Cas clinique · Vol. 23 Mars 2019

Kyste hydatique costal : à propos d’un cas et revue de la littérature

mars 19, 2019
Auteur correspondant : Rachid Marouf

Rachid Marouf*, Ihssan Alloubi

 

Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Mohammed VI, Oujda, Maroc.

* Correspondance : rachidmarouf@yahoo.fr

 


DOI : 10.24399/JCTCV23-1-MAR

Citation : Marouf R, Alloubi I. Kyste hydatique costal : à propos d’un cas et revue de la littérature. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2019;23(1). doi: 10.24399/JCTCV23-1-MAR


 

Résumé

L’hydatidose est une affection endémique au Maroc. Les localisations hépatiques et pulmonaires sont les plus fréquentes. L’atteinte osseuse est rare et se situe entre 1 et 4%. Le siège costal reste exceptionnel (0,18 à 1,21%).

Nous rapportons un cas en soulignant les aspects étiopathogéniques, épidémiologiques, diagnostiques de l’hydatidose costale, tout en insistant sur l’approche thérapeutique adéquate de cette localisation à la lumière d’une revue de la littérature.

 

Abstract

Cystic Hydatidosis of the Rib: A Case Report and Review of the Literature

Hydatid disease is endemic in Morocco. Hepatic and pulmonary localizations are the most frequent. The involvement of the bones is a relatively rare condition and is seen in only 1–4% of cases. The ribs localization is exceptional (0.18 to 1.21%).

We report a case by highlighting the etiopathogenic, epidemiological and diagnostic features of Cystic Hydatidosis of the Rib, while insisting on the adequate therapeutic approach of this localization in the light of a review of the literature.


 

1. Introduction

Malgré l’état endémique de la maladie hydatique dans les pays du Maghreb, l’hydatidose osseuse reste une affection rare (1 à 4%). La localisation costale reste exceptionnelle, représentant 0,18 à 1,21% de l’ensemble des localisations hydatiques [1,2].

Le diagnostic est souvent tardif par manque de spécificité et latence clinique qui caractérisent cette affection.

Son évolution est insidieuse et son pronostic dépend de la qualité de la prise en charge médicochirurgicale et du suivi post-thérapeutique [2].

 

2. Cas clinique

Patient âgé de 27 ans, d’origine rurale, agriculteur de profession, contact avec les chiens, opéré à l’âge de 10 ans pour un kyste hydatique pulmonaire sain, de siège lobaire moyen, par thoracotomie droite ; ayant eu un traitement conservateur par ponction, évacuation du kyste après protection du champ opératoire par une solution scolicide (sérum salé hypertonique), puis aveuglement de 3 fistules bronchiques et capitonnage de la cavité résiduelle, avec une bonne évolution clinicoradiologique. À l’âge de 20 ans, et lors d’un bilan de contrôle pour une douleur sourde de l’hypochondre droit, l’échographie de ce patient a mis en évidence la présence d’un kyste hydatique hépatique type II, qui a été pris en charge par une résection du dôme saillant par une incision sous-costale. Six ans plus tard, le patient se présente pour une tuméfaction pariétale basithoracique droite, d’évolution insidieuse pendant 6 mois, douloureuse à la palpation, rénitente [figure 1].

 

Figure 1. Tuméfaction pariétale basithoracique droite.

 

La radiographie thoracique face montre un aspect d’ascension de la coupole diaphragmatique droite, une soufflure et une érosion de l’arc latéral de la 8e cote [figure 2].

Le scanner thoracoabdominal objective un aspect de kyste hydatique pariétal thoracique de siège latérobasal droit, envahissant les parties molles et l’arc latéral de la 8e côte, sans atteinte hépatique [figure 3].

 

Figure 2. Radiographie thoracique face montrant un aspect d’ascension de la coupole diaphragmatique droite, une soufflure et une érosion de l’arc latéral de la 8e cote.

 

Figure 3. Scanner thoracoabdominal montrant un aspect de kyste hydatique pariétal thoracique de siège latérobasal droit, de 5 cm de gros diamètre, envahissant les parties molles et l’arc latéral de la 8e côte, sans atteinte hépatique.

 

Un traitement chirurgical radical a été réalisé : exérèse totale du kyste hydatique pariétal avec résection de l’arc latéral de la 8e côte et des muscles intercostaux voisins et lavage à l’eau oxygénée, le foie semblait être normal à l’exploration [figures 4, 5, 6].

Les suites postopératoires ont été simples. Un traitement médical antiparasitaire (albendazole à raison de 800 mg/J) pour une durée de 6 mois a été instauré. L’évolution était favorable avec un recul de 12 mois.

 

Figures 4, 5. Exérèse totale du kyste hydatique pariétal emportant en monobloc l’arc latéral de la 8e côte et des muscles intercostaux voisins.

 

Figure 6. Pièce de résection chirurgicale.

 

3. Discussion

La maladie hydatique est l’une des plus importantes zoonoses présentes au Maroc. C’est une maladie parasitaire due au développement de la forme larvaire d’un ténia du chien (Echinococcus granulosus). C’est une affection cosmopolite qui frappe essentiellement les populations rurales des régions d’élevage des ovins : bassin méditerranéen, Australie et Amérique du Sud. Les localisations hépatiques et pulmonaires sont prédominantes. L’échinococcose osseuse reste rare et représente 1 à 4% des cas. Le siège costal est entre 0,18 et 1,21% [1-3].

La contamination osseuse est primitive, rarement secondaire, se faisant par voie hématogène, l’embryon hexacanthe passe du tube digestif dans le système porte et traverse successivement les filtres hépatique et pulmonaire avant de pouvoir se fixer dans le squelette, réalisant l’échinococcose osseuse primitive. Ceci explique la rareté des localisations osseuses par rapport à celles du foie et des poumons [1].

L’atteinte secondaire survient à la suite d’une rupture spontanée ou peropératoire d’un kyste hydatique pulmonaire ou médiastinal [1].

La membrane parasitaire repose directement sur le tissu osseux.

Le développement d’Echinococcus granulosus se fait par bourgeonnement multidiverticulaire, à partir de la vésicule initiale, sans aucun enkystement, réalisant une infiltration microvésiculaire de l’os. Face à cette agression, l’os ne réagit pas. Il n’y a pas d’ostéocondensation ni de réaction périostée [4,5].

En raison de la lenteur de l’évolution de la maladie, la symptomatologie clinique est insidieuse et non spécifique, et le diagnostic est souvent tardif.

Les symptômes sont variables. Les kystes hydatiques costaux peuvent se manifester par des douleurs thoraciques chroniques parfois légères et intermittentes, une tuméfaction pariétale de la région concernée, une fistule cutanée, des fractures costales pathologiques, ou même par des manifestations neurologiques type névralgie intercostale ou compression médullaire, surtout pour la localisation costovertébrale. La rupture du kyste peut entraîner une dissémination parasitaire dans les organes voisins et un choc anaphylactique [5].

Le bilan biologique est caractérisé par la présence d’une hyperéosinophilie.

Les tests immunologiques : l’immunoglobuline E totale et spécifique (IgE), le dosage immunoenzymatique (ELISA), le Western Blot, l’immunoprécipitation, le test d’hémagglutination indirecte (IHT) sont positifs au stade d’invasion ou lorsque le kyste hydatique est remanié ou fissuré.  Ils permettent aussi le suivi post-thérapeutique. Un résultat négatif n’exclut pas le diagnostic [6].

La radiographie du thorax peut être aspécifique ou montrer une opacité arrondie ou polylobée, des lésions costales à type de soufflure, d’érosions ou de fractures.

L’échographie thoracique est spécifique pour les collections liquidiennes avec décollement de membrane ou image kystique à tonalité hydrique cloisonnée, et elle permet aussi de rechercher d’autres localisations viscérales [7].

La tomodensitométrie est l’examen de choix car elle permet une analyse fine des lésions osseuses, d’étudier l’extension vertébrale, intracanalaire et aux parties molles des vésicules hydatiques [7,8].

Toutefois, l’imagerie par résonance magnétique prend sa place pour les kystes hydatiques costovertébraux, elle permet de mieux apprécier l’extension de la maladie hydatique aux structures avoisinantes, notamment les tissus mous et le rachis+++ [9].

Le diagnostic différentiel de la localisation costale des kystes hydatiques sur l’imagerie comprend les tumeurs osseuses malignes, en particulier les plasmocytomes, les métastases et les tumeurs bénignes, telles que les kystes anévrysmaux, les neurofibromes ou les tumeurs à cellules géantes. Malgré des techniques de laboratoire et d’imagerie avancées, dans certaines situations, un diagnostic précis ne peut pas être établi avant une intervention chirurgicale [1].

Le traitement de choix des formes osseuses est chirurgical et nécessite une résection d’emblée radicale complète quasi carcinologique de(s) côte(s) atteinte(s) et des muscles intercostaux voisins, tout en passant par des marges saines. En cas de résection costale étendue, l’utilisation d’un matériau prothétique pour combler le défect osseux est nécessaire [1,5,6].

Afin d’éviter la dissémination parasitaire en cas de rupture peropératoire du kyste, des agents scolicides, tels que le chlorure de sodium hypertonique ou l’eau oxygénée, doivent être appliqués sur le site opératoire [1].

Le traitement médical à base d’albendazol à la dose de 10–15 mg/kg/j pour une durée de 6-9 mois est utilisé en adjuvant à la chirurgie pour prévenir le risque élevé de récidive, en particulier dans les cas d’invasion osseuse, mais aussi pour les formes d’hydatidoses disséminées ou inopérables [1,2].

L’évolution du kyste hydatique à localisation costale est variable et dépend du geste chirurgical initial. Le risque de récidive augmente surtout en cas de résection incomplète [5].

Les complications liées à la chirurgie concernent principalement les fractures pathologiques, la surinfection, la fistulisation, l’atteinte vertébrale ou la compression médullaire [3,6].

Le traitement préventif demeure essentiel pour éviter les récidives et repose sur l’abattage des chiens errants, le dépistage des chiens parasités et l’éducation sanitaire des personnes exposées [9].

 

5. Conclusion

L’hydatidose à localisation costale est une affection rare, caractérisée par une latence clinique. L’imagerie est essentielle au diagnostic et trouve sa place pour le bilan d’extension à l’os, au rachis et à la moelle épinière. Le traitement est chirurgical et doit être d’emblée radical pour éviter les récidives et les complications notamment neurologiques. Le meilleur traitement du kyste hydatique reste la prévention.

 

Références

  1. Roman A, Georgiu C, Nicolau D, Sabha W, Surariu M, Precup D. Cystic Hydatidosis of the Rib–Case Report and Review of the Literature. Ann Thorac Cardiovasc Surg 2015;21(5):492-495.
    https://doi.org/10.5761/atcs.cr.14-00337
  2. Ben Mustapha M, Benhamadi F, Bouziani A. Kyste hydatique thoracique extrapulmonaire. Med tropicale 1992;53(4):120-5.
  3. Chafik A, Benjelloun A, El Khadir A, El Barni R, Achour A, Ait Bennasser MA. Hydatid Cyst of the Rib: A New Case and Review of the Literature. Case Reports in Medicine 2009;ID 817205, 2 p.
  4. Ben Romdhane N, Fenniche S, Bousnina S, Raboudi C. Kyste hydatique costal (à propos de 2 cas). La Tunisie médicale 2000;78:11,677-681.
  5. Karoglanoglu N, Gorguner M, Eroglu A. Hydatid diseaese of the rib. Ann Thorac Surg 2001;71:372-3.
    https://doi.org/10.1016/S0003-4975(00)02010-5
  6. Stamastis G, Grescuchna D. Echinococcus cysticus costalis: report of 2 cases and review of the litterature. Pneumologie:1989;43:213-6.
  7. Ben Miled-M’rad K, Bouricha A, Hantous S, Zidi A, Mestiri I, El Hammami S, et al. Apport de l’imagerie au diagnostic du kyste hydatique de la paroi thoracique. J Radiol 2003;84:143-6.
  8. Maalej S, Belhabib D, Hantous S, et al. Hydatidose costo-vertébrale : intérêt de l’IRM. Rev Mal Respir 2003;20:614-7.
  9. Abi F, El Fares F, Khaiz D, Bouzidi A. Les localisations inhabituelles du kyste hydatique. J Chir 1989;126n5:307-312.

 


Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared. 

Date de soumission : 07/09/2018. Acceptation : 19/11/2018