Chirurgie humanitaire · Vol. 22 Septembre 2018

La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?

Marielle Gouton1,2*, Olivier Michel Bical1, Joy Zoghbi3, Régine Roussin4, Vincent Lucet1, Francine Leca1   Mécénat-Chirurgie Cardiaque, Paris, France. Institut mutualiste Montsouris, cardiologie congénitale, Paris, France. Hôpital privé Jacques Cartier, service de chirurgie cardiaque pédiatrique, Massy, France. Hôpital Marie Lannelongue, pôle des cardiopathies congénitales, Le Plessis-Robinson, France. Correspondance : m.gouton@cardiocongenitale.fr DOI : 10.24399/JCTCV22-3-GOU Citation : Gouton M, Bical OM, Zoghbi J, Roussin R, Lucet V, Leca F. La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(3). doi: 10.24399/JCTCV22-3-GOU   Résumé Objectif : analyse de la faisabilité et de l’efficacité en médecine humanitaire de la prise en charge chirurgicale d’enfants avec ventricule unique. Méthodes : étude rétrospective des enfants avec ventricule unique, pris en charge par l’association Mécénat-Chirurgie Cardiaque depuis 1996 avec un suivi au long cours après leur retour dans leur pays d’origine. Résultats : sur les 138 enfants formant notre cohorte, 119 ont bénéficié d’une ou plusieurs chirurgies (180 procédures) : 41 d’une chirurgie palliative seule (anastomose systémicopulmonaire ou cerclage) ; 47 d’une dérivation cavopulmonaire partielle, 31 d’une dérivation cavopulmonaire totale (âge moyen 8,5 ans). La mortalité opératoire est de 5,5% Après un suivi moyen de 5,6 ans, 18 enfants (13%) sont perdus de vue. La survie à 10 ans est de 79% (palliative seule 72%, DCPP 77%, DCPT 97%). Le pronostic est meilleur pour les atrésies tricuspides et les VU à double entrée (86% et 83% de survie à 10 ans) que pour les VDDI ou les CAVC (64% et 68% à 5 ans). Conclusion : la chirurgie des VU, même en médecine humanitaire, permet une survie satisfaisante, après une ou plusieurs interventions tendant dès que possible vers une DCPT.   Abstract Surgery of single ventricles in humanitarian practice: surgery for which patients? Objectives: To analyze the feasibility and effectiveness in humanitarian practice of the surgical management of children with a single ventricle. Methods: Retrospective study of children with a single ventricle, managed by the association Mécénat-Chirurgie Cardiaque since 1996 with long-term follow-up after their discharge from hospital. Results: Of the 138 children in our cohort, 119 underwent one or more surgeries (180 procedures): palliative surgery alone (systemic-pulmonary anastomosis or banding) in 41, partial cavo-pulmonary bypass in 47, and total cavo-pulmonary bypass (mean age 8.5 years) in 31. Operative mortality was 5.5%. After a mean follow-up of 5.6 years, 18 children (13%) were lost to follow-up. Survival at 10 years was 79% in operated children (palliative only 72%, PCPB 77%, and TCPB 97%), vs. 29% in non-operated children. The prognosis was better for tricuspid atresia and double inlet left ventricle (86% and 83% survival at 10 years) than for DORV or complete atrioventricular canal (64% and 68% at 5 years). Conclusion: Surgery of the single ventricle in human medicine allows a very satisfactory survival after one or more surgeries, tending towards a TCPB as soon as possible.   1. Introduction Le ventricule unique désigne une situation physiopathologique où un seul ventricule fonctionnel assure en parallèle les débits pulmonaire et systémique. Sur le plan anatomique, cette situation est rencontrée dans une multitude de malformations comme l’atrésie tricuspide, l’hypoplasie du cœur gauche, certaines formes de ventricule droit à double issue ou à double entrée, le CAVC déséquilibré, etc. Ces configurations anatomiques ne sont pas accessibles à une réparation biventriculaire et nécessitent une chirurgie de type Fontan par une dérivation cavopulmonaire, afin de rétablir un système circulatoire « en série » en séparant les circuits pulmonaire et systémique. Les tableaux cliniques dépendent des lésions anatomiques et du débit pulmonaire (cyanose ou insuffisance cardiaque), et décident de la chirurgie à réaliser : une chirurgie palliative précoce peut être nécessaire, soit pour réduire le débit pulmonaire (cerclage de l’artère pulmonaire), soit pour l’augmenter (anastomose systémicopulmonaire). La dérivation cavopulmonaire totale (DCPT) consiste en l’anastomose de la veine cave supérieure sur l’artère pulmonaire (dérivation cavopulmonaire supérieure, appelée aussi Glenn bidirectionnel) associée à l’anastomose de la veine cave inférieure et des veines sus-hépatiques sur l’artère pulmonaire par l’intermédiaire d’un tube. Cette DCPT peut se faire en un seul temps chirurgical. Néanmoins, le plus souvent (pour des raisons techniques comme, par exemple, le poids de l’enfant), cette DCPT se fait en 2 temps avec dans un premier temps une dérivation cavopulmonaire supérieure ou partielle (DCPP) et dans un second temps, une totalisation de la dérivation cavopulmonaire par la réalisation de la dérivation cavopulmonaire inférieure. Ainsi, la prise en charge d’un enfant porteur d’un ventricule fonctionnellement unique nécessite un suivi médical au long cours, allant du diagnostic jusqu’à la totalisation de la dérivation cavopulmonaire, et au-delà. Si une telle prise en charge globale est la règle dans les pays occidentaux, elle est impossible dans les pays qui ne disposent pas de chirurgie cardiaque pédiatrique, comme la plupart des pays en voie de développement. C’est ainsi que des associations humanitaires comme Mécénat-Chirurgie Cardiaque (MCC) [1] peuvent être impliquées dans la prise en charge d’enfants ayant une cardiopathie sévère type ventricule unique.   2. Objectifs L’objectif de cette étude est de savoir si la prise en charge des enfants avec ventricule unique est possible – et légitime – dans le cadre humanitaire en terme de suivi et d’amélioration de la survie.     3. Matériel et méthodes 3.1. Méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective sur dossiers de l’ensemble des enfants ayant un ventricule unique, originaires de pays en voie de développement, et pris en charge par l’association Mécénat-Chirurgie Cardiaque depuis sa création en 1996. Mécénat-Chirurgie Cardiaque est une association humanitaire créée dans le but de permettre à des enfants souffrant de malformations cardiaques de venir en France et d’y être opérés lorsqu’ils ne peuvent être soignés dans leur pays d’origine par manque de moyens financiers et techniques. Nous avons analysé le devenir de l’ensemble des enfants pris en charge en terme de survie, selon le type de ventricule unique, selon la réalisation ou non d’une chirurgie, et selon le type de chirurgie réalisée. Le suivi après le retour dans le pays d’origine est assuré par l’antenne médicale de MCC, en lien avec les médecins correspondants dans les pays.   3.2. Population Nous avons étudié rétrospectivement l’ensemble des dossiers des enfants ayant un ventricule unique (VU) adressés à MCC depuis sa création en 1996. La venue des enfants en France pour leur prise en charge chirurgicale par MCC est décidée conjointement avec les cardiologues correspondants dans les pays d’origine. En vue d’une chirurgie ayant pour objectif une amélioration fonctionnelle des enfants, et idéalement la réalisation d’une dérivation cavopulmonaire à terme, un premier tri est effectué sur l’examen du seul dossier médical, privilégiant les formes a priori favorables (bonne fonction systolique du VU, absence connue de fuite de la valve auriculoventriculaire, absence d’HTAP fixée, branches pulmonaires présentes). Une fois le dossier accepté, MCC organise la venue de l’enfant en France, où il bénéficie d’une évaluation hospitalière dans l’un des centres français de chirurgie cardiaque congénitale, avec : Une évaluation clinique à la recherche de signes d’hyperdébit pulmonaire (dyspnée, transpiration, tirage intercostal, hépatomégalie, mauvaise prise pondérale, mauvaise prise alimentaire) ou au contraire d’hypoperfusion pulmonaire (cyanose, hippocratisme digital, saturation basse, polyglobulie). Une radiographie thoracique. Une échocardiographie avec Doppler avec 2 examens d’experts pour chaque enfant. Si nécessaire, une évaluation hémodynamique et/ou un scanner thoracique, examens laissés à l’appréciation de chaque centre. L’opérabilité et le type de chirurgie sont décidés à l’issue de cette évaluation hospitalière. Les données préopératoires et les données postopératoires immédiates ont été recueillies rétrospectivement dans notre base de données centralisée, en fonction des dossiers médicaux. Le suivi tardif après le retour des enfants dans leur pays d’origine a été assuré par contact direct (téléphone, courrier ou courrier électronique) avec nos correspondants dans les pays (cardiologues ou paramédicaux) ou les familles et notre permanent dans l’association responsable du suivi médical. Depuis 1996, 138 enfants (90 garçons, 48 filles) avec VU ont été pris en charge par MCC. La plupart sont originaires d’Afrique (Afrique sub-saharienne 46/138 – 33%, Afrique du Nord 34/138 – 25%), mais aussi du Moyen-Orient (33/138 – 24%), d’Europe de l’Est (21/138 – 15%), d’Haïti (3/138 – 2%) et d’Asie du Sud-Est (1/138 – 0,7%) [figure 1]).   [caption id="attachment_4137" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Pays d’origine des enfants.[/caption]   3.3. Analyse statistique L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel Stata 10.1 (StataCorp LLC, College Station, Texas, États-Unis). Les variables qualitatives sont données en effectifs et pourcentages. Les variables numériques sont décrites par leurs moyenne, médiane et déviation standard. Les comparaisons de pourcentages sont réalisées avec le Chi 2 ou le test exact de Fisher pour les petits effectifs, les comparaisons de moyennes avec le test-t de Student et la survie avec la méthode actuarielle de Kaplan-Meier. Les tests sont considérés comme significatifs si p≤0,05.   4. Résultats   4.1. Caractéristiques initiales Les caractéristiques de la population sont détaillées dans le tableau 1. Sur les 138 enfants, 19 n’ont pas été opérés : 1 est décédé à l’arrivée en France avant le bilan hospitalier, 12 en raison d’une HTAP fixée diagnostiquée au cours du bilan, 5 du fait d’une cardiopathie complexe équilibrée, rendant le bénéfice chirurgical incertain et 1 du fait d’un syndrome polymalformatif sévère.   Tableau 1. Caractéristiques initiales.   TOTAL n 138 Sexe : garçons/filles 90/48 Âge en années (±DS) 4 (3,9) Taille en cm (±DS) 94(26) Poids en kg (±DS) 13,8 (9,5) Type de VU Atrésie tricuspide Double entrée VDDI CAVC Non spécifié   45 49 20 11 13 Branches pulmonaires belles/petites/? 94/36/8 Poumons protégés Oui Saturation % ICT % Non Saturation % ICT %                101 72 56 36 85 61 Opérés 119 VU : ventricule unique ; VDDI : ventricule droit à double issue ; CAVC : canal atrioventriculaire complet ; ICT : index cardiothoracique.   4.2. Actes chirurgicaux Les 119 enfants opérés ont bénéficié, au total, de 180 actes chirurgicaux [tableau 2]. Quarante-sept enfants ont été repris pour une deuxième chirurgie après un suivi moyen de 4 ans 2 mois et 14 ont été opérés une troisième fois après un délai moyen de 6 ans 7 mois après leur première venue en France. Avec un recul moyen de 5 ans et 7 mois, sur les 119 enfants opérés, 41 enfants ont bénéficié d’une palliative seule (anastomose systémicopulmonaire : 22 ; cerclage : 19), 47 d’une DCPP (dont 10 après une palliative), et 31 d’une DCPT (6 en 1 temps, à un âge moyen de 8 ans 8 mois, 19 en 2 temps – post-palliative ou post-DCPP – et 6 en 3 temps). Une reprise a été nécessaire pour épanchement pleural ou péricardique abondant 9 fois, pour plastie ou remplacement de la valve auriculoventriculaire 3 fois, pour implantation de pacemaker, reprise du montage ou médiastinite une fois. L’âge moyen au moment de la chirurgie était : 1,4 an au cerclage, 4,3 ans à l’anastomose systémicopulmonaire, 5 ans à la DCPP et 10,3 ans à la DCPT. Le délai moyen entre la première prise en charge par MCC et la réalisation d’une DCPT est de près de 8 ans.   Tableau 2. Actes chirurgicaux.   Dilatation RP Anastomose systémicopulmonaire Cerclage DCPP DCPT Divers* TOTAL Chirurgie n°1 1 33 23 56 6 - 119 Chirurgie n°2 - 5 - 14 19 9 47 Chirurgie n°3 - 1 - 1 6 6 14 Âge (ans) 4,4 1,4 5 10,3 Poids (kg) 13,4 6,4 16,1 34 Décès (%) 0 3 (7,7) 2 (8,7) 4 (5,6) 1 (3,2) 0 10 (5,5) TOTAL 1 39 23 71 31 15 180 RP : rétrécissement pulmonaire ; DCPP : dérivation cavopulmonaire partielle ; DCPT : dérivation cavopulmonaire totale. * : drainage pleural ou péricardique, plastie ou remplacement de la valve auriculoventriculaire, reprise du montage, pacemaker, médiastinite, etc.   4.3. Suites opératoires immédiates La durée moyenne d’hospitalisation pour la première chirurgie a été de 12,8 jours (+/-8,8). Pour une dérivation cavopulmonaire totale, en 1, 2 ou 3 étapes, la durée cumulée totale d’hospitalisation a été de 28,7 jours [tableau 3]. La mortalité opératoire a été au total de 10/180 (5,6%), se répartissant en 3/39 pour les anastomoses (7,7%), 2/23 pour les cerclages (8,7%), 4/71 pour les DCPP (5,6%), 1/31 pour les DCPT (3,2%).   Tableau 3. Durée d’hospitalisation (en jours).    Dilatation RP Anastomose systémicopulmonaire Cerclage DCPP DCPT   Divers TOTAL Durée d’hospitalisation 1 2 12,8 10,1 11,8 32 - 12,8 Durée d’hospitalisation 2 - 9 - 9 ,5 19 9 14,4 Durée d’hospitalisation 3 - 7 - - 17,4 - 14,4                 Durée cumulée totale/enfant selon la chirurgie finale   15 10,8 13,4 28,7 - 17,5 RP : rétrécissement pulmonaire ; DCPP : dérivation cavopulmonaire partielle ; DCPT : dérivation cavopulmonaire totale.   4.4. Survie au long cours Le recul moyen depuis la première prise en charge est de 5 ans et 7 mois, et de 3 ans et 10 mois depuis la dernière prise en charge. Dix-huit enfants (13%) sont perdus de vue ; 33 enfants sont décédés après un délai moyen depuis la prise en charge de 2 ans et 8 mois. La survie actuarielle globale est 82,3% à 5 ans et 79% à 10 ans chez les enfants opérés, nettement supérieure à celle des enfants non opérés (39% à 5 ans et 29% à 10 ans) ; p<0,0001 [figure 2a]. L’anatomie initiale est un facteur pronostique de mortalité [figure 2b] : la survie est meilleure dans le groupe des atrésies tricuspides ou des VU à double entrée (plutôt de type gauche) que dans le groupe VU type CAVC ou VDDI (plutôt de type droit) ; p=0,07. Pour les enfants n’ayant eu qu’une palliative (cerclage ou anastomose systémicopulmonaire), la survie à 5 et 10 ans est de 72% et 63% respectivement ; pour les enfants ayant eu une DCPP, la survie est de 81% à 5 ans et 77% à 10 ans ; tandis que pour les enfants ayant pu bénéficier d’une DCPT (en 1, 2 ou 3 étapes), la survie à 10 ans est de 97% ; p=0,002 [figure 2c].   [caption id="attachment_4138" align="aligncenter" width="141"] Figure 2. Survie actuarielle.2a : selon la réalisation d’une chirurgie ou non.2b : selon l’anatomie initiale.2c : selon la chirurgie finale réalisée.[/caption]   5. Discussion Depuis 1996, date de la création de Mécénat-Chirurgie Cardiaque, sur les 138 enfants accueillis en France en vue d’une chirurgie de ventricule unique, 119 (86%) ont bénéficié d’une ou plusieurs chirurgies. L’objectif de ce travail était multiple : 1) D’une part de savoir si la prise en charge d’enfants avec ventricule unique était possible  et légitime  dans le cadre humanitaire. Avec un recul de près de 6 ans, et un taux de perdus de vue de seulement 13%, le suivi des enfants pris en charge par MCC rejoint celui des CHU français et des études internationales  [2] et témoigne de l’efficacité des réseaux mis en place entre MCC et les référents des pays nous adressant leurs enfants, et ce malgré l’éloignement géographique et les difficultés rencontrées localement. La prise en charge de ces enfants qui nécessitent parfois deux voire trois interventions [3] ne doit donc pas être entravée par la crainte d’un suivi insuffisant du fait de l’éloignement. 2) D’autre part d’analyser la survie au long cours des enfants pris en charge. Si les enfants récusés pour la chirurgie (du fait d’une HTAP, ou in fine d’une pression pulmonaire ne permettant pas une correction univentriculaire le plus souvent) ont une survie médiocre (62% à 1 an et 39% à 5 ans), la survie des enfants ayant pu bénéficier d’une intervention (91,1%, 82,3% et 79% à 1, 5 et 10 ans respectivement) est comparable à celle observée dans la littérature pour des populations plus favorisées [4-6]. La faisabilité d’une DCPT est un marqueur majeur de survie : en effet, si la survie globale de la cohorte est de 77% à 5 ans et 72% à 10 ans, elle est supérieure à 95% à 10 ans chez les enfants ayant pu bénéficier d’une DCPT (soit d’emblée, soit après une ou plusieurs chirurgies), contre 63% sans DCPT. La prise en charge au long cours doit donc tendre vers une totalisation chirurgicale dès que celle-ci est envisageable, nécessitant un suivi des enfants dans leurs pays d’origine conjointement avec un suivi par l’équipe médicale de MCC. 3) Enfin, de déterminer s’il existait des formes plus favorables que d’autres. Dans notre cohorte, la présence d’un arbre pulmonaire de taille satisfaisante n’est pas statistiquement liée à un meilleur pronostic, même s’il existe une tendance (p=0,33), contrairement aux données de la littérature [7]. Ceci peut s’expliquer par la prise en charge sans doute trop tardive pour le cerclage de certains enfants avec belle voie pulmonaire du fait d’un diagnostic difficile dans les pays concernés, laissant le temps au lit vasculaire pulmonaire de développer des résistances précoces, à l’origine d’un résultat chirurgical médiocre [8,9]. Les résultats vont dans le sens d’un meilleur pronostic lorsque le ventricule unique est de type gauche (atrésie tricuspide, ou VU à double entrée). Ces résultats concordent avec les données de la littérature, avec un pronostic plutôt favorable en cas de VU à double entrée [10] et plutôt péjoratif en cas de ventricule unique de type droit [11,12], ou en cas d’hétérotaxie avec CAVC [13].   6. Conclusion Le pronostic d’enfants avec ventricule unique originaires de pays ne disposant pas de chirurgie cardiaque et pris en charge par l’association MCC est globalement satisfaisant, surtout dans les VU de type gauche. Néanmoins, l’action de MCC auprès de ces enfants doit tendre vers une prise en charge la plus précoce possible, afin de préserver le lit vasculaire pulmonaire, dans le but de pouvoir envisager une DCPT, qui offrira un excellent pronostic à moyen terme. Le suivi étroit mis en place entre l’équipe médicale de MCC et les cardiologues correspondants dans les pays d’origine des enfants est la clé de nos résultats pour cette cardiopathie congénitale complexe.   Références Association Mécénat-Chirurgie Cardiaque–Enfants du monde : http://www.mecenat-cardiaque.org/ (accédé le 30/01/2018) D'Udekem Y, Iyengar AJ, Galati JC et al. Redefining expectations of long-term survival after the Fontan procedure: Twenty-five years of follow-up from the entire population of Australia and New Zealand. Circulation 2014;130:S32–S38. https://doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.113.007764 PMid:25200053 Davies R and Pizarro C. Decision-making for surgery in the management of patients with univentricular heart. Front Pediatr 2015;3:1-19. https://doi.org/10.3389/fped.2015.00061 PMid:26284226 PMCid:PMC4515559 Downing TE, Allen KY, Glatz AC et al. Long-term survival after the Fontan operation: Twenty years of experience at a single center. J Cardiothorac Surg 2017;154:243-53. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2017.01.056 Ohuchi H, Kagisaki K, Miyazaki A et al. Impact of the evolution of the Fontan operation on early and late mortality: a single-center experience of 405 patients over 3 decades. Ann Thorac Surg 2011;92:1457-66. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2011.05.055 PMid:21958797 Alsaied T, Bokma JP, Engel ME et al. Factors associated with long-term mortality after Fontan procedures: a systematic review. Heart 2017;103:104-110. https://doi.org/10.1136/heartjnl-2016-310108 PMid:28057809 Senzaki H, Isoda T, Ishizawa A, Hishi T. Reconsideration of criteria for the Fontan operation. Influence of pulmonary artery size on postoperative hemodynamics of the Fontan operation. Circulation 1994;89:266-71. https://doi.org/10.1161/01.CIR.89.1.266 PMid:8281656 Gewillig M, Brown SC. The Fontan circulation after 45 years: update in physiology. 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Eur J Cardiothorac Surg 2007;31:344-52;discussion 353. https://doi.org/10.1016/j.ejcts.2006.11.043 PMid:17236782 Alsoufi B, McCracken C, Schlosser B et al. Outcomes of multistage palliation of infants with functional single ventricle and heterotaxy syndrome. J Thorac Cardiovasc Surg 2016;151:1369-77. https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2016.01.054 PMid:27085618 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Cet article a été présenté au 70e congrès de la SFCTCV (Marseille, juin 2017). Date de soumission : 13/02/2018. Acceptation : 10/08/2018.  
septembre 5, 2018
Chirurgie humanitaire · Éditorial · Vol. 22 Septembre 2018

À propos de l’article «La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?» – Editorial

Pr Roland Henaine, service de chirurgie cardiaque pédiatrique, hospices civils de Lyon, France. DOI : 10.24399/JCTCV22-3-HEN Citation : Henaine R. À propos de l'article «La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer ?» – Editorial . Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(3). doi: 10.24399/JCTCV22-3-HEN L’article du Dr  Marielle Gouton « La chirurgie des ventricules uniques en médecine humanitaire : quels patients opérer? », qui décrit la prise en charge d’une population spécifique en France par l’association humanitaire Mécénat Chirurgie Cardiaque, soulève plusieurs commentaires.   Considérations médicales La prise en charge chirurgicale initiale du ventricule unique, où presque 90% des patients ont bénéficié d’un diagnostic anténatal, est plus précoce en France. En général, elle se situe dans les premiers mois de vie. Dans la population humanitaire décrite dans l’article, elle est à plus d’un an de vie. Ce retard a sûrement une incidence sur la survie à long terme. Cette prise en charge tardive s’explique par le quasi absence du diagnostic anténatal dans les pays défavorisés, par une difficulté d’accès au système hospitalier, par la rareté des compétences locales pour établir un diagnostic, mais aussi par un délai incompressible administratif entre le diagnostic et l’arrivée de l’enfant en France. Une fois opéré et de retour dans son pays, se pose la question de la qualité du suivi. En effet, plus particulièrement dans cette pathologie, trois étapes sont nécessaires pour réaliser la procédure dite «de Fontan”, et au-delà, la surveillance d’une éventuelle prise d’anti-vitamines K et la détection de ce qu’on appelle le «Failing Fontan». Le pronostic à long terme après chirurgie de Fontan dépend de la cardiopathie sous-jacente (ventricule de type droit ou gauche) et des antécédents et résultats des chirurgies itératives. Les échecs par dysfonction myocardique et/ou insuffisance de la valve auriculoventriculaire surviennent plus souvent si le ventricule unique est de type droit. À long terme, les patients restent exposés à des complications plus ou moins sévères. La stase dans le tube extracardiaque entraîne une entéropathie exsudative et des troubles du rythme dans le cas de Fontan intracardiaque. On dénombre ainsi les troubles du rythme à type d’arythmies supraventriculaires, la dégradation de la fonction myocardique, la fuite auriculoventriculaire, les thromboses du circuit cavopulmonaire, l’entéropathie exsudative, la circulation collatérale systémico-pulmonaire, les fistules artérioveineuses pulmonaires [1,2], l’hypoxie et cyanose, l’endocardite infectieuse, les réinterventions, l’adaptation socioprofessionnelle et enfin la transplantation cardiaque… Dans l’étude réalisée par F.Fontan et al [3], la survie actuarielle à 1 mois, 6 mois, 1, 5, 10 et 15 ans était respectivement de 90%, 87%, 87%, 86%, 84%, et 74%. En résumé, la nécessité d’une surveillance rigoureuse et d’une prise en charge multidisciplinaire est de mise, ce qui n’est pas évident pour des patients défavorisés et qui habitent parfois à plusieurs centaines de kilomètres du centre de cardiopédiatrie.   Considérations financières Ces patients sont payants. C’est l’association humanitaire Mécénat Chirurgie Cardiaque qui couvre intégralement les frais ; ceux-ci sont en moyenne de 12000 euros/intervention. L’argent est le nerf de la guerre et il n’est pas illimité . D’un point de vue strictement comptable, un enfant avec VU coûtera à l’association l’équivalent de trois enfants avec une correction «biventriculaire» qui ne nécessitent en général qu’une intervention. Certes, la vie humaine n’a pas de prix et l’enfant pris en charge est précieux quelle que soit sa pathologie, mais on ne peut se soustraire de tenir compte de la réalité financière et une sélection rigoureuse des cas à traiter doit être de mise.   Conclusion Les deux questions posées par les auteurs de cet article sont les suivantes : Est-il possible de prendre en charge cette population particulière ? Vu l’excellente organisation déployée par l’association, la réponse est oui. Est-il légitime de les prendre en charge ? Vu les bons résultats de la série, la réponse est oui, à condition d’améliorer sans cesse le suivi entre les étapes chirurgicales et après le Fontan.   Je tiens à saluer tous les acteurs de Mécénat Chirurgie Cardiaque, médicaux ou non, en France et à l’étranger, pour ce formidable travail fourni au quotidien et pour ses excellents résultats. Le peu que l'on peut faire, le très peu que l'on peut faire, il faut le faire, pour l’humanité et avec enthousiasme.   Références Henaine R, Vergnat M, Bacha EA, Baudet B, Lambert V, Belli E, Serraf A. Effects of lack of pulsatility on pulmonary endothelial function in the Fontan circulation. J Thorac Cardiovasc Surg. 2013 Sep;146(3):522-9 https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2012.11.031 PMid:23219498 Henaine R, Vergnat M, Mercier O, Serraf A, De Montpreville V, Ninet J,  Bacha EA. Hemodynamics and arteriovenous malformations in cavopulmonary anastomosis: the case for residual antegrade pulsatile flow . J Thorac Cardiovasc Surg. 2013 Dec;146(6):1359-65 https://doi.org/10.1016/j.jtcvs.2013.02.036 PMid:23490250 Fontan F, Kirklin JW, Fernandez G, Costa F, Naftel DC, Tritto F, Blackstone EH. Outcome After a "Perfect" Fontan Operation. Circulation 1990;81:1520-1536 https://doi.org/10.1161/01.CIR.81.5.1520 PMid:2331765  
septembre 5, 2018
Chirurgie humanitaire · Vol. 20 Juin 2016

Les valvulopathies rhumatismales opérées chez l’enfant et l’adolescent, 18 ans d’expérience de Mécénat Chirurgie Cardiaque

Olivier Michel Bical, Christian Latrémouille, Jean-Louis de Brux, Adrien Hazard, Vincent Lucet, Francine Leca Association Mécénat Chirurgie Cardiaque, 33 rue Saint-Augustin, 75002 Paris. Correspondance : ombical@hotmail.fr   Résumé Objectif : Les valvulopathies rhumatismales opérées ont un pronostic peu connu chez l’enfant. Depuis 18 ans, l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque (MCC) fait opérer dans plusieurs centres en France de jeunes malades étrangers atteints de cette pathologie. Le but de cette étude est de rapporter les résultats de cette activité associative. Méthodes : Les données ont été recueillies prospectivement par la cellule « suivi » de MCC. Les résultats des différents types de valve implantés ont été comparés. Résultats : De 1997 à 2014, 359 enfants (224 filles et 135 garçons) d’âge moyen 13,6 ± 4,5 ans ont été opérés grâce à MCC. La mortalité opératoire a été de 2,8 % (10 malades). Les gestes opératoires pour les 349 patients restants ont été 134 RVM, 44 RVA et 171 plasties mitrales. Le suivi est de 82 % avec un recul moyen de 4,5 ± 3,9 ans. La mortalité tardive a été de 16,1 % (58 malades), respectivement de 3,9 % pour les bioprothèses, 5,6 % pour les valves mécaniques et 6,6 % pour les plasties mitrales. Globalement, 46 % des malades ont une vie normale après l’opération. Les malades avec une valve mécanique ou une réparation mitrale ont à moyen terme une survie plus importante que ceux avec une bioprothèse (respectivement p = 0,005 et p = 0,002). La survie cumulée à 10 ans est identique pour les RVM et les plasties mitrales. Conclusion : Les résultats de la chirurgie valvulaire chez les enfants ayant une valvulopathie rhumatismale sont bons, sauf pour les malades avec une bioprothèse. Les remplacements valvulaires mécaniques et les réparations mitrales ont une survie identique à moyen terme, ce qui conduit à réserver les réparations aux seules anatomies favorables.   Abstract Surgery for rheumatic valvular disease in young patients: 18 years of experience at Mécénat Chirurgie Cardiaque Aim: Surgery for rheumatic valvular disease has an unknown prognosis in young patients. For 18 years, the association Mécénat Chirurgie Cardiaque (MCC) has organized the surgical correction of this pathology for young patients at several centers in France. The aim of this study was to analyze the results of this activity. Methods: Data were retrospectively collected by the follow-up unit of MCC. The results for different types of heart valve were compared. Results: From 1997 to 2014, 359 young patients (224 girls and 135 boys) of a mean age of 13.6±4.5 years underwent valvular surgery in France thanks to MCC. The surgical mortality was 2.8% (10 patients). For the other patients, the intervention consisted of 134 MVR, 44 AVR and 171 mitral plasties. The follow-up was 82% for 4.5±3.9 years. Delayed mortality was 16% (58 patients), i.e. 3.9% with a bioprosthesis, 5.6% with a mechanical valve and 6.6% for mitral plasties. Globally, 46% of the patients regained a normal life after the surgery. Patients with a mechanical valve or a mitral plasty had better survival at mid-term than those with a bioprosthesis (p=0.005 and p=0.002, respectively). The cumulative survival at 10 years was the same for patients with MVR and mitral plasties. Conclusion: The results of valvular surgery for young patients with rheumatic disease are good except for patients with s bioprosthesis. Mechanical valvular replacement and mitral plasty have the same survival at midterm, although we prefer to perform mitral repair only to favorable anatomies.   1. INTRODUCTION Les valvulopathies rhumatismales opérées ont un pronostic peu connu chez l’enfant et l’adolescent. Depuis 18 ans, l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque (MCC) fait opérer dans différents centres en France de jeunes malades étrangers atteints de cette pathologie. Cette activité ne représente qu’environ 1/8 de l’activité globale de MCC, axée principalement sur les cardiopathies congénitales. Le but de cette étude est d’analyser les résultats globaux de cette chirurgie valvulaire et de justifier l’engagement de MCC dans la prise en charge chirurgicale des enfants et adolescents ayant une  pathologie valvulaire rhumatismale.   2. MÉTHODES Grâce à MCC, 359 enfants ont été opérés en France dans différents centres chirurgicaux de 1997 à 2014. Ces centres étaient à Paris, la fondation hôpital Saint-Joseph, l’hôpital européen Georges-Pompidou et à Angers, le centre hospitalier universitaire. Le groupe était composé de 224 filles et 135 garçons  (sexe ratio 0,6 H/F) d’âge moyen 13,6 ± 4,5 ans. Les pays d’origine des malades étaient principalement le Mali (97), le Sénégal (62), la République démocratique du Congo (24), le Cameroun (15) et la Guinée (11). La pathologie rhumatismale était principalement mitrale chez 296 enfants et principalement aortique chez 53 enfants (hors décès précoces). Les remplacements valvulaires ont été mitraux dans 134 cas (113 valves mécaniques, 21 bioprothèses) et aortiques dans 44 cas (29 valves mécaniques et 15 bioprothèses). Parmi ces malades, 30 ont eu un remplacement aortique et mitral combiné. Enfin, 171 malades ont bénéficié d’une plastie mitrale selon les techniques de Carpentier. La mortalité précoce est définie par le décès du patient dans les 30 jours suivant l’intervention chirurgicale. La mortalité tardive est prise en compte dans les données lorsque le décès dépasse ce délai. L’analyse statistique pour les variables qualitatives a été réalisée par un test du Chi2 d’homogénéité grâce au logiciel R. Lorsque le nombre de variables qualitatives était insuffisant, l’étude a été faite grâce au test exact de Fisher. La comparaison entre les groupes de survie a été réalisée par la méthode de Kaplan-Meier avec le test du log rank (logiciel XL-Stat). Un seuil de significativité de 5 % a été retenu pour l’ensemble de ces données.   3. RÉSULTATS [figure 1] La mortalité précoce a été de 2,8 % (10 malades). Un malade est décédé des suites immédiates d’une chirurgie redux d’intervention de Ross. Les 9 autres sont décédés de défaillance polyviscérale. Il s’agissait de 7 RVM et de 2 plasties mitrales. Grâce à l’efficacité de la cellule « suivi » de MCC (Marion Saint-Picq), seuls 43 malades sur les 359 ont été perdus de vue. Le follow-up concerne donc 296 malades, soit 82 % de la série et le recul moyen est de 4,5 ± 3,9 ans. La mortalité tardive a été de 16 %, soit 58 malades. L’âge moyen des malades décédés était de 16,4 ± 3,9 ans, soit en moyenne 2,8 ans après l’intervention. Les causes des décès tardifs ont été d’origine cardiaque pour 22 malades (38 %), d’origine extracardiaque pour 16 malades (27 %) et d’origine inconnue pour 20 malades (36 %).   [caption id="attachment_2379" align="alignnone" width="300"] Figure 1 : Mortalité précoce et tardive.[/caption]   Les résultats globaux montrent que 46 % des malades ont une vie normale après l’opération. 38 % ont une vie quasi normale avec toutefois une petite fatigabilité à l’effort ou une difficulté d’équilibrer l’INR. Enfin, 16 % des malades ont un résultat moyen et 6 % un mauvais résultat. Parmi les 34 malades ayant des bioprothèses, 14 sont décédés [tableau 1]. Les 8 causes cardiaques (23 %) sont des dysfonctions de valve, des thromboses et des endocardites. Seuls 20 malades (59 %) ont une vie normale avec une bioprothèse.   Bioprothèses Valves mécaniques Réparations mitrales Tableau 1: Origine des décès tardifs selon le geste chirurgical en regard de la valve mitrale Causes cardiaques 8 (23 %) 7 (6 %) 3 (2 %) Causes extracardiaques 2 (5,9 %) 7 (6 %) 21 (13,7 %) Causes inconnues 4 (11,7 %) 6 (5 %) 0   Parmi les 119 malades ayant une valve mécanique, 20 sont décédés [tableau 1]. Les 7 causes cardiaques (6 %) sont des endocardites ou des complications des anticoagulants. Au total, 99 malades ayant une valve mécanique (soit 84 %) ont une vie normale sous traitement anticoagulant par AVK. Parmi les 146 malades ayant eu une plastie mitrale, 24 sont décédés [tableau 1], essentiellement de causes extracardiaques (20 malades). Au total, 122 malades de ce groupe vont bien (soit 84 %) avec toutefois 16 malades ayant eu une reprise chirurgicale pour remplacement valvulaire mécanique. Globalement, les malades ayant une valve mécanique ou une réparation mitrale ont avec un recul de 4,7 ans de meilleurs résultats que ceux ayant une bioprothèse (respectivement p = 0,005 et p = 0,002 – tableau  2). Les courbes de survie cumulée montrent à 10 ans une survie identique des malades mitraux ayant un remplacement mécanique ou une plastie [figure 2].   Les malades avec une valve mécanique ou une réparation mitrale ont à moyen terme une survie plus importante que ceux avec une bioprothèse (respectivement p = 0,005 et p = 0,002). Tableau 2: Comparaison du décès selon le geste chirurgical en regard de la valve mitrale Bioprothèses Plasties mitrales Valves mécaniques Décès tardifs 14 24 20 Vivants 20 122 99   [caption id="attachment_710" align="alignnone" width="300"] Figure 2 : Courbe de survie cumulée des malades après chirurgie mitrale[/caption]   L’analyse des résultats chez les jeunes filles ne montre pas de résultats différents de ceux des garçons [tableau 3]. Les mortalités précoces et tardives sont identiques. Chez les adolescentes, le traitement anticoagulant est à l’origine de seulement 2 décès lors de grossesse sur les 38 décès tardifs.   Tableau 3: Comparaison du nombre de décès selon le sexe du patient Filles Garçons Décès opératoires ou précoces (moins de 30 jours) 8 (3,6 %) 2 (1,5 %) Décès tardifs 38 (17 %) 20 (15 %)   4. DISCUSSION Le rhumatisme articulaire aigu est éradiqué dans tous les pays dits développés, mais il sévit encore en Afrique d’où sont originaires nos malades. Sa presque disparition dans le monde explique que les séries publiées de chirurgie valvulaire soient peu nombreuses et limitées [1,2]. Notre association MCC rassemble des malades de toute l’Afrique sub-saharienne, ce qui explique le nombre important de malades de notre étude. Nous rapportons ainsi la plus grande série de valvulopathies rhumatismales opérées, et l’importance du suivi de nos malades (82 %) justifie la publication de nos résultats. La mortalité opératoire (2,8 %) est assez faible, identique à celle de la chirurgie valvulaire adulte. En revanche, la mortalité tardive est élévée (16,1 %) avec toutefois un nombre élevé de causes extracardiaques (29, soit 50 % des décés) liées aux conditions de vie des malades. L’analyse des résultats confirme que les malades ayant des bioprothéses ont des résultats à distance nettement moins bons que les malades avec une valve mécanique ou une plastie mitrale. Pour la chirurgie aortique, cette supériorité des valves mécaniques sur les valves biologiques n’apparaît pas sur les courbes de survie, probablement en raison du recul insuffisant. En revanche, pour la chirurgie mitrale, cette supériorité des valves mécaniques et des réparations sur les valves biologiques est nette dès le début du suivi et s’amplifie d’année en année [figure 2]. Par ailleurs, nous ne trouvons pas de différence de survie entre les porteurs de valve mitrale mécanique et ceux ayant eu une réparation mitrale, probablement en raison d’un recul insuffisant. Il apparaît toutefois que le remplacement mitral chez l’enfant et l’adolescent donne de très bons résultats à distance malgré la nécessité du traitement anticoagulant. Cette constatation nous fait déconseiller les mauvaises plasties mitrales qui inéluctablement vont obliger à une réintervention proche. Les réparations ne se justifient que sur les insuffisances mitrales de type 1 ou 2 de Carpentier, ce qui est rare dans la pathologie rhumatismale [3]. Les insuffisances mitrales rhumatismales habituellement de type 3 de Carpentier (avec rétraction valvulaire) sont difficiles à réparer et, compte tenu de nos bons résultats des remplacements par valve mécanique, cette stratégie radicale nous paraît préfèrable [4]. Les résultats globaux de la chirurgie valvulaire ne sont pas influencés par le sexe des malades. Le traitement anticoagulant complique évidemment le suivi d’une grossesse chez une adolescente, mais dans notre série, les accidents sont exceptionnels. Compte tenu des difficultés médicales du suivi en Afrique, nous recommandons la continuité du traitement par AVK tout au long de la grossesse plutôt que les protocoles de relais par l’héparine [5]. En revanche, 2 semaines avant la date présumée de l’accouchement, le relais des AVK  par l’héparine nous semble indispensable, et cela en milieu hospitalier.   5. CONCLUSION Les résultats de la chirurgie valvulaire pour les cardiopathies rhumatismales de l’enfant et l’adolescent sont bons et justifient la poursuite de la prise en charge au sein de notre association. La valve mécanique donne de meilleurs résultats que la valve biologique pour cette population, et cela malgré le traitement anti­coagulant. En position mitrale, les résutats à moyen terme du remplacement valvulaire et de la réparation conservatrice sont proches, ce qui nous conduit à ne réserver la réparation qu’aux rares anatomies favorables sans trop de lésions rhumatismales rétractiles.   REMERCIEMENTS Nous remercions toute l’équipe du Mécénat Chirurgie Cardiaque, et particulièrement Marion Saint-Picq qui a permis, par la qualité de son travail de suivi des enfants, la justification scientifique de cette étude.   RÉFÉRENCES Kangah MK, Souaga KA, Amani KA et al. Insuffisance mitrale rhumatismale de l’enfant: aspects anatomiques et chirurgicaux, à propos de 84 cas. J Thoracique et Cardio-vasculaire 2009;13:11-4. Abid F, Ouarda F, Chaker L et al. Le remplacement valvulaire chez l’enfant. Indications actuelles et résultats, à propos de 63 cas. Archives de Pédiatrie 1998;8:946. Carpentier A. Chirurgie reconstructrice de la valve mitrale. In: Acar J. Cardiopathies valvulaires acquises. Paris: Flammarion medicine Sciences, 1985:554-60. Duran CM, Gometza B, Balasundaram C et al. A feasibility study of valve repair in rheumatic mitral regurgitation. Eur Heart J. 1991;12: 34-8. Berard J, Dufour Ph, Subtil D et al. Grossesse chez les femmes porteuses d’une valve cardiaque mécanique. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1997;26:455-64. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Cet article a été présenté au 68e congrès de SFCTCV (Marseille, juin 2015).
juin 3, 2016