Chirurgie cardiaque · Vol. 20 Juin 2016

Commentaire invité sur « Impact de la chirurgie cardiaque réalisée par un interne sous la supervision d’un chirurgien senior sur les résultats précoces »

juin 3, 2016
Auteur correspondant : Bernard Kreitmann

Bernard Kreitmann, directeur adjoint du Collège français de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire

 

La réforme du 3e cycle des études médicales, que l’on nous annonce depuis longtemps, sera probablement mise en application à compter de la rentrée universitaire de 2017. Sous réserve de modifications imprévues et non souhaitées, il y aura un DES de chirurgie thoracique et cardiovasculaire. Les travaux actuels, menés par le Pr Schlemmer, faisant suite à bien d’autres (dont ceux des Pr Couraud et Pruvot, qui doivent être remerciés pour tout ce qu’ils ont fait) se concentrent sur la durée des formations et l’articulation entre l’internat et le postinternat. Il est intéressant de noter l’apparition, voire même la mise en exergue, de la notion de « compétences » dans ces textes préparatoires. Ainsi on trouve, au fil de la lecture des documents de travail actuels les phrases suivantes : « mise en place de l’évaluation de l’acquisition progressive des compétences », ou bien « la reconnaissance de l’acquisition des compétences nécessaires à [tel ou tel exercice] devra se faire par la certification d’un exercice dans ce cadre [du postinternat] ».

La compétence est une combinaison de connaissance, savoir-faire, expérience et comportement s’exerçant dans un contexte précis. Elle se constate lors de la mise en œuvre en situation à partir de laquelle elle est validable. C’est donc aux chirurgiens seniors tel qu’ils sont définis dans le passionnant article publié ci-dessus qu’il appartient de la repérer, de l’évaluer, de la valider et de la faire évoluer. Ce travail remarquable réalisé par l’équipe du CHU de Strasbourg vient donc au bon moment nous situer dans notre rôle de formateurs et de passeurs de compétence, en étudiant cette notion de mise en situation dans son sens le plus noble : une intervention à cœur ouvert menée à bien de bout en bout. Ses résultats sont intéressants et les éléments développés dans la discussion font partie de nos bases de réflexion.

Remarquons aussi ce qui s’inscrit entre les lignes : dans un excellent service hospitalo-universitaire, en 6 ans, 136 interventions (représentant 2,2 % des actes effectués) ont été menées de bout en bout par un interne. En schématisant à l’extrême, cela fait 2 par mois, 12 par semestre, dans un service où il y a 3 postes d’internes DES/DESC ouverts. C’est à la fois beaucoup et très peu. Cela est à intégrer dans nos réflexions sur ces formations plus courtes et ciblées (type « integrated pathways » américaines) et sur les modifications nécessaires de nos démarches d’accompagnement. Cela doit aussi nous aider à rester clairs dans nos propositions de maquettes de formation et dans notre position sur la formation postinternat.

Plus généralement, on se doit de remercier l’équipe de Strasbourg, et surtout d’encourager toutes les équipes françaises à travailler et à publier les résultats de leurs recherches dans ce domaine de la pédagogie du 3e cycle. Dans notre métier, plus que dans tout autre, nous apprenons et nous enseignons en parallèle toute notre vie. À partir d’un certain âge, pour un patient que nous opérons nous-même, il y en a des dizaines qui sont opérés par ceux que nous avons formés. Cette partie de notre activité est aussi une compétence, qui doit être repérée, évaluée et développée. Le travail ici publié, comme ceux, trop rares, d’autres équipes françaises, montre une évolution vers cette démarche de repérage et d’évaluation. Nous espérons, et nous souhaitons, qu’il en suscite bien d’autres.