Seydou Togo1*, Moussa Abdoulaye Ouattara1, Moussa Bazongo1, Issa Boubacar Maïga1, Cheick Ahmed Sékou Touré2, Abdoul Aziz Maïga1, Jacques Saye2, Ibrahim Coulibaly1, Allaye Ombotimbé1, Sitta Illiassou1, Souleymane Coulibaly1, Moussa Oscar Kamano1, Mamadou Salo Koita1, Soungalo Diop1, Koumba Nelly Dora Ignanga1, Sanibé Dramane Koné1, Adama Issa Koné1, Jérôme Dakouo1, Sadio Yéna1
- Service de chirurgie thoracique de l’hôpital du Mali, Bamako.
- Service de chirurgie B, CHU Point G, Bamako, Mali.
* Correspondance : drseydoutg@yahoo.fr
DOI : 10.24399/JCTCV23-3-TOG
Citation : Togo S, Ouattara MA, Bazongo M, Maïga IB, Sékou Touré CA, Maïga AA, Saye J, Coulibaly I, Ombotimbé A, Illiassou S, Coulibaly S, Kamano MO, Salo Koita M, Diop S, Dora Ignanga KN, Dramane Koné S, Koné AI, Dakouo J, Yéna S. Cellulite nécrosante mammaire : une cause rare de pyothorax. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(3). doi: 10.24399/JCTCV23-3-TOG
RÉSUMÉ
Objectif : rapporter un cas de cellulite nécrosante mammaire droite compliquée d’un pyothorax afin de décrire les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs.
Observation : il s’agit d’une patiente de 18 ans, primigeste, primipare, allaitante depuis 6 mois, reçue en mars 2018 pour une dyspnée associée à une nécrose suintante du sein droit. Elle présentait une nécrose douloureuse et fébrile du sein droit non traitée depuis 2 mois. À l’admission, elle avait un état général classé status OMS 3, une dénutrition sévère, une nécrose du sein droit et une fistulisation du pus dans la cavité pleurale homolatérale avec un pyothorax. La tomodensitométrie thoracique a objectivé une pachypleurite droite. Une décortication pulmonaire par abord antérolatéral droit associée à une nécrosectomie mammaire droite a été réalisée. L’évolution a été marquée par la persistance de la suppuration pariétale, un empyème résiduel et un défaut de réexpansion pulmonaire. Après lavage-drainage de la cavité thoracique résiduelle et une correction nutritionnelle, une thoracomyoplastie a été réalisée. Les suites ont été favorables. La durée d’hospitalisation était de 70 jours.
Conclusion : la diffusion intrapleurale d’une cellulite mammaire témoigne d’une évolution ultime. Elle est rare, grave et nécessite une chirurgie lourde et itérative.
ABSTRACT
Necrotizing breast cellulitis: a rare cause of pyothorax
Objective: To report a case of necrotizing right breast necrosis complicated by a pyothorax in order to describe the diagnostic, therapeutic and evolutionary aspects.
Observation: This is an 18-year-old patient, primigravida, primiparous, breastfeeding for 6 months, received in March 2018 for dyspnea associated with oozing necrosis of the right breast. She had a painful and feverish necrosis of the right breast that had not been treated for two months. On admission, she had a general state classified as WHO status 3, severe malnutrition, right breast necrosis and fistulization of pus in the ipsilateral pleural cavity with a pyothorax. Thoracic CT- scan showed right pachypleuritis. Pulmonary decortication by right anterolateral approach associated with right breast necrosectomy was performed. The evolution was marked by the persistence of parietal suppuration, a residual empyema and a defect of pulmonary re-expansion. After washing-draining the residual chest cavity and a nutritional correction, a thoracomyoplasty was performed. The evolution was simple. The duration of hospitalization was 70 days.
Conclusion: the intra pleural diffusion of a breast cellulitis testifies to an ultimate evolution. It is rare, serious and requires heavy and iterative surgery.
1. Introduction
La cellulite nécrosante mammaire «mangeuse de chair» est une affection rare et grave [1]. Elle survient le plus souvent après un traumatisme mammaire, une chirurgie conservatrice du sein et plus rarement de manière spontanée chez les femmes allaitantes [2]. Sa diffusion dans la cavité pleurale est exceptionnelle et gravissime. Elle constitue une urgence médicochirurgicale extrême nécessitant une prise en charge précoce, adéquate et spécialisée [3]. Le traitement chirurgical est souvent agressif et peut être source de préjudices esthétiques et fonctionnels. Nous rapportons un cas de cellulite nécrosante mammaire droite compliquée d’un pyothorax droit chez une femme allaitante afin de rapporter les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs.
2. Observation
Patiente de 18 ans, ménagère, primigeste et primipare, allaitante depuis 6 mois, admise pour une dyspnée associée à une nécrose suintante du sein droit. Elle présentait une tuméfaction douloureuse et fébrile du sein droit non traitée depuis 2 mois. À l’admission, l’examen notait un état général classé status OMS 3, une température à 39,8 ˚C, une fréquence cardiaque à 120 bat/mn et une fréquence respiratoire à 28 cycle/mn. La tension artérielle était de 100/60 mmHg, la SaPO2 à 92% et une dénutrition sévère avec un indice de masse corporelle à 17 kg/m2. Les 4/5 du sein droit étaient nécrosés avec une amputation du mamelon. On notait une fistulisation du pus dans la cavité pleurale homolatérale responsable d’un pyothorax [figure 1A]. La radiographie thoracique a objectivé une opacité pleurale surmontée d’une hyperclarté avasculaire en faveur d’un hydropneumothorax. La tomodensitométrie thoracique a mis en évidence un épanchement droit mixte enkysté avec une nécrose partielle du muscle grand pectoral droit [figure 1B].

A. Nécrose suintante avec une amputation partielle du sein droit.
B. Pyopneumothorax droit enkysté avec une nécrose partielle du muscle grand pectoral droit.
À la biologie, on notait une hyperleucocytose à 19000/mm3 à prédominance neutrophile et un taux d’hémoglobine à 10g/dl. Le reste des examens biologiques préopératoires étaient sans particularité. En urgence, un drainage thoracique, une hydratation, une analgésie et une triple antibiothérapie par voie intraveineuse à base de ceftriaxone 2g/24h, de métronidazole 500 mg toutes les 8 heures et de la gentamicine 160 mg/ 24h ont été réalisés. Au troisième jour d’hospitalisation, sous anesthésie générale avec intubation sélective, une décortication pulmonaire par abord antérolatéral droit associée à une nécrosectomie mammaire droite a été réalisée. Une kinésithérapie respiratoire a été instaurée dès le 1er jour postopératoire. L’examen bactériologique du pus a isolé un staphylocoque à coagulase négative. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire notait une mastite aiguë suppurée sans signe de malignité. Au 3e jour postopératoire, on notait une bonne réexpansion pulmonaire à la radiographie thoracique. L’évolution après une semaine a été marquée par la persistance de la suppuration pariétale, une pleurostomie de nécessité, un empyème thoracique et un collapsus pulmonaire [figure 2].

A. Pleurostomie de nécessité.
B. Hydropneumothorax avec une atélectasie pulmonaire droite.
Une irrigation – drainage pleurale –, une correction nutritionnelle et des pansements étaient réalisés. Après 2 mois d’hospitalisation, une thoracomyoplastie utilisant comme lambeau le muscle grand dorsal après resection des 3e, 4 e, 5 e, et 6e côtes droites a été réalisée.
Les suites ont été favorables avec une déformation thoracique inesthétique. La durée d’hospitalisation était de 70 jours. Une greffe de peau a été réalisée au 5e mois d’évolution de la plaie cutanée. Le greffon s’est nécrosé au 7e jour postopératoire. La cicatrisation complète de la plaie a été obtenue après 8 mois de pansement chronique au prix d’une cicatrice disgracieuse. Après 12 mois d’évolution, l’examen clinique et radiographique de la patiente était normal [figure 3]. La patiente avait une bonne qualité de vie avec une reprise de ses activités sans aucune restriction.

A. Cicatrisation disgracieuse de la plaie avec une déformation thoracique.
B. Bonne réexpansion pulmonaire.
3. Discussion
La cellulite nécrosante est une infection caractérisée par une nécrose du tissu celluleux sous-cutané, des fascias et des muscles. Elle atteint le plus souvent les membres, le périnée et la paroi abdominale [3,4]. L’atteinte du sein est extrêmement rare [1]. C’est une pathologie grave avec une létalité élevée [5]. L’infection de la glande mammaire fait suite le plus souvent à une chirurgie conservatrice du sein, à un traumatisme mammaire, à une diffusion septique locorégionale, et plus rarement de manière spontanée ou consécutive à l’allaitement comme cela a été le cas chez notre patiente [2,6]. L’infection de la glande mammaire chez notre patiente pourrait être liée à plusieurs mécanismes qui peuvent être intriqués, à savoir, les crevasses, les fissures du mamelon par microtraumatismes répétés et l’engorgement mammaire [7]. Plusieurs facteurs de risques ont été rapportés dans la littérature. Ce sont notamment le diabète, l’obésité, l’immunodépression, les maladies vasculaires périphériques et l’alcoolisme [3,7]. La particularité chez notre patiente est que la cellulite a été responsable d’une auto-amputation des 4/5 du sein avec une diffusion du processus infectieux dans la plèvre. Cette évolution clinique est exceptionnelle et nous n’avons pas connaissance de cas similaire décrit dans la littérature. Sur le plan diagnostique, le choc septique, la douleur, la nécrose mammaire et la dyspnée ont été les principaux signes cliniques retrouvés dans notre étude, comme chez la majorité des auteurs [3,6]. Cependant la dyspnée retrouvée chez notre patiente comme chez Birnbaum et al. [4] serait liée à la diffusion septique du pus dans la cavité thoracique droite. Chez Togo et al. [6] comme chez d’autres auteurs, elle s’intégrait dans le cadre du choc septicémique et ou de l’anémie [1]. Le staphylocoque à coagulase négative a été le seul germe isolé chez notre patiente. Cependant dans les cas rapportés par Togo et al. [6] et Kaczynski et al. [1] la culture microbiologique était polymicrobienne. Sur le plan de l’imagerie, le scanner thoracique est le meilleur examen qui permet un bilan lésionnel exhaustif, la recherche de lésions associées et de poser l’indication opératoire. Il a permis dans notre étude comme chez d’autres auteurs une évaluation théorique des limites de la nécrosectomie et des gestes thérapeutiques associés [4,6].
L’atteinte de la glande mammaire était très sévère chez notre patiente car responsable d’une auto-amputation des 4/5 du sein rendant de facto impossible toute chirurgie conservatrice. Sur le plan thérapeutique, en urgence, le drainage thoracique, l’antibiothérapie ont été les premiers réalisés. Ils ont permis la stabilisation de l’état de la patiente par un contrôle local et général de l’infection. Dans notre étude comme chez Delotte et al. [7], la mastectomie a été radicale. Cette attitude se justifie par une nécrose quasi complète de la glande mammaire. L’extension pleurale du processus infectieux avec formation d’une pachypleurite a justifié la réalisation d’une décortication pulmonaire chez notre patiente comme chez Birnbaum et al. [4]. Cette décortication pulmonaire a été un facteur surajouté de morbidité et souvent de traitement difficile. Ainsi, devant l’empyème résiduel postopératoire, une irrigation-lavage a permis le contrôle de l’infection et de tarir la cavité pleurale. Cependant devant la non-réexpansion pulmonaire, la thoracomyoplastie, bien qu’étant très agressive, a permis un comblement de la cavité thoracique avec affaissement de la paroi thoracique homolatérale. Notre attitude a été identique à celle de Lakranbi et al. [8] dans le traitement du pyothorax. L’amputation du sein et la thoracomyoplastie ont été responsables d’une déformation inesthétique, source de difficultés de réinsertion socioprofessionnelle.
4. Conclusion
La cellulite mammaire nécrosante est une affection rare. Sa diffusion intrapleurale est exceptionnelle, grave et témoigne d’une évolution ultime. L’allaitement maternel mal conduit a été le facteur de risque de la cellulite. Sa prise en charge est médicochirurgicale et nécessite une chirurgie lourde parfois itérative qui génère des séquelles inesthétiques.
Références
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- Derancourt C. Quelle prise en charge pour les cellulites et fasciites nécrosantes? Médecine Mal Infect 2000;30:420s-426s.
https://doi.org/10.1016/S0399-077X(01)80044-5 - Togo S, Yena S, Ouattara M, et al. Cellulite nécrosante descendante infectieuse d’origine dentaire à diffusion mammaire : analyse de deux cas. Rev malienne d’infectiologie microbiol 2016;(7):8-12.
- Delotte J, Karimdjee BS, Cua E, et al. Gas gangrene of the breast: management of a potential life-threatening infection. Arch Gynecol Obstet 2009;279(1):79-81.
https://doi.org/10.1007/s00404-008-0642-3
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https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2016.08.004
PMid:27776948
Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.
Date de soumission : 30/05/2019. Acceptation : 19/07/2019.