Chirurgie thoracique · Vol. 22 Mars 2018

La chirurgie du pectus excavatum : expérience du CHU de Tours

mai 18, 2018
Auteur correspondant : Thierry Merlini

Thierry Merlini*, Pierre Lhommet, Pierre Dupont, Pascal Dumont

CHU de Tours, France.

*Auteur correspondant : thierrymerlini@gmail.com

 


DOI : 10.24399/JCTCV22-1-MER

Citation : Merlini T, Lhommet P, Dupont P, Dumont P. La chirurgie du pectus excavatum : expérience du CHU de Tours. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(1). doi: 10.24399/JCTCV22-1-MER


 

Résumé

Objectif : l’objectif de cette étude rétrospective était d’analyser les résultats de la prise en charge chirurgicale du pectus excavatum au CHU de Tours et d’évaluer le niveau de satisfaction des patients.

Matériels et méthodes : tous les patients opérés de pectus excavatum au CHU de Tours de décembre 2005 à août 2016 ont été étudiés. Les patients ont été soumis à un questionnaire standardisé de satisfaction et de qualité de vie.

Résultats : 25 procédures selon la technique de Nuss et 16 selon celle de Ravitch ont été réalisées. Deux patients du groupe Nuss ont été repris chirurgicalement devant un résultat esthétique insatisfaisant par une nouvelle procédure de Nuss pour un malade et par une reprise chirurgicale en Ravitch pour le second malade. Deux patients du groupe Ravitch ont été réopérés pour disjonction et migration de matériel. Un patient est décédé des suites d’une complication hémorragique grave au décours d’une procédure de Nuss. 93,4 % des patients soumis au questionnaire ont présenté un niveau de satisfaction majeure.

Conclusion : le niveau de satisfaction des patients après correction chirurgicale du pectus excavatum est convenable. Les complications hémorragiques sont rares mais graves et doivent faire l’objet d’une information éclairée.

 

Abstract

Pectus excavatum surgery: Tours University Hospital experience

Objective: The objective of this retrospective study was to study the outcome of surgical management of pectus excavatum at the CHU of Tours and to assess the level of patient satisfaction.

Materials and methods: All patients undergoing pectus excavatum surgery at the CHU of Tours from December 2005 to August 2016 were studied. Patients were subjected to a standardized questionnaire assessing satisfaction and quality of life.

Results: A total of 25 procedures were performed according to the Nuss technique and 16 using the Ravitch procedure. Two patients from the Nuss group reported an unsatisfactory aesthetic result, which was followed by a new Nuss procedure for one patient and a surgical Ravitch revision for the other. Two patients in the Ravitch group were reoperated for disjunction and migration of material. A patient died as a result of a severe hemorrhagic complication during a Nuss procedure. In total, 93.4% of patients surveyed reported a high level of satisfaction.

Conclusion: The level of satisfaction of patients after surgical correction of pectus excavatum was high. Hemorrhagic complications are rare but severe and must be explained to the patient.


 

1. Introduction

Le pectus excavatum correspond à la déformation de la paroi thoracique la plus fréquemment rencontrée. Sa prévalence est de 8/1000 [1]. La croissance excessive et/ou asymétrique des cartilages de croissance refoule parfois le sternum en avant (thorax en carène) mais le plus souvent le phénomène se produit vers l’arrière, réalisant le pectus excavatum. La déformation est rarement à l’origine de complications cardiorespiratoires mais le retentissement psychologique est souvent sévère [2]. La gêne esthétique peut s’accompagner de palpitations, de douleurs thoraciques et parfois de dyspnée d’effort. L’élément le plus récurrent et le plus invalidant reste le handicap social généré, en particulier au moment de l’adolescence.

Parmi les nombreuses techniques chirurgicales décrites pour corriger le préjudice esthétique, deux procédures de correction osseuse ont connu un essor important. La première, décrite par Ravitch [3] puis modifiée, associe des ostéotomies sternales antérieures et costales multiples, des résections cartilagineuses suivies de la mise en place d’une ou de plusieurs attelles métalliques de stabilisation. Cette technique est toujours d’actualité et opportune dans les cas de déformations importantes, asymétriques, à paroi rigide et lorsqu’il existe des saillies cartilagineuses disgracieuses. La deuxième, décrite par Nuss [4], s’adresse préférentiellement aux enfants et jeunes adultes avec la mise en place de barre rétrosternale par double abord vidéothoracoscopique. Cette deuxième technique permet de limiter la taille des cicatrices et ne comporte pas de résections chondrocostales. Le principe repose sur la malléabilité des cartilages de croissance permettant une reconfiguration satisfaisante du thorax par l’application d’une ou de plusieurs barres métalliques endothoraciques. Ainsi, la technique mini-invasive de Nuss a révolutionné la prise en charge des patients souffrant de pectus excavatum depuis la fin des années 1990. Cette technique était historiquement destinée aux enfants avant la publication de résultats encourageants chez les jeunes adultes tant au niveau esthétique qu’en termes de sécurité [5].

Le niveau de satisfaction des patients, quant à lui, est peu décrit dans la littérature alors que l’indication de cette chirurgie repose souvent sur l’aspect esthétique seul. Ces travaux sont en effet peu nombreux malgré l’engouement actuel pour la chirurgie du pectus excavatum. Les résultats de la correction chirurgicale du pectus excavatum sont difficiles à évaluer puisque les éléments de satisfaction retenus par les patients sont multifactoriels : aspect esthétique, douleurs et cicatrice en particulier. Il a donc été nécessaire de développer des questionnaires de satisfaction adaptés, reproductibles et validés.

L’objectif de l’étude a été d’analyser les caractéristiques de la prise en charge chirurgicale du pectus excavatum au CHU de Tours et d’évaluer le niveau de satisfaction des patients.

2. Matériel et méthodes

Un recueil rétrospectif de l’ensemble des patients opérés au CHU de Tours de pectus excavatum a été réalisé entre décembre 2005 et août 2016. Les caractéristiques démographiques de la population ont été recueillies. Le bilan préopératoire a comporté des EFR, une échographie cardiaque, un scanner thoracique et un ECG chez chacun des patients. L’indication opératoire et la technique chirurgicale ont été retenues sur des critères morphologiques (profondeur, asymétrie et saillies des rebords chondrocostaux) et sur l’appréciation de la plasticité du thorax par un seul et même chirurgien. L’indication chirurgicale était retenue pour des déformations thoraciques esthétiquement préjudiciables, après plusieurs consultations chez des patients ayant terminé leur croissance. Un délai de réflexion de plusieurs mois était respecté. La technique de Nuss était réservée aux patients présentant une déformation moyennement importante, un thorax souple et symétrique et sans saillies majeures des rebords chondrocostaux. La technique de Ravitch était, quant à elle, plutôt réservée aux déformations profondes et asymétriques, aux patients présentant des thorax rigides et aux saillies importantes des rebords chondrocostaux. Les patients ont été opérés de façon standardisée selon les techniques de Nuss ou de Ravitch sous anesthésie générale et ont bénéficié d’une péridurale à visée antalgique.

 

2.1. Technique de Nuss

Sous anesthésie générale, deux incisions transverses dans la ligne médio-axillaire étaient réalisées de façon symétrique. Un arceau rétrosternal était cintré à la mesure de la déformation thoracique. Un guide de passage rétrosternal était introduit de part et d’autre sous contrôle vidéothoracoscopique en arrière et au contact du sternum pour mettre en place un lac tissu entre les deux incisions. L’arceau rétrosternal était fixé au lac tissu pour être guidé dans le thorax sous contrôle vidéothoracoscopique simple ou double avant d’être retourné. L’arceau était fixé par deux stabilisateurs latéraux. Lorsqu’un deuxième arceau était nécessaire, il était introduit par les mêmes incisions et selon la même technique. Le matériel utilisé était Lorenz Pectus Support Bar (Biotmet microfixation, Toermalijnring, Pays-Bas).

 

2.2. Technique de Ravitch

Sous anesthésie générale, une incision transversale sous-mammaire était réalisée pour effectuer un décollement présternal étendu. De multiples ostéochondrotomies de la paroi thoracique antérieure et des ostéotomies sternales étaient réalisées avant une stabilisation par ostéosynthèse à l’aide de 2, 3 voire 4 attelles métalliques fixées aux côtes par deux agrafes chacune. Le matériel utilisé était le système STRATOS (Strasbourg Thoracic Osteosynthesis System, MedXpert, Heitersheim, Allemagne).

Le délai recommandé de 3 ans était respecté, en l’absence d’évènement intercurrent, avant de proposer une ablation de l’ensemble du matériel pour les patients opérés de Nuss, alors qu’un délai généralement plus court (9 mois environ) l’était pour les patients opérés de Ravitch.

Les complications opératoires et les réinterventions ont été répertoriées ainsi que les évènements significatifs lors des consultations postopératoires. Un questionnaire de 16 items (new Single Step Questionnaire ou SSQ) [6] a ensuite été proposé téléphoniquement à chacun des patients entre mars et mai 2017 [figure 1] pour évaluer le niveau de satisfaction postopératoire des patients. Les réponses recueillies étaient une valeur entière comprise entre 1 et 5 pour 13 des items et une valeur entière comprise entre 1 et 10 pour 3 des items.

 

Figure 1. Single Step Questionnaire Score.

 

2.3. Analyse statistique

Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS (SPSS™ Inc, Chicago, Illinois, États-Unis) version 15.0. Les variables continues sont décrites sous la forme de moyenne ± écart type ou médiane +/- extrêmes. Les tests d’indépendance entre deux variables qualitatives ont été effectués par des tests du Chi2 et exact de Fisher, et entre deux variables quantitatives par le test de Student. La significativité statistique était déterminée par une valeur de p < 0,05.

3. Résultats

3.1. Démographie 

Quarante et une procédures ont été réalisées chez 39 patients dans cet intervalle par un seul et même opérateur. Vingt-cinq procédures selon la technique de Nuss et 16 selon celle de Ravitch ont été réalisées. Un patient a été opéré selon la technique de Nuss avant une reprise par Ravitch dans un second temps et un patient a été opéré selon la technique de Nuss avec une reprise chirurgicale à distance selon la même technique. La population était essentiellement masculine (92,3 %) et jeune (âge moyen = 20,6 ans). Les symptômes fonctionnels, quand ils existaient (36 % dans le groupe Nuss et 56,2 % dans le groupe Ravitch), étaient essentiellement la dyspnée (26 %) et les douleurs thoraciques (13 %). 53,2 % de la population n’avaient pas de symptôme fonctionnel. Le pourcentage de correction de la déformation thoracique lors de l’examen préopératoire à la manœuvre de Valsalva avait été évaluée à 53 +/- 16,4 en moyenne dans le groupe Nuss et à 28 +/- 17 dans le groupe Ravitch (p < 0,0001).

 

Tableau 1. Caractéristiques cliniques et démographiques.

3.2. Bilan préopératoire 

Les explorations fonctionnelles respiratoires étaient dans les limites de la normale pour tous les patients (VEMS moyen = 95,6 % et CVF moyenne = 89,9 %). La CVF était significativement plus importante dans le groupe Nuss que dans celui de Ravitch (95,5 % vs 83,3 %, p < 0,005). Trois patients présentaient des anomalies bénignes à l’ECG (bloc de branche droit et tachycardie sinusale). L’échographie cardiaque était normale chez 32 patients (82 %). Une non-compaction du ventricule gauche asymptomatique a été décrite, un foramen ovale perméable, deux insuffisances tricuspides, une insuffisance aortique sur bicuspidie et une compression extrinsèque des cavités droites par la paroi thoracique sans retentissement hémodynamique.

 

Tableau 2. Bilan préopératoire.

3.3. Complications immédiates 

Groupe Nuss : un patient a présenté un pneumothorax résiduel dans les suites, spontanément résolutif. Un patient a présenté une pneumopathie et un autre un retard de cicatrisation sans infection de matériel. Un patient a présenté une complication hémorragique grave peropératoire avec plaie transfixiante de la veine cave inférieure, compliquée d’un arrêt cardiaque peropératoire prolongé. Le patient a présenté un syndrome neurovégétatif postopératoire sévère et est décédé 3 mois plus tard des suites d’une infection respiratoire.

Groupe Ravitch : 2 patients ont présenté des pneumothorax spontanément résolutifs, 2 autres ont présenté des pleurésies nécessitant un drainage et 2 patients ont présenté des retards de cicatrisation sans infection de matériel.

 

3.4. Complications à distance 

Groupe Nuss : aucune fracture de matériel n’a été relevée mais une migration de barre a été mise en évidence chez un patient.

Groupe Ravitch : 4 patients ont présenté une fracture de matériel et un patient a présenté une migration de barre consécutive à une disjonction attelle/agrafe.

 

3.5. Reprises chirurgicales 

Groupe Nuss : 2 patients ont été réopérés dans ce groupe. Un patient a été repris selon la technique de Ravitch en raison d’une correction insuffisante 18 mois après la chirurgie initiale. Un patient a été repris selon la technique de Nuss à 2 ans avec dépose et repose d’un nouvel arceau rétrosternal selon la même technique, en raison d’une dégradation progressive de la correction consécutive à la migration de l’arceau initial.

Groupe Ravitch : 2 patients ont été repris chirurgicalement selon la même technique. Un patient a été réopéré à cause d’une fracture de matériel avec un remplacement de l’attelle défectueuse et un patient a été réopéré à 23 mois de la chirurgie initiale pour migration de barre consécutive à une disjonction attelle/agrafe.

 

Tableau 3. Complications postopératoires.

 

3.6. Ablation de matériel 

Vingt-cinq patients (64,1 %) ont fait l’objet d’une ablation de matériel.

Groupe Nuss : seul un patient qui avait dépassé le délai des 3 ans postopératoires était toujours porteur de son matériel.

Groupe Ravitch : 11 patients (73,3 %) ont fait l’objet d’ablation de matériel, soit de façon réglée dans les 2 premières années postopératoires, soit assez précocement pour fracture de matériel.

 

3.7. Questionnaire SSQ 

Les 30 patients (77 %) qui ont pu être contactés ont tous accepté de répondre au questionnaire lors d’un entretien téléphonique ; 8 patients ont été perdus de vue et un décédé. La moyenne du score de satisfaction au questionnaire SSQ était de 65,5 +/- 6,7 [figure 2] dans le groupe Nuss et de 64,6 +/- 3,7 dans le groupe Ravitch (p = 0,6). Les valeurs moyennes du score SSQ sont de 64 +/- 3,1 dans le sous-groupe des patients porteurs de matériel au moment du recueil et de 69,7 +/- 3,3 dans le sous-groupe des patients ayant fait l’objet de l’ablation de matériel (p = 0,3). Le sous-groupe des patients dits compliqués (pleurésie, pneumothorax, retard de cicatrices, fracture/migration de matériel et reprise chirurgicale) avait un score SSQ moyen de 63,6 +/- 3,2 et le sous-groupe sans complication avait un score moyen de 66,5 +/- 2,9 (p = 0,03) sans différence significative [figure 3]. Vingt-huit patients (93,4 % des patients interrogés) ont présenté un score SSQ très satisfaisant (SSQ > 52,8 points) et 2 patients (6,6 %) ont présenté un score SSQ moyennement satisfaisant (52,8 > SSQ > 41).

 

Figure 2. Score SSQ.

 

Figure 3. Score SSQ en fonction du sous-groupe.

4. Discussion

4.1. Choix de la technique 

La plupart des patients souhaitent de prime abord être opérés selon la technique de Nuss car moins invasive et réalisée par de courtes incisions. L’argument principal dans notre série pour orienter le choix vers la technique de Nuss a été l’évaluation préopératoire de la souplesse du thorax avec une évaluation de la correction de la déformation lors de manœuvres dynamiques (Valsalva) à la consultation. Par ailleurs, lorsque la déformation thoracique était franchement asymétrique et/ou s’il était nécessaire de réaliser d’emblée des résections des saillies cartilagineuses ou xiphoïdiennes, la technique de Ravitch semblait plus opportune. Des éléments techniques ont été décrits dans la littérature pour pouvoir toutefois traiter des thorax asymétriques selon la technique de Nuss (positionnement, courbure et fixation de la barre) [7] mais parfois avec des résultats insatisfaisants et des déformations postopératoires en pectus carinatum.

Plusieurs travaux ont permis dans la littérature d’établir des index de sévérité radiologique du pectus excavatum, comme l’index de Haller [7] ou celui de l’index de correction [8] au scanner comme à l’IRM [9]. Le caractère rétrospectif de cette étude n’a pas permis cependant de déterminer les valeurs des index de déformation thoracique et de les étudier car seule une partie des scanners était disponible à l’élaboration du travail.

 

4.2. Complications 

Une complication hémorragique majeure a été décrite dans cette série au décours d’une procédure de Nuss malgré l’utilisation de la vidéothoracoscopie au moment de l’introduction de la barre rétrosternale conformément aux recommandations. Depuis cette complication (survenue en 2009), de plus en plus d’articles scientifiques ont été publiés dont une revue de la littérature rapporte des plaies cardiaques constatées au décours de technique de Nuss (et au décours de Ravitch) avec des conséquences dramatiques [10]. Des équipes ont développé des techniques supplémentaires pour limiter les risques de complications hémorragiques au moment du passage de la barre en tractant à l’aide de sutures transfixiantes le sternum en avant [11]. La pratique de la chirurgie du pectus excavatum repose sur une courbe d’apprentissage qui permet de diminuer significativement ce genre de complications avec l’expérience acquise. La survenue de l’accident hémorragique grave au décours d’une procédure de Nuss a conduit dans notre expérience à proposer préférentiellement la technique de Ravitch en particulier aux patients présentant des déformations profondes et/ou présentant un thorax rigide.

Les complications rencontrées au cours du suivi ont été différents en fonction des techniques opératoires :

Groupe Nuss : une migration de barre a été mise en évidence avec la nécessité d’une reprise chirurgicale deux ans après la première intervention (dépose et repose d’un arceau rétrosternal selon Nuss). Tous les patients opérés selon la technique de Nuss ont été opérés avec la mise en place de stabilisateurs de barre, ce qui explique le faible taux de migration de barres. En effet, Croitoru et al. [12] ont proposé une modification de la technique de Nuss en ajoutant des stabilisateurs bilatéraux de barres et démontré une diminution significative des phénomènes de dislocation (15 % vs 5 %). D’autres auteurs proposent d’utiliser des barres de longueur réduite afin de limiter les phénomènes de dislocation [13] ou invitent à solidariser la barre à l’aide de fils d’acier [14].

Groupe Ravitch : d’assez nombreuses fractures d’attelles ou d’agrafes (25 %) dans le groupe Ravitch ont été constatées avec comme conséquence une dépose de matériel assez précoce sans toutefois porter préjudice au résultat esthétique. Ces éléments sont apparus fréquents et justifient un suivi clinique et radiographique rapproché, ce d’autant qu’ils constituent un facteur d’inquiétude chez les patients. Un patient opéré en 2007 a présenté une disjonction attelle/agrafe à 2 ans avant d’être réopéré. Une patiente opérée en 2008 a été reprise chirurgicalement en 2010 pour fracture d’attelle et remplacement de celle-ci. Deux autres patients ont présenté des fractures isolées d’attelles (2007 et 2009). Dans la littérature, les fractures de matériel isolées (sans déplacement du montage) ne sont pas rapportées explicitement et empêche une analyse comparative avec cette étude. Un déplacement d’attelle responsable de douleurs consécutive à une disjonction attelle/agrafe a nécessité une reprise chirurgicale. Une revue de la littérature rapporte un taux cumulé de 4,6 % [15] de déplacement d’attelle, ce qui est comparable aux chiffres retrouvés dans cette cohorte. Par ailleurs, une autre équipe [16] a mis en évidence des taux de migration/fractures d’attelle de l’ordre de 44 % (29 % d’asymptomatiques), en particulier pour les fixations les plus antérieures. L’industrie, quant à elle, a régulièrement modifié le matériel pour limiter ces phénomènes.

 

4.3. Reprises chirurgicales

Au total, 4 patients (10,2 %) ont été repris chirurgicalement.

Groupe Nuss : 2 patients ont été réopérés pour échec devant la constatation à court et moyen termes d’un résultat esthétique insatisfaisant. Un des deux échecs semble à posteriori pouvoir être attribué à une mauvaise indication de technique opératoire puisqu’un des patients a finalement dû être réopéré selon une technique de Ravitch pour obtenir un résultat satisfaisant.

Groupe Ravitch : 2 patients ont été réopérés à cause de défaut de matériel (migration et fracture d’attelle). Le choix de la technique opératoire ainsi que la qualité du matériel semblent essentielles pour limiter le taux de reprise chirurgicale.

 

4.4. Choix du questionnaire 

Plusieurs questionnaires de satisfaction et de niveau de qualité de vie ont été décrits dans la littérature [17]. Le premier a été le questionnaire de Nuss, destiné aux populations pédiatriques, et a fait l’objet d’une adaptation aux adultes sous l’appellation « Nuss questionnaire modified for Adults » ou NQmA (figure 1). Ce questionnaire nécessite une analyse pré puis postopératoire des réponses et participe plutôt à évaluer l’impact de la chirurgie sur la qualité de vie des patients. Le questionnaire SSQ [6] utilisé dans ce travail est une évolution du NQmA et a été développé pour évaluer les résultats de la chirurgie du pectus excavatum en termes de qualité de vie et de satisfaction globale du patient. Le SSQ a été décrit pour évaluer la technique de Nuss dans la littérature et paraît adapté également pour la technique de Ravitch. Il permet d’évaluer dans sa globalité la satisfaction et la qualité de vie des patients après la chirurgie, grâce à un seul questionnaire complet postopératoire. Le niveau de satisfaction des patients a été déterminé par la somme des réponses aux 16 questions avec une valeur maximale théorique de 95 points. La valeur numérique de chacune des réponses est proportionnelle au degré de satisfaction des patients.

Trois niveaux de satisfaction ont ainsi été déterminés dans la littérature par Krasopoulos et al. en fonction du score global SSQ : les résultats considérés comme insuffisants (score compris entre 0 et 41 points), les résultats moyennement satisfaisants (score compris entre 41 et 52,8 points) et enfin les résultats très satisfaisants (score entre 52,8 et 95 points) [6].

L’essentiel de la cohorte interrogée (93,4 %) a présenté un score SSQ considéré comme très satisfaisant et aucun résultat n’a été considéré comme insuffisant. Ce bon résultat s’explique probablement car les patients chez qui un résultat esthétique avait été considéré cliniquement comme insuffisant avaient été repris chirurgicalement afin d’obtenir un résultat satisfaisant. Seulement 6,6 % des patients (n = 2) ont présenté un score SSQ considéré selon Krasopoulous comme un résultat moyennement satisfaisant. Un des deux patients présentant un score SSQ moyennement satisfaisant avait été initialement opéré selon la méthode de Nuss, avant d’être repris chirurgicalement dans un deuxième temps selon la technique de Ravitch. Cette succession d’évènements participe au score sensiblement moins bon que le reste de la cohorte. Le deuxième patient présentant un score de satisfaction mineure a été opéré selon la technique de Nuss et sans complication relevée (pas de reprise chirurgicale ni fracture ou déplacement de matériel en particulier).

Deux études seulement dans la littérature comparent les niveaux de satisfaction des patients opérés selon la technique de Nuss et celle de Ravitch au sein d’un même centre mais concernent exclusivement des populations pédiatriques. Lam et al. [18] ont évalué le niveau de satisfaction avec des questionnaires complets (PEEQ et CHQ-CF 87) dédiés aux populations pédiatriques qui comprenaient l’avis parental.

 

4.5. Limites de l’étude

Une des principales limites de l’étude est son caractère rétrospectif qui suggère un questionnaire de qualité de vie et de satisfaction parfois très à distance de la chirurgie. Les questionnaires ont tous été soumis aux patients entre mars et mai 2017 concernant des gestes opératoires réalisés entre décembre 2005 et août 2016. Certains malades ont donc été évalués à moins d’un an après leur chirurgie alors que d’autres l’étaient à plus de dix ans. Cependant, l’impact psychologique de la prise en charge du pectus excavatum étant vraiment important, la plupart des patients gardent un souvenir précis de leur prise en charge qui s’avère souvent correspondre à la seule expérience hospitalière qu’ils aient eue. L’instauration d’un questionnaire de façon systématisé à distance de l’ablation du matériel permettrait d’homogénéiser les réponses et de rendre les conclusions plus pertinentes encore. Un autre élément discutable de l’étude est celui de l’analyse d’une cohorte avec seulement 64,1 % des patients qui ont été évalués après l’ablation du matériel. Ce résultat s’explique car une partie du groupe Nuss n’avait pas dépassé le seuil théorique des 3 ans auquel on propose l’ablation du matériel classiquement. Les autres patients ont préféré repousser volontairement le geste d’ablation de matériel (contraintes scolaires ou professionnelles) ou ont été perdus de vue. Le choix de ne pas exclure les patients n’ayant pas fait l’objet d’ablation du matériel a permis de ne pas priver l’étude d’un nombre non négligeable de procédures et de pouvoir mettre en évidence que le taux de satisfaction n’était pas influencé dans notre étude par cet élément.

5. Conclusion

La chirurgie du pectus excavatum repose dans notre équipe sur deux principales techniques dont les résultats sont bien décrits dans la littérature avec un engouement actuel concernant la technique la moins invasive (Nuss). Le principal objectif de cette chirurgie est de répondre à la plainte esthétique des malades souvent à l’origine d’un retentissement psychologique sévère chez des patients jeunes. Cette étude est la première à notre connaissance à comparer le niveau de satisfaction d’une population non pédiatrique opérée de pectus excavatum selon la technique de Nuss et de Ravitch. Les résultats en termes de satisfaction et de qualité de vie sont très satisfaisants à court et long termes. Les taux de complications chirurgicales ont été réduits significativement grâce à la modification des techniques historiques, en particulier grâce à l’avènement du contrôle vidéothoracoscopique. Les fractures de matériel sont fréquentes et justifient les efforts actuels de l’industrie pour limiter ces phénomènes et les interventions itératives en conséquence. La technique de Nuss pose le problème de complications hémorragiques rares mais graves qui doivent être clairement expliquées aux candidats à ce type de chirurgie à visée esthétique. Il est essentiel de bien mesurer la motivation de chacun des malades et d’expliquer au cours de plusieurs entretiens préopératoires les particularités de cette chirurgie, essentiellement sur le plan de la douleur et des risques de reprise chirurgicale.

 

Références

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Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.

Cet article est issu d’un mémoire de DESC.

Date de soumission : 26/08/2017. Acceptation : 01/12/2017. Pré-publication : 07/12/2017