Nouvelles de la société · Vol. 20 Juin 2016

Nouveaux membres

Titulaires Docteur Bassel DAKHIL Centre hospitalier d’Argenteuil Activité : Thoracique - Vasculaire Membre du Collège depuis 2014 Docteur Arnaud FARGE Hôpital privé Jacques Cartier - Massy Activité : Cardiaque - Thoracique - Vasculaire Membre du Collège depuis 2015 Docteur Fouad KORSO-TLEMSANI Hôpital Mémorial - Saint-Lo Activité : Thoracique - Vasculaire Membre du Collège depuis 2014 Docteur Guillaume LEBRETON AP-HP - Groupe Pitié-Salpêtrière - Paris Activité : Cardiaque - Vasculaire Membre du Collège depuis 2014 Docteur Raquel-Glenys MERCEDES-MOJICA CHU - Hôpital Henri Mondor - Créteil Activité : Cardiaque Membre du Collège depuis 2015 Docteur Thomas MODINE CHRU - Hôpital cardiologique – Lille Activité : Cardiaque Membre du Collège depuis 2007 Docteur Matteo POZZI Hôpital Louis Pradel – Lyon Activité : Cardiaque Membre du Collège depuis 2015 Docteur Caroline RIVERA Centre hospitalier de Bayonne Activité : Thoracique Membre du Collège depuis 2015 Docteur Gaëtan SINGIER Hôpital privé Jean Mermoz - Lyon Activité : Thoracique Membre du Collège depuis 2010 Docteur Alejandro WITTE-PFISTER CHU - Hôpital Sud - Amiens Activité : Thoracique Membre du Collège depuis 2015   Membres SFCTCV à titre étranger Docteur Moussa ABI GHANEM Hôpital Monla – Beyrouth, Liban Activité : Cardiaque - Thoracique Professeur David PAZOOKI Öjersö, Suède Activité : Cardiaque   Juniors Simon DANG VAN AVRILLE Sara FILIPPINI – Angers Valentin LOOBUYCK – Lille Basile MARIE – Nantes
juin 3, 2016
Nouvelles de la société · Vol. 20 Juin 2016

La SFCTCV 2.0

Les Journées présidentielles 2016 marquent le tournant du tout-­numérique. Premier congrès sans papier, les rencontres de Nantes seront aussi l’occasion de dévoiler le nouveau site Internet de la Société, véritable outil et plate-forme d’échange pour notre communauté. Dans une même logique d’abandon du support imprimé, le Journal se dote d’une version online revue et modernisée. Ce nouveau site sera également présenté pendant le congrès de Nantes. À compter de septembre, l’édition papier du journal disparaîtra pour laisser la place à l’édition numérique, facilitant la recherche, les échanges et l’archivage. Le Journal de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire numérique ne changera pas pour autant son rythme de parution (trimestriel) et restera le vecteur de vos communications et recherches en langue française. Nous vous donnons rendez-vous à Nantes pour recueillir toutes vos impressions sur ce nouveau support et discuter ensemble des améliorations à lui apporter.
juin 3, 2016
In memoriam · Vol. 20 Juin 2016

En hommage à Marc Laskar, notre président, notre collègue, notre ami

À NOTRE PRÉSIDENT…   L’exercice est difficile car il peut vite tomber dans la convention. Marc n’aurait certainement pas voulu tout cela, mais en même temps il nous est impossible de nous réunir à Nantes sans une pensée très particulière pour lui. J’ai la mission d’évoquer la trace, ou plutôt le sillon, laissé par Marc Laskar dans l’appareil de la SFCTCV et en particulier le Conseil d’administration. Je suis incapable de vous dire depuis quand il servait la Société tant il était omniprésent. Il était déjà influent à mes débuts dans cette communauté, au début des années 1990. Il incarnait notre société par la constance de son implication dans tous ses rouages. Il faut ainsi rappeler que Marc avait avant tout une connaissance très précise de notre communauté professionnelle, tant par ses caractéristiques démographiques que ses modalités de fonctionnement, d’action et de pensée. Cela lui permettait d’avoir une approche pragmatique de toute évolution des pratiques professionnelles et des textes réglementant l’enseignement, la formation et l’exercice de notre discipline. Il était vite irrité par tout ce qui était formalisme et bureaucratie. Grand pourfendeur des usines à gaz, il ne mâchait pas ses mots quand certains d’entre nous, atteints du fameux syndrome de Stockholm, voulaient devancer la complexité des réformes en strates successives dont l’administration française a le secret. Il m’avait appris les vertus du « classement vertical » consistant à systématiquement jeter les courriers des expéditeurs importuns : « si leur objet est important, ils te réécriront, mais tu verras : c’est rare ! »  Très réactif quand il s’agissait de ses passions professionnelles comme l’enseignement, il usait et parfois même abusait de la procrastination pour les sujets rébarbatifs à son goût. Comme tous les amoureux de la vie et de ses plaisirs, il réservait son temps et sa formidable énergie à ses domaines de prédilection : l’exercice de la chirurgie, le management des équipes, l’accompagnement des jeunes, et les rencontres humaines. Il ne fallait pas trop compter sur lui quand il s’agissait de décliner la énième injonction tutélaire contradictoire en termes d’accréditation ou de DPC. Il était aussi très profondément « gaulois », même s’il n’ignorait pas le nécessaire dialogue avec les partenaires européens. Mais, son truc à lui, c’était plutôt la francophonie. Bref, vous l’aurez compris, il avait les pieds bien rivés au sol d’un terroir hexagonal qu’il aimait et connaissait par cœur, c’est je crois la formule qui convient ! Son bon sens, qu’il qualifiait lui-même de « paysan », lui faisait tenir la barre du Conseil d’administration sans tergiversation et selon une trajectoire rectiligne. Il était très conscient du potentiel de notre communauté professionnelle dont il était très fier. Il porterait un soin très attentionné à l’organisation du congrès annuel qui était pour lui le point culminant et l’objet principal de notre société. Il avait des certitudes, comme celle que celui de Nantes compterait dans les annales. Une fois de plus, il aura probablement raison. Le Conseil d’administration de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-vasculaire     À MARC… Le décès accidentel de Marc Laskar le 26 juillet 2016, à l’âge de 62 ans, a retiré à notre affection un ami très cher, interrompu une brillante carrière hospitalo-universitaire, et privé le CNU d’un de ses membres les plus éminents et influents. Docteur en médecine à l’âge de 27 ans, professeur des universités à 37 ans, chef de service et vice-doyen de la faculté de Limoges à 38 ans, Marc Laskar est devenu membre du CNU en 2004, nommé sur proposition du président de la sous-section, le professeur Pierre Fuentes. Au terme de ce premier mandat de 6 ans, Marc a été brillamment réélu pour un second mandat qui devait se terminer fin 2015. Il s’était porté candidat à un troisième mandat et, sans nul doute, aurait été très certainement réélu. Le destin en a décidé autrement. Les principales missions du CNU sont le recrutement et la nomination des enseignants de notre discipline et leur promotion dans le corps. Le CNU doit aussi assurer un rôle de prospective pour la discipline et peut être appelé à intervenir dans l’analyse et le règlement de conflits menaçant la discipline au sein d’établissements. Dans chacun de ces domaines, l’action de Marc a été constante et déterminante ; il a adapté à notre sous-section la grille d’évaluation des candidats à une promotion en y introduisant des critères objectifs ; il a très largement contribué à définir les règles d’appréciation des travaux scientifiques des candidats au concours de PH et MCU-PH en classant les revues et en introduisant la notion de « points CNU » ; il a été la cheville ouvrière de la construction de la maquette du futur DES qualifiant de chirurgie thoracique et cardiovasculaire. Marc s’était impliqué de longue date dans l’analyse scrupuleuse de la démographie de notre spécialité et était tout naturellement devenu l’interlocuteur privilégié des jeunes en formation. Grâce à sa parfaite connaissance du terrain, il pouvait les éclairer de ses conseils et guider leurs choix professionnels. Sérieux sans se prendre au sérieux, travailleur infatigable, Marc était devenu incontournable et ses mérites ont été unanimement reconnus par ses pairs, comme en témoignent les éminentes fonctions qu’ils lui avaient confiées au sein des différentes instances, CNU, Conseil d’administration de la SFCTCV et Collège d’enseignement. Il a assumé toutes ces charges avec probité, brio et efficacité. Cet investissement total dans sa vie professionnelle ne l’empêchait pas de se montrer un époux, père, grand-père et fils aimant et attentionné, et nous pensons beaucoup aux siens qu’il a laissés dans une peine profonde. Lorsque nous nous sommes dit au revoir à l’issue du Congrès de Marseille, en juin 2015, tu m’as confié combien tu étais enthousiaste à l’idée de devoir organiser en juin 2016 à Nantes, ville dans laquelle tu avais effectué tes études de médecine, nos Journées présidentielles. En te perdant, la chirurgie thoracique et cardiovasculaire française a perdu l’un de ses membres les plus emblématiques. Marc est désormais absent physiquement de nos réunions, mais sera toujours présent dans nos esprits. La mort ne triomphe jamais du souvenir. Le Conseil National des Universités     HOMMAGE A MARC LASKAR Marc, nous avions déjà pensé à te rendre hommage dans quelques années lorsque tu aurais interrompu tes nombreuses activités de chirurgien, chef de service, vice-doyen, ainsi que tes autres fonctions que ce soit au sein de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire ou ailleurs. Nous pensions avoir le temps d’organiser une cérémonie  et un hommage dignes de l’homme auprès duquel nous avions travaillé dans ce service de chirurgie cardiaque, thoracique, vasculaire et médecine vasculaire dont la polyvalence faisait la richesse et la force. Nous avions le temps… la seule certitude étant que nous voulions un hommage original, pas seulement au chirurgien ou à la carrière aussi brillante et riche fût-elle qu’à l’homme avec lequel nous avions travaillé durant ces années. Les circonstances en ont décidé autrement, nous obligeant à te rendre un hommage prématuré sous forme de cet abécédaire, chaque lettre de ton prénom et de ton nom faisant écho à des traits de caractères ou à des anecdotes. Nous aurions pu évoquer l’alphabet entier… M comme Morgan, évidemment, ce véhicule semblant sorti tout droit d’une bande dessinée. Une voiture d’allure ancienne, à la bouille sympathique, sans compromis, rustique : châssis en bois, absence d’assistance électronique et de confort mais dotée d’un puissant moteur qui t’emmenait régulièrement de congrès en réunions. Lorsque nous nous présentions, Pr ou Dr X ou Y du CHU de Limoges, l’interlocuteur répliquait souvent : « Ah oui… Chez Laskar, l’homme à la Morgan ». Ainsi cette voiture était-elle devenue un peu l’emblème du service. « M » comme Moteur, et moteur, tu l’étais, n’étant jamais à court d’idées et de projets pour dynamiser le service et pousser les jeunes à acquérir de nouvelles compétences et s’investir dans la recherche. A comme Atypique et c’est bien là le premier adjectif qui est tout d’abord venu à nos esprits lorsqu’il a fallu évoquer ta mémoire. Atypique dans l’allure, atypique dans tes goûts et parfois dans tes réactions. « A » comme « Aorte », de préférence anévrismale ou disséquée, fissurée ou rompue. « A » comme « Accessible », qualité appréciée de tous et surtout des plus jeunes. Tu savais te rendre disponible pour nous conseiller sur des indications opératoires difficiles et venir nous tenir la main au bloc opératoire lors de nos débuts et que nous manquions d’expérience et d’assurance. Tu étais aussi disponible pour aller réveiller le praticien de garde à 3 heures du matin lorsqu’il ne répondait pas au téléphone ou te lever à 6 heures le dimanche pour encourager ton chef de clinique engagé sur l’étape du tour de France. R comme Recherche. Toujours curieux, mais aussi critique à l’égard des dernières innovations, au staff, lors des réunions multidisciplinaires ou de nos bibliographies mensuelles. Dans ce domaine aussi, tu poussais chacun à s’investir. C comme Cœur, évidemment, une passion pour cette chirurgie jamais démentie.  « C » comme Cheval, une passion tardive pratiquée avec rigueur. Le mardi, le staff devait être terminé à 18 h 30, car il y avait entraînement… « C » comme challenge. Alors que nous appréhendions les interventions complexes cardiaques ou aortiques, parfois redux ou tridux, chez des patients fragiles, à la fraction d’éjection altérée, tu te les réservais, la situation étant parfois grave mais rarement désespérée même lorsque les deux récupérateurs tournaient à plein régime dans le champ opératoire, sans stress et sans panique. Nous avions droit généralement à cette petite phrase magique : « ça va se tasser… » « C » comme Cadre infirmier. Réunion tous les lundis dans le bureau pour faire le point sur les problèmes du service. Les cadres étaient là pour mettre de l’huile dans les rouages et non du sable, aider à résoudre les problèmes d’organisation et non les créer. Partant de là, tout se passait bien. Quelques personnes firent exception. Après avoir quitté le service au prix d’une promotion, nous les retrouvions parfois sur notre chemin… écueil de l’hôpital public. « C » comme Convivial. Il régnait parfois au bloc opératoire une ambiance de village gaulois, la plupart des membres de l’équipe te tutoyaient, nous partagions des moments de vie extraprofessionnels en dehors du service, ce qui n’empêchait pas le plus grand respect que ta seule présence savait imposer. « C » comme Chef, tout simplement. L comme Limousin, la terre d’accueil où tu avais débarqué les cheveux jusqu’aux épaules destiné à une carrière d’orthopédiste. « L » comme Labeur, « L » comme Liberté, « L » comme Lascar tout simplement, si l’on s’en réfère au dictionnaire Larousse. La définition étant : « Lascar : individu rusé, qui aime jouer des tours ». C’est aussi le nom d’un volcan chilien connu pour sa grande activité, et volcanique tu pouvais l’être parfois lors de certaines réunions administratives ! A comme action et il en fallait pour te fatiguer et nous ne nous souvenons pas t’avoir entendu un jour te plaindre même si parfois les traits étaient tirés après une nuit blanche. S comme Simplicité. Tu avais fait tienne la devise de Léonard de Vinci : « La simplicité est la sophistication suprême ». Appliquée à la chirurgie, cette devise caractérisait ton style : épuré, dénué de gestes et d’artefacts inutiles ou superflus. Les choses paraissaient simples en toutes circonstances. Comme tu nous le répétais souvent durant notre formation : « Ce qui est inutile est nuisible ». « S » comme Salpêtrière, la maison mère que tu évoquais toujours avec un profond respect, école d’excellence que tu citais régulièrement en exemple. « S » comme Scialytiques, sous lesquels nous passons quelques heures. En cet instant l’étymologie de ce mot nous interpelle. Il est, malgré eux, des ombres qui persistent au dessus du champ opératoire, celles de nos aînés qui nous ont transmis leur expérience, leur savoir et qui semblent nous guider lorsque nous hésitons. Leur présence bienveillante au dessus de nos épaules continue de nous guider bien après qu’ils nous ont quittés. L’artiste, par ses œuvres, accède à la postérité. Notre artisanat est à l’opposé fragile et éphémère malgré le temps et les efforts nécessaires à la maîtrise du geste. La postérité, nous y accédons peut-être à travers ce que nous transmettons à nos élèves, élèves qui transmettront un jour aussi leur savoir, appris, acquis et enrichi de leur propre expérience. K comme Kilomètres. Comment ne pas évoquer les voyages. Quel pays n’as-tu pas visité ? Toujours intéressé et curieux, insatiable voyageur, nous te pensions à Paris alors que tu étais déjà au Pakistan ou en Russie, mais toujours disponible et informé de ce qui se passait dans le service. « K » comme K-Way, vêtement utile pour les passagers que tu embarquais dans la Morgan. Tu avais une théorie bien à toi pour expliquer que l’on ne se mouillait pas dans ta voiture en cas d’averse. La vitesse chassait les gouttes par-dessus le pare-brise ou la théorie du « Plus je vais vite moins je me mouille »… une autre manière de passer entre les gouttes. Cette théorie n’emportait cependant pas la conviction de tous. A comme Avenir, celui des jeunes en formation. Nommé interne dans le service, nous étions assurés d’avoir un poste de chef de clinique puis un avenir que tu te chargeais d’assurer. Tu avais parfois le don de savoir avant nous-mêmes ce pourquoi nous étions faits et dans quel domaine nous arriverions à nous épanouir. R comme Rangement. La pagaille apparente régnant sur ton bureau contrastait au premier abord avec ton sens de l’organisation. Lorsque que nous allions te voir pour discuter d’un dossier, remplir une demande de poste ou te solliciter pour un congrès, tu savais parfaitement où tout se trouvait parmi l’amoncellement de documents. Tu étais secondé comme tu aimais à le dire par une assistante efficace : la poubelle de ton bureau, mobilier vorace qui n’était jamais rassasié de papier, notamment les documents administratifs. « R » comme Rebelle, « R » enfin comme… Reconnaissance, celle de toute ton équipe. L’équipe de chirurgie cardiaque, vasculaire et thoracique et de médecine vasculaire de Limoges     LE ROI EST MORT. VIVE LE ROI ! Marc Laskar, sous l’impulsion de son chef de service de l’époque  Constantin Christides, séjourna pendant deux ans dans le service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière de 1982 à 1984. Son arrivée ne passa pas inaperçue : grand « gaillard » à longue chevelure, avec bouc, habillé en noir avec pantalon de cuir moulant, sortant de sa voiture anglaise décapotable. Il avait l’air d’un « dandy », sa décontraction laissait  soupçonner un dilettante. Or Marc était à l’inverse de ce cliché, réfléchi, curieux, à l’affût de toutes les nouveautés, de toute opportunité, de toute possibilité. Il a su s’adapter à son environnement et en tirer le maximum. Dans une ville de moins de 150 000 habitants et dans une zone urbaine de moins de 300 000 habitants, Marc a d’emblée compris l’opportunité et la nécessité de pratiquer les trois sous-spécialités de notre discipline. Il se donna les moyens, en allant se former dans les meilleurs services de chirurgie thoracique et de vasculaire. Dès lors, la voie était ouverte ; devenu chef de service, il a pratiqué et a fait pratiquer d’une façon équilibrée la chirurgie cardiaque, thoracique et vasculaire avec un volume d’activité global conséquent pour chaque. En participant à la vie de sa faculté et en devenant le vice-doyen,  il se donna une meilleure marge de manœuvre, donc de décision. Il participa avec assiduité à la vie de notre communauté : tenant le livre de la démographie, il était le seul à connaître tous les chirurgiens de notre discipline, sur tout le territoire. Il est devenu l’interlocuteur des jeunes et leur confident. Il a mis ses qualités d’écoute et le sens des décisions au service de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire qu’il présida. Sa disparition brutale, prématurée, laisse un vide pour sa famille, pour la ville de Limoges et la SFCTCV. La nostalgie et le pessimisme n’ont pas de place chez nous. Le roi est mort. Vive le roi ! C’est aux générations futures que revient la tâche de relever le défi, de s’adapter, d’innover ; bref, de vivre. I. Gandjbakhch     LE COLLÈGE INTER-RÉGIONAL, NARBONNE ET MARC LASKAR… Pour prendre la mesure de ce que nous avons perdu, il faut essayer de décrire le rôle de Marc Laskar en ce qui concerne les plus jeunes d’entre nous. Sans même mentionner les premiers séminaires du Collége, décrivons simplement Narbonne et toute son implication. Depuis plus de quinze ans, deux fois par an, parfois dans sa décapotable, le plus souvent en covoiturant des jeunes, il arrivait à Narbonne. Il nous semblait quelquefois qu’il connaissait mieux le Novotel que le directeur ou la réceptionniste présents. Sans avoir l’air d’y toucher, il réglait tranquillement les flux d’arrivée et de départ. Il connaissait presque tout le monde et savait, peut-être mieux que les intéressés, qui allait être en retard, qui n’allait pas pouvoir venir et qui allait essayer de partir avant la fin. Sa simple présence évitait des dizaines de problèmes et faisait que tout le monde se concentrait sur le contenu scientifique du séminaire. Il avait certainement aussi des informateurs (ou -trices !) au Botafogo. Dès le début de la première séance, il s’installait au fond et régulait le rythme des présentations séquentielles. À la fin de chacune, il se levait et savait moduler les infos et stimuler la salle si nécessaire. Il arrivait même parfois à interrompre les discussions entre Charles de Riberolles et Dominique Blin… C’est ainsi que petit à petit, il a transmis autour de lui sa sagesse, sa vision de l’excellence et de la nécessaire polyvalence de la formation initiale. Nous savons que des dizaines de professionnels, et donc des milliers de patients, lui en sont redevables. À dire vrai, lors des deux derniers séminaires, même en sachant très bien la dure réalité, nous avions presque tous encore l’impression qu’il était là ! Il nous manque ; sachons saluer, développer et poursuivre son œuvre. Nous ne pouvons nous résoudre à tourner la page qu’il a écrite sans un dernier vœu : « Oh Capitaine, mon Capitaine ! Que votre esprit libre et votre confiance, celle qui nous a guidés sans faillir, jamais ne nous lâche. » Le Collège, inter-région Sud     LAISSER SA MARQUE Laisser sa marque est probablement ce à quoi aspire tout Homme et à fortiori, secrètement (ou pas) tout chirurgien. Il suffit de prêter l’oreille à tous ces illustres patronymes fusant à longueur d’intervention, d’un instrument à l’autre... Quoi de plus noble que cette quête de reconnaissance amenant à repousser toujours plus loin ses limites, mais aussi celles des autres, car point de reconnaissance sans altérité et point d’altérité sans responsabilité. Le professeur Laskar était de ces Hommes, avec ce constant souci de l’autre. Les « jeunes », avec qui il entretenait une relation particulière, sont assez bien placés pour en témoigner, et l’appréciaient pour son franc-parler et son aspiration à transmettre. Il avait ce souci d’enseigner et prenait un réel plaisir à stimuler les esprits, les plus jeunes comme les plus aguerris, comme lors de ses visites professorales du samedi matin avec tous les chefs de clinique, internes et étudiants en médecine. Le dialogue et l’échange étaient toujours assez simples avec M. Laskar, car il s’agissait bien d’un dialogue où nous avions une place à part entière. Ne voulant pas se considérer comme un homme mûr, il traitait les plus jeunes comme ses semblables. Cette reconnaissance s’est d’ailleurs vue concrétisée par la place que l’Association des Jeunes a dorénavant au sein de la Société et de son Conseil d’administration.    Notre spécialité est à un tournant majeur de son évolution, et son travail sur sa démographie nous prédisait un manque de postes pour les prochaines générations. Même si les choses ne sont pas aussi tranchées que ce qui était prédit, la prospective avait pour vertu de poser la problématique de l’avenir de nos spécialités, dans le lot d’évolutions à venir. Nous nous devons de poursuivre ce chantier en intégrant l’essor des nouvelles technologies et les transferts de compétences. Pour paraphraser Louis Pasteur, l’avenir ne sourit qu’aux esprits préparés. La préparation des jeunes générations à ces mutations est un devoir trans­générationnel dont Marc Laskar se sentait investi. Nous avons la chance de faire partie d’une société savante regroupant trois spécialités – la chirurgie thoracique, la chirurgie cardiaque et la chirurgie vasculaire – devenant presque quasi exclusives en pratique actuelle de par la complexité des procédures (angioplastie vasculaire, assistance circulatoire ou endoscopie thoracique par exemple, sans parler du TAVI). En revanche, l’internat nous permet de côtoyer ces trois spécialités. Nos aînés ont eu la chance de pratiquer parfois l’une, souvent plusieurs de ces activités au cours de leur carrière. Aujourd’hui, même si ces spécialités restent sœurs pour leur intérêt et leurs champs d’action communs, il sera probablement rare de pouvoir en exercer plusieurs. Le orofesseur Laskar avait notamment comme objectif, en accord avec nos souhaits, nos passions et nos « facilités », de nous aider à choisir celle qui nous convenait le mieux. Ne demandons pas à nos Maîtres de n’être que des évaluateurs, mais bien des Guides pour non seulement nous former, mais surtout nous montrer le chemin qui leur semble le plus adéquat avec les spécificités de notre temps. À l’heure où les sources d’informations et de savoir sont de plus en plus nombreuses, la place de nos Maîtres, à l’image du mentor de Télémaque, est plus importante et nécessaire que jamais. Enfin, comment évoquer Marc Laskar sans s’arrêter à la formation. Albert Einstein disait qu’il était du devoir de chaque homme que de rendre au monde au moins autant qu’il en avait reçu. Le professeur Laskar avait eu la chance, dans sa formation débutée à Nantes, d’être chef de clinique du professeur Cabrol à la Pitié-Salpêtrière, avant d’intégrer le CHU de Limoges. Pour lui, la formation en chirurgie se devait de passer par plusieurs équipes, et c’est ainsi qu’il a toujours encouragé ses internes à la mobilité (Inter-CHU, voir fellowships à l’étranger) dans l’optique de voir naître de nouvelles connaissances, opportunités, passions au retour dans le service. Grâce au Collège France Sud de CTCV, qu’il aimait particulièrement organiser à Narbonne chaque semestre, il était connu et apprécié par tous les jeunes, aussi bien lors des présentations de travaux ou d’exposés devant nos Maîtres... que le soir venu pour faire la fête. Nombreux d’entre nous sont venus avec simplicité lui demander conseil. Beaucoup à travers la France ont rejoint son équipe pour se former à ses côtés, profitant de son expérience dans nos trois spécialités. Comme son prédécesseur Marcel Dahan, Marc Laskar nous a soutenus dans cet ambitieux projet que représente Epiform. Au-delà du concept et de sa mise en œuvre informatique, il s’agit d’une véritable révolution dans le compagnonnage si cher au professeur Laskar. Un chirurgien a la possibilité de laisser sa marque en donnant son nom à une intervention ou à un instrument. Ou bien, comme Marc Laskar, d’associer son nom à un état d’esprit, à une personnalité et de laisser sa marque non pas dans les livres mais dans le cœur et l’esprit. L’Association des Jeunes Chirurgiens
juin 3, 2016
Formation · Vol. 20 Juin 2016

État des lieux de la formation théorique en chirurgie thoracique et cardiovasculaire en France

Charles-Henri David, Pierre-Emmanuel Noly, Stéphane Renaud, Hassan Debbagh, Hicham Masmoudi, Margaux Pontailler Extrait du rapport rédigé par l’Association des Jeunes Chirurgiens Thoraciques et Cardio-Vasculaires à la demande du Pr Pascal Thomas et remis le 16 février 2016 au Pr Pascal Thomas, président de la SFCTCV, au Pr Pascal Dumont, directeur du Collège et au Pr Françoise Le Pimpec-Barthes, présidente du comité pédagogique de la SFCTCV. Correspondance : charleshenridavid@icloud.com Télécharger le rapport complet (36 pages – 2,5 Mo)   1. INTRODUCTION L’apprentissage de la chirurgie, comme pour tout métier de l’artisanat, se fait par compagnonnage d’un ou plusieurs maîtres à leurs élèves. Les évolutions des savoirs et de leurs modes de transmission semblent mettre en avant certaines limites de notre système de formation de la chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire. Nous avons souhaité faire un état des lieux de l’offre de formation actuelle en France, mais aussi à l’étranger. Nous avons ensuite analysé les points forts et les faiblesses de ce système au regard des réponses au questionnaire sur l’évaluation de la formation théorique envoyé à l’ensemble des jeunes en formation. Le but de ce travail est de permettre une analyse plus juste de notre système de formation afin de définir les éventuelles modifications à lui apporter. Ce rapport est le premier du genre et devra être renouvelé dans le temps, permettant une analyse des résultats des éventuelles réformes qui seront entreprises. Il demande à être amélioré et poussé encore plus loin pour en affiner l’analyse. Nous vous invitons à nous faire part de toutes remarques et corrections.   2. ÉTAT DES LIEUX DE LA FORMATION EN CTCV EN FRANCE   2.1. Modalités d’entrée dans le cursus Le seul prérequis pour entrer dans la formation est d’avoir effectué un semestre dans un service agréé pour la CTCV avant la fin de son 5e semestre, et d’avoir l’accord du coordinateur local. Il est impossible de connaître en temps réel le nombre d’internes en formation, puisque l’entrée dans le DESC est sous la responsabilité de l’université dont dépend l’interne. Cette absence d’identification précise et régulièrement mise à jour empêche une diffusion homogène de l’information et de la formation. En effet, les responsables de l’organisation de la formation, Collège et université, sont les garants de l’application de ce programme de formation. Lorsque la communication entre le Collège et les universitaires locaux ne se fait pas, les internes peuvent être délaissés et ne pas bénéficier d’une formation de qualité.   2.2. Parcours de formation officiel À l’heure actuelle, le cursus de CTCV est accessible par l’intermédiaire du DES de chirurgie générale choisi aux ECN. Les internes, une fois inscrits en DESC, vont effectuer un certain nombre de stages pratiques puis un post-internat de 3 ans minimum, le plus souvent de 4 ans ou plus avec une année de médaille d’or, et des mises en disponibilité pour effectuer une mobilité. À l’issue de ce parcours, qui peut être effectué sans être membre de la SFCTCV, l’examen du Collège est passé et la validation du DESC obtenue. Les objectifs de validation sont finaux avec un nombre d’interventions à réaliser et un examen devant un jury sans qu’il y ait eu d’évaluation au cours du parcours.   2.3. Formation dispensée par le Collège La formation théorique est dispensée sous l’égide du Collège de CTCV. Le volume annuel de formation est de 8 demi-journées : 6 demi-journées de présentations, le plus souvent réalisées par des jeunes en formation sous le contrôle d’un senior du service ; 2 demi-journées dispensées lors de deux rencontres nationales organisées par la SFCTV. Ces présentations, également sous forme de diaporamas, traitent le plus souvent de sujets d’actualité. Les enseignements inter-régionaux du Collège sont clairement destinés aux jeunes en formation, à la différence des Matinées du Collège qui semblent plus orientées vers les praticiens dans le cadre du DPC. Il n’y a pas à proprement parler de programme de formation, théorique ou pratique. L’étudiant dispose actuellement d’un listing d’objectifs à atteindre sans que soient définis les moyens pour y arriver ni les méthodes d’évaluation des acquis. La formation pratique française sert pourtant de modèle à l’étranger, avec un flux migratoire important d’autres pays européens. Néanmoins, la formation sur le territoire est hétérogène, à tort (volonté d’enseigner et de transmettre variable) ou à raison (disparité de recrutement, spécificités locales), l’absence de parcours de formation entretenant ces disparités. Dans le domaine de la pédagogie, l’apprentissage par compétences a remplacé l’apprentissage par objectifs, qui se concentrait sur la finalité, et non sur le chemin pour l’atteindre. L’enseignement actuel est centré sur les résultats souhaités en termes de compétences de l’enseignement ainsi que sur le chemin nécessaire pour les acquérir. Ce mode d’enseignement impose de réfléchir aux habiletés nécessaires à l’acquisition de compétences, par essence multimodales, mais permet aussi une meilleure implication des étudiants dans leur formation. Avec des repères et des objectifs, il est toujours plus facile d’apprendre que lorsque l’on est noyé devant une liste d’interventions à connaître. Un apprentissage par modules devrait donc être mis en place avec des objectifs théoriques et pratiques progressifs. Chaque module devant être validé afin d’être certifié comme chirurgien. Dans le cadre de la réforme de l’internat, nous avons la possibilité de mettre à plat notre formation afin de la rendre plus en adéquation avec les aspirations de tous. Pour les enseignants comme pour les élèves, il s’agit de donner des repères de formation et d’évaluation.   2.4. Problèmes de la structuration actuelle de la formation   2.4.1. Uniformité La formation actuelle n’est pas uniforme en raison de l’absence d’un référentiel de formation détaillé, théorique et pratique, donnant aux enseignants et aux internes des repères sur les objectifs, les moyens d’y arriver et les outils disponibles pour acquérir et valider les acquis. À ce sujet, on pourra se référer au programme de formation permettant d’accréditer les chirurgiens cardiothoraciques canadiens, disponible sur le site de l’ACGME. En effet, bien que les sujets des présentations en séminaires du Collège soient définis au niveau national, il ne semble pas exister de cohérence par rapport à un programme détaillé garantissant que chaque interne ait validé l’acquisition de ses connaissances. Le second problème est la disparité au sein des enseignements des séminaires du Collège : il est maintenant admis qu’il existe une hétérogénéité dans la qualité de la formation entre les différentes inter-régions. Enfin, le troisième problème ressenti par les internes, et ce de façon plus prégnante dans les grandes agglomérations, est l’absence d’un suivi régulier des acquis. En effet, par le passé, le compagnonnage se faisait entre un chirurgien et « son » élève. À l’heure actuelle, un interne « exerce » avec plusieurs seniors qui n’auront qu’une vision partielle des acquis de l’élève. Il s’agit donc de permettre tant à l’élève qu’aux maîtres d’avoir une vision globale sur ce qui est maîtrisé et ce qui reste à apprendre.   2.4.2. Accessibilité L’accessibilité est un problème résultant de deux causes. La première est une absence de visibilité du Collège, se traduisant par une découverte tardive de son enseignement par les internes. Plusieurs explications peuvent être données. Tout d’abord, le cursus actuel ne permet pas d’identifier les internes aspirant à la chirurgie cardiothoracique et vasculaire. Le passage par le DES de chirurgie générale et l’entrée à des moments variables dans le cursus de CTCV sont les principales raisons de l’opacité du système. Le passage à une filiarisation à l’issue des ECN devrait permettre de pallier ces écueils. La seconde explication est une remontée incomplète de l’information des centres auprès du Collège, comme en témoigne l’incapacité de ce dernier à donner une liste précise des inscrits au DESC de CTCV. Ainsi, certains peuvent ne pas être informés des modalités d’enseignement et du parcours recommandé. Il est intéressant de constater que cet état de fait est retrouvé dans d’autres pays européens où le passage par la chirurgie générale est obligatoire. Le problème touche donc à l’organisation de l’enseignement, mais aussi aux démarches prospectives de démographie médicale. La seconde cause est l’absence d’un enseignement couvrant de façon adaptée l’ensemble des connaissances que doit acquérir un chirurgien cardiothoracique et la nécessité de recourir à des sources d’enseignement telles que les DU et DIU.   2.4.3. Coût Pour l’année universitaire 2015-2016, les frais d’inscription à l’université pour le 3e cycle des études médicales est de 512 €, plus 391 € l’année de la thèse (source : ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche). Si l’on estime que l’offre de formation du Collège ne remplit pas les objectifs annoncés et qu’une formation complémentaire est nécessaire, elle représenterait une moyenne de deux à trois DU par interne pour chaque sous-spécialité. Avec une moyenne des droits pédagogiques de 460 € (600 € en comptant le DU endovasculaire de Nancy) et des droits universitaires de 261 €, le budget global pour la durée de l’internat serait entre 1 442 € (2 DU) et 2 163 € (3 DU). La liste détaillée des DU recommandés par la SFCTCV est présentée dans le rapport complet disponible sur le site Internet du journal. Toutes ces formations génèrent également des frais supplémentaires de déplacement et d’hébergement. On peut estimer un budget supplémentaire par formation, pour des personnes n’étudiant pas dans l’université dispensant la formation, de l’ordre de 1 650 €/an. Avec l’arrivée du DPC, les internes étant en formation initiale ne peuvent plus bénéficier d’une prise en charge par leur hôpital d’origine comme cela pouvait être le cas auparavant. Un interne a donc un budget formation de 2 883 €/an en moyenne. Mais au-delà de la contrainte financière, le problème de fond que soulève la participation à ces DU-DIU (fortement recommandée, si ce n’est obligatoire) est de constater que ces enseignements sont indispensables à tout interne de la spécialité puisque figurant dans les objectifs du Livret du Collège.   2.4.4. Dépendance ? Les autres acteurs de la formation, non officiels mais bien présents, sont les laboratoires. Bon nombre de formations sont dispensées par ces laboratoires avec une sincère volonté de fournir une formation de qualité. Il reste néanmoins regrettable que ces formations ne soient pas accessibles à tous et soient sujettes à l’aléa d’un représentant engagé ou non. Il est d’autant plus dommage de voir que, souvent, ce sont nos enseignants qui dispensent ces formations.   3. RÉSULTATS DU QUESTIONNAIRE D’ÉVALUATION DE LA FORMATION THÉORIQUE   3.1. Présentation du questionnaire Le questionnaire a été réalisé avec le logiciel en ligne Survey Monkey. La population cible était celle des internes et assistants chefs de clinique. Plusieurs campagnes de mailing ont été réalisées par l’intermédiaire du listing des membres de l’AJCTCV et des membres juniors de la SFCTCV. Au total, 51 chirurgiens en formation inscrits au DESC ont répondu au questionnaire. Nous ne sommes pas en mesure de rapporter ce chiffre à un nombre d’inscrits en DESC pour la raison évoquée ci-dessus et ne pouvons donc pas fournir de taux de participation.   3.2. Présentation des résultats   3.3. Synthèse des résultats La formation théorique de CTCV n’est actuellement pas adaptée aux besoins. La place de l’université et de la formation locale est inexistante, alors que l’offre de formation fournit par le Collège ne remplit pas son rôle. La formation devrait pouvoir associer différents formats : – en ligne (à développer fortement) ; – en groupes (s’apparente aux séminaires du Collège) ; – en amphi (pourrait être des formations nationales). Les ressources telles que l’EMC ne remplissent pas leur fonction. Une ressource officielle du Collège est fortement attendue avec un accent mis sur le numérique : - permettant des mises à jour (plus) régulières en rapport avec les recommandations ; – permettant l’association de vidéos explicatives. Un parcours de formation, avec des objectifs détaillés et progressifs ainsi qu’une évaluation régulière, tant sur le plan théorique que pratique, sont demandés.   4. LA FORMATION AILLEURS   4.1. Au Canada Le Canada est réputé pour être à la pointe en matière d’enseignement, particulièrement en chirurgie cardiaque, dont la formation est considérée comme la meilleure au monde. Il existe 10 programmes ou centres de formation universitaire en chirurgie cardiaque répartis sur l’ensemble du territoire. Chaque année, 9 à 10 postes de résident (interne) sont ouverts dans la spécialité. Le CaRMS (service canadien de jumelage des résidents), organisme indépendant à but non lucratif, recueille les candidatures des étudiants sur une plateforme en ligne anonymisée et organise un jumelage équitable, objectif et transparent pour l’enseignement médical. Par le biais des dossiers académiques et des entretiens entre les candidats et les responsables des formations, le CaRMS recherche la meilleure adéquation entre les choix des étudiants et ceux des comités de sélection (directeurs de programme, chirurgiens et résidents seniors).   4.1.1. Organisation de la formation La durée de la « résidence », ou internat, est de 6 ans : 2 ans de tronc commun, appelés « fondements chirurgicaux », afin d’acquérir une base de connaissances importante, fondée sur l’expérience clinique en médecine et en chirurgie générale, ainsi qu’en soins intensifs ; un an souvent dédié à la recherche ; 3 ans de spécialisation où le résident doit réaliser des stages en chirurgie thoracique, vasculaire, en chirurgie cardiaque adulte et en chirurgie cardiaque congénitale. Pendant la 5e année, le résident évolue en chirurgie cardiaque adulte avec pour objectif d’acquérir le maximum de compétences techniques. Les résidents travaillent en binôme au bloc opératoire exclusivement avec leur « patron ». Les résidents sont soumis à deux examens, en fin de tronc commun et en fin de cursus. Ils sont également évalués à intervalles réguliers au sein de leur terrain de stage. Pendant les 6 ans de formation, une demi-journée par semaine est dédiée à l’enseignement théorique sous forme de cours où les étudiants participent de manière active (présentations). Des réunions scientifiques propres à chaque hôpital sont également organisées. Enfin, au cours des 5e et 6e années, les résidents participent à des cours spécifiques pour la préparation de l’examen du Collège royal.   4.1.2. Acteurs de la formation Le Collège royal est l’association professionnelle nationale qui supervise la formation médicale des spécialistes au Canada. Il est responsable de l’agrément des programmes de résidence des universités, du contrôle de la qualité des programmes ainsi que des programmes de développement professionnel continu des médecins. Les programmes de formation de chirurgie sont audités régulièrement afin de s’assurer que les exigences en matières d’enseignement, d’offre de formation et de sécurité des résidents soient respectées. Au Canada, le directeur de programme a un rôle clé. Il fait le lien entre le résident, le Collège royal et l’université. Il personnalise la maquette de la formation des jeunes chirurgiens en se pliant aux exigences du Collège royal et s’assure que le résident pourra acquérir toutes les compétences requises pour l’examen final du Collège. L’ensemble des chirurgiens est impliqué dans la formation des résidents. Il n’existe pas de « hiérarchie universitaire » comme on peut le voir dans le système français. Tous les chirurgiens sont affiliés à l’université, mais seule une petite partie en perçoit un salaire (professeurs ou professeurs adjoints à plein temps).   4.1.3. L’examen du Collège royal de chirurgie cardiaque À la fin des 6 années de formation, tous les résidents en chirurgie cardiaque du Canada doivent passer l’examen du Collège royal, obligatoire pour exercer et reconnu dans certains États des États-Unis. C’est un examen au haut niveau d’exigence, qui se déroule en deux parties. La première, écrite, porte sur les guide­lines et les principales grandes études en chirurgie cardiaque, soins intensifs et cardiologie. La seconde est orale, sous forme de dossiers cliniques commentés. En théorie, les jeunes chirurgiens titulaires du Collège royal peuvent exercer d’emblée. Mais la grande majorité des résidents effectuent 2 à 3 ans de fellow­ship, le plus souvent dans un centre américain.   4.1.4. Avantages et inconvénients du système canadien Les avantages du système canadien sont nombreux : L’entrée directe dans le programme, sans passer par une formation générale complète, permet d’éviter d’allonger inutilement la formation. Ce système assure une formation théorique, pratique et académique solide et complète. Les résidents sont soumis à une évaluation finale objective de haut niveau, ce qui garantit un niveau de compétence élevé. Le Collège royal, indépendant des universités, assure une surveillance et une protection de la formation des résidents. Les résidents sont auditionnés par un comité afin de recueillir leurs impressions et d’optimiser le déroulement de la formation. Un des inconvénients de ce système serait l’exposition tardive à la chirurgie cardiaque, qui commence réellement en 4e, voire 5e année. Par ailleurs, malgré une évaluation commune à l’ensemble du territoire, le niveau de formation et l’exposition en salle d’opération peut varier d’un programme à l’autre. La formation en chirurgie cardiaque est le socle d’une spécialité dynamique, évolutive et innovatrice. Le système de formation aux États-Unis est en mutation, largement inspiré par celui de son voisin canadien.   4.2. Aux États-Unis Aux États-Unis, la formation en chirurgie cardiothoracique n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire. En fin de cursus, les étudiants en médecine américains postulent à différents programmes de formation dits « residency », l’équivalent de l’internat français. Chaque faculté dispose d’un certain nombre de postes et sélectionne ses futurs résidents sur dossier et entretien oral. Il existe trois voies d’accès à la chirurgie cardiothoracique : les programmes « indépendants », ou « traditional pathway », qui comprennent 5 ans de chirurgie générale et 2 à 3 années de formation dans des services de chirurgie cardiothoracique ; les programmes « fast-track pathway », qui comprennent 4 années de chirurgie générale et 3 ans de chirurgie cardiothoracique (l’ensemble de la formation devant être réalisée dans la même structure) ; les voies dites intégrées (« integrated pathway ») comportant 6 ans de formation en chirurgie cardiothoracique seule. La formation diffère de façon significative en fonction de la voie choisie. Dans les programmes « indépendants », les résidents doivent dans un premier temps réaliser un internat de chirurgie générale de 5 ans. Un intérêt particulier est porté à la formation à l’endoscopie, à la prise en charge des urgences chirurgicales et à la réanimation. À la fin de la 4e année de formation en chirurgie générale, les résidents postulent à un des programmes de résidanat en chirurgie cardiothoracique. La formation varie alors en fonction des programmes entre 2 et 3 ans. Dans le programme « fast-track », les étudiants en médecine postulent à un des programmes de chirurgie générale intégrant la chirurgie cardiothoracique. Les résidents de chirurgie générale intéressés par cette voie l’intègrent habituellement en fin de 2e année. Seuls 10 centres sur le territoire américain permettent actuellement de bénéficier de ce programme. Enfin, dans les programmes « intégrés », proposés par 9 universités, les résidents intègrent directement un résidanat de chirurgie cardiothoracique. La formation théorico-pratique passe par les spécialités suivantes : radiologie et cardiologie interventionnelles, chirurgie endovasculaire, oncologie et pneumologie. Elle intègre bien évidemment une formation aux nouvelles technologies. Au terme de leur formation, tous les résidents, quelle que soit la voie choisie, sont éligibles à l’American Board of Thoracic Surgery. Les résidents ayant suivi un « traditional pathway » ou un « fast-track pathway » sont également éligibles à l’American Board of Surgery. En plus de la formation pratique, la très grande majorité des services encouragent la formation scientifique, non seulement par la réalisation d’années académiques, mais également par les réu­nions scientifiques au sein des services.   4.3. Au Royaume-Uni Les études médicales durent 6 ans. Ensuite, l’internat débute par 2 ans de spécialités médicales et chirurgicales. Puis, à l’image du système américain, il existe deux parcours d’une durée de 8 ans. Le premier permet l’entrée en chirurgie cardiothoracique à l’issue des 2 ans d’internat généraliste. Le second intègre 2 années de chirurgie générale. Il semble que le programme d’intégration directe dans le cursus offre un suivi plus rapproché avec un superviseur attitré pour chaque stage. Chaque année, les acquis sont évalués en partenariat avec la faculté dont dépend le service du stagiaire.   4.4. En Allemagne Après 6 ans d’études médicales, les 2 premières années d’internat sont un tronc commun regroupant un an de service, 6 mois en soins intensifs et 6 mois aux urgences. Ensuite viennent 4 ans de chirurgie cardiothoracique. L’examen du Board (Collège) impose 100 cas par intervention. Cette période dure entre 5 à 8 ans en fonction du volume opératoire du centre et des opportunités laissées ou non par le chef.   4.5. En Suisse Les études de médecine durent 6 ans. L’entrée en internat se fait sur dossier et entretien individuel avec le chef du service où l’interne souhaite faire son internat. Le futur interne postule pour une formation en chirurgie cardiaque, thoracique ou générale. Un contrat de 6 ans est signé entre le chef de service et l’interne, puis renouvelé annuellement en cas de poursuite du cursus. L’internat dure donc au minimum 6 ans avec un examen de fin de cursus. Durant cette période l’interne doit avoir assisté aux cours et aux congrès référencés sur www.fmh.ch. La plupart du temps le cursus dure plus longtemps.   4.6. Chez les anesthésistes-réanimateurs Le DES d’anesthésie-réanimation dure 5 ans et s’articule entre formation pratique à l’hôpital et enseignement théorique à la faculté. La formation hospitalière dure 8 semestres, dont 4 dans des services d’anesthésie (chirurgies générale, pédiatrique, du segment céphalique, orthopédique, urologique, thoracique et cardiovasculaire) et 4 en réanimation. L’enseignement théorique est constitué de 23 modules en ligne (8 validables chaque année), des séminaires de simulation sur mannequins et des cours filmés et mis à disposition sur le site de l’Institut d’anesthésiologie. Le contrôle des connaissances prend la forme de QCM à compléter sur le site de l’Institut. Chaque module est validé par un taux de 100 % de bonnes réponses. Après six tentatives infructueuses, un oral de rattrapage est prévu. La validation du DES d’anesthésie-réanimation comporte également 3 épreuves d’évaluation orale aux 3e, 5e et 7e semestres. L’épreuve prend la forme de cas cliniques et/ou d’analyses critiques d’articles. Les internes en formation sont activement identifiés par les coordonnateurs régionaux et par l’Associations des jeunes anesthésistes et réanimateurs (AJAR) et le groupe Jeunes SFAR. Ces acteurs travaillent ensemble à l’intégration des internes en formation et au respect des objectifs de la maquette du DES.   5. SYNTHÈSE Notre système devrait connaître de nombreux changements, tant sur le plan des pratiques professionnelles (nouvelles technologies, tarification à l’activité, pressions médiatiques) que de l’enseignement (réforme du 3e cycle, modifications sociétales et générationnelles, nouveaux outils pédagogiques). Au regard des systèmes étrangers et d’autres spécialités de l’Hexagone, différents collèges de spécialités se sont dotés d’outils pédagogiques identifiés et accessibles à tous, sur la base desquels les connaissances théoriques sont dispensées et évaluées. Notre système, dont l’excellence doit être et rester le maître mot, est perfectible. À l’issue de ce travail, nous pouvons dégager plusieurs pistes de réflexion découlant de ses faiblesses : Il manque du contenu afin de remplir le cadre existant (Livret du Collège) sous forme d’objectifs, de contenus et d’outils pédagogiques. Il manque au système actuel une capacité à identifier et à suivre les internes en formation au sein de la spécialité. Il existe de fait une inégalité d’accès à la formation de par l’opacité et l’absence d’organisation centralisée de la formation. Il existe une forte demande de la part des internes de la spécialité qui aspirent à une formation complète et homogène intégrant les pratiques actuelles et anticipant les pratiques futures.
juin 3, 2016
Formation · Vol. 20 Juin 2016

La formation en chirurgie thoracique et cardiovasculaire en France – Éditorial

Françoise Le Pimpec-Barthes, Présidente du Comité pédagogique de la SFCTCV. Service de chirurgie thoracique et transplantation pulmonaire, HEGP, Paris Pascal Dumont, Directeur du Collège de la SFCTCV. Unité de chirurgie thoracique, hôpital Trousseau, Tours   La SFCTCV, par l’intermédiaire de son Collège, a pour mission de veiller à la formation théorique et pratique des jeunes chirurgiens thoraciques et cardiovasculaires, en maintenant le niveau d’excellence de notre discipline afin de garantir des conditions optimales d’installation et d’exercice. Les modalités de cette formation, avec sa validation finale par l’examen du DESC lors des séances du collège, ont très peu évolué depuis une vingtaine d’années. Le constat est qu’actuellement il existe une certaine hétérogénéité du niveau de formation sur le territoire français. Cela a motivé une réflexion interne au sein de la SFCTCV, puis la réalisation d’un état des lieux des pratiques en France, en Europe et dans d’autres pays anglo-saxons. Celui-ci a été réalisé par le groupe des jeunes chirurgiens thoraciques et cardiovasculaires (AJCTCV) sous la direction de leur président, Charles-Henri David. Par cet éditorial, la SFCTCV remercie ce groupe de jeunes chirurgiens qui a fait un travail très précis, qui contribuera à l’amélioration à venir de notre système de formation. D’autre part ce travail est particulièrement important et bienvenu dans le contexte actuel car nous sommes en pleine réforme de l’internat. Cet état des lieux a été associé à une enquête de satisfaction auprès de nos jeunes afin d’évaluer leur ressenti concernant la formation telle qu’elle leur est proposée durant l’internat et le clinicat. Ces deux enquêtes relèvent d’importantes lacunes : manque d’information sur les enseignements disponibles ou informations données trop tardivement dans le cursus de l’interne, difficultés pour assister aux séances de formations théoriques du Collège dans certaines régions, hétérogénéité d’investissement des PU-PH dans la formation théorique et pratique, et bien d’autres points signalés dans l’article publié dans les pages qui suivent. Le manque d’information précoce délivrée aux jeunes est en grande partie dû à l’absence de lien entre le Collège et les universités des régions fournissant les autorisations d’inscription dans les spécialités. Cela se traduit par une incapacité pour le Collège d’identifier de façon exhaustive le nombre et l’identité des internes en cours de formation. Il est alors difficile de les informer des formations recommandées et disponibles à débuter le plus tôt possible dans leur cursus. Ce retard dans l’accès aux outils de formation peut pour certains internes déboucher sur un sentiment d’isolement et d’absence de réelle appartenance à un groupe de futurs spécialistes. En ce qui concerne les cours du Collège, il s’agit d’une formation théorique mise au point il y a plus de vingt ans, privilégiant un enseignement commun aux trois spécialités, cardiaque, thoracique et vasculaire. Les avantages de cette formule sont l’acquisition par les internes d’une culture générale dans les trois disciplines, mais avec comme inconvénient une réduction du volume d’enseignement par spécialité. La présence aux séances du Collège n’étant pas obligatoire et l’enseignement non validé par une évaluation des connaissances, il s’avère aujourd’hui impossible de garantir que chaque jeune ait acquis le socle de base nécessaire dans l’ensemble des domaines de la spécialité. En fait, il suffit d’une simple présence et de quelques présentations lors de quelques séances du Collège pour accéder à l’examen final basé sur un travail dans un seul domaine et au titre de chirurgien thoracique et cardiovasculaire. Avec un tel système, il est aisé de comprendre l’hétérogénéité finale de formation qui en résulte. Bien sûr, de nombreux enseignements parallèles existent, mais ceux-ci ont un coût important pour certains et parfois ne peuvent être suivis dans leur intégralité pour des raisons de disponibilité de l’interne. Tous ces points, et d’autres, qui sont détaillés dans l’article, expliquent probablement la satisfaction très mitigée exprimée par les jeunes concernant la formation théorique délivrée par le Collège (56,8 %), voire même leur insatisfaction (36,4 %). Concernant la formation pratique, elle aussi hétérogène selon les centres, la tenue d’un cahier d’activité de l’interne « Epiform » devrait pouvoir assurer un suivi individuel et continu en cours de formation. Cet outil devrait permettre dans l’avenir de s’assurer d’un apprentissage chirurgical régulier au cours de l’internat. Il reste à définir les modalités pratiques de son utilisation. Les modes de formations en dehors du territoire français sont aussi différents selon les pays. Là encore, l’article de l’AJCTCV fait une revue détaillée des pratiques au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Suisse. L’hétérogénéité est de mise entre tous ces pays, allant d’un encadrement extrêmement précis, rigoureux avec entretien individuel et sélection des candidats pour l’entrée dans la spécialité, à l’inscription sur simple dossier et CV. Ces données serviront pour alimenter la réflexion de la SFCTCV sur les changements nécessaires dans la formation initiale impliquant tous les acteurs depuis les enseignants jusqu’aux jeunes eux-mêmes. C’est la raison principale pour laquelle le nouveau président de la SFCTCV, Pascal Thomas, a souhaité créer un Comité pédagogique qui sera le pivot central entre les différentes instances impliquées dans la formation et l’enseignement. Ce comité, composé de 15 membres, aura comme tâches de réformer les modalités d’enseignements lors des séances du Collège, de proposer un contrôle des connaissances, d’obtenir une régulation plus claire d’accès à la spécialité, d’effectuer un suivi plus personnalisé du cursus de chaque interne, et d’autres missions en lien avec les universités, les autres sociétés savantes et les organismes de formation continue. Ce projet doit pouvoir permettre à tous les internes de notre discipline d’avoir un accès à une formation complète théorique et pratique de haut niveau, intégrée dans un programme connu dès l’inscription dans la spécialité et validée individuellement selon des modalités qui seront définies dans un avenir proche.   > Lire le rapport de l'AJCTCV
juin 3, 2016
Chirurgie humanitaire · Vol. 20 Juin 2016

Les valvulopathies rhumatismales opérées chez l’enfant et l’adolescent, 18 ans d’expérience de Mécénat Chirurgie Cardiaque

Olivier Michel Bical, Christian Latrémouille, Jean-Louis de Brux, Adrien Hazard, Vincent Lucet, Francine Leca Association Mécénat Chirurgie Cardiaque, 33 rue Saint-Augustin, 75002 Paris. Correspondance : ombical@hotmail.fr   Résumé Objectif : Les valvulopathies rhumatismales opérées ont un pronostic peu connu chez l’enfant. Depuis 18 ans, l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque (MCC) fait opérer dans plusieurs centres en France de jeunes malades étrangers atteints de cette pathologie. Le but de cette étude est de rapporter les résultats de cette activité associative. Méthodes : Les données ont été recueillies prospectivement par la cellule « suivi » de MCC. Les résultats des différents types de valve implantés ont été comparés. Résultats : De 1997 à 2014, 359 enfants (224 filles et 135 garçons) d’âge moyen 13,6 ± 4,5 ans ont été opérés grâce à MCC. La mortalité opératoire a été de 2,8 % (10 malades). Les gestes opératoires pour les 349 patients restants ont été 134 RVM, 44 RVA et 171 plasties mitrales. Le suivi est de 82 % avec un recul moyen de 4,5 ± 3,9 ans. La mortalité tardive a été de 16,1 % (58 malades), respectivement de 3,9 % pour les bioprothèses, 5,6 % pour les valves mécaniques et 6,6 % pour les plasties mitrales. Globalement, 46 % des malades ont une vie normale après l’opération. Les malades avec une valve mécanique ou une réparation mitrale ont à moyen terme une survie plus importante que ceux avec une bioprothèse (respectivement p = 0,005 et p = 0,002). La survie cumulée à 10 ans est identique pour les RVM et les plasties mitrales. Conclusion : Les résultats de la chirurgie valvulaire chez les enfants ayant une valvulopathie rhumatismale sont bons, sauf pour les malades avec une bioprothèse. Les remplacements valvulaires mécaniques et les réparations mitrales ont une survie identique à moyen terme, ce qui conduit à réserver les réparations aux seules anatomies favorables.   Abstract Surgery for rheumatic valvular disease in young patients: 18 years of experience at Mécénat Chirurgie Cardiaque Aim: Surgery for rheumatic valvular disease has an unknown prognosis in young patients. For 18 years, the association Mécénat Chirurgie Cardiaque (MCC) has organized the surgical correction of this pathology for young patients at several centers in France. The aim of this study was to analyze the results of this activity. Methods: Data were retrospectively collected by the follow-up unit of MCC. The results for different types of heart valve were compared. Results: From 1997 to 2014, 359 young patients (224 girls and 135 boys) of a mean age of 13.6±4.5 years underwent valvular surgery in France thanks to MCC. The surgical mortality was 2.8% (10 patients). For the other patients, the intervention consisted of 134 MVR, 44 AVR and 171 mitral plasties. The follow-up was 82% for 4.5±3.9 years. Delayed mortality was 16% (58 patients), i.e. 3.9% with a bioprosthesis, 5.6% with a mechanical valve and 6.6% for mitral plasties. Globally, 46% of the patients regained a normal life after the surgery. Patients with a mechanical valve or a mitral plasty had better survival at mid-term than those with a bioprosthesis (p=0.005 and p=0.002, respectively). The cumulative survival at 10 years was the same for patients with MVR and mitral plasties. Conclusion: The results of valvular surgery for young patients with rheumatic disease are good except for patients with s bioprosthesis. Mechanical valvular replacement and mitral plasty have the same survival at midterm, although we prefer to perform mitral repair only to favorable anatomies.   1. INTRODUCTION Les valvulopathies rhumatismales opérées ont un pronostic peu connu chez l’enfant et l’adolescent. Depuis 18 ans, l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque (MCC) fait opérer dans différents centres en France de jeunes malades étrangers atteints de cette pathologie. Cette activité ne représente qu’environ 1/8 de l’activité globale de MCC, axée principalement sur les cardiopathies congénitales. Le but de cette étude est d’analyser les résultats globaux de cette chirurgie valvulaire et de justifier l’engagement de MCC dans la prise en charge chirurgicale des enfants et adolescents ayant une  pathologie valvulaire rhumatismale.   2. MÉTHODES Grâce à MCC, 359 enfants ont été opérés en France dans différents centres chirurgicaux de 1997 à 2014. Ces centres étaient à Paris, la fondation hôpital Saint-Joseph, l’hôpital européen Georges-Pompidou et à Angers, le centre hospitalier universitaire. Le groupe était composé de 224 filles et 135 garçons  (sexe ratio 0,6 H/F) d’âge moyen 13,6 ± 4,5 ans. Les pays d’origine des malades étaient principalement le Mali (97), le Sénégal (62), la République démocratique du Congo (24), le Cameroun (15) et la Guinée (11). La pathologie rhumatismale était principalement mitrale chez 296 enfants et principalement aortique chez 53 enfants (hors décès précoces). Les remplacements valvulaires ont été mitraux dans 134 cas (113 valves mécaniques, 21 bioprothèses) et aortiques dans 44 cas (29 valves mécaniques et 15 bioprothèses). Parmi ces malades, 30 ont eu un remplacement aortique et mitral combiné. Enfin, 171 malades ont bénéficié d’une plastie mitrale selon les techniques de Carpentier. La mortalité précoce est définie par le décès du patient dans les 30 jours suivant l’intervention chirurgicale. La mortalité tardive est prise en compte dans les données lorsque le décès dépasse ce délai. L’analyse statistique pour les variables qualitatives a été réalisée par un test du Chi2 d’homogénéité grâce au logiciel R. Lorsque le nombre de variables qualitatives était insuffisant, l’étude a été faite grâce au test exact de Fisher. La comparaison entre les groupes de survie a été réalisée par la méthode de Kaplan-Meier avec le test du log rank (logiciel XL-Stat). Un seuil de significativité de 5 % a été retenu pour l’ensemble de ces données.   3. RÉSULTATS [figure 1] La mortalité précoce a été de 2,8 % (10 malades). Un malade est décédé des suites immédiates d’une chirurgie redux d’intervention de Ross. Les 9 autres sont décédés de défaillance polyviscérale. Il s’agissait de 7 RVM et de 2 plasties mitrales. Grâce à l’efficacité de la cellule « suivi » de MCC (Marion Saint-Picq), seuls 43 malades sur les 359 ont été perdus de vue. Le follow-up concerne donc 296 malades, soit 82 % de la série et le recul moyen est de 4,5 ± 3,9 ans. La mortalité tardive a été de 16 %, soit 58 malades. L’âge moyen des malades décédés était de 16,4 ± 3,9 ans, soit en moyenne 2,8 ans après l’intervention. Les causes des décès tardifs ont été d’origine cardiaque pour 22 malades (38 %), d’origine extracardiaque pour 16 malades (27 %) et d’origine inconnue pour 20 malades (36 %).   [caption id="attachment_2379" align="alignnone" width="300"] Figure 1 : Mortalité précoce et tardive.[/caption]   Les résultats globaux montrent que 46 % des malades ont une vie normale après l’opération. 38 % ont une vie quasi normale avec toutefois une petite fatigabilité à l’effort ou une difficulté d’équilibrer l’INR. Enfin, 16 % des malades ont un résultat moyen et 6 % un mauvais résultat. Parmi les 34 malades ayant des bioprothèses, 14 sont décédés [tableau 1]. Les 8 causes cardiaques (23 %) sont des dysfonctions de valve, des thromboses et des endocardites. Seuls 20 malades (59 %) ont une vie normale avec une bioprothèse.   Bioprothèses Valves mécaniques Réparations mitrales Tableau 1: Origine des décès tardifs selon le geste chirurgical en regard de la valve mitrale Causes cardiaques 8 (23 %) 7 (6 %) 3 (2 %) Causes extracardiaques 2 (5,9 %) 7 (6 %) 21 (13,7 %) Causes inconnues 4 (11,7 %) 6 (5 %) 0   Parmi les 119 malades ayant une valve mécanique, 20 sont décédés [tableau 1]. Les 7 causes cardiaques (6 %) sont des endocardites ou des complications des anticoagulants. Au total, 99 malades ayant une valve mécanique (soit 84 %) ont une vie normale sous traitement anticoagulant par AVK. Parmi les 146 malades ayant eu une plastie mitrale, 24 sont décédés [tableau 1], essentiellement de causes extracardiaques (20 malades). Au total, 122 malades de ce groupe vont bien (soit 84 %) avec toutefois 16 malades ayant eu une reprise chirurgicale pour remplacement valvulaire mécanique. Globalement, les malades ayant une valve mécanique ou une réparation mitrale ont avec un recul de 4,7 ans de meilleurs résultats que ceux ayant une bioprothèse (respectivement p = 0,005 et p = 0,002 – tableau  2). Les courbes de survie cumulée montrent à 10 ans une survie identique des malades mitraux ayant un remplacement mécanique ou une plastie [figure 2].   Les malades avec une valve mécanique ou une réparation mitrale ont à moyen terme une survie plus importante que ceux avec une bioprothèse (respectivement p = 0,005 et p = 0,002). Tableau 2: Comparaison du décès selon le geste chirurgical en regard de la valve mitrale Bioprothèses Plasties mitrales Valves mécaniques Décès tardifs 14 24 20 Vivants 20 122 99   [caption id="attachment_710" align="alignnone" width="300"] Figure 2 : Courbe de survie cumulée des malades après chirurgie mitrale[/caption]   L’analyse des résultats chez les jeunes filles ne montre pas de résultats différents de ceux des garçons [tableau 3]. Les mortalités précoces et tardives sont identiques. Chez les adolescentes, le traitement anticoagulant est à l’origine de seulement 2 décès lors de grossesse sur les 38 décès tardifs.   Tableau 3: Comparaison du nombre de décès selon le sexe du patient Filles Garçons Décès opératoires ou précoces (moins de 30 jours) 8 (3,6 %) 2 (1,5 %) Décès tardifs 38 (17 %) 20 (15 %)   4. DISCUSSION Le rhumatisme articulaire aigu est éradiqué dans tous les pays dits développés, mais il sévit encore en Afrique d’où sont originaires nos malades. Sa presque disparition dans le monde explique que les séries publiées de chirurgie valvulaire soient peu nombreuses et limitées [1,2]. Notre association MCC rassemble des malades de toute l’Afrique sub-saharienne, ce qui explique le nombre important de malades de notre étude. Nous rapportons ainsi la plus grande série de valvulopathies rhumatismales opérées, et l’importance du suivi de nos malades (82 %) justifie la publication de nos résultats. La mortalité opératoire (2,8 %) est assez faible, identique à celle de la chirurgie valvulaire adulte. En revanche, la mortalité tardive est élévée (16,1 %) avec toutefois un nombre élevé de causes extracardiaques (29, soit 50 % des décés) liées aux conditions de vie des malades. L’analyse des résultats confirme que les malades ayant des bioprothéses ont des résultats à distance nettement moins bons que les malades avec une valve mécanique ou une plastie mitrale. Pour la chirurgie aortique, cette supériorité des valves mécaniques sur les valves biologiques n’apparaît pas sur les courbes de survie, probablement en raison du recul insuffisant. En revanche, pour la chirurgie mitrale, cette supériorité des valves mécaniques et des réparations sur les valves biologiques est nette dès le début du suivi et s’amplifie d’année en année [figure 2]. Par ailleurs, nous ne trouvons pas de différence de survie entre les porteurs de valve mitrale mécanique et ceux ayant eu une réparation mitrale, probablement en raison d’un recul insuffisant. Il apparaît toutefois que le remplacement mitral chez l’enfant et l’adolescent donne de très bons résultats à distance malgré la nécessité du traitement anticoagulant. Cette constatation nous fait déconseiller les mauvaises plasties mitrales qui inéluctablement vont obliger à une réintervention proche. Les réparations ne se justifient que sur les insuffisances mitrales de type 1 ou 2 de Carpentier, ce qui est rare dans la pathologie rhumatismale [3]. Les insuffisances mitrales rhumatismales habituellement de type 3 de Carpentier (avec rétraction valvulaire) sont difficiles à réparer et, compte tenu de nos bons résultats des remplacements par valve mécanique, cette stratégie radicale nous paraît préfèrable [4]. Les résultats globaux de la chirurgie valvulaire ne sont pas influencés par le sexe des malades. Le traitement anticoagulant complique évidemment le suivi d’une grossesse chez une adolescente, mais dans notre série, les accidents sont exceptionnels. Compte tenu des difficultés médicales du suivi en Afrique, nous recommandons la continuité du traitement par AVK tout au long de la grossesse plutôt que les protocoles de relais par l’héparine [5]. En revanche, 2 semaines avant la date présumée de l’accouchement, le relais des AVK  par l’héparine nous semble indispensable, et cela en milieu hospitalier.   5. CONCLUSION Les résultats de la chirurgie valvulaire pour les cardiopathies rhumatismales de l’enfant et l’adolescent sont bons et justifient la poursuite de la prise en charge au sein de notre association. La valve mécanique donne de meilleurs résultats que la valve biologique pour cette population, et cela malgré le traitement anti­coagulant. En position mitrale, les résutats à moyen terme du remplacement valvulaire et de la réparation conservatrice sont proches, ce qui nous conduit à ne réserver la réparation qu’aux rares anatomies favorables sans trop de lésions rhumatismales rétractiles.   REMERCIEMENTS Nous remercions toute l’équipe du Mécénat Chirurgie Cardiaque, et particulièrement Marion Saint-Picq qui a permis, par la qualité de son travail de suivi des enfants, la justification scientifique de cette étude.   RÉFÉRENCES Kangah MK, Souaga KA, Amani KA et al. Insuffisance mitrale rhumatismale de l’enfant: aspects anatomiques et chirurgicaux, à propos de 84 cas. J Thoracique et Cardio-vasculaire 2009;13:11-4. Abid F, Ouarda F, Chaker L et al. Le remplacement valvulaire chez l’enfant. Indications actuelles et résultats, à propos de 63 cas. Archives de Pédiatrie 1998;8:946. Carpentier A. Chirurgie reconstructrice de la valve mitrale. In: Acar J. Cardiopathies valvulaires acquises. Paris: Flammarion medicine Sciences, 1985:554-60. Duran CM, Gometza B, Balasundaram C et al. A feasibility study of valve repair in rheumatic mitral regurgitation. Eur Heart J. 1991;12: 34-8. Berard J, Dufour Ph, Subtil D et al. Grossesse chez les femmes porteuses d’une valve cardiaque mécanique. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1997;26:455-64. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Cet article a été présenté au 68e congrès de SFCTCV (Marseille, juin 2015).
juin 3, 2016
Chirurgie thoracique · Vol. 20 Juin 2016

Problèmes posés par les cellulites descendantes médiastinales d’origine dentaire dans un pays en voie de développement

Seydou Togo1, Moussa Abdoulaye Ouattara1, Ibrahima Sankaré1, Jacques Saye1, Chiek Ahmed Sekou Touré1, Issa Boubacar Maiga1, Xing Li2, Sekou Koumaré3, Sadio Yéna1 1. Service de chirurgie thoracique, hôpital du Mali, Bamako, Mali. 2. 23e Mission médicale chinoise au Mali. 3. Service de chirurgie A, hôpital du Point G, Bamako, Mali. Correspondance : drseydoutg@hotmail.com   Résumé Introduction : La cellulite cervicofasciale descendante médiastinale (CCDM) d’origine dentaire est une pathologie grave qui impose une prise en charge rapide et efficace. Le but de ce  travail est de décrire les difficultés diagnostiques et thérapeutiques rencontrées lors de la prise en charge. Méthodes : Il s’agissait d’une étude prospective réalisée dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali de janvier 2011 à février 2015. Nous avons colligé consécutivement 19 cas de CCDM d’origine dentaire. Les aspects anatomocliniques, les modalités thérapeutiques et les difficultés rencontrées ont été décrites. Résultats : La douleur thoracique était retrouvée chez 10 patients  (52,63 %) et la dyspnée chez 8 patients (42,10 %). La tomodensitométrie (TDM) thoracique a permis de poser le diagnostic dans tous les cas. La cervicotomie avec mise à plat des collections était le geste opératoire le plus réalisé. Le drainage pleural avec l’irrigation-lavage a été réalisé dans 6 cas. La mortalité était de 15,79 %. Conclusion : Les CCDM sont des pathologies graves avec une morbimortalité élevée. Le retard diagnostique et les conditions socio-économiques précaires grèvent le pronostic dans notre contexte. Dans certains cas, seul le traitement conservateur en urgence par les mesures de réanimation, l’antibiothérapie adaptée et le drainage des collections peut être réalisé.   Abstract Problems posed by descending cellulitis with mediastinal spread from a dental origin in a developing country Introduction: Cervical facial necrotizing cellulitis with mediastinal spread from a dental origin is a serious disease which requires fast and effective management. The purpose of this work is to describe the diagnostic and therapeutic difficulties in the management of descending necrotizing mediastinitis of dental origin. Methods: This was a prospective study in the thoracic surgery department of Mali Hospital from January 2011 to February 2015. We collected 19 consecutive cases of cervical facial necrotizing cellulitis with mediastinal spread from a dental origin. The anatomical and clinical aspects, the therapeutic modalities and difficulties are described. Results: Chest pain was found in 10 patients (52.63%) and dyspnea in 8 patients (42.10%). Chest computed tomography (CT) provided the diagnosis in all cases. Cervicotomy with collection flattening was the most commonly performed surgical procedure. Pleural drainage with lavage-irrigation was performed in 6 cases. Mortality was 15.79%. Conclusion: Cervical facial necrotizing cellulitis with mediastinal spread from a dental origin is a serious disease with high morbidity and mortality. Late diagnosis and precarious socioeconomic conditions worsen the prognosis in our context. In some cases, only the conservative treatment in emergency with intensive care, appropriate antibiotic therapy and drainage of collections can be performed.   1. INTRODUCTION La cellulite cervicofasciale descendante médiastinale est une complication grave des cellulites d’origine cervicale pouvant engager le pronostic vital à la phase septicémique et qui impose une prise en charge rapide et efficace [1]. Les premiers signes sont parfois frustres et peuvent conduire à un retard diagnostique, surtout en Afrique où le contexte socio-économique est précaire [2]. L’examen clé est la tomodensitométrie [1,3]. Il s’agit d’une urgence médicochirurgicale. Sa prise en charge consiste à traiter l’infection médicalement et chirurgicalement en urgence [3]. Elle est fonction du délai de consultation conditionnant l’état général du patient. Le but de ce travail est de décrire les difficultés diagnostiques et thérapeutiques rencontrées lors de la prise en charge de cette pathologie dans un pays en voie de développement.   2. PATIENTS ET MÉTHODES Il s’agissait d’une étude prospective réalisée dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali de janvier 2011 à février 2015 qui a permis de colliger consécutivement 19 patients (7 hommes et 12 femmes). Ces patients ont tous présenté une cellulite cervicofasciale descendante médiastinale grave [figure 1]. La moyenne d’âge était de 26 ans avec un écart type de 10,24 et des extrêmes de 20 ans et 62 ans. Le tableau 1 résume les données cliniques et les caractéristiques sociodémographiques des patients. Il a été réalisé chez les patients un bilan clinique, biologique infectieux (numération formule sanguine, bactériologie de prélèvements de pus, hémoculture) et radiologique (radiographie conventionnelle et TDM). Un traitement médical et/ou chirurgical était effectué en fonction des lésions anatomoradiologiques retrouvées. La prise en charge de ces patients était réalisée d’abord par les soins médicaux avec des mesures de réanimation associées à une triple antibiothérapie probabiliste par voie parentérale (bétalactamines, aminosides et métronidazole). Les antibiothérapies ont été introduites par voie veineuse, à visée bactéricide contre les anaérobies et aérobies, synergiques et sont administrées à fortes doses à intervalles rapprochés. Elles ont été adaptées à la fonction rénale du patient et, dans un second temps, réajustées après culture et antibiogramme. Cette antibiothérapie était associée à un traitement antalgique, antipyrétique et des soins locaux buccodentaires (bain de bouche). Le traitement des foyers buccodentaires était effectué en collaboration avec l’équipe d’odontostomatologie.   [caption id="attachment_735" align="alignnone" width="300"] Figure 1 : A : Un cas grave de CCDM d’origine dentaire.B : TDM thoracique du patient avec multiples collections médiastinales[/caption]   Tableau 1: Caractéristiques sociodémographiques des patients Caractéristiques Nombre (%) Sexe – Hommes – Femmes   7 (36,84) 12 (63,16) Âge – 20-30 – 31-40 – > 60   13 (68,43) 4 (21,05) 2 (10,52) Profession – Cultivateur – Éleveur – Ménagère – Cordonnier – Enfant   7 (36,85) 6 (31,58) 4 (21,05) 1 (5,26) 1 (5,26) Facteurs de risques – Obésité – Immunodépression (VIH) – Diabète – Tabac – Grossesse   3 (15,78) 2 (10,52) 2 (10,52) 8 (42,10) 1 (5,26) Traitement antérieur 1. Moderne/Automédication – Anti-inflammmatoire – Antibiotiques 2. Traditionnel 3. Associé   17 (89,47) 17 (89,47) 8 (42,10) 13 (68,42) 13 (68,42) Résidence – Milieu urbain – Milieu rural   1 (5,26) 18 (94,74) Classification ASA – ASA 2 – ASA 3 – ASA 4   1 (5,26) 12 (63,16) 6 (31,58) ASA : American Society of Anesthesia.   Les gestes chirurgicaux ont consisté en un traitement combiné en fonction des besoins. La mise à plat des collections était associée à un drainage simple ou combiné à un système d’irrigation-lavage et une nécrosectomie. Les voies d’abord ont été une cervicotomie, une médiastinotomie, une thoracostomie (fenêtre thoracique) et une thoracotomie. Le système d’irrigation-lavage consistait en une irrigation continue par une solution diluée de polyvidone iodée (30 ml de polyvidone pour 500 ml de sérum salé à 0,9 %). L’irrigation-lavage n’était arrêté qu’après la disparition du dépôt dans le bocal d’aspiration. Chez les patients ayant des pertes considérables tissulaires pariétales, la chirurgie plastique de cicatrisation dirigée était réalisée lorsque la plaie était jugée satisfaisante après un certain temps de traitement médical. Une greffe de peau ou une transposition du lambeau musculaire pectoral pédiculé était réalisée dans certains cas. Le résultat des examens paracliniques, les gestes opératoires réalisés et la morbimortalité ont été déterminés. L’analyse de Kaplan-Meier a été utilisée pour calculer la survie à 1 mois, 3 mois et 1 an. Les données ont été exprimées en chiffre ou en pourcentage pour les différentes valeurs étudiées.   3. RÉSULTATS Tous les malades ont été hospitalisés. L’infection primitive était d’origine dentaire chez l’ensemble de nos patients. La fièvre, l’altération de l’état général et la douleur dentaire étaient les symptômes principaux (présents chez 100 % des patients) suivis de l’œdème cervical (94,73 %) et la tuméfaction sous-mandibulaire (10,52 %). La douleur thoracique était retrouvée chez 10 patients (52,63 %) et la dyspnée chez 8 patients (42,10 %). Chez 12 patients, une sonde nasogastrique a été mise en place pour assurer l’alimentation à l’aide de nutriments locaux. Onze patients (52,64 %) avaient un délai de prise en charge compris entre 15 et 21 jours suivi d’un délai de 8 à 14 jours pour 6 patients (31,58 %) ; de 22 à 30 jours pour 2 patients (10,52 %) et de 4 jours pour 1 patient (5,26 %). Le délai moyen de prise en charge était de 17,89 jours avec un écart type de 4,89. Selon la classification ASA (American Society of Anesthesia), 1 patient était classé ASA 2, 12 patients classés ASA 3 et 6 patients classés ASA 4. La radiographie thoracique a montré une pleurésie chez 6 patients et une collection médiastinale dans 3 cas. À la TDM, une collection médiastinale était retrouvée dans 4 cas et une pleurésie dans 7 cas. La modification de la densité de la graisse médiastinale sans collection liquidienne ou aréique était retrouvée chez 13 patients. La cervicotomie avec mise à plat des collections était le geste opératoire le plus réalisé (52,63 %), suivi du drainage pleural (36,84 %) et de la nécrosectomie cervicale (26,31 %). Le drainage pleural associé à l’irrigation-lavage était réalisé dans 6 cas. Au total, 7 patients ont eu un séjour en réanimation dont 4 en postopératoire. Six patients ont bénéficié de transfusion sanguine dont 2 en préopératoire. Chez 13 patients, aucun germe n’avait été isolé et l’hémoculture réalisée chez 4 patients était positive seulement dans 1 cas [tableau 2]. Pour 4 patients, l’antibiothérapie initiale était réajustée en postopératoire après étude bactériologique des prélèvements. Le staphylocoque doré et le Pseudomonas aeroginosa étaient des germes multirésistants retrouvés dans les 3 cas de décès. Deux patients décédés avaient initialement été traités par un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS). Parmi les cas de décès il y avait 2 patients diabétiques et 1 patient porteur du VIH (virus immunodéficience humaine). Les gestes chirurgicaux initialement réalisés chez les 3 patients qui sont décédés ont été : une thoracotomie antérolatérale droite avec excision du tissu médiastinale nécrosé (durée opératoire supérieure à 4 heures) chez le 1er patient ; une fenêtre thoracique pour pyothorax sur paroi thoracique nécrosée (48 h après échec de la mise en place du système d’irrigation lavage) chez le 2e patient et une médiastinostomie droite associée à un effondrement des logettes de pus + un débridement du tissu nécrosé avec lavage-drainage chez le 3e patient [tableau 3].   Tableau 2: Résultats des examens bactériologiques Bactériologie Nombre (%) Pus – Morganella Sp – Staphyloccocus aureus – Streptoccocus pneumoniae – Germe non retrouvé 15 (78,95) 1 3 1 10 Hémoculture – Pseudomonas aeroginosa – Stérile 4 (21,05) 1 3 Tableau 3: Résultats de la prise en charge en fonction des lésions retrouvées à la TDM Lésions à la TDM Nbre (%) n = 19 Gestes réalisés Complic. n = 8 Décès n = 3 Infiltration œdémateuse des parties molles cervicales + collection mixte (aérique et liquidienne) du médiastin antérosupérieur 2 (10,52) Médiastinotomie antérieure (débridement du tissu nécrosé, mise à plat des logettes de pus + irrigation-lavage) 1 1 Volumineuse collection du médiastin supérieur avec coulées étendues vers le médiastin postérieur + épanchement pleural 1 (5,26) Drainage médiatinal en position Trendelenburg + drainage pleural (irrigation-lavage) - - Collections cervicales + collections du médiastin moyen et postérieur 1 (5,26) Thoracotomie antérolatérale (excision du tissu nécrosé, mise à plat des collections, lavage-drainage) + cervicotomie (drainage) 1 1 Collection cervicale + pneumo médiastin + emphysème pariétal + épanchement pleural 2 (10,52) Cervicotomie (mise à plat des collections et logettes de pus, drainage) + drainage pleural simple - - Infiltration de l’oropharynx et l’étage supérieur + modification de la densité de la graisse médiastinale + épanchement pleural 1 (5,26) Drainage pleural (initialement) puis fenestration thoracique (secondairement) 1 1 Infiltration œdémateuse des parties molles cervicales + modification de la densité de la graisse médiastinale + épanchement pleural 3 (15,78) Nécrosectomie cervicale + drainage pleural (irrigation-lavage) 1 - Collections cervicales + modification de la densité de la graisse médiastinale + épanchement péricardique 2 (10,52) Cervicotomie (mise à plat des logettes de pus, drainage) + drainage péricardique - - Collections cervicales + modification de la densité de la graisse médiastinale 3 (15,78) Cervicotomie (mise à plat des collections et logettes de pus, drainage) 1 - Abcès sous-mandibulaire + infiltration œdémateuse des parties molles cervicales + modification de la densité de la graisse médiastinale 2 (10,52) Incision sous-mandibulaire (mise à plat de collection, drainage) + nécrosectomie cervicale 1 - Collections cervicales + modification de la densité de la graisse médiastinale + lésions pleuroparenchymateuses 2 (10,52) Cervicotomie (mise à plat des collections) + vidéothoracoscopie (lavage-drainage) 2 - Complic : complications ; TDM : tomodensitométrie.   Au total, 8 patients (42,10 %) avaient présenté des complications pendant la prise en charge. La fièvre persistante après le 3e jour et la détresse respiratoire étaient les complications dominantes. Tous les patients décédés avaient présenté une fièvre persistante (température > 40 °C) dans un tableau de détresse respiratoire [tableau 4].   Tableau 4: Répartition des patients en fonction des complications postopératoires Patient n° Complications postopératoires Décès 1 Détresse respiratoire + Insuffisance rénale + Fièvre persistante oui 2 Atélectasie pulmonaire gauche - 3 Hémorragies - 4 Fièvre persistante après le 3e jour + Détresse respiratoire oui 5 Bas débit cardiaque + Fièvre persistante - 6 Ventilation mécanique prolongée (26 jours) + Fièvre persistante oui 7 Mauvais contrôle de la glycémie - 8 Pneumonie + Ostéite costale -   Chez les patients ayant des pertes de substances pariétales, une greffe de peau avait été réalisée au bout de 5 semaines de traitement chez 9 patients et 3 patients avaient bénéficié d’une transposition du muscle grand pectoral au niveau cervical au bout de 3 mois de traitement. Le taux de mortalité était de 15,79 %. La survie à 1 mois et à 3 mois a été de 84,21 % et 78,94 % à 12 mois. Les patients décédés lors du suivi avaient des tares telles que le diabète et le VIH pour lesquels ils n’avaient pas de prise en charge appropriée.   4. DISCUSSION Le diagnostic clinique de la CCDM est aisé quand le tableau clinique est complet [2,3]. L’examen clinique peut retrouver un érythème ou un œdème local souvent discret, accompagné de douleurs dentaires persistantes. S’ensuit la sensation de masse liée au développement d’un abcès oropharyngé qui engendrera un syndrome de compression à type de dyspnée, de dysphagie souvent dans un tableau d’altération de l’état général. Une dysphagie et une dyspnée laryngée témoignent d’un retentissement sur les voies aérodigestives. En l’absence d’un traitement médical ou chirurgical précoce et bien conduit, l’infection peut se propager vers le médiastin par diffusion suivant le trajet des gaines du cou dans plus de 20 % des cas [4,5]. L’état général peut être longtemps conservé et s’altérer brutalement [1,4]. Le délai est un élément pronostique important dans la prise en charge des médiastinites. Dans notre étude, nous avons enregistré un délai moyen très long de 18 jours. Ce délai est similaire au délai observé par Doumbia et al [6]. Il s’explique par l’itinéraire complexe des patients dont le parcours passe par les guérisseurs traditionnels, l’automédication, les centres périphériques pour enfin arriver au service de chirurgie. Cependant, dans les pays développés, le délai moyen est plus court comme le montre l’étude de Biland et al. qui retrouve un délai moyen global de 4,5 ± 3,2 jours [7]. L’allongement du délai de prise en charge a pour conséquence une admission dans les structures spécialisées de patients moribonds. La presque totalité de nos patients était classée ASA 3 ou 4. L’état général des patients à l’admission est mauvais comparé aux patients des pays développés. La malnutrition de la population dans les pays à ressources limitées, surtout celle vivant en milieu rural dans des conditions de vie précaires, constitue un facteur d’aggravation de la cellulite. Les patients sont généralement malnutris avec une faible immunité et sont susceptibles de s’affaiblir assez rapidement devant une infection grave. Les cellulites nécrosantes descendantes médiastinales ont une incidence de 1 à 2,5 % avec une mortalité hospitalière de 10 à 20 % [3], ce qui concorde avec les résultats de notre étude qui a retrouvé une mortalité de 15,78 %. Cela montre que malgré le retard de prise en charge dans les pays à ressources limitées, la mortalité peut être comparable à celle retrouvée dans les pays développés. L’origine dentaire de la cellulite est identifiée par la plupart des études comme un facteur favorisant l’extension vers le médiastin, notamment lorsque les 2e ou 3e molaires sont infectées. L’essentiel du bilan de localisation et d’extension est fait par la TDM cervicothoracique injectée qui recherchera le point de départ de l’infection dentaire et les signes témoignant de l’atteinte des parties molles : infiltration des tissus, collections, présence de gaz [1,3]. Dans notre étude, la CCDM a été confirmée dans tous les cas par la réalisation d’une tomodensitométrie souvent secondaire à une radiographie standard ou une échographie et a permis aussi de réaliser le bilan d’extension. Les facteurs de risque classiques d’immunosuppression comme le diabète, les néoplasies, la prise d’anti-inflammatoire non stéroïdiens ou de corticoïdes sont fréquemment incriminés [1]. Le diabète, l’obésité, l’utilisation AINS et la sérologie VIH ont été les facteurs de risque retrouvés chez nos patients. Les patients ont un pouvoir économique faible et les soins sont à leur propre charge. La presque totalité de ces patients ne dispose d’aucune assurance sanitaire. Dès les premiers symptômes, la maladie est négligée, la majorité des patients a recours à l’automédication puisque les médicaments contrefaits sont moins chers, disponibles et facilement accessibles. Sur le marché africain, ces médicaments sont vendus par des femmes et des enfants pour la plupart illettrés, n’ayant aucune qualification en médecine ou en pharmacologie. Dans les pays en voie de développement, en plus des causes de retard que nous rencontrons par rapport aux pays développés qui sont généralement la symptomatologie fruste, la méconnaissance de la médiastinite descendante par le corps médical, l’attitude attentiste sous médication, s’ajoutent l’automédication et la tradithérapie qui sont les principales causes du retard diagnostique. L’automédication et la tradithérapie restent de règle et de routine dans notre environnement très paupérisé et sont en cause non seulement dans le retard de la prise en charge médicale chez l’ensemble des patients, mais aussi dans l’aggravation de la maladie. La tradithérapie est culturelle dans notre contexte. Elle est pratiquée lorsqu’il n’y a pas d’amélioration après une automédication. Elle est en général un traitement d’espérance et psychologique des patients et consiste à la réalisation de sacrifices, de cérémonie rituelle ; à la préparation de décoctions de plantes et d’excréments d’animaux pour laver les patients, etc. La tradithérapie est réalisée à des prix dérisoires, souvent même par de simples offrandes. Bien que peu efficace, ce traitement reste le dernier recours pour la plupart des patients sans revenus. Les patients qui arrivent dans les structures hospitalières sont ceux qui ont eu un échec aux traitements traditionnels. À l’admission les patients n’étaient pas à mesure de supporter une chirurgie lourde parce qu’ils n’étaient pas éligibles pour un traitement agressif. Les gestes de sternotomie ou de thoracotomie bivalves type Clamshell n’étaient pas applicables, bien que reconnus pour être le traitement standard et de références des médiastinites en cas de progression sous-carinaire [8]. Sachant bien qu’il y a peu de place dans le traitement conservateur de la médiastinite, nous étions donc contraints de réaliser des gestes simples de drainage, de nécrosectomie et d’incision pour vider les collections de pus. Dans l’atteinte médiastinale, l’intervention chirurgicale doit être la plus complète possible et la voie d’abord large et extensible ; il s’agit de drainer mais aussi d’exciser la nécrose et de mettre à plat toutes les zones cellulitiques [9]. Une thoracotomie, une sternotomie ou une incision Clamshell peuvent être réalisées. Cette procédure a révélé une bonne vue chirurgicale de la structure du médiastin supérieur [10]. Les méthodes chirurgicales plus radicales à thorax ouvert sont de morbidité élevée, mais sont efficaces contre l’infection [9,11]. Dans cette étude, les quelques rares patients chez qui nous avons réalisé une thoracotomie sont décédés. La morbimortalité liée à la thoracotomie constatée dans notre étude n’est pas liée à la voie d’abord, mais pourrait être le fruit d’une infection plus avancée avec la dissémination de germes souvent polymicrobiennes. Selon certains auteurs, l’erreur à éviter est un traitement trop conservateur ne permettant pas d’éliminer tous les tissus nécrosés et infectés [11-13]. Les méthodes chirurgicales à thorax fermé (drainage simple, irrigation-lavage, vidéothoracoscopie) ont été utilisées dans notre expérience en association avec l’antibiothérapie chez les patients compte tenu de leur mauvais état général à l’admission. Dans les cas de médiastinites sous-carinaires avec modification de la densité de la graisse médiastinale à la TDM et sans collections médiastinales objectivées, nous avons privilégié le traitement médical par antibiothérapie à large spectre. Souvent, il a été seulement associé à des gestes simples de nécrosectomie pariétale ou de drainage et les résultats ont été encourageants. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les patients venus de milieu rural semblaient avoir une bonne réponse aux antibiotiques que nous avons utilisés. Nos patients pour la plupart n’ont jamais bénéficié de l’administration d’antibiotiques. Pour une efficacité du drainage, la méthode de choix reste l’irrigation-drainage [11,14]. La technique d’irrigation-lavage nécessite une surveillance radiologique rapprochée. Cette technique a été réalisée dans notre étude et a permis d’obtenir de bons résultats. Le problème est celui du choix de la solution d’irrigation [11,15]. L’emploi d’antiseptiques tels que la polyvidone iodé ou l’acide acétique semblent donner de meilleurs résultats [15]. Dans notre étude, la polyvidone iodé (Bétadine) a été l’antiseptique utilisé. L’emploi d’antibiotique pour le lavage tend à être abandonné à cause des résistances qu’il peut engendrer. Les prélèvements de pus et l’hémoculture ont très rarement isolé des germes dans notre contexte. Cela pourrait être lié aux conditions de prélèvement, d’acheminement, de traitement des échantillons. La pauvreté en ressource humaine qualifiée est aussi en cause, car souvent les prélèvements sont conservés dans de mauvaises conditions et traités dans un délai trop long. De façon générale, 60 à 90 % des cellulites cervicales sont polmicrobiennes à flore mixte aéroanaérobie [14]. Les protocoles thérapeutiques en matière de prescription de l’antibiothérapie sont variables dans la littérature. Pour la plupart, l’association de référence est une trithérapie : bétalactamines, aminosides et métronidazole [15]. Ce protocole thérapeutique a été observé chez tous nos patients en traitement de première intention. La durée de l’antibiothérapie varie selon les habitudes des équipes, la gravité de l’infection initiale et surtout l’évolution du patient. Elle a été maintenue à un minimum de 15 jours jusqu’à plusieurs semaines après disparition des signes d’infection locaux et généraux chez nos patients. Certains la préconisent jusqu’à la fermeture complète des lésions cutanées, mais la littérature ne donne pas de réponse concrète [4,9,12,16]. Une alternative intéressante aux pansements classiques dont nos patients n’ont pas pu bénéficier dans la cicatrisation dirigée des lésions pariétales cervicales serait les pansements occlusifs à pression négative type VAC (Vacuum-assisted closure). Ceux-ci permettent une meilleure cicatrisation des plaies pariétales dans un délai plus court [17]. Les récidives et les chocs septiques fatals ont été observés chez nos patients qui avaient une durée d’intervention assez longue (> 4 h) et les reprises chirurgicales précoces (< 72 h). La cause serait la dissémination de la flore endogène chez des patients avec un mauvais état général et surtout lorsque l’antibiothérapie n’est pas adaptée. La prise en charge classique d’un patient avec médiastinite descendante est pluridisciplinaire avec une réévaluation toutes les 48 heures clinique, biologique et radiologique par TDM jusqu’à une amélioration stable des patients [8]. Une étroite collaboration entre chirurgiens, odontostomatologues, anesthésistes et réanimateurs a été observée et nos patients ont tous été réévalués mais avec beaucoup de difficultés. Ils ont été gardés à l’hôpital dans un premier temps jusqu’à la stabilisation de l’infection et dans un second temps, ils ont été suivis par des contrôles hebdomadaires ou mensuels en fonction de leur état. La TDM était réalisée une première fois à l’admission puis une semaine plus tard chez tous les patients. Les trois quarts des patients n’étaient pas en mesure de payer les frais d’un examen TDM et sollicitaient le service social ou des personnes de bonne volonté. Les patients avaient des difficultés pour se présenter aux rendez-vous. Dans le suivi à long terme, la radiographie thoracique était réalisée dans certains cas par faute de moyen financier et la TDM selon l’appréciation du médecin. Les examens biologiques étaient réalisés toutes les 48 heures jusqu’à l’amélioration stable des patients. Cela a pu être possible grâce au concours du service social ou certains organismes de bienfaisance que nous avons sollicités. Dans les pays pauvres où les conditions chirurgicales restent précaires avec un plateau technique limité des laboratoires d’analyse, où le retard diagnostique est observé chez des patients en mauvais état général avec un pouvoir économique faible, le traitement radical de la médiastinite par chirurgie agressive est peu applicable.   5. CONCLUSION La CCDM d’origine dentaire est une pathologie fréquente, grave avec une morbimortalité élevée. Le retard diagnostique et le contexte socio-économique précaire dans les pays pauvres grèvent le pronostic. Cependant dans certains cas seulement le traitement conservateur par antibiothérapie adaptée associé souvent au drainage de collections peut être réalisé. L’hygiène buccodentaire reste de nos jours un problème majeur de santé publique et mérite d’attirer l’attention.   REMERCIEMENTS Remerciements à toute l’équipe la Mission médicale chinoise au Mali pour les dons de médicaments et de consommables utilisés dans la prise en charge de ces patients pour la plupart démunis et malnutris.   RÉFÉRENCES Lavini C, Natali P, Morandi U, Dallari S, Bergamini G. Descending necrotizing mediastinitis. Diagnosis and surgical treatment. J Cardiovasc Surg. 2003 ;44(5):655-60. Casanova J, Bastos P, Barreiros F. Descending necrotizing mediastinis. Successful treatmentusing a radical approach. Eur J Cardiothorac Surg 1997;12:494-6. Marty-Ane Ch, Berthet JP, Alric P, Pejis JD, Rouvière P, Mary H. Management of descending necrotizing mediastinitis: an aggressive treatment for an aggressive disease. Ann Thorac Surg 1999;68:212-7. Jarboui S, Jerraya H, Moussi A et al. Descending necrotizing mediastinitis of odontogenic origin. Tunis Med. 2009;87(11):770-5. 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juin 3, 2016
Chirurgie thoracique · Vol. 20 Juin 2016

Résultats à long terme des œsophagectomies selon la technique de Lewis Santy par voie conventionnelle par rapport à la laparoscopie : analyse par score de propension

Philippe Rinieri, Moussa Ouattara, Geoffrey Brioude, Anderson Loundou, Henri de Lesquen, Delphine Trousse, Christophe Doddoli, Pascal-Alexandre Thomas, Xavier Benoît D’Journo Service de chirurgie thoracique et des maladies de l’œsophage, hôpital Nord, CHU d’Aix-Marseille, Marseille Correspondance : xavier.djourno@ap-hm.fr   Résumé Introduction : L’œsophagectomie selon la technique de Lewis Santy (LS) est le traitement de référence des cancers du tiers inférieur de l’œsophage ou de la jonction œsogastrique (Siewert I and II), le plus souvent dans le cadre d’une approche multimodale. Cette chirurgie est associée à une forte morbidité postopératoire justifiant le recours à des techniques mini-invasives, essentiellement par laparoscopie pour en réduire le traumatisme. Néanmoins, les résultats oncologiques à long terme de la laparoscopie par rapport à la laparotomie ont été peu évalués. Méthodes : Tous les patients qui ont eu une œsophagectomie de type LS pour cancer entre 2002 et 2014 ont été sélectionnés à partir d’une base de données prospective. Les œsophagectomies totalement mini-invasives ont été exclues de l’étude. Les patients ont été appariés un pour un (laparotomie versus laparoscopie), sur la base du score de propension calculé à partir de la régression logistique incluant les variables dépendantes suivantes : âge, sexe, VEMS, traitement néoadjuvant, chirurgie de rattrapage, type histologique, localisation, stade pathologique. L’objectif primaire était l’évaluation de la survie globale et sans récidive à 5 ans selon la méthode de Kaplan-Meier. Les objectifs secondaires étaient l’évaluation de la qualité de la chirurgie (taux de résection complète, nombre et localisation des ganglions réséqués) et des modalités de récidive (locorégionale ou générale) dans les 2 groupes. Résultats : Sur une période de 12 ans, 379 œsophagectomies pour cancer ont été réalisées, dont 272 selon la technique de LS. Cent quarante patients ont été appariés en deux groupes homogènes (groupes laparotomie et laparoscopie) à partir du score de propension. La médiane de suivi des patients vivants sans récidive était de 32 mois (1-104). La survie globale à 5 ans des groupes laparotomie et laparoscopie était respectivement de 65 % et de 73 % (p = 0,891). La survie sans récidive à 5 ans était de 48 % dans le groupe laparotomie et de 51 % dans le groupe laparoscopie (p = 0,912). Le taux de résection R0 des groupes laparotomie et laparoscopie étaient respectivement de 93 % et de 97 % (p = 0,441). Le nombre total de ganglions réséqués était de 22 ± 11 (9 ± 6 ganglions abdominaux et 13 ± 8 ganglions médiastinaux) dans le groupe laparotomie et de 22 ± 10 (8 ± 5 ganglions abdominaux et 14 ± 8 ganglions médiastinaux) dans le groupe laparoscopie (p = 0,902). Au terme du suivi, 33 patients (24 %) étaient décédés. Trente-deux patients (23 %) ont eu une récidive tumorale : 24 récidives métastatiques et 8 récidives locorégionales isolées. Les modalités de récidive étaient similaires dans les deux groupes. Conclusion : La laparoscopie ne compromet pas les résultats oncologiques à long terme des œsophagectomies selon la technique de LS, par rapport à une approche conventionnelle. La qualité de la chirurgie semble comparable dans les deux techniques, à l’exception des ganglions réséqués au niveau du tronc cœliaque. Des essais contrôlés randomisés restent nécessaires pour confirmer ces résultats.   Abstract Long-term outcome of open versus hybrid minimally invasive Ivor Lewis esophagectomy: a propensity match score study  Introduction: Ivor Lewis (IL) esophagectomy is considered an effective procedure for the treatment of esophageal cancer and gastroesophageal junction, alone or after neoadjuvant treatment. Because of the high postoperative morbidity of the open procedure, hybrid minimally invasive techniques including a laparoscopic approach have been developed in order to reduce the surgical trauma. However, long-term outcomes of laparoscopy compared to laparotomy have been poorly reported. Methods: All the patients who had an IL esophagectomy for cancer between 2002 and 2014 were extracted from a prospective database. Patients operated on with total minimally invasive esophagectomy were excluded. The patients were matched one-to-one according to the surgical approach (laparoscopy versus laparotomy) on the basis of the propensity score calculated from the logistic regression including the following dependent variables: age, gender, FEV1, neoadjuvant treatment, salvage surgery, histology, location and pathological stage. The first end-point of the study was the assessment of the five-year survival and disease-free survival (DFS) rates (Kaplan-Meier method). The secondary end-points were: 1) the assessment of the quality of the surgery based on R0 resection rate, the number and distribution of resected lymph nodes (LN); 2) and the patterns of recurrence (locoregional or distant) in both groups. Results: Over a 12-year period, 379 esophagectomies were performed, among whom 272 were done using the IL technique. One hundred and forty patients were matched from the propensity score in two homogeneous groups: laparotomy (n=70) and laparoscopy (n=70). The median follow-up for those alive and without recurrence at study end was 32 months (range, 1-104). The five-year overall survival rate was 65% in the laparotomy group and 73% in the laparoscopy group (p=0.891). The five-year disease-free survival rate was 48% in the laparotomy group and of 51% in the laparoscopy group (p=0.912). The R0 resection rate was respectively 93% versus 97% between the laparotomy and laparoscopy groups (p=0.441). The number of resected LN was 22±11 (9±6 in the abdomen, 13±8 in the chest) in the laparotomy group and 22±10 (8±5 in the abdomen, 14±8 in the chest) in the laparoscopy group (p=0.902). At the time of review, 32 patients (23%) had developed a recurrence, and 33 patients (24%) had died. Of the 32 patients with evidence of recurrence, 24 had a distant recurrence and 8 had a locoregional recurrence. According to the surgical approach, the patterns of recurrence were similar in both groups. Conclusions: A laparoscopic approach to IL esophagectomy does not compromise the long-term oncologic outcome compared to the open approach. The quality of surgery seems similar in both techniques, except for the number of LN resected at the level of the celiac trunk in laparoscopy. Further randomized controlled trials are necessary to confirm these results.   1. INTRODUCTION L’œsophagectomie transthoracique selon la technique de Lewis Santy (LS) est le traitement de référence des cancers du tiers inférieur de l’œsophage ou de la jonction œsogastrique, le plus souvent dans le cadre d’une approche multimodale. [1,2]. La morbimortalité des œsophagectomies transthoraciques reste élevée malgré les progrès dans la prise en charge périopératoire [3]. Après ce type de chirurgie, la morbidité est de 30 à 50 % et la mortalité de 2 à 10 % [1]. Les complications les plus fréquentes sont respiratoires [4]. Compte tenu du nombre élevé d’événements respiratoires postopératoires et de la mortalité qui leur est liée, plusieurs techniques de chirurgies mini-invasives se sont développées pour en réduire le traumatisme particulièrement important dans ce type de chirurgie nécessitant des abords chirurgicaux multiples. Le principal intérêt clinique de la chirurgie mini-invasive est de réduire le stress chirurgical, de permettre une rééducation respiratoire efficace et d’autoriser une mobilisation précoce. La laparoscopie apparaît comme une alternative à la laparotomie. Ainsi, l’intervention de LS avec un premier temps par laparoscopie, tout en conservant le temps thoracique par une approche conventionnelle, a été introduite depuis une dizaine d’années avec des résultats prometteurs. D’après l’étude de Briez et al., un abord par laparoscopie diminuerait le risque de complications pulmonaires majeures et réduirait même la mortalité postopératoire tout en permettant de conserver la qualité de la résection chirurgicale si l’on tient compte de critères oncologiques traditionnels comme le nombre de ganglions réséqués ou le taux de résections complètes [5]. De nombreuses études ont essayé d’évaluer les résultats oncologiques des œsophagectomies mini-invasives, mais l’interprétation des résultats reste limitée compte tenu de l’hétérogénéité des techniques, des indications et des populations étudiées [4,6]. L’étude randomisée multicentrique française en cours (étude MIRO : œsophagectoMIe pour cancer paR voie conventionnelle ou cœliO-assistée) compare les interventions de LS avec thoracotomie, par laparotomie et par laparoscopie [7]. L’un des objectifs secondaires est l’évaluation à long terme des résultats oncologiques de ces deux techniques chirurgicales, mais les résultats ne sont pas encore connus. L’objectif principal de notre étude était d’évaluer à partir d’un appariement, les résultats à long terme des œsophagectomies selon la technique de LS avec le temps abdominal par laparoscopie par rapport à une approche conventionnelle.   2. MÉTHODES   2.1. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique, à partir d’une base de données prospective. Cette étude en intention de traiter a reçu l’avis favorable du Comité d’éthique de recherche clinique de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire (CERC-SFCTCV-2015-3-31-17-46-5-RiPh). Toutes les œsophagectomies pour cancer réalisées entre août 2002 et décembre 2014 ont été revues. Les patients qui ont eu une intervention de LS par laparotomie ou laparoscopie ont été inclus. Le choix de la voie d’abord dépendait de l’opérateur. Les œsophagectomies subtotales par voie gauche ou par trois voies (interventions de Mac Keown et d’Akiyama), les œsophagectomies totalement mini-invasives (vidéothoracoscopie et laparoscopie ou chirurgie robotique), les approches transhiatales et les œsopharyngolaryngectomies totales ont été exclues. Les patients ont été appariés sur la base d’un score de propension calculé à partir de la régression logistique incluant la variable dépendante (laparotomie ou laparoscopie) et les variables indépendantes (âge, sexe, score ASA, VEMS, traitement néoadjuvant, chirurgie de rattrapage, type histologique, localisation, stade pathologique). Les résultats des œsophagectomies selon la technique de LS, conventionnelles (groupe laparotomie) et mini-­invasives hybrides (groupe laparoscopie) ont été comparés. Le traitement néoadjuvant consistait en une chimiothérapie seule ou associée à une radiothérapie (45 grays). En cas de chirurgie de rattrapage, les patients étaient opérés après radiochimiothérapie exclusive, comprenant entre 50-60 grays. Les stades pathologiques étaient évalués selon la 7e édition de la classification TNM, publiée en 2009 par l’Union internationale contre le cancer. Les patients ont été revus en consultation à un mois postopératoire, puis tous les 6 mois avec une endoscopie œsogastrique et un scanner thoracoabdominal. En cas de suspicion de récidive, une confirmation histologique était systématiquement recherchée. Les survies étaient obtenues à partir des dates opératoires, de décès, de récidives et des dernières nouvelles (septembre 2015).   2.2. Critères de jugement L’objectif principal était l’évaluation de la survie globale et sans récidive à 5 ans selon la méthode de Kaplan-Meier. Les objectifs secondaires étaient l’évaluation de la qualité de la chirurgie (taux de résection chirurgicale complète, localisation et nombre des ganglions réséqués et envahis) et les modalités de récidive (locorégionale ou métastatique).   2.3. Description de la chirurgie Le temps abdominal comprenait l’exploration, la dissection du ligament gastrocolique en conservant l’arcade gastroépiploïque, le curage ganglionnaire, l’amorce de la tubulisation gastrique par une agrafeuse. En cas de laparoscopie, 5 à 6 trocarts étaient nécessaires et l’insufflation de CO2 était de 11 mmHg. En cas de laparotomie, une pyloroplastie ou pyloroclasie était systématique. Le temps thoracique était systématiquement réalisé par thoracotomie postérolatérale droite. Il comprenait la ligature du canal thoracique, l’œsogastrectomie polaire supérieure avec médiastinotomie postérieure monobloc, le curage ganglionnaire, la tubulisation gastrique, l’anastomose mécanique œsogastrique terminolatérale au sommet du thorax. Nos techniques chirurgicales répondaient aux critères de qualité en oncologie digestive (Thésaurus national de cancérologie digestive, Cancer de l’œsophage 01/03/2013). Tous les patients ont eu un curage ganglionnaire 2 champs étendu : abdominal (petite courbure, gastrique gauche, cœliaque, paracardial) et médiastinal (stations 2D, 4D, 7, 8 et 9). La préparation macroscopique de la pièce opératoire était systématiquement réalisée par le chirurgien avant envoi en anatomopathologie définitif en prenant soin d’identifier chaque groupe ganglionnaire, ainsi que les recoupes digestives.   2.4. Analyse statistique L’analyse statistique a été réalisée par un biostatisticien de notre institution avec le logiciel IBM SPSS Statistics version 20. Le score de propension a été réalisé sur les variables détaillées précédemment. Le test du log-rank a permis de comparer les courbes de survie établies par la méthode de Kaplan-Meier. Les résultats portant sur des variables continues sont exprimés sous forme de moyenne ± écart type ou par la médiane et l’écart interquartile. Les variables continues ont été comparées par un test de Student ou un test de Mann-Whitney. Les variables qualitatives ont été comparées par un test de Pearson Chi-square ou par un test exact de Fischer. Une valeur p inférieure à 0,05 était considérée comme statistiquement significative. Une analyse multivariée avec régression logistique selon un modèle de Cox avait pour objectif d’identifier des facteurs de risque de survenue d’un décès ou d’une récidive. Le choix des variables candidates à l’analyse multivariée s’est fait sur le critère de la valeur < 5 % en analyse univariée et sur les variables qui ont une relevance clinique (âge, ASA, pN+/pN-, rupture capsulaire, R0/R1).   3. RÉSULTATS   3.1. Description de la population Sur une période de 12 ans, 379 œsophagectomies pour cancer ont été réalisées dans le service, dont 272 œsophagectomies selon la technique de LS (179 techniques conventionnelles et 93 techniques mini-invasives hybrides). Deux groupes homogènes de 70 patients (groupe laparotomie et groupe laparoscopie) ont été obtenus à partir d’un score de propension incluant les 9 variables indépendantes. Les données démographiques, cliniques et histologiques des deux groupes sont résumées dans le tableau 1. De 2002 à 2008, les groupes laparotomie et laparoscopie comprenaient respectivement 39 et 38 patients. De 2009 à 2014, les groupes laparotomie et laparoscopie comprenaient respectivement 31 et 32 patients. Deux patients du groupe laparoscopie ont été convertis en laparotomie pour saignement. La mortalité à 30 jours postopératoires était de 5 % (4 patients dans le groupe laparoscopie et 3 patients dans le groupe laparotomie). La mortalité à 90 jours postopératoires était de 8,6% (6 patients dans chaque groupe). La médiane de suivi des patients vivants sans récidive était de 32 mois (1-104). Au terme du suivi, 33 patients (24 %) étaient décédés.   Tableau 1: Données démographiques, cliniques et histologiques (variables du score de propension) Total (n = 140) Laparotomie (n = 70) Laparoscopie (n = 70) Valeur p Âge (années) 61,1 ± 9 61 ± 9 61,1 ± 9 0,951 Sexe – Homme – Femme   113 27   54 16   59 11 0,284 Score ASA (1/2/3) – 1 – 2 – 3   23 88 29   14 40 16   9 48 13 0,346 VEMS (%) 90,4 ± 17,6 90,9 ± 17,4 89,8 ± 17,9 0,724 Chirurgie – Chirurgie d’emblée – Après traitement néoadjuvant – Chirurgie de rattrapage   68 63 9   36 30 4   9 48 13 0,798 Type histologique – Adénocarcinome – Carcinome épidermoïde   105 35   55 15   50 20 0,329 Localisation de la tumeur – Tiers inférieur – Tiers moyen   123 17   63 7   60 10 0,438 Stade pathologique – 0 – IA – IB – IIA – IIB – IIIA – IIIB – IIIC – IV   30 34 11 17 9 21 9 7 2   15 18 5 7 4 11 5 4 1   15 16 6 10 5 10 4 3 1 0,997   3.2. Survie globale et survie sans récidive à 5 ans La survie globale à 5 ans des 140 patients était de 69 %. La survie globale à 5 ans des groupes laparotomie et laparoscopie étaient respectivement de 65 % et de 73 % (p = 0,891) [figure 1]. La médiane de survie n’était pas atteinte dans les deux groupes.   [caption id="attachment_733" align="alignnone" width="300"] Figure 1 : Survie globale à 5 ans des 2 groupes[/caption]   La survie sans récidive à 5 ans des patients était de 49 %. La survie sans récidive à 5 ans des groupes laparotomie et laparoscopie était respectivement de 48 % et de 51 % (p = 0,912) [figure 2].   [caption id="attachment_734" align="alignnone" width="300"] Figure 2 : Survie sans récidive à 5 ans des 2 groupes[/caption]   3.3. Qualité de résection chirurgicale Le curage ganglionnaire est détaillé dans le tableau 2. Le nombre total de ganglions réséqués était de 22 ± 11 (9 ± 6 ganglions abdominaux et 13 ± 8 ganglions médiastinaux) dans le groupe laparotomie et de 22 ± 10 (8 ± 5 ganglions abdominaux et 14 ± 8 ganglions médiastinaux) dans le groupe laparoscopie (p = 0,902). Le taux de résection chirurgicale complète par laparotomie et par laparoscopie étaient respectivement de 93 % et de 97 % (p = 0,441). Aucun patient n’a eu de résection R2. Cinq patients du groupe laparotomie ont eu une résection R1 : infiltration tumorale du tissu adipeux périganglionnaire gastrique gauche (n = 2) et médiastinal (n = 1) et envahissement tumoral de la collerette œsophagienne (n = 2). Deux patients du groupe laparoscopie ont eu une résection R1 : envahissement tumoral de la collerette œsophagienne (n = 2).   Tableau 2: Curage ganglionnaire Total (n = 140) Laparotomie (n = 70) Laparoscopie (n = 70) Valeur p Nombre total de ganglions réséqués 22,2 ± 11 22,3 ± 11 22 ± 10 0,902 Nombre de ganglions médiastinaux réséqués – paratrachéal – souscarinaire – para-œsophagien supérieur et moyen – para-œsophagien inférieur 13,8 ± 8 4,6 ± 5 3,9 ± 3 2,4 ± 2 2,9 ± 3 13,2 ± 8 4,3 ± 5 3,6 ± 3 2,1 ± 2 3,1 ± 3 14,4 ± 8 5 ± 5 4,1 ± 3 2,6 ± 2 2,7 ± 2 0,357 0,371 0,315 0,232 0,332 Nombre de ganglions abdominaux réséqués – cœliaque – gastrique gauche – petite courbure – cardia 8,4 ± 5 1,3 ± 3 3,7 ± 3 1,8 ± 3 1,8 ± 2 9,2 ± 6 2,2 ± 3 3,3 ± 3 1,9 ± 2 1,8 ± 2 7,7 ± 5 0,5 ± 1 4 ± 4 1,4 ± 1 1,7 ± 3 0,105 < 0,001* 0,248 0,282 0,914 Nombre de ganglions envahis – médiastin – abdomen 1,2 ± 3 0,8 ± 1 0,7 ± 2 1,2 ± 2,71 0,6 ± 1,42 0,6 ± 1,67 1,1 ± 2 0,3 ± 1 0,8 ± 2 0,770 0,217 0,643 Ganglions prélevés et envahis, test de Soudent sauf * test de Mann-Whitney.   3.4. Récidives tumorales (locorégionales et/ou métastatiques) Trente-deux patients ont eu une récidive tumorale au cours du suivi [tableau 3]. Huit patients (6 %) ont eu une récidive locorégionale isolée [tableau 4] : anastomose œsogastrique (n = 2) et adénopathies médiastinales ou abdominales (n = 6). Le taux de récidive locorégionale des groupes laparotomie et laparoscopie était de 7 % et de 4 % (p = 0,719). Vingt-quatre patients ont eu une récidive métastatique : métastases hépatiques, pulmonaires, pleurales, péritonéales, cérébrales, osseuses et cutanées. Le taux de récidive métastatique des groupes laparotomie et laparoscopie étaient de 16 % et de 19 % (p = 0,826).   Tableau 3: Récidive tumorale. Total (n = 140) Laparotomie (n = 70) Laparoscopie (n = 70) Valeur p Récidive locorégionale isolée (%) – périanastomotique – ganglions médiastinaux – ganglions abdominaux 8 (6) 2 4 2 5 (7) 2 1 2 3 (4) 0 3 0 0,719 Récidive métastatique (%) 24 (17) 11 (16) 13 (19) 0,826   Tableau 4 : Caractéristiques des patients qui ont une récidive locorégionale isolée (non métastatique) Patient Sexe Âge Chirurgie Temps abdominal Histologie p stade pN Résection Récidive Délai de récidive 1 H 64 Néo laparotomie Epi IIA N- R0 ANAST 44 mois 2 H 60 Néo laparotomie ADK IIA N- R0 GG THO 28 mois 3 H 43 C laparoscopie Epi IA N- R0 GG THO 11 mois 4 H 55 Rattrap laparoscopie ADK IIIA N+ R0 GG THO 9 mois 5 F 56 C laparotomie Epi IA N- R0 ANAST 48 mois 6 H 67 Neo laparoscopie Epi 0 N- R0 GG THO 8 mois 7 H 67 C laparotomie ADK IIIC N+ R1 GG ABDO 1 mois 8 H 56 Néo laparotomie ADK IIIA N+ R0 GG ABDO 16 mois H : homme, F : femme, C: chirurgie première d’emblée, Néo : traitement néo adjuvant, Rattrap : chirurgie de rattrapage, Epi : carcinome épidermoïde, ADK : adénocarcinome, ANAST : anastomose œsogastrique, GG :ganglions   3.5. Analyses multivariées des facteurs affectant la survie et la survie sans récidive Aucun facteur significatif ne semblait affectait la survie [tableau 5]. Le seul facteur de risque affectant la survie sans récidive était la rupture capsulaire [tableau 6].   Tableau 5: Analyse multivariée des facteurs affectant la survie Ords ratio IC 95 % Valeur p Âge 1,035 0,996-1,075 0,076 ASA 1,102 0,628-1,931 0,735 pN+ 0,773 0,291-2,053 0,606 Rupture capsulaire 2,437 0,682-8,709 0,170 Résection R1 0,944 0,192-4,637 0,943 Tableau 6 : analyse multi variée des facteurs affectant la survie sans récidive   Ords ratio IC 95% Valeur p Âge 1,009 1,389-7,254 0,516 ASA 1,178 0,768-1,803 0,454 pN+ 1,299 0,661-2,552 0,448 Rupture capsulaire 3,174 1,389-7,254 0,006 Résection R1 1,138 0,401-3,229 0,808   4. DISCUSSION L’intérêt des voies mini-invasives par rapport aux voies conventionnelles dites « ouvertes » a été suggéré récemment pour différents types d’interventions chirurgicales majeures oncologiques. L’intérêt de ces voies d’abord est en cours d’évaluation pour le cancer du poumon (chirurgie thoracique vidéo-assistée (VATS) ou robot-assistée (RATS) [8]. L’intérêt postopératoire des voies mini-invasives en chirurgie de l’œsophage a été récemment rapporté par deux essais randomisés, l’un dédié à la chirurgie totalement vidéo-assistée [9], l’autre consacré à une technique hybride comportant une laparoscopie (essai MIRO en cours de publication) [7]. Il ressort de la littérature actuelle que l’utilisation de la laparoscopie permettrait une réduction significative de la morbimortalité respiratoire des œsophagectomies. Les pneumopathies postopératoires et le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) sont les complications les plus fréquentes et graves après œsophagectomie (première cause mortalité à 90 jours) [2]. De plus, il existe une corrélation entre les complications postopératoires et la survenue d’une récidive tumorale [10]. Si le bénéfice postopératoire de ces voies mini-invasives ne fait plus de doute, les résultats oncologiques à long terme de ces techniques sont en revanche bien moins connus. Les principales cohortes chirurgicales d’œsophagectomies mini-invasives publiées à ce jour sont hétérogènes quant aux techniques utilisées [4,6]. En attendant les résultats de l’essai randomisé MIRO [7] sur la survie à long terme de la voie laparoscopique, notre étude suggère que la laparoscopie ne compromettrait pas les résultats oncologiques par rapport à la voie conventionnelle « ouverte ». La survie sans récidive à 5 ans de notre série (49 %) est comparable à celle de du Rieu et al. (51 %) [11]. En revanche, la survie globale à 5 ans de notre série est supérieure à celle de du Rieu et al. (69 % contre 49 %), qui est plus ancienne [11]. Les progrès récents dans la prise en charge des récidives tumorales expliquent probablement cette différence. Notre série ne retrouve pas de différence significative de survie globale à 5 ans entre les groupes laparotomie et laparoscopie. La méta-analyse de Dantoc et al. ne montrait également pas de différence significative de survie globale à 5 ans entre les œsophagectomies conventionnelles et mini-invasives, mais le groupe mini-invasif était techniquement très hétérogène [12]. Dans notre étude, le taux de résection chirurgicale complète des groupes laparotomie et laparoscopie était comparable. Le taux de résection R0 des groupes laparotomie et laparoscopie était également comparable dans l’étude de Briez et al. avec respectivement 87,9 % et 85,7 % de résection R0 (p = 0,483) [5]. Le nombre total de ganglions réséqués par laparotomie et par laparoscopie était similaire dans notre étude, à l’exception du nombre de ganglions cœliaques qui est inférieur en laparoscopie. Cette différence peut s’expliquer par le fait que par laparoscopie, l’artère gastrique gauche est agrafée au ras du tronc cœliaque avec un curage du tronc cœliaque, de la faux de l’artère hépatique et de l’origine de l’artère splénique relativement plus complexe qu’en laparotomie. A contrario, la méta-analyse de Dantoc et al. retrouve un nombre de ganglions réséqués par voie d’abord mini-invasive plus élevé que par technique conventionnelle [12]. Ces centres, experts en chirurgie mini-invasive, réalisent des curages ganglionnaires radicaux par voie d’abord mini-invasive. De plus, la préparation de la pièce opératoire « sur table » permet d’augmenter le nombre de ganglions analysés par les anatomopathologistes. Le taux de récidives tumorales (locorégionale et/ou métastatique) de notre série (23 %) semble inférieure à celle de du Rieu et al. (44 %) et de Lou et al. (38 %) [11,13]. Cette différence du taux de récidive tumorale peut s’expliquer par une durée de suivi plus courte dans notre étude. Les œsophagectomies totalement mini-invasives (laparoscopie et vidéothoracoscopie) ont été exclues de l’étude, car elles représentent la déclinaison ultime du concept de chirurgie mini-­invasive [14]. Le premier essai contrôlé randomisé comparant œsophagectomies conventionnelles et totalement mini-invasives, par laparoscopie et vidéothoracoscopie (étude TIME), a montré une diminution de la morbidité opératoire sans compromettre la qualité de la résection chirurgicale (nombre de ganglions et taux de résection R0) [9,15]. Une méta-analyse récente, comparant les œsophagectomies conventionnelles et totalement mini-invasives, a retrouvé un nombre de ganglions réséqués et une survie globale à 5 ans comparables pour les deux techniques chirurgicales [12]. L’étude TIME et la méta-analyse de Dantoc et al. sont hétérogènes et concernent des patients qui ont eu une œsophagectomie totalement mini-invasive, mais selon différentes techniques opératoires (œsophagectomies transhiatales ou selon la technique de LS ou de Mac Keown modifié). La chirurgie robotique se développe, mais ses résultats ne sont pas encore suffisamment matures [16,17]. Les études randomisées en cours (TIME et ROBOT) permettront d’évaluer les résultats à long terme de ces différentes techniques totalement mini-invasives [15,18].   4.1. Limites de l’étude Les patients n’étaient pas randomisés, mais ont été appariés selon un score de propension, afin de pouvoir comparer des groupes homogènes et contemporains. Nous avons choisi le pTNM comme variable du score de propension et non le cTNM, car le bilan d’extension des cancers œsophagiens a évolué au cours des dernières années, avec notamment l’utilisation systématique du Pet-scanner. De plus, l’utilisation du pN a permis l’appariement des patients en fonction du nombre de ganglions envahis.  Les cancers de la jonction œsogastrique (Siewert I ou II) n’ont pas été différenciés des cancers du tiers inférieur de l’œsophage thoracique, ce qui a pu induire un biais de sélection. Les patients ont été inclus à partir d’août 2002 (date de la première intervention de LS mini-invasive hybride), afin d’éliminer un biais de prise en charge périopératoire. Il existe néanmoins un biais lié à la courbe d’apprentissage des techniques mini-invasives. Les deux patients convertis en laparotomie font partie du groupe laparoscopie, car l’étude était en intention de traiter. La morbidité opératoire et les scores de qualité de vie n’ont pas été étudiés, car l’objectif de l’étude était de comparer les résultats oncologiques à long terme des interventions de LS réalisées par laparotomie et par laparoscopie.   5. CONCLUSION La laparoscopie ne compromet pas les résultats oncologiques à long terme des œsophagectomies selon la technique de LS, par rapport à une approche conventionnelle. La survie globale et sans récidive à 5 ans des interventions de LS conventionnelles et mini-invasives hybrides sont comparables. La qualité de la chirurgie semble également comparable dans les deux techniques. Le taux de résection R0 et le nombre total de ganglions réséqués par laparotomie et par laparoscopie étaient similaires dans notre étude, à l’exception du nombre de ganglions cœliaques qui est inférieur en laparoscopie. Des essais contrôlés randomisés sont néanmoins nécessaires pour évaluer les résultats à long terme des œsophagectomies conventionnelles et mini-invasives.   RÉFÉRENCES Mariette C, Piessen G, Triboulet J-P. Therapeutic strategies in oesophageal carcinoma: role of surgery and other modalities. Lancet Oncol 2007;8:545-53. D’Journo XB, Thomas PA. Current management of esophageal cancer. J Thorac Dis 2014;6:253-64. Morita M, Yoshida R, Ikeda K, et al. Advances in esophageal cancer surgery in Japan: An analysis of 1000 consecutive patients treated at a single institute. Surgery 2008;143:499-508. Decker G, Coosemans W, De Leyn P, et al. Minimally invasive esophagectomy for cancer. Eur J Cardiothorac Surg 2009;35:13-20. Briez N, Piessen G, Lebuffe G, Triboulet J-P, Mariette C. Effects of hybrid minimally invasive oesophagectomy on major postoperative pulmonary complications. Br J Surg 2012;99:1547-53. Watanabe M, Baba Y, Nagai Y, et al. Minimally invasive esophagectomy for esophageal cancer: an updated review. Surg Today 2013;43:237-44. Briez N, Piessen G, Bonnetain F, et al. Open versus laparoscopically-assisted oesophagectomy for cancer: a multicentre randomised controlled phase III trial – the MIRO trial. BMC Cancer 2011;11:310. Swanson SJ, Meyers BF, Gunnarsson CL, et al. 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Lou F, Sima CS, Adusumilli PS, et al. Esophageal Cancer Recurrence Patterns and Implications for Surveillance. J Thorac Oncol 2013;8:1558-62. Luketich JD, Pennathur A, Awais O, et al. Outcomes after minimally invasive esophagectomy: review of over 1,000 patients. Ann Surg 2012;256:95-103. Briere SS, Mass KW, Bonavina L, et al. Traditional invasive vs. minimally invasive esophagectomy: a multi-center, randomized trial (TIME-trial). BMC Surg 2011;11:2. Van Hillegersberg R, Boone J, Draaisma WA, et al. First experience with robot-assisted thoracoscopic esophagolymphadenectomy for esophageal cancer. Surg Endosc 2006;20:1435-9. Park SY, Kim DJ, Yu WS, et al. Robot-assisted thoracoscopic esophagectomy with extensive mediastinal lymphadenectomy: experience with 114 consecutive patients with intrathoracic esophageal cancer. Dis Esophagus 2015 doi:10.1111/dote12335. Van der Sluis PC, Ruuurda JP, van der Horst S, et al. Robot-assisted minimally invasive thoraco-laparoscopic esophagectomy versus open transthoracic esophagectomy for resectable esophageal cancer, a randomized controlled trial (ROBOT trial). Trials 2012;13:230. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.
juin 3, 2016
Chirurgie cardiaque congénitale et pédiatrique · Vol. 20 Juin 2016

Dérivation cavopulmonaire totale (extracardiaque) avec conservation d’un flux antérograde

Mohammed Al Yamani1*, Alexandre Metras1, Virginie Fouilloux2, Stéphane Lebel3, Alain Fraisse4, Bernard Kreitmann1 1. Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital cardiologique de Haut-­Lévêque, Bordeaux-Pessac. 2. Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, hôpital de la Timone Enfants, Marseille. 3. Département d’anesthésie-réanimation pédiatrique, hôpital de la Timone Enfants, Marseille. 4. Service de cardiologie pédiatrique, hôpital de la Timone Enfants, Marseille. Correspondance : mohammed.al-yamani@chu-bordeaux.fr   Résumé Objectif : L’objectif principal de cette étude est de présenter des situations particulières et de décrire l’évolution des patients ayant une circulation de Fontan avec un flux antérograde restrictif persistant. Méthodes : Étude monocentrique rétrospective sur la totalité des patients ayant eu une dérivation cavopulmonaire totale extracardiaque en deux étapes. Les raisons ayant amené la conservation du flux antérograde, les gestes associés, les résultats opératoires et le suivi à moyen terme ont été étudiés. Résultats : Entre janvier 1999 et décembre 2014, 119 malades ont bénéficié d’une totalisation extracardiaque. Parmi eux, 8 malades ont conservé un flux pulmonaire antérograde restrictif. L’âge à la totalisation cavopulmonaire était de 9,7 (3,5-27) ans. L’analyse des paramètres de morbidité n’a montré aucun effet négatif de la conservation du flux antérograde pulmonaire restrictif sur une période de suivi de 5 ans en moyenne. La mortalité est nulle. Conclusion : Dans certains cas, et à condition d’une évaluation préopératoire rigoureuse et d’éventuels gestes associés complémentaires appropriés, il est possible et peut-être préférable de respecter la perméabilité de la voie antérograde lors de la totalisation cavopulmonaire.   Abstract Extracardiac Fontan with conservation of restrictive antegrade pulmonary flow Aim: The main goal of this study is to present particular situations and to describe the evolution of patients having Fontan circulation with a persistent restrictive pulmonary antegrade flow. Methods: Retrospective monocentric study of all patients having a total extracardiac cavopulmonary connection in two stages. The reasons for the conservation of pulmonary antegrade flow, the associated surgical procedures, the operative results and the mid-term follow up were studied. Results: From January 1999 to December 2014, 119 patients underwent extracardiac cavopulmonary connection; among them, 8 patients retained a restrictive antegrade pulmonary flow. The age at cavopulmonary totalization was 4-17 years. The analysis of morbidity parameters showed no negative effects of the conservation of restrictive pulmonary antegrade flow in a mean follow-up period of five years. Mortality was nil. Conclusion: In some cases, and under conditions of a rigorous preoperative evaluation and the associated appropriate surgical procedures, it is possible and may be preferable to respect pulmonary antegrade flow when accomplishing a total cavopulmonary connection.   1. INTRODUCTION Depuis sa première description en 1971 [1], l’intervention originale de Fontan, dérivation cavopulmonaire totale (DCPT), a subi plusieurs modifications. Actuellement, la DCPT extracardiaque est l’intervention de référence et représente l’étape chirurgicale finale de la palliation des cardiopathies univentriculaires. Cette intervention et ses variations ont pour but ultime de donner, si possible, à des patients ayant un ventricule unique une vie de qualité et de longévité « normales ». Plusieurs complications ont été décrites après une totalisation cavopulmonaire, y compris l’insuffisance cardiaque, l’arythmie, l’entéropathie exsudative et la maladie thromboembolique [2]. Parmi elles, la formation de thrombus intracardiaque est l’une des plus graves et peut être fatale [3]. Si certaines malformations univentriculaires s’accompagnent d’une atrésie pulmonaire, d’autres comportent une connexion plus ou moins sténosée entre le massif ventriculaire et les branches artérielles pulmonaires. En principe, cette connexion est supprimée chirurgicalement au moment d’une des étapes de la dérivation cavo­pulmonaire. La persistance d’un flux antérograde entre le ventricule unique et les artères pulmonaires peut être à l’origine d’une dysfonction du Fontan par hyperdébit et augmentation des pressions dans le système cave [4]. Cependant, la suppression de ce flux peut générer des problèmes graves de thromboembolies systémiques [5]. Par ailleurs, dans certains cas, un flux antérograde résiduel après une DCPT est bien toléré. Ces situations rares ne sont pas bien étudiées dans la littérature. L’objectif principal de l’étude est d’analyser les effets de la persistance d’une voie antérograde restrictive dans une circulation de Fontan chez des patients ayant bénéficié d’une prise en charge séquentielle en deux étapes d’une cardiopathie univentriculaire.   2. PATIENTS ET MÉTHODES Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique (service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire de l’hôpital de la Timone Enfants à Marseille) sur 15 ans (1999-2014). Tous les malades ont bénéficié d’une DCPT extracardiaque en deux étapes, avec ou sans fenestration. Les données démographiques, cliniques, échographiques, angiographiques et opératoires ont été récupérées des dossiers médicaux sauvegardés dans les archives du service avec anonymisation. Le suivi des patients était assuré par leur cardiologue référent, lors de consultations régulières incluant examen clinique, électrocardiogramme et échocardiographie. Les données ont été recueillies à 1 an, 5 ans et lors de la dernière consultation. Sur le plan statistique, les variables qualitatives étaient exprimées en termes d’effectif et de pourcentage, les variables quantitatives en termes de moyenne, médiane et d’intervalle. Le seuil de significativité était fixé à 5 %. Tous les calculs ont été effectués avec le logiciel IBM SPSS Statistics. Afin de répondre à l’objectif de l’étude, tous les dossiers ont été analysés complétement, puis les différences entre les patients ayant conservé un flux antégrade et les autres ont été recherchées et étudiées.   3. RÉSULTATS   3.1. Description démographique Les formes anatomiques les plus fréquentes étaient l’atrésie tricuspide avec 34 patients (28 %), l’hypoplasie du cœur gauche avec 26 patients (22 %) et les ventricules uniques à double entrée avec 19 patients (16 %). D’autres cardiopathies complexes ont étaient traitées comme l’atrésie pulmonaire sans communication interventriculaire, le ventricule droit à double issue (VDDI), le canal atrioventriculaire déséquilibré [tableau 1]. Une première intervention était nécessaire dans la majorité de cas. Presque la moitié des patients (47 %) ont bénéficié d’un shunt systémicopulmonaire type Blalock-Taussig modifié (BTM). Une intervention type Norwood a été pratiquée chez 18 malades (15 %) ; 26 malades (22 %) ont eu un cerclage de l’artère pulmonaire. Une intervention chirurgicale en période néonatale n’était pas nécessaire pour les autres patients qui ont gardé une circulation en parallèle jugée équilibrée jusqu’au moment de la dérivation cavopulmonaire partielle (DCPP). La DCPP était proposée de principe à partir de l’âge de 6 mois, mais réalisée à une période variable selon les enfants et aussi selon les propositions des cardiopédiatres référents. Pour 6 malades, une DCPP bilatérale a été réalisée. L’âge moyen au moment de la DCPP était de 2,8 ans (médiane : 1,6 an). La médiane du délai entre la DCPP et la DCPT était de 5,3 ans. L’âge moyen au moment de la DCPT était de 8,6 ans.   Tableau 1: Caractéristiques des patients (n = 119) Variables catégoriques Nombre (proportion) Sexe Homme 69 (58 %) Femme 50 (42 %) Type de ventricule unique VG 73 (62 %) VD 44 (37 %) VU indéterminé 2 (1 %) Type d’anatomie cardiaque Atrésie tricuspide 34 (28 %) Hypoplasie du cœur gauche 26 (22 %) Ventricule à double entrée 19 (16 %) TGV-CIV-SP-Straddling* 9 (8 %) Atrésie pulmonaire sans CIV 9 (8 %) VD à double issue 6 (5 %) Canal AV déséquilibré 5 (4 %) Autres 11 (9 %) Intervention première Cerclage AP 26 (22 %) BTM 56 (47 %) Norwood 18 (15 %) Pas d’intervention 19 (16 %) Type de DCPP Cavopulmonaire supérieure droite 112 (94 %) Bilatérale 6 (6 %) Variables continues Moyenne ± écart-type Âge au moment de la DCPT-EC (an) 8,6 ± 5,4 (3,4-27,6) Délai DCPP / DCPT (an) 5,3 ± 3,7 (0,5-10,5) * Transposition des gros vaisseaux – Communication interventriculaire – Sténose pulmonaire – Straddling de la valve AV.   3.2. Données préopératoires [tableau 2] Dans l’ensemble, la fonction cardiaque globale des patients était évaluée comme bonne. Une majorité de patients (91 %) n’avait pas de fuite significative des valves atrioventriculaires. La saturation moyenne était de 80 % (66-95 %). La majorité des patients (73 %) avait  une cyanose marquée  avec une saturation inférieure à 85 %. L’évaluation par cathétérisme cardiaque retrouvait des artères pulmonaires de calibre variable avec un index de Nakata à 245 ± 127. La pression artérielle pulmonaire moyenne était de 10 ± 13 mmHg.   Tableau 2: Données préopératoires (n = 165) Variables Nombre (proportion) Fonction cardiaque globale Bonne fonction 141 (92 %) Fonction modérément altérée 11 (7,5 %) Fonction altérée 1 (0,5 %) Fuites des valves atrioventriculaires Absence de fuite 113 (77 %) Fuite minime 17 (14,3 %) Fuite modérée 8 (7 %) Fuite sévère 2 (1,7 %) Présence d’anomalie du rythme cardiaque Oui 8 (7 %) Non 111 (93 %) Présence de flux pulmonaire additionnel Oui 62 (52 %) Non 57 (48 %) Embolisation de collatérales Oui 27 (23 %) Non 92 (77 %) Variables continues Moyenne ± écart type PAP moyenne (mmHg) 10 ± 3,2 Index de Nakata (mm2/m2) 245 ± 127 PTDVU (mmHg) 9,1 ± 2,9 Saturation périphérique (%) 80 ± 6,2 Hémoglobinémie (g/dl) 17,1 ± 1,6   3.3. Données opératoires [tableau 3] Un  clampage aortique a été nécessaire chez 42 patients (35 %) pour réaliser certains gestes chirurgicaux (élargissement d’une CIA, plastie valvulaire, mais aussi et surtout la suppression du flux antérograde). Les gestes les plus fréquents  associés à la DCPT étaient la fermeture du tronc de l’artère pulmonaire chez 27 patients et la plastie des artères pulmonaires chez 12 patients. Ont été réalisées 4 plasties valvulaires (dont 2 sur la valve tricuspide et 2 sur la valve atrioventriculaire gauche).   Tableau 3: Données opératoires (n = 119) Durée de CEC (min) 129 ± 48,18 Clampage Oui 42 (35 %) Non 77 (65 %) Durée de clampage aortique (min) 46 ± 22,5 Fenestration Oui 78 (66 %) Non 41 (34 %) Suppression voie antérograde Oui 111 (93,3 %) Non 8 (6,7 %) Gestes associés à la DCPT Déconnexion tronc artériel pulmonaire 27 (22,7 %) Plastie artérielle pulmonaire 12 (10 %) Plastie valvulaire AV 4 (3,4 %) Élargissement CIA 2 (1,7 %) Résection de membrane ou bourrelet sousaortique 2 (1,7 %) Remplacement de la valve pulmonaire mécanique 1 (1 %) Damus-Kaye-Stansel 1 (1 %) Mise en place d’un pacemaker/électrodes péricardiques 3 (2,5 %)   3.4. Données postopératoires [tableau 4] Chez 8 patients, le drainage pleural a été prolongé au-delà de 14 jours. Six patients ont présenté un épanchement péricardique. Une infection pulmonaire est survenue chez 4 patients. Une  reprise chirurgicale a été nécessaire pour 5 patients dont une pour fenestration au deuxième jour postopératoire devant une instabilité hémodynamique. La médiane de la durée de drainage thoracique était de 9 jours (moyenne 11,5 ± 6,3 jours). Quant à la durée d’hospitalisation, la médiane était de 15 jours (9-116 jours) avec une moyenne de 19,4 jours. La mortalité précoce est nulle. Une fenestration a été réalisée chez 66 % des patients. Le suivi a permis de retrouver 6 cas de fermeture spontanée de la fenestration. Une fermeture par cathétérisme interventionnel était réalisée dans 15 cas. La période de suivi était de 4,9 ans (0,6-12,8 ans) avec une mortalité de 1,7 % (2 décès). La cause du premier décès était une thrombose du montage de DCPT 4 mois après la chirurgie due à une mauvaise observance du traitement anticoagulant chez un patient atteint de trisomie 21. Le deuxième décès était dû à une cause non cardiaque (accident de la circulation).   Tableau 4: Évolution postopératoire Délai d’extubation (jours) 1,8 ± 6,4 Durée du séjour en réanimation (jours) 4,7 ± 8,2 Durée de drainage thoracique (jours) 11,5 ± 6,3 Durée d’hospitalisation (jours) 19,4 ± 11,6 Complications postopératoires Drainage pleural prolongé (> 14 j) 8 (6,7 %) Épanchement péricardique 6 (5 %) Parésie/Paralysie diaphragmatique 3 (2,5 %) Insuffisance rénale 5 (4 %) Bloc atrioventriculaire 2 (1 %) Infection pulmonaire 4 (3 %) Défaillance hépatique 2 (1,7 %) Thrombose du tube extracardiaque 1 (1 %) Reprises chirurgicales   (n = 5) Réintervention pour fenestration 1 (1 %) Drainage péricardique 3 (2,5 %) Infection sternotomie 1 (1 %) Période de suivi 4,9 (0,6-12,8) Fermeture de fenestration Spontanée 6 (5 %) KT 15 (12,6 %) Mortalité Décès à 30 jours 0 (0 %) Décès tardif 2 (1,7 %)   3.5. Conservation du flux antérograde La conservation du flux antérograde pulmonaire après  la DCPT a été constatée chez 8 patients (6,7 %) [tableau 5]. Pour 2 patients, la perméabilité de la voie antérograde était involontaire (reperméabilisation) et parmi eux, une tentative de fermeture par cathétérisme cardiaque a échoué. La persistance d’un flux antérograde était délibérée chez les autres patients en raison de la présence d’un ou plusieurs facteurs de risque de complication thrombo­embolique. Ces patients présentaient des formes anatomiques variables de ventricules uniques : 3 atrésies tricuspides, 2 hypoplasies tricuspides sévères, 1 CAV déséquilibré, 1 maladie d’Ebstein sévère et 1 cardiopathie complexe type TGV-CIV-sténose pulmonaire avec straddling de la valve mitrale. L’âge moyen au moment de l’intervention était de 8 (4-16) ans.   Tableau 5: DCPT avec conservation du flux antérograde (n = 8) Données opératoires Durée de CEC (min) 102 ± 18 Clampage Oui 3 (37,5 %) Non 5 (62,5 %) Durée de clampage aortique (min) 67 ± 19 Fenestration Oui 7 (87,5 %) Non 1 (12,5 %) Gestes associés à la DCPT Plastie artérielle pulmonaire 1 (12,5 %) Exérèse partielle du VD 1 (12,5 %) Plastie valvulaire AVG 1 (12,5 %) Calibration de la CIA à 3 mm 3 (37,5 %) Évolution postopératoire Délai d’extubation (jours) 1,8 ± 6,4 Durée du séjour en réanimation (jours) 2 ± 1 Durée de drainage thoracique (jours) 11,2 ± 7,4 Durée d’hospitalisation (jours) 13,8 ± 9,6 Complications postopératoires Épanchement péricardique 1 (6,7 %)   Tous les malades avaient des ventricules uniques type gauche avec une bonne fonction cardiaque préopératoire. Les pressions artérielles pulmonaires moyennes étaient basses avec une moyenne à 13,2 ± 3,7 mmHg et un index de Nakata à 199 ± 104 mm²/m². Un clampage aortique a été réalisé chez 3 malades avec une durée moyenne de 67 (33-98 minutes). Une fenestration a été réalisée chez 7 malades. Les gestes chirurgicaux particuliers associés étaient la calibration d’une CIA dans les hypoplasies tricuspides sévères, une plastie de la valve mitrale et une exérèse partielle du VD pour une maladie d’Ebstein. Une plastie artérielle pulmonaire et une plastie de valve atrioventriculaire gauche ont été faites, identiques aux gestes similaires dans l’autre groupe de patients. Ces 8 patients n’ont pas présenté de complication notable à l’exception d’un patient qui a eu un épanchement péricardique régressif sous traitement médical. La mortalité hospitalière et tardive est nulle pendant la période de suivi de 5 ans (1-14 ans). Deux patients ont bénéficié d’une fermeture de la fenestration par cathétérisme cardiaque interventionnel. Tous les patients avaient un excellent statut fonctionnel NYHA à la dernière visite médicale et tous avaient une bonne fonction cardiaque globale.   4. DISCUSSION   4.1 Évolution de la prise en charge à Marseille La prise en charge chirurgicale des cardiopathies congénitales univentriculaires dans la cadre de la circulation de Fontan a évolué dans les différentes équipes et pendant les années. Cette série de totalisation extracardiaque de Fontan pour les cardiopathies univentriculaires a donné des résultats globalement concordants avec ceux des séries internationales [tableau 6].   Tableau 6: La mortalité postopératoire à la DCPT dans quatre séries internationales Série Année Nombre de cas Mortalité Rogers et al. [6] 2012 771 3,5 % Baker et al. [7] 2009 239 1,3 % Hirsch et al. [8] 2007 636 4 % Salvin et al. [9] 2005 226 0,9 %   L’analyse de l’âge des patients à chaque étape chirurgicale au cours des années a montré que l’âge moyen à la DCPP et à la DCPT se réduisait avec une tendance à opérer les enfants plus tôt. Après une DCPP, l’indication et le timing de la totalisation sont variables. Pour certains, le deuxième temps est indiqué à un âge et un poids donné quel que soit l’état fonctionnel ; pour d’autres, c’est l’apparition d’une désaturation ou d’une intolérance à l’effort qui marque le moment de la totalisation. Wallace et al. ont montré qu’un poids égal à Z-score < -2 est associé à une augmentation de la mortalité hospitalière, d’échec du montage de Fontan et de l’augmentation de durée d’hospitalisation [10]. Le concept de la fenestration a été introduit à la fin des années 1980, d’abord pour les patients à risque élevé. Devant les avantages proposés, certains centres ont utilisé la fenestration chez tous les patients sans stratification du risque. Récemment, l’évolution dans l’utilisation des agents pharmacologiques qui réduisent les résistances vasculaires pulmonaires (sildénafil et bosentan) pourrait éviter le recours systématique à la fenestration [12]. Dans cette série, 66 % des DCPT étaient fenestrés,  aboutissant au fait que les saturations étaient assez basses à la sortie de l’hôpital. Le taux moyen de saturation était de 89 % dans le groupe avec  fenestration, et de 95 % dans le groupe sans fenestration.   4.2. Importance des complications thromboemboliques Il  y a un accord général sur l’importance et la sévérité des événements thromboemboliques après les opérations Fontan. Plusieurs études ont rapporté un très faible taux de survie après les complications thromboemboliques, avec des taux de mortalité aussi élevés que 25 % dans les séries pédiatriques et de 38 % dans les séries avec des patients plus âgés [13]. La mesure dans laquelle les facteurs chirurgicaux et les facteurs liés au patient contribuent au risque global reste mal définie. L’efficacité des différentes formes de traitement anticoagulant prophylactique après une opération de Fontan est un objet de débat. Une antiagrégation ou une anticoagulation efficace est recommandée pour tous les patients après une opération de Fontan [14]. Cependant, l’association d’un antiplaquettaire et d’un anticoagulant durant 6 à 12 mois, suivi d’un traitement antiplaquettaire à vie, est la stratégie thérapeutique la plus commune utilisée après DCPT. À Marseille, une anticoagulation pour une durée de 6 mois est toujours prescrite, avec remplacement par acide acétylsalicylique ensuite. Dans notre série il y a eu 2 événements thromboemboliques : une embolie pulmonaire chez un patient ayant bénéficié d’une totalisation non fenestrée sans antécédent de troubles du rythme, thrombolysée avec un bon résultat ; et une thrombose tardive du tube extracardiaque chez un patient atteint de trisomie 21 qui a abouti à un des deux décès de la série.   4.3. Le flux antérograde et la circulation de Fontan La suppression du flux antérograde dans le tronc de l’artère pulmonaire est en principe la règle au moment de la DCPP (le plus souvent) ou plus tard au moment de la DCPT. Dans notre série, 27 % des patients ont gardé un flux antérograde dans l’artère pulmonaire jusqu’à la DCPT. À Marseille ce flux antérograde est recherché au moment du bilan et notamment du cathétérisme cardiaque préopératoire. Ses caractéristiques anatomiques et physiologiques sont évaluées. La décision de sa conservation ou de sa suppression est prise après discussion multidisciplinaire. Ainsi, la conservation d’un flux antérograde pulmonaire restrictif après la DCPT a été délibérée pour 6 malades (2 malades ont gardé le flux antérograde de façon non intentionnelle). La conservation du flux antérograde pulmonaire au moment de la DCPP est un facteur qui peut retarder la date de la totalisation en gardant une hématose correcte pendant plus longtemps sans effets indésirables évidents. Il est considéré par certains comme bénéfique pour le développement des artères pulmonaires, et donc permettant  entre autres l’insertion d’un plus grand conduit extracardiaque, chez un enfant plus grand, au moment de la DCPT [17]. Théoriquement il prévient la formations des fistules artérioveineuses intrapulmonaires car c’est un flux pulsatile en provenance hépatique [18]. Toutefois, la conservation du flux antérograde pulmonaire de façon chronique induit une surcharge volumétrique chronique sur le ventricule unique. Cette surcharge peut aboutir à une dilatation de ventricule puis à l’apparition de signes de défaillance fonctionnelle et de retentissement hémodynamique. Elle peut être aussi responsable de fuite fonctionnelle de l’appareil valvulaire atrioventriculaire par dilatation, augmentant les pressions de remplissage du ventricule unique. De  plus, une  pression élevée dans l’artère pulmonaire  peut gêner l’écoulement sanguin dans le système veine cave supérieure et créer un syndrome cave supérieur. Enfin, ce flux antérograde pulmonaire est un shunt gauche-droit et contrarie le principe de circulation en série de Fontan.    Différentes techniques sont décrites pour la fermeture des flux antérogrades pulmonaires. Une simple ligature ou une section suture du tronc de l’artère pulmonaire est possible sans considération de la valve pulmonaire. Ceci peut entraîner des problèmes de stagnation du flux sanguin dans le moignon résiduel. Une autre technique possible est la résection des sigmoïdes de la valve pulmonaire au moment de la fermeture du TAP. À Marseille, la technique utilisée est la section-suture du TAP, sous clampage, avec double surjet incluant les sigmoïdes de la valve pulmonaire pour éviter les complications thromboemboliques [15]. En regard de ces techniques, la conservation du flux antérograde évite la prolongation du temps de CEC et de clampage aortique, néfastes pour la circulation de Fontan. La suppression de la voie antérograde pulmonaire est une source de formation possible de thrombose endocavitaire bien décrite dans la littérature [5,15]. De fait, dans cette série, il y a un cas d’atrésie tricuspidienne (opéré à 3 reprises : cerclage pulmonaire à l’âge de 3 mois, DCPP à l’âge de 2 ans ; et DCPT à l’âge de 12 ans) chez qui, 6 ans après la DCPT, il a été noté une dilatation très importante du ventricule droit exclu avec compression symptomatique du ventricule gauche par présence de caillot dans ce ventricule droit [figure 1]. La chirurgie alors nécessaire a consisté en une ablation du caillot dans le ventricule droit avec fermeture d’une CIV. Cette CIV était de forme très particulière fonctionnant comme une valve à sens unique entre le VG unique et fonctionnel et la chambre rudimentaire droite. Le patient est sorti de cette complication avec une dysfonction majeure de la circulation de Fontan. Il est arrivé au stade de discussion d’une transplantation cardiaque éventuelle, mais après mise sous sildénafil et programme de réadaptation cardiaque, il a récupéré progressivement un statut lui permettant de ne pas être à ce jour en liste d’attente de greffe. Depuis cette expérience, et d’autant plus que, de manière simultanée, il avait été constaté que la persistance involontaire d’un flux antégrade chez 2 patients était et restait sans conséquence, chaque patient ayant une voie antéro­grade pulmonaire persistante fait l’objet d’une discussion médico­chirurgicale multidisciplinaire spécifique pour décider de la stratégie concernant cette voie antérograde.   [caption id="attachment_708" align="alignnone" width="300"] Figure 1 : Thrombose dans le VD après ligature du TAP au moment de la DCPT. A : coupe apicale sur le VU. B : coupe parasternale petit axe médioventriculaire. Flèche : thrombose intra-VD[/caption]   Dans notre série, la comparaison entre le groupe de DCPT avec conservation du flux antérograde restrictif  et le groupe de DCPT sans flux antérograde n’a pas montré de différence significative [tableau 7], ni dans le bilan préopératoire, ni dans les constatations périopératoires. L’âge moyen était de 8 ans dans les deux groupes avec des PAP non élevées et des artères pulmonaires biens développées dans les deux groupes. Concernant la durée de CEC et la durée du séjour en réanimation, on peut constater un effet positif de la conservation du flux antérograde. En effet, la durée de CEC était plus courte dans le groupe avec conservation du flux antérograde (102 min vs 138 min, p = 0,12), ainsi que la durée du séjour en réanimation (2 j vs 3j, p = 0,26). Ces tendances n’ont eu d’influence ni sur la durée totale d’hospitalisation qui reste alentour de 19 jours dans les deux groupes, ni sur la mortalité. De même, les PAPm en postopératoire immédiat n’étaient pas significativement différentes avec une durée de drainage pleural similaire dans les deux groupes.   Tableau 7: Comparaison entre la DCPT avec flux antérograde et la DCPT sans flux antérograde Flux antérograde conservé (8 patients) Flux antérograde supprimé (111 patients) Résultat (p) Âge (ans) 8 (4-16) 8 (4-27) 0,95 PAPm pré-op 13,2 ± 3,7 13 ± 2,8 0,6 Index Nakata pré-op 199 ± 104 291 ± 151 0,27 Durée CEC 102 ± 18 138 ± 39 0,12 PAPm post-op 12,5 ± 2,5 13 ± 2,7 0,82 Durée réanimation 2 ± 1 3 ± 4,6 0,26 Durée drainage 11,2 ± 7,4 11 ± 5,7 0,79 Durée hospitalisation 18,6 ± 9,6 19 ± 15 0,86 Mortalité (%) 0 0   Cette étude met en évidence plusieurs considérations intriquées pour la conservation du flux antérograde pulmonaire en diverses situations. Pour certains, elle est conservée au moment de la DCPP pour des raisons physiologiques afin de garder une hématose correcte pendant le plus de temps possible [18]. Elle peut également être conservée quand les artères pulmonaires sont de petit calibre, et parfois pour éviter un flux préférentiel important dans l’APD. Au moment de la DCPT, les raisons de la conservation du flux antérograde restrictif sont essentiellement anatomiques en cas d’absence de décharge d’une cavité ventriculaire accessoire qui se remplit. Dans certains cas, la raison est technique, quand l’abord du TAP est difficile. Chaque cas doit être analysé avec ses particularités et le traitement adapté. Ainsi, dans deux cas d’hypoplasie tricuspide sévère, l’intervention a consisté à respecter le flux antérograde, à interposer un tube entre la veine cave inférieure et les artères pulmonaires avec une « fenestration » communiquant avec l’oreillette droite, mais aussi à calibrer la CIA, car, dans ce contexte, c’est la taille de celle-ci qui conditionne de fait le flux de fenestration au sens de la circulation de Fontan. En plus, il existe une place importante pour le cathétérisme cardiaque en ce qui concerne le flux antérograde pulmonaire et la DCPT. Il permet une évaluation préopératoire de l’anatomie des artères pulmonaires, la présence des cavités cardiaques accessoires sans décharge, de définir les PAP moyennes dans la VCS et d’évaluer la modulation de la pulsatilité sur la pression pulmonaire. De même, il permet d’effectuer un test de fermeture du TAP au ballonnet pour définir l’importance du flux antérograde sur la PAP. Finalement, si la conservation du flux antérograde pulmonaire est problématique, la fermeture est possible si nécessaire au moyen des dispositifs percutanés [19,20].   5. CONCLUSION La totalisation extracardiaque de Fontan en deux étapes est la technique actuellement utilisée pour le traitement des cardiopathies univentriculaires. La prise en charge des cardiopathies univentriculaires avec flux antérograde pulmonaire persistant est un sujet actuel dans la complexité des concepts de la circulation « paradoxale » de Fontan. Certaines équipes ont étudié les avantages et les inconvénients de la conservation de ce flux au moment de la DCPP. Dans ces conditions, certains patients arrivent au moment de la DCPT avec un flux antérograde persistant. Dans certains de ces cas, et à condition d’une évaluation préopératoire rigoureuse et d’éventuels gestes complémentaires appropriés, il est possible et peut-être préférable de respecter la perméabilité d’une voie antérograde pulmonaire restrictive lors de la réalisation d’une totalisation cavopulmonaire. L’expérience de notre équipe démontre l’importance de ce concept et sa faisabilité sans risque ajouté. Huit patients ont gardé un flux pulmonaire antérograde restrictif au moment de la DCPT avec de bons résultats à court et moyen termes, alors qu’un patient a eu des conséquences graves de sa suppression. Un plus long recul est bien sûr nécessaire pour analyser les facteurs importants dans la période préopératoire et le devenir des patients à long terme.   RÉFÉRENCES Fontan F, Baudet E. Surgical repair of tricuspid atresia. Thorax 1971; 26:240-8. Khairy P, Fernandes SM, Mayer JE Jr et al. Long-term survival, modes of death, and predictors of mortality in patients with Fontan surgery. Circulation 2008;117:85-92. Coon PD, Rychik J, Novello RT, Ro PS, Gaynor JW, Spray TL. Thrombus formation after the Fontan operation. Ann Thorac Surg. 2001; 71:1990-4. Walker SG, Stuth EA. Single-ventricle physiology: perioperative implications. Semin Pediatr Surg. 2004;13(3):188-202. Oski JA, Canter CE, Spray TL, Kan JS, Cameron DE, Murphy AM.. 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Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.Cet article est issu d’un mémoire de DESC.
juin 3, 2016
Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Juin 2016

Utilisation du rFVIIa comme une option dans la gestion de l’hémorragie réfractaire après une chirurgie pour dissection aortique aiguë de type A

Nicolas Laurent1,  Fabrice Vanhuyse1, Birgit Frotscher2, Maxime Bertram1, Mazen Elfarra1, Daniel Grandmougin1, Jean-Pierre Villemot1, Thierry Folliguet1, Marie Toussaint-Hacquard2, Juan Pablo Maureira1 1. Département de chirurgie cardiaque, CHU de Nancy, université de Lorraine. 2 Laboratoire d’hématologie, CHU de Nancy, université de Lorraine. Correspondance : ni.laurent@chu-nancy.fr   Résumé Contexte : La chirurgie ouverte pour les dissections aortiques aigues de type A (DAA) est le gold standard. Elle peut être compliquée de façon majeure par des saignements engageant le pronostic vital du patient. Le facteur recombinant VIIa (rFVIIa) peut être utilisé en périopératoire de ces situations ; il peut mener à des événements thromboemboliques. Notre étude vise à évaluer l’efficacité et la sécurité du rFVIIa dans la gestion de l’hémorragie réfractaire après la chirurgie pour DAA. Méthodes : Nous avons identifié les patients qui ont subi une réparation chirurgicale de DAA et reçu du rFVIIa entre janvier 2003 et décembre 2013. Nous avons évalué les saignements, les facteurs biologiques, les événements thrombotiques et la survie après l’administration du rFVIIa. Résultats : Onze patients (3 femmes, 8 hommes ; âge moyen 68,7 ± 11,6 années) ont reçu le rFVIIa pour un saignement réfractaire après une DAA réparée entre janvier 2003 et décembre 2013. La mortalité est de 55 % (n = 6). Le saignement est diminué chez tous les patients ayant reçu le rFVIIa. Un patient a développé un infarctus mésentérique qui pourrait être lié à l’administration du rFVIIa. Il n’y a pas d’autre signe clinique de thrombose après l’injection du rFVIIa. Il n’y a pas eu de révision chirurgicale en raison de saignements. Conclusion : Dans le cadre d’une hémorragie réfractaire engageant le pronostic vital après cure chirurgicale d’une DAA, le rFVIIa est une option thérapeutique de dernier recours envisageable.   Abstract Use of rFVIIa as an option in the management of refractory hemorrhage after surgery for acute aortic dissection Background: Open surgery for acute aortic dissection type A (DAA) is the gold standard. It can be complex and complicated in a major way by uncontrollable bleeding. Refractory bleeding may affect the vital prognosis of the patient and can be treated with recombinant factor VIIa (rFVIIa); however, rFVIIa can lead to thromboembolic events. Our study aimed to evaluate the efficacy and safety of rFVIIa in the management of refractory bleeding after surgery for DAA. Methods: The prospective database of our cardiothoracic surgery department was retrospectively studied to identify patients who underwent surgical repair of DAA and received rFVIIa between January 2003 and December 2013. We evaluated bleeding, biological outcomes, thrombotic events and survival after the administration of rFVIIa. Results: Eleven patients (three women, eight men; mean age 68.7±11.6 years) received rFVIIa for refractory bleeding after a DAA repair between January 2003 and December 2013. The mortality rate was 55% (n=6). Bleeding was decreased in all patients who received rFVIIa after the infusion, which was reflected by a reduction in the need for blood products. One patient developed a mesenteric infarction that could be related to the administration of rFVIIa. There were no other clinical signs of thrombosis or disseminated intravascular coagulation after infusion of rFVIIa. There was no revision surgery due to bleeding. Conclusion: in the case of refractory bleeding after surgical treatment of DAA, rFVIIa is a therapeutic option of last possible resort.   1. CONTEXTE La dissection aortique aiguë de type A (DAA) est une indication chirurgicale urgente associée à un risque élevé de mortalité et de morbidité. La chirurgie pour DAA est complexe, et le saignement peut être une complication majeure qui peut engager le pronostic vital. De plus, la transfusion sanguine après une chirurgie cardiaque est associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité [1,2]. La DAA est associée à une activation de la coagulation, du système fibrinolytique et des plaquettes. La chirurgie ouverte reste le gold standard pour traiter cette pathologie complexe et exige une circulation extracorporelle ainsi que, souvent, l’hypothermie, qui peut également altérer la coagulation [3,4]. Certains patients bénéficient d’inhibiteurs plaquettaires et d’anticoagulants avant la chirurgie en raison du mode de présentation clinique avec des douleurs thoraciques pouvant être assimilées à un syndrome coronarien au cours des premiers soins. Cependant, l’administration de ces médicaments aux patients porteurs d’une DAA augmente considérablement le saignement postopératoire et la mortalité opératoire [5]. Le saignement peut nécessiter une transfusion massive de globules rouges (CGR), de plasma frais congelé (PFC), de plaquettes et de fibrinogène ; toutefois, cette prise en charge ne suffit pas à arrêter le saignement dans tous les cas. L’hémorragie réfractaire peut entraîner le décès du patient. Le rFVIIa est souvent utilisé comme traitement de dernier recours dans de telles circonstances [6]. Le rFVIIa a été initialement développé pour le traitement de l’hémophilie chez les patients avec des anticorps contre les facteurs VIII et IX [7]. Il a également été utilisé pour contrôler les saignements chez les patients atteints de thrombocytopathie acquise ou congénitale. Actuellement, le rFVIIa est également utilisé comme agent hémostatique dans la gestion de l’hémorragie réfractaire dans une variété de contextes cliniques (par exemple, un traumatisme, une chirurgie cardiaque) [7-9]. Cependant, le rFVIIa peut mener à des événements thromboemboliques avec une évolution fatale rapportée dans certains cas [10-12]. Ainsi, les risques et les avantages de l’administration de rFVIIa doivent être évalués, à la lumière du risque d’hémorragie massive après cure chirurgicale de DAA. Dans cette  étude, nous avons revu rétrospectivement notre base de données prospectives pour évaluer l’efficacité et l’innocuité du rFVIIa pour gérer l’hémorragie réfractaire pendant la chirurgie ouverte pour DAA de type A.   2. PATIENTS ET MÉTHODES   2.1. Patients et collecte de données La base de données du département de chirurgie cardiothoracique de notre centre a été interrogée pour identifier les patients ayant subi une chirurgie réparatrice d’une DAA et ayant reçu le rFVIIa entre janvier 2003 et décembre 2013. Une DAA a été définie comme toute dissection impliquant l’aorte ascendante prise en charge dans les 14 jours suivant l’apparition des symptômes, le diagnostic étant réalisé par angioTDM et confirmé lors de la chirurgie. Cette étude épidémiologique n’a pas exigé d’approbation éthique, conformément à la norme éthique du comité de notre institution pour la protection de recherche chez le sujet humain. Notre institution a approuvé l’utilisation du rFVIIa dans la gestion de l’hémorragie mettant en jeu le pronostic vital du patient. Le consentement du patient ou de sa famille pour une utilisation hors autorisation de mise sur le marché du rFVIIa n’a pas été obtenu en raison de la situation d’urgence. Les caractéristiques démographiques, des données de procédure et les résultats périopératoires ont été extraits de la base de données. Les patients ont été suivis en consultations externes et des données supplémentaires de suivi ont été recueillies auprès des médecins de famille, des patients et des membres de la famille. Le taux de suivi complet en janvier 2013 est de 100 %. Nous avons évalué les paramètres suivants : saignement dans les drains thoraciques 3 heures avant et 3 heures après l’administration du rFVIIa si elle est effectuée dans l’unité de soins intensifs (USI), ou saignements au cours des 3 premières heures et évaluation visuelle du saignement si le rFVIIa est administré pendant la chirurgie ; transfusion dans les 24 heures avant et les 24 heures après l’administration du rFVIIa, les données biologiques, y compris le temps de prothrombine, la concentration de FVIIa et le fibrinogène, les D-dimères et une numération plaquettaire avant et après l’administration du rFVIIa ; présence de la thrombose au niveau du cathéter veineux central, coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) et événements thromboemboliques après le rFVIIa, évalués par examen physique et en cas de suspicion clinique par échographie et/ou tomodensitométrie. Nous avons évalué la survenue d’infarctus du myocarde définie par la présence d’une onde Q de nécrose, ou d’une élévation du segment ST persistante accompagnée d’une dyskinésie échocardiographique et d’une élévation des enzymes myocardiques (augmentation de la troponine T avec une valeur de crête de 15 fois supérieure à la référence ou si les biomarqueurs cardiaques ont été augmentés au départ, une augmentation de 50 %). Nous avons vérifié la survenue d’un accident vasculaire cérébral défini par de nouveaux déficits neurologiques persistants, confirmée par tomodensitométrie ; durée du séjour aux soins intensifs, durée totale d’hospitalisation et survie.   2.2. Évaluation préopératoire et procédure chirurgicale Tous les patients ont bénéficié d’un angioTDM thoraco-abdomino-pelvien et d’une échocardiographie transthoracique préopératoire pour évaluer la fonction cardiaque, l’insuffisance aortique et la présence de toute autre maladie de la valve ou d’un épanchement péricardique. La procédure chirurgicale est réalisée par une sternotomie médiane. Tous les patients ont bénéficié d’une circulation extracorporelle totale entre l’oreillette droite qui a été canulée avec une canule unique et l’artère fémorale. La protection myocardique a été obtenue dans tous les cas par perfusion rétrograde via le sinus coronaire avec l’inoculation de la solution cardioplégique de sang froid, toutes les 15 min. Une décharge ventriculaire gauche a été placée par la veine pulmonaire supérieure droite.   2.3. Protocole pour l’administration de rFVIIa Les patients qui ont bénéficié d’un traitement par rFVIIa pour un saignement réfractaire ont été inclus dans un protocole institutionnel. La décision d’utiliser le rFVIIa [figure 1] a été prise après exclusion des causes chirurgicales de saignement et après l’application de la méthode traditionnelle hémostatique (CGR, PFC, concentrés plaquettaires, fibrinogène).   [caption id="attachment_747" align="alignnone" width="300"] Figure 1 : Algorithme d’utilisation du rFVIIa dans le cadre de l’hémorragie réfractaire après correction chirurgicale d’une dissection aortique aiguë de type A[/caption]   Les CGR ont été transfusés pour maintenir la concentration d’hémoglobine pendant la circulation extracorporelle (CEC) > 7 g/dl et > 8 g/dl avant l’arrêt de la pompe. L’aprotinine a été utilisée jusqu’en 2008 et depuis 2008, nous avons utilisé l’acide tranexamique (50 mg/kg, une dose avant et après CEC). Avant l’administration du rFVIIa, l’effet de l’héparine a été neutralisé avec une dose équivalente de protamine en salle d’opération et a été considérée comme suffisante si le temps de coagulation activé (ACT) avait une valeur après l’administration de protamine dans la plage de 90-110 % de la valeur ACT préopératoire. Le rFVIIa n’a été administré qu’après une discussion approfondie entre le chirurgien, l’anesthésiste et un biologiste selon notre protocole d’institution. Une dose de 60 µg/kg de rFVIIa est utilisée, et l’administration est répétée une fois si la première utilisation a été considérée comme un échec. Les patients ont également reçu des CGR, des PFC et des plaquettes afin d’optimiser l’hémostase [6]. La limite de substitution pour le fibrinogène est de 1 g/l. Des échantillons de sang ont été prélevés 30 minutes avant et après l’administration du rFVIIa. Le temps de prothrombine, le fibrinogène, la concentration de FVIIa, les D-dimères et la numération plaquettaire ont été étudiés.   2.4. Analyse statistique L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel SPSS (version 20 ; IBM, Chicago, IL). Les variables continues sont exprimées en moyenne ± écart type. Les variables catégorielles ont été exprimées en pourcentages. Le test du Chi2 a été utilisé pour l’analyse univariée des données catégorielles avec plus de cinq observations par catégorie. Autrement, le test de Fisher a été utilisé. Les variables continues sont exprimées en moyenne ± écart type. Le test de Student a été utilisé pour analyser les variables continues normalement distribuées, et le test de Wilcoxon a été utilisé pour les variables avec des distributions non paramétriques.   3. RÉSULTATS   3.1. Caractéristiques démographiques et de procédure Pendant la période d’étude de 10 ans, 169 patients ont été traités pour une DAA. Nous avons utilisé le rFVIIa pour contrôler des saignements réfractaires dans 6,5 % des cas (11 patients, 3 femmes, 8 hommes ; âge moyen, 68,7 ± 11,6 années). Neuf patients ont subi un remplacement de l’aorte ascendante et chez 2 patients, le remplacement de l’aorte ascendante a été associé à un remplacement plus ou moins partiel de l’arche aortique. Le temps moyen de circulation extracorporelle de ces patients est de 265,7 ± 90,9 min et le temps de clampage aortique moyen est de 154,5 ± 50,4 min.   3.2. Morbidité et mortalité opératoire Un arrêt circulatoire hypothermique a été nécessaire chez 6 patients, avec une perfusion cérébrale sélective antérograde chez 2 patients et perfusion cérébrale rétrograde chez 4 patients. L’arrêt circulatoire moyen est de 35 ± 23 min. Huit patients ont développé une insuffisance rénale aiguë, 4 patients ont souffert d’une infection pulmonaire et un patient a présenté un accident vasculaire cérébral hémorragique. Le taux de mortalité opératoire est de 55 % (n = 6). Les causes de décès sont une défaillance multiviscérale chez 5 patients et infarctus mésentérique chez un patient. La durée moyenne de séjour en réanimation est de 12,8 ± 9 jours et la durée moyenne d’hospitalisation est de 26,5 ± 34 jours. Pendant la période de suivi, 2 décès sont survenus en raison de néoplasies pulmonaires et d’une étiologie inconnue.   3.3. Efficacité de rFVIIa Tous les patients ont reçu une dose unique de rFVIIa. Neuf patients ont reçu le rFVIIa en salle d’opération en raison d’une hémorragie massive et 2 patients l’ont reçu dans l’unité de soins intensifs après révision chirurgicale qui a exclu les causes curables de saignement. Avant l’administration de rFVIIa, les paramètres de l’hémostase, la température corporelle, le pH et la calcémie ont été mesurés dans des limites acceptables. Le saignement a considérablement diminué chez tous les patients après la perfusion de rFVIIa, ce qui est associé à une réduction significative de transfusion de produits sanguins par rapport à la période précédant la perfusion. En outre, pour les 2 patients dont la perte de sang a pu être quantifiée, l’extériorisation par les drains thoraciques est passée de 905 ± 629,3 ml pendant les 3 heures avant la perfusion de rFVIIa à 155 ± 63,6 ml dans les 3 heures après la perfusion. Chez les autres patients, la quantité moyenne de sang dans les drains pendant les 3 premières heures était de 317 ± 302,7 ml. Aucun patient n’a subi une révision chirurgicale en raison de saignements. Chez tous les patients qui ont reçu le rFVIIa en salle d’opération, le chirurgien a noté l’efficacité visuelle de l’administration du rFVIIa.   3.4. Événements thromboemboliques Nous n’avons observé aucun infarctus du myocarde postopératoire. Un accident vasculaire cérébral hémorragique a été observé. Ce patient a progressé vers la mort cérébrale à la 76e heure après la perfusion de rFVIIa. Tous les patients ont subi une échocardiographie postopératoire, qui n’a montré aucun thrombus intracardiaque. Après l’administration du rFVIIa, aucun cathéter artériel ou veineux central n’a dû être changé en raison d’une thrombose. Un patient a présenté un infarctus mésentérique qui a pu être associé à l’administration de rFVIIa. Six patients ont bénéficié à titre systématique d’un angioTDM et aucun n’a retrouvé de signe de complication thrombotique.   3.5. Paramètres biologiques Nous avons observé une réduction significative du temps de prothrombine après l’administration rFVIIa [tableau 1]. Nous n’avons observé aucun changement significatif de la concentration du fibrinogène, des plaquettes ou des D-dimères [tableau 1]. Le fibrinogène préopératoire et la numération plaquettaire avant injection sont acceptables (plaquettes > 50 g/l, fibrinogène > 1 g/l) pour permettre l’efficacité potentielle du rFVIIa. Nous n’avons observé aucun signe biologique de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).   Tableau 1: Administration de produits sanguins et paramètres biologiques avant et 24 heures après injection de facteurs recombinants VIIa (rFVIIa) Avant rFVIIa Après rFVIIa p-value Concentré globules rouges (ml) 2814,5 ± 1340,9 610,9 ± 472,3 0,0004 Plaquettes d’aphérèse (ml) 727,2 ± 467 109 ± 186,9 0,002 Plasma frais congelé (ml) 1563,6 ± 662,7 236,3 ± 427,2 0,0002 Temps de prothrombine (sec) 40,8 ± 36 16,1 ± 7 0,001 Fibrinogène (g/l) 1,9 ± 0,7 1,95 ± 0,6 0,9 D-dimères (ng/ml) 2327 ± 1509,5 2578,6 ± 1753,9 0,1 Plaquettes (g/l) 98 ± 33 99 ± 30 0,72 FVII (%) 55,1 ± 14 2461 ± 1722 0,02   4. DISCUSSION Nous avons décrit notre expérience de l’utilisation du rFVIIa chez 11 patients présentant un choc hémorragique réfractaire survenant au décours d’une chirurgie pour DAA. Il s’agit d’une urgence chirurgicale associée à une morbidité et à un taux de mortalité élevé où les complications hémorragiques sont fréquemment rencontrées. Le saignement peut être causé par des médicaments antiplaquettaires, comme suggéré par Hansson et al. [5]. 32 % des patients subissant une réparation chirurgicale de DAA se trouvent dans un état d’inhibition plaquettaire au moment de la chirurgie (14 % avec de l’acide acétylsalicylique [AAS] seul, 24 % avec l’AAS + clopidogrel) parce que des douleurs à la poitrine non spécifiques et une dépression du segment ST sont présentes à la prise en charge initiale [5]. Ces patients ont significativement plus d’épisodes peropératoires et postopératoires de saignement, avec une augmentation de la mortalité opératoire par rapport à ceux qui ne reçoivent pas d’inhibiteurs plaquettaires [5] . Paparella et al. ont démontré que le flux sanguin à travers le faux chenal est un puissant activateur de la coagulation et de la fibrinolyse avant l’intervention, ce qui peut modifier l’hémostase [3]. L’induction de l’hypothermie au cours de la circulation extracorporelle ralentit l’activité de la cascade de coagulation, réduit la synthèse de facteurs de la coagulation et affecte la fonction plaquettaire [4]. Par ailleurs, la circulation extracorporelle interfère avec toute la chaîne de la coagulation. Le contact du sang avec les surfaces artificielles active les systèmes anti et procoagulants ainsi que la cascade du complément [14]. Tous ces facteurs vont promouvoir les saignements per et postopératoires qui vont souvent nécessiter des transfusions sanguines. Le recours à la transfusion est associé à de mauvais résultats postopératoires à court et long termes. Dans cette situation, l’optimisation de l’hémostase via l’administration de plaquettes, PFC, CGR et de fibrinogène est souvent suffisant pour arrêter le saignement mais dans certaines circonstances (dans notre série dans 6,5 % des DAA chirurgicales), des saignements persistent en l’absence d’une cause chirurgicale corrigible. La perte de sang, malgré un traitement conventionnel optimal peut être réduite par la manipulation pharmacologique de l’hémostase  via l’injection de rFVIIa. Gill et al. ont conclu que le rFVIIa peut être bénéfique pour le traitement de saignements excessifs après une chirurgie cardiaque dans un essai randomisé contre placebo, mais ils soulignent qu’il y a une augmentation des événements thromboemboliques [15]. L’efficacité et les complications thrombotiques du rFVIIa après réparation chirurgicale d’une DAA sont mal évaluées. Sur la base des résultats d’une analyse des scores de propension, Tritapepe et al. ont conclu que le rFVIIa a été utilisé avec succès comme une thérapie supplémentaire pendant et après la chirurgie de DAA avec un arrêt circulatoire en hypothermie profonde lorsque l’arrêt du saignement est réfractaire aux méthodes conventionnelles, sans différence des événements indésirables [16]. Certains rapports de cas ont également décrit l’utilisation réussie de rFVIIa dans la gestion du choc hémorragique réfractaire après une chirurgie pour la DAA [17]. Notre étude confirme en outre que le rFVIIa pourrait être utilisé avec succès dans des circonstances exceptionnelles pour traiter les saignements réfractaires après DAA. Pour maximiser l’efficacité du rFVIIa, l’optimisation de l’hémostase avec une numération plaquettaire suffisante (> 50 g/l) et du fibrinogène (> 1 g/l) avant son administration est importante, tout comme la correction de l’anémie, de l’hypothermie, de l’hypocalcémie [18]. Il est également important de corriger une acidose (pH < 7,1) qui réduirait sensiblement l’activité du rFVIIa [19]. Les médicaments procoagulants, comme le rFVIIa, peuvent induire des événements thromboemboliques. Plusieurs études ont documenté des événements thromboemboliques fatals ou non lors de la perfusion de rFVIIa [10-12, 20-22] . Dans notre série, un patient a développé un infarctus mésentérique et une relation avec l’administration rFVIIa ne peut être exclue. Un AVC hémorragique postopératoire est survenu chez un patient, sans relation avec l’administration du rFVIIa. De plus, nous n’avons trouvé aucun signe biologique de CIVD chez nos patients. Le faible taux de complications thrombotiques dans notre échantillon d’étude peut être dû à un manque d’explorations systématiques après utilisation du rFVIIa  pour détecter la thrombose. C’est pourquoi nous ne pouvons pas exclure une relation potentielle avec les défaillances multiviscérales ou l’insuffisance rénale aiguë par micro­thrombose des organes périphériques chez certains patients. Bien que l’action du rFVIIa soit localisée au site de lésion vasculaire à médiation par le facteur tissulaire (FT), une action plus systémique du rFVIIa est capable d’activer directement le facteur X en facteur Xa, même sans la présence de FT. Par conséquent, une quantité suffisante de thrombine est générée, ce qui permet la conversion du fibrinogène en fibrine et de créer un caillot [23]. Cet effet systémique peut faire craindre l’apparition de phénomènes thromboemboliques. Levi et al. ont trouvé dans une analyse de 35 essais contrôlés par placebo une augmentation des événements thromboemboliques artériels après l’administration du rFVIIa, par rapport au placebo (les événements thromboemboliques veineux sont semblables) [24]. Gill et al, dans une étude randomisée, observent une augmentation des événements thromboemboliques avec rFVIIa mais sans différence statistique significative [15]. Nous avons publié récemment le taux de mortalité opératoire après une DAA dans notre centre (18 %) [13]. Dans la sous-population présentant un choc hémorragique majeur, la mortalité opératoire est plus élevée (55 %) mais pas uniquement due à l’utilisation du rFVIIa.  La transfusion de sang massive est connue pour être associée à une augmentation des infections, des défaillances de plusieurs organes, du syndrome de détresse respiratoire aiguë et augmente la mortalité postopératoire [1,2,25,26]. Le rFVIIa ne peut pas remplacer la chirurgie pour contrôler la source chirurgicale de saignement et doit être administré après la correction de facteurs pouvant interférer avec la coagulation (hypocalcémie, hypothermie) et après optimisation de la coagulation par transfusion de produits sanguins (CGR, plaquettes, PFC). Il est important de ne pas administrer le rFVIIa trop tard lorsque la situation du patient est désespérée.  Karkouti et al. décrivent dans une étude observationnelle que l’utilisation du rFVIIa peut être associée à de meilleurs résultats si administrée plus tôt dans le cours de la perte de sang [27]. Notre étude a plusieurs limites. Tout d’abord, l’échantillon de l’étude est petit et dérivé d’un seul centre. Deuxièmement, la conception rétrospective implique des biais de recrutement inhérent à ce type d’étude. L’utilisation du rFVIIa en chirurgie cardiaque reste une application hors AMM. Compte tenu de la rareté de ces cas, la réalisation d’une étude randomisée évaluant les avantages du rFVIIa chez les patients atteints de saignements persistants après DAA opéré reste difficile. La comparaison avec un groupe de contrôle semble difficile à réaliser. Cependant, nos données suggèrent que pour les cas de risque vital engagé par le saignement après une chirurgie pour dissection aortique aiguë, l’avantage du rFVIIa l’emporte sur le potentiel de complications thrombotiques et que le rFVIIa pourrait être une option de traitement de dernier recours.   RÉFÉRENCES Santos AA, Sousa AG, Thome HO, Machado RL, Piotto RF. Impact on early and late mortality after blood transfusion in coronary artery bypass graft surgery. Rev Bras Cir Cardiovasc 2013;28:1-9. Ranucci M, Baryshnikova E, Castelvecchio S, Pelissero G. Surgical, Clinical Outcome Research G. Major bleeding, transfusions, and anemia: the deadly triad of cardiac surgery. Ann Thorac Surg 2013;96:478-85. Paparella D, Rotunno C, Guida P et al. Hemostasis alterations in patients with acute aortic dissection. Ann Thorac Surg 2011;91:1364-9. Westaby S. Coagulation disturbance in profound hypothermia: the influence of anti-fibrinolytic therapy. 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juin 3, 2016