Chirurgie cardiaque · Vol. 22 Mars 2018

Influence des saisons et des pressions atmosphériques sur la survenue de dissections aortiques et de ruptures d’anévrismes aortiques. Étude rétrospective et revue de la littérature

mai 18, 2018
Auteur correspondant : Reda Kasdi

Reda Kasdi*, Hervé Corbineau, Majid Harmouche, Thierry Langanay, Bertrand Richard De Latour, Alain Leguerrier, Erwan Flecher, Jean-Philippe Verhoye

Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Rennes, France

* Correspondance : redabox@gmail.com

 


DOI : 10.24399/JCTCV22-1-KAS

Citation : Kasdi R, Corbineau H, Harmouche M, Langanay T, Richard de Latour B, Leguerrier A, Flecher E, Verhoye P. Influence des saisons et des pressions atmosphériques sur la survenue de dissections aortiques et de ruptures d’anévrismes aortiques. Étude rétrospective et revue de la littérature. Journal de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 2018;22(1). doi: 10.24399/JCTCV22-1-KAS


 

Résumé

Objectifs : évaluer l’influence des saisons et des pressions atmosphériques (PA) sur la survenue de dissections aortiques (DA) et de ruptures d’anévrismes aortiques (RAA).

Méthodes : les admissions de DA et RAA au CHU de Rennes entre le 1er janvier 1989 et le 31 décembre 2016 ont été revues. Les données régionales de PA ont été fournies par Météo France.

Résultats : 886 DA ont été admises sur 844 jours distincts. Âge moyen : 63,5 ± 14,2 ans, H/F 2:1. Mortalité : 146 pts (16,5 %). L’âge augmentait la mortalité (OR = 1,036 ; IC 95 % [1,021-1,051] ; p < 0,0001) de même que l’absence d’HTA connue (OR = 2,586 ; IC 95 % [1,757-3,805] ; p < 0,0001). Trois cent quarante-quatre RAA ont été admises sur 330 jours distincts. Âge moyen : 72,4 ± 11,3 ans, H/F 4,4:1. Mortalité : 108 pts (31,4 %). L’âge augmentait la mortalité (OR = 1,06 ; IC95 % [1,035-1,086] ; p < 0,0001) de même que l’absence d’HTA connue (OR = 3,428 ; IC95 % [1,941-6,055] ; p < 0,0001). Il n’y a pas d’influence saisonnière sur la survenue et mortalité des DA et RAA. Les jours avec dépressions (OR = 1,008 ; IC95 % [1,001-1,015] ; p < 0,0182) ainsi que l’augmentation mensuelle des variabilités journalières (OR = 1,073 ; IC95 % [1,037-1,111] ; p < 0,0001) augmentent le risque de DA. Les PA maximales mensuelles protègent contre les RAA (OR = 0,962 ; IC95 % [0,938-0,987] ; p < 0,003).

Conclusion : les dépressions et fortes variabilités de PA devraient imposer une plus grande vigilance au vu du risque de DA et RAA, notamment par un meilleur contrôle tensionnel. La mortalité par DA et RAA devrait pouvoir diminuer par un meilleur dépistage de l’HTA dans la population.

 

Abstract

Influence of season and atmospheric pressure on aortic dissection and aortic aneurysm rupture onset

Objectives: To evaluate the influence of season and atmospheric pressure (AP) on the onset of aortic dissection (AD) and aortic aneurysm rupture (AAR).

Methods: Admissions for AD and RAA between 1 January 1989 and 31 December 2016 were reviewed. Regional AP data were provided by Meteo-France.

Results: A total of 886 cases of AD were admitted on 844 days. The mean patient age was 63.5 ± 14.2 years with a male:female ratio of 2:1. Mortality:  146 pts (16.5%), which was increased with age (OR = 1.036; 95% CI [1.021, 1.051]; p < 0.0001), as was unknown hypertension status (OR = 2.586; 95% CI [1.757, 3.805]; p < 0.0001). A total of 344 cases of AAR were admitted on 330 days. The mean patient age was 72.4 ± 11.3 years with a male:female ratio of 4.4:1. Mortality: 108pts (31.4%). Age increased mortality (OR = 1.06; 95% CI [1.035, 1.086]; p < 0.0001) as did an unknown hypertension status (OR = 3.428; 95% CI [1.941, 6.055]; p < 0.0001). There was no influence of season on AD or AAR onset or mortality. Days with low AP (OR = 1.008; 95% CI [1.001, 1.015]; p < 0.0182) and high monthly AP variability (OR = 1.073; 95% CI [1.037, 1.111]; p < 0.0001) increased the risk of AD and AAR. High monthly AP reduced the risk of AAR (OR = 0.962; 95% CI [0.938, 0.987]; p < 0.003).

Conclusion: Low AP values and high AP variability should increase our vigilance toward the risk of AD and AAR, especially by improving blood pressure control. Mortality by AD and AAR could be reduced by improved screening for hypertension in the general population.


 

1. Introduction

L’augmentation saisonnière de l’incidence de certaines pathologies est habituelle. La mortalité de certaines pathologies a montré une répartition saisonnière. La compréhension de ces phénomènes, ainsi que ces répartitions, permet de mieux cerner les étiologies et l’étendue de leurs influences, afin de mieux cibler les thérapeutiques et les programmes de prévention. Récemment, plusieurs études se sont intéressées à la survenue saisonnière de dissections aortiques (DA) et de ruptures d’anévrisme aortique (RAA). Les variables climatiques sont considérées comme l’explication prépondérante pour l’augmentation de ces incidences. La température a été longtemps étudiée comme variable explicative potentielle. Cette étude utilisant une large population à partir de la base de données administratives de notre hôpital évalue la saisonnalité des DA et des RAA, ainsi que l’influence de la pression atmosphérique (PA) sur la survenue de ces pathologies.

 

2. Méthodes

En utilisant la Classification internationale des maladies (CIM10)  de l’Organisation mondiale de la santé, nous avons revu nos admissions hospitalières pour les évènements aortiques majeurs non traumatiques depuis le 1er Janvier 1989 jusqu’au 31 décembre 2016 au centre hospitalier universitaire de Rennes, en Bretagne, France. Le code i71.0 a été utilisé pour extraire les DA alors que les codes i71.1, i71.3, i71.5 et i71.8 ont été utilisés pour extraire les RAA. Les informations concernant le statut hypertensif ou non ainsi que le statut vital ont également été extraites.

Les données régionales concernant les enregistrements de PA ont été fournies par la base de données nationale de Météo France, l’agence météorologique nationale française. Toutes les valeurs sont rapportées en hectopascal (hPa) et standardisées au niveau de la mer.

Les enregistrements horaires des PA ont été compilés selon une échelle temporelle correspondant à la période d’étude. Les 24 enregistrements horaires journaliers ont été utilisés afin de calculer pour chaque jour les valeurs absolues de PA : moyenne journalière, maximale journalière, minimale journalière et, en raison du caractère changeant des PA, des valeurs dynamiques ont également été calculées : différence journalière (différence entre la maximale et la minimale journalière) ainsi que la variabilité journalière qui représente la somme des valeurs absolues des 24 différences horaires.

De plus, chaque jour calendaire a également été lié aux mesures de PA des jours et semaines précédents jusqu’à un mois auparavant afin de calculer les maximales, minimales, moyennes, différences et variabilités cumulées jusqu’à un mois auparavant pour ne pas manquer l’influence des jours précédant l’évènement.

Le début exact des saisons a été déterminé par la date réelle des solstices pour l’hiver et l’été et par la date réelle des équinoxes pour le printemps et l’automne et ce pour chaque année.

Pour les DA ainsi que pour les RAA, chaque jour des 10 227 jours de l’échelle temporelle a été étiqueté comme « jour avec » ou « jour sans » en fonction de la survenue (ou non) de DA ou RAA ce jour-là en particulier.

Les variables continues ont été exprimées en moyennes et déviations standard et comparées entre elles par un t-test alors que les variables discrètes ont été exprimées en proportions et comparées en utilisant le test du Chi2. Une régression logistique a été utilisée afin de déterminer les odds ratios pour les variables qui influençaient le risque de survenue de DA ou de rupture. Les analyses statistiques ont été rendues possibles grâce à SAS University Edition 9.4 (SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord, États-Unis).

 

3. Résultats

Au total, 1 230 patients présentant un évènement aortique majeur ont été admis à notre hôpital, 866 avec le diagnostic de DA et 344 avec une RAA. Ces deux groupes ont été analysés séparément dans cette étude.

 

3.1. Dissection aortique

Les 886 patients avec DA ont été admis sur 844 jours distincts (jours avec DA) parmi les 10 227 jours de la période étudiée, les 9 383 jours restants (jours sans DA) ont été utilisés pour la comparaison. Il y avait 591 hommes et 295 femmes (H/F ratio 2:1), l’âge moyen était de 63,5 ans (± 14,2). La mortalité hospitalière globale était évaluée à 146 patients (16,5 %). En considérant le jour de l’admission, 217 patients (24,5 %) ont été admis lors d’un week-end, 43 d’entre eux sont décédés (19,8 %), mais la mortalité n’était pas plus importante (p = 0,13) les week-ends en comparaison avec les jours de semaine (103 décès, 15,4 %), ni même en comparant (p = 0,9) la mortalité entre hommes (98 patients, 16,6 %) et femmes (48 patientes, 16,3 %), alors que l’âge augmentait considérablement la mortalité (OR = 1,036 ; IC 95 % [1,021-1,051] ; p < 0,0001) [figure 1]. Au total, 420 patients (47,4 %) étaient connus porteurs d’une hypertension artérielle (HTA) et 466 patients (52,6 %) ne l’étaient pas. En considérant cette comorbidité, le décès est survenu suivant une DA chez 42 patients (10,0 %) avec HTA et chez 104 patients (22,32 %) non connus pour HTA (OR = 2,586 ; IC 95 % [1,757-3,805] ; p < 0,0001). Si l’HTA n’était pas considérée comme une condition on/off mais plutôt comme une pathologie d’évolution progressive avec différents degrés d’évolution, de sévérité et de réponse au traitement médical et donc considérée statistiquement comme un paramètre continu, alors la probabilité de décès dépendant de la pression artérielle est donnée en figure 2.

 

Figure 1. Influence de l’âge sur la mortalité après dissection aortique.

 

Figure 2. Influence d’une HTA non connue sur la mortalité après dissection aortique.

 

3.2. Rupture d’anévrisme aortique

Les 344 patients avec RAA ont été admis sur 330 jours distincts (jours avec RAA) parmi les 10 227 jours de la période étudiée, les 9 897 jours restants (jours sans RAA) ont été utilisés pour la comparaison. Il y avait 280 hommes et 64 femmes (H/F ratio 4,4:1), l’âge moyen était de 72,4 ans (± 11,3). La mortalité hospitalière globale était évaluée à 108 patients (31,4 %). En considérant le jour de l’admission, 81 patients (23,5 %) ont été admis lors d’un week-end, 27 d’entre eux sont décédés (33,3 %) mais la mortalité n’était pas plus importante (p = 0,67) les week-ends en comparaison avec les jours de semaine (81 décès, 30,8 %), ni même en comparant (p = 0,57) la mortalité entre hommes (86 patients, 30,7 %) et femmes (22 patientes, 34,4 %), alors que l’âge augmentait considérablement la mortalité (OR = 1,06 ; IC 95 % [1,035-1,086] ; p < 0,0001) [figure 3]. Au total, 114 patients (33,1 %) étaient connus porteurs d’une HTA et 230 patients (66,9 %) ne l’étaient pas. En considérant cette comorbidité, le décès est survenu suivant une RAA chez 18 patients (15,8 %) avec HTA et chez 90 patients (39,1 %) non connus pour HTA (OR = 3,428 ; IC 95 % [1,941-6,055] ; p < 0,0001). Là encore, si l’HTA n’était pas considérée comme une condition on/off mais plutôt comme une pathologie d’évolution progressive avec différents degrés d’évolution, de sévérité et de réponse au traitement médical et donc considérée statistiquement comme un paramètre continu, alors la probabilité de décès dépendant de la pression artérielle est donnée en figure 4.

 

Figure 3. Influence de l’âge sur la mortalité après rupture d’anévrisme aortique.

 

Figure 4. Influence d’une HTA non connue sur la mortalité après rupture d’anévrisme aortique.

 

 

3.3. Saisonnalité

La répartition annuelle des DA et des RAA ainsi que des décès est donnée par le tableau 1. Malgré le fait que l’hiver et le printemps concentrent le plus grand nombre de DA (surtout de janvier à mars), ni les distributions saisonnières (p = 0,53), ni mensuelles (p = 0,71) de ces évènements ne sont statistiquement différentes en terme de proportions. Les décès suivant une DA survenaient le plus souvent en hiver, mais ce n’était pas significativement plus fréquent que les autres saisons (p = 0,18). En ce qui concerne la RAA, là également, la saisonnalité de ces évènements n’a pas pu être démontrée (p = 0,18), ni même la supériorité d’un mois sur un autre (p = 0,21). De façon surprenante, l’hiver comptabilisait le taux le plus bas de RAA et un pic a été observé en été, de la même façon que pour les décès consécutifs à une RAA.

 

Tableau 1. Répartition saisonnière et mensuelle des épisodes et de la mortalité des dissections aortiques et des ruptures  d’anévrismes aortiques.

Dissection aortique Rupture d’anévrisme aortique
Saison n % Décès % n % Décès %
  886 146   344 108  
Hiver 231 26,07 46 31,50 69 20,06 19 17,59
Printemps 231 26,07 28 19,18 90 26,16 29 26,85
Été 204 23,02 34 23,29 96 27,91 35 32,41
Automne 220 24,83 38 26,03 89 25,87 25 23,15
  p = 0,53   p = 0,18   p = 0,18   p = 0,17
 
Mois n % Décès % n % Décès %
  886 146   344 108  
Janvier 82 9,26 18 12,33 27 7,85 9 8,33
Février 82 9,26 16 10,96 19 5,52 2 1,85
Mars 84 9,48 14 9,59 27 7,85 9 8,33
Avril 71 8,01 8 5,48 36 10,47 12 11,11
Mai 80 9,03 11 7,53 29 8,43 12 11,11
Juin 66 7,45 7 4,80 23 6,68 7 6,48
Juillet 61 6,88 14 9,59 43 12,50 15 13,89
Août 69 7,79 11 7,53 26 7,56 9 8,33
Septembre 74 8,35 11 7,53 28 8,14 8 7,41
Octobre 70 7,90 13 8,91 31 9,01 8 7,41
Novembre 78 8,80 12 8,22 26 7,56 10 9,26
Décembre 69 7,79 11 7,53 29 8,43 7 6,49
  p = 0,71   p = 0,66   p = 0,21   p = 0,30

 

3.4. Analyses des pressions atmosphériques

Les influences des différentes mesures de pressions atmosphériques sur la DA et la RAA, selon les jours avec et les jours sans, sont présentées dans le tableau 2.

 

 

Tableau 2. Différences de pressions atmosphériques entre jours avec et jours sans dissection aortique ou rupture d’anévrisme aortique. 

Dissection aortique
Jours sans   Jours avec
9383 jours   844 jours
Pression atmosphérique (hectopascal) Moy SD p Moy SD OR IC 95 %
MOYENNE JOURNALIÈRE
Du jour même 1017,23 9,27 0,0235 1016,47 9,28 0,991 [0,984-0,999]
MINIMALE JOURNALIÈRE
Du jour même 1014,43 10,09 0,0182 1013,57 10,06 0,992 [0,985-0,999]
La plus basse en considérant la veille 1012,2 10,27 0,0289 1011,4 10,04 0,993 [0,986-0,999]
La plus basse en considérant les 2 jours précédants 1010,51 10,32 0,0315 1009,71 10,12 0,993 [0,986-0,999]
DIFFÉRENCE JOURNALIÈRE
Moyenne des 2 semaines précédentes 5,77 1,96 0,01 5,95 2,03 1,046 [1,011-1,083]
Moyenne des 3 semaines précédentes 5,77 1,76 0,0011 5,97 1,85 1,066 [1,026-1,107]
Moyenne du mois précédent 5,77 1,6 0,0005 5,98 1,7 1,082 [1,037-1,128]
VARIABILITÉ JOURNALIÈRE
Du jour même 8,52 4,36 0,0343 8,85 4,52 1,016 [1,001-1,031]
Du jour d’avant 8,52 4,37 0,0394 8,84 4,41 1,016 [1,001-1,031]
Cumulée avec le jour d’avant 17,04 7,4 0,0135 17,7 7,53 1,011 [1,002-1,020]
Cumulée avec les 2 jours précédents 25,57 10,12 0,0317 26,36 10,21 1,007 [1,001-1,014]
Cumulée avec les 3 jours précédents 34,11 12,59 0,0427 35,03 12,98 1,005 [1,000-1,011]
Moyenne des 2 semaines précédentes 8,53 2,33 0,0031 8,77 2,39 1,044 [1,015-1,075]
Moyenne des 3 semaines précédentes 8,52 2,11 0,0003 8,8 2,18 1,06 [1,027-1,094]
Moyenne du mois précédent 8,52 1,94 <0,0001 8,81 2,02 1,073 [1,037-1,111]
Rupture d’anévrisme aortique
Jours sans   Jours avec
9897 jours   330 jours
Pression atmosphérique (hectopascal) Moy SD p Moy SD OR IC 95 %
MOYENNE JOURNALIÈRE
Moyenne du mois précédent 1017,19 4,67 0,005 1016,46 4,54 0,967 [0,944-0,990]
MAXIMALE JOURNALIÈRE
La plus haute du mois précédent 1031,68 5,22 0,002 1030,77 5,06 0,966 [0,945-0,988]
Moyenne du mois précédent 1020,17 4,41 0,003 1019,44 4,2 0,962 [0,938-0,987]

 

L’analyse des valeurs absolues de PA montre que ces pressions sont significativement plus basses les jours avec DA par rapport aux jours sans DA. Ceci est bien marqué avec les valeurs minimales journalières suggérant que les jours avec dépressions atmosphériques (et même les dépressions sur les quelques jours précédant le jour de survenue de DA) représentent un risque accru de DA, comme montré par la figure 5. En outre, l’analyse des variations dynamiques des PA révèle que le différentiel journalier ainsi que la variabilité journalière de ces pressions sont significativement plus importants les semaines et le mois précédant immédiatement les jours avec survenue de DA et donc augmentent significativement le risque de survenue de cet évènement comme montré pour la moyenne mensuelle des variabilités journalières [figure 6].

 

Figure 5. Influence des pressions atmosphériques (PA) minimales journalières sur la survenue de dissections aortiques (DA).
Figure 6. Influence de la variabilité des pressions atmosphériques (PA) journalières sur la survenue de dissections aortiques (DA). Ici exprimée en moyenne mensuelle du mois précédant la DA.

 

Par ailleurs, les jours avec RAA n’ont pas montré de différence significative en termes de valeurs basses de PA journalières ou mensuelles en comparant aux jours sans RAA, mais de façon intéressante, les valeurs maximales de PA étaient significativement différentes et réduisaient le risque de survenue de RAA comme montré en figure 7. De plus, il est aussi à noter que cette différence ne concernait pas le jour de rupture ni même les quelques jours précédant ce jour mais plutôt le mois d’avant (moyenne mensuelle des PA-maximales journalières). Enfin, les variations dynamiques comme la différence journalière ainsi que la variabilité journalière étaient comparables entre les jours avec et les jours sans RAA.

 

Figure 7. Influence des pressions atmosphériques (PA) maximales journalières sur la survenue de rupture d’anévrisme aortique (RAA). Ici exprimée en moyenne mensuelle du mois précédant la RAA.

 

4. Discussion

Le caractère saisonnier des accidents aortiques non traumatiques majeurs a été évoqué dans le passé, même si les auteurs ont utilisé des méthodologies différentes et que les régions géographiques étudiées étaient également différentes rendant toute comparaison difficile entre ces études et la nôtre.

Concernant la survenue de dissections aortiques, les études précédentes étaient plutôt unanimes sur le caractère hivernal de cette pathologie avec un pic en hiver et peu d’évènements en été [1-3]. Pour certains, l’incidence en janvier était le triple de celle enregistrée au mois d’août [1]. Les auteurs du Registre international des dissections aortiques aigues (IRAD : International Registry of Acute Aortic Dissections) qui répertoriait 15 centres de régions géographiques diverses ont même stipulé que ce pic hivernal était indépendant des différentes conditions climatiques [2]. Même si nous n’avons pas pu démontrer de différences saisonnières ou mensuelles significatives, nos incidences hivernales et printanières élevées et notre creux estival étaient cohérents avec les incidences rapportées dans les précédentes études.

Le caractère saisonnier des RAA a été quant à lui beaucoup plus débattu dans la littérature, même si la plupart des séries retrouvaient une distribution similaire à celle des DA.

Talbot et al. [4] ont été les premiers à suggérer en 1972 un pic hivernal. Dans une large revue de certificats de décès sur une période de cinq ans en Angleterre et dans le Pays de Galles, Ballaro et al. [5] ont démontré les mêmes résultats avec un pic hivernal significatif et un creux estival mais n’ont pas fourni d’informations sur les pressions atmosphériques pour rechercher une éventuelle causalité sur la survenue de RAA. Ces résultats ont été confirmés par beaucoup d’autres par la suite [6-9] et une vaste et récente revue de littérature a même établi que les pics d’incidence survenaient volontiers en hiver, en décembre, les lundis et dans la deuxième partie de la matinée entre 6h du matin et midi [10]. Cependant, pour certains auteurs, ce pic survenait plutôt en automne [11,12] et parfois au printemps et automne [13,14]. Nos résultats ne sont pas similaires à cette distribution. Nous n’avons pas trouvé de pic saisonnier significatif, voire même plutôt une tendance à une distribution inverse avec le plus grand nombre d’évènements en été et le plus bas en hiver. Cette absence de saisonnalité a aussi été revendiquée par une étude canadienne [15] évaluant un large échantillon (2373 cas) sur une longue période, avec des moyens statistiques plus élaborés, utilisant les échelles temporelles mais sans possibilité de retrouver ce caractère saisonnier, malgré des conditions météorologiques extrêmes que ce soit en hiver ou en été, là encore la relation avec la pression atmosphérique n’a pas été étudiée.

Il peut être trompeur de comparer les distributions saisonnières entre les différentes publications en raison de la diversité des conditions météorologiques d’une région à une autre. Même si l’ordre conventionnel des saisons et des mois est le même à travers le monde, ce qui caractérise chaque saison en termes de paramètres météorologiques spécifiques peut varier d’une région à une autre. Pour cette raison nous ne pensons pas qu’une association entre paramètres climatiques et incidence d’évènements aortiques majeurs doit être corrélée au rythme saisonnier. Par contre, la pression atmosphérique, la température ambiante et d’autres paramètres météorologiques pouvant avoir un impact sur notre biologie devraient donner un meilleur aperçu sur le déclenchement de beaucoup de pathologies cardiovasculaires.

Les données de la littérature étudiant l’influence de la pression atmosphérique sur les évènements aortiques majeurs ne sont pas consensuelles. Cette influence sur la DA a été très peu étudiée. Les moyennes des PA maximales ont été positivement corrélées à la DA dans les climats subtropicaux de Chine [16,17] et d’Istanbul [18], alors que cette association n’était pas aussi évidente dans une autre étude chinoise [19], ni au Royaume-Uni [20] ou en Europe du Nord [21].

L’influence de la PA sur les RAA a été étudiée plus en détail. Certains auteurs n’ont pas réussi à la démontrer [12,22,23] et uniquement une seule étude  a trouvé une corrélation positive entre l’incidence des RAA et des PA hautes [6]. De façon intéressante, cette conclusion provient d’une étude multi-institutionnelle française (mais n’incluant pas notre centre) retrouvant que la moyenne des maximales mensuelles du mois précédant l’évènement avait une corrélation persistante avec l’incidence des RAA contrastant avec toute la littérature sur le sujet. En effet, tout ce qui est publié par ailleurs retrouve plutôt un rôle des basses PA comme facteur de risque. Le travail de Bown et al. [7] a été le premier à identifier un lien entre basses PA et incidence de RAA. Dans une analyse mensuelle, le nombre de RAA pour un mois donné et la moyenne des PA du mois précédant étaient inversement liés. Cependant, ni le minimum, maximum ou moyenne journalière ni même la variabilité quotidienne n’étaient significativement différents entre les jours d’admission de RAA et les jours sans admission. Ces constatations ont été reproduites par d’autres auteurs [8,13,24] et cette association était constante malgré différents profils climatiques avec des PA encore plus basses [8]. De plus, certains auteurs [13,25] ont démontré dans une analyse de valeurs journalières que les PA étaient significativement plus basses les jours de RAA par rapport aux jours sans RAA.

Il est à noter que tous les précédents rapports ont uniquement analysé les valeurs absolues de PA à des instants donnés considérant que ces valeurs étaient invariables d’une année à une autre, d’un mois à un autre, d’un jour à un autre et même d’une heure à une autre. En réalité, ces pressions sont hautement dynamiques et l’unique traitement des valeurs absolues sans prendre en compte le caractère variable et changeant de ces mesures peut faire manquer l’influence de ce même caractère dynamique sur la survenue de ces évènements. Très peu d’auteurs [8,23] ont cherché l’influence de ces variations relatives des PA et une seule étude a retrouvé une plus grande variabilité des PA journalières les jours d’admission de RAA [8].

Le rôle de l’HTA dans la genèse des RAA a été largement reporté. La taille de l’anévrisme, le tabagisme, la présence d’une HTA ou d’une bronchopneumopathie chronique obstructive ont tous été identifiés comme facteurs de risque potentiels de RAA [26]. Même si une exposition active ou passive au tabac dans des espaces intérieurs ainsi qu’une exacerbation d’une bronchopneumopathie chronique obstructive sont volontiers l’apanage des saisons froides, une variation saisonnière en pression artérielle avec des pics hivernaux a été démontrée aussi bien chez des individus hypertendus [27] que chez des individus normotendus [28]. La majorité des études disponibles  indiquent une plus grande incidence des DA et des RAA au cours des mois hivernaux.

En premier lieu, les effets des basses températures sur l’HTA sont bien connus : les pressions artérielles présentent un pic en hiver, indépendamment du statut hypertensif ou non du patient. L’étude thérapeutique conduite par le conseil de recherche médicale du Royaume-Uni sur l’HTA modérée a démontré une variation saisonnière de la pression artérielle [27]. La chute des températures ambiantes entraînait une augmentation de pressions artérielles, probablement parce que pendant les mois chauds d’été, l’HTA est mieux régulée par transpiration et vasodilatation alors que pendant les mois froids d’hiver, la vasoconstriction induite par le système sympathique augmente la pression artérielle [29]. En plus, les seuls paramètres physiologiques directement influencés par la pression atmosphérique sont les gaz du sang artériels [30], particulièrement la PO2, ce qui peut causer une hypoxie avec stimulation des chémorécepteurs et donc du système sympathique entraînant une augmentation de la pression artérielle systolique [7]. Une augmentation de cette pression systolique a aussi été démontrée dans des expériences d’hypothermies de surface induites et a été identifiée comme une réponse à la vasoconstriction périphérique. Tous ces mécanismes ne produisent pas un effet similaire sur la pression artérielle diastolique qui reste au même niveau avec, comme conséquence, une augmentation de l’amplitude du différentiel [31]. La force résultante agit sur la déformation de la paroi artérielle et augmente la friction et le sheer stress sur la paroi vasculaire causant dissections et ruptures [32]. Ces variations saisonnières de la pression artérielle peuvent expliquer la saisonnalité des DA et des RAA. L’HTA est, selon une analyse multivariée de Cronenwett [26], l’un des trois prédicteurs indépendants de RAA. En plus de l’analyse des valeurs absolues, un rôle particulier a été attribué aux conséquences des variations rapides de pression artérielle sur la paroi artérielle [33]. Ceci suit aussi la logique selon laquelle les variations de pression artérielle peuvent être un déterminant à part entière de lésions vasculaires indépendamment de la pression artérielle moyenne journalière [34].

La pathogénie des RAA implique une interaction complexe de facteurs qui fragilisent la paroi aortique en y augmentant la contrainte exercée [5,35]. Le modèle traditionnel de prédiction des RAA basé sur le diamètre aortique dérive directement de la loi de Laplace : la tension circonférentielle sur la paroi aortique est une fonction linéaire du diamètre aortique et du gradient de pression artérielle de part et d’autre de la paroi aortique (lequel dépend de la pression artérielle intraluminale et de la pression extraluminale opposée). Des modifications de PA peuvent augmenter le stress transmural en abaissant transitoirement la pression extraluminale (pression atmosphérique) par rapport à la pression artérielle, ce qui a pour résultat d’engendrer une force expansive nette de l’intérieur, entraînant une augmentation de tension sur cette paroi [25], précipitant la rupture d’une paroi anévrismale fragile [13] et aidant probablement à l’augmentation de taille d’un anévrisme existant. La rupture d’anévrisme aortique se produit alors quand la contrainte mécanique agissant sur la paroi artérielle excède la résistance de cette paroi [36], entraînant sa rupture. Il a été suggéré [24] que la saisonnalité des RAA puisse être une conséquence des fluctuations saisonnières des PA, lesquelles peuvent augmenter indirectement la tension exercée sur les parois artérielles en créant un différentiel de pression importante à travers ces parois.

Même si nous n’avons pas démontré que les PA basses étaient responsables des RAA, il était clair pour nous que les valeurs hautes de PA étaient protectrices contre une RAA, probablement en s’opposant mieux à la pression artérielle, ce qui a pour effet de baisser le gradient de pression et la contrainte sur la paroi aortique. Il est également tentant de suggérer que ces valeurs hautes de PA puissent aussi lutter contre l’augmentation de taille d’un anévrisme (qui évolue plus tard vers sa rupture) par le même mécanisme, mais cela reste encore à démontrer. Toutefois, la pression artérielle a déjà été corrélée de façon positive à l’augmentation de taille des anévrismes [37], il est donc légitime de penser que les pressions atmosphériques hautes qui s’opposent à la pression artérielle puissent volontiers protéger contre l’augmentation de taille des anévrismes et leur rupture ultérieure. De façon intéressante, on note également que le fait que les RAA soient en général le résultat d’une évolution chronique d’un anévrisme, c’est un profil de hautes PA mensuelles plutôt que journalières qui ressortait comme étant plus protecteur dans notre analyse.

Concernant les dissections aortiques, les PA hautes n’étaient pas statistiquement significativement protectrices (OR = 0,992 ; p = 0,057) contre le risque de DA, comme c’était le cas pour les RAA, par contre les PA basses étaient plus particulièrement associées avec la survenue de DA et donc de déchirure intimale, probablement en permettant aux à-coups hypertensifs ou impulsions de la pression artérielle d’être plus agressifs avec la paroi intimale. Ce concept d’impulsions artérielles nuisibles peut s’expliquer par la variabilité des pressions atmosphériques, laquelle permet à la différentielle de pression artérielle et donc à la force de ces impulsions de varier également.

La différence journalière dans les PA peut signifier la différence entre la valeur minimale et maximale du jour avec une évolution lente et progressive entre ces deux valeurs, comparable à l’atterrissage d’un avion, mais ces variations entre les valeurs minimum et maximum peuvent aussi se produire par plusieurs augmentations et diminutions brusques et successives, qu’il est aussi important de considérer en additionnant les valeurs absolues des variations horaires d’une même journée (variabilité journalière). De la même façon que les turbulences lors d’un atterrissage d’avion peuvent être particulièrement désagréables, les multiples variations journalières de la PA peuvent aussi être nuisibles. Ceci a pu être illustré dans la présente étude par l’influence de la différentielle journalière de PA et de façon encore plus marquante par la variabilité journalière des PA sur la survenue de DA.

L’HTA est bel et bien une variable discontinue avec un statut oui/non dans notre base de données. Cependant, même s’il n’était pas possible de la quantifier, nous avons supposé que cette pathologie chronique n’était pas une pathologie on/off mais plutôt la résultante d’une évolution progressive avec des degrés divers de gravité de la pathologie ainsi que de sa prise en charge. Certes il n’était pas possible de la quantifier mais la réalité ressemble plutôt à ce cas de figure, raison pour laquelle nous avons considéré cette variable comme étant continue statistiquement afin d’avoir un visuel graphique entre une personne complètement indemne de cette pathologie et une autre chez laquelle le statut hypertendu est le pire possible (HTA ancienne voire non traitée).

Nous avons retrouvé qu’une HTA non connue était un facteur important influençant la mortalité suivant une DA ou une RAA. Deux explications différentes peuvent se concevoir. Ou les patients étaient réellement hypertendus mais non encore diagnostiqués et donc pas encore traités, permettant aux grands pics tensionnels d’entraîner des dissections et des ruptures aortiques massives, ou bien les patients n’étaient pas réellement hypertendus et de grands pics tensionnels, généralement dus à une stimulation massive du système sympathique, ont entraîné une DA ou RAA largement étendues. Par ailleurs, nous pouvons également comprendre que même s’il est évident que les grands pics tensionnels soient d’importants déclencheurs de ces évènements, le statut connu d’HTA est en soi un facteur très important protégeant contre le décès suivant ces évènements aortiques majeurs. Ceci est certainement rendu possible par un meilleur contrôle de la pression artérielle mais sachant le rôle d’une paroi aortique solide dans la résistance aux grands pics tensionnels et aux grands gradients à travers la paroi aortique, il est possible de suggérer qu’une paroi fibrotique et calcifiée, conséquence d’une HTA chronique, permettra une extension moindre de la déchirure initiale suivant une DA ou une RAA, limitant la perte sanguine, le choc hémorragique et le taux de décès chez ces patients. Il a été montré que les patients présentant une RAA avec une histoire d’HTA connue étaient admis sur des jours avec des PA plus basses que pour ceux qui n’avaient pas d’HTA connue [13]. On peut alors penser que de plus basses pressions atmosphériques étaient nécessaires pour permettre à de plus grandes pressions artérielles (individus hypertendus) de causer des lésions de rupture dans des parois aortiques plus rigides et plus calcifiées que celles des sujets non hypertendus. Il est à noter que les pics hivernaux de DA et de RAA survenaient plus volontiers chez des sujets plus jeunes [1,2] et sans HTA connue [2]. Il est peut-être possible de déduire que des variabilités plus importantes en pressions atmosphériques et en pressions artérielles durant cette saison sont plus nuisibles sur des aortes moins athéromateuses et moins calcifiées retrouvées chez ces sujets jeunes et non hypertendus.

Le concept de chronoépidémiologie et de chronothérapeutique a déjà été décrit [9]. Même si cela n’est pas encore familier dans la communauté médicale, la reconnaissance d’un « chronorisque » clairement identifié pour les DA et les RAA devrait nous pousser à augmenter notre vigilance afin d’assurer la protection anti-hypertensive la plus optimale possible durant ces périodes de risque. Il semble que les mécanismes de défense contre ces pathologies ne permettent pas d’assurer le même degré de protection à travers tous les instants de l’année et de la journée offrant, pendant des périodes de susceptibilités, en particulier durant les mois hivernaux, la possibilité à de multiples facteurs de risque de déclencher ces évènements aortiques majeurs expliquant la notion de chronorisque [38].

S’agissant de la DA, la mortalité globale n’est pas affectée par les rythmes chronobiologiques [39], ce qui laisse croire qu’une fois que la dissection survient, la mortalité dépend de facteurs cliniques et anatomiques plutôt que du facteur déclenchant lui-même. Nous avons pu montrer dans notre étude que cette mortalité était fortement influencée par un statut d’HTA absente ou non diagnostiquée.

S’agissant des RAA, il est possible que les thérapeutiques anti-hypertensives puissent être suffisantes pour émousser les petites poussées saisonnières responsables du sheer stress qui s’applique sur l’aorte mais ne sont pas suffisantes pour juguler de façon satisfaisante les effets négatifs des variations diurnes de ces forces sur les aortes des patients  hypertendus.

Manfredini et al. ont revu les effets et les efficacités des différents traitements anti-hypertensifs sur la prévention des évènements aortiques majeurs [38] recommandant une protection anti-hypertensive agressive et efficace sur la totalité des 24h, tout en reconnaissant que cet objectif n’était pas toujours facile à atteindre. En effet, l’utilisation de molécules à courte durée d’action entraîne l’apparition de pics et de creux substantiels dans la concentration de la molécule à travers les 24h, ce qui peut entraîner de larges fluctuations dans la pression artérielle. En outre, l’utilisation en monoprise de molécules à libération prolongée ne permet pas de suivre les variations physiologiques journalières de la pression artérielle et la concentration peut s’avérer faible aux moments les plus vulnérables de la journée. De plus, les inhibiteurs calciques, largement utilisés dans le passé pour le traitement des DA, sont actuellement évités en raison d’un supposé rôle dans la survenue de RAA par augmentation de la rigidité des parois aortiques [40]. Les bétabloquants sont à ce jour le traitement anti-hypertensif de choix car ils contrôlent mieux le pic matinal en pression artérielle, ce qui devrait assurer un bénéfice maximal durant cette partie de la journée de vulnérabilité particulière. En plus, l’augmentation de taille des anévrismes a aussi été rattachée à l’HTA [37] et il a été suggéré que le traitement de l’HTA avec bétabloquants pouvait inhiber l’augmentation de taille des anévrismes [41].

Une implication supplémentaire du supposé lien entre pression atmosphérique et évènements aortiques majeurs concernerait les voyages aériens [25]. Les changements de pression dans la cabine durant le vol peuvent constituer un excellent modèle pour étudier l’augmentation du risque de survenue de ces évènements, mais aucune étude n’a été conduite jusqu’à ce jour hormis un cas isolé d’une RAA immédiatement après un vol de courte distance impliquant le copilote [42]. Extrapolant le rôle des PA sur la survenue de RAA, les patients avec d’importants anévrismes aortiques devraient éviter les voyages aériens jusqu’à la cure de leur anévrisme [8], à moins que l’on considère que l’influence des PA sur le déclenchement des RAA nécessite plus de temps que celui d’un simple voyage en avion pour être effective. Par contre, les DA sont des évènements aigus et leur rapatriement jusqu’au centre hospitalier devant les traiter devrait être évité par voie aérienne.

 

5. Conclusion

Il n’est pas encore évident de saisir toute l’étendue de l’influence des pressions atmosphériques et de facteurs saisonniers sur le risque de DA et de RAA. À la lumière des constatations de notre analyse, la prévention peut trouver sa place dans notre pratique par un meilleur contrôle des pressions artérielles chez les personnes hypertendus, surtout aux moments les plus vulnérables, ainsi qu’en améliorant le dépistage de l’HTA dans la population générale. De plus, la connaissance de l’existence d’un anévrisme aortique doit faire discuter une cure élective en prenant en considération les tendances météorologiques locales ainsi que la sévérité de l’HTA et l’efficacité de son contrôle, en plus de la taille de l’anévrisme. Enfin, il est intéressant d’étudier l’évolution des dimensions des anévrismes aortiques en rapport avec les valeurs absolues et variabilités de PA dans la même région et à la même période pour évaluer l’influence réelle de la pression atmosphérique sur l’augmentation de la taille des anévrismes en fonction du statut hypertensif du patient.

 

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Conflit d’intérêt : aucun. / Conflict of interest statement: none declared.

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Date de soumission : 19/09/2017. Acceptation : 30/01/2018.