Cas clinique · Vol. 23 Décembre 2019

Tératome médiastinal compressif

Rachid Marouf1*, Ihsan Alloubi1, Brahim Housni2   Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, centre hospitalier universitaire Mohammed VI, Oujda, Maroc. Service d’anesthésie et de réanimation polyvalente, centre hospitalier universitaire Mohammed VI, Oujda, Maroc. * Correspondance : rachidmarouf@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-4-MAR Citation : Marouf R, Alloubi I, Housni B. Tératome médiastinal compressif. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(4). doi: 10.24399/JCTCV23-4-MAR   RÉSUMÉ Introduction : les tératomes bénins du médiastin sont des tumeurs rares qui représentent 5 à 10% des tumeurs du médiastin. Elles restent longtemps asymptomatiques et leur découverte révèle souvent leur taille volumineuse. Ils surviennent le plus souvent chez les sujets jeunes. Cas clinique : nous rapportons l’observation d’un jeune patient de 26 ans présentant un énorme tératome médiastinal révélé par une dyspnée de repos et une douleur thoracique. Une sternothoracotomie gauche (Hemi-Clamshell) à visée diagnostique et thérapeutique avait permis l’extraction de cette lésion dont l’étude anatomopathologique avait confirmé la présence d’un tératome pluritissulaire kystisé du médiastin. Le patient est resté asymptomatique après deux années de recul. Conclusion : bien que les tératomes médiastinaux bénins aient une croissance lente, ils peuvent dans de rares cas se compliquer et entraîner des symptômes. Le traitement de référence est la résection chirurgicale complète.   ABSTRACT Compressive mediastinal teratoma Introduction: Benign teratomas of the mediastinum (mature cystic teratomas or “dermoid” tumors) are rare and account for only 5 to 10% of mediastinal tumors. They remain asymptomatic for a long time and the revealing sign is often the discovery of a voluminous mediastinal mass. Although these tumors have been described in young adults. Case report: A 26 years old man with no particular medical history, was admitted for a large cystic mediastinal teratoma, revealed by dyspnea class III (NYHA) and chest pain. . A complete left sterno-thoracotomy (Hemi Clamshell) resection was performed, and the histopathological study confirmed the presence of a multitissular cystized teratoma of the mediastinum. The patient remained asymptomatic after two-years follow-up. Conclusion: Benign mediastinal teratomas are slow growing tumors. They seldom cause complications and become symptomatic. The treatment of choice is complete surgical resection.    1. Introduction Le terme tératome provient du mot grec “teras” et signifie tumeur monstrueuse. Le tératome est formé par des tissus ou composés d’organes qui proviennent des trois couches germinales de l’embryon, qui sont l’endoderme, le mésoderme et l’ectoderme. Le tératome peut donc contenir plusieurs types de tissus, comme des poils, des cheveux, des dents, des os, du cartilage, du muscle ou du tissu adipeux. La localisation médiastinale des tératomes représente 5 à 10% de toutes les tumeurs médiastinales [1]. Habituellement, ces lésions sont situées dans le médiastin antérieur et se développent chez les jeunes femmes. L’histoire physique des tératomes bénins est bien connue. Initialement, ils sont asymptomatiques et se développent très lentement. Dans de rares cas, ils peuvent devenir énormes, comprimer les structures adjacentes et entraîner des symptômes [2]. Le traitement de choix des tératomes kystiques bénins est l’exérèse chirurgicale complète avec un pronostic favorable [3].   2. Observation Il s’agit d’un jeune patient de 26 ans, sans antécédents particuliers, admis pour prise en charge d’une tumeur médiastinale géante, révélée par une dyspnée au moindre effort et une douleur latérothoracique gauche avec asthénie, anorexie et une perte de poids estimée à 10 kg en 6 mois. L’examen clinique a objectivé un patient déshydraté avec une fréquence respiratoire à 24 c/min, la saturation en oxygène était à 88% à l’air ambiant. La radiographie thoracique a montré un aspect d’une énorme opacité de tonalité hydrique médiastinale occupant une grande partie de l’hémithorax gauche [figure 1]. La tomodensitométrie (TDM) thoracique a présenté une volumineuse masse médiastinale de 15 cm de diamètre multicloisonnée, siège de quelques calcifications avec un effet de compression sur le poumon gauche, la bronche principale gauche, l’artère pulmonaire et sur l’oreillette gauche, faisant évoquer un kyste hydatique [figure 2]. Les marqueurs tumoraux α-FP et les βHCG étaient normaux ; la sérologie hydatique était négative. L’échographie cardiaque a objectivé une compression de l’oreillette gauche et de l’artère pulmonaire gauche sans altération de la fonction cardiaque.       [caption id="attachment_4586" align="aligncenter" width="279"] Figure 1 : Radiographie thoracique de face montrant une énorme masse occupant le médiastin et une partie importante de l'hémi-thorax gauche.[/caption] [caption id="attachment_4587" align="aligncenter" width="300"] Figure 2 : TDM thoracique : volumineuse masse médiastinale de 15x13x11cm de diamètre multi cloisonnée siège de quelques calcifications avec un effet de compression sur le poumon gauche, la bronche principale gauche, l’artère pulmonaire et sur l’oreillette.[/caption]   Après discussion du dossier à la réunion de concertation pluridisciplinaire, il a été décidé de réaliser une résection chirurgicale à but diagnostique et thérapeutique de cette lésion médiastinale. Le patient n’a pas toléré la position couchée en raison de l’hypotension, vraisemblablement liée à une compression cardiovasculaire avec réduction de la précharge. La planification préopératoire comprenait la mise en place des accès veineux, l’optimisation de la précharge avec prise en compte de la possibilité de mise en place d’une circulation extracorporelle. De plus, une épidurale thoracique était mise en place. L’anesthésie a été induite avec le patient mis en position demi-assise avec inclinaison à 45°, et une sonde endotrachéale à double lumière a été placée sous contrôle fibroscopique. La face antérieure du thorax était préparée et drapée dans cette position. Le patient a été opéré par une voie d’Hemi-Clamshell gauche qui a combiné une sternotomie partielle et une thoracotomie antérolatérale gauche passant par le 5e espace intercostal. L’exploration a trouvé une énorme masse de siège médiastinale de 15 cm de gros diamètre, en rapport à gauche avec la face latérale de l’aorte, avec le tronc de l’artère pulmonaire et l’artère pulmonaire gauche, avec la bronche principale gauche et très adhérente au péricarde, au nerf phrénique gauche et à la face interne du parenchyme pulmonaire. La dissection méticuleuse de cette lésion par rapport à ces différents éléments a été réalisée au ciseau de dissection et en utilisant la pince de l’ultracision. Cette dissection rendue difficile par les adhérences intimes avec les structures avoisinantes a permis l’exérèse complète de cette lésion qu’on a fait sortir à l’aide d’un sac extracteur par l’incision de sternothoracotomie [figure 3]. La douleur postopératoire a été contrôlée par l’administration d’une analgésie multimodale et par l’utilisation de la péridurale. L’étude anatomopathologique a confirmé qu’il s’agissait d’un tératome pluritissulaire kystisé médiastinal contenant de la graisse et des calcifications sans composante immature. Le recul est actuellement de 2 ans. Le patient est asymptomatique avec une saturation à 97% à l’air ambiant et une disparition de la dyspnée et de la douleur thoracique ; la radiographie du thorax n’a pas objectivé d’anomalie décelable avec une bonne réexpansion du poumon gauche [figures 4 et 5].     [caption id="attachment_4588" align="aligncenter" width="300"] Figure 3 : Pièce opératoire d’un Tératome médiastinal géant.[/caption] [caption id="attachment_4589" align="aligncenter" width="273"] Figure 4 : Radiographie thoracique à distance de la chirurgie a objectivé une bonne ré expansion du poumon gauche.[/caption] [caption id="attachment_4590" align="aligncenter" width="268"] Figure 5 : Cicatrice post-opératoire.[/caption]   3. Discussion Les tératomes médiastinaux sont des tumeurs rares et représentent seulement 5 à 10% de toutes les tumeurs de la région [1]. Le premier cas de localisation médiastinale a été décrit en 1823. Depuis lors, une variété de présentations atypiques ont été rapportées. Les tératomes médiastinaux représentent le 2e site de prédilection après les gonades. Ils concernent, dans la plupart des cas, le médiastin antérieur et surviennent souvent chez le sujet jeune, entre 15 et 30 ans, des deux sexes, avec une prédominance féminine [4] avec un sexe-ratio de (1.64:1) pour la série de Takeda. S et al. [5], et de (2.05:1) pour la série de Dulmet et al. [6]. Les tératomes font partie des tumeurs non séminomateuses et correspondent à des formations dérivées d’un ou de plusieurs des trois feuillets embryonnaires (ectoblaste, entoblaste et mésoblaste). Ils peuvent être kystiques ou solides, matures ou immatures et avoir un comportement bénin ou malin. Les formes bénignes correspondent aux tératomes matures qui représentent 50 à 70% des tumeurs germinales médiastinales. Ils sont composés exclusivement de tissus bien différenciés de type adulte [7]. Aucun facteur prédisposant, ou affection associée, n’a été reconnu chez les sujets développant ces tumeurs, même si les tératomes immatures se produisent presque exclusivement chez les mâles [6,7]. Ces lésions restent longtemps asymptomatiques et leur découverte se révèle souvent par leur taille volumineuse [5]. Il est plausible que la taille de la tumeur et la gravité des symptômes soient proportionnelles. Ce constat rejoint celui de Shintani Y et al. [4] qui avaient colligé une série de 15 tératomes matures, les patients symptomatiques présentaient un diamètre de tumeur plus large que celui des patients asymptomatiques (6,0 ± 1,6 vs 4,2 ± 1,6 cm, P=0,04). L’originalité de ce cas repose sur sa taille géante (15 cm), sur l’aspect radiologique qui a montré une lésion médiastinale kystisée multicloisonnée latéralisée à gauche, faisant un diagnostic différentiel avec un kyste hydatique, et sur le caractère compressif des organes adjacents lié aux effets mécaniques, notamment une compression de la trachée et des bronches avec atélectasie du poumon sous-jacent à gauche. En outre, d’autres complications ont été décrites dans la littérature, telle qu’une compression des cavités cardiaques et des structures vasculaires, notamment la veine cave supérieure, une surinfection de tératome kystique ou une perforation dans le poumon et l’arbre trachéobronchique avec une hémoptysie et/ou trichoptysie ou rarement une rupture dans la cavité pleurale, ou même dans le sac péricardique ou sur la paroi thoracique. Une invasion du tissu pulmonaire avec une hémoptysie massive a également été rapportée, bien que la malignité soit rare [3,5,6]. L’imagerie garde sa place dans le diagnostic positif des tératomes médiastinaux, qui restent souvent asymptomatiques. Le tératome apparaît habituellement sur la radiographie du thorax comme une masse médiastinale antérieure, arrondie, ovoïde ou polylobée, bien circonscrite, souvent latéralisée vers l’un des hémithorax. La présence de calcifications est en faveur du diagnostic [7]. La tomodensitométrie (TDM) évalue avec précision la densité de tous les tissus inclus, tels que les tissus mous, les liquides, la graisse, les calcifications et les dents. Parfois, le diagnostic radiologique peut être difficile dans les tératomes compliqués [8]. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est un outil très précieux pour détecter les relations anatomiques avec le médiastin et les structures hilaires, comme les vaisseaux et les voies respiratoires [8,9]. L’échocardiographie offre des informations complémentaires par rapport au scanner thoracique et à l’IRM, surtout l’évaluation de l’envahissement ou de la compression des structures cardiaques. En outre, elle permet de distinguer entre tumeur péricardique ou intracardiaque. Toutefois, il est conseillé de réaliser une échocardiographie qui constitue un examen de routine pour évaluer la fonction cardiaque dans le cadre du risque préopératoire d’une masse médiastinale compressive. Les taux sériques d’α-fœtoprotéine et de β-HCG doivent être mesurés si un tératome est suspecté. Le dosage est normal dans les tératomes matures du médiastin et permet, en cas de positivité, de suspecter d’emblée un contingent malin [9]. Le diagnostic histopathologique par ponction biopsie transpariétale ou transbronchique est discuté dans la réunion de concertation pluridisciplinaire, surtout en cas de doute diagnostique pour guider la prise de décision thérapeutique [10]. L’utilisation de la tomographie par émission de positons au 18 fluorodéoxyglucose (TEP 18 FDG) est limitée au stade diagnostique des tumeurs germinales non séminomateuses, du fait de son inaptitude à différencier les lésions de tératome mature actives des lésions cicatricielles non actives. En revanche, en raison de sa capacité à explorer le corps entier et ses performances souvent supérieures à l’imagerie radiologique, la TEP 18 FDG possède possiblement un intérêt pour déterminer si la tumeur a un potentiel malin, ou lors du bilan d’extension initial dans certaines situations atypiques et également dans le cas particulier des récidives occultes avec réascension inexpliquée des marqueurs tumoraux. Enfin, l’étude de la réponse à la chimiothérapie est également une application d’intérêt croissant [11]. Chiari Proli et al. ont mené une étude pour tester la sensibilité et la spécificité du TEP scanner pour diagnostiquer les tumeurs malignes du médiastin antérieur. Sur 134 cas ayant eu un TEP scanner suivi d’une signature histologique par biopsie invasive ou résection chirurgicale. Sur 110 cas de TEP scanner positif et 24 cas de négativité, ils ont trouvé 101 cas de masses médiastinales antérieures malignes confirmées par l’histologie et 33 cas de tumeurs bénignes. Par conséquent, ils ont conclu que la sensibilité et la spécificité de la TEP 18 FDG dans le diagnostic de la malignité d’une masse médiastinale antérieure était de 83% et 58% respectivement, et la valeur prédictive positive était de 90%, par ailleurs la valeur prédictive négative été de 42% [12]. En général, l’anesthésie pour chirurgie des grosses masses médiastinales peut poser des problèmes liés au syndrome médiastinal dû à une compression ou une invasion des structures vitales, entraînant ainsi une insuffisance respiratoire ou une décompensation hémodynamique. Une évaluation préopératoire des risques et une collaboration étroite entre les équipes d’anesthésie et de chirurgie doivent être mises en place, bien avant le geste chirurgical pour guetter toute complication prévisible [10]. La résection chirurgicale complète et minutieuse des tératomes médiastinaux reste la seule approche thérapeutique envisageable, afin d’éviter les complications et les récidives locales (les complications locales possibles du tératome par effet mécanique, rupture ou surinfection et surtout le risque, si exceptionnel qu’il soit, de transformation maligne) [9,10]. Cette exérèse complète est parfois rendue difficile par la grande taille de ces tumeurs et les adhérences intimes avec les structures voisines, notamment avec le péricarde, le poumon, les gros vaisseaux, le thymus, la paroi thoracique, les structures hilaires ou le diaphragme [3,5,7]. La thoracoscopie vidéo-assistée (“video assisted thoracoscopic surgery”) est une technique faisable pour les tumeurs de taille ≤6 cm, et bien meilleure sur le plan esthétique que la chirurgie à ciel ouvert [4]. Certes, elle constitue un véritable challenge, surtout en présence d’adhérences denses autour de la lésion ou en cas de tumeur large, ce qui va poser un problème d’exposition, de manipulation peropératoire et même de retrait de la pièce de résection chirurgicale [13]. Nakano et al. [14] ont rapporté que l’aspiration du contenu kystique d’un tératome mature à l’aide d’un système aspiratif sous thoracoscopie peut fournir dans certaines situations une vue plus large, facilitant ainsi la manipulation et le retrait complet de la lésion. Certes, cette attitude reste dangereuse et peut favoriser la dissémination en cas d’association à un contingent malin. Chang et al. [15] ont noté une dissémination tumorale rapide chez un patient ayant subi une résection sous thoracoscopie d’un tératome kystique à transformation maligne rompu en peropératoire. Bien que la transformation maligne soit extrêmement rare, une résection minutieuse et complète d’un tératome mature médiastinal, tout en laissant intacte la paroi kystique, est nécessaire pour éviter le risque de rechute d’une composante potentiellement maligne [10,15]. En revanche, une chirurgie à ciel ouvert s’avère plus appropriée pour les lésions volumineuses (>6 cm) et surtout en cas de suspicion de contingent malin associé ou en présence d’adhérentes denses aux structures de voisinage, notamment le cœur, les vaisseaux (le tronc veineux innominé et la veine cave supérieure), le poumon et les structures nerveuses telles que les nerfs phréniques [4]. La chirurgie robotique (“robotic assisted thoracoscopic surgery” – RATS) peut être considérée comme une progression naturelle de la thoracoscopie, offrant une vision tridimensionnelle de haute définition, avec une nette diminution des tremblements et dotée d’instruments chirurgicaux pourvus d’articulations à 7 degrés de liberté à l’intérieur de la cavité thoracique [16]. Melfi et al. [17] ont opéré 69 patients portant des tumeurs médiastinales dont trois tératomes matures, par chirurgie robotique en utilisant le système Da Vinci. Les critères de sélection étaient : un diamètre de tumeur <5 cm, sans signe d’extension ou d’infiltration extracapsulaire ou d’envahissement par contiguïté des structures adjacentes. Pour aborder le médiastin antérieur, les patients étaient mis en position de décubitus latéral, la caméra a généralement été introduite au 6e espace intercostal sur la ligne axillaire moyenne ou postérieure. La meilleure position des bras robotiques a été établie en fonction du siège de la lésion, généralement au 4e espace intercostal, avec une distance minimale de 6 cm par rapport à celui de l’optique. La conversion en thoracotomie a été réalisée dans trois cas en raison d’un envahissement tumorale inattendu (deux thymomes), et la présence d’adhérences tenaces aux structures contiguës dans un cas (un kyste hétérogène). Le recours à la circulation extracorporelle (CEC) en cas d’adhérences sévères ou d’envahissement cardiaque ou de gros vaisseaux permet une résection plus aisée et complète des tissus tumoraux avec la possibilité de dégonfler les poumons en toute sécurité en augmentant le champ d’exposition et de manipulation de la tumeur sans risque de lésion vasculonerveuse ou cardiaque. La CEC peut aussi être proposée comme mesure de sauvetage en cas de décompensations hémodynamiques ou respiratoires peropératoires, d’où l’intérêt d’avoir un perfusionniste et une équipe de chirurgie cardiothoracique dans la salle d’opération. Il est possible de canuler les vaisseaux fémoraux sous anesthésie locale en vue d’une CEC, même avant l’induction de l’anesthésie. La canulation de l’aorte ascendante, de l’oreillette droite ou des deux veines caves supérieure et inférieure, comme couramment utilisée, semble inappropriée pour la chirurgie des grandes masses médiastinales [10,13]. Le diagnostic de certitude qui permet de retenir le diagnostic des tératomes est anatomopathologique sur pièce opératoire, qui met en évidence un tissu entièrement mature ou l’association à un contingent immature, incomplètement différencié, ou à une autre composante germinale. À la coupe, c’est un kyste unique, ou multiloculaire ou une masse polykystique. Histologiquement, les tératomes sont caractérisés par l’existence d’une capsule volontiers calcifiée et par leur contenu hétérogène (formations osseuses ou cartilagineuses, tissu pancréatique, tissu musculaire...). La présence de sébum, d’inclusions pileuses et de formations dentaires explique le terme de kyste dermoïde qui est utilisé par certains auteurs [7,9]. Le pronostic des tératomes matures du médiastin est excellent après résection complète. Les récidives sont exceptionnelles, liées surtout à une résection incomplète et peuvent survenir sous une forme tumorale bénigne ou rarement maligne, d’où l’intérêt d’un suivi régulier basé sur l’examen clinique, le bilan radiologique et le dosage sérique de l’α-fœtoprotéine et de la β-HCG [3,6,12].   4. Conclusion Les tératomes matures géants du médiastin restent des tumeurs rares qui entraînent une compression mécanique des structures adjacentes [3,7]. Une collaboration étroite et multidisciplinaire entre les équipes d’anesthésie et de chirurgie en pré, per et postopératoire est nécessaire afin d’éviter toute décompensations hémodynamiques ou respiratoires [10]. La résection complète et minutieuse, en faisant attention aux détails anatomiques de la tumeur et ses rapports avec les structures vitales du médiastin, est le traitement de choix afin d’éviter les complications et les récidives locales avec un pronostic qui reste favorable [4,10].   Références Allen MS. Presentation and management of benign mediastinal teratomas. Chest Surg Clin N Am 2002 Nov;12(4):659-64. https://doi.org/10.1016/S1052-3359(02)00036-4 Lemarié E, Diot P, Droz JP, Ruffié P. Tumeurs médiastinales d'origine embryonnaire. Encycl Méd Chir (Elsevier), Pneumologie, 6-047 D 40, Cancérologie, 60-6-7-1-OA-10, 1993, 11 p. Asteriou C, Barbetakis N, Kleontas A, Konstantinou D. Giant mediastinal teratoma presenting with paroxysmal atrial fibrillation. 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décembre 13, 2019
Cas clinique · Vol. 23 Décembre 2019

Léiomyosarcome de la veine cave inférieure étendu à l’auricule droit : cas clinique

Damien Dousse1, Bertrand Marcheix2, Nicolas Carrère1, Laurent Ghouti1*   Service de chirurgie digestive, CHU Toulouse Purpan, Toulouse. Service de chirurgie cardiovasculaire, CHU Toulouse Rangueil, Toulouse. * Correspondance : ghouti.l@chu-toulouse.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-4-DOU Citation : Dousse D, Marcheix B, Carrère N, Ghouti L. Léiomyosarcome de la veine cave inférieure étendu à l’auricule droit : cas clinique. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(4). doi: 10.24399/JCTCV23-4-DOU   RÉSUMÉ Le seul traitement curatif d’un léiomyosarcome de la veine cave inférieure (VCI) est l’exérèse chirurgicale complète. Mais lorsqu’il intéresse les trois segments de la VCI, il représente un véritable challenge thérapeutique. Nous rapportons une approche chirurgicale d’un léiomyosarcome de grade II localisé dans les trois segments de la VCI avec une extension à l’oreillette droite chez un patient de 56 ans : une exérèse complète sous circulation extracorporelle avec arrêt circulatoire hypothermique et reconstruction vasculaire par prothèse. Une exérèse radicale est faisable grâce à une approche multidisciplinaire en centre expert.   ABSTRACT Leiomyosarcoma of inferior vena cava with extension to the right atrium: case report The only cure for an inferior vena cava (IVC) leiomyosarcoma is complete radical surgical excision. But when it concerns the 3 IVC level, it represents a real therapeutic challenge. We report a surgical approach of grade II leiomyosarcoma located in the 3 IVC level with an extension to the right atrium in a 56-year-old patient: a radical excision by laparotomy and sternotomy under cardiopulmonary bypass with hypothermic circulatory arrest and vascular reconstruction by prosthesis. Radical excision is feasible thanks to a multidisciplinary approach in an expert center.   1. Introduction Le léiomyosarcome d’origine vasculaire est la tumeur maligne vasculaire la plus fréquente, principalement situé au niveau de la veine cave inférieure (VCI). Les léiomyosarcomes sont rares, représentant 0,5% de l’ensemble des tumeurs des tissus mous [1,2]. Le diagnostic repose sur des examens morphologiques et sur une preuve anatomopathologique. La chimiothérapie et la radiothérapie n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité, l’exérèse chirurgicale avec des marges saines R0 représente le seul traitement curateur [1,2]. Les léiomyosarcomes de la VCI sont classés en fonction de leur localisation anatomique en trois zones [1,2] : zone I : segment infrarénal de la VCI ; zone II : segment suprarénal et rétrohépatique de la VCI, entre les veines rénales et les veines sus-hépatiques ; zone III : segment suprahépatique, entre les veines sushépatiques et l’atrium droit. Les léiomyosarcomes intéressant les trois segments de la VCI avec une extension tumorale à l’atrium droit sont très rares et peu rapportés dans la littérature.     2. Observation Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 56 ans présentant une masse suspecte de la VCI révélée par une altération de l’état général associée à une fièvre vespérale. Le bilan morphologique a mis en évidence une lésion de 8 cm de grand axe dans la VCI, s’étendant de l’ostium de la veine rénale droite jusqu’à l’oreillette droite, avec un contact au niveau de l’abouchement des veines sus-hépatiques [figure 1].   [caption id="attachment_4596" align="aligncenter" width="300"] Figure 1: Imagerie pré-opératoire :(A) Scanner thoraco-abdomino-pelvien injecté (coupe axiale)(B) IRM thoraco-abdomino-pelvien injecté (coupe axiale)(C) Scanner thoraco-abdomino-pelvien injecté (coupe coronale)[/caption]   Cette lésion était localisée dans les segments I, II et III de la VCI. L’examen anatomopathologique obtenu après des biopsies par voie trans-jugulaire droite était en faveur d’un léiomyosarcome conventionnel, de grade I selon la classification de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC). Le bilan d’extension (scanner thoraco-abdomino-pelvien et tomographie par émission de positons) était négatif. Après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), une chimiothérapie néo-adjuvante a été décidée en vue d’une exérèse chirurgicale à visée curative. Le patient a reçu 3 cycles d’adriamycine-déticène, avec une bonne tolérance. Cette tumeur semblait résécable sous circulation extracorporelle (CEC) avec arrêt circulatoire hypothermique en combinant une sternotomie et une laparotomie. La stratégie chirurgicale a été réalisée en plusieurs temps : Dans un premier temps, par laparotomie, une libération extensive de la VCI a été réalisée. Le pôle inférieur de la tumeur était au contact de la veine rénale gauche et légèrement au-dessus de la veine rénale droite. Les veines sus-hépatiques étant libres, il a été décidé de ne pas réaliser de geste d’hépatectomie associée au vu du faible grade tumoral, d’une exérèse macroscopiquement complète et du risque hémorragique lié à l’héparinisation pour la CEC. Dans un deuxième temps, par sternotomie, une circulation extracorporelle avec canulation de l’aorte transverse, de la veine cave supérieure et de la VCI infrarénale a été mise en place. Après refroidissement progressif jusqu’à obtenir une température systémique de 32 °C, un clampage aortique et une cardioplégie ont été réalisés. L’exclusion vasculaire totale du foie a été obtenue après manœuvre de Pringle (clampage du pédicule hépatique incluant le tronc porte). Les gestes d’exérèses ont associé une résection monobloc de la tumeur en marges macroscopiquement saines, avec résection de la veine cave en biseau conservant l’ostium de la veine rénale droite et ligature de la veine rénale gauche et section de la VCI au niveau de sa jonction avec l’oreillette droite. Les veines sus-hépatiques ont été sectionnées. Les marges de résection avaient été anticipées en préopératoire en collaboration avec les radiologues. Pour la reconstruction, un tube prothétique en Gore-Tex 20 mm de diamètre entre la veine cave inter-rénale et l’oreillette droite a été implanté. Puis réimplantation des veines sus-hépatiques et de la veine rénale droite. La veine rénale gauche n’a pas été réimplantée en raison de la continuité de la veine génitale gauche. La récupération hémodynamique a été rapide, le réchauffement progressif après déclampage aortique permettant un arrêt de la CEC après une durée totale de 125 minutes. Le clampage hépatique continu a duré 43 minutes. La durée opératoire était de 7 heures. Les suites postopératoires ont été favorables sur le plan hémodynamique, neurologique et respiratoire. Il n’y a pas eu d’insuffisance hépatocellulaire ni rénal. Le patient est sorti d’hospitalisation au onzième jour postopératoire.   [caption id="attachment_4597" align="aligncenter" width="225"] Figure 2: Scanner thoraco-abdomino-pelvien injecté post-opératoire (coupe coronale)[/caption]   L’examen anatomopathologique était en faveur d’un léiomyosarcome conventionnel de la VCI de 7,5 cm de hauteur, de grade II selon la classification de la FNCLCC. L’exérèse était complète, classée R0. La discussion collégiale en RCP n’a pas proposé de traitement adjuvant, mais une surveillance active. À deux ans de la résection, le patient est en très bon état général (OMS 0), sans signe clinique ni radiologique de récidive locale ou à distance.   3. Discussion Les léiomyosarcomes de la VCI sont des tumeurs rares associées à un pronostic très sombre en l’absence d’exérèse chirurgicale. Le seul traitement potentiellement curatif, donnant aux patients les meilleures chances de survie sans récidive et de survie globale à long terme, est une résection chirurgicale monobloc, d’emblée macroscopiquement et microscopiquement complète, classée R0. Le taux de survie sans récidive à 5 ans est estimé entre 30% et 53%, et le taux de survie globale à 3 ans à 87,5% pour les patients réséqués [1,2]. Les quatre facteurs de mauvais pronostic identifiés sont l’atteinte du segment III de la VCI, l’extension à l’atrium droit, une croissance tumorale intraluminale prédominante et une exérèse chirurgicale incomplète [1,2]. Une stratégie chirurgicale agressive doit donc être proposée avec pour objectif d’obtenir une résection R0 d’emblée. Des règles carcinologiques strictes doivent être respectées dans cette chirurgie à visée curatrice, d’exérèse complète R0 en bloc, idéalement “no view, no touch” avec exérèse du site biopsique. La survie des patients réséqués d’emblée R0 est supérieure à celle des patients opérés en 2 ou plusieurs temps [1,2]. Les marges de résection R0 doivent être anticipées en préopératoire en collaboration avec les radiologues. La localisation anatomique de la VCI et l’envahissement potentiel des organes adjacents font de cette résection un véritable challenge chirurgical. Cette chirurgie peut nécessiter le recours à des chirurgies hépatiques extrêmes avec de long temps de clampage hépatique (exclusion vasculaire totale du foie, chirurgie ex situ in vivo, chirurgie ex vivo) ; à des techniques de circulation extracorporelle (shunt veinoveineux, bypass cardiopulmonaire) avec ou sans arrêt circulatoire, et avec ou sans hypothermie ; à des exérèses d’organes adjacents (néphrectomie, surrénalectomie…) ; et à des techniques de reconstructions vasculaires. La stratégie thérapeutique doit être planifiée de manière multidisciplinaire au sein de réseau spécialisé “Sarcome” (réseau NetSarc en France), impliquant des oncologues, des chirurgiens, des radiologues, des anesthésistes et des pathologistes (Réseau de référence en pathologie des sarcomes [RRePS]), en centre expert. Les léiomyosarcomes intéressant le segment 3 de la VCI avec une extension à l’atrium droit sont rares et rapportés uniquement dans des case reports avec des attitudes chirurgicales non consensuelles [3-8]. La technique d’exérèse sous CEC avec arrêt circulatoire hypothermique a été rapportée comme faisable avec une morbimortalité faible [3-5]. Des techniques alternatives ont été décrites, utilisant le bypass cardiopulmonaire normothermique sans arrêt circulatoire hypothermique [6], réalisation d’un shunt veinoveineux avec exclusion vasculaire totale du foie uniquement [7], ou même une exclusion vasculaire du foie sans circulation extracorporelle par application d’un refroidissement cutanée externe [8]. Dans ce cas, une exérèse complète d’un léiomyosarcome des 3 segments de la VCI étendu à l’atrium droit sous CEC et arrêt circulatoire hypothermique a été réalisée dans de bonnes conditions. Le patient n’a présenté aucune complication postopératoire. Cette technique est faisable en centre expert, avec une collaboration entre chirurgiens cardiovasculaires et digestifs. La chirurgie d’exérèse sous CEC avec arrêt circulatoire hypothermique augmente la durée opératoire, mais semble associée à une diminution du risque hémorragique, d’ischémie chaude rénale et hépatique et par conséquent de l’insuffisance hépatocellulaire et rénale, d’exérèse incomplète avec une visualisation optimale de la lumière de la VCI et de l’atrium droit, d’embolies [5-8]. Actuellement, aucune recommandation ne peut être établie sur la stratégie chirurgicale appropriée par manque de niveau de preuve du fait de la rareté, de leur hétérogénéité et du manque de larges séries sur ces tumeurs. Seules les règles carcinologiques conduisant à une résection monobloc complète R0 sont indiscutables, posant le problème d’un challenge thérapeutique majeur. Une approche multidisciplinaire avec la coordination des différentes équipes chirurgicales, anesthésiques et radiologiques nous semble indispensable.   4. Conclusion Les léiomyosarcomes atteignant le segment 3 de la VCI étendu à l’atrium droit sont des tumeurs malignes très rares, associées à un pronostic sombre. Seule une stratégie chirurgicale agressive permettant d’obtenir une résection R0 donne aux patients les meilleures chances de survie. L’approche multidisciplinaire avec la coordination des différentes équipes oncologiques, chirurgicales, anesthésiques, radiologiques et pathologistes est indispensable à ce challenge thérapeutique. Ces techniques chirurgicales complexes doivent être réalisées en centre expert.   Références Sulpice L, Rayar M, Levi Sandri GB et al. Leiomyosarcoma of the inferior vena cava. J Visc Surg 2016 Jun;153(3):161-5 [PMID: 26711879 DOI: 10.1016/j.jviscsurg.2015.11.002]. https://doi.org/10.1016/j.jviscsurg.2015.11.002 PMid:26711879 Mann GN, Mann LV, Levine EA, Shen P. Primary leiomyosarcoma of the inferior vena cava: A 2-institution analysis of outcomes. Surgery 2012 Feb;151(2):261-7 [PMID: 21176932 DOI: 10.1016/j.surg.2010.10.011]. https://doi.org/10.1016/j.surg.2010.10.011 PMid:21176932 Lv Y, Pang X, Zhang Q, Jia D. Cardial leiomyosarcoma with multiple lesions involved: a case report. Int J Clin Exp Pathol 2015;8(11):15412-15416 [PMID: 26823904]. Laas J, Schmid C, Allhoff E, Borst HG. Tumor-related obstruction of the inferior vena cava extending into the right heart--a plea for surgery in deep hypothermic circulatory arrest. Eur J Cardiothorac Surg 1991;5(12):653-6 [PMID: 1772682]. https://doi.org/10.1016/1010-7940(91)90122-Z Harnoy Y, Rayar M, Levi Sandri GB et al. Intravascular Leiomyomatosis with Intracardiac Extension. 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Primary leiomyosarcoma of inferior vena cava adjacent to hepatic veins: complete off-pump resection and inferior vena cava graft reconstruction with application of external skin surface cooling. Interact Cardiovasc Thorac Surg 2017 Nov 1;25(5):683-686 [PMID: 28525631 DOI: 10.1093/icvts/ivx133]. https://doi.org/10.1093/icvts/ivx133 PMid:28525631   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 20/02/2019. Acceptation : 30/09/2019. 
décembre 13, 2019
Cas clinique · Vol. 23 Décembre 2019

La rupture diaphragmatique droite post-traumatique : à propos d’un cas

Abdelkarim Kharroubi1,2*, Alexandre Karsenti1, Arez Mameli1, Bruno Tremblay1   Service de chirurgie thoracique et vasculaire, Grand Hôpital de l’est parisien (GHEF), Meaux. Université Ibn Zohr, faculté de médecine, Agadir, Maroc.   Correspondance : karimvasculaire@gmail.com   DOI : 10.24399/JCTCV23-4-KHA Citation : Kharroubi A, Karsenti A, Mameli A, Tremblay B. La rupture diaphragmatique droite post-traumatique : à propos d’un cas. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(4). doi: 10.24399/JCTCV23-4-KHA   RÉSUMÉ La rupture diaphragmatique droite post-traumatique est une lésion dont la gravité est variable, pouvant passée inaperçue à la phase aiguë. Son diagnostic est essentiellement radiologique. Un traitement chirurgical par thoracotomie est préférable. Parfois la thoracoscopie peut constituer une bonne alternative dans un but diagnostique et thérapeutique. Nous rapportons le cas d’un homme présentant une rupture diaphragmatique droite post-traumatique avec une hernie hépatique, dont le diagnostic a été établi une semaine après le traumatisme.   ABSTRACT The traumatic right diaphragmatic rupture: A case report Right post traumatic diaphragmatic rupture is a lesion whose severity is variable, which may have gone unnoticed in the acute phase. His diagnosis is essentially radiological. Surgical treatment with thoracotomy is preferable, sometimes thoracoscopy can be a good alternative for diagnostic and therapeutic purposes. We report the case of a man with a post-traumatic right diaphragmatic rupture with hepatic hernia, whose diagnosis was established one week after the trauma.   1. Introduction La rupture de la coupole diaphragmatique droite post-traumatique est une lésion rare, mais de gravité variable. Elle est présente chez moins de 1,6% des traumatisés hospitalisés pour une contusion thoracique et/ou abdominale [1], avec une mortalité estimée entre 20 et 60% [2]. Le diagnostic est difficile, souvent tardif. Une association d’hernie hépatique ou gastrosplénique en intrathoracique est fréquente. Le pronostic est péjoratif en cas de retentissement cardiorespiratoire. L’objectif de notre cas est de préciser l’importance de la surveillance radiologique et d’inciter à penser à cette lésion devant tout traumatisme thoracique ou abdominal.   2. Observation Patient de 63 ans, enseignant de profession, sportif et tabagique chronique avec un indice de masse corporelle à 24 kg/m2, a été victime d’un accident de la voie publique (motocycliste casqué heurté par une voiture) avec points d’impact crânien et thoracique droit. L’examen à l’admission a objectivé un patient avec score de Glasgow à 15, état hémodynamique stable, eupnéique avec saturation capillaire en oxygène à 99% à l’air ambiant, dermabrasion occipitale et ecchymoses avec point douloureux basithoracique droit, l’examen pleuropulmonaire était normal avec un abdomen souple. Un bilan radiologique initial, fait du body scanner et radiographie thoracique, a été réalisé, objectivant la présence de fractures costales postérieures des 9e et 10e côtes et un hémothorax droit mimine, sans anomalie de l’étage cérébral. Un complément par tomodensitométrie (TDM) thoracique [figure 1] a été demandé et une lésion diaphragmatique, difficilement visible, est passé inaperçue.   [caption id="attachment_4601" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Coupe frontale d’une TDM thoraco-abdominale initiale : la lésion diaphragmatique est difficilement visible.[/caption]   Le malade a été admis au service pour surveillance, il est resté stable sur le plan clinique. Sur des radiographies thoraciques de contrôle, une ascension de la coupole diaphragmatique droite a été constatée [figure 2] d’où l’évocation d’une lésion diaphragmatique droite avec hernie du foie dans le thorax, diagnostic qui a été confirmé par un scanner [figure 3] et complété par une imagerie par résonance magnétique (IRM) [figure 4].   [caption id="attachment_4602" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Radiographie du thorax de face de contrôle (7e jour) montrant une ascension de la coupole diaphragmatique droite.[/caption] [caption id="attachment_4605" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Images tomodensitométriques (coupe frontale à gauche et sagittale à droite) objectivant une hernie hépatique transdiaphragmatique en intrathoracique (7 jours après le traumatisme).[/caption] [caption id="attachment_4606" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Image d’IRM (coupe frontale à droite et sagittale à gauche) montrant l’ascension intrathoracique d’une partie du foie avec discontinuité de la coupole diaphragmatique droite.[/caption]   Le malade a été admis au bloc opératoire, une thoracoscopie initiale a permis de confirmer et préciser la topographie de la lésion : rupture de 12 cm de la coupole diaphragmatique droite avec hernie hépatique partielle [figure 5] sans lésion péricardique ou pulmonaire associée. Une thoracotomie a permis de repositionner le foie en intra-abdominal sans difficulté et de réparer la lésion par deux surjets de Prolene 3/0 [figure 6].   [caption id="attachment_4607" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Vue opératoire montrant la brèche diaphragmatique après réduction de l’hernie hépatique.[/caption] [caption id="attachment_4603" align="aligncenter" width="300"] Figure 6. Vue opératoire après réparation de la brèche diaphragmatique.[/caption]   Le patient ne présentait aucune dysfonction respiratoire en postopératoire, avec des radiographies de contrôle normales. L’état neurologique est resté stable avec un scanner cérébral de contrôle sans particularité ; la disparition totale de la douleur est arrivée au bout de deux semaines. Le patient est sorti à J15 et a repris son travail un mois après sans aucun retentissement sur la vie personnelle et professionnelle. La coupole diaphragmatique droite a gardé sa position anatomique normale sur toutes les radiographies réalisées à chaque contrôle.   3. Discussion La rupture diaphragmatique est une conséquence relativement classique des traumatismes thoraco-abdominaux fermés [3], son incidence varie entre 1 et 7% [4]. Le diagnostic est souvent tardif, et la hernie peut n’être cliniquement apparente et diagnostiquée qu’après des mois, voire des années après le traumatisme [5]. La radiographie thoracique initiale reste un élément nécessaire du diagnostic, en visualisant l’ascension de la coupole diaphragmatique d’emblée ou sur les clichés répétés. La tomodensitométrie a une sensibilité de 33 à 83% et une spécificité de 76 à 100%, et une valeur prédictive positive de 50 à 98% [6]. Elle permet de confirmer l’éventration en visualisant le muscle diaphragmatique rompu [1] et de quantifier l’importance de la hernie. Une imagerie par résonance magnétique peut être envisagée en cas de doute diagnostique. Ces examens ont également un intérêt pour éliminer une autre lésion associée, ainsi qu’un éventuel retentissement cardiopulmonaire de la hernie. Les principaux risques d’une rupture diaphragmatique droite sont une dysfonction diaphragmatique, la compression pulmonaire, le déplacement du médiastin et une altération du retour veineux [7]. Dans notre cas, la lésion était simple avec hernie partielle du foie sans complications anatomiques, hémodynamiques ou fonctionnelles : le patient a gardé une respiration normale sans aucune gêne. Une fois le diagnostic fait dans les jours qui suivent le traumatisme, une intervention chirurgicale s’impose. Le traitement chirurgical pose le problème de la voie d’abord ; logiquement, la meilleure voie d’abord est abdominale car le traumatisme en cause est abdominal, mais pour la rupture diaphragmatique droite cette voie a plusieurs limites. En pratique, la rupture diaphragmatique droite étant beaucoup plus accessible par le thorax, c’est la voie de choix qui a comme avantage un accès large : de l’apex à la coupole, avec possibilité d’agrandissement en arrière et un meilleur contrôle lors de la réparation diaphragmatique, l’inconvénient de cette voie est qu’elle est longue, et les sections musculaires privent l’utilisation ultérieure du grand dorsal et du grand dentelé comme lambeaux. Chez notre malade, la voie d’abord était une thoracotomie droite avec, en fin d’intervention, un rapprochement par des gros fils ramenant la côte sus et sous-jacente, en passant à travers un orifice percé dans la côte inférieure. Le traitement consiste en une réintégration du foie en intra-abdominal et une réparation de la coupole diaphragmatique [8].   4. Conclusion La rupture de la coupole diaphragmatique droite est une lésion rare dont le diagnostic est difficile, faisant appel à la réalisation de radiographies de contrôle au cours de la surveillance de tout traumatisé thoracique et/ou abdominal. Une TDM ou IRM sont indiquées au moindre doute. Parfois une thoracoscopie est nécessaire. Le traitement chirurgical par thoracotomie ou thoracoscopie permet la réintégration des organes herniés et la suture de la brèche. Le pronostic est favorable en l’absence de lésion cardiorespiratoire.   Références Favre JP, Cheynel N, Benoit L, Favoulet P. Surgical treatment for traumatic diaphragmatic ruptures. EMC-Techniques chirurgicales - Appareil digestif 2005;2:242-251 DOI : 10.1016/S0246-0424(05)39769-X https://doi.org/10.1016/j.emcchi.2005.04.004 Reiff D, McGwin G, Metzger J, Windham ST, Doss M, Rue LW. Identifying injuries and motor vehicle collision characteristics that together are suggestive of diaphragmatic rupture. J Trauma 2002 Dec;53(6):1139-45 DOI:10.1097/00005373-200212000-00018 PMID:12478041 https://doi.org/10.1097/00005373-200212000-00018 PMid:12478041 Najah H, Pocard M. Laparoscopic diaphragm rupture repair (with video). Journal of visceral surgery 2014 Jun;151(3):237-8 DOI: 10.1016/j.jviscsurg.2014.03.005 PMID:24780225 https://doi.org/10.1016/j.jviscsurg.2014.03.005 PMid:24780225 Scharff JR, Naunheim KS. Traumatic diaphragmatic injuries. 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Presse Med 2009;38:1028-1029 DOI: 10.1016/j.lpm.2008.03.024 PMID: 19117718 https://doi.org/10.1016/j.lpm.2008.03.024 PMid:19117718   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 17/09/2019. Acceptation : 14/10/2019.     
décembre 13, 2019
Cas clinique · Vol. 23 Décembre 2019

Anévrysme géant de l’artère pulmonaire et maladie de Behçet : à propos d’un cas

Alia Machboua*, Adam Belarbi, Salima Hamraoui, Sara Zarouki, Rachid Marouf, Ihsan Alloubi   Service de chirurgie thoracique et cardiaque, CHU Mohamed VI, Oujda, Maroc.   * Correspondance : alia.machboua@gmail.com   DOI : 10.24399/JCTCV23-4-MAC Citation : Machboua A, Belarbi A, Hamraoui S, Zarouki S, Marouf R, Alloubi I. Anévrysme géant de l’artère pulmonaire et maladie de Behçet : à propos d’un cas. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(4). doi: 10.24399/JCTCV23-4-MAC   RÉSUMÉ L’anévrysme de l’artère pulmonaire est une pathologie rare qui peut survenir dans le cadre de la maladie de Behçet. Nous rapportons le cas d’un patient de 16 ans, ayant un antécédent d’aphtose bipolaire, admis pour hémoptysie. La tomodensitométrie thoracique décrit une lésion vasculaire anévrysmale aux dépens de l’artère pulmonaire en intrascissurale, avec un faux chenal disséquant signant la prérupture. Une lobectomie inférieure droite a été réalisée avec des suites favorables. Un traitement de fond de la maladie de Behçet est instauré avec une bonne évolution clinique.   ABSTRACT About a Giant Aneurysm of the Pulmonary Artery and Behcet’s disease: case report The pulmonary artery aneurysm is a rare pathology. It can occur in the part of Behçet's disease. We report the case of a 16 year old patient, with a history of bipolar aphtosis admitted for hemoptysis. The Chest computed tomography describes aneurysmal vascular lesion, witch depends on the intra- scissural pulmonary artery, with a false chennel dissecting sign the pre-rupture. A lower right lobectomy was performed with favorable suites. A basic treatment of Behçet's disease is established with good clinical progress.   1. Introduction L’atteinte anévrysmale de l’artère pulmonaire constitue une pathologie rare, qui présente moins de 1% des anévrysmes intrathoraciques. Elle est définie par un diamètre aortopulmonaire (diamètre du tronc de l’artère pulmonaire sur le diamètre de l’aorte ascendante) supérieur à 2 ou un diamètre de l’artère pulmonaire supérieur à 40 mm. L’anévrysme de l’artère pulmonaire peut être congénital ou acquis, dans ce dernier cas il est souvent inclus dans le cadre d’une vascularite systémique, notamment la maladie de Behçet, et peut être inaugural de cette dernière. Nous rapportons le cas d’un jeune patient ayant un anévrysme de l’artère pulmonaire dans sa portion intrascissurale droite.   2. Observations Il s’agit de M. B., âgé de 16 ans, ayant comme passé pathologique la notion d’un ictère, d’une anémie et d’une aphtose bipolaire, admis pour hémoptysie de moyenne abondance, récidivante, associée à une toux, le tout évoluant depuis 4 mois dans un contexte de fièvre et de conservation de l’état général. L’examen physique trouve des râles crépitants de la base pulmonaire droite. Le reste de l’examen somatique est sans particularités. La radiographie thoracique [figure 1] a objectivé une opacité parahilaire droite à projection scissurale. Un angioscanner thoracique [figures 2a, b] a été demandé montrant une opacité ovalaire prenant intensivement le contraste, avec un halo circonférentiel disséquant la paroi de l’artère pulmonaire, et dont les reconstructions anatomiques évoquent à priori un anévrysme en prérupture. L’abord a été une thoracotomie postérolatérale droite, avec un contrôle premier du tronc de l’artère pulmonaire droite, ligature de l’artère pulmonaire en intrascissurale et par conséquent une lobectomie inférieure droite emportant la poche anévrysmale intraparenchymateuse. Les suites postopératoires ont été favorables avec une disparition complète de l’hémoptysie et une sortie J5 du postopératoire. La maladie de Behçet a pu être confirmée par la suite et un traitement de fond a été instauré. Après un recul de 8 ans, le patient demeure asymptomatique.     [caption id="attachment_4611" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Radiographie thoracique de face montrant une opacité parahilaire droite à projection scissurale.[/caption] [caption id="attachment_4612" align="aligncenter" width="300"] Figure 2a. TDM thoracique coupe axiale, en fenêtre médiastinale montrant une hyperdensité médiolobaire inférieure droite prenant intensivement le contraste avec un halo périlésionnel évoquant une prérupture.[/caption] [caption id="attachment_4613" align="aligncenter" width="300"] Figure 2b. TDM thoracique coupe axiale, en fenêtre parenchymateuse montrant une hyperdensité médiolobaire inférieure droite avec hématome péri-anévrysmal et aspect en verre dépoli en aval évoquant une hémorragie intra-alvéolaire. [/caption]   3. Discussion L’anévrysme de l’artère pulmonaire est une pathologie rare. En effet, Deterling et Clagett ont rapporté seulement 8 cas en 1947 pour 109571 autopsies sur une période de 100 ans [1]. L’anévrysme de l’artère pulmonaire survient essentiellement dans le cadre de la maladie de Behçet, qui est une vascularite systémique affectant le sujet jeune, généralement de 20 à 30 ans avec une prédominance masculine. Il peut survenir également dans le cadre du syndrome de Hughes-Stovin [2], associant souvent une hémoptysie avec une atteinte systémique, oculaire ou vasculaire de type thrombose veineuse profonde, pouvant atteindre les veines des membres inférieurs ou le tronc de la veine cave inférieure. Le tableau clinique, qui n’est pas spécifique, fait souvent état d’une hémoptysie, parfois associée à des signes extrathoraciques faisant évoquer une atteinte systémique comme l’aphtose bipolaire, ou l’atteinte oculaire, comme le cas de notre patient. La confirmation diagnostique repose sur l’exploration radiologique, la radiographie thoracique montre une opacité bien limitée souvent juxtahilaire, et l’angioscanner thoracique confirme la nature vasculaire de ces lésions. Vu la rareté de cette pathologie, le traitement n’est pas codifié [3], la prise en charge peut se faire par traitement endovasculaire de type embolisation [4], mais souvent l’évolution est dominée par la récidive d’hémoptysie. Le traitement chirurgical s’impose à chaque fois où le risque de rupture de l’anévrysme est important, l’évolution spontanée de ces anévrysmes se fait soit par l’augmentation de leur taille et leur fissuration dans les bronches avec hémoptysie mortelle, soit par la survenue d’autres anévrysmes. Le traitement de fond de l’étiologie est nécessaire pour pallier les récidives. Des rétrocessions d’anévrysmes ont été obtenues sous corticoïdes, cyclophosphamide ou thalidomide [5-7].   4. Conclusion Les anévrysmes de l’artère pulmonaire demeurent une pathologie rare, souvent associée à une pathologie systémique, leur prise en charge est codifiée par le volume de l’anévrysme et l’existence de signes de prérupture, essentiellement une hémoptysie qui devrait précipiter la prise en charge chirurgicale de ces patients.   Références Deterling RA, and Clagett OT. Aneurysm of the pulmonary artery: Review of the literature and report of a case. American Heart Journal 1947;34(4):471-499 DOI:10.1016/0002-8703(47)90527-9 https://doi.org/10.1016/0002-8703(47)90527-9 Bennji SM, du Preez L, Griffith-Richards S, et al. Recurrent pulmonary aneurysms, Hughes Stovin syndrome on Spectrum of Behçet disease. Chest Journal 2017;07-15 DOI: 10.1016/j.chest.2017.07.015 https://doi.org/10.1016/j.chest.2017.07.015 PMid:29126538 Takahama M, Yamamoto R, Nakajima R, Tada H. Successful surgical treatment of pulmonary artery aneurysm in Behcet's syndrome: case report. Interactive CardioVascular and Thoracic Surgery 2009;8:390-392 DOI:10.1510/icvts.2008.194647 https://doi.org/10.1510/icvts.2008.194647 PMid:19064583 Bachmeyer C, Khalil A, Bouvard E, Parrot A. Une hémoptysie au cours d'une maladie de Behçet. Rev Med Interne 2007;28:784-6 DOI: 10.1016/j.revmed.2007.04.015 https://doi.org/10.1016/j.revmed.2007.04.015 PMid:17559981 Tascilar K, Melikoglu M, Ugurlu S, Sut N, Caglar E, Yazici H. Vascular involvement in Behçet's syndrome: a retrospective analysis of associations and the time course. Rheumatology (Oxford) 2014;53(11):2018-2022 DOI: 10.1093/rheumatology/keu233. Epub 2014 Jun 6 https://doi.org/10.1093/rheumatology/keu233 PMid:24907156 Alpagut U, Ugurlucan M, Dayioglu E. Major arterial involvement and review of Behcet's disease. Ann Vasc Surg 2007;21:232-239 DOI: 10.1016/j.avsg.2006.12.004 https://doi.org/10.1016/j.avsg.2006.12.004 PMid:17349371 Erkan F, Gül A, Tasali E. Pulmonary manifestations of Behçet's disease. Thorax Journal 2001;56:572-578 DOI:10.1136/thorax.56.7.572 https://doi.org/10.1136/thorax.56.7.572 PMid:11413359 PMCid:PMC1746103   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 02/06/2019. Acceptation : 08/11/2019.     
décembre 13, 2019
Cas clinique · Vol. 23 Décembre 2019

Rupture de l’artère sous-clavière et état de choc hémodynamique profond suivant un traumatisme thoracique fermé : à propos d’un cas

Tran Thuc Khang   Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, hôpital de Xuyen A, Ho Chi Minh Ville, Vietnam. Correspondance : khangchircardio@gmail.com   DOI : 10.24399/JCTCV23-4-KHANG Citation : Khang TT. Rupture de l’artère sous-clavière et état de choc hémodynamique profond suivant un traumatisme thoracique fermé : à propos d’un cas. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(4). doi: 10.24399/JCTCV23-4-KHANG RÉSUMÉ Le traumatisme de l’artère sous-clavière est rare mais potentiellement catastrophique. Le diagnostic  précis et le traitement des lésions traumatiques de l’artère sous-clavière restent difficiles. Le but de cet article est de rapporter un cas clinique de lésion mortelle d’artère sous-clavière gauche avec choc hémorragique profond, traité avec succès par une réanimation agressive associée à une thoracotomie d’urgence.   ABSTRACT Subclavian Arterial Rupture And Hemodynamic Shock Following Blunt Thoracic Trauma: A Case Report Blunt subclavian artery trauma is uncommon but potentially catastrophic. The precise and quick diagnosis and management of traumatic subclavian artery injury remains challenging. The purpose of this article is to report a clinical case of fatal blunt subclavian artery injury with profound haemorrhagic shock treated successfully by aggressive resuscitation associated with urgent thoracotomy.   1. Introduction Une rupture de l’artère sous-clavière représente une complication rare d’un traumatisme fermé du thorax. La rupture artérielle provoque généralement des hémorragies massives et doit être rapidement et correctement confirmée par un examen physique. Bien que ce soit un problème chirurgical peu fréquent mais difficile, et que de nombreux chirurgiens n’ont qu’une expérience limitée de leur prise en charge [3,4]. Ces dernières années, certaines lésions complexes de l’artère sous-clavière sont de plus en plus gérées par l’intervention endovasculaire chez des patients hémodynamiquement stables au moment de la présentation [11]. Cependant, les lésions de l’artère sous-clavière apparaissent tôt après le traumatisme, et la rupture artérielle peut entraîner des hémorragies mettant en jeu le pronostic vital, la chirurgie restant alors le traitement unique disponible pour sauver le patient. Nous rapportons un cas clinique de rupture de l’artère sous-clavière gauche après un traumatisme fermé du thorax avec choc hémorragique profond et opéré avec sternotomie médiane associée à une thoracotomie antérieure gauche dans le style “d’ouvrir un livre”.   2. Observation Un homme de 20 ans, auparavant en bonne santé, a eu un accident de la circulation et a été immédiatement amené à notre hôpital. Au moment de son admission, le patient était toujours conscient et respirait difficilement avec une fréquence respiratoire rapide, supérieure à 40 par minute. Le patient présentait un état hémodynamique instable avec une pression artérielle d’environ 50/40 mmHg et une fréquence cardiaque supérieure à 150 bpm. Les pouls distaux n’étaient pas palpables à l’extrémité supérieure gauche. L’hémithorax gauche présentait une ecchymose. Aucune déformation de la paroi thoracique n’a été signalée. À l’auscultation pulmonaire, il ne présentait aucun murmure vésiculaire à gauche. Aucune fracture des extrémités n’a été trouvée et l’abdomen était plat. Le bassin était stable. La réanimation a été initiée alors qu’une radiographie du thorax au lit était réalisée immédiatement. Nous avons trouvé le signe d’un hémothorax massif à gauche avec le médiastinum déplacé vers le côté droit et le signe de la première côte fracturée à gauche [figure 1]. La clavicule gauche est restée intacte. Dans ce contexte clinique, on manquait de temps pour effectuer d’autres explorations d’imagerie, et le patient a été transféré en salle d’opération pour l’intervention d’urgence avec le diagnostic de rupture de l’artère sous-clavière fatale suivant un traumatisme fermé du thorax.   [caption id="attachment_4636" align="aligncenter" width="231"] Figure 1. Hémothorax gauche massif, le médiastin est déplacé vers la droite avec une fracture de la première côte.[/caption]   En arrivant en salle d’opération, le patient a présenté une bradycardie, puis un arrêt cardiaque. Il a été intubé pour une anesthésie générale et réanimé agressivement avec du sang, produits du sang et d’autres solutions disponibles. Un massage cardiaque et un accès immédiat aux lésions intrathoraciques ont été réalisés en même temps. Nous avons utilisé deux incisions : la sternotomie médiane et la thoracotomie antérieure gauche via le 3e espace intercostal dans le style “d’ouvrir un livre”. Lorsque le thorax s’est ouvert, nous avons découvert la cavité pleurale gauche “inondée” de sang et le saignement de l’artère sous-clavière gauche rompue, située à environ 1 cm de son origine. Il n’y avait pas d’épanchement péricardique. L’artère saignante a été clampée rapidement avec deux clamps vasculaires, tandis que la réanimation s’est poursuivie avec un massage cardiaque intrathoracique, des agents vaso-actifs, des solutions, le sang et des produits sanguins [figure 2]. Pendant 15 minutes de réanimation, le cœur a récupéré une fibrillation ventriculaire et deux chocs électriques de 10 joules ont été donnés. Le rythme sinusal a ensuite été rétabli et la pression artérielle a repris. À partir de ce moment et jusqu’à la fin de l’opération, nous avons bien contrôlé les paramètres hémodynamiques, dans la limite acceptable avec une pression artérielle moyenne d’environ 60 mmHg. Les pupilles étaient modérément dilatées (environ 4 mm de diamètre) et réagissaient presque lentement à la lumière. L’artère sous-clavière gauche a été rompue sur environ 2 cm de long, mais sa paroi était traumatisée plus long que la partie rompue, qui s’étendait de l’origine de l’artère sous-clavière à l’artère vertébrale gauche. L’origine de l’artère sous-clavière était suturée avec des fils de proléne et pledgets sur la paroi de la crosse aortique. Et un pontage avec Gore-Tex de 6 mm de diamètre a été réalisé entre l’aorte ascendante et l’artère sous-clavière (en aval de lésion). L’anastomose proximale et distale a été réalisée avec un type terminolatéral et terminoterminal, respectivement. Le flux de l’artère vertébrale gauche a été préservé [figure 3]. À la fin de l’opération, l’état hémodynamique était stable, et on a fermé la thoracotomie et la sternotomie de façon habituelle avec mise en place de drains pleural gauche, péricarde et retrosternal.   [caption id="attachment_4637" align="aligncenter" width="231"] Figure 2. Artère sous-clavière rompue clampée avec deux clamps vasculaires.[/caption] [caption id="attachment_4638" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Interposition de Gore-Tex 6 mm de diamètre entre l’aorte ascendante et l’artère sous-clavière gauche (avec clamp latéral de l’aorte ascendante pour l’anastomose proximale).[/caption]   Malheureusement, nous n’avions pas de cell saver dans la salle opératoire des urgences, donc nous avons gaspillé une énorme quantité de sang. Le sang perdu intraopératoire a été estimé à environ 4000 mL et nous avons utilisé jusqu’à 21 unités de sang et d’autres produits sanguins pour réanimer ce patient. En postopératoire, l’état hémodynamique était stable, les iris étaient isochoriques bilatéraux, isocycliques et réactifs à la lumière, le volume urinaire commençait à se rétablir sans signe d’insuffisance rénale. La concentration de troponine I a augmenté jusqu’à 22,2 ng/mL, mais aucun changement n’a été observé sur l’électrocardiogramme. Cette enzyme n’était que de 3,5 ng/mL en 2e jour postopératoire. Le lactate sanguin a été bien corrigé, passant de 14 mmol/L à 3 mmol/L pendant les 24 premières heures. Aucun trouble grave de la coagulation n’a été noté après l’opération. En réanimation, on a fait des examens d’imagerie pour contrôler les lésions avec la fonction cardiaque préservée sur l’échocardiographie. Aucun signe de lésions intra-abdominales n’est détecté sur l’échographie abdominale, et aucune fracture de la colonne cervicale trouvée à la radiographie. Le patient a été réveillé et extubé avec succès au 4e jour postopératoire et son score de Glasgow était de 15. Les drains sont enlevés au 5e jour postopératoire. Malheureusement, le patient souffrait d’une lésion ischémique du lobe occipital gauche qui a été détectée dès que le patient s’est réveillé et qui a été confirmée par un scanner de la tête [figure 4]. Il présentait des symptômes tels que déséquilibre, perte de vision, trouble du langage et du réflexe de déglutition. Tous avaient été améliorés au cours des 9 jours suivants, à l’exception du réflexe de déglutition ; le patient devait donc bénéficier d’une gastrotomie par voie endoscopique pour une sonde d’alimentation à long terme. Cette sonde a été retirée avec succès au bout de près de 3 mois, moment où le patient a pu manger par la bouche. À partir de ce moment, le patient était redevenu normal et ne présentait aucune séquelle neurologique ni motrice. Lors de la dernière revisite médicale (4,5 mois après l’opération), il était capable de marcher seul sans aucune aide.   [caption id="attachment_4639" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Zone ischémique du lobe occipital gauche sur le scanner de la tête.[/caption] 3. Discussion Les lésions vasculaires chez les patients présentant un traumatisme thoracique sont souvent mortelles. Parmi celles-là, les lésions vasculaires sous-clavières sont relativement rares car l’artère est protégée par le muscle sous-claviculaire, la clavicule, la première côte et le fascia cervical profond [1]. L’incidence réelle est probablement sous-estimée car de nombreuses victimes décèdent avant d’arriver à l’hôpital pour un traitement définitif et représentent moins de 0,4% à 2% des lésions vasculaires traumatiques [3,6,9,11]. Bien que l’incidence soit rare, une lésion traumatique de l’artère sous-clavière peut être fatale avec un taux de mortalité pouvant atteindre 30% des cas [3,6]. Certains types pathologiques de lésions de l’artère sous-clavière peuvent être observés, tels que l’étirement, la section, le faux anévrysme ou la compression de l’artère sous-clavière par des fragments d’os, dans lesquels la lésion rompue peut provoquer une hémorragie massive et le patient subir un choc grave et la mort [1,11]. Le diagnostic de lésion traumatique de l’artère sous-clavière dépend des situations cliniques. Dans les cas hémodynamiques stables, les antécédents peuvent être obtenus du patient, le personnel préhospitalier en informera plus probablement le médecin, puis une exploration par imagerie pourra être réalisée afin de confirmer le diagnostic de lésion de l’artère sous-clavière. L’angiographie par tomodensitométrie a une sensibilité de 97 à 99,3% et des spécificités de 87,1 à 99,8% et son utilisation systématique avant l’angiographie et la tomodensitométrie constitue désormais le test diagnostique de choix. Un angiogramme de tomodensitométrie avec reconstruction 3D peut éclairer le degré de lésion vasculaire, le niveau de la lésion, l’implication de l’artère et de la veine et toute compression externe due à un hématome [4,5,8]. Mais dans notre cas, le patient était complètement instable sur le plan hémodynamique. Il a subi un choc profond et même un arrêt cardiaque en arrivant à la salle d’opération. Nous n’avons pas pu établir le diagnostic en nous basant sur l’imagerie, ni sur le tableau clinique qui nous aide à prendre une décision définitive. Dans certaines situations particulières, plusieurs auteurs s’accordent à dire que les lésions traumatiques de l’artère sous-clavière peuvent être suspectées cliniquement [2,9,12]. Selon Tennyson C et al. [12], les fractures de la première côte ont longtemps été reconnues comme la marque de traumatismes graves et il existe un certain nombre de rapports historiques sur les lésions de l’artère sous-clavière directement associées aux fractures de la première côte. Katras T. et al. [5], Sturm JT et Cicero JJ et al. [10] ont présenté les critères pouvant alerter le médecin de la possibilité d’une lésion artérielle sous-clavière à la suite d’un traumatisme fermé du thorax : 1) fracture de la première côte ; 2) pouls radial diminué ou absent ; 3) hématome supraclaviculaire palpable ; 4) une radiographie thoracique montrant un hématome au niveau de l’artère sous-clavière ou un médiastin supérieur élargi ; 5) paralysie du plexus brachial. Pour notre cas, le patient avait deux signes de ces critères qui étaient la première fracture de côte et l’absence de pouls radial ipsilatéral. En fait, d’après nous, le signe d’un hémothorax massif était très significatif, ce que les critères de Sturm ne mentionnaient pas. La prise en charge des lésions de l’artère sous-clavière reste difficile en raison de leur location anatomique (un “coin” difficile) qui fait appel à un chirurgien vasculaire spécialisé. Ces dernières années, les avancées en matière d’interventions endovasculaires rencontrent de plus en plus de succès dans le traitement des lésions de l’artère sous-clavière causées par des traumatismes pénétrants, tels qu’un coup de feu, un coup de couteau ou une lésion d’un cathéter iatrogène [11]. Cependant, pour le patient hémodynamiquement instable, en particulier en cas de choc hémorragique profond, nous pensons qu’une chirurgie d’urgence est l’option unique. Le choix de l’incision est l’un des points essentiels pour sauver le patient, qui dépend du côté lésé et du lieu de la lésion artérielle. Pour certains auteurs, l’approche de standard des lésions du côté gauche est la thoracotomie antérolatérale avec incision ultérieure supra ou infraclaviculaire, tandis que les lésions artérielles du côté droit sont généralement traitées par sternotomie médiane avec extension supraclaviculaire. Et pour les autres, pour l’artère sous-clavière gauche, une sternotomie médiane a été utilisée avec succès car elle est sûre, fiable, permet une hémostase rapide et une exposition maximale du champ opératoire [3]. Jonathan Nwiloh et al. [7] ont utilisé l’incision de “la trappe” pour traiter la lésion de l’artère sous-clavière gauche, en particulier pour réparer l’artère sous-clavière gauche proximale. L’incision de “la trappe” peut commencer par une troisième ou une quatrième thoracotomie antérieure, puis par une sternotomie partielle pour relier la thoracotomie. L’incision de sternotomie supérieure est ensuite étendue à la région supraclaviculaire, puis le sternum et les côtes sont surélevés avec un rétracteur thoracique pour l’exposition des vaisseaux sous-jacents. Nous utilisons deux incisions : une sternotomie médiane et une thoracotomie antérieure gauche de style “ouvrir un livre” avec la clavicule gauche surélevée par les rétracteurs de sternum. Cette approche nous a conduit à entrer dans le thorax le plus rapidement et le plus facilement possible et à éviter le traumatisme des structures supraclaviculaires telles que les nerfs, le canal thoracique… sans claviculectomie. D’après l’auteur, dans le contexte d’urgence, la voie d’abord choisie doit être le plus rapide, le plus accessible et le chirurgien doit être familiarisé et sûr de cette incision. Pour la technique de revascularisation, l’auteur n’a pas tenté d’implantation de l’artère sous-clavière dans la carotide en raison de perte d’un long segment artériel traumatisé. En suite opératoire, le patient a présenté plusieurs signes d’ischémie du lobe occipital gauche, comme mentionné ci-dessus, bien que le flux de l’artère vertébrale ait été préservé. La raison acceptable pour expliquer cette complication était la longue période de clampage vertébral lors de la réparation de l’artère sous-clavière. Ses conséquences ont été régressives peu après l’opération, ce qui a montré que la préservation de toutes branches de l’artère sous-clavière était toujours importante. Autres complications postopératoires qu’on ne discute pas dans cet article et qui ont souvent été observées en cas de choc hémorragique profond : une acidose sévère, des troubles de la coagulation, une infection, une insuffisance rénale… La bonne rééducation de ce patient signifie que l’option diagnostique et la décision opératoire étaient tout à fait raisonnables.   4. Conclusion La lésion de l’artère sous-clavière suivant un traumatisme thoracique est rare mais souvent fatale. La clé pour le diagnostic précoce d’une telle lésion vasculaire est le haut indice de suspicion avec certains critères cliniques évocateurs. Le transport rapide, la réanimation agressive et l’exposition et la réparation chirurgicale d’urgence sont les piliers pour sauver le patient.   Références Assenza M, Centonze L, Valesini L, Campana G, et al. Traumatic subclavian arterial rupture: a case report and review of literature. World Journal of Emergency Surgery 2012;7:18. https://doi.org/10.1186/1749-7922-7-18 PMid:22710070 PMCid:PMC3447637 Chauhan MS, Gupta A, Sharma A, et al. Isolated right subclavian artery injury with fractured right first rib following blunt trauma chest, case report. International Surgery Journal 2016;3(2):1015-1017. https://doi.org/10.18203/2349-2902.isj20161191 Fares A, Shaikh N. Subclavian artery injury following blunt trauma: A report of three cases. Journal of Emergency Medicine, Trauma & Acute Care 2012 http://dx.doi.org/10.5339/jemtac. 2012:3 https://doi.org/10.5339/jemtac.2012.3 O'Connor JV, Byrne C, Scalea TM, et al. Vascular injuries after blunt chest trauma: diagnosis and management. Scandinavian Journal of Trauma, Resuscitation and Emergency Medicine 2009;17:42. https://doi.org/10.1186/1757-7241-17-42 PMid:19751511 PMCid:PMC2749011 Katras T, Baltazar U, Rush DS, et al. Subclavian arterial injury associated with blunt trauma. Vasc Surg 2001;35(1):43-50. https://doi.org/10.1177/153857440103500108 PMid:11668368 Kou1 HW, Liao CH, Huang JF, et al. Eighteen years' experience of traumatic subclavian vascular injury in a tertiary referral trauma center European Journal of Trauma and Emergency Surgery 2018 https://doi.org/10.1007/s00068-018-01070-5 https://doi.org/10.1007/s00068-018-01070-5 PMid:30627733 Nwiloh J, Etukokwu K, Orakwe O, Ikwu C, et al. 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décembre 13, 2019
Cas clinique · Vol. 23 Décembre 2019

Hémangioendothéliome épithélioïde médiastinal : à propos d’un cas et revue de la littérature

Sara Waguaf*, Najat Idelhaj, Abdellah Fatene, Souheil Boubia, Mohamed Ridai   Service de chirurgie thoracique, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc. *Correspondance : swaguaf@gmail.com   DOI : 10.24399/JCTCV23-4-WAG Citation : Waguaf S. Idelhaj N, Fatene A, Boubia S, Ridai M. Hémangioendothéliome épithélioïde médiastinal : à propos d’un cas et revue de la littérature. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(4). doi: 10.24399/JCTCV23-4-WAG   RÉSUMÉ L’hémangioendothéliome épithélioïde (EHE) est un néoplasme vasculaire intermédiaire, entre un hémangiome bénin et un angiosarcome très agressif, retrouvé dans les tissus mous et dans divers organes notamment les poumons, les os et le foie. Nous rapportons le cas d’un EHE médiastinal, pris en charge dans le service de chirurgie thoracique du CHU Ibn Rochd, de Casablanca et nous analysons la littérature sur l’EHE. Un homme de 37 ans s’est présenté avec des douleurs thoraciques. Le scanner thoracique a montré une masse médiastinale postérieure associée à un épanchement pleural gauche. L’exérèse de la masse était impossible car elle était adhérente aux structures vasculaires. L’étude immunohistochimique des biopsies de la masse a confirmé le diagnostic d’EHE médiastinal. La localisation médiastinale est très exceptionnelle, avec un diagnostic difficile requérant l’aide précieuse de l’immunohistochimie. Le traitement de choix est chirurgical.   ABSTRACT Mediastinal epithelioid haemangioendothelioma : Reports of one case and a review of the literature EHE is considered an intermediate vascular neoplasm between a benign hemangioma and a highly agressive angiosarcoma. It can occur in soft tissues and various organs including lung, bone and liver. We report the case of mediastinal EHE treated in the Ibn Rochd University Thoracic Surgery Unit in Casablanca and review literature on EHE. A 37-year-old man presented with chest pain. The chest CT scan showed a posterior mediastinal mass associated with left pleural effusion. Excision of the mass was impossible because it was adherent to the vascular structures. The immunohistochemical study of mass biopsies confirmed the diagnosis of mediastinal EHE. The mediastinal localization is very exceptional, with a difficult diagnosis requiring the precious help of immunohistochemistry. The treatment of choice is surgical.   1. Introduction L’hémangioendothéliome épithélioïde (EHE) est une tumeur endothéliale vasculaire rare décrite pour la première fois par Weiss et Enzinger en 1982. Il est généralement considéré comme un néoplasme vasculaire intermédiaire, entre un hémangiome bénin et un angiosarcome très agressif, retrouvé généralement dans les poumons, le foie, les tissus mous et les os. Il est exceptionnellement retrouvé dans le médiastin. Dans ce rapport, nous décrivons dans un premier temps un cas d’hémangioendothéliome épithélioïde médiastinal associé à un épanchement pleural chez un homme de 37 ans, et dans un deuxième temps une revue de la littérature sur les différentes localisations de l’EHE.   2. Observation Patient de 37 ans, tabagique chronique à 17 PA, sans antécédents pathologiques particuliers, qui a présenté des douleurs thoraciques depuis 3 mois évoluant dans un contexte de conservation de l’état général. L’examen pleuropulmonaire a objectivé un syndrome d’épanchement liquidien de l’hémithorax gauche. Le reste de l’examen physique a été sans particularité. Le scanner thoracique a montré une masse médiastinale postérieure, latéralisée à gauche, polylobée, bien limitée de contours réguliers, siège de calcifications et de cloisons, mesurant 80x92x96 mm, englobant l’artère pulmonaire gauche et ses branches de division, le tronc innominé gauche, l’artère sous-clavière gauche ainsi que l’aorte descendante sans conservation du liseré de séparation. Cette masse était associée à un épanchement pleural gauche [figure 1]. La bronchoscopie a objectivé une inflammation de la lobaire supérieure gauche avec un orifice de bifurcation réduit de taille. Les biopsies bronchiques ont objectivé des remaniements fibro-inflammatoires non spécifiques. Le patient a bénéficié d’un dosage des marqueurs tumoraux notamment BHCG et AFP, révélés négatifs, afin d’exclure une tumeur des cellules germinales. Une ponction biopsie pleurale a été faite objectivant une pachypleurite sans prolifération tumorale évidente.   [caption id="attachment_4642" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Scanner thoracique, fenêtre médiastinale objectivant une masse médiastinale associée à un épanchement pleural gauche.[/caption]   Le patient a été adressé au service de chirurgie thoracique pour une exérèse de la masse sous thoracoscopie. L’exploration peropératoire a montré une masse médiastinale postérieure d’aspect blanchâtre, dure, envahissant l’artère pulmonaire gauche et l’aorte rendant l’exérèse impossible. Le patient a bénéficié d’une évacuation de 400 ml de liquide sérohématique avec réalisation des biopsies pleurales et de la masse médiastinale. L’examen anatomopathologique de la plèvre a montré une inflammation chronique, non spécifique, sans signe de malignité. Selon la morphologie et les résultats immunohistochimiques, la tumeur a été diagnostiquée comme un EHE médiastinal. La période postopératoire était sans particularité. Après réunion de concertation pluridisciplinaire, aucun traitement n’a été administré et le patient était en vie avec un aspect scannographique stable de la masse médiastinale dans les 22 mois suivant le suivi.   3. Discussion L’hémangioendothéliome épithélioïde (EHE) est un néoplasme rare d’origine vasculaire [1,3], défini par la classification de 2002 de l’Organisation mondiale de la santé comme un angiosarcome localement agressif de bas grade avec un potentiel métastatique [4]. Il a été décrit pour la première fois par Dail et Liebow en 1975. En 1982, Weiss et Enzinger définissent le terme d’hémangioendothéliome épithélioïde, dénomination actuelle, pour une tumeur vasculaire des tissus mous avec une histologie mimant un carcinome mais une clinique intermédiaire entre l’hémangiome bénin et l’angiosarcome très agressif [1,2,5,6]. La localisation de l’EHE dans les tissus mous est fréquente, en particulier dans les extrémités, sans prédilection sexuelle. Il est considéré comme une masse douloureuse présente depuis plusieurs années. L’EHE a également été décrit dans le parenchyme pulmonaire, où il était précédemment appelé tumeur intravasculaire bronchiolo-alvéolaire. Il est généralement observé chez les jeunes femmes de nombreux nodules pulmonaires bilatéraux de moins de 2 cm, imitant la maladie métastatique [7]. L’EHE hépatique touche habituellement les sujets d’âge moyen avec une prédominance féminine sans facteurs de risque identifiés. Il doit être différencié du cholangiocarcinome sclérosant. L’hémangioendothéliome épithélioïde est également présent dans l’os, où il affecte généralement les hommes plus jeunes, est souvent multicentrique, et est également appelé tumeur angioglomoid. La tumeur se développe également dans les régions de la tête et du cou, en particulier dans la région sous-mandibulaire. Une différenciation de la maladie de Kimura doit être faite dans ces cas. De plus, l’EHE peut se manifester par de nombreuses manifestations thoraciques, notamment une masse médiastinale, un épaississement pleural diffus et une dissémination lymphangitique. Pour la localisation médiastinale, il n’y a pas de prédilection sexuelle avec une tranche d’âge large. La symptomatologie n’est pas spécifique, la tumeur peut se manifester par une dyspnée, toux, douleur thoracique, dysphagie voire même une paralysie des cordes vocales. La présentation clinique chez notre patient est considérée comme atypique. L’EHE médiastinal peut être confondu avec une grande variété de masses médiastinales [7]. Dans le médiastin postérieur, les tumeurs neurogènes, les kystes congénitaux et les lymphomes sont les plus fréquents. Dans le médiastin antérieur-supérieur, les thymomes, les lésions thyroïdiennes et les lymphomes sont plus susceptibles d’être présents que les tumeurs d’origine vasculaire. Dans le médiastin moyen, les kystes péricardiques et bronchogéniques doivent être pris en compte dans le diagnostic différentiel. La tomodensitométrie thoracique est très utile pour exclure provisoirement certaines causes de masses médiastinales qui ont des caractéristiques radiographiques typiques, pour déterminer l’étendue locale de la lésion et pour planifier la meilleure approche chirurgicale. Cependant, aucun signe radiologique n’est considéré comme pathognomonique pour les hémangioendothéliomes épithélioïdes. Histologiquement, l’EHE est caractérisé par des cellules épithélioïdes fuselées disposées dans des nids ou des cordes avec des vacuoles intracytoplasmiques dans un stroma myxohyalin. La formation de vacuole intracytoplasmique représente la différenciation vasculaire primitive des cellules endothéliales. L’étude immunohistochimique peut confirmer la nature endothéliale de la tumeur par une coloration positive de l’antigène lié au facteur VIII ou de la liaison à la lectine pour l’antigène Ulex europaeus. Les études au microscope électronique montrent souvent la présence de corps Weibel-Palade intracellulaires, caractéristiques des cellules endothéliales [1]. L’étiologie de l’EHE reste incertaine, bien que plusieurs anomalies chromosomiques clonales aient été identifiées [4]. Celles-ci comprennent une translocation impliquant CAMTA1 (chromosome 1) et WWTR1 (chromosome 3) décrite par Errani et al. [4] : les deux gènes ont été impliqués dans l’oncogenèse, mais l’EHE est le premier cas où ils ont été associés ensemble dans une translocation chromosomique récurrente. De plus, il a été suggéré que l’infection à Bartonella pourrait jouer un rôle dans le développement de l’EHE, en raison de son infection chronique intraendothéliale caractéristique, de la production de VEGF et de la suppression de l’apoptose des cellules endothéliales [8]. À ce jour, aucun facteur prédisposant n’a été identifié, et le pronostic de l’EHE médiastinal est inconnu en raison des cas limités. Selon Mentzel et al. et Weiss et al., la majorité des EHE ont une évolution clinique relativement meilleure que l’angiosarcome très agressif [1]. Cependant, la tumeur avec des atypies cellulaires marquées, une activité mitotique (>1 mitose par 10 HPF), une nécrose et un fuselage étendu peut avoir une évolution plus agressive. Deyrup et al. ont également utilisé la taille de la tumeur (plus de 3 cm) comme facteur de mauvais pronostic [1]. Le traitement de l’EHE varie et dépend du site et de l’étendue de l’atteinte tumorale, du ou des sites de métastases et des facteurs individuels spécifiques [1]. La chirurgie curative est le traitement de l’EHE pulmonaire. La radiothérapie adjuvante a été utilisée pour contrôler les EHE localisés dans les tissus mous et les os. La chimiothérapie a été utilisée à la fois comme adjuvant et dans le traitement d’une maladie inopérable généralisée. Près d’un tiers des EHE développent des métastases dans les ganglions lymphatiques régionaux (au moins 50% de tous les cas métastatiques) ou dans les poumons, le foie ou les os. Les patients qui développent des métastases ont un taux de survie de 50% à cinq ans [1]. Le taux de récidive est de 10% et peut survenir jusqu’à 12 ans après la chirurgie [7].   4. Conclusion L’EHE reste une maladie rare souvent mal diagnostiquée et pour laquelle l’étiologie, la prise en charge ainsi que le pronostic sont mal compris. La localisation médiastinale est exceptionnelle nécessitant si possible une exérèse chirurgicale complète.   Références Xiao-Man Li, Xu-Yong Lin, Hong-Tao Xu, Juan-Han Yu, Liang Wang, Chui-Feng Fan, Yang Liu and En-Hua Wang Li et al. Mediastinal epithelioid hemangioendothelioma with abundant spindle cells and osteoclast-like giant cells mimicking malignant fibrous histiocytoma. Diagnostic Pathology 2013;8:103. https://doi.org/10.1186/1746-1596-8-103 PMid:23800015 PMCid:PMC3711789 Yang Liu, Yue-Feng Jiang, Ye-Lin Wang, Hong-Yi Cao, Liang Wang, Qing-Chang Li, Hong - Tao Xu, Xue-Shan Qiu, En-Hua Wang. Epithelioid hemangioendothelioma of the anterior mediastinum: a case report. Int J Clin Exp Pathol 2016;9(5):5746-5752. Mansour Z, Neuville A, Falcoz PE, Santelmo N, Massard G. Hémangioendothéliome épithelioïde médiastinal : un cas d'une tumeur médiastinale rare. J Chir Thorac Cardio-Vasc 2009;13:117-119. Patrini D, Scolamiero L, Khiroya R, Lawrence D, Borg E, Hayward M, Panagiotopoulos N. Mediastinal hemangioendothelioma: Case report and review of the literature. Respiratory Medicine Case Reports 2017;22:19e23. https://doi.org/10.1016/j.rmcr.2017.05.005 PMid:28626633 PMCid:PMC5466594 Leleu O, Lenglet F, Clarot C, Kleinmann P, Jounieaux V. Hémangioendothéliome épithélioïde pulmonaire : à propos de trois cas et revue de la littérature. Revue des Maladies Respiratoires 2010;27:778-783. https://doi.org/10.1016/j.rmr.2010.06.019 PMid:20863982 Fletcher CDM, World Health Organization. International Agency for Research on Cancer. WHO classification of tumours of soft tissue and bone. World Health Organization classifi-cation of tumours. 4th edition. Lyon: IARC Press 2013. Campos J, Otero E, Dominguez MJ, Gonzalez-Quintela A. Epithelioid hemangioendothelioma in the posterior mediastinum. European Journal of Internal Medicine 2007;18:331-332. https://doi.org/10.1016/j.ejim.2006.11.010 PMid:17574111 Mascarelli PE, Iredell JR, Maggi RG, Weinberg G, Breitschwerdt EB. Bartonella species bacteremia in two patients with epithelioid hemangioendothelioma, J Clin Microbiol 2011;49(11):4006e4012. https://doi.org/10.1128/JCM.05527-11 PMid:21918021 PMCid:PMC3209129   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 31/07/2019. Acceptation : 18/11/2019.    
décembre 13, 2019
Cas clinique · Vol. 23 Septembre 2019

Cellulite nécrosante mammaire : une cause rare de pyothorax

Seydou Togo1*, Moussa Abdoulaye Ouattara1, Moussa Bazongo1, Issa Boubacar Maïga1, Cheick Ahmed Sékou Touré2, Abdoul Aziz Maïga1, Jacques Saye2, Ibrahim Coulibaly1, Allaye Ombotimbé1, Sitta Illiassou1, Souleymane Coulibaly1, Moussa Oscar Kamano1, Mamadou Salo Koita1, Soungalo Diop1, Koumba Nelly Dora Ignanga1, Sanibé Dramane Koné1, Adama Issa Koné1, Jérôme Dakouo1, Sadio Yéna1   Service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali, Bamako. Service de chirurgie B, CHU Point G, Bamako, Mali. * Correspondance : drseydoutg@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-3-TOG Citation : Togo S, Ouattara MA, Bazongo M, Maïga IB, Sékou Touré CA, Maïga AA, Saye J, Coulibaly I, Ombotimbé A, Illiassou S, Coulibaly S, Kamano MO, Salo Koita M, Diop S, Dora Ignanga KN, Dramane Koné S, Koné AI, Dakouo J, Yéna S. Cellulite nécrosante mammaire : une cause rare de pyothorax.  Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(3). doi: 10.24399/JCTCV23-3-TOG RÉSUMÉ Objectif : rapporter un cas de cellulite nécrosante mammaire droite compliquée d’un pyothorax afin de décrire les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs.   Observation : il s’agit d’une patiente de 18 ans, primigeste, primipare, allaitante depuis 6 mois, reçue en mars 2018 pour une dyspnée associée à une nécrose suintante du sein droit. Elle présentait une nécrose douloureuse et fébrile du sein droit non traitée depuis 2 mois. À l’admission, elle avait un état général classé status OMS 3, une dénutrition sévère, une nécrose du sein droit et une fistulisation du pus dans la cavité pleurale homolatérale avec un pyothorax. La tomodensitométrie thoracique a objectivé une pachypleurite droite. Une décortication pulmonaire par abord antérolatéral droit associée à une nécrosectomie mammaire droite a été réalisée. L’évolution a été marquée par la persistance de la suppuration pariétale, un empyème résiduel et un défaut de réexpansion pulmonaire. Après lavage-drainage de la cavité thoracique résiduelle et une correction nutritionnelle, une thoracomyoplastie a été réalisée. Les suites ont été favorables. La durée d’hospitalisation était de 70 jours. Conclusion : la diffusion intrapleurale d’une cellulite mammaire témoigne d’une évolution ultime. Elle est rare, grave et nécessite une chirurgie lourde et itérative.   ABSTRACT Necrotizing breast cellulitis: a rare cause of pyothorax Objective: To report a case of necrotizing right breast necrosis complicated by a pyothorax in order to describe the diagnostic, therapeutic and evolutionary aspects. Observation: This is an 18-year-old patient, primigravida, primiparous, breastfeeding for 6 months, received in March 2018 for dyspnea associated with oozing necrosis of the right breast. She had a painful and feverish necrosis of the right breast that had not been treated for two months. On admission, she had a general state classified as WHO status 3, severe malnutrition, right breast necrosis and fistulization of pus in the ipsilateral pleural cavity with a pyothorax. Thoracic CT- scan showed right pachypleuritis. Pulmonary decortication by right anterolateral approach associated with right breast necrosectomy was performed. The evolution was marked by the persistence of parietal suppuration, a residual empyema and a defect of pulmonary re-expansion. After washing-draining the residual chest cavity and a nutritional correction, a thoracomyoplasty was performed. The evolution was simple. The duration of hospitalization was 70 days. Conclusion: the intra pleural diffusion of a breast cellulitis testifies to an ultimate evolution. It is rare, serious and requires heavy and iterative surgery.   1. Introduction La cellulite nécrosante mammaire «mangeuse de chair» est une affection rare et grave [1]. Elle survient le plus souvent après un traumatisme mammaire, une chirurgie conservatrice du sein et plus rarement de manière spontanée chez les femmes allaitantes [2]. Sa diffusion dans la cavité pleurale est exceptionnelle et gravissime. Elle constitue une urgence médicochirurgicale extrême nécessitant une prise en charge précoce, adéquate et spécialisée [3]. Le traitement chirurgical est souvent agressif et peut être source de préjudices esthétiques et fonctionnels. Nous rapportons un cas de cellulite nécrosante mammaire droite compliquée d’un pyothorax droit chez une femme allaitante afin de rapporter les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs.   2. Observation Patiente de 18 ans, ménagère, primigeste et primipare, allaitante depuis 6 mois, admise pour une dyspnée associée à une nécrose suintante du sein droit. Elle présentait une tuméfaction douloureuse et fébrile du sein droit non traitée depuis 2 mois. À l’admission, l’examen notait un état général classé status OMS 3, une température à 39,8 ˚C, une fréquence cardiaque à 120 bat/mn et une fréquence respiratoire à 28 cycle/mn. La tension artérielle était de 100/60 mmHg, la SaPO2 à 92% et une dénutrition sévère avec un indice de masse corporelle à 17 kg/m2. Les 4/5 du sein droit étaient nécrosés avec une amputation du mamelon. On notait une fistulisation du pus dans la cavité pleurale homolatérale responsable d’un pyothorax [figure 1A]. La radiographie thoracique a objectivé une opacité pleurale surmontée d’une hyperclarté avasculaire en faveur d’un hydropneumothorax. La tomodensitométrie thoracique a mis en évidence un épanchement droit mixte enkysté avec une nécrose partielle du muscle grand pectoral droit [figure 1B].   [caption id="attachment_4491" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Aspect clinique et radiologique à l’admission.A. Nécrose suintante avec une amputation partielle du sein droit.B. Pyopneumothorax droit enkysté avec une nécrose partielle du muscle grand pectoral droit.[/caption]   À la biologie, on notait une hyperleucocytose à 19000/mm3 à prédominance neutrophile et un taux d’hémoglobine à 10g/dl. Le reste des examens biologiques préopératoires étaient sans particularité. En urgence, un drainage thoracique, une hydratation, une analgésie et une triple antibiothérapie par voie intraveineuse à base de ceftriaxone 2g/24h, de métronidazole 500 mg toutes les 8 heures et de la gentamicine 160 mg/ 24h ont été réalisés. Au troisième jour d’hospitalisation, sous anesthésie générale avec intubation sélective, une décortication pulmonaire par abord antérolatéral droit associée à une nécrosectomie mammaire droite a été réalisée. Une kinésithérapie respiratoire a été instaurée dès le 1er jour postopératoire. L’examen bactériologique du pus a isolé un staphylocoque à coagulase négative. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire notait une mastite aiguë suppurée sans signe de malignité. Au 3e jour postopératoire, on notait une bonne réexpansion pulmonaire à la radiographie thoracique. L’évolution après une semaine a été marquée par la persistance de la suppuration pariétale, une pleurostomie de nécessité, un empyème thoracique et un collapsus pulmonaire [figure 2].   [caption id="attachment_4492" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Complications après la décortication et la nécrosectomie mammaire droite.A. Pleurostomie de nécessité.B. Hydropneumothorax avec une atélectasie pulmonaire droite.[/caption]   Une irrigation – drainage pleurale –, une correction nutritionnelle et des pansements étaient réalisés. Après 2 mois d’hospitalisation, une thoracomyoplastie utilisant comme lambeau le muscle grand dorsal après resection des 3e, 4 e, 5 e, et 6e  côtes droites a été réalisée. Les suites ont été favorables avec une déformation thoracique inesthétique. La durée d’hospitalisation était de 70 jours. Une greffe de peau a été réalisée au 5e mois d’évolution de la plaie cutanée. Le greffon s’est nécrosé au 7e jour postopératoire. La cicatrisation complète de la plaie a été obtenue après 8 mois de pansement chronique au prix d’une cicatrice disgracieuse. Après 12 mois d’évolution, l’examen clinique et radiographique de la patiente était normal [figure 3]. La patiente avait une bonne qualité de vie avec une reprise de ses activités sans aucune restriction.   [caption id="attachment_4493" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Évolution à un an.A. Cicatrisation disgracieuse de la plaie avec une déformation thoracique.B. Bonne réexpansion pulmonaire.[/caption]   3. Discussion La cellulite nécrosante est une infection caractérisée par une nécrose du tissu celluleux sous-cutané, des fascias et des muscles. Elle atteint le plus souvent les membres, le périnée et la paroi abdominale [3,4]. L’atteinte du sein est extrêmement rare [1]. C’est une pathologie grave avec une létalité élevée [5]. L’infection de la glande mammaire fait suite le plus souvent à une chirurgie conservatrice du sein, à un traumatisme mammaire, à une diffusion septique locorégionale, et plus rarement de manière spontanée ou consécutive à l’allaitement comme cela a été le cas chez notre patiente [2,6]. L’infection de la glande mammaire chez notre patiente pourrait être liée à plusieurs mécanismes qui peuvent être intriqués, à savoir, les crevasses, les fissures du mamelon par microtraumatismes répétés et l’engorgement mammaire [7]. Plusieurs facteurs de risques ont été rapportés dans la littérature. Ce sont notamment le diabète, l’obésité, l’immunodépression, les maladies vasculaires périphériques et l’alcoolisme [3,7]. La particularité chez notre patiente est que la cellulite a été responsable d’une auto-amputation des 4/5 du sein avec une diffusion du processus infectieux dans la plèvre. Cette évolution clinique est exceptionnelle et nous n’avons pas connaissance de cas similaire décrit dans la littérature. Sur le plan diagnostique, le choc septique, la douleur, la nécrose mammaire et la dyspnée ont été les principaux signes cliniques retrouvés dans notre étude, comme chez la majorité des auteurs [3,6]. Cependant la dyspnée retrouvée chez notre patiente comme chez Birnbaum et al. [4] serait liée à la diffusion septique du pus dans la cavité thoracique droite. Chez Togo et al. [6] comme chez d’autres auteurs, elle s’intégrait dans le cadre du choc septicémique et ou de l’anémie [1]. Le staphylocoque à coagulase négative a été le seul germe isolé chez notre patiente. Cependant dans les cas rapportés par Togo et al. [6] et Kaczynski et al. [1] la culture microbiologique était polymicrobienne. Sur le plan de l’imagerie, le scanner thoracique est le meilleur examen qui permet un bilan lésionnel exhaustif, la recherche de lésions associées et de poser l’indication opératoire. Il a permis dans notre étude comme chez d’autres auteurs une évaluation théorique des limites de la nécrosectomie et des gestes thérapeutiques associés [4,6]. L’atteinte de la glande mammaire était très sévère chez notre patiente car responsable d’une auto-amputation des 4/5 du sein rendant de facto impossible toute chirurgie conservatrice. Sur le plan thérapeutique, en urgence, le drainage thoracique, l’antibiothérapie ont été les premiers réalisés. Ils ont permis la stabilisation de l’état de la patiente par un contrôle local et général de l’infection. Dans notre étude comme chez Delotte et al. [7], la mastectomie a été radicale. Cette attitude se justifie par une nécrose quasi complète de la glande mammaire. L’extension pleurale du processus infectieux avec formation d’une pachypleurite a justifié la réalisation d’une décortication pulmonaire chez notre patiente comme chez Birnbaum et al. [4]. Cette décortication pulmonaire a été un facteur surajouté de morbidité et souvent de traitement difficile. Ainsi, devant l’empyème résiduel postopératoire, une irrigation-lavage a permis le contrôle de l’infection et de tarir la cavité pleurale. Cependant devant la non-réexpansion pulmonaire, la thoracomyoplastie, bien qu’étant très agressive, a permis un comblement de la cavité thoracique avec affaissement de la paroi thoracique homolatérale. Notre attitude a été identique à celle de Lakranbi et al. [8] dans le traitement du pyothorax. L’amputation du sein et la thoracomyoplastie ont été responsables d’une déformation inesthétique, source de difficultés de réinsertion socioprofessionnelle.   4. Conclusion La cellulite mammaire nécrosante est une affection rare. Sa diffusion intrapleurale est exceptionnelle, grave et témoigne d’une évolution ultime. L’allaitement maternel mal conduit a été le facteur de risque de la cellulite. Sa prise en charge est médicochirurgicale et nécessite une chirurgie lourde parfois itérative qui génère des séquelles inesthétiques.   Références Kaczynski J, Dillon M, Hilton J. Breast necrotising fasciitis managed by partial mastectomy. BMJ Case Rep 2012;2012:bcr0220125816.https://doi.org/10.1136/bcr.02.2012.5816PMid:22669861 PMCid:PMC4543276 Lee JH, Lim YS, Kim NG, Lee KS, Kim JS. Primary necrotizing fasciitis of the breast in an untreated patient with diabetes. Arch Plast Surg 2016;43(6):613-614.https://doi.org/10.5999/aps.2016.43.6.613PMid:27896201 PMCid:PMC5122559 Konik RD, Cash AD, Huang GS. Necrotizing fasciitis of the breast managed by partial mastectomy and local tissue rearrangement. Case Rep Plast Surg Hand Surg 2017;4(1):77-80.https://doi.org/10.1080/23320885.2017.1364970PMid:28971110 PMCid:PMC5613904 Birnbaum DJ, D'Journo XB, Avaro JP, et al. Fasciite nécrosante de la paroi thoracique. J Chir Thorac Cardio-Vasc 2009;13:49-52. Derancourt C. Quelle prise en charge pour les cellulites et fasciites nécrosantes? Médecine Mal Infect 2000;30:420s-426s.https://doi.org/10.1016/S0399-077X(01)80044-5 Togo S, Yena S, Ouattara M, et al. Cellulite nécrosante descendante infectieuse d'origine dentaire à diffusion mammaire : analyse de deux cas. Rev malienne d'infectiologie microbiol 2016;(7):8-12. Delotte J, Karimdjee BS, Cua E, et al. Gas gangrene of the breast: management of a potential life-threatening infection. Arch Gynecol Obstet 2009;279(1):79-81.https://doi.org/10.1007/s00404-008-0642-3PMid:18401589 Lakranbi M, Rabiou S, Belliraj L, et al. Quelle place pour la thoracostomie-thoracomyoplastie dans la prise en charge des pyothorax chroniques ? Rev Pneumol Clin 2016;72(6):333-339.https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2016.08.004PMid:27776948   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 30/05/2019. Acceptation : 19/07/2019. 
septembre 20, 2019
Cas clinique · Vol. 23 Juin 2019

Hémothorax cataménial infecté : phrénoplastie au fascia lata autologue

Raphaël Ouede1*, Blaise Demine1, Judicaël Ahoury2, Maurice Kouacou1, Flavien Kendja1, Yves Tanauh1 1. Service de chirurgie thoracique, institut de cardiologie, Abidjan, Côte d’Ivoire. 2. Service de radiologie, institut de cardiologie, Abidjan, Côte d’Ivoire. * Correspondance : oued70raphael@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-2-OUE Citation : Ouede R, Demine B, Ahoury J, Kouacou M, Kendja F, Tanauh Y. Hémothorax cataménial infecté : phrénoplastie au fascia lata autologue. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(2). doi: 10.24399/JCTCV23-2-OUE RÉSUMÉ La cure chirurgicale de l’hémothorax cataménial consiste entre autres à recouvrir les fenestrations diaphragmatiques lorsqu’elles sont présentes par un patch synthétique sauf en cas d’infection. L’infection de l’hémothorax cataménial est inhabituelle, nous rapportons un cas avec des fenestrations diaphragmatiques chez une patiente de 37 ans. La cure chirurgicale réalisée après le traitement de l’infection a consisté en une phrénoplastie au fascia lata autologue associée à un talcage pleural et une hormonothérapie suppressive de 6 mois. L’hémothorax n’a plus récidivé à la reprise des menstrues, le recul est de sept ans.   ABSTRACT The surgical treatment of catamenial hemothorax consists, among other things, of covering the diaphragmatic fenestrations when they are present by a synthetic patch, except in the case of infection. However, infection of the catamenial hemothorax is unusual. We report a case of diaphragmatic fenestrations in a patient of 37 years. Surgical treatment, performed after treatment of the infection, consisted of an autologous fascia lata phrenoplasty associated with pleural talcage and a suppressive hormone therapy of 6 months. The hemothorax has not recurred at the resumption of menstruation, the follow-up is 7 years.   1. Introduction L’hémothorax cataménial est un hémothorax spontané récidivant pendant les menstrues. Il est, après le pneumothorax cataménial, la deuxième plus fréquente des quatre entités cliniques de l’endométriose thoracique [1]. L’endométriose thoracique se caractérise par le développement du tissu endométrial normal dans le thorax précisément au niveau de la plèvre, du parenchyme pulmonaire et de l’arbre trachéobronchique. Le tissu endométrial ectopique responsable de l’hémothorax et du pneumothorax cataméniaux est très souvent localisé au niveau du diaphragme entraînant sa fenestration [1-3]. Le traitement est chirurgical en cas d’échec du traitement médical, et pour la cure chirurgicale de ces épanchements cataméniaux, certains auteurs recommandent le recouvrement de ces fenestrations diaphragmatiques, lorsqu’elles sont présentes, par un patch synthétique en polypropylène [2,4-6]. Une telle prothèse (synthétique) est contre-indiquée en cas d’infection où seules les biogreffes sont autorisées. L’infection d’un hémothorax cataménial est exceptionnelle. Nous rapportons notre premier cas où la phrénoplastie de recouvrement a été faite avec le fascia lata autologue.   2. Observation Une patiente de 37 ans ayant des antécédents gynécologiques d’infertilité primaire et de dysménorrhée depuis la puberté était suivie dans notre service depuis trois ans pour un hémothorax cataménial droit. Elle provenait de la pneumologie après échec du traitement médical hormonal (l’hémothorax récidive à l’arrêt de l’hormonothérapie). L’indication d’une cure chirurgicale avait été posée mais non réalisée pour des raisons financières. Des ponctions pleurales évacuatrices itératives d’attente étaient faites environ tous les trois mois. Cet hémothorax s’accompagnait d’une ascite de même nature qui s’évacuait également avec les ponctions pleurales. Pendant la crise postélectorale dans notre pays, la patiente s’est retrouvée dans un camp de réfugiés de fortune pendant six mois où des ponctions pleurales évacuatrices ont également été réalisées. À son retour, elle a consulté aux urgences dans un tableau de récidive de l’hémothorax avec une dyspnée d’effort et un syndrome infectieux clinique et biologique. Le liquide pleural était toujours hématique mais louche dans lequel nous avons isolé un Staphylococcus aureus. Nous avons conclu à une infection de l’hémothorax cataménial. Un drain pleural a été posé en urgence et a ramené 2300 cc de liquide, une antibiothérapie dirigée a été instituée. L’évolution a été marquée par une disparition progressive du syndrome infectieux, un retard de réexpansion pulmonaire, le liquide de drainage est devenu séreux et inférieur à 100 cc/j au bout de 5 jours, puis redevenu hématique et abondant (supérieur à 200 cc/j) à partir de J13 quand des nouvelles menstrues sont survenues. Les contrôles de la bactériologie du liquide pleural à J7 et J14 sont revenus négatifs. À la faveur de la gratuité temporaire des soins décrétée par le nouveau gouvernement à la fin de la crise postélectorale, nous avons décidé de réaliser la cure chirurgicale de cet hémothorax cataménial. La thoracotomie exploratrice réalisée à J19 du drainage (juste après les menstrues) a retrouvé une cavité inflammatoire avec de la fibrine et une plaque d’endométriose diaphragmatique sous forme de fenestrations diaphragmatiques au niveau du centre tendineux [figure 1] qui a fait l’objet d’une biopsie.   [caption id="attachment_4380" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Image peropératoire montrant la plaque d’endométriose sous forme de fenestrations diaphragmatiques.[/caption]   La cure chirurgicale a consisté en un prélèvement du fascia lata droit [figure 2] avec lequel nous avons réalisé la phrénoplastie de recouvrement des fenestrations à l’aide de fils tressés non résorbables no1 [figure 3]. Ce geste chirurgical a été complété par une symphyse pleurale par talcage en peropératoire et une hormonothérapie complémentaire débutée à J3 postopératoire avec la tryptoréline (Décapeptyl) 3 mg, à raison d’une injection par mois pendant six mois.   [caption id="attachment_4381" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Image du prélèvement du fascia lata.[/caption]   [caption id="attachment_4382" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Image de la phrénoplastie de recouvrement des fenestrations diaphragmatiques avec le fascia lata.[/caption]   Les suites opératoires immédiates ont été simples, la patiente est sortie à J8 postopératoire, l’examen anatomopathologique des prélèvements n’a pas été contributif. À la reprise des menstrues, après l’arrêt de l’hormonothérapie, l’hémothorax n’a pas récidivé. Après un recul de sept ans, la radiographie de face du thorax [figure 4] et l’échographie thoracique n’objectivent pas de récidive de l’hémothorax. Par contre, l’ascite a récidivé trois mois après la reprise des menstrues. La patiente a été adressée pour un suivi en gynécologie où l’endométriose pelvienne a été confirmée, l’indication d’une hystérectomie totale a été posée mais non acceptée par la patiente. Une hormonothérapie à base d’une association de lévonorgestrel et d’éthinylestradiol a été instituée pour maîtriser l’ascite, mais ce traitement est irrégulièrement suivi à cause du désir de grossesse de la patiente.   [caption id="attachment_4383" align="aligncenter" width="286"] Figure 4. Radiographie de contrôle de face du thorax sept ans après la phrénoplastie droite au fascia lata. On note une réduction résiduelle du champ pulmonaire droit sans épanchement pleural liquidien.[/caption]   3. Discussion Dans l’endométriose thoracique, le tissu endométrial ectopique, qui garde les mêmes propriétés que l’endomètre intra-utérin, va subir les mêmes modifications cycliques mensuelles en réponse aux stimuli hormonaux, d’où l’intérêt d’une hormonothérapie suppressive dans son protocole thérapeutique. Selon Alifano, le saignement dans l’hémothorax cataménial proviendrait directement des implants endométriosiques thoraciques ou de l’érosion du tissu hôte créée par la destruction menstruelle de ces implants [1]. Chez notre patiente, l’hémothorax et l’ascite s’évacuaient par la seule ponction pleurale, des fenestrations diaphragmatiques ont été découvertes en peropératoire, l’ascite a récidivé seule après la fermeture de ces fenestrations et l’endométriose pelvienne a été confirmée. Nous pensons que l’hémothorax proviendrait aussi d’une ascite hémorragique produite par les implants endométriosiques pelviens et/ou abdominaux et sous l’effet du gradient de pression thoracoabdominal, le liquide hémorragique gagnerait secondairement la cavité pleurale via les fenestrations diaphragmatiques congénitales ou acquises. L’infection de cet hémothorax comme toute infection pleurale peut être d’origine pulmonaire, extrapulmonaire ou surtout iatrogène [7], comme probablement chez notre patiente où des ponctions pleurales itératives avaient été réalisées. L’infection iatrogène peut être évitée par une asepsie rigoureuse lors des ponctions et drainages pleuraux. Cette surinfection doit être traitée avant la chirurgie de l’hémothorax cataménial. La cure chirurgicale de l’hémothorax de notre patiente pouvait être différée de plusieurs mois grâce à une hormonothérapie suppressive d’attente qui, par blocage des menstrues, préviendrait provisoirement la récidive de l’hémothorax [8]. Ceci permettrait de s’assurer de l’éradication effective de l’infection et de l’amendement de l’inflammation mais nous risquions de sortir de la période de gratuité temporaire des soins dont bénéficiait cette patiente démunie. Le caractère inflammatoire postinfectieux de la cavité pleurale ne permettait pas de pratiquer ni une résection-suture des fenestrations diaphragmatiques, ni leur recouvrement prothétique décrits dans la littérature [1,2,4-6]. Nous avons craint respectivement le risque de lâchage des points de suture sous tension du diaphragme inflammatoire qui avait perdu sa souplesse et le risque infectieux. De plus, depuis une décennie, nous avons abandonné les résections et reconstructions diaphragmatiques par suture directe à cause du risque élevé de récidive, nous lui préférons la phrénoplastie de recouvrement [5,9]. Nous avons utilisé le fascia lata autologue en raison d’une part de sa disponibilité immédiate et gratuite en quantité suffisante par rapport aux hétérogreffes, et d’autre part de sa solidité et surtout de sa résistance aux infections déjà prouvées dans les reconstructions de la paroi thoracique [10].   4. Conclusion L’hémothorax cataménial infecté est un cas inhabituel qui pose deux problèmes thérapeutiques : celui de l’infection pleurale qu’il faut préalablement traitée en urgence et celui de l’hémothorax cataménial postinfection. Lorsque l’hémothorax cataménial infecté est associé à des fenestrations diaphragmatiques, les patchs synthétiques étant contre-indiqués, la phrénoplastie de recouvrement au fascia lata autologue peut être une solution après la maîtrise de l’infection.   Références Alifano M, Trisolini R, Cancellieri A, Regnard JF. Thoracic endometriosis: current knowledge. Ann Thorac Surg 2006;81:761-9.https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2005.07.044PMid:16427904 Nunes H, Bagan P, Kambouchner M, Martinod E. Endométriose thoracique. Rev Mal Respir 2007;24:1329-40.https://doi.org/10.1016/S0761-8425(07)78510-8 Johnson MM. Catamenial pneumothorax and other thoracic manifestation of endometriosis. 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Management of thoracic endometriosis: single institution experience. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2014;178:56-9.https://doi.org/10.1016/j.ejogrb.2014.03.026PMid:24809986 Ouede R, Demine B, Kouacou M. et al. L'endométriose thoracique : une expérience à propos de 27 cas opérés. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(2). http://doi: 10.24399/JCTCV22-2-OUE Gaetano R et Michele S. Chest wall reconstruction. ESTS textbook of thoracic surgery 2015;2:139-49.   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 13/11/2018. Acceptation : 18/02/2019.  
juin 7, 2019
Cas clinique · Vol. 23 Mars 2019

Kyste hydatique costal : à propos d’un cas et revue de la littérature

Rachid Marouf*, Ihssan Alloubi   Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Mohammed VI, Oujda, Maroc. * Correspondance : rachidmarouf@yahoo.fr   DOI : 10.24399/JCTCV23-1-MAR Citation : Marouf R, Alloubi I. Kyste hydatique costal : à propos d’un cas et revue de la littérature. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(1). doi: 10.24399/JCTCV23-1-MAR   Résumé L’hydatidose est une affection endémique au Maroc. Les localisations hépatiques et pulmonaires sont les plus fréquentes. L’atteinte osseuse est rare et se situe entre 1 et 4%. Le siège costal reste exceptionnel (0,18 à 1,21%). Nous rapportons un cas en soulignant les aspects étiopathogéniques, épidémiologiques, diagnostiques de l’hydatidose costale, tout en insistant sur l’approche thérapeutique adéquate de cette localisation à la lumière d’une revue de la littérature.   Abstract Cystic Hydatidosis of the Rib: A Case Report and Review of the Literature Hydatid disease is endemic in Morocco. Hepatic and pulmonary localizations are the most frequent. The involvement of the bones is a relatively rare condition and is seen in only 1–4% of cases. The ribs localization is exceptional (0.18 to 1.21%). We report a case by highlighting the etiopathogenic, epidemiological and diagnostic features of Cystic Hydatidosis of the Rib, while insisting on the adequate therapeutic approach of this localization in the light of a review of the literature.   1. Introduction Malgré l’état endémique de la maladie hydatique dans les pays du Maghreb, l’hydatidose osseuse reste une affection rare (1 à 4%). La localisation costale reste exceptionnelle, représentant 0,18 à 1,21% de l’ensemble des localisations hydatiques [1,2]. Le diagnostic est souvent tardif par manque de spécificité et latence clinique qui caractérisent cette affection. Son évolution est insidieuse et son pronostic dépend de la qualité de la prise en charge médicochirurgicale et du suivi post-thérapeutique [2].   2. Cas clinique Patient âgé de 27 ans, d’origine rurale, agriculteur de profession, contact avec les chiens, opéré à l’âge de 10 ans pour un kyste hydatique pulmonaire sain, de siège lobaire moyen, par thoracotomie droite ; ayant eu un traitement conservateur par ponction, évacuation du kyste après protection du champ opératoire par une solution scolicide (sérum salé hypertonique), puis aveuglement de 3 fistules bronchiques et capitonnage de la cavité résiduelle, avec une bonne évolution clinicoradiologique. À l’âge de 20 ans, et lors d’un bilan de contrôle pour une douleur sourde de l’hypochondre droit, l’échographie de ce patient a mis en évidence la présence d’un kyste hydatique hépatique type II, qui a été pris en charge par une résection du dôme saillant par une incision sous-costale. Six ans plus tard, le patient se présente pour une tuméfaction pariétale basithoracique droite, d’évolution insidieuse pendant 6 mois, douloureuse à la palpation, rénitente [figure 1].   [caption id="attachment_4269" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Tuméfaction pariétale basithoracique droite.[/caption]   La radiographie thoracique face montre un aspect d’ascension de la coupole diaphragmatique droite, une soufflure et une érosion de l’arc latéral de la 8e cote [figure 2]. Le scanner thoracoabdominal objective un aspect de kyste hydatique pariétal thoracique de siège latérobasal droit, envahissant les parties molles et l’arc latéral de la 8e côte, sans atteinte hépatique [figure 3].   [caption id="attachment_4270" align="aligncenter" width="288"] Figure 2. Radiographie thoracique face montrant un aspect d’ascension de la coupole diaphragmatique droite, une soufflure et une érosion de l’arc latéral de la 8e cote.[/caption]   [caption id="attachment_4274" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Scanner thoracoabdominal montrant un aspect de kyste hydatique pariétal thoracique de siège latérobasal droit, de 5 cm de gros diamètre, envahissant les parties molles et l’arc latéral de la 8e côte, sans atteinte hépatique.[/caption]   Un traitement chirurgical radical a été réalisé : exérèse totale du kyste hydatique pariétal avec résection de l’arc latéral de la 8e côte et des muscles intercostaux voisins et lavage à l’eau oxygénée, le foie semblait être normal à l’exploration [figures 4, 5, 6]. Les suites postopératoires ont été simples. Un traitement médical antiparasitaire (albendazole à raison de 800 mg/J) pour une durée de 6 mois a été instauré. L’évolution était favorable avec un recul de 12 mois.   [caption id="attachment_4272" align="aligncenter" width="300"] Figures 4, 5. Exérèse totale du kyste hydatique pariétal emportant en monobloc l’arc latéral de la 8e côte et des muscles intercostaux voisins.[/caption]   [caption id="attachment_4273" align="aligncenter" width="245"] Figure 6. Pièce de résection chirurgicale.[/caption]   3. Discussion La maladie hydatique est l’une des plus importantes zoonoses présentes au Maroc. C’est une maladie parasitaire due au développement de la forme larvaire d’un ténia du chien (Echinococcus granulosus). C’est une affection cosmopolite qui frappe essentiellement les populations rurales des régions d’élevage des ovins : bassin méditerranéen, Australie et Amérique du Sud. Les localisations hépatiques et pulmonaires sont prédominantes. L’échinococcose osseuse reste rare et représente 1 à 4% des cas. Le siège costal est entre 0,18 et 1,21% [1-3]. La contamination osseuse est primitive, rarement secondaire, se faisant par voie hématogène, l’embryon hexacanthe passe du tube digestif dans le système porte et traverse successivement les filtres hépatique et pulmonaire avant de pouvoir se fixer dans le squelette, réalisant l’échinococcose osseuse primitive. Ceci explique la rareté des localisations osseuses par rapport à celles du foie et des poumons [1]. L’atteinte secondaire survient à la suite d’une rupture spontanée ou peropératoire d’un kyste hydatique pulmonaire ou médiastinal [1]. La membrane parasitaire repose directement sur le tissu osseux. Le développement d’Echinococcus granulosus se fait par bourgeonnement multidiverticulaire, à partir de la vésicule initiale, sans aucun enkystement, réalisant une infiltration microvésiculaire de l’os. Face à cette agression, l’os ne réagit pas. Il n’y a pas d’ostéocondensation ni de réaction périostée [4,5]. En raison de la lenteur de l’évolution de la maladie, la symptomatologie clinique est insidieuse et non spécifique, et le diagnostic est souvent tardif. Les symptômes sont variables. Les kystes hydatiques costaux peuvent se manifester par des douleurs thoraciques chroniques parfois légères et intermittentes, une tuméfaction pariétale de la région concernée, une fistule cutanée, des fractures costales pathologiques, ou même par des manifestations neurologiques type névralgie intercostale ou compression médullaire, surtout pour la localisation costovertébrale. La rupture du kyste peut entraîner une dissémination parasitaire dans les organes voisins et un choc anaphylactique [5]. Le bilan biologique est caractérisé par la présence d’une hyperéosinophilie. Les tests immunologiques : l’immunoglobuline E totale et spécifique (IgE), le dosage immunoenzymatique (ELISA), le Western Blot, l’immunoprécipitation, le test d’hémagglutination indirecte (IHT) sont positifs au stade d’invasion ou lorsque le kyste hydatique est remanié ou fissuré.  Ils permettent aussi le suivi post-thérapeutique. Un résultat négatif n’exclut pas le diagnostic [6]. La radiographie du thorax peut être aspécifique ou montrer une opacité arrondie ou polylobée, des lésions costales à type de soufflure, d’érosions ou de fractures. L’échographie thoracique est spécifique pour les collections liquidiennes avec décollement de membrane ou image kystique à tonalité hydrique cloisonnée, et elle permet aussi de rechercher d’autres localisations viscérales [7]. La tomodensitométrie est l’examen de choix car elle permet une analyse fine des lésions osseuses, d’étudier l’extension vertébrale, intracanalaire et aux parties molles des vésicules hydatiques [7,8]. Toutefois, l’imagerie par résonance magnétique prend sa place pour les kystes hydatiques costovertébraux, elle permet de mieux apprécier l’extension de la maladie hydatique aux structures avoisinantes, notamment les tissus mous et le rachis+++ [9]. Le diagnostic différentiel de la localisation costale des kystes hydatiques sur l’imagerie comprend les tumeurs osseuses malignes, en particulier les plasmocytomes, les métastases et les tumeurs bénignes, telles que les kystes anévrysmaux, les neurofibromes ou les tumeurs à cellules géantes. Malgré des techniques de laboratoire et d’imagerie avancées, dans certaines situations, un diagnostic précis ne peut pas être établi avant une intervention chirurgicale [1]. Le traitement de choix des formes osseuses est chirurgical et nécessite une résection d’emblée radicale complète quasi carcinologique de(s) côte(s) atteinte(s) et des muscles intercostaux voisins, tout en passant par des marges saines. En cas de résection costale étendue, l’utilisation d’un matériau prothétique pour combler le défect osseux est nécessaire [1,5,6]. Afin d’éviter la dissémination parasitaire en cas de rupture peropératoire du kyste, des agents scolicides, tels que le chlorure de sodium hypertonique ou l’eau oxygénée, doivent être appliqués sur le site opératoire [1]. Le traitement médical à base d’albendazol à la dose de 10–15 mg/kg/j pour une durée de 6-9 mois est utilisé en adjuvant à la chirurgie pour prévenir le risque élevé de récidive, en particulier dans les cas d’invasion osseuse, mais aussi pour les formes d’hydatidoses disséminées ou inopérables [1,2]. L’évolution du kyste hydatique à localisation costale est variable et dépend du geste chirurgical initial. Le risque de récidive augmente surtout en cas de résection incomplète [5]. Les complications liées à la chirurgie concernent principalement les fractures pathologiques, la surinfection, la fistulisation, l’atteinte vertébrale ou la compression médullaire [3,6]. Le traitement préventif demeure essentiel pour éviter les récidives et repose sur l’abattage des chiens errants, le dépistage des chiens parasités et l’éducation sanitaire des personnes exposées [9].   5. Conclusion L’hydatidose à localisation costale est une affection rare, caractérisée par une latence clinique. L’imagerie est essentielle au diagnostic et trouve sa place pour le bilan d’extension à l’os, au rachis et à la moelle épinière. Le traitement est chirurgical et doit être d’emblée radical pour éviter les récidives et les complications notamment neurologiques. Le meilleur traitement du kyste hydatique reste la prévention.   Références Roman A, Georgiu C, Nicolau D, Sabha W, Surariu M, Precup D. Cystic Hydatidosis of the Rib–Case Report and Review of the Literature. Ann Thorac Cardiovasc Surg 2015;21(5):492-495. https://doi.org/10.5761/atcs.cr.14-00337 Ben Mustapha M, Benhamadi F, Bouziani A. Kyste hydatique thoracique extrapulmonaire. Med tropicale 1992;53(4):120-5. Chafik A, Benjelloun A, El Khadir A, El Barni R, Achour A, Ait Bennasser MA. Hydatid Cyst of the Rib: A New Case and Review of the Literature. Case Reports in Medicine 2009;ID 817205, 2 p. Ben Romdhane N, Fenniche S, Bousnina S, Raboudi C. Kyste hydatique costal (à propos de 2 cas). La Tunisie médicale 2000;78:11,677-681. Karoglanoglu N, Gorguner M, Eroglu A. Hydatid diseaese of the rib. Ann Thorac Surg 2001;71:372-3. https://doi.org/10.1016/S0003-4975(00)02010-5 Stamastis G, Grescuchna D. Echinococcus cysticus costalis: report of 2 cases and review of the litterature. Pneumologie:1989;43:213-6. Ben Miled-M'rad K, Bouricha A, Hantous S, Zidi A, Mestiri I, El Hammami S, et al. Apport de l'imagerie au diagnostic du kyste hydatique de la paroi thoracique. J Radiol 2003;84:143-6. Maalej S, Belhabib D, Hantous S, et al. Hydatidose costo-vertébrale : intérêt de l'IRM. Rev Mal Respir 2003;20:614-7. Abi F, El Fares F, Khaiz D, Bouzidi A. Les localisations inhabituelles du kyste hydatique. J Chir 1989;126n5:307-312.   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.  Date de soumission : 07/09/2018. Acceptation : 19/11/2018    
mars 19, 2019
Cas clinique · Vol. 22 Décembre 2018

Utilisation d’une endoprothèse pour résoudre une plaie trachéale majeure suivant une œsophagectomie

George Rakovich Service de chirurgie thoracique, hôpital Maisonneuve-Rosemont, université de Montréal, Montréal, Canada. * Correspondance : george.rakovich@umontreal.ca   DOI : 10.24399/JCTCV22-4-RAK Citation : Rakovich G. Utilisation d’une endoprothèse pour résoudre une plaie trachéale majeure suivant une œsophagectomie. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(4). doi: 10.24399/JCTCV22-4-RAK   Résumé Les plaies trachéales représentent des situations graves qui sont difficiles à traiter, particulièrement dans le contexte d’une œsophagectomie, où la proximité des sutures gastro-œsophagiennes entraîne un risque de fistule aérodigestive fatale. Le cas rapporté décrit les étapes de la prise en charge d’une plaie de la membraneuse trachéale suivant une œsophagectomie en utilisant une endoprothèse trachéale temporaire, alors que l’imagerie a éventuellement documenté une guérison circonférentielle complète de la trachée.   Abstract Airway stenting to resolve major tracheal injury following esophagectomy Major tracheal tears are life-threatening injuries that may be challenging to treat, particularly in the context of an esophagectomy, where the proximity of gastroesophageal sutures represents a risk for developing a fatal aerodigestive fistula. This paper presents the successful treatment of an iatrogenic tear of the mid-zone of the membranous trachea using a self-expandable silicone-covered nitinol stent. Complete circumferential healing was observed on cross-sectional imaging within 8 weeks of stent insertion, allowing its subsequent removal and representing a favorable outcome.   Introduction Une plaie trachéale chez un patient critique suivant une œsophagectomie peut représenter un défi immense. Une prise en charge chirurgicale agressive et la considération judicieuse de techniques endoscopiques appropriées permettront de maximiser les chances d’une issue positive.   Observation Un patient de 70 ans avec un adénocarcinome de stade T3N0 du cardia et de multiples comorbidités médicales a subi une œsophagectomie minimalement invasive avec reconstruction cervicale. La procédure s’est déroulée sans incident. Au 7e jour postopératoire, le patient a développé une fibrillation auriculaire et a dû être réintubé pour un syndrome de détresse respiratoire de l’adulte (SDRA). La procédure d’intubation s’est déroulée de façon urgente dans la nuit et a été décrite par l’équipe de garde comme techniquement difficile, nécessitant l’utilisation d’un mandrin métallique et plusieurs tentatives d’insertion du tube endotrachéal. Le CT scan effectué dans les heures qui ont suivi a démontré une déchirure de la paroi membraneuse de la trachée, confirmée par bronchoscopie. La déchirure était située à 62 mm des cordes vocales et 45 mm de la carène. On dénotait également au CT scan des stigmates de fuite anastomotique, sans qu’il n’y ait de communication avec les voies respiratoires. Le patient a été ramené au bloc opératoire et l’anastomose défaite. La trachée a été réparée avec des points interrompus au fil de polypropylène et recouverte d’un lambeau de muscle intercostal. Le ballonnet du tube endotrachéal a été positionné tout juste distalement à la réparation, mais il y avait peu de jeu à cause de la proximité de la carène. Le conduit gastrique a été repositionné en antérieur afin d’éviter le risque de fistulisation ; la mobilisation du conduit gastrique avait été complète, incluant une manœuvre de Kocher, procurant suffisamment de longueur pour compléter une nouvelle anastomose œsophagogastrique au niveau cervical, à distance de la plaie trachéale. Douze jours après la réparation trachéale, une bronchoscopie flexible a montré une désintégration de la réparation qui avait été accotée par le ballonnet malgré les précautions. En salle d’opération, une endoprothèse auto-expansible de nitinol recouverte de silicone (UltraflexTM, Boston Scientific, Marlborough, MA, États-Unis) a été déployée par-dessus la déchirure en utilisant un bronchoscope flexible. Le patient a été réintubé au-dessus de l’endoprothèse. La fuite d’air initiale était modérée et s’est résolue en 10 jours ; le patient a été extubé au 14e jour, suivant la résolution du SDRA, et n’a requis aucune autre intervention respiratoire. Des CT scan sériés ont montré une contraction progressive de la déchirure et une guérison circonférentielle de la paroi trachéale à 8 semaines [figure 1]. L’endoprothèse a été retirée sans difficulté 13 mois après son insertion, en utilisant une bronchoscopie flexible sous anesthésie générale (le délai avait été occasionné par des problématiques continues de santé). Une bronchoscopie à 6 semaines a montré une guérison complète de la trachée et le patient a fini par complètement récupérer [figure 2].   [caption id="attachment_4173" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Évolution d’une plaie de la partie membraneuse de la trachée chez un patient ayant subi une œsophagectomie minimalement invasive.La plaie est représentée au moment du diagnostic, immédiatement après l’insertion d’une endoprothèse, et 8 semaines après l’insertion de l’endoprothèse, permettant de documenter une guérison circonférentielle.[/caption]   [caption id="attachment_4174" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Endoprothèse trachéale en place juste avant le retrait (A) ; bronchoscopie cinq mois après le retrait montrant une guérison complète de la membraneuse (B).[/caption]   Discussion La portion membraneuse de la trachée est mince et vulnérable au traumatisme direct durant la dissection chirurgicale ou au traumatisme thermique différé occasionné par les sources d’énergie utilisées en intraopératoire. Elle peut aussi être lésée par une intubation endotrachéale traumatique [1,2]. Il est probable qu’une combinaison de facteurs ait été à l’origine de la plaie subie par notre patient : un traumatisme chirurgical non reconnu est toujours possible et aurait pu fragiliser la membraneuse, alors que le contexte et les difficultés techniques entourant la procédure d’intubation suggèrent que cette dernière aurait certainement pu occasionner un traumatisme supplémentaire, la résultante de ces différentes blessures étant une perforation transmurale. Les déchirures trachéales peuvent compromettre la fonction ventilatoire et se compliquer de médiastinite et d’une contamination continue des voies respiratoires dont l’aboutissement est l’insuffisance respiratoire et le décès [1-4]. Dans le contexte d’une œsophagectomie, la proximité du conduit gastrique et des lignes d’agrafes gastro-œsophagiennes complique le problème à cause d’un risque élevé de fistule aérodigestive fatale. En général, un traitement conservateur comportant l’observation et les antibiotiques peut être une option dans les cas de ruptures limitées et contenues qui provoquent peu ou pas d’emphysème sous-cutané et qui ne compromettent pas la ventilation, à la condition que la trachée ne soit pas exposée à des pressions élevées et qu’il n’y ait pas de plaie concomitante de l’œsophage [1-4]. Le traitement chirurgical consiste typiquement en une réparation primaire sans tension recouverte d’un lambeau musculaire [1,2,4]. L’utilisation d’endoprothèses dans le traitement des plaies trachéales est rapportée de façon anecdotique [1,4]. Dans ces cas, les endoprothèses ont été insérées temporairement et retirées en dedans de quelques semaines, une fois la guérison documentée à l’imagerie. Les endoprothèses de silicone sont faciles à retirer même après de longues périodes, permettant d’accorder à la trachée le temps nécessaire à la guérison, et leur risque de complication est faible [1]. Cependant, leur utilisation exige une bronchoscopie rigide et elles sont difficiles à manipuler, ce qui limite leur utilisation chez le patient critique post-œsophagectomie ; elles se conforment plutôt mal aux contours des voies respiratoires, peuvent migrer, et leur calibre interne restreint les rend susceptibles aux bouchons de mucus [5]. En contrepartie, les endoprothèses métalliques couvertes sont faciles à déployer, moins susceptibles de migrer, se conforment librement à une lumière angulée ou irrégulière, et sont bien tolérées [3,5]. Le métal exposé aux extrémités de la prothèse peut cependant induire de l’inflammation, engendrer une érosion ou stimuler une hypergranulation qui peut occasionner une sténose et rendre difficile l’extraction [3]. En conséquence, l’utilisation des endoprothèses métalliques dans les lésions bénignes des voies aériennes demeure controversée. Cependant, il existe des signalements de succès dans l’utilisation de ces endoprothèses pour traiter des perforations trachéales et plusieurs témoignages de l’évolution du profil de sécurité des conceptions récentes [1,3,4].   Conclusion Dans ce cas-ci, la transposition du conduit gastrique pour éloigner l’anastomose des voies aériennes est le geste qui nous aura finalement procuré de la flexibilité dans la prise en charge de la plaie trachéale et nous aura permis de considérer l’endoprothèse comme option thérapeutique. Un bris contigu des voies aériennes et digestives aurait mené à une fistule aérodigestive catastrophique et une situation ingérable. Les plaies trachéales survenant dans le contexte d’œsophagectomie représentent une situation très spécifique et un défi immense qui devrait être abordé agressivement par une combinaison d’approches chirurgicales et endoscopiques afin de maximiser les chances d’une issue positive.   Références Marchese R, Mercadante S, Paglino G, Agozzino C, Villari P, Di Giacomo G. Tracheal stent to repair tracheal laceration after a double-lumen intubation. Ann Thorac Surg 2012;94(3):1001-3. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2011.12.080 PMid:22916757 Schneider T, Storz K, Dienemann H, Hoffmann H. Management of iatrogenic tracheobronchial injuries: a retrospective analysis of 29 cases. Ann Thorac Surg 2007;83(6):1960-4. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2007.01.042 PMid:17532378 Madden BP, Sheth A, Ho TB, McAnulty G. Novel approach to management of a posterior tracheal tear complicating percutaneous tracheostomy. Br J Anaesth 2004;92(3):437-9. https://doi.org/10.1093/bja/aeh061 PMid:14742343 Di Gaetano M, Mazza F, Ferrari E, Maineri P, Barabino G, Ratto GB. Selective bilateral main stem bronchial intubation for the management of severe respiratory distress syndrome due to iatrogenic carinal perforation. Can J Anaesth 2014;61(2):211-2. https://doi.org/10.1007/s12630-013-0083-8 PMid:24318727 Chin CS, Litle V, Yun J, Weiser T, Swanson SJ. Airway stents. The Annals of Thoracic Surgery 2008;85(2):S792-S796. https://doi.org/10.1016/j.athoracsur.2007.11.051 PMid:18222219   Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 25/09/2018. Acceptation : 15/10/2018.    
décembre 3, 2018