardiographie FEVG (%) 24 (± 7) [10-33] DTDVG (mm) 71 (± 7,5) [40-80] PAPS 53 (± 14) [25-80] Dysfonction VD 3 Biologie BNP 1150 (± 787) [170-2940] MDRD 70 (± 43) [26-96] Machine Jarvik 2000 12 55% HeartWare 7 32% HeartMate II 3 13% Tableau 2. Statut pré-implantation.   [caption id="attachment_2566" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Flow chart.[/caption]   3.2. Implantation, mortalité, morbidité Sur les 22 patients, 12 ont été implantés d’un Jarvik (55 %), 7 HeartWare (31 %), et 3 HeartMate II (13 %), le suivi moyen était de 705 jours, soit 44 patients-années. L’implantation de DACM s’est nettement accélérée depuis 2014, on note en moyenne 2 implantations par an de 2005 à 2013, puis 5 en 2014 et 3 sur les trois premiers mois de 2015. L’implantation s’est effectuée dans 6 cas en thérapie finale parmi lesquels 2 avaient moins de 65 ans. Les 16 autres patients ont été implantés en pont à la transplantation. Pour 2 patients, une assistance circulatoire droite postopératoire par ECLS a été mise en place. La première pour une durée de 24h, la seconde pour une durée de 9 jours. La durée médiane de support en amines est de 6 jours (0-75 jours), celle de ventilation de 3 jours (1-49). La durée médiane d’hospitalisation est de 21 jours.   3.3. Complications postopératoires immédiates [tableau 3] On recense 61 évènements, soit 2,8 évènements/patient, dont 46 durant la période postopératoire initiale. Aucune défaillance de machine n’a été constatée dans la période initiale. Cinq patients ont été repris au bloc opératoire, on relève une thrombose du culot aortique à l’origine d’un IDM, 7 patients ont développé une insuffisance cardiaque droite et 8 une défaillance hémodynamique nécessitant une élévation du support aminergique. On dénombre 7 pneumopathies. Un patient a présenté des troubles du rythme de type TV, un patient a présenté une insuffisance rénale ayant nécessité un recours prolongé à la dialyse, un patient a présenté un syndrome infectieux complexe.   Générale Cohorte (n = 22) Intervalle Réanimation Médiane Durée amines (jour) 6 [0-75] Durée ventilation (jour) 3 [0-49] Durée unité de soins intensifs (jour) 21 [6-145] Durée d'hospitalisation (jour) 25,5 [6-145] Complications Initiales Neurologique      AVC 1      DTS 3 Cardiaque      Dysfonction VD 7      IDM 1      Trouble du rythme (TV) 1 Pulmonaire      Pneumopathie 7      Pleurésie, pneumothorax 1 Insuffisance rénale 5 Machine      Dysfonction 0      Infection câble 0 Infection du site opératoire 1 Reprise chirurgicale 5      Saignement 3      Décaillotage 2 Thrombose du culot aortique 1 Tableau 3. Données de réanimation.   3.4. Durant la réadaptation Les résultats portent sur 22 malades, la médiane d’admission en réadaptation était le 22e jour postopératoire (11-144) et la durée moyenne de réadaptation égale à 65 jours (0-134). 20 patients ont terminé le programme de réadaptation, 2 sont décédés précocement (un arrêt de machine, câble débranché sur probable suicide, un AVC ischémique).   Complications [tableau 4] : Durant la réadaptation en interne: 3 AVC ischémiques (un porteur de Jarvik, deux porteurs de HeartWare) dont un décès, 3 épisodes hémorragiques mineurs, une infection documentée du câble du HeartWare. Durant la réadaptation en externe : 2 AVC hémorragiques, un AVC ischémique, une infection documentée du cable du HeartWare, deux infections du piédestal du Jarvik et un épisode septicémique. Complications Infection de câble AVC ischémique AVC hémorragique Infection du piédestal Thrombose de pompe Pendant la réadaptation en interne 1 3 0 0 1 Pendant la réadaptation en externe 1 1 2 2 0 Tableau 4. Complications au cours du suivi.   Parmi les patients en bridge à la transplantation (n = 14), 8 ont été greffés dans un délai moyen de 18 mois, 4 sont décédés avant la transplantation, 2 sont en attente de greffe. Parmi les 8 patients en destination thérapie, 5 sont décédés avec une survie moyenne de 33 mois, 2 patients sont toujours assistés avec un suivi de 1108 jours pour l’un et 134 pour l’autre, un patient a été greffé en urgence pour complication de l’assistance. Ce dernier a été assisté pendant plus de 9 ans, ayant refusé l’inscription sur liste de greffe.   3.5. Résultats des épreuves d’effort cardiorespiratoires [tableau 5] Réalisable chez 9 patients en début de réadaptation VO2 max = 14,9 mL/min ± 4, soit 49 % de la théorique, pente VE/VCO2 moyenne = 45. En fin de réadaptation en interne pour 17 patients (2 greffes en urgence avant la fin de la réadaptation, 2 décès précoces) ; durée moyenne d’effort de 8 min ± 2 pour 75 watts ± 24 ; VO2 max = 17,01 mL/Kg/min (± 4) soit 59 % de la valeur théorique ; pente VE/VCO2 est de 41 (± 11) ; rapport VO2/FC est égale à 11,7 (± 5). Au cours du suivi : meilleure VO2 max 18,4 mL/min/Kg ± 4, délai médian de 5 mois, moyen de 9 mois. Séjour en réadaptation Début (n = 19) Fin (n = 18) p Cliniques IMC 24,3 (± 3,7) NYHA 0,8      Classe I 53 % 67 %      Classe II 47 % 33 % Signes congestifs 26 % 5,5 % 0,34 ECG      Sinusal / ( dont sinusal électro-entrainé) 17 / (3) 16 / (1)      FA 3 2 Biologie      BNP 543 (± 446) 435 (± 330) 0,83      MDRD (mL/min) 91 (± 33) 94 (± 42) 0,85 Réadaptation interne      VO2 max (mL/Kg/min) 14,9 (± 4) 17 (± 3) 0,04      VO2 max / Valeur théorique 49 % 59 % (± 16)      Pente VE/VCO2 45 41,2 (± 11)      Pouls d’oxygène VO2/FC NC 11,7 (± 5)      Durée d’effort (min) NC 8 (± 2)      Puissance maximale (watts) NC 75 (± 24) Réadaptation en externe      VO2 max (mL/Kg/min) 18,2 (± 4)      VO2 max / Valeur théorique 64 %      Délai de mesure (mois) 9 Tableau 5. Données de réadaptation.   La VO2 max a significativement augmenté au cours de la réadaptation, p<0,05. En début de réadaptation, tous les patients sont en classe II et III de la NYHA. Le rythme est sinusal pour 19 patients, dont 3 électroentraînés, et en fibrillation auriculaire pour 3 autres patients. En fin de réadaptation, 4 patients était toujours en stade II de la NYHA, un patient présentait des signes d’insuffisance cardiaque, les autres patients étaient asymptomatiques. La fonction rénale et le taux de BNP ne se sont pas améliorés significativement au cours du séjour.   4. DISCUSSION L’insuffisance cardiaque terminale touche entre 2 et 3 % de la population européenne. On dénombre près de 15 millions de patients insuffisants cardiaques symptomatiques en Europe et près d’un million en France [6-8]. 20000 sont en classes III et IV de la NYHA et 5000 sont potentiellement éligibles à l’une des trois thérapeutiques suivantes : la greffe cardiaque, le cœur artificiel total et l’assistance monoventriculaire gauche. Le nombre de greffe cardiaque plafonne autour de 400 implantations par an [9]. Ce mismatch conduit à l’augmentation du nombre de greffes réalisées en super-urgence à plus de 50 %. La mortalité postopératoire s’est ainsi récemment altérée [10]. Parallèlement à cette pénurie de greffon, d’autres solutions thérapeutiques se sont développées, il s’agit des DACM. Nous disposons à ce jour chez l’adulte d’un cœur artificiel total implantable et de trois assistances monoventriculaires gauches. Les progrès récents de ces assistances en termes de diminution de la mortalité opératoire [11], d’amélioration de la survie et de la qualité de vie [12] en font une alternative sérieuse à la greffe cardiaque, soit de manière définitive, soit temporaire afin d’amener le patient à la greffe dans de meilleures conditions. Le nombre d’implantations de DACM en France est d’environ 160 en 2014 selon les données constructeurs. Un récent rapport de l’HAS prévoit une augmentation progressive du nombre d’implantations entre 1000 et 2000 annuelles [13]. Pour assurer la survie, la tolérance à l’effort et la qualité de vie de ces patients qui seront assistés plus longtemps, tant chez les patients en pont à la transplantation que chez les patients en thérapie définitive, une prise en charge en réadaptation cardiaque nous paraît nécessaire. L’implantation d’un DACM permet d’améliorer l’insuffisance cardiaque avec, dès le postopératoire immédiat, une amélioration du BNP (diminution d’un facteur 2 dans notre cohorte, 543 vs 1100, p < 0,02), de la fonction rénale (amélioration du MDRD de 91 mL/min à 71 mL/min, p < 0,002), et de la classe NHYA. Après implantation du DACM les complications restent fréquentes, et dans notre cohorte nous avons relevé 3 épisodes d’AVC ischémique soit 7 pour 100 patients-années (PA). Les données de sécurité de la HAS issues du LPP [4] rapportent chez les patients porteurs de HeartWare un taux d’AVC ischémique de 11 pour 100 patients-années dans l’étude ADVANCE, et 9 PA dans l’étude ADVANCE CAP. Le taux d’AVC hémorragique était de 9 PA dans les études ADVANCE et ADVANCE CAP. Chez les patients porteurs de Jarvik, les données issues du LPP rapportent 6 AVC emboliques et 9 hémorragiques soit 25 %. Les constructeurs des machines recommandent l’association d’une thérapie anticoagulante et d’une thérapie anti-agrégante. Le constructeur du HeartWare recommande l’association d’un AVK avec un INR cible entre 2 et 3, et d’un antiagrégant plaquettaire type aspirine à la dose de 325 mg par jour [14]. Cette association pose le problème du risque hémorragique. Le flux continu expose au risque de saignement avec apparition d’un Willebrand acquis qui touche environ 40 % des patients porteurs de DACM [15]. Les saignements sont essentiellement digestifs et cérébraux. Les experts recommandent actuellement la prescription d’un AVK avec un INR cible entre 2 et 2,5 associé à une mono-anti-agrégation plaquettaire par aspirine à la dose de 75 à 100 mg. Ceci permettrait de limiter les risques hémorragiques, tout en protégeant les patients du risque de thrombose. Nous avons noté dans notre cohorte deux infections documentées du piédestal du Jarvik, et deux infections documentées du cable du HeartWare, soit un taux de 18 %, soit 11 infections pour 100 PA dans notre cohorte. Les données rapportées par l’HAS concernant les complications infectieuses sont pour le HeartWare de 29 PA, pour les infections liées au dispositif dans l’étude ADVANCE, 25 PA dans l’étude ADVANCE CAP, et de 39 % pour le Jarvik avec câble abdominal. L’évaluation de la tolérance à l’effort se fait par la détermination de la consommation maximale en oxygène (VO2 max) [16]. Elle est déterminée par le produit du débit cardiaque par la différence artérioveineuse en oxygène. La VO2 max est le gold standard pour l’évaluation des capacités fonctionnelles après réadaptation de l’insuffisant cardiaque [17]. Sa valeur varie selon l’âge, le sexe et le type d’exercice effectué. La VO2 max théorique d’un patient est déterminée par des formules telles que celles de Wasserman. Les principaux déterminants de la VO2 max sont : le débit cardiaque ; la différence artérioveineuse en O2, diminuée par l’anémie et une faible masse musculaire ; le déconditionnement périphérique ; la réponse vasculaire périphérique ; la ventilation. Dans une population normale, il existe à l’effort une augmentation de débit cardiaque, une vasodilatation et une redistribution du débit sanguin favorisant l’apport d’oxygène aux muscles actifs [16]. Chez un sujet normal le débit cardiaque au repos de 5 L/min est multiplié par 4 à 5 à l’effort pour atteindre 20 à 25 L/min. Au début de l’exercice la levée du frein vagal et l’augmentation du retour veineux vont permettre l’accélération de la fréquence cardiaque. Puis, sous l’effet combiné des systèmes sympathiques et catécholaminergiques, la fréquence cardiaque et la PA augmentent de manière linéaire. Il existe parallèlement une vasodilatation au niveau des organes actifs et une vasoconstriction au niveau des organes inactifs. Si l’exercice se prolonge, une vasodilatation cutanée apparaît pour la thermorégulation. Au niveau pulmonaire, l’ouverture de vaisseaux inutilisés au repos homogénéise les rapports ventilation/perfusion. L’augmentation du débit d’un facteur 4 à 5 va contribuer à doubler la tension artérielle. Globalement, il est difficile chez l’insuffisant cardiaque et le porteur de DACM d’évaluer le débit cardiaque à l’effort. Les porteurs de DACM sont très peu accessibles à l’échographie d’effort, et les méthodes d’évaluation lors du test d’effort (rebreathing de CO2 ou d’acétylène) sont très difficiles à mettre en œuvre chez le sujet pathologique car elles nécessitent un état stable et donc des paliers prolongés. De plus, les techniques basées sur l’utilisation de gaz inerte ou du CO2 éliminé peuvent être prises en défaut chez les patients pulmonaires ou cardiaques. La tolérance à l’effort des patients porteurs de LVAD reste imparfaite, malgré l’amélioration de l’insuffisance cardiaque. Dans notre cohorte, la VO2 max a augmentée significativement de 14 % en fin de réadaptation (p < 0,05) pour atteindre 17,01 mL/kg/min, soit 59 % de la valeur théorique. En comparant à la littérature, cette limitation a été observée par tous, (référence article) et les chiffres de VO2 max mesurées dans notre population après réadaptation sont relativement satisfaisants [18-20]. Nous n’obtenons cependant pas de normalisation ou du moins d’amélioration au-dessus de 75 % de la valeur théorique. Les facteurs pouvant limités la normalisation de la VO2 max et donc la tolérance à l’effort sont les suivants. L’augmentation du débit cardiaque obtenue par le DACM reste bien inférieure à l’augmentation physiologique du débit cardiaque, 10 L/min versus 20 à 25 L/min physiologiquement. La vitesse de rotation et la décharge ventriculaire gauche : la vitesse de rotation doit être optimisée afin d’obtenir la meilleure décharge ventriculaire et assurer un débit cardiaque élevé [21-22]. L’adaptation de la vitesse de rotation à l’intensité de l’exercice pourrait améliorer la VO2 max [23]. Le Jarvik, dont le patient peut lui-même adapter la vitesse de rotation par une simple molette à 5 niveaux, pourrait offrir un avantage à l’effort mais il n’y a pas de données disponibles dans la littérature pour le démontrer et notre effectif réduit ne permet pas d’étudier ce paramètre. La contribution de la contractilité native. Après la pose d’un DACM, Il se produit un remodelage du VG et une amélioration de la fraction d’éjection [24], ceci contribue à augmenter la fonction d’élimination du CO2 et le pic de VO2. Les patients qui conservent une contractilité résiduelle ont de meilleures capacités à l’effort. Ce débit supplémentaire s’additionne à celui fourni par la machine afin d’améliorer la perfusion périphérique. L’incompétence chronotrope. Ces patients bêtabloqués ont habituellement une limitation d’augmentation de leur fréquence cardiaque à l’effort. Ce paramètre n’a pas un rôle clairement péjoratif dans la tolérance à l’effort même si une augmentation de la FC devrait permettre une amélioration du débit [25]. La dysfonction droite: l’évaluation de la fonction est particulièrement délicate sous DACM. L’ajout d’une assistance ventriculaire déplaçant le septum complique d’autant plus l’interprétation des paramètres d’évaluation de la fonction droite comme le TAPSE ou l’onde S [26]. La fonction pulmonaire : La mise en place d’un DACM permet par la décharge ventriculaire une diminution de la congestion pulmonaire [20]. Le VEMS, la capacité vitale ainsi que les pressions inspiratoires maximum sont augmentés. On note une diminution de la PAPD et des résistances. Ceci améliore la tolérance à l’effort. Les facteurs périphériques sont corrigés par la réadaptation, via la correction du déconditionnement [20]. L’activité physique va améliorer la vasodilatation endothélodépendante (augmentation de la production de NO qui va diminuer les résistances vasculaires périphériques et améliorer la fonction ventriculaire gauche), normaliser le baroréflexe, améliorer l’adaptation ventilatoire (correction de la dyspnée), corriger les anomalies du muscle squelettique (réactivation mitochondriale, augmentation de l’activité oxydative enzymatique, augmentation de la masse musculaire au profit de fibres musculaires type 1) et augmenter la réserve chronotrope. Notre valeur de VO2 max en début de réadaptation est, comparé aux autres cohortes de la littérature plus élevée : pic moyen de VO2à 14,9 mL/kg/min. Une des explications est qu’elle a été mesurée après une période de musculation segmentaire. La pente VE/VCO2, témoin de l’efficience respiratoire [27], reste en moyenne élevée (41 ± 11). Elle correspond à la quantité de litres d’air que le patient doit ventiler pour rejeter 1 L de CO2 amené par la circulation. L’augmentation de la pente VE/VCO2 chez l’insuffisant cardiaque résulte de phénomènes multiples et complexes comme l’hyperventilation à l’effort compensatrice d’une hypoxie ou l’augmentation de l’espace mort ventilatoire. Il s’agit d’un marqueur pronostique puissant dans l’insuffisance cardiaque. Son absence de normalisation chez les patients porteurs de DACM est assez peu documentée, et non encore étudiée. Dans notre étude nous avons noté une tendance à la diminution de la pente VE/VCO2 sous l’effet de la réadaptation, mais le faible effectif n’a pas permis d’étudier précisément cette donnée. La persistance d’une hyperventilation d’origine centrale, en rapport avec une anomalie des chémorécépteurs aortiques et carotidiens chez les patients insuffisants cardiaques, peut en partie expliquer cette absence de normalisation. Une autre explication à la baisse de la PaCO2 induisant une augmentation de la pente VE/VCO2 est le métaboréflexe de l’insuffisant cardiaque. Il existe un ergoréflexe musculaire c’est-à-dire une augmentation de la ventilation par un mécanisme nerveux central, indépendant des modifications en O2 et CO2 sanguins. Lors de l’exercice des récepteurs musculaires périphériques sensibles à des médiateurs chimiques stimulent la ventilation pas des fibres nerveuses reliées au système nerveux central.   4.1. Comparaison avec une population d’insuffisants cardiaques et de transplantés cardiaques La réadaptation cardiaque avait déjà prouvé son efficacité pour deux autres catégories de patients les insuffisants cardiaques [28] et les transplantés cardiaques [29-31]. D’après la méta-analyse de Vromen, le gain en termes de VO2 max obtenu après réadaptation cardiaque est de l’ordre de 2,1 mL/Kg/min chez les insuffisants cardiaques chroniques. Le gain pour la population de transplantés cardiaques est du même ordre 2,34 mL/Kg/min sur une méta-analyse de 117 patients réadaptés [28]. Avec un gain de 2,1 mL/Kg/min dans notre population, nous obtenons le même avantage. Lorsque l’on s’intéresse au pic de VO2 atteint, que ce soit dans notre cohorte de patients assistés ou dans une population d’insuffisants cardiaques chroniques, les valeurs sont très proches 64 % vs 65 % de la valeur théorique dans la littérature [28]. Seuls les patients transplantés peuvent obtenir des chiffres plus élevés. C’est le cas dans la série de 24 transplantés réadaptés de Nytroen d’Oslo [30] qui obtenait 89 % du pic de VO2 théorique.   4.2. Traitement médicamenteux À la fin du séjour en réadaptation, 12 patients bénéficiaient d’un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) (63 %), 14 d’un traitement par bêtabloquants (7 %), 4 d’un traitement par procoralan (21 %). Aucune recommandation claire n’existe quant au traitement médical de l’insuffisance cardiaque à poursuivre après l’implantation d’un DACM. Mais il a déjà été démontré que les patients implantés d’un DACM conservant une contractilité myocardique native ont une meilleure tolérance à l’effort. L’optimisation du traitement médical adapté à l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée va donc permettre de préserver voire même d’améliorer cette contractilité myocardique intrinsèque et par là même améliorer la tolérance des patients à l’effort [25]. L’optimisation du traitement médicamenteux sera guidée par la clinique, l’échocardiographie et le taux de BNP. L’objectif du traitement médical sera d’améliorer la précharge et de diminuer la postcharge du ventricule gauche. L’échographie permet ainsi une évaluation plus fiable de la volémie chez ces patients que l’examen clinique seul.   4.3. Maintien des performances à distance L’amélioration du pic de VO2 est manifeste et systématique au cours des 3 premiers mois quel que soit le programme de réadaptation choisi [25]. Plusieurs équipes, notamment Jakovlejic ou Liebner et al. ont observé que l’amélioration des capacités à l’effort stagnait ensuite entre 6 et 12 mois. Il est ainsi très intéressant d’observer dans notre cohorte une amélioration significative du pic de VO2 max sous l’effet de la poursuite de l’entraînement. En effet à une médiane de 7 mois, la VO2 max a augmenté de 8 %. La poursuite du programme de réadaptation en externe va permettre de pérenniser les progrès accomplis lors du séjour en réadaptation, et maintenir chez ces patients une bonne endurance et un bon niveau d’entraînement.   4.4. Limite de l’étude Les limites de l’étude sont le caractère monocentrique et rétrospectif. Le faible nombre de patients ne permet pas de déterminer les facteurs pronostiques de l’amélioration fonctionnelle des patients, ni de comparer deux groupes afin de déterminer le programme de réadaptation optimal. Il s’agissait cependant de relater une expérience dans un domaine encore méconnu de la réadaptation cardiaque des patients assistés par DACM, qui va se développer de manière importante dans la décennie à venir, avec potentiellement une multiplication par 10 de la population [13]. La caractéristique de la prise en charge proposée en Basse-Normandie permet une poursuite de l’entraînement au long cours indispensable au maintien d’une bonne VO2 max. La compliance à l’exercice de ces patients reste en effet médiocre comme cela a été démontré [5]. L’absence d’adhésion à un programme d’entraînement prolongé a par exemple été à l’origine des résultats modestes du protocole HF-ACTION. Pour l’instant les patients porteurs de DACM ne représentent que peu de patients, et ils ont encore du mal à intégrer les clubs cœur et santé, les salles de sport, mais dans l’avenir leur nombre devrait se multiplier.   5.CONCLUSION La mise en place d’un DACM dans l’insuffisance cardiaque avancée permet une amélioration des paramètres cliniques et biologiques de l’insuffisance cardiaque, la prise en charge en réadaptation est possible et bénéfique sur le pic de VO2, la pente VE/VCO2, la durée de l’effort. La poursuite de l’entraînement à long terme permet de pérenniser les résultats obtenus. La réadaptation cardiaque des patients assistés par DACM permet d’obtenir un niveau de tolérance à l’effort acceptable. Le nombre de patients porteurs de DACM devrait augmenter exponentiellement et la durée de l’assistance va également s’allonger, d’une part par le développement des indications en thérapie finale et d’autre part par la pénurie de greffon cardiaque. La qualité de vie de ces patients devient une question essentielle. L’amélioration de la tolérance fonctionnelle passera par une évolution technique des supports d’assistance avec notamment une auto-adaptation du débit de pompe à l’effort et par une amélioration de la fonction chronotrope pour améliorer le débit intrinsèque à l’effort en complément du débit de pompe.   RÉFÉRENCES Alsara O, Perez-Terzic C, Squires RW, Dandamudi S, Miranda WR, Park SJ et al. Is exercise training safe and beneficial in patients receiving left ventricular assist device therapy? J Cardiopulm Rehabil Prev 2014 Aug;34(4):233–40. Francis DP, Shamim W, Davies LC, Piepoli MF, Ponikowski P, Anker SD et al. 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septembre 15, 2016
Chirurgie thoracique · Vol. 20 Septembre 2016

Causes et conséquences des réadmissions hospitalières dans les 90 jours après exérèse d’un cancer pulmonaire primitif : étude bicentrique

Ilies Bouabdallah, Nathalie Nardone, Anderson Loundou, Henri de Lesquen, Geoffrey Brioude, Lucile Gust, Delphine Trousse, Xavier-Benoît D’Journo, Christophe Doddoli, Christophe Peillon, Jean-Marc Baste, Pascal-Alexandre Thomas   Service de chirurgie thoracique et maladies de l’œsophage, Hôpital Nord, Marseille, France. Unité de chirurgie générale et thoracique, CHU de Rouen, France. Correspondance : ilies.bouabdallah@gmail.com   Résumé Objectif : étudier les causes et conséquences des réadmissions à 3 mois après chirurgie pour cancer pulmonaire primitif. Méthodes : les dossiers médicaux des patients ayant subi une chirurgie de résection pulmonaire pour cancer pulmonaire primitif entre le 1er janvier 2013 et le 30 juin 2014 dans les services de chirurgie thoracique de Marseille et de Rouen ont été analysés à partir d’une base de données prospective (Epithor). Résultats : 456 malades ont été opérés et 14 sont décédés lors de l’hospitalisation initiale. Sur les 442 patients vivants et sortis de l’hôpital, 35 patients ont été réadmis dans les 90 jours suivant leur sortie. Les principales causes de réadmission étaient les pneumopathies. Les facteurs de risque de réadmission ont été étudiés mais aucun facteur indépendant n’était retrouvé. En revanche, il existait une surmortalité à 1 an dans le groupe réadmission. Ont été identifiés comme facteur indépendant de mortalité à 1 an : le sexe masculin, le stade T3, le stade N2, la chimiothérapie néo-adjuvante, la durée de séjour hospitalier ainsi que la réadmission dans les 90 premiers jours. Conclusion : les réadmissions sont fréquentes et principalement d’origines pulmonaires. Il existe une forte association entre réadmission et mortalité à 1 an.   Abstract Causes and effects of hospital readmissions within 90 days after surgery for primary lung cancer: two-center study Objective: Early readmissions are common and costly, and therefore represent a public health issue. We wanted to study the causes and effects of readmissions within 3 months after surgery for primary lung cancer. Methods: Medical records of patients who underwent pulmonary resection for primary lung cancer between January 1, 2013 and June 30, 2014 in thoracic surgery departments of the University Hospital of Marseille and Rouen were reviewed from a prospective database (EPITHOR). We studied the causes and risk factors for readmission, as well as the impact of early readmissions on mortality at 1 year. Results: 456 patients were operated and 14 died during the initial hospitalization. Of the 442 patients alive and discharged from hospital, 35 patients were readmitted within 90 days of discharge. The main cause of readmissions was pneumonia. Risk factors of readmission were studied but no independent factors were found. However, there was a higher 1-year mortality in the readmission group. The following were identified as independent risk factors for 1-year mortality: male gender, stage T3, stage N2, preoperative chemotherapy, hospital stay and readmission within 90 days. Conclusion: Readmissions are common and mainly pulmonary in origin. There is a strong association between readmission and mortality at 1 year.   1. INTRODUCTION Le cancer bronchopulmonaire primitif (CBP) représente la première cause de mortalité par cancer en France avec 30 000 décès chaque année, ainsi que dans le monde avec 1.5 millions de décès [1]. Son pronostic est sombre puisqu’il est associé à une survie relative à 5 ans inférieure à 15 %, et seulement moins de 7 % des patients sont en vie 10 ans après le diagnostic [1]. En France, on dénombre 45 000 nouveaux cas par an, ce qui place le CBP au 4e rang derrière le cancer du sein, colorectal et de la prostate. Le type de CBP le plus fréquent est dans 85 % des cas le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), avec une prédominance de l’adénocarcinome (ADK). Les facteurs de risque de CBP sont aujourd’hui bien identifiés et la prise en charge des patients est multidisciplinaire [1]. Cependant la chirurgie reste la pierre angulaire du traitement curatif, et historiquement la voie d’abord était la chirurgie ouverte. Ces dernières années ont vu le développement de techniques mini-invasives améliorant les suites opératoires immédiates et diminuant la morbidité [2]. Jusqu’à présent les stratégies visant à améliorer les résultats après chirurgie pour CBP mettaient l’accent sur l’évaluation et la préparation préopératoire, l’amélioration des techniques chirurgicales, la prise en charge multidisciplinaire périopératoire ainsi que la réhabilitation précoce postopératoire. Il est cependant devenu évident que la gestion des complications survenant à plus long terme était un facteur déterminant [3,4]. En effet, la littérature rapporte que la mortalité entre le 30e et le 90e jour semble équivalente à celle des 30 premiers jours, soulignant ainsi l’importance de la poursuite des soins et de la surveillance pendant les 3 mois suivant la chirurgie [5]. Le taux de réadmission à l’hôpital dans les 3 premiers mois semble donc un critère de mesure prépondérant dans la prise en charge du patient, permettant de juger de la capacité des services à gérer les complications tardives. Ce critère est proche de celui que les Anglo-Saxons définissent par le « failure to rescue », élément de mesure de la qualité de la prise en charge. Ainsi, en dépit des efforts chirurgicaux réalisés pour minimiser l’impact de la chirurgie, le taux de réadmission reste aujourd’hui toujours élevé. En effet, la littérature rapporte un taux de 5 à 15 % de réadmission après chirurgie pour CBP [6]. Il s’agit donc d’un problème médico-économique important. À partir de ces constatations, nous avons voulu, à travers une étude rétrospective observationnelle bicentrique, analyser les causes et conséquences des réadmissions à 3 mois après chirurgie pour cancer pulmonaire primitif dans deux établissements de notre système de santé.   2. PATIENTS ET MÉTHODES   2.1. Patients Après avis favorable du comité d’éthique de la Société française de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire (CERC), nous avons extraits rétrospectivement du registre Epithor les dossiers médicaux des patients pris en charge pour cancer pulmonaire primitif des services des centres hospitalo-universitaires (CHU) de Marseille et Rouen, entre le 1er janvier 2013 et le 30 juin 2014. Le registre Epithor collecte de manière prospective les actes de chirurgie thoracique en France, intégrant les données démographiques, les informations oncologiques, les éléments peropératoires ainsi que les suites de la chirurgie. Ce registre représente près de 160 000 patients sur plus de 93 centres. Il est représentatif de près de 90 % des actes de chirurgie thoracique en France.   2.2. Critères d’inclusion et d’exclusion Ont été inclus en intention de traiter tous les patients ayant bénéficié d’une chirurgie d’exérèse, anatomique ou non anatomique, à visée thérapeutique pour un cancer pulmonaire primitif. Les critères d’exclusion étaient représentés par les exérèses pulmonaires à visée diagnostique ainsi que les patients opérés pour une tumeur d’origine secondaire ou pour une tumeur carcinoïde.   2.3. Critères de jugement   2.3.1. Critère de jugement principal  Le critère de jugement principal était la réadmission dans les 90 jours suivant l’hospitalisation initiale pour chirurgie d’exérèse. On définissait une réadmission comme : le fait d’être réhospitalisé, que ce soit dans le service d’origine ou un autre ; se présenter dans un service d’accueil des urgences, quelle que soit la raison. N’étaient pas considérés comme réadmission : les rendez-vous programmés : pose de site implantable, consultation avec l’oncologue ou le radiothérapeute, consultation de suivi… les hospitalisations en lien avec des traitements adjuvants (radiothérapie, chimiothérapie…).   2.3.2. Critères de jugement secondaires Les critères de jugement secondaires étaient : l’analyse des causes des réadmissions ; la recherche des facteurs de risque de réadmissions ; les conséquences des réadmissions sur la mortalité à 1 an. Les patients décédés lors du séjour initial au décours de la chirurgie d’exérèse ont été exclus des calculs concernant les taux de réadmission et de mortalité à 1 an.   2.4. Variables   2.4.1. Facteurs liés aux patients Pour chaque patient, ont été relevés le sexe, l’âge, le poids, la taille, la date de la chirurgie, ainsi que les comorbidités et variables préopératoires telles que: le statut tabagique : actif, sevré, jamais fumé ; la fonction respiratoire : le volume expiré maximal seconde (VEMS), le rapport Tiffeneau, la diffusion libre du monoxyde de carbone (DLCO) ; les antécédents : diabète, hypertension, coronaropathie, valvulopathie, notion d’accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’accident ischémique transitoire (AIT), l’artériopathie obstructive des membres inférieurs (AOMI). Chez les patients marseillais, nous avons recherché le statut « en couple » ou « vivant seul », la possession ou non d’un téléphone portable ainsi que la « distance CHU-domicile ».   2.4.2. Facteurs liés à la maladie Les facteurs étudiés étaient : le stade TNM de la maladie : le stade T, N et M de la classification TNM de 2009 ; l’histologie du cancer : principalement représentée par les ADK, les carcinomes épidermoïdes et les carcinomes bronchiolo-alvéolaires (BAC).   2.4.3. Facteurs liés au traitement En préopératoire, nous recherchions : l’existence d’un traitement néo-adjuvant : chimio- ou radiothérapie ; le recours éventuel à une médiastinoscopie préopératoire. Concernant la chirurgie, nous regardions : la voie d’abord : par chirurgie ouverte, par vidéothoracoscopie (VATS), par chirurgie robotique vidéo-assistée (RATS) ; la notion de conversion en cas de chirurgie mini-invasive ; le type de résection pulmonaire : résection atypique (wedge), segmentectomie, lobectomie, bilobectomie, pneumonectomie ; l’extension éventuelle de cette résection : intrapéricardique, bronchoplastique, angioplastique, à la paroi thoracique. L’analyse des suites opératoires reposait sur : la durée de séjour hospitalier ; l’apparition de complications : une détresse respiratoire, un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), une atélectasie nécessitant une fibro-aspiration bronchique, une pneumopathie, un empyème, une reprise chirurgicale pour saignement, une embolie pulmonaire (EP), un œdème aigu du poumon (OAP), une fibrillation auriculaire (FA), un syndrome coronarien aigu (SCA), un AVC, une insuffisance rénale aiguë, une durée de drainage thoracique prolongée (> 5jours) ; la nécessité d’un traitement adjuvant : chimio ou radiothérapie ; la survie à 24 mois.   2.5. Analyses statistiques L'analyse statistique a été effectuée à l'aide de PASW Statistics Version 17.02 (IBM SPSS Inc., Chicago, Ilinois, États-unis). Les variables continues sont exprimées en moyenne ± l’écart type ou en médiane avec la plage (min, max), et les variables qualitatives sont rapportées en taux et pourcentages. Les groupes ont été comparés en utilisant le Chi2 ou le test exact de Fisher pour les variables qualitatives, et en utilisant le test t de Student ou test de Mann-Whitney pour les variables continues. Les courbes de survie ont été estimées par la méthode de Kaplan-Meier et comparées en utilisant le test de log-rank. Les analyses univariée et multivariée ont été effectuées en utilisant le modèle de Cox à risques proportionnels. Les hazard ratios sont signalés avec des intervalles de confiance à 95 % (IC à 95 %). Pour tous les tests, un p < 0,05 a été considérée comme statistiquement significatif.   3. RÉSULTATS   3.1. Patients et traitement   3.1.1. Caractéristiques préopératoires Quatre cent cinquante-six patients ont été inclus sur une période de 18 mois (312 au CHU de Marseille et 144 au CHU de Rouen). Le sexe ratio était de 1,9 et l’âge médian était de 63,6 ± 9,7 ans. Environ la moitié des patients avaient un indice de masse corporel (IMC) normal et un peu plus d’un tiers était en surpoids. Concernant le statut tabagique, 7,6 % des patients étaient non-fumeurs, 62,9 % était repentis et presque un tiers était constitué de fumeurs actifs. Pour les autres antécédents cardio-vasculaires, on retrouvait une grande proportion de patients hypertendus (39,1 %), avec une AOMI (19,9 %), coronariens (17,4 %) ou diabétiques (13,2 %). L’exploration fonctionnelle respiratoire préopératoire de notre population montrait uniquement une diffusion libre du monoxyde de carbone légèrement altérée (67,25 % ± 17,87). Une évaluation ganglionnaire préopératoire par médiastinoscopie a été pratiquée dans 12,2 % des cas. Un traitement néo-adjuvant était administré dans respectivement 14 % et 3,8 % pour la chimiothérapie et la radiothérapie préopératoire.   3.1.2. Type de chirurgie La majorité des interventions a été faite par voie mini-invasive (VATS 47,8 % ; RATS 9,4 %) par rapport à la chirurgie ouverte (42,8 %). Dans 13,8 % des cas, la voie mini-invasive a nécessité une conversion. Comme attendu, l’intervention la plus réalisée a été la lobectomie dans 76,5 % des cas. Les autres exérèses parenchymateuses se répartissaient de la sorte : 5,7 % de wedges; 5 % de segmentectomies, 4,6 % de bilobectomies et enfin 8,1 % de pneumonectomies. De plus, les chirurgies d’exérèse ont rarement nécessité une résection étendue. La principale histologie retrouvée était l’adénocarcinome chez 2 tiers des patients (66,4 %) suivi par l’épidermoïde dans un quart des cas (26,8 %). Le cancer broncho-pulmonaire était majoritairement représenté par des stades précoces (55,9 % de stade I, 17,3 % de stade II, 19,8 % de stade III et 7 % de stade IV).   3.1.3. Suites opératoires Les différents types de mortalité (hospitalière, à 30 jours, 90 jours et à 1 an) de la totalité de notre population sont rapportés dans le tableau 1. Parmi les 456 patients inclus, 14 patients sont décédés au cours de leur hospitalisation initiale, ce qui représente une mortalité hospitalière de 3 %. Les causes de mortalité hospitalière sont détaillées figure 1. Ainsi, les 442 patients vivants et sortis de l’hôpital constituaient le matériel de notre étude pour les réadmissions et la mortalité [figure 2].   Mortalité n = 456 (%) Mortalité hospitalière 14 (3) Mortalité à 30 jours 9 (2) Mortalité à 90 jours 24 (5,3) Mortalité à 1 an 42 (9,2) Tableau 1 : Mortalité après chirurgie d’exérèse pour cancer pulmonaire primitif.   [caption id="attachment_2548" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Causes de décès lors du séjour initial de chirurgie d’exérèse.[/caption]   [caption id="attachment_2549" align="aligncenter" width="275"] Figure 2. Flow chart.[/caption]   Le plus souvent, les suites opératoires ont été simples. Les principales complications observées étaient représentées par la pneumopathie (17,4 %), la durée de drainage prolongée (13,8 %), la détresse respiratoire (10,3 %), la fibrillation auriculaire (7,9 %) et l’atélectasie nécessitant une fibro-aspiration (7,5 %). La durée médiane du séjour hospitalier était de 8 jours (1-132), et apparaissait plus courte chez les patients opérés par voie mini-invasive [figures 3 et 4]. Enfin, 35,7 % des patients ont bénéficié d’une chimiothérapie adjuvante et 8,3 % d’une radiothérapie adjuvante.   [caption id="attachment_2550" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Durée de séjour de l’hospitalisation initiale.[/caption] [caption id="attachment_2551" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Durée du séjour initial en fonction de la voie d’abord.[/caption]   3.2. Réadmissions   3.2.1. Taux de réadmission Sur les 442 patients sortis de l’hôpital après la chirurgie d’exérèse, 35 (7,9 %) ont été réadmis dans les 90 premiers jours [figure 2]. Le taux de réadmission était significativement différent entre Marseille et Rouen (respectivement 5,6 % vs 12,8 % ; p = 0,009). La majorité (51 %) des réadmissions a eu lieu dans le premier mois après la sortie de l’hôpital [figure 5]. La plus grande proportion des réadmissions concernait les patients qui avaient été hospitalisés durant 5 à 7 jours lors du séjour initial [figures 6 et 7].   [caption id="attachment_2552" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Répartition des réadmissions.[/caption] [caption id="attachment_2553" align="aligncenter" width="300"] Figure 6. Nombre de réadmission en fonction de la durée du séjour initial.[/caption] [caption id="attachment_2554" align="aligncenter" width="300"] Figure 7. Nombre de réadmission en fonction de la durée du séjour initial et de la voie d’abord.[/caption]   3.2.2. Causes de réadmission Les complications pulmonaires apparaissaient comme la première cause de réadmission (57 %). On retrouvait principalement : les pneumopathies : 20 % ; les fistules bronchiques : 11 % ; l’empyème pulmonaire : 8 %. Les autres causes sont décrites dans la figure 8 ainsi que dans le tableau 2. On ne retrouvait pas de différence significative entre les causes de réadmission à Rouen et à Marseille [tableau 3].   [caption id="attachment_2555" align="aligncenter" width="300"] Figure 8. Causes de réadmission.[/caption]     Réadmissions dans les 30 premiers jours n = 18 (51 %) Réadmissions entre J30-J60 n = 11 (31 %) Réadmissions entre J60-J90 n = 6 (18 %) Toutes les réadmissions à 90 jours n = 35 (100 %)  COMPLICATIONS PULMONAIRES  20 (57 %) – Pneumopathie 3 1 3 7 (20 %) – Fistule bronchique 3 1 4 (11 %) – Empyème 2 1 3 (8 %) – Pleurésie 2 2 (5,7 %) – Pneumothorax 1 1 (2,8 %) – Atélectasie 1 1 (2,8 %) – Embolie pulmonaire 1 1 2 (5,7 %) COMPLICATIONS CARDIAQUES 3 (8,5 %) – Tamponnade 1 1 (2,8 %) – SCA 1 1 (2,8 %) – Péricardite 1 1 (2,8 %) AUTRES 9 (26 %) – Douleur pariétale 1 1 (2,8 %) – Sd de Guillain-Barré 1 1 (2,8 %) – Surdosage morphinique 1 1 (2,8 %) – Incarcération de l’omoplate 1 1 (2,8 %) – AVC 1 1 (2,8 %) – Hématome 1 1 (2,8 %) – Sd occlusif 2 2 (5,7 %) – Anémie 1 1 (2,8 %) SANS LIEN AVEC LA CHIRURGIE 3 (8,5 %) – Sd cave supérieur 1 1 (2,8 %) – Trouble phasique 1 1 (2,8 %) – Altération état général 1 1 (2,8 %) Tableau 2. Causes de réadmission en fonction du délai par rapport à la chirurgie.   Marseille (n = 17) Rouen (n = 18) Pneumopathie 4 3 Fistule bronchique 2 2 Empyème 2 1 Pleurésie 1 1 Pneumothorax 0 1 Atélectasie 0 1 Embolie pulmonaire 0 2 Tamponnade 0 1 SCA 0 1 Péricardite 1 0 Douleur pariétale 1 0 Sd de Guillain-Barré 1 0 Surdosage morphinique 1 0 Incarcération de l’omoplate 0 1 AVC 1 0 Hématome 0 1 Sd occlusif 1 1 Anémie 1 0 Sd cave supérieur 1 0 Trouble phasique 0 1 Altération état général 0 1 Tableau 3. Causes de réadmission dans les 90 jours en fonction du CHU.   3.2.3. Différences entre patients réadmis et non réadmis Nous avons comparé les 35 patients réadmis dans les 90 premiers jours aux 407 patients non réadmis. L’analyse univariée n’a pas montré de différence significative concernant les principales caractéristiques des 2 groupes. Seuls la DLCO et le stade T de la tumeur semblaient influencer de façon significative le taux de réadmission (p = 0,05). L’analyse univariée est détaillée dans les tableaux 4, 5 et 6. Nous n’avons pas réalisé d’analyse multivariée devant l’absence de résultat suffisamment significatif. Chez les patients marseillais, nous avons essayé d’évaluer l’isolement social en recherchant le statut « en couple » ou « vivant seul », la possession ou non d’un téléphone portable ainsi que la « distance CHU-domicile ». Pour ce sous-groupe, aucun résultat significatif n’a été mis en évidence.     Groupe « pas de réadmission » n = 407 (92,1 %) Groupe « réadmissions à 90 jours » n = 35 (7,9 %) p Âge 63,7 ± 9,5 62,5 ± 12,2 0,555 Homme 66 % 71,4 % 0,516 Statut tabagique 0,435 – actif 28,8 % 37,1 %   – sevré 63,2 % 60 %   – jamais fumé 8 % 2,9   IMC 0,409 – dénutrition 4 % 5,7 %   – normal 47 % 45,7 %   – surpoids 34,9 % 42,9 %   – obèse 14 % 5,7 %   Diabète 13,1 % 14,3 % 0,796 Coronaropathie 17,6 % 14,3 % 0,657 Hypertension 39 % 40 % 0,912 Valvulopathie 4,5 % 2,9 % 1 AVC ou AIT 4,5 % 8,6 % 0,235 AOMI 20,8 % 8,6 % 0,081 VEMS 84,23 % ± 18,75 81,09 % ± 20,19 0,360 VEMS/CV 79,95 % ±16,07 77,27 % ± 20,27 0,424 DLCO 67,8 % ± 17,78 60,96 % ± 18,12 0,05 T 0,05 – T1 45,9 % 22,9 %   – T2 30,6 % 48,6 %   – T3 18 % 20 %   – T4 5,6 % 8,6 %   N 0,317 – N0 72,2 % 60,6 %   – N1 14,5 % 24,2 %   – N2 13,1 % 15,2 %   M 0,280 – M0 93,5 % 88,2 %   – M1 6,5 % 11,8 %   Stade TNM 0,244 – I 56,8 % 44,1 %   – II 16,6 % 26,5 %   – III 20 % 17,6 %   – IV 6,6 % 11,8 %   Histologie 0,416 – ADK 65,2 % 80 % – épidermoïde 27,6 % 17,1 %   – BAC 0,7 % 0   – autres 6,4 % 2,9 %   Chimio préop. 13,5 % 20 % 0,308 Radio préop. 3,4 % 8,6 % 0,139 Tableau 4. Caractéristiques préopératoires dans l’analyse univariée sur les réadmissions à 3 mois.     Groupe « pas de réadmission »n = 407 (92,1 %) Groupe « réadmissions à 90 jours »n = 35 (7,9 %) p Voie d’abord 0,655 – ouvert 43,2 % 37,1 %   – VATS 47,5 % 51,4 %   – RATS 9,3 % 11,4 %   Chirurgie mini-invasive 56,8 % 62,9 % 0,484 Conversion chirurgicale 14,6 % 4,5 % 0,329 Médiastinoscopie préop. 12,2 % 11,4 % 1 Type de résection 0,481 – wedge 5,2 % 11,4 %   – lobectomie 77 % 71,4 %   – segmentectomie 5,2 % 2,9 %   – bilobectomie 4,8 % 2,9 %   – pneumonectomie 7,8 % 11,4 %   Résection étendue 0,301 – bronchoplastique 2,6 % 5,7 %   – paroi thoracique 3,6 % 5,7 %   – intrapéricardique 4,5 % 8,6 %   Tableau 5. Variables liées à la chirurgie dans l’analyse univariée sur les réadmissions à 3 mois.     Groupe « pas de réadmission » n = 407 (92,1 %) Groupe « réadmissions à 90 jours » n = 35 (7,9 %) p Détresse respiratoire 10,5 % 8,6 % 1 SDRA 3,6 % 8,6 % 0,153 Atélectasie fibroaspirée 7,6 % 5,7 % 1 Pneumopathie 17,6 % 14,3 % 0,617 Embolie pulmonaire 0,5 % 0 1 OAP 1,7 % 0 1 FA 7,6 % 11,4 % 0,508 SCA 1,2 % 0 1 AVC 0,2 % 0 1 Insuffisance rénale aigue 3,3 % 5,7 % 0,353 Reprise chirurgicale pour saignement 1,4 % 2,9 % 0,432 Empyème 0,7 % 0 1 Durée de drainage > 5 jours 13,3 % 20 % 0,305 Autres complications 23 % 28,6 % 0,458 Durée de séjour (jours) 8 (1-132) 7 (3-57) 0,847 Chimio postop. 35,6 % 37,1 % 0,852 Radio postop. 8,3 % 8,8 % 0,754 Tableau 6. Variables postopératoires dans l’analyse univariée sur les réadmissions à 3 mois.   3.3. Association réadmission et mortalité De façon flagrante, nous avons mis en évidence une relation entre la réadmission dans les 90 premiers jours et la mortalité à 1 an [tableau 7]. En effet, le taux de mortalité était plus de 5 fois supérieur chez les patients réadmis (25,7 % vs 4,7 % ; p < 0,001).     Groupe « réadmissions à 90 jours » n = 35 (7,9 %) Groupe « pas de réadmission » n = 407 (92,1 %) p Mortalité à 30 jours 5 (14,2 %) 6 (1,5 %) < 0.001 Mortalité à 60 jours 7 (20 %) 9 (2,2 %) < 0,001 Mortalité à 90 jours 7 (20 %) 10 (2,4 %) < 0,001 Mortalité à 1 an 9 (25,7 %) 19 (4,7 %) < 0,001 Tableau 7. Mortalités des réadmissions à 3 mois.   Au vu de cette observation, nous avons cherché à savoir si la réadmission précoce pouvait constituer un facteur de risque de mortalité à 1 an. L’analyse univariée a ainsi confirmé que chez les patients décédés au cours de la première année, environ 5 fois plus avaient été réadmis dans les 90 premiers jours (32 % vs 6,3 % ; p = 0,003) [tableau 8]. Après correction des potentiels facteurs confondants grâce à un modèle de Cox, les réadmissions à 3 mois étaient encore significativement associées à un risque relatif de mortalité à 1 an de 4,51 (p = 0,028). L’analyse de la survie en utilisant des courbes de Kaplan-Meier ne montrait pas de différence significative, mais malgré tout une nette tendance à une survie diminuée chez les patients réadmis précocement [figure 9]. La survie relative à 1 an, calculée par la technique de Kaplan-Meier, était de 75% chez les patients réadmis versus 90 % chez les non réadmis (p = 0,146). Ce pourcentage était proche de la survie réelle observée dans notre échantillon, calculée à partir des taux de mortalité bruts à 1 an [tableau 7].     Groupe « décédé à 1 an » n = 28 (6,3 %)   Groupe « vivant à 1 an » n = 414 (93,7 %)   p Réadmission dans les 30 jours 6 (54,5 %) 12 (11,2 %) 0,002 Réadmission entre J30 et J60 2 (25 %) 9 (9,3 %) 0,196 Réadmission entre J60 et J90 1 (20 %) 5 (4,9 %) 0,255 Toutes les réadmissions à J90 9 (32 %) 26 (6,3 %) 0,003 Tableau 8. Réadmissions des patients décédés à 1 an.   [caption id="attachment_2556" align="aligncenter" width="300"] Figure 9. Courbes de Kaplan-Meier, survie chez les patients réadmis et non réadmis.[/caption]   3.4. Mortalité à 1 an Le taux de mortalité à 1 an était de 9,2 % (soit 42 patients), avec respectivement 28 patients décédés à Marseille (soit 9 %) et 14 à Rouen (soit 9,7 %). Les causes de mortalité à 1 an étaient liées à l’évolution du cancer (n = 11), c’est-à-dire sans rapport avec la chirurgie, ou bien liées aux complications de l’intervention (n = 27). Toutes causes confondues, la pneumopathie était le diagnostic le plus fréquent, à l’origine de plus d’un décès sur quatre (28 %). Pour 4 patients, ces données n’étaient pas disponibles. Les autres causes de mortalité à 1 an sont résumées dans le tableau 9.   Causes liées au cancer n : 11 (26 %) Causes liées à la chirurgie n = 27 (64 %) Évolution métastatique 6 Pneumopathie 11 Détresse respiratoire 2 Fistule 5 Pneumopathie 1 Embolie pulmonaire 3 Hémoptysie 1 Hémoptysie 2 Syndrome cave supérieur 1 SDRA 2 Détresse respiratoire 1     Choc hémorragique postopératoire 1 Syndrome de glissement postopératoire 1 Trouble du rythme 1 (Causes non retrouvées : 4) Tableau 9. Causes de mortalité à 1 an après chirurgie pour cancer pulmonaire primitif.   Par ailleurs, en regardant de plus près les causes de décès chez les patients réadmis ou non, nous ne retrouvions pas de différence dans la proportion de décès liés ou non à l’évolution du cancer [tableau 10].     Groupe « réadmissions à 90 jours » n = 9 Groupe « pas de réadmission » n = 19   p Décès liés à l’évolution du cancer 3 (33 %) 8 (42 %) 0,847 Décès liés à la chirurgie 4 (44 %) 9 (47 %) 0,652 (Causes non retrouvées : 4) Tableau 10. Répartition des causes de mortalité à 1 an chez les patients sortis vivants de l’hospitalisation initiale.   L’analyse univariée des facteurs de risque de mortalité à 1 an s’intéressait aux mêmes variables que pour l’analyse sur les réadmissions. Les critères les plus significatifs ont été analysés en multivariée. En résumé, le sexe masculin (HR 9,93 ; CI 2,76-35,72), le stade T3 (HR 5,56 ; CI 1,83-16,82), le stade N2 (HR 6,51 ; CI 2,41-17,56), la chimiothérapie néo-adjuvante (HR 3,79 ; CI 1,36-10,58), la durée d’hospitalisation (HR 1,03 ; CI 1,03-1,05) ainsi que la réadmission dans les 90 premiers jours (HR 3,63 ; CI 1-13,2), étaient significativement des facteurs de risque indépendants de mortalité à 1 an. Les résultats de l’analyse multivariée sont présentés dans le tableau 11.   4. DISCUSSION Le problème des réadmissions postopératoires est depuis quelques années un véritable enjeu de santé publique dépendant étroitement du système de santé concerné. Aux États-Unis, le coût annuel des réadmissions dans les 30 jours est estimé à 26 milliards de dollars [7]. De ce fait, il a été mis en place un programme de réduction du taux de réadmission avec des pénalités financières pour les établissements présentant un taux élevé. Il apparaît donc nécessaire de comprendre et d’identifier les causes de ces réadmissions, car il serait en effet désastreux pour les patients de ne s’intéresser qu’à leur aspect purement comptable plutôt qu’à leurs causes réelles et leurs éventuelles conséquences. Dans notre étude, le taux de réadmission était de 7,9 %. Ce chiffre est cohérent avec la littérature qui retrouve un taux variable de 5 % à 15 % [4,6,8-11]. Varela et al. retrouvaient eux aussi un chiffre autour de 7 % [10], alors que Hu et al. observaient un taux de réadmission de 12,8 % [4]. Cependant le travail de Hu et al. ne portait que sur des patients de plus de 65 ans, et plus de 45 % des réadmissions de leur étude étaient sans rapport avec la chirurgie [4]. Dans notre série, la moitié des réadmissions apparaissait durant le premier mois. De façon comparable, Hu et al. rapportaient que les réadmissions les plus fréquentes avaient lieu dans les deux premières semaines [4]. Les études portant sur le sujet des réadmissions prennent donc souvent pour délai les 30 premiers jours. Cependant dans le cas de la chirurgie pour cancer, il est intéressant de considérer une fenêtre plus grande car une large proportion de réadmission a lieu après le 1er mois [12]. D’ailleurs dans notre série, 17 réadmissions (49 %) ont eu lieu après le 1er mois. Concernant les causes des réadmissions, les pneumopathies représentaient dans notre étude 20 % des diagnostics. Les autres études retrouvent aussi les complications pulmonaires comme principale cause de réadmission [9,11,13]. Plusieurs critères ont déjà été rapportés comme facteurs de risque de réadmission. Dans une des premières études sur le sujet, Handy et al. retrouvaient la pneumonectomie comme facteur de risque indépendant de réadmission [11]. Par la suite, Varela et al. ont confirmé que la pneumonectomie et les complications postopératoires étaient indépendamment associées aux réadmissions [10]. En effet, les complications postopératoires sont fréquentes et peuvent être responsables d’une durée de séjour prolongée et de réadmissions précoces [10-12]. Malheureusement, dans notre étude nous avons échoué à mettre en exergue une relation forte entre complications et réadmission, probablement à cause d’un manque de puissance. McDevitt et al. notaient que les réadmissions étaient associées à un faible niveau socio-économique, un index de comorbidité élevé et un stade avancé (stade III ou plus) du cancer [9]. Pour leur part, Freeman et al. rapportaient une durée de séjour initiale très courte ou prolongée comme associée à un risque de réadmission [14]. Enfin, Puri and al. montraient que la prise en charge en dehors d’un centre universitaire était également un facteur de risque indépendant de réadmission [15]. Concernant la prévention, Dawes et al. estiment que seulement 21 % des réadmissions sont évitables [16]. Récemment, Hu et al. ont décrit un modèle hiérarchique pour les réadmissions précoces [4]. D’ailleurs, une cinquantaine d’essais cliniques sur des pathologies diverses ont étudié comment prévenir les réadmissions, mais le résultat global a été modeste. De plus, il est rapporté dans la littérature qu’environ 25 % de réadmission sont sous-estimées [4]. Plusieurs travaux mettent en avant le fait que les études monocentriques peuvent sous-estimer le taux réel de réadmission, car une grande proportion de réadmission a lieu dans des services différents de celui de la chirurgie initiale [4,13]. Ceci est particulièrement vrai pour les grands centres universitaires ou de référence, où les patients parcourent de longues distances pour être pris en charge [12]. Pour beaucoup de malades habitant loin, la répétition des trajets peut devenir un problème [12]. Un aspect intéressant de notre travail consiste dans le fait que nous ayons pris en compte tous les types d’interventions pour chirurgie d’exérèse à la différence d’autres études qui par exemple excluent la technique mini-invasive [14] ou ne s’intéressent qu’aux lobectomies [13]. Dans notre étude, la technique chirurgicale n’était pas retrouvée comme facteur de risque de réadmission. Ce manque d’association a aussi été retrouvé récemment dans une large série [17]. Concernant les suites opératoires, de plus en plus d’équipes mettent en place le « fast-tracking » avec des parcours de soins standardisés qui incluent une durée de drainage thoracique raccourcie, la réhabilitation précoce, mais surtout une gestion par une équipe formée à ces protocoles. Ces méthodes ont montré une diminution de la durée de séjour mais les taux de réadmission restent inchangés [18]. Les conséquences exactes des réadmissions sont difficiles à mesurer car il n’y a pas de définition précise des réadmissions après chirurgie pour cancer. En effet, il est important de différencier les causes programmées de réadmission de celles qui sont imprévues. Un patient avec un cancer pulmonaire de stade III va bénéficier d’une chimiothérapie adjuvante et nécessitera la pose d’un accès veineux, ce qui peut être considéré comme une réadmission dans de larges bases de données. De la même façon, certains patients avec un cancer du poumon présentent aussi plusieurs comorbidités, responsables parfois de réadmissions précoces après la chirurgie sans réel lien avec celle-ci. Toutefois, nous avons mis en évidence dans notre étude un véritable impact de la réadmission à 90 jours sur la mortalité à 1 an après chirurgie pour cancer pulmonaire primitif. L’association entre réadmission est mortalité a été introduite dès le début des années 2000 par Handy et al avec un taux de mortalité à 5 ans de 11,6 % dans le groupe réadmis versus 4 % chez les non réadmis [11]. Ces taux de mortalité apparaissent plus faibles que dans notre étude mais leur travail ne concernait pas uniquement la chirurgie pour cancer mais également des pathologies bénignes. Depuis Handy et al., cette association a été rapportée dans plusieurs travaux [4,12]. Les réadmissions après chirurgie pour cancer pulmonaire sont généralement associées à une augmentation du risque de mortalité à court terme [4,7,11]. En effet, Hu et al. ont montré que les réadmissions précoces étaient associées à une augmentation de 6 fois de la mortalité à 90 jours [4]. Dernièrement, Puri et al. ont montré qu’elles étaient également associées à une diminution de la survie [15]. Stitzenberg et al. retrouvaient eux aussi une différence significative du taux de mortalité à 1 an (33 % vs 15 % ; p < 0,001), ainsi qu’une différence significative de survie à 5 ans (p < 0,001) [12]. Dans notre série, nous n’avons pas retrouvé ce résultat significatif pour la survie, mais une nette tendance qui laisse penser qu’avec plus de patients inclus c’eût été différent. Une caractéristique de la prise en charge chirurgicale du cancer du poumon consiste dans la tendance actuelle à la centralisation régionale des établissements pratiquant ces actes chirurgicaux de « haute qualité ». Ces hôpitaux de référence à gros volume d’activité sont considérés plus adaptés pour gérer les complications de ce genre de chirurgie, et ainsi diminuer les taux de mortalité et de réadmission. Il s’agit de la notion de « failure to rescue » qui explique que la mortalité hospitalière dépend plus de la gestion des complications postopératoires qu’uniquement de la survenue de ces dernières [19]. Cependant, une grande partie des complications a lieu dans les 90 premiers jours alors que le patient n’est généralement plus hospitalisé. La réadmission étant associée à une augmentation de la mortalité, des indicateurs de qualité pour les réadmissions ont dû être définis. Ainsi récemment, une étude américaine parue dans Lancet et incluant 9 440 503 patients a montré que les patients réadmis après une intervention chirurgicale majeure avaient une meilleure survie s’ils retournaient dans le service où avait été pratiquée la chirurgie [20]. La principale limite de notre étude est son manque de puissance. En effet, nous observions plusieurs tendances qui n’arrivaient pas au seuil de la signification statistique. Il y a donc fort à attendre des résultats de l’étude européenne en cours sur le même thème qui corrigera cette limite grâce à une large série de patients. Une critique pourrait également être soulevée par un possible effet centre dans notre étude. En effet, ce dernier n’a pas été évalué dans les analyses statistiques. Cependant les populations de Rouen et Marseille étaient comparables, seul le taux de réadmission étant différent mais leurs causes étaient toutefois similaires. Un autre biais évident réside dans le caractère rétrospectif de notre analyse. Enfin, il aurait été intéressant d’avoir plus d’informations sur les données socio-économiques des patients et rechercher ainsi d’éventuels nouveaux facteurs de risque de réadmission. En contrepartie, un intérêt particulier de notre travail est l’importance du recueil des données cliniques, des variables préopératoires (la fonction respiratoire précise, le détail des comorbidités…), de la technique chirurgicale ainsi que des complications survenues pendant l’hospitalisation initiale. En effet, ces données sont souvent des éléments manquants des larges séries sur le sujet.   5. CONCLUSION Les réadmissions après chirurgie d’exérèse pour cancer pulmonaire primitif sont fréquentes et principalement d’origine pulmonaire. Il est important d’évaluer le taux jusqu’à 90 jours. En effet, elles surviennent autant dans les 30 premiers jours qu’entre le 30e et je 90e jour, sans que l’on puisse déterminer les facteurs de risque de ces réadmissions. En revanche, elles sont considérées comme des facteurs de risque indépendants de mortalité à 1 an. Leur impact sur la survie semble également important. La compréhension, la prévention et la gestion de ces réadmissions sont des notions importantes en chirurgie oncologique thoracique. Elles témoignent de la qualité globale de la prise en charge et reste un marqueur important de la réactivité et du niveau de spécialisation des centres chirurgicaux.   RÉFÉRENCES Al-Shahrabani F, Vallböhmer D, Angenendt S, Knoefel WT. Surgical strategies in the therapy of non-small cell lung cancer. World J Clin Oncol 2014 Oct;5(4):595–603. 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septembre 15, 2016
Chirurgie thoracique · Vol. 20 Septembre 2016

Place de la chimiothérapie et des thérapeutiques ciblées periopératoires dans la métastasectomie pulmonaire du cancer colorectal

Stéphane Renaud1,2*, Mickaël Schaeffer3, Pierre-Emmanuel Falcoz1, Benoît Romain2,4, Anne-Claire Voegeli5, Michèle Legrain5, Anne Olland1, Nicola Santelmo1, Serge Rohr4, Cécile Brigand4, Dominique Guenot2, Gilbert Massard1   Service de chirurgie thoracique, hôpitaux universitaires de Strasbourg, Strasbourg, France. Unité de recherche EA 3430 : Progression tumorale et micro-environnement. Approches translationnelles et épidémiologiques, université de Strasbourg, Strasbourg, France. Département de biostatistiques, hôpitaux universitaires de Strasbourg, Strasbourg, France. Service de chirurgie générale et digestive, hôpitaux universitaires de Strasbourg, Strasbourg, France. Service de biologie moléculaire, hôpitaux universitaires de Strasbourg, Strasbourg, France. Correspondance : sterenaud0@gmail.com   Résumé Introduction : la place de la chimiothérapie périopératoire (CPO) et des thérapies ciblées (TC) dans la métastasectomie pulmonaire (MP) du cancer colorectal (CRC) est débattue. Nous avons évalué si la CPO et les TC étaient associées à des suites différentes. Matériel et méthodes : nous avons revu rétrospectivement les données de 223 patiens ayant bénéficié d’une MP pour CRC entre 1998 et 2015. Résultats : un total de 167 patients (75 %) avait bénéficié de CPO. Les mutations de KRAS (mKRAS) étaient observées chez 122 patients (55 %), BRAF (mBRAF) chez 26 (12 %). La CPO n’influençait pas significativement les survies sans récidive locorégionale (SSRLR) (p = 0,21) et globale (SG) (p = 0,29). Chez mKRAS, le bévacizumab périopératoire était associé à une amélioration significative de la SSRLR (70 vs 24 mois, p = 0,001) et de la SG (101 vs 55 mois, p = 0,004). Ce bénéfice ne restait significatif qu’en cas de mutation de l’exon 12 du codon 2 de KRAS (SG médiane : 101 vs 60 mois, p <0,0001, LRRFS médiane : 76 vs 44 mois, p < 0,0001). mBRAF n’était pas associé à des suites différentes. Conclusion : le bévacizumab périopératoire semble être bénéfique en cas de mutation du codon 12 de l’exon 2 de KRAS.   Abstract Place of perioperative chemotherapy and targeted therapies in lung metastasectomy of colorectal cancer Introduction : Place of peri-operative chemotherapy (POC) and targeted therapies (TT) in lung metastasectomy of colorectal cancer (CRC) is still subject of debate. We aimed to evaluate whether POC and TT were associated with different outcomes according to mutational status. Material and Methods : We reviewed data from 223 patients who underwent pulmonary metastasectomy for CRC from 1998 to 2015, and for whom KRAS and BRAF mutational status was known. Results : A total of 167 patients (75%) underwent POC. KRAS mutations (mKRAS) were observed in 122 patients (55%), whereas BRAF (mBRAF) were observed in 26 (12%). On the whole cohort, POC did not significantly influence either loco-regional recurrence-free survival (LRRFS) (p=0.21) or overall survival (OS) (p=0.29). In mKRAS, perioperative bevacizumab was associated with significant improvement of both LRRFS (70 vs 24 months, p=0.001) and OS (101 vs 55 months, p=0.004). However, this benefit was only significant in the case of KRAS exon 2 codon 12 mutations (median OS : 101 vs 60 months, p<0.0001, median LRRFS: 76 vs 44 months, p<0.0001). Finally, mBRAF were not associated with significant different outcomes. Conclusion : Perioperative bevacizumab seems to be beneficial in exon 2 codon 12 mKRAS patients undergoing lung metastasectomy of CRC.   1. INTRODUCTION  Le cancer colorectal (CRC) constitue le 3e cancer le plus fréquemment diagnostiqué au monde, représentant environ 10 % des cancers dans le monde [1]. En Europe, avec 450 000 nouveaux cas et 215 000 décès, le CRC était en 2012 le deuxième cancer le plus diagnostiqué et la deuxième cause de décès par cancer [2]. Jusqu’à 5 % de ces patients développeront des métastases au cours de la vie, essentiellement aux dépens du foie et des poumons. Même si jusqu’à présent aucune étude prospective randomisée n’a été réalisée, la resection chirurgicale des métastases hépatiques et pulmonaires est devenue routine chez des patients selectionnés pour la très grande majorité des équipes chirurgicales. En effet, même si la métastasectomie pulmonaire des CRC reste débatttue, une revue systématique a récemment conclu à une survie globale (SG) à 5 ans variant entre 40 % et 68 % après résection complète de métastases pulmonaires [3], bien supérieure à ce que l’on peut observer chez des patients ne bénéficiant que de chimiothérapies. Une autre récente analyse confirmait ces résultats en concluant quant à elle à une SG à 5 ans atteignant 54,3 % après métastasectomie pulmonaire [4]. La résection pulmonaire étant toujours responsable d’une altération de la fonction respiratoire et pouvant également être morbide, plusieurs facteurs de risque d’évolution péjorative après métastasectomie pulmonaire ont été identifiés, afin de sélectionner les patients adéquats qui pourront réellement bénéficier d’une chirurgie. Ainsi, un taux élevé d’ACE préopératoire, l’envahissement ganglionnaire thoracique, les antécédents de métastases hépatiques, une survie sans progression (SSP) courte, le nombre de métastases pulmonaires, le nombre de métastases pulmonaires et les résections incomplètes ont été associés à des suites plus péjoratives [5]. Plus récemment, l’amélioration dans la connaissance des altérations moléculaires des cellules cancéreuses a permis d’identifier 2 proto-oncogènes semblant intéressants: V-Ki-ras2 Kirsten sarcoma viral oncogene homolog (KRAS) et V-raf Murine sarcoma viral oncogene homolog B1 (BRAF). Ainsi, de précédentes publications ont conclu à une SG et une survie sans récidive plus courtes après métastasectomie pulmonaire de CRC chez les patients présentant ces mutations [6]. En cas de métastases hépatiques résécables, les résultats de l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC) 40983 ont permis de conclure à un bénéfice en terme de survie en cas de chimiothérapie périopératoire (CPO) en comparaison à la chirurgie seule [7], faisant de la CPO une modalité à part entière de la prise en charge chirurgicale des métastases hépatiques de CRC. Cependant, la place de la CPO dans la métastasectomie pulmonaire de CRC est actuellement controversée, essentiellement du fait de la présence de très peu de données publiées. L’objectif de notre étude est donc d’évaluer le bénéfice de la CPO dans une large cohorte de patients ayant bénéficié d’une métastasectomie pulmonaire pour CRC, et plus particulièrement si le statut mutationnel (KRAS et BRAF) a été associé à des suites différentes.   2. MATÉRIEL ET MÉTHODES Nous avons revu de façon rétrospective les données de 223 patients présentant un CRC métastatique et ayant bénéficié d’une métastasectomie pulmonaire dans le service de chirurgie thoracique des hôpitaux universitaires de Strasbourg (France) entre janvier 1998 et décembre 2015, et pour qui le statut muté ou non pour KRAS et BRAF était connu. La majorité de la cohorte faisait partie d’une étude déjà publiée [6], à laquelle nous avons ajouté 43 nouveaux patients ayant bénéficié d’une chirurgie pour métastases pulmonaires entre janvier 2012 et décembre 2015. Tous les nouveaux patients inclus étaient considérés comme en rémission complète de leur tumeur primitive au moment de la métastasectomie pulmonaire, et toutes les métastases pulmonaires étaient métachrones du primitif colorectal. La décision de réaliser ou non une chirurgie pulmonaire était prise en comité de concertation pluridisciplinaire en présence d’un chirurgien thoracique diplômé. En cas de métastases extrathoraciques, seuls les patients avec métastases hépatiques ont été inclus. L’évaluation préopératoire, le geste opératoire thoracique et la technique d’analyse moléculaire ont été réalisés comme préalablement publié [6]. Les patients ont alors été classés en fonction de leur âge, leur statut OMS, leur sexe, le nombre de métastases pulmonaires, le taux d’ACE préopératoire, la présence ou non d’une atteinte ganglionnaire thoracique, la SSP et le statut mutationnel. Les patients dits « Wild Type » (WT) étaient définis comme ceux ne présentant ni la mutation de KRAS ni celle de BRAF. La SSP était définie comme la période séparant la chirurgie du primitif colorectal au premier diagnostic d’une métastase pulmonaire ou hépatique par imagerie. La SG était définie comme la période séparant la chirurgie pulmonaire du décès ou de la date des dernières nouvelles. La survie sans récidive locorégionale (SSRLR) était définie comme la période séparant la métastasectomie pulmonaire du premier diagnostic de récidive thoracique. La mortalité postopératoire a été définie comme les décès survenant à l’hôpital ou dans les 30 jours suivant l’intervention. L’index de comorbidités de Charlson (ICC) a été calculé pour chaque patient. L’ICC inclut 19 pathologies chroniques pondérées en fonction de leur association à la mortalité. Nous avons ensuite groupé les patients, en fonction de leur score, dans les catégories suivantes : 0 (pas de comorbidité) ; 1-2 (moyen) ; 3-4 (modéré) ; et ≥ 5 (sévère) [8]. Les patients étant adressés à notre service de chirurgie thoracique par de nombreux oncologues différents, les protocoles de chimiothérapie réalisés n’étaient pas uniformes. Cependant, l’ensemble des protocoles de chimiothérapie correspondait à des fluoropyrimidines (5-fluorouracile [5-FU]), seuls ou en association à de l’oxaliplatin (Folfox/XelOx) et/ou de l’irinotecan (Folfiri/Folfoxiri). Enfin, certains patients bénéficiaient de l’ajout de bévacizumab. Le timing de la chimiothérapie était défini comme suit : néo-adjuvant en cas de traitement précédant la chirurgie pulmonaire, adjuvant en cas de traitement faisant suite à la métastasectomie et CPO en cas de traitement néo-adjuvant et adjuvant à la chirurgie pulmonaire. IBM SPSS (Armonk, New York, États-Unis) v.20 a été utilisé pour l’analyse statistique. Les comparaisons entre les groupes ont été réalisées à l’aide du test de Chi2, des tests de Fisher et de Student de façon appropriée. L’impact pronostique des variables sur la survie a été évalué par les modèles du log-rank et du hazard proportionnel de Cox. Tous les tests étaient bilatéraux, et les variables ont été considérées significatives pour les valeurs de p < 0,05. Toutes les variables présentant une valeur de p < 0,2 ont été testées en analyses multivariées.   3. RÉSULTATS Le suivi médian était de 57 mois (min : 1, max : 122). L’âge moyen au moment de la métastasectomie thoracique était de 63,47 ans (± 9,39). Les données démographiques de la population sont représentées dans le tableau 1. Concernant le statut mutationnel KRAS, nous avons noté en terme de mutations : 43 G12D (35 %), 28 G12V (23 %), 30 G13D (25 %), 9 G12C (7,4 %), 8 G12S (7 %), 4 G12A (3 %). En ce qui concernait la chimiothérapie : 167 patients (74 %) avaient bénéficié de chimiothérapie, dont 67 (30 %) patients avaient bénéficié d’un traitement par bévacizumab : 19 (28 %) en période néo-adjuvante, 30 en période adjuvante (45 %) et 18 (27 %) en période périopératoire. Par ailleurs, 33 (44 %) patients WT, 31 (25 %) mKRAS et 3 (12 %) mBRAF avaient bénéficié d’un traitement par bévacizumab.   Tableau 1 : Comparaison des données démographiques et principaux facteurs pronostiques connus entre les groupes (basée sur le fait qu’ils aient bénéficié ou non de chimiothérapie). Pas de CT CT p CT néo-adjuvante CT adjuvante CPO P Sexe – Masculin 31 (55 %) 105 (63 %) 0,32 39 (63 %) 38 (64 %) 28 (61 %) 0,77 Âge moyen (années) 63 (+/- 7,86) 65 (+/- 9,81) 0,08 63 (+-/ 10,86) 63 (+/- 9,33) 62 (+/- 9,04) 0,37 Statut OMS – 0 – 1   - 44 (79 %) - 12 (21 %)   - 120 (72 %) - 47 (28 %) 0,32 - 42 (68 %) - 20 (32 %) - 44 (75 %) - 15 (25 %) - 34 (74 %) - 12 (26 %) 0,61 Site de la tumeur primitive – colon – rectum     - 23 (41 %) - 33 (59 %)     - 82 (49 %) - 85 (51 %) 0,3     - 27 (44 %) - 35 (57 %)     - 27 (46 %) - 32 (54 %)     - 28 (61 %) - 18 (39 %) 0,2 ICC – 0 – 1 – 2 – 3   - 9 (16 %) - 20 (36 %) - 10 (18 %) - 17 (30 %)   - 25 (15 %) - 70 (42 %) - 42 (25 %) - 30 (18 %) 0,22   - 8 (13 %) - 28 (45 %) - 15 (24 %) - 11 (18 %)   - 11 (19 %) - 22 (37 %) - 15 (25 %) - 11 (19 %)   - 6 (13 %) - 20 (44 %) - 12 (26 %) - 8 (17 %) 0,76 Stade pT de la tumeur primitive – pT1 – pT2 – pT3 – pT4     - 5 (9 %) - 8 (14 %) - 28 (50 %) - 15 (27 %)     - 30 (18 %) - 20 (12 %) - 91 (54 %) - 26 (16 %) 0,15     - 11 (18 %) - 4 (7 %) - 30 (48 %) - 17 (27 %)     - 12 (20 %) - 12 (20 %) - 33 (56 %) - 2 (3 %)     - 7 (15 %) - 4 (9 %) - 28 (61 %) - 7 (15 %) 0,01 Stade pN de la tumeur primitive – pN+ - 22 (39,3 %) - 79 (47,3 %) 0,3 - 27 (44 %) - 25 (42 %) - 27 (59 %) 0,22 Envahissement ganglionnaire thoracique – oui - 23 (41 %) - 66 (40 %) 0,84 - 28 (45 %) - 18 (31 %) - 20 (44 %) 0,37 > 1 métastase thoracique - 40 (71 %) - 68 (41 %) < 0,0001 - 33 (53 %) - 19 (32 %) - 16 (35 %) < 0,0001 Métastase hépatique - 7 (13 %) - 22 (13 %) 0,9 - 8 (13 %) - 8 (14 %) - 6 (13 %) 0,99 ACE préopératoire ≥ 5 - 15 (27 %) - 79 (47 %) 0,007 - 29 (47 %) - 25 (42 %) - 25 (54 %) 0,03 SSP < 24 mois - 27 (48 %) - 48 (29 %) 0,008 - 16 (26 %) - 18 (31 %) - 14 (30 %) 0,06 Statut mutationnel – WT – mBRAF – mKRAS     - 15 (20 %) - 9 (35 %) - 32 (26 %)     - 60 (80 %) - 17 (65 %) - 90 (74 %) 0,3     - 16 (26 %) - 12 (19 %) - 34 (55 %)     - 25 (42 %) - 2 (3 %) - 32 (54 %)     - 19 (41 %) - 3 (7 %) - 24 (52 %) 0,05 Les données sont représentées sous la forme n (%). CT : chimiothérapie ; CPO : chimiothérapie périopératoire (patients ayant bénéficié d’une chimiothérapie néo-adjuvante et adjuvante) ; ICC : index de comorbidités de Charlson ; SSP : survie sans progression ; WT : Wild Type ; mBRAF : mutations BRAF ; mKRAS : mutations KRAS.   3.1. Survie globale La SG médiane était de 94 mois (95 % IC : 79,04-108,96) pour l’ensemble de la cohorte, avec des SG globales à 1, 2, 3 et 5 ans de 96 %, 89 %, 82 % et 71 %, respectivement. En analyses univariées, bien que la SG médiane a été meilleure en cas de chimiothérapie (indépendamment de son caractère adjuvant, néo-adjuvant ou périopératoire), il n’existait pas de différence significative (101 mois [95 % intervalle de confiance (IC) : 76,56-125,45] vs 82 mois [95 % IC : 72,06-91,94], p = 0,29). Par ailleurs, bien que la chimiothérapie adjuvante a été associée à une SG médiane meilleure (101 mois [95 % IC : 89,93-112,07]), elle n’était significativement pas différente de celle des patients n’ayant pas bénéficié de chimiothérapie (82 mois [95 % IC : 72,06-91,94]), d’une chimiothérapie néo-adjuvante (84 mois [95 % IC : 67,96-100,04]) ou d’une CPO (94 mois [95 % IC : 72,59-115,41]), p = 0,26 [figure 1a]. Par ailleurs, en analyses univariées, la SG médiane était significativement meilleure en cas d’utilisation du bévacizumab (101 mois [95 % IC : 84-117,99] vs 82 mois [95 % IC : 56,24-107,76], p = 0,001). Cependant, lorsque l’analyse était réalisée en fonction du statut mutationnel, ce bénéfice ne restait significatif que pour les patients mKRAS (101 mois vs 55 mois [95 % IC : 49,77-60,23], p = 0,004) [figure 1c], mais ne l’était plus pour les patients WT (98 mois [95 % IC : 80,79-115,21] vs 118 mois [117,23-118,76], p = 0,25) ainsi que pour les patients mBRAF (médiane non atteinte vs 16 mois [13,76-18,24], p = 0,68).   [caption id="attachment_2537" align="aligncenter" width="300"] Figure 1A.[/caption] [caption id="attachment_2538" align="aligncenter" width="300"] Figure 1B.[/caption] [caption id="attachment_2539" align="aligncenter" width="300"] Figure 1C.[/caption] Figure 1 : Représentation graphique de la survie globale selon Kaplan-Meier en fonction de a) la réalisation ou non d’une chimiothérapie (i.e. néo-adjuvante, adjuvante ou périopératoire) ; b) l’utilisation ou non de bévacizumab ; c) l’utilisation ou non de bévacizumab chez les patients mKRAS.   De plus, parmi les patients mKRAS, le bénéfice sur la SG à l’utilisation du bévacizumab n’était noté que pour les patients présentant une mutation du codon 12 de l’exon 2 (n = 124) (101 mois [95 % IC : 83,97-118,02] vs 60 mois [95 % IC : 53-66,99], p < 0,0001), mais pas ceux présentant une mutation du codon 13 (117 mois [95 % IC : 89,32-144,68] vs 118 mois [95 % IC : 117,14-118,86], p = 0,78). Enfin, en fonction de son timing d’utilisation, le bénéfice du bévacizumab était toujours significatif lorsqu’il était utilisé en situation adjuvante (médiane non atteinte vs 65 mois [IC 95 % : 38,58-91,42], p = 0,001), mais ne l’était plus en situations néo-adjuvante (84 mois [95 % IC : 75,22-92,78] vs 60 mois [95 % IC : 41,38-78,62], p = 0,25) et périopératoires (94 mois [95 % IC : 79,19-108,81] vs 118 mois [59,5-176,5], p = 0,48). Enfin, en analyses univariées, l’ICC (p < 0,0001), le stade pT de la tumeur primitive (p < 0,0001), l’envahissement ganglionnaire thoracique (p < 0,0001), les métastases thoraciques multiples (p = 0,003), les antécédents de métastases hépatiques (p = 0,01), un taux préopératoire d’ACE ≥ 5 (p = 0,04) et le statut mutationnel (p < 0,0001) influaient significativement sur la survie. Les données sont compilées dans le tableau 2.   Tableau 2 : Analyses uni et multivariées des facteurs influençant la survie globale (test du log-rank et modèles proportionnels de Cox). Analyse univariée Analyse multivariée SG médiane (mois) (95 % IC) p OR (95 % IC) p Sexe – masculin – féminin   - 98 (83,86-112,14) - 84 (62,27-105,73) 0,99 ----- ----- Âge – < 60 – ≥ 60   - 118 (80,41-155,56) - 94 (79,29-108,71) 0,17 - 0,456 (0,225-0,924) 0,03 Statut OMS – 0 – 1   - 94 (81,58-106,42) - 117 (81,21-152,8) 0,96 ----- ---- ICC – 0 – 1 – 2 – 3   - 101 (90,9-111,1) - 118 (101,5-134,5) - 77 (70,46-83,53) - 72 (62,38-81,62) < 0,0001 - 0,007 (0,001-0,037) - 0,073 (0,025-0,213) - 0,367 (0,146-0,919) < 0,0001 < 0,0001 0,32 Site de la tumeur primitive – colon – rectum     - 94 (75,33-112,67) - 101 (78,06-123,94) 0,61 ----- ----- Stade pT de la tumeur primitive – pT1 – pT2 – pT3 – pT4     - NA - 82 - 94 (83,37-104,62) - 30 (14,5-45,5)   < 0,0001     - 0,015 (0,002-0,131) - 0,671 (0,2-2,251) - 0,598 (0,224-1,591)       < 0,0001 0,52 0,3 Stade pN de la tumeur primitive – pN0 – pN+     - 117 (106,89-127,11) - 84 (77,71-90,3) 0,1 ---- 0,13 Envahissement ganglionnaire thoracique – oui – non     - 57 (41,25-72,75) - 118 (90,25-145,75) < 0,0001     - 0,285 (0,155-0,526) < 0,0001 > 1 métastase thoracique – oui – non   - 82 (72,96-91,04) - 117 (106,8-127,12) 0,003 ---- 0,64 Métastases hépatiques – oui – non   - 101 - 94 (68,82-119,1) 0,01   - 0,418 (0,187-0,934) 0,03 ACE préopératoire ≥ 5 – oui – non     - 94 (83,11-104,88) - 118 (92,32-143,68) 0,04 ---- 0,18 SSP < 24 mois – oui – non   - 94 (66,09-121,91) - 98 (82,36-113,64)   0,57   -----   ----- Statut mutationnel – WT – mBRAF – mKRAS     - 117 (107,09-126,91) - 16 - 84 (58,33-109,67) < 0,0001     - 0,006 (0,001-0,0029)   - 0,113 (0,037-0,5)     < 0,0001   < 0,0001 Chimiothérapie – oui – non   - 101 (76,56-125,45) - 82 (72,06-91,94) 0,29 ---- ---- Bévacizumab – oui – non   - 101 (84-117,9) - 82 (56,24-107,76) 0,001   - 2,112 (0,985-4,530) 0,055 SG : survie globale ; IC : intervalle de confiance ; OR : odds ratio ; ICC : index de comorbidités de Charlson ; NA : non atteinte ; WT : Wild Type ; mBRAF : mutations BRAF ; mKRAS : mutations KRAS.   En analyses multivariées, l’absence d’utilisation du bévacizumab, bien que non significative, mais l’approchant, était associée à un pronostic plus péjoratif (OR : 2,112 [95 % IC : 0,985-4,530], p = 0,055). Par ailleurs, un âge < 60 ans (p = 0,03), un ICC faible (p < 0,0001), le stade pT1 du primitif colorectal (p < 0,0001), l’absence d’envahissement ganglionnaire thoracique (p < 0,0001), l’absence d’antécédents de métastases hépatiques (p = 0,03) et le statut mutationnel (i.e. mKRAS et WT en comparaison à mBRAF, p < 0,0001) étaient des facteurs de bon pronostic. Les données sont compilées dans le tableau 2.   3.2. Survie sans récidive locorégionale À la fin du suivi, 117 (52 %) patients avaient présenté une récidive thoracique. La SSRLR médiane était de 50 mois (95 % CI : 44,46-55,34) pour l’ensemble de la cohorte, avec SSRLR à 1, 2, 3 et 5 ans de 66 %, 62 %, 60 % et 31 %, respectivement. En analyses univariées, bien que meilleure en cas d’utilisation de la chimiothérapie (50 mois [95 % IC : 43,77-56,23] vs 21 mois [95 % IC : 0-52,65]), la SSRLR médiane n’était pas significativement impactée par son utilisation (p = 0,21). Lorsque l’analyse était poursuivie en fonction du moment de son utilisation [figure 2a], bien que meilleure en cas d’utilisations périopératoire (51 mois [95 % IC : 47,57-54,43]) et adjuvante (51 mois [95 % IC : 47,64-54,35]), en comparaison aux situations néo-adjuvantes (17 mois [95 % IC : 2,32-31,68]) ou à l’absence de chimiothérapie (21 mois [95 % IC : 0-52,65]), la différence n’était pas significative (p = 0,14). Par ailleurs, la SSRLR était significativement influencée par l’utilisation du bévacizumab (76 mois [95 % IC : 67,55-84,45] vs 36 mois [95 % IC : 17,58-54,43], p = 0,003) [figure 2b]. Cependant, le bénéfice à l’utilisation du bévacizumab était différent en fonction du statut mutationnel. En effet, son bénéfice n’était conservé que chez les mKRAS (70 mois [95 % IC : 41,58-98,42] vs 24 mois [95 % IC : 1,15-46,86]), p = 0,001), mais pas chez les WT (76 mois [95 % IC : 69,21-82,79] vs 55 mois [95 % IC : 44,24-65,76], p = 0,42) et les patients mBRAF (9 mois [95 % IC : 7,4-10,6] vs 4 mois [95 % IC : 1,25-6,75], p = 0,77). Au sein des patients mKRAS, le bénéfice du bévacizumab sur la SSRLR n’était observé qu’en cas de mutation du codon 12 de l’exon 2 (76 mois [95 % IC : 64,62-87,38] vs 44 mois [95 % IC : 35,27-52,73], p < 0,0001) [figure 2c] mais pas pour le codon 13 (80 mois [95 % IC : 12,8-147,2] vs 57 mois [9,66-104,34], p = 0,32). Enfin, en fonction du moment de l’utilisation du bévacizumab, son bénéfice était toujours significatif en situations néo-adjuvante (70 mois [95 % IC : 28,39-111,61] vs 12 mois [95 % IC : 7,76-16,24], p = 0,001), adjuvante (82 mois [95 % IC : 75,21-88,79] vs 50 mois [95 % IC : 44,06-55,94], p = 0,001), ainsi que périopératoire (70 mois [95 % IC : 59,73-80,26] vs 49 mois [95 % IC : 17,94-80,05], p = 0,03).   [caption id="attachment_2540" align="aligncenter" width="300"] Figure 2A.[/caption] [caption id="attachment_2541" align="aligncenter" width="300"] Figure 2B.[/caption] [caption id="attachment_2542" align="aligncenter" width="300"] Figure 2C.[/caption] Figure 2 : Représentation graphique de la survie sans récidive locorégionale selon Kaplan-Meier en fonction de a) la réalisation ou non d’une chimiothérapie (i.e. néo-adjuvante, adjuvante ou périopératoire) ; b) l’utilisation ou non de bévacizumab ; c) l’utilisation ou non de bévacizumab chez les patients mKRAS.   Enfin, en analyses univariées, la SSRLR médiane était significativement influencée par le stade pT de la tumeur primitive (p < 0,0001), le stade pN de la tumeur primitive (p < 0,0001), l’envahissement ganglionnaire thoracique (p = 0,04), les métastases thoraciques multiples (p < 0,0001), les antécédentes de métastases hépatiques (p = 0,02) et le statut mutationnel (p < 0,0001). Les données sont présentées dans le tableau 3.   Tableau 3 : Analyses uni et multivariées des facteurs influençant la survie sans récidive locorégionale (test du log-rank et modèles proportionnels de Cox). Analyse univariée Analyse multivariée SG médiane (mois) (95 % IC) p OR (95 % IC) p Sexe – masculin – féminin   - 41 (11,21-70,8) - 50 (45,67-54,33) 0,65 ----- ----- Âge – < 60 – ≥ 60   - 50 (42,74-57,26) - 46 (28,74-63,26) 0,79 ---- ---- Site de la tumeur primitive – colon – rectum     - 50 (46,41-53,59) - 41 (21,82-60,18) 0,89 ----- ----- Stade pT de la tumeur primitive – pT1 – pT2 - pT3 - pT4     - 98 (93,93-102,07) - 60 (33,7-86,3) - 50 (48,97-51,03) - 10 (7,8-12,21)   < 0,0001     - 0,012 (0,003-0,052) - 0,191 (0,058-0,624) - 0,245 (0,109-0,548)       < 0,0001 0,006 0,001 Stade pN de la tumeur primitive – pN0 – pN+     - 51 (47,83-54,17) - 12 (0-29,49) < 0,0001     - 0,427 (0,238-0,768) 0,004 Envahissement ganglionnaire thoracique – oui – non     - 15 (4,83-25,17) - 51 (47,14-54,85) 0,04   -----   0,32 > 1 métastase thoracique – oui – non   - 24 (2,2-45,8) - 55 (41,28-68,72) <0,0001 ---- 0,13 Métastase hépatique – oui – non   - 51 (49,8-52,19) - 12 (7,78-16,22) 0,02   - 0,502 (0,253-0,998) 0,049 ACE préopératoire ≥ 5 – oui – non     - 49 (30,97-67,03) - 50 (41,86-58,14) 0,053 ---- 0,77 SSP < 24 mois – oui – non   - 41 (13,46-68,53) - 50 (45,87-54,13)   0,13   -----   ----- Statut mutationnel – WT – mBRAF – mKRAS     - 76 (68,57-83,43) - 5 (2,92-7,08) - 44 (34,83-53,17) < 0,0001     - 0,067 (0,025-0,178)   - 0,203 (0,09-0,457)     < 0,0001   < 0,0001 CPO – oui – non   - 50 (43,77-56,23) - 21 (0-52,65) 0,21 ---- ---- bévacizumab – oui – non   - 76 (67,55-84,45) - 36 (17,58-54,43) 0,003     - 4,05 (2,2-7,45) < 0,0001 SG : survie globale ; IC : intervalle de confiance ; OR : odds ratio ; ICC : index de comorbidités de Charlson ; WT : Wild Type ; mBRAF : mutations BRAF ; mKRAS : mutations KRAS.   En analyses multivariées, la non-utlisation du bévacizumab était associée à un plus mauvais pronostic (OR: 4,05 [95 % IC : 2,2-7,45], p < 0,0001). Enfin, un faible stade pT de la tumeur primitive (p < 0,0001), le statut pN0 de la tumeur primitive (p = 0,004), l’absence d’antécédents de métastases hépatiques (p = 0,049) et le statut mutationnel (à savoir l’absence de mBRAF, p < 0,0001) étaient associés à un pronostic favorable. Les données sont compilées dans le tableau 3.   4. DISCUSSION La place de la chimiothérapie dans la prise en charge chirurgicale des métastases pulmonaires de CRC n’est pas clairement définie. En effet, deux questions sont actuellement sans réponses: 1/ La chimiothérapie améliore-t-elle la SG et la SSRLR ; 2/ À quel moment devrait-elle être réalisée? Jusqu’à présent, les données publiées ne permettent pas de répondre à ces questions. En effet, les séries publiées sur la métastasectomie pulmonaire de CRC ont identifié de nombreux facteurs pronostiques, dont la chimiothérapie. Cependant les suites spécifiques de ce groupe particulier de patients ont rarement été investiguées. En effet, seulement quelques études rétrospectives réalisées sur de petites cohortes se sont réellement intéressées à la chimiothérapie périopératoire. Dans un travail portant sur 221 patients, dont 176 ayant bénéficié d’une chimiothérapie adjuvante, Park et al. [9] ont conclu à une amélioration de la DFS en cas d’utilisation de la chimiothérapie adjuvante (32,7 mois vs 11,2 mois, p = 0,076). Cependant, les auteurs ne rapportaient pas d’impact de la chimiothérapie sur la SG (89,6 mois vs 86,8 mois, p = 0,833). Dans un autre travail portant sur 51 patients, Hawkes et al. [10] concluaient à une amélioration aussi bien de la SG à 5 ans (74 % vs 68 %) que de la survie sans récidive (38 % vs 18 %). Cependant, dans cette dernière étude, les données sur le timing de la chimiothérapie n’étaient pas disponibles. Dans un travail rétrospectif portant sur 229 patients, dont 49 % avaient bénéficié d’une chimiothérapie néo-adjuvante, Subbiah et al. [11] rapportaient une augmentation significative de la survie sans progression en cas de chimiothérapie néo-adjuvante à la chirurgie pulmonaire (18,8 vs 18,1 mois, p = 0,004). Dans notre travail, nous avons noté que, bien que non significatif, l’utilisation de la chimiothérapie était associée à une amélioration de la SG ainsi que de la SSRLR, en particulier en situation adjuvante. Cette observation est en faveur d’une utilisation de la chimiothérapie en situation adjuvante après métastasectomie pulmonaire. Et ce d’autant plus que la chimiothérapie néo-adjuvante pourrait retarder le geste chirurgical et rendre les lésions inopérables en fin de traitement. De plus, certains auteurs ont montré que la chimiothérapie pourrait être associée à une toxicité plus importante en situation néo-adjuvante [12]. Cependant, il est tout de même important de noter que bien que la chimiothérapie néo-adjuvante semble être associée dans notre travail à des suites plus péjoratives, et notamment en terme de SSRLR, ce sous-groupe comportait significativement plus de patients mBRAF, présentant les pires SG et SSRLR. Ceci pourrait ainsi au moins partiellement expliquer les SG et SSRLR plus mauvaises, associées à la chimiothérapie néo-adjuvante. Jusqu’à présent, une seule étude a reporté des données sur l’utilisation du bévacizumab dans la métastasectomie pulmonaire de CRC [11], et a conclu à l’absence de bénéfice (SG médiane : 51,5 vs 55,1 mois, p = 0,435). Cependant, dans ce travail, seuls 47 patient avaient bénéficié de bévacizumab. Dans notre travail, l’utilisation du bévacizumab était associée, en analyses uni comme multivariées, avec une amélioration significative de la SG et de la SSRLR, plus particulièrement en situation adjuvante. Cette fois encore, cette observation plaide en faveur de l’utilisation du bévacizumab en situation adjuvante. De façon intéressante, nous avons noté que le bénéfice du bévacizumab n’était observé que chez les patients présentant une mutation du codon 12 de l’exon 2 de KRAS. À notre connaissance, notre travail est le premier à rapporter ce bénéfice après métastasectomie pulmonaire de CRC. Dans une précédente publication sur les CRC métastatiques, Dadduzio et al. [13] ont également rapporté un bénéfice à l’utilisation du bévacizumab chez les patients présentant une mutation du codon 12 de l’exon 2 de KRAS, sans bénéfice chez les patients présentant une mutation du codon 13. Un nombre croissant de publications est en faveur de l’existence de multiples types de mutations de KRAS, en fonction de la substitution acide aminé, conduisant à différents comportements de la cellule cancéreuse [14,15]. De façon intéressante, de précédentes études ont montré que la mutation du codon 12 de KRAS était associée à une augmentation importante de la production de « vascular-endothelial growth factors » (VEGF), impliqué dans la lymphangiogenèse, en comparaison au codon 13 [16,17]. Plus récemment, Schweiger et al. [18] ont montré qu’une lymphangiogenèse augmentée était associée à des taux plus élevés de récidive ganglionnaire et des taux de survie plus faibles. Une part de l’explication au bénéfice du bévacizumab pourrait donc résider sur le fait que ce dernier est connu pour diminuer les effets biologiques du VEGF. De plus, ceci pourrait partiellement expliquer les SG plus faibles et les taux de récurrence ganglionnaire plus élevés chez les patients mKRAS, aussi bien dans cette étude que dans notre précédente publication [6]. Cependant, le vrai bénéfice du bévacizumab et sa durée d’utilisation doivent encore être définis. En effet, dans l’essai de phase III « National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project » (NSABP) comparant en situation adjuvante bévacizumab et Folofox6 vs Folfox6 seule dans les stades II et III de cancer de colon, Allegra et al. [19] ne rapportaient pas de bénéfice à l’utilisation du bévacizumab sur la DFS, bien qu’un effet positif initial ait été noté dans le groupe expérimental pendant la période d’exposition. Ceci a conduit les auteurs à conclure à un effet du bévacizumab sur les cellules cancéreuses durant la période d’exposition, avec un effet rebond à son arrêt. Quoi qu’il en soit, le statut moléculaire n’a pas été pris en compte dans cette étude. En effet, nous n’avons pas noté de bénéfice du bévacizumab sur les patients mBRAF, bien que ce sous-groupe ait été de faible taille, ainsi que chez les patients WT. En conséquence, des études sur la chimiosensibilité des tumeurs en fonction de leur statut mutationnel semblent plus que nécessaires, afin d’adapter chimiothérapies et thérapeutiques ciblées. Comme nous l’avions précédemment publié [6], nous avons confirmé que le statut mutationnel était un facteur pronostique indépendant après métastasectomie pulmonaire de CRC. Nous avions précédemment conclu que les patients mBRAF, du fait de leur mauvais pronostic, ne semblaient pas être de bons candidats à la métastasectomie pulmonaire. Nous confirmons ici cette observation, et ce d’autant plus que 65 % des patients mBRAF avaient bénéficié d’une chimiothérapie, ce qui pour autant ne permettait pas d’excéder une SG médiane de 16 mois après chirurgie. Par ailleurs, nous avions précédemment montré que les patients mKRAS présentaient plus fréquemment des facteurs de mauvais pronostic après métastasectomie pulmonaire (en particulier un envahissement ganglionnaire thoracique, des métastases multiples et des antécédents de métastases hépatiques) [7], et comme dans ce travail, que le pronostic des patients mKRAS était plus mauvais que celui des WT. Cependant, des SG et SSRLR de longue durée peuvent être atteintes avec le bévacizumab (101 mois et 70 mois, respectivement). Par conséquent, il ne semble pas licite d’exclure les patients mKRAS d’un traitement chirurgical. Cependant, nos résultats doivent être interprétés avec précaution du fait de quelques limitations. Premièrement, il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective sur un échantillon de petite taille. De plus, du fait de sa nature rétrospective, les données sur les récidives extrathoraciques n’étaient pas disponibles, mais seraient intéressantes à prendre en compte dans des études prospectives futures. Par ailleurs, les données moléculaires ont été obtenues à partir du CRC primitif et non des métastases. On peut donc se poser la question de la concordance moléculaire. Cependant, Cejas et al. [20] dans leur travail ont rapporté un taux de concordance de 94 %. Par ailleurs, notre travail couvre une période de 13 ans, durant laquelle il y a pu y avoir des modifications dans la prise en charge des patients. Cependant, une longue période d’étude semblait nécessaire pour obtenir une puissance statistique suffisante. Enfin, les différents protocoles de chimiothérapie utilisés ont également pu impacter la survie des malades. En conclusion, à notre connaissance, ce travail est le premier à rapporter un bénéfice à l’utilisation du bévacizumab chez les patients ayant bénéficié d’une métastasectomie pulmonaire de CRC et présentant une mutation du codon 12 de l’exon 2 de KRAS. Il semblerait que la chimiothérapie, tout comme le bévacizumab, apporte un bénéfice en situation adjuvante aussi bien sur la SG que la SSRLR. Nous pensons que les marqueurs moléculaires peuvent être utiles non seulement à la sélection des patients qui pourraient bénéficier d’une métastasectomie pulmonaire, mais également à l’adaptation des thérapeutiques adjuvantes, et ce d’autant plus que la réponse à la chimiothérapie et aux thérapeutiques ciblées semble être différente en fonction du statut mutationnel. Ainsi, ces marqueurs pourraient être utilisés en routine dans le futur. Il semblerait également que les patients mBRAF ne soient pas de bons candidats à une chirurgie, à la différence des patients mKRAS, chez qui de longues SG et SSRLR peuvent être obtenues, en particulier grâce au bévacizumab. Cependant, nos résultats doivent être interprétés avec précaution du fait des limitations déjà détaillées. Quoi qu’il en soit, plus d’études soient nécessaires pour évaluer la sensibilité des cellules cancéreuses en fonction de leur statut mutationnel, afin d’adapter le traitement adjuvant.   RÉFÉRENCES Fitzmaurice C, Dicker D, Pain A, Hamavid H, Moradi-Lakeh M, MacIntyre MF, et al. The Global Burden of Cancer 2013. JAMA Oncol 2015 Jul;1(4):505-27. Ferlay J, Steliarova-Foucher E, Lortet-Tieulent J, Rosso S, Coebergh JW, Comber H et al. Cancer incidence and mortality patterns in Europe: estimates for 40 countries in 2012. Eur J Cancer 2013 Apr;49(6):1374-403. Pfannschmidt J, Hoffmann H, Dienemann H. 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septembre 15, 2016
Chirurgie thoracique · Vol. 20 Septembre 2016

Existe-t-il une relation entre pollution atmosphérique et survenue des pneumothorax spontanés dans la ville de Caen ? Analyse rétrospective de 403 cas entre le 1er janvier 2009 et le 30 juin 2015

Maxime Heyndrickx1, Rémy Morello2, Christophe Le Grand3, Olivier Cantat4, Alexandre Masson1, Jean-Philippe Le Rochais1 Service de chirurgie thoracique, CHU de Caen, France. Service de biostatistiques, CHU de Caen, France. Physicochimiste, laboratoire Air COM, Hérouville-Saint-Clair, France. Climatologue, laboratoire LETG-Caen Géophen, UMR 6554 CNRS, université de Caen-Normandie, Caen, France. Correspondance : heyndrickx-m@chu-caen.fr   Résumé Objectifs : rechercher une corrélation entre le niveau de divers polluants atmosphériques et la survenue d’épisodes de pneumothorax spontanés (PS). Méthodes : analyse rétrospectives des PS observés au CHU de Caen entre janvier 2009 et juin 2015 (2372 jours consécutifs). Les interventions chirurgicales programmées, les pneumothorax traumatiques et les cas diagnostiqués en dehors de la ville de Caen ont été exclus. Les données atmosphériques et de pollution (ozone, dioxyde d’azote (NO2), particules de taille ≤ 10 µm et ≤ 2,5 µm) étaient relevées quotidiennement. Les jours sans et avec PS ont été comparés par le test t de Student. Résultats : l’âge moyen était de 35.6 ans chez les 403 cas de PS retrouvés (66 % âge < 35 ans), 79,4 % des PS ont été admis dans un Cluster ≤ 3 jours. Aucun paramètre météorologique ou de pollution atmosphérique ne semble influencer la survenue de PS. Les jours appartenant à un Cluster sont significativement plus humides (p = 0,004), moins ensoleillés (p = 0,016), avec une concentration moyenne de NO2 plus élevée (p = 0,022), et des concentrations moyennes et maximales d’Ozone plus faibles (p = 0,0001 et p = 0,003 respectivement). Conclusion : une grande majorité de pneumothorax spontanés apparaissent durant des Clusters ≤ 3 jours, avec des concentrations moyennes de NO2 plus élevés et des concentrations moyennes et maximales d’Ozone plus faibles.   Abstract Is there a relationship between air pollution and occurrence of spontaneous pneumothorax in Caen? Retrospective analysis of 403 cases between January 1st, 2009 and June 30th, 2015 Objectives: Search for a correlation between levels of various air pollutants and occurrence of spontaneous pneumothorax (SP). Methods: Retrospective analysis of SP observed at Caen University Hospital between January 2009 and June 2015 (2372 consecutive days). Scheduled surgeries, traumatic pneumothorax and cases diagnosed outside the city of Caen were excluded. Atmospheric data and pollution (ozone, nitrogen dioxide, particles sized ≤10μm and ≤2.5μm) were recorded daily. Days without and with SP were compared by the Student’s t-test. Results: The mean age among 403 cases of SP was 35.6 years (66% age <35 years). 79.4% of SP were admitted in a Cluster ≤ 3 days. No meteorological parameter or air pollution seems to influence the occurrence of SP. Days inside Cluster are significantly wetter (p=0.004), less sunny (p=0.016), with higher average concentration of NO2 (p=0.022), and lower average and maximum concentrations of ozone (p=0.0001 and p=0.003, respectively). Conclusions: A large majority of spontaneous pneumothorax appears during Cluster ≤3 days, in which average concentrations of NO2 were higher, and average and maximum concentrations of ozone were lower.   1. INTRODUCTION Le pneumothorax spontané (PS) est défini comme la survenue spontanée d’un épanchement pleural gazeux. Le pneumothorax est dit primaire (PSP) s’il apparaît chez des patients ne présentant pas de pathologies pulmonaires sous-jacentes. Celui-ci est secondaire (PSS) lorsqu’il existe de l’emphysème pulmonaire, une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), ou toute autre pathologie pulmonaire. Le PSP touche principalement des patients jeunes et de morphotype marfanoïde. Les autres facteurs de risque connus sont le sexe masculin, le tabagisme, la consommation de cannabis [1]. La survenue de PS, en particulier de PSP, ne suit pas une distribution normale. Plusieurs études montrent qu’une majorité des cas surviennent dans des périodes de quelques jours rapprochés, dit « Clusters ». Cet effet a été attribué à des modifications de pression atmosphérique par plusieurs auteurs [2-5]. Cependant deux études ont retrouvé une influence de la pollution atmosphérique dans la survenue de PS [6-7]. Le but de ce travail est de rechercher une corrélation entre niveau de divers polluants atmosphériques et survenue d’épisodes de PS dans une région géographique limitée.   2. MATÉRIEL ET MÉTHODE Le Comité de protection de personnes Nord-Ouest III (CPP Nord-Ouest III) a approuvé cette étude rétrospective. Les cas de pneumothorax observés et traités dans le service de chirurgie thoracique ou de pneumologie du CHU de Caen entre le 1er janvier 2009 et le 30 juin 2015 (2372 jours consécutifs) ont été rétrospectivement collectés. La présélection des patients a été réalisée par la recherche des codes PMSI (de la Classification internationale des maladies, version 10) J930 (pneumothorax spontané avec pression positive), J931 (autres pneumothorax spontanés), J938 (autres pneumothorax) et J939 (pneumothorax, sans précision) sur les unités de chirurgie thoracique et de pneumologie durant la période de l’étude ; puis par relecture de l’ensemble des dossiers patients. Le recueil de données a été réalisé entre le 1er juillet et le 31 août 2015. Le diagnostic de pneumothorax a toujours été porté sur une radiographie pulmonaire en inspiration, suite à une consultation pour dyspnée, toux ou douleur thoracique. Le jour retenu de survenue du pneumothorax a été le jour des premiers symptômes, et pas le jour du diagnostic radiologique. D’après l’étude épidémiologique de Gupta et al. [8], nous avons décidé de considérer que seuls les patients âgés de 15 à 35 ans devraient être considérés comme des PS idiopathiques ou primaires (PSP), avec une faible probabilité de pathologie pulmonaire sous-jacente. Les patients âgés de plus de 35 ans, ou présentant une pathologie pulmonaire ont été classés comme PS secondaires (PSS). Les interventions chirurgicales programmées, les pneumothorax traumatiques et les pneumothorax iatrogènes ont été exclus. Pour s’assurer que l’ensemble des patients aient expérimenté les mêmes conditions climatiques, les patients diagnostiqués en dehors de la ville de Caen (111 000 habitants, superficie de 25,7 km² [9]), et ensuite référés dans notre service, ont aussi été exclus de cette étude.   2.1. Prise en charge des patients Les PS ont été traités soit par surveillance simple, soit par drainage thoracique, en général par Pleurocath® Seldinger 10 French (Plastimed, Italie), ou bien par drainage conventionnel par trocart de Monod 24 F. Une intervention chirurgicale était proposée et pratiquée, comme recommandé par la British Thoracic Society [10] et l’European Task Force [1], s’il existait un des critères suivants : Un bullage supérieur à 5 jours après drainage thoracique. En cas de professions à risque (pilotes, marins, etc.). Une récidive (homo ou controlatérale) de pneumothorax. Lorsqu’une intervention était réalisée, celle-ci consistait en une résection atypique limitée de l’apex pulmonaire, associée à un avivement pleural au tampon monté, par vidéothoracoscopie.   2.2. Données météorologiques Pour chacun des jours de la période de l’étude, les données météorologiques ont été obtenues par l’observatoire météorologique de Caen-Carpiquet de Météo-France. Les données suivantes ont été relevées : Température minimale, maximale et moyenne. Pression atmosphérique minimale, et moyenne. Tension de vapeur d’eau. Vitesse moyenne et maximale du vent. Pourcentage d’ensoleillement (pourcentage du temps de soleil sur la durée de jour). Précipitation. Humidité relative minimale, maximale et moyenne.   2.3. Données sur la pollution atmosphérique Les données de pollution atmosphérique ont été collectées et traitées par Air COM, association certifié ISO 9001, chargée de la production de données de mesures de la qualité de l’air pour l’information du public et le déclenchement des procédures d’alerte à la pollution atmosphérique. Les données quotidiennes mesurées sur la ville de Caen des polluants suivants ont été relevées pour chacun des jours de l’étude : Pic et concentration moyenne de PM10 (particules de taille inférieure à 10 µm). Pic et concentration moyenne de PM2.5 (particule de taille inférieure à 2,5 µm). Pic et concentration moyenne ozone (O3) en µg/m3. Pic et concentration moyenne dioxyde d’azote (NO2) en µg/m3.   2.4. Clusters Un Cluster a été défini comme une période ≤ 3 jours entre deux épisodes de PS [2-4]. Tous les jours compris entre le premier épisode et le dernier épisode de pneumothorax d’un Cluster appartiennent à ce Cluster.   2.5. Analyse statistique Les comparaisons des groupes de variables qualitatives ont été effectuées par le test du Chi2 ou le test exact de Fischer pour les petits effectifs. Les comparaisons des variables quantitatives ont été effectuées par le test t de Student. Une valeur de p inférieure à 0,05 a été considérée comme significative.   3. RÉSULTATS Il y a eu 798 cas de pneumothorax traités dans notre service durant la période de l’étude (2372 jours). Quatre cent trois cas de PS, chez 309 patients (228 hommes, représentant 289 cas, et 81 femmes, représentant 112 cas ; sexe ratio de 2,81) remplissaient les critères d’inclusions et représentent la population de l’étude. La figure 1 représente le flow-chart de l’étude. L’âge moyen était de 35,6 ans (min 15,8 ans, max 91,6 ans), 70 % des patients avaient moins de 35 ans et 7,9 % plus de 70 ans. La distribution des âges est représentée par la figure 2. [caption id="attachment_2527" align="aligncenter" width="300"] Figure 1 : Flow-chart de l'étude.[/caption] [caption id="attachment_2528" align="aligncenter" width="228"] Figure 2 : Distribution des âges.[/caption]   Les patients ont été traités par 365 drainages thoraciques et 38 surveillances. Au total, 108 interventions chirurgicales ont été réalisées lors de la même hospitalisation. Les 403 patients ont été admis sur 366 jours distincts dont 35 jours avec l’admission de plus d’un cas de PS par jour. Trois cent vingt cas de PS ont été admis dans 99 Clusters ≤ 3 jours (79,4 %), regroupant un total de 514 jours.   3.1. Données météorologiques Les données moyennes, minimales et maximales de chacun des paramètres météorologiques testés sont regroupées dans le tableau 1.   Variable (données quotidiennes) Moyenne Minimum Maximum Température moyenne (C°) 10,9 - 4,2 25,4 Précipitations (mm) 1,9 0 48,2 Insolation (%) 41,1 0 96 Pression atmosphérique moyenne (hPa) 1016,1 972,8 1041,5 Vitesse du vent (m/s) 4,18 1 12,6 Humidité relative moyenne (%) 81,8 52 100 Orages (occurrence) 67 jours : 2,82 % des jours Brouillards (occurrences) 318 jours : 13,4 % des jours Tableau 1. Résultats des principales données météorologiques sur les 2372 jours de l’étude.   3.2. Données de pollution atmosphérique Les principaux résultats des données de pollution atmosphérique sont regroupés dans le tableau 2. Les normes de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) ont été ajoutées, à titre indicatif [11]. Les données ont été disponibles dans la majorité des jours (entre 92,1 et 99,5 % des jours de l’étude) en raison de panne d’appareils de mesures.   Polluant Unité Norme OMS quotidienne Nombre de jours disponibles Moyenne quotidienne Minimum Maximum Ozone (O3) µg/m3 300 µg/m3 2360 (99,5 %) 50,4 2 122 PM 10 µg/m3 50 µg/m3 2269 (95,7 %) 20,8 4 91 PM 2,5 µg/m3 25 µg/m3 2185 (92,1 %) 13,8 0 79 Dioxyde d'azote (NO2) µg/m3 40 µg/m3 2325 (98,0 %) 18,4 1 66 Tableau 2. Résultats des principales données de pollution atmosphériques.   3.3. Analyse univariée Il n’existait pas de relation entre jours de brouillard (p = 0,73) ou jours d’orages (p = 0,252) et jours de survenue des pneumothorax.   3.3.1. Analyse des jours de pneumothorax Les tableaux 3 et 4 représentent les résultats de l’analyse univariée, comparant les jours de survenue d’un pneumothorax (366 jours), aux jours sans survenue de pneumothorax. Aucun paramètre météorologique ou de pollution atmosphérique ne semble influencer la survenue de pneumothorax spontané.   Variable Unité Jour avec PS Nombre de jours Moyenne Écart type p Température minimale C° oui 366 7,10 5,33 0,968 non 2006 7,09 5,03 Température maximale C° oui 366 14,93 6,42 0,397 non 2006 15,24 6,41 Température moyenne C° oui 366 10,75 5,42 0,473 non 2006 10,97 5,32 Précipitations mm oui 366 1,92 3,89 0,991 non 2006 1,92 4,02 Insolation journalière % du jour oui 366 38,60 29,63 0,086 non 2006 41,58 30,71 Pression atmosphérique minimale hPa oui 360 1013,03 10,44 0,941 non 1967 1013,07 10,67 Pression atmosphérique moyenne hPa oui 366 1016,03 9,67 0,773 non 2006 1016,19 9,72 Variation de la pression atmosphérique moyenne sur 24 h hPa oui 366 -,21 5,78 0,459 non 2005 ,032 5,69 Variation de la pression atmosphérique moyenne sur 48 h hPa oui 366 -,27 8,60 0,527 non 2004 ,042 8,77 Variation de la pression atmosphérique moyenne sur 72 h hPa oui 366 -,09 10,16 0,875 non 2003 ,005 10,35 Vitesse moyenne du vent m/s oui 366 4,20 1,82 0,832 non 2006 4,18 1,78 Vitesse maximale du vent m/s oui 366 11,51 4,35 0,730 non 2006 11,43 4,15 Tension de vapeur d’eau hPa oui 366 10,89 3,51 0,775 non 2006 10,94 3,42 Humidité relative minimale % oui 366 61,30 13,45 0,686 non 2006 60,98 14,11 Humidité relative maximale % oui 366 94,75 3,76 0,545 non 2006 94,88 3,71 Humidité relative moyenne % oui 366 81,51 7,37 0,369 non 2006 81,12 7,70 Tableau 3. Comparaison des paramètres météorologiques selon la survenue de pneumothorax.     Variable Unité Jour avec PS Nombre de jours Moyenne Écart type p Concentration moyenne d’ozone µg/m3 oui 364 49,32 17,43 0,206 non 1996 50,56 17,23 Concentration maximale d’ozone µg/m3 oui 366 73,48 20,77 0,593 non 2005 74,12 21,01 Concentration moyenne de PM10 µg/m3 oui 355 21,39 13,20 0,326 non 1914 20,70 12,06 Concentration maximale de PM10 µg/m3 oui 361 33,98 20,30 0,183 non 1975 32,53 18,82 Concentration moyenne de PM2,5 µg/m3 oui 343 14,03 11,29 0,709 non 1842 13,80 10,44 Concentration maximale de PM2,5 µg/m3 oui 356 23,21 17,33 0,501 non 1911 22,58 16,08 Concentration moyenne de NO2 µg/m3 oui 356 19,06 10,99 0,166 non 1969 18,22 10,46 Concentration maximale de NO2 µg/m3 oui 361 41,13 21,83 0,262 non 1989 39,77 21,02 Tableau 4. Comparaison des données de pollution atmosphériques selon la survenue de pneumothorax. 3.3.2. Analyse des jours de Cluster Les tableaux 5 et 6 montrent les résultats des analyses comparant les jours appartenant à un Cluster aux autres journées, pour les données météorologiques et pour les données de pollution atmosphérique.   Variable Unité Jour appartenant à un Cluster Nombre de jours Moyenne Écart type p Température minimale C° oui 514 7,05 4,96 0,847 non 1858 7,10 5,11 Température maximale C° oui 514 14,86 5,99 0,162 non 1858 15,29 6,52 Température moyenne C° oui 514 10,71 5,08 0,261 non 1858 10,99 5,40 Précipitations mm oui 514 2,04 4,10 0,426 non 1858 1,88 3,97 Insolation journalière % du jour oui 514 38,24 30,03 0,016 non 1858 41,92 30,67 Pression atmosphérique minimale hPa oui 506 1013,38 10,55 0,453 non 1821 1012,98 10,65 Pression atmosphérique moyenne hPa oui 514 1016,36 9,82 0,605 non 1858 1016,11 9,68 Variation de la pression atmosphérique moyenne sur 24 h hPa oui 514 -0,36 5,63 0,115 non 1857 0,09 5,72 Variation de la pression atmosphérique moyenne sur 48 h hPa oui 514 -0,36 8,80 0,301 non 1856 0,09 8,73 Variation de la pression atmosphérique moyenne sur 72 h hPa oui 514 -0,21 10,32 0,616 non 1855 0,05 10,32 Vitesse moyenne du vent m/s oui 514 4,12 1,73 0,349 non 1858 4,20 1,80 Vitesse maximale du vent m/s oui 514 11,20 4,12 0,125 non 1858 11,52 4,20 Tension de vapeur d’eau hPa oui 514 10,89 3,37 0,723 non 1858 10,95 3,45 Humidité relative minimale % oui 514 62,01 13,37 0,065 non 1858 60,76 14,17 Humidité relative maximale % oui 514 95,02 3,53 0,300 non 1858 94,82 3,77 Humidité relative moyenne % oui 514 82,05 7,31 0,004 non 1858 80,94 7,72 Tableau 5. Comparaison des données météorologiques entres jours appartenant à un Cluster de pneumothorax.     Variable Unité Jour appartenant à un Cluster Nombre de jours Moyenne Ecart type p Concentration moyenne d’ozone µg/m3 oui 510 47,74 17,38 0,0001 non 1850 51,10 17,18 Concentration maximale d’ozone µg/m3 oui 514 71,55 20,62 0,003 non 1857 74,70 21,03 Concentration moyenne de PM10 µg/m3 oui 495 20,88 12,08 0,879 non 1774 20,78 12,30 Concentration maximale de PM10 µg/m3 oui 507 33,06 19,33 0,683 non 1829 32,67 18,99 Concentration moyenne de PM 2,5 µg/m3 oui 481 13,65 10,43 0,660 non 1704 13,89 10,62 Concentration maximale de PM 2,5 µg/m3 oui 498 22,79 16,74 0,860 non 1769 22,65 16,16 Concentration moyenne de NO2 µg/m3 oui 497 19,31 10,88 0,022 non 1828 18,09 10,44 Concentration maximale de NO2 µg/m3 oui 507 41,50 21,60 0,068 non 1843 39,56 21,01 Tableau 6. Comparaison des paramètres de pollution entres jours appartenant à un Cluster de pneumothorax.   Les jours de Cluster sont significativement des jours plus humides (p = 0,004) et moins ensoleillés (p = 0,016) que les jours n’appartenant pas à un Cluster. Les concentrations moyennes de NO2 sont plus élevées dans les jours de Cluster (p = 0,022). Il existe une tendance à une concentration maximale de NO2 plus élevée aussi les jours de Cluster de PS (p = 0,068). Les concentrations moyennes et maximales d’ozone sont plus faibles les jours de Cluster de PS (p = 0,0001 et p = 0,003 respectivement).   3.3.3. Période en amont des Clusters Lorsque l’on compare le premier jour d’un Cluster (J0) à la veille de ce jour (J-1) sur l’ensemble des paramètres météorologiques ou de pollution atmosphérique, seul deux paramètres sont significatifs. Les taux de NO2 moyen et maximal sont plus faibles à J-1 qu’à J0 : respectivement p = 0,023 (17,2 versus 20,55 µg/m3) et p = 0,032 (37,86 versus 44,43 µg/m3) Lorsque l’on effectue la même analyse entre le premier jour d’un Cluster (J0) et l’avant-veille de ce jour (J-2), les deux mêmes paramètres sont significatifs. Les taux de NO2 moyen et maximal sont plus faibles à J-2 qu’à J0 : respectivement p = 0,033 (17,38 versus 20,55 µg/m3) et p = 0,032 (37,3 versus 44,43 µg/m3).   4. DISCUSSION   4.1. Âge et incidence des pneumothorax L’âge de survenue des PS suit une répartition bimodale, avec un pic de PSP entre 15 et 35 ans et un deuxième pic de PSS après 55 ans [8]. Nous retrouvons le pic d’hospitalisation avant 35 ans (66 % des cas), mais sans forte recrudescence de cas après 55 ans (15,6 % des cas). L’incidence dans l’hypothèse où le bassin de population serait exclusivement la ville de Caen serait de 40,05/an/100 000 habitants par an pour les hommes et de 15,52 cas/an/100 000 habitants chez les femmes. Ces chiffres sont probablement surestimés car nos patients, bien que diagnostiqués dans la ville de Caen, n’y résident pas tous, mais plutôt dans l’agglomération caennaise, qui représente, non pas 111 000 habitants, mais plutôt 236 000 habitants (en se basant sur la population de la communauté d’agglomération de Caen-la-Mer [9]). On obtiendrait alors des incidences de PS de 18,83 cas/an/100 000 habitants pour les hommes et de 7,30 cas/an/100 000 habitants chez les femmes. Ces chiffres semblent cohérents avec ceux de Bense et al. [12], retrouvant un taux de PSP de 18/an/100 000 habitants pour les hommes et de 6/an/100 000 habitants pour les femmes.   4.2. Analyse des Clusters Selon la définition communément utilisée, il s’agit d’une période ≤ 3 jours durant lesquels sont admis au moins deux cas de PS. Haga et al. [4], sur 1051 cas, trouvaient une proportion de 87,8 % de PS arrivant dans ces Clusters. Dans cette étude, la zone géographique de survenue des pneumothorax était toutefois beaucoup plus grande que la nôtre (rayon de 50 km soit une surface de 7850 km², contre 25,7 km² dans notre série). Alifano et al. [3] retrouvaient une proportion de PS dans un Cluster de ≤ 3 jours de 84 %. Il utilisait toutefois des données de la CMI 10, et pas les données cliniques des patients. Smit et al. [2] décrivaient 73 % de PS admis dans un Cluster ≤ 3 jours, mais ne prenaient en compte que des PSP. Bertolaccini et al. en 2010 retrouvaient des proportions similaires de 85 % des cas dans des Clusters de 3 jours ou moins [6].   Auteur Année Nombre de cas de PS % de cas de PS dans un Cluster ≤ 2 jours ≤ 3 jours ≤ 4 jours Haga [4] 2012 1051 ND 87.8 ND Özpolat [5] 2009 669 ND 70.5 ND Alifano [3] 2007 294 ND 84 ND Smit [2] 1999 115 61 73 83 Bulajich [13] 2004 659 53.4 68.9 76.3 Bertolaccini [6] 2010 591 81 85 ND Série actuelle 2016 403 70.2 79.4 83.9 Tableau 7. Comparaison des répartitions en Cluster de la survenue des pneumothorax dans la littérature.   Dans notre série, 79,4 % des cas de PS arrivaient dans ces Clusters. Ce chiffre semble comparable aux données connues de la littérature, résumées dans le tableau 7, et confirme l’impression clinique de la survenue des pneumothorax en « mini-épidémies » [1]. Cette donnée est à la base de la recherche d’un facteur déclenchant environnemental commun à une grande partie des pneumothorax spontanés.   4.3. Données météorologiques Les données météorologiques confirment que la région de Caen est située dans un climat océanique, avec une température moyenne élevée et de faibles variations de température et de pression atmosphérique au fil des saisons. L’humidité y est élevée (humidité relative moyenne de 81,2 %), avec une insolation faible (41 % d’insolation quotidienne) et des précipitations peu intenses mais régulières (en moyenne moins de 2 mm par jour).   4.3.1. Pression atmosphérique La pression atmosphérique a été un des paramètres les plus étudiés dans les diverses études de la littérature. Plusieurs séries suggèrent qu’une variation de pression atmosphérique pourrait être un facteur explicatif de PS. Les principales données disponibles sont résumées dans le tableau 8.   Auteur Nombre de cas de PS Résultats sur les variations de pression atmosphériques Alifano [3] 294 Chute de la pression atmosphérique moyenne entre le jour D et le jour D-1 (la veille) : -1,2 (± 4,1) hPa le premier jour du Cluster. 0 (± -4,4) hPa les autres jours. Özpolat [5] 669 Différence de pression atmosphérique moyenne entre le jour D et le jour D-1 (la veille) (p = 0,003) : + 0,2 hPa en cas de PS. - 0,4 hPa en l’absence de PS. Haga [4] 1051 Différence de pression atmosphérique moyenne entre le jour D et le jour D-1 (la veille) (p = 0,015) : - 0,4 hPa en cas de PSP. +0,2 hPa en l’absence de PSP. Tableau 8. Variation de pression atmosphériques et pneumothorax spontanés dans la littérature.   Cependant ces données ne sont pas retrouvées constamment dans les études, certains auteurs ne retrouvent pas de différences de variation de pression atmosphérique [2,13] entre les jours de pneumothorax et les autres jours de leurs périodes d’études. Dans notre série, il n’existait pas de variation significative de pressions atmosphériques concomitantes à la survenue de PS. Cette notion de variation de pression atmosphérique est possiblement un facteur confondant et participe peut-être à la survenue de pneumothorax, mais ne doit probablement pas être un facteur principal. En effet, les différences de pression atmosphériques relevées dans les diverses séries de la littérature sont souvent inférieures à 1 hPa entre les jours de survenue de PS et les autres journées. Un hPa correspond à la variation de pression atmosphérique pour une monté de 10 m soit environ 3 étages. Or bon nombre de personnes subissent des variations de pression atmosphérique beaucoup plus importantes dans leur vie de tous les jours (par exemple : vie en montagne, travail en altitude/building, personnel naviguant, travail en atmosphère contrôlée/pressurisée, etc.), sans que ces situations n’aient jamais été incriminées comme étant plus pourvoyeuses de pneumothorax.   4.3.2. Orages L’influence des orages sur la survenue de PS a été étudiée par Smit, qui retrouvait une augmentation du risque relatif de PS le lendemain d’un orage (RR = 1,64, IC95 % [1,009-2,665]) et le surlendemain d’un orage (RR = 1,67, IC95 % [1,039-2,694]) [2]. Alifano retrouvait quant à lui une forte corrélation entre ses 48 jours d’orages (sur 1461 jours de période d’étude) et survenue de PS : 26/267 en cas de PS versus 22/1146 en l’absence de PS (p < 0,0001) [3]. Obuchi retrouvait aussi une surreprésentation des cas de PS un et deux jours après orages [14]. Il n’existait pas de relation entre jours d’orages et jours de survenue des pneumothorax (p = 0,252) dans notre série, et ce même dans les analyses de sous-groupe (premier/récidive épisode de PS ou PSPg/PSS). Néanmoins la prévalence d’orages est faible dans notre région d’étude avec seulement 67 jours d’orages sur plus de 2300 jours.   4.4. Pollution atmosphérique Plusieurs séries ont étudié l’effet de divers polluants atmosphériques sur les taux d’admission en urgence ou de décès, en particulier sur des pathologies cardiovasculaires ou respiratoires.   4.4.1. Taux de PM10 et PM2,5 Nous n’avons pas retrouvé d’association entre PS et taux de particules fines (PM 10 ou PM2,5) en suspension, que cela soit pour les jours de survenue de PS ou bien les périodes de Clusters. Nous avons étudié ces paramètres car il existe de nombreuses données relatives à l’exposition aiguë ou chronique aux particules fines. Des niveaux élevés de PM10 étaient associés à un risque relatif plus élevé d’exacerbation d’asthme [15]. Une méta-analyse de Fan et al en 2015 [16] retrouvait une augmentation du risque relatif de crise d’asthme de 1,5 % (IC95 % [1,2 %-1,7 %]) pour chaque augmentation de 10µg/m3 de PM2,5. Une étude de cohorte récente montrait une baisse significative du VEMS d’environ 7 % pour chaque augmentation de 5 µg/m3 de PM2,5 [17]. Perez et al. [18] sur une étude couvrant 10 ans en Suisse retrouvaient qu’une augmentation de PM10 de 10 µg/m3 entraînait une augmentation des hospitalisations pour urgences cardiovasculaires de 0,43 % (IC95 % [0,12 %-0,73 %]).   4.4.2. Taux de NO2 Les oxydes d’ozone (NOx) et en particulier le dioxyde d’azote sont des marqueurs de pollution atmosphérique. Le NO2 est principalement produit par la combustion des énergies fossiles. Nous n’avons pas trouvé de différence significative de taux moyen ou maximal de NO2 entre les jours sans et les jours avec survenue de PS. Par contre, le taux de NO2 moyen était significativement plus élevé lors des périodes de Clusters (p = 0,022). Dans une étude suisse récente de 2015 [18], une augmentation du taux de NO2 de 10 µg/m3 avait pour conséquence une augmentation du taux de décès de causes respiratoires de 2,7 % (IC95 % [0,5 %-5,0 %]), et du taux de décès de motifs cardiovasculaires de 0,7 % (IC95 % [0,1%-1,3 %]).   4.4.3. Taux d’ozone L’ozone de basse atmosphère est formé par la réaction : NO2 → NO + O, puis O + O2 → O3 Cette réaction se fait grâce à l’absorption de photons et nécessite donc un ensoleillement relatif ainsi que la présence de catalyseurs. Ainsi le taux d’ozone n’est pas directement proportionnel à la pollution atmosphérique, mais dépend aussi des conditions climatiques. Il existe donc souvent une relation inversement proportionnelle entre taux de NO2 et taux d’O3 Les taux moyens et de pic d’ozone lors des périodes de Clusters se sont révélés plus faibles que hors de ces périodes dans notre série (p = 0,0001 et p = 0,003 respectivement). Paradoxalement, dans l’étude de Kim et al. [19] des taux élevés d’ozone étaient corrélés à des crises d’asthme plus fréquentes.   4.4.4. Survenue des pneumothorax Le rôle de la pollution atmosphérique dans la survenue des PS n’a été étudié que par un seul auteur sur deux études, l’une conduite à Turin [6] et l’autre à Cuneo [7] en Italie. La première étude portait sur 591 cas de pneumothorax, regroupé en 363 jours, sur une période d’étude de 1918 jours dans la ville de Turin. Celle-ci retrouvait une distribution anormale de la survenue des pneumothorax, accréditant le concept de Cluster. Concernant les données de pollution atmosphérique, il existait une augmentation du nombre d’admissions pour PS lors des augmentations de taux de moyen de NO2 et lors des baisses des concentrations moyennes et minimales d’ozone [6]. Dans la deuxième étude de Bertolaccini, celui-ci analysait la répartition de 451 PSP répartis sur 2557 jours d’étude dans la ville de Cuneo. Les variables qui avaient la plus grande influence sur la survenue des PSP étaient les anomalies de températures, la vitesse du vent, les concentrations minimales d’ozone et les concentrations maximales de NO2 [7]. Dans ces deux études, Bertolaccini ne s’était pas intéressé aux Clusters, mais à l’ensemble des cas de PS [6,7]. Il retrouve cependant comme dans notre série des relations positives entre survenue de PS et taux de NO2 élevé d’une part, et PS et taux faible d’ozone d’autre part. Nous retrouvons les mêmes constatations, mais seulement lors des périodes de Clusters et pas lors de l’ensemble des cas de PS. L’analyse des deux jours en amont des Clusters (J-1 et J-2) montre que le taux de NO2 (moyen et maximal) est plus faible durant ces jours que lors du premier jour d’un Cluster (J0). L’intérêt de cette étude des jours en Cluster est qu’il existe probablement de multiples causes à la survenue de pneumothorax. En étudiant les Clusters plutôt que tous les épisodes de pneumothorax, nous pouvons espérer mettre en avant un facteur environnement commun plutôt que des facteurs individuels. Par exemple, un facteur de risque individuel de PS connu est un morphotype longiligne [1]. Cela est possiblement dû à des causes biomécaniques, entraînant un « stress » de l’apex pulmonaire [20]. Un facteur de risque de survenue d’un PS connu est la consommation de tabac [1]. Il est prouvé que la combustion du tabac dégage de forts taux de NO2. Il est donc logique de retrouver ce polluant atmosphérique comme un facteur associé aux PS, même si la physiopathologie de la survenue des PS n’est pas clairement élucidée. Concernant le taux d’ozone, celui-ci varie de façon inverse au taux de NO2. Il est donc aussi logique de retrouver des taux d’ozone bas lors des pics de NO2 et donc lors des Clusters de PS. Des études fondamentales sur le rôle du NO2 et de l’ozone sur le tissu pulmonaire doivent être réalisées afin de comprendre les liens physiopathologiques entre PS et NO2/ozone.   5. LIMITES   5.1. Limites de l'étude Les principales limites de cette étude sont : Son design rétrospectif. L’existence de quelques données météorologiques et de pollution manquantes, dues à des pannes d’appareils de mesures. La possibilité que certains patients n’aient pas été adressés dans notre service. Le risque que certains patients aient été traités en ambulatoire ou n’aient pas consultés, ce qui est une possibilité dans les pneumothorax de faible abondance. Le manque de données concernant le tabagisme et la consommation de cannabis. Le manque de données concernant l’indice de masse corporelle des patients. Ces biais, en limitant le nombre de patients, ou en excluant des possibles facteurs confondants, réduisent la puissance de l’étude.   5.2. Points forts de l'étude Cependant notre étude possède plusieurs points forts : Proximité géographique et exclusion des cas diagnostiqués en dehors de la ville de Caen. Ces critères d’inclusion stricts ont permis de s’assurer que l’ensemble des patients ont expérimenté les mêmes conditions climatiques et de pollution. Une période d’étude de plus de 6 ans (2372 jours), l’une des plus longues de la littérature sur le sujet. Les données météorologiques collectées par Météo-France, et les données de pollution atmosphérique collectées par une association certifiée ISO 9001 (Air COM) sont d’une grande précision.   6. CONCLUSION Notre étude confirme une incidence de PS plus élevée chez les hommes (18,83 cas/an/100 000 habitants) que chez les femmes (7,30 cas/an/100 000 habitants). Nous confirmons le fait qu’une grande majorité de pneumothorax spontanés apparaissent durant des Clusters de 3 jours ou moins : 79,4 % des cas, regroupé dans 99 Clusters représentant 514 jours soit dans 21,7 % des jours. Durant ces périodes de Clusters, les jours sont moins ensoleillés et plus humides. Il n’existe pas de différence de variation de pression atmosphérique entre les jours de survenue d’un pneumothorax, ou encore lors des épisodes de Clusters par rapport aux autres jours de la période de l’étude. Lors des épisodes de Clusters, il existe des concentrations moyennes de NO2 plus élevées que durant les autres jours. A contrario, les concentrations moyennes et maximales d’ozone sont moins élevées durant les Clusters que durant les autres jours de notre période d’étude. D’autres études sur diverses régions doivent confirmer ces données, et expliquer les liens physiopathologiques entre ces niveaux de polluants et la survenue de PS.   RÉFÉRENCES Tschopp JM, Bintcliffe O, Astoul P et al. ERS task force statement: diagnosis and treatment of primary spontaneous pneumothorax. Eur Respir J 2015;46(2):321-35. Smit HJ, Devillé WL, Schramel FM, Schreurs JM, Sutedja TG, Postmus PE. Atmospheric pressure changes and outdoor temperature changes in relation to spontaneous pneumothorax. Chest 1999;116(3):676-81. Alifano M, Forti Parri SN, Bonfanti B et al. Atmospheric pressure influences the risk of pneumothorax: beware of the storm! Chest 2007;131(6):1877-82. Haga T, Kurihara M, Kataoka H, Ebana H. 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Acceptation : 03/05/2016. Pré-publication : 17/06/2016  
septembre 15, 2016