Cas clinique · Vol. 21 Juin 2017

Les tumeurs neuroblastiques du médiastin de l’adulte : à propos de 2 cas

Ibrahim Issoufou1*, Layla Belliraj1, Sani Rabiou1, Fatmazahra Ammor1, Hicham Harmouchi1, Marouane Lakranbi1, Rachid Sani2,3, Yassine Ouadnouni1˒4, Mohamed Smahi1 Service de chirurgie thoracique, CHU Hassan II, Fès, Maroc. Service de chirurgie générale, HNN, Niamey, Niger. Faculté des sciences de la santé, université Abdou Moumouni, Niamey, Niger. Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, faculté de médecine et de pharmacie, Fès, Maroc. ⃰ Correspondance : alzoumib84@gmail.com DOI : 10.24399/JCTCV21-2-ISS Citation : Issoufou I, Belliraj L, Rabiou S, Ammor F, Harmouchi H, Lakranbi M, Sani R, Ouadnouni Y, Smahi M. Les tumeurs neuroblastiques du médiastin de l’adulte : à propos de 2 cas. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2017;21(2). doi: 10.24399/JCTCV21-2-ISS Résumé Les tumeurs des ganglions du système nerveux autonome sont des tumeurs essentiellement de l’enfant. Il s’agit du ganglioneurome, du ganglioneuroblastome et du neuroblastome. Ce dernier constitue la forme la plus maligne et sa prise en charge n’est pas encore codifiée. Chez l’adulte, ils restent exceptionnels. À travers deux observations de ganglioneurome et de neuroblastome, nous décrirons les variétés cliniques et paracliniques de ces tumeurs ainsi que les possibilités thérapeutiques et le pronostic de ces entités rares de l’adulte.   Abstract Neuroblastic tumors of the mediastinum in adults: a review of two cases Tumors of the ganglia of the autonomic nervous system are usually found in adolescents, and include ganglioneuroma, ganglioneuroblastoma and neuroblastoma. The latter is the most malignant and its management has not been codified. Neuroblastomas are relatively uncommon in adults. By observing single cases of ganglioneuroma and neuroblastoma, we describe the clinical and paraclinic types of these tumors, and therapeutic possibilities and prognosis. 1. Introduction Les tumeurs des ganglions du système nerveux autonome sont des tumeurs essentiellement de l’enfant [1]. Le Pediatric Oncology Group (POG) en distingue 3 types constituant un continuum anatomopathologique. Il s’agit du ganglioneurome, du ganglioneuroblastome et du neuroblastome [2]. Leur pronostic varie en fonction de la composition de la tumeur en cellules matures et de leurs degrés de différenciation. Le neuroblastome constitue la forme la plus maligne et sa prise en charge n’est pas encore codifiée. Chez l’adulte, ils restent exceptionnels. À travers deux observations de ganglioneurome et de neuroblastome, nous décrirons les variétés cliniques et paracliniques de ces tumeurs ainsi que les possibilités thérapeutiques et le pronostic de ces entités rares de l’adulte.   2. Observation 1 Patient de 41 ans sans antécédent notable consultant pour une symptomatologie évoluant depuis 6 mois associant dyspnée stade Sadoul I et douleurs thoraciques. Le patient est en bon état général. Une opacité paratrachéale cervicothoracique ronde et bien limitée est visualisée sur la radiographie thoracique [figure 1]. Il n’y avait pas de lyse costale, ni d’épanchement pleural homolatéral, ni d’ascension de la coupole diaphragmatique droite.   [caption id="attachment_3696" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Opacité paratrachéale droite arrondie avec signe cervicothoracique positif.[/caption]   [caption id="attachment_3697" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Masse extraparenchymateuse de la gouttière costovertébrale mesurant 8,5 x 5 x 3,5 cm.[/caption] Une masse extrapleurale de densité liquidienne sans rehaussement après injection de produit de contraste située dans la gouttière costovertébrale de T2 à T4 (8,5 x 5 x 3,5 cm) est visualisée sur la tomodensitométrie [figure 2]. Une IRM [figure 3] réalisée a montré une lésion tissulaire sans extension au canal rachidien.   [caption id="attachment_3698" align="aligncenter" width="300"] Figure 3. Lésion tissulaire sans extension au canal rachidien.[/caption]   Le diagnostic d’une tumeur nerveuse du médiastin postérieur a été retenu. Une thoracotomie postérolatérale droite à travers le 5e espace intercostal et conservatrice du muscle grand dorsal a été réalisée. L’exploration a trouvé une tumeur médiastinale postérieure aux dépens de la chaîne sympathique thoracique. Une exérèse tumorale complète a été réalisée. Les résultats anatomopathologiques sont en faveur d’un ganglioneurome. Il s’agissait d’une prolifération tumorale bien limitée par endroit par une capsule fibreuse. Elle était faite de cellules fusiformes disposées en faisceaux courts entrecroisés, leurs noyaux étaient fusiformes d’aspect sinueux et formaient parfois des aspects palissadiques. Il s’y associait des cellules ganglionnaires de grande taille au cytoplasme abondant éosinophile, au noyau central régulier avec nucléole proéminent d’aspect caractéristique. Les suites opératoires étaient simples, le patient était sorti à J+4. Le suivi pendant 20 mois n’avait pas objectivé de récidive ni de métastase.   3. Observation 2 Un patient de 28 ans, sans antécédents pathologiques notables, consultait pour des douleurs thoraciques droites isolées évoluant depuis 2 semaines. La radiographie thoracique [figure 4] montrait une volumineuse opacité occupant la presque totalité de l’hémichamp thoracique droit de contours nets, sans épanchement pleural ni lyse costal en regard. La TDM thoracique [figure 5] a mis en évidence une volumineuse tumeur de la gouttière costovertébrale droite calcifiée, refoulant le poumon et les structures médiastinales sans les envahir, et une composante à développement extrathoracique. Il n’y avait pas d’adénopathies médiastinales.   [caption id="attachment_3699" align="aligncenter" width="276"] Figure 4. Opacité occupant la presque totalité de l’hémichamp thoracique droit.[/caption]   [caption id="attachment_3700" align="aligncenter" width="300"] Figure 5. Volumineuse masse de la gouttière costovertébrale droite calcifiée refoulant le poumon et les structures médiastinales sans les envahir, associée à une composante exothoracique.[/caption]   Un bilan d’extension comprenant une TDM cérébrale, abdominale et pelvienne était réalisé mais n’a pas objectivé de localisation secondaire. La décision d’une exérèse chirurgicale a été retenue. Une thoracotomie postérolatérale droite passant par la 5e côte réséquée a été réalisée. L’exploration trouvait une volumineuse tumeur de la gouttière costovertébrale refoulant le poumon en avant sans l’envahir, à point de départ intercostal, associée à une seconde tumeur à développement endo et extrathoracique au travers du 7e espace intercostal. Une exérèse complète de la volumineuse tumeur a été réalisée mais persistait un doute sur un prolongement endocanalaire à travers le trou de conjugaison de T7 repéré aux clips radio-opaques. Une deuxième exérèse complète de l’extension exothoracique a été réalisée emportant l’arc postérieur de la 7e cote et l’espace intercostal correspondant. L’exploration trouvait en outre des nerfs intercostaux hypertrophiés. Les résultats anatomopathologiques sont en faveur d’un neuroblastome. Il s’agissait d’une prolifération tumorale bien limitée par une capsule fibreuse. Les cellules tumorales sont arrondies, à cytoplasme peu abondant et à noyau arrondi, hyperchromatique et un nucléole peu visible. Dans certains foyers on notait la présence de cellules ganglionnaires. Il s’y associe une composante schwanienne ne dépassant pas 30 % de l’ensemble de la surface tumorale. Des remaniements hémorragiques, nécrotiques et calciques sont également notés. À l’immunohistochimie, les cellules tumorales exprimaient les anticorps neuroendocrines, à savoir l’anticorps anti-CD56, antisynaptophysine et antichromogranine. Le tissu osseux était indemne de toute prolifération tumorale. Une scintigraphie osseuse au technétium 99 et une IRM médullaire ont été réalisées en postopératoire. L’IRM montrait un prolongement endocanalaire, tandis que la scintigraphie osseuse a montré une hyperfixation intense intéressant le corps vertébral de D8 évoquant une métastase. Une biopsie osseuse sur D8 a ainsi été réalisée. Les résultats anatomopathologiques sont en faveur d’une localisation secondaire du neuroblastome. Une nouvelle TDM cérébrale, thoracique abdominale et pelvienne a été réalisée, montrant une récidive locale du neuroblastome associée à des localisations pleurales bilatérales et pulmonaire, ainsi qu’une nouvelle lésion hépatique d’allure secondaire sans adénopathies médiastinales. Le dossier discuté en RCP d’oncologie thoracique, la décision d’une chimiothérapie adjuvante a été retenue. Mais l’état général du patient s’est rapidement dégradé puis son décès est survenu avant le début du traitement adjuvant.   4. Discussion Le ganglioneurome, le ganglioneuroblastome et le neuroblastome sont des tumeurs naissant dans le système nerveux sympathique et provenant des cellules de la crête neurale [3]. Ils se développent le long de l’axe des ganglions sympathiques s’étendant du cou à la région pelvienne. Selon le POG, le ganglioneurome est défini par la présence de gangliocyte et d’un stroma mature, faisant de lui une tumeur bénigne [1]. Il peut naître de novo ou provenir d’une différenciation d’un neuroblastome ou d’un ganglioneuroblastome induite par une radio ou une chimiothérapie [4]. Il se localise dans le médiastin postérieur dans 40 % des cas [5]. Le ganglioneuroblastome lui est constitué de gangliocytes et de neuroblastes immatures, d’où sa malignité intermédiaire. Le neuroblastome quant à lui est très indifférencié et constitué uniquement de neuroblastes immatures [1]. C’est en 1863 que Virchow en fit la première description. Il s’agit d’une tumeur de haut grade de malignité. Les sites de prédilection par ordre décroissant sont les glandes surrénales dans 35 % des cas, le reste du rétropéritoine dans 30 à 35 % et le médiastin postérieur dans 20 % [3]. Sa fréquence diminue avec l’âge. Plus de 90 % des patients sont âgés de moins de 6 ans d’où sa rareté chez l’adulte [6]. La particularité de la localisation chez l’adulte est le risque plus élevé de métastase cérébrale et pulmonaire, une moindre extension médullaire et un pronostic particulièrement sombre [7]. Ce qui ne fut pas le cas chez notre patient qui a présenté une extension endocanalaire. Les tumeurs neuroblastiques bénignes peuvent rester asymptomatiques de révélation tardive ou de découverte fortuite, tandis que les formes malignes du fait de leur agressivité sont symptomatiques. Plus des 2/3 des patients sont métastatiques au moment du diagnostic [3]. Les signes cliniques sont liés à la compression locorégionale ou à l’extension métastatique. Chez notre patient la douleur thoracique était le seul signe révélateur. Une toux sèche, une dyspnée ou un syndrome de Claude Bernard-Horner peuvent également être retrouvés. Des syndromes paranéoplasiques ont été décrits tel le syndrome opsomyoclonique (ataxie, myoclonies lors des mouvements volontaires et secousses oculaires) ou une diarrhée aqueuse liée à la sécrétion tumorale de la VIP (Vaso-Active Intestinal Peptide) [3]. Dans les formes malignes comme bénignes, le bilan paraclinique comporte des examens biologiques et d’imagerie. Ces bilans biologiques comporteront d’abord une numération formule sanguine à la recherche d’une anémie ou d’une thrombopénie. Ces derniers seraient le témoin d’un envahissement médullaire. Puis le dosage urinaire des métabolites des catécholamines. Il s’agit de l’acide vanylmandélique (VMA) et homovanillique (HVA) dans les urines de 24 heures. Certains auteurs rapportent une valeur pronostique du rapport VMA/HVA. Un ratio supérieur à 1 serait témoin d’un pronostic favorable [3]. L’imagerie permet de localiser la tumeur et d’étudier ses rapports avec les structures adjacentes et de faire le bilan d’extension. La radiographie thoracique face/profil constitue le premier examen demandé et permet de préciser une opacité médiastinale postérieure avec parfois des signes de malignité tel une lyse costale ou un épanchement pleural associé. La TDM thoracique injectée permet de mieux caractériser cette opacité en précisant ses mensurations, la présence de calcifications, ces rapports avec les organes de voisinage et les vaisseaux ; elle recherche également la présence d’adénopathies. Bien que le scanner permette de suspecter une extension médullaire rachidienne, l’IRM reste l’examen de choix. Il apparaît un hyposignal relatif en T1 et un hypersignal en T2 de la moelle osseuse avec le classique aspect en sablier [8]. Cette IRM permet également d’éliminer les autres diagnostics différentiels des masses médiastinales postérieures, notamment une méningocèle ou un diverticule œsophagien, d’autant plus que la lésion est du côté droit. Chez nos patients, ce couple TDM-IRM thoracique a permis d’établir un bilan exhaustif de la tumeur, de même que le bilan d’extension. Ce dernier comportera aussi, dans les formes malignes, une scintigraphie au MIBG (méta-iodo-benzylguanidine). Elle permet de réaliser une véritable cartographie de la tumeur, toute fixation osseuse étant anormale [8]. Elle se base sur la concentration du MIBG dans les granules sécrétoires. Ainsi lorsque la tumeur est sécrétante (ce qui est le cas de près de 95 % des neuroblastomes mais moindre pour les ganglioneuromes), sa spécificité diagnostique rapproche les 100 % tandis qu’elle est de 90 % pour la détection des métastases [8]. Mais lorsque la tumeur ne fixe pas le MIBG, une scintigraphie osseuse au technétium 99 est réalisée pour la recherche de métastase osseuse. Cette dernière a permis chez notre patient de préciser une localisation osseuse secondaire sur D8. Cette scintigraphie doit être systématique et précéder toute chirurgie de résection. Les résultats du PET scan seraient comparables à ceux de la scintigraphie au MIBG ou légèrement supérieurs dans la détection des lésions primitives et des localisations secondaires [9]. Dans notre pratique, le bilan d’extension comportait une TDM cérébrale, abdominale et pelvienne, une IRM médullaire et une scintigraphie osseuse au technétium 99. Ce bilan doit être la pierre angulaire de la démarche diagnostique afin de déterminer la meilleure approche thérapeutique. La chirurgie reste la seule pratique curative de ces tumeurs nerveuses médiastinales. L’indication chirurgicale est retenue d’emblée devant la résécabilité de la tumeur et l’absence de métastase. Ce qui était le cas de nos deux patients malgré un volume tumoral important dans le cas du neuroblastome. Ainsi, à l’issue des résultats de la chirurgie et en fonction de la clinique et du bilan d’extension, le neuroblastome sera classé en fonction de l’International Neuroblastoma Staging System (INSS) [3]. Chez notre patient, la suspicion d’une extension endocanalaire a permis de classer la tumeur au stade IIA en postopératoire immédiat puis en stade IV après la mise en évidence de métastase à distance. L’association radiochimiothérapie semble améliorer le pronostic de ces patients, qui, malgré tout, reste péjoratif avec une survie à 3 ans de 15 % [3].   5. Conclusion Les tumeurs des ganglions sympathiques du médiastin sont des tumeurs rares de l’adulte. Leur prise en charge est essentiellement basée sur l’exérèse chirurgicale complète dans les formes localisées et constitue le seul garant d’un bon pronostic. Les formes malignes très agressives nécessitent un bilan d’extension exhaustif avant toute décision thérapeutique. La présence de métastases à distance au moment du diagnostic dans la majorité des cas de ces tumeurs sont responsables d’un pronostic très péjoratif.   Références Mordant P, Le Pimpec-Barthes F, Riquet M. Tumeurs nerveuses du médiastin de l'adulte. Rev Pneumol clin 2010;66:81-94. https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2009.12.010 PMid:20207300 Joshi VV, Canfor AB, Attshuter G et al. Recommendations for modification of terminology of neuroblastic tumors and prognostic significance of Shimada classification. Cancer 1992;69:2183-2196. https://doi.org/10.1002/1097-0142(19920415)69:8<2183::AID-CNCR2820690828>3.0.CO;2-C Lonergan GJ, Schwab CM, Suarez ES et al. Neuroblastoma, ganglioneuroblastoma, and ganglioneuroma: radiologic-pathologic correlation. Radiographics 2002;22:911-34. https://doi.org/10.1148/radiographics.22.4.g02jl15911 PMid:12110723 Lin PC, Lin SH, Chou SH et al. Ganglioneuroma of posterior mediastinum in a 6-year-old girl: imaging for pediatric intrathoracic incidentaloma. Kaohsiung J Med Sci 2010;26:496-501. https://doi.org/10.1016/S1607-551X(10)70078-4 Hayat J, Ahmed R, Alizai S, et al. Giant ganglioneuroma of the posterior mediastinum. Interact Cardiovasc Thorac Surg 2011;13:344-345. https://doi.org/10.1510/icvts.2011.267393 PMid:21693453 Plantaz D, Pasquier D, Dyon JF et al. Neuroblastomes : aspects cliniques, biologiques et thérapeutiques actuels. Médecine nucléaire–Imagerie fonctionnelle et métabolique 2001;25:207-212. Franks LM, Bollen A, Seeger RC et al. Neuroblastoma in adults and adolescents an indolent course with poor survival. Cancer 1997;79:2028-35. https://doi.org/10.1002/(SICI)1097-0142(19970515)79:10<2028::AID-CNCR26>3.0.CO;2-V Aloui-Kasbi N, Felah S, Bellagha I et al. Le neuroblastome : apport de l'imagerie. Journal de pédiatrie et de puériculture 2004;17:28-33. https://doi.org/10.1016/j.jpp.2003.11.002 Kushner BH, Yeung HWD, Larson SM et al. Extending positron emission tomography scan utility to high-risk neuroblastoma: fluorine-18 fluorodeoxyglucose positron emission tomography as sole imaging modality in follow-up of patients. J Clin Oncol 2009 Mar 1; 27(7): 1041–1046. https://doi.org/10.1200/JCO.2008.17.6107 PMid:19171710 PMCid:PMC2667809 Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 20/12/2016. Acceptation : 28/02/2017.   
juin 2, 2017
Cas clinique · Vol. 20 Décembre 2016

Hydatidose multivésiculaire : une localisation rare au niveau pulmonaire

Ibrahim Issoufou, Sani Rabiou,Layla Belliraj, Ammor Fatmazahra, Hicham Harmouchi, Marouane Lakranbi, Yassine Ouadnouni,Mohamed Smahi   Service de chirurgie thoracique, CHU Hassan II, Fès, Maroc. Correspondance : alzoumib84@gmail.com     Résumé La multivésiculation du kyste hydatique est rarement rencontrée au niveau pulmonaire. Une patiente âgée de 15 ans, opérée dix ans auparavant d’un kyste hydatique hépatique, est présentée à notre service pour prise en charge d’un kyste hydatique multiloculaire du poumon droit. Notre travail consiste à présenter à travers cette observation et une revue de la littérature, les particularités physiopathologiques et la prise en charge de l’hydatidose pulmonaire multivésiculaire.   Abstract Multilocular hydatid cysts are rarely encountered in the lung. A 15-year-old female with past medical history of hepatic hydatid cyst operated on 10 years earlier was presented to our institution with multilocular hydatid cyst of the right lung. Our goal is to present through this case presentation and literature review the pathogenesis and management of multilocular lung hydatid disease.   1. INTRODUCTION  L’échinococcose ou maladie hydatique est une anthropozoonose provoquée par le développement chez l’homme de la forme larvaire d’un cestode de l’espèce Echinococcus granulosus. La multivésiculation du kyste est rarement rencontrée au niveau pulmonaire. Notre travail consiste à présenter à travers une observation et une revue de la littérature les particularités physiopathologiques et la prise en charge de l’hydatidose pulmonaire multivésiculaire.   2. OBSERVATION  Mlle L. S, âgée de 15 ans, opérée d’un kyste hydatique hépatique dix ans plus tôt est présentée à notre service pour des épisodes de toux productive. L’examen clinique a retrouvé une cicatrice de laparotomie sous costale droite. La radiographie thoracique a objectivé une ascension de la coupole diaphragmatique droite [figure 1]. La TDM thoracoabdominale [figure 2] a mis en évidence une image kystique multivésiculaire du segment postérobasal du poumon droit, une image excavée du culmen et plusieurs kystes hydatiques hépatiques dont un était multivésiculaire. Une échographie abdominale confirmait la présence de kystes hydatiques au niveau du dôme hépatique, du segment VII et du segment IV qui lui était multivésiculaire. Une thoracotomie postérolatérale droite conservatrice passant par le 7e espace intercostal était réalisée. L’exploration retrouvait un kyste hydatique plein au niveau du segment postérobasal droit comprimant le diaphragme [figure 3]. Une énucléation selon la technique d’Ugon permettait l’ablation de ce kyste [figure 4]. Les suites opératoires ont été simples, la patiente est sortie à J+4 du postopératoire. Elle a été adressée en service de chirurgie viscérale pour la prise en charge des kystes hydatiques hépatiques.   [caption id="attachment_2941" align="aligncenter" width="300"] Figure 1. Radiographie thoracique montrant une ascension de la coupole diaphragmatique droite.[/caption] [caption id="attachment_2942" align="aligncenter" width="300"] Figure 2. Doubles kystes hydatiques multivésiculaires dont l’un au niveau du segment postérobasal du poumon droit et l’autre au niveau du foie droit.[/caption] [caption id="attachment_2943" align="aligncenter" width="257"] Figure 3. Kyste hydatique du segment postérobasal du lobe inférieur droit.[/caption] [caption id="attachment_2944" align="aligncenter" width="300"] Figure 4. Kyste hydatique contenant des vésicules proligères.[/caption]   3. DISCUSSION La particularité de cette observation réside dans la multivésiculation du kyste hydatique pulmonaire. En effet, si cette dernière est rencontrée dans la majorité des kystes hydatiques médiastinaux primitifs décrit par Zidi et al. [1], elle reste très rare au niveau pulmonaire. Elle est presque toujours synonyme d’une localisation extrapulmonaire [2]. Au cours de son expansion, le kyste hydatique s’épanouit dans le sens de moindre résistance. Il garde une structure univésiculaire comme dans la majorité des kystes hydatiques pulmonaires en raison de la souplesse du parenchyme pulmonaire [3]. La multivésiculation survient lorsque le kyste rencontre un obstacle lors de sa croissance. Dans notre observation, le kyste étant de localisation basale, la multivésiculation est due à la contrainte exercée par le diaphragme faisant obstacle à la croissance du kyste. Cette contrainte expose à la rupture spontanée du kyste et à la contamination de la cavité pleurale, le risque majeure étant la survenue d’une hydatidose pleurale secondaire [4]. Ce risque est accru lorsque le kyste est multivésiculaire. En effet ces vésicules sont de véritables capsules proligères et constituent ainsi des nids de scolex [5]. Le traitement chirurgical est la règle. Il doit permettre l’exérèse du kyste en évitant toute contamination du champ opératoire. Plusieurs techniques ont été décrites [6]. L’énucléation selon la technique d’Ugon nous semble mieux indiqué lorsque le kyste est multivésiculaire. Elle consiste à réaliser, après protection du champ opératoire, une incision entre le périkyste et la membrane hydatique sans ouvrir le kyste. Cette incision sera faite prudemment au bistouri froid pour éviter de léser le kyste. On réalise ensuite une expulsion ou accouchement du kyste. Cette manœuvre est facilitée par une réexpansion pulmonaire réalisée par l’anesthésiste, par insufflations manuelles itératives [6]. Le kyste sera alors réséqué en monobloc évitant ainsi toute dissémination pleurale.   4. CONCLUSION Le kyste hydatique pulmonaire multivésiculaire est une entité rare. Des facteurs mécaniques sont la cause de cette multivésiculation. La résection chirurgicale sera réalisée en monobloc pour éviter une contamination pleurale.   RÉFÉRENCES Zidi A, Zannad-Hantous S, Mestiri I et al. Kyste hydatique primitif du médiastin : 14 cas. J Radiol 2006;87:1869-74. Zidane A, Arsalane A, Atoini F, Kabiri EH. Les kystes hydatiques thoraciques extra-pulmonaires. Rev Pneumol Clin 2006;62:386-389. El Khattabi W, Aichane A, Riah A, Jabri H, Afif H, Bouayad Z. Analyse de la sémiologie radioclinique du kyste hydatique pulmonaire. Rev Pneumol Clin 2012;68:329-337. Bouchikh M, Achir A, Maidi M, Ouchen F, Fenane H, Benosman A. La rupture intrapleurale des kystes hydatiques pulmonaires. Rev Pneumol clin 2014;70:203-207. Riquet M et Souilamas R. Kyste hydatique pulmonaire. Indications thérapeutiques. Encycl Méd Chir (Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Pneumologie 6-003-M-10, 2000, 6 p. Avaro J.-P., Djourno X.-B., Kabiri El.-H., Bonnet P.-M., Charpentier R., Doddoli C., Thomas P. Traitement chirurgical des kystes hydatiques du poumon. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales-Thorax 42-432, 2007. Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. Date de soumission : 07/07/2016. Acceptation : 07/11/2016.   
décembre 8, 2016